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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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4) Une rencontre avec soi

Parmi toutes les rencontres mentionnées, elle est celle qui est déterminante et qui se trouve être au coeur du récit. Elle initie toute la dynamique de Bardamu et explique son parcours. Comme cela a été dit précédemment Bardamu cherche à comprendre le monde dans lequel il évolue. Certains personnages du roman du reste parviennent à transmettre cela aux lecteurs ayant pu parfaitement percer à jour le mystère de la quête menée par le narrateur, c'est le cas de Molly qui sent qu'elle ne peut retenir Bardamu animé par l'absolu: « Vous en êtes comme malade de votre désir d'en savoir toujours davantage...44 » et par conséquent le besoin de vivre à la marge: « Enfin, ça doit être votre chemin à vous...Par là, tout seul...C'est le voyageur solitaire qui va le plus loin45... ». C'est le cas également de Baryton, personnage responsable de l'asile rencontré à la fin du récit, qui est fasciné par les voyages de Bardamu, rêvant de vivre les mêmes expériences se plaçant ainsi du côté de ceux qui souhaitent se heurter au monde, l'appréhender. Toutefois cette quête serait vaine si elle n'était pas aiguillonnée par celle de la connaissance de soi, connaissance rendue possible et facilitée par l'exercice du voyage. Seul le voyage détache l'homme de son quotidien qui l'ensable et ainsi le projette en lui-même grâce à l'instabilité provoquée par son nouveau statut d'étranger. Au-delà des horizons lointains, ce serait là l'essence même de la dynamique de Bardamu comme le rappelle Godard dans un article issu d' Une grande génération traitant du voyage dans l'oeuvre de Céline : « [...]le voyage est pour lui expérience intime au moins autant que regard porté sur le monde et sur d'autres hommes46. ». A nouveau Bardamu, et contrairement au sentiment de Montaigne, ne se connait pas mieux au contact de l'étranger mais doit infailliblement vivre comme un étranger pour se révéler à lui-même et comprendre les ressorts de l'esprit humain. C'est le cas aux États-Unis où au contact d'un autre milieu Bardamu se place dans une démarche auto-réflexive à visée universelle: « C'est cela l'exil, l'étranger, cette inexorable observation de l'existence telle qu'elle est vraiment pendant ces quelques heures lucides, exceptionnelles dans la trame du temps humain, où les habitudes du pays précédent vous abandonnent, sans que les autres, les nouvelles, vous aient encore suffisamment abruti47. ». Cet extrait est intéressant car il met en valeur les qualités du transitoire, du passage ou de l'interstice et peut en cela être mis en relation avec la traversée lors d'un voyage, intervalle libre entre deux contrées comme celle sur l'Infanta Combitta qui fut un moment de pause et de sérénité. Ainsi le voyage recouvre une nouvelle vigueur, celle engendrée par sa dimension métaphysique fondée sur une connaissance efficiente de l'être afin de percevoir au mieux le monde comme le rappelle à nouveau Godard dans le même texte: « Sortir de son pays[...]ce sera d'abord découvrir une vérité de soi-même et de l'homme en soi. Non pas seulement

44 Ibid, p.235.

45 Ibid, p.235.

46 op.cit., p.47.

47 op.cit., p.214.

retrouver un oeil neuf, le pouvoir de s'étonner, mais, un bref moment, la vraie conscience de sa situation dans l'univers48. ». Peu après Godard précise qu'à la simple découverte se superpose « une dimension métaphysique ». Cependant cette brèche qu'est le voyage dans l'obscurcissement du quotidien peut s'avérer aussi usante et ne connait qu'un temps, celui des doutes que le narrateur a sur le monde et qui lui donnent cette appétence. C'est ensuite le règne de la résignation, la fin du voyage: « T'en veux donc encore des voyages?-J' veux rentrer en France que je lui dis, j'en ai assez vu comme ça, t'as raison, ça va... 49». Le narrateur en a t'-il trop vu ou s'est-il rendu compte de l'évanescence de sa recherche, insaisissable? Quoi qu'il en soit pour Céline écrivain, le voyage, hormis le fait de favoriser les rencontres et de développer son propre panoptique, nourrit l'homme, l'équilibre et l'innerve ainsi que le souligne cette lettre à Eugène Dabit en 1935: « Si on échoue, c'est qu'il vous a manqué quelque chose, délire, travail, repos, plaisir, sexe, épreuves?Quelque chose. Voyages?50 ». La littérature est donc redevable de la force que lui procure le voyage, en outre l'une comme l'autre sont animés également par cette recherche et cet absolu. Il convient donc d'observer de plus près les liens entre ces deux pratiques gémellaires où le travail d'écriture prolonge les éclats des jaillissements de l'imaginaire.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery