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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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C) NAISSANCE DU TRAVAIL LITTERAIRE

1) L'envoûtement de la langue

Cette dernière partie de cet axe consistant à démontrer que chez Céline le voyage parvient à recouvrir partiellement des qualités maintes fois mises en valeur par de nombreux écrivains qui furent ses prédécesseurs répondra ici à un postulat précis: les passages de récits de voyage entre autres sont écrits à l'image de ce que le voyage a apporté, semé comme force à l'auteur. Le voyage est un formidable levier littéraire, il vivifie l'imaginaire et cela se traduit sous la forme d'une nouvelle langue revitalisée. Ainsi se constitue en aval de l'expérience du voyage une réaction en chaîne selon laquelle le choc fondateur avec une langue étrangère électrise l'imaginaire qui engendre le désir de voyager et comprendre qui lui-même engendre l'impérieuse nécessité d'écrire et de transmettre ses visions et son approche au monde. Intéressons-nous dans un premier temps à la première articulation du mécanisme cité plus haut, à savoir le lien entre la langue et l'imaginaire. A de nombreuses reprises le jeune Ferdinand dans Mort à crédit souligne à quel point la musique de la langue anglaise l'enchante et crée chez lui une sorte de langueur et de rêve que le climat féérique déjà étudié participe également à développer. Voici les propos qu'il tient à cet effet en entendant Nora parler: « Ce qui m'occupait dans son anglais c'était la musique, comme ça venait danser

48 op.cit., p.47.

49 op.cit., p.233.

50 L.F. Céline à Dabit, notice de Mort à crédit, La Pléiade, t I.

autour, au milieu des flammes.[...].Je vivais gâteux, je me laissais ensorceler51. ». La langue est un sortilège qui ravit Ferdinand et au-delà fige dans son esprit la représentation qu'il se fait de l'Angleterre. Ainsi la langue est un aiguillon qui conditionne notre rapport au monde. Pour le narrateur, à cet instant, sous les effets de la langue, du climat et de Nora tout semble féérique, lointain. Pour Annie Montaut dont l'étude est présente dans les actes du colloque 1976 sur l'oeuvre de Céline (cité dans la bibliographie) le passage de l'Angleterre est riche d'enseignements. Ce séjour est celui de la beauté gratuite, de l'absolu en opposition avec les motivations prosaïques et commerciales qui l'ont initié. Tout cela est crée par la langue et la relation de Ferdinand avec celleci est des plus significatives. Toujours selon Montaut le mutisme du narrateur face aux douces injonctions du couple responsable de la pension marque à nouveau le choix de conserver son identité d'étranger là où la pratique de la langue engendrerait un processus d'assimilation par le biais de la relation. En outre ce mutisme a comme conséquence le fait d'appréhender les autres par l'instinct et non la logique d'un discours rationnel, utilitaire. L'instinct est du côté du rêve, du merveilleux, voici un extrait illustrant cette idée lorsque le narrateur tout juste arrivé décrit la fête de la ville: « Tout ça parlait en animaux...avec des énormes aboiements et des renvois de travers ...C'étaient des chiens, des tigres, des loups, des morpions... 52». Ici la dimension merveilleuse est la preuve de l'impact sur l'imaginaire du recours à l'instinct animal. Afin de prolonger la thèse de Montaut nous pouvons relever le fait que Ferdinand à ce moment du récit ne semble animé et mu que par les sollicitations de ses instincts et de son corps: nourriture et sexualité rejetant par là même ses aptitudes propres à la civilisation: communication, éducation. Il semble que ses expériences antérieures dans le commerce où il fut victime du mensonge et de la trahison l'aient alors écoeuré de toute relation civilisée. A noter encore que pour Céline l'instinct animal possède une finesse et une poésie qui s'opposent à la lourdeur des hommes, il suffit pour s 'en convaincre de lire les pages consacrées à ses animaux comme la chienne Betty ou le chat Bébert évoquées par Vitoux dans son livre Bébert, le chat de Louis-Ferdinand Céline. Ainsi l'instinct est du côté du langage pur, magique, celui-là même que Céline veille à créer pour ensorceler à son tour le lecteur. A l'échelle de son oeuvre nous pourrions affirmer que, par le truchement de la transposition, le passage de l'Angleterre illustre la relation qu'entretient l'auteur avec la langue et les origines de son écriture si particulière puisque ce dernier a connu, enfant, ces expériences de séjour linguistique. Le voyage est cette impulsion qui sensibilise l'esprit de l'homme aux sirènes de la langue. Inversement les sirènes de la langue favorisent le goût de voyager et de découvrir le monde, électrisent l'imaginaire et animent les esprits comme celui du personnage Baryton dans le premier roman qui rompt avec son insipide quotidien et part sur les routes dès lors qu'il apprend la langue et la littérature anglaises. Cet autre exemple montre que la langue étrangère peut être non plus un moyen de voir le monde en

rêve comme Ferdinand mais le moteur d'un impérieux et ardent désir de circonvenir le monde tel qu'il est et selon ce qu'il renferme. L'imaginaire ainsi vivifié se traduit par le voyage, ce dernier se prolongera par la nécessité de verbaliser son expérience par l'écriture, de la sublimer et de l'inscrire dans la postérité.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard