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La métaphore du voyage, quête et subversion de la quête chez Louis-Ferdinand Céline

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par Franck Macé
Université Paris Sorbonne - Master 1 2008
  

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3) Le brouillage de l'énonciation

Si comme nous l'avons vu il n'existe plus de cloison étanche entre le récit et le discours dans l'oeuvre de Céline il est d'autres cloisons qui disparaissent, celles existant entre les différentes voix. Ces dernières se mêlent les unes aux autres installant une polyphonie assourdissante avec comme conséquence majeure de briser la reproduction mimétique et au-delà de concentrer toutes les voix sous la coupe de l'une annihilant ainsi toute pluralité de discours. C'est sur ce point que porte l'étude de Danièle Racelle-Latin à l'aune des discours tenus par des personnages secondaires dont les paroles sont imprégnées fortement du style narratif argotique et ce en contradiction totale avec toute logique socio-linguistique. C'est selon l'auteur un trait ironique ici, une marque de caricature de leur propre discours mais au-delà ne peut-on pas penser que cet effet de ventriloquie, consistant pour Bardamu à souffler ses propres mots et par conséquent sa vision du monde aux autres personnages, est une volonté de capturer les paroles divergentes et de les réduire à néant dans une visée totalitaire? La voix de Bardamu englobant toutes les autres est une voix totalitaire qui a comme effet de lisser les différences, un fait que l'auteur de l'étude a observé et analyse ainsi: « [...]Bardamu et Robinson, Princhard et Baryton, les principaux « orateurs » du roman, semblent bien prononcer le même discours interchangeable95.». Une autre polyphonie marque de son empreinte l'énonciation du premier roman s'articulant autour du « je » et du rapport entre narrateur et auteur. On le sait les romans de Céline sont des transpositions de ses expériences personnelles et par la suite, à partir de Mort à crédit, le « je » sera clairement identifié comme la voix de l'auteur portant même le prénom de Ferdinand. Qu'en est-il pour Bardamu? Dans le premier roman l'origine des voix est plus floue et aucun indice patronymique ne laisse supposer que le « je » est en fait Céline. Toutefois d'autres éléments le laissent croire à l'image de l'expression et de l'observation des faits par Bardamu dès le début du roman nourries par l'expérience médicale alors

94 Danièle Racelle-Latin , Le « Voyage au bout de la nuit » de Céline, roman de la subversion et subversion du roman, Bruxelles, Palais des Académies, 1988, p.151.

95 Ibid, p.152.

que ce dernier n'est alors que « carabin », c'est à dire étudiant en médecine. En outre la présence fréquente de références littéraires dans la bouche du narrateur semble être davantage l'expression du goût de Céline, connu pour être un grand lecteur, que de Bardamu, certes étudiant mais sans intérêt pour la culture ni le savoir. Cette ambiguïté énonciative reflète celle, plus large, du genre littéraire, lequel mêle fiction et expérience réelle et que Godard a analysé comme « roman-autobiographie ». Ce « soupçon », au sens de Sarraute, participe à faire en sorte que finalement ce soit la voix de Céline qui confisque l'ensemble des paroles tenues afin de salir les discours et de montrer toute la vulgarité et la laideur du monde, bref de dévoiler l'envers du monde. Ainsi toute cette exploration motivée par une impérieuse rupture avec la littérature passée aboutit à l'avènement d'un style, à la découverte d'une nouvelle écriture littéraire caractérisée par la percussion voire la violence de la vocifération mais aussi, nous l'avons vu, la « concentration énonciative ». Cette violence dissimulée sous l'humour de la satire ou la force de l'émotion est une arme redoutable capable d'électriser à la fois les mots et les idées, même les plus funestes, et par conséquent un auditoire prisonnier des charmes du style. Ce dernier, fruit de la quête menée par Céline, a interrogé et interroge encore les lecteurs et la critique, il demeure un élément polarisant et qui clive sans conteste les amateurs de littérature. Il sera au centre de la dispute, empoigné par toutes les parties; le destin de cet instrument littéraire nouveau sera par la suite d'être instrumentalisé afin de nourrir le débat autour de Céline et de son oeuvre haineuse où il sera ,quel que soit le point de vue, vu comme la source du problème.

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