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Comment réussir sa transmission/reprise de petite entreprise de façon pérenne ?

( Télécharger le fichier original )
par Jean-Louis Mourot
Université Catholique de Lille (Iéseg Lille) - Master  2009
  

Disponible en mode multipage

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    Jean-Louis MOUROT

     

    Mémoire de fin d'études

    Comment réussir sa transmission/reprise de petite

    entreprise de façon pérenne ?

    Directeur de mémoire : Patrick Bourguignon

    Jean-Louis Mourot

     

    Mémoire de fin d'études

    Comment réussir sa transmission/reprise

    de petite entreprise de façon pérenne ?

    Institut d'Economie Scientifique et de Gestion, School of Management
    3 rue de la digue, 59800 Lille

    « L'IÉSEG n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

    Directeur de mémoire : Patrick Bourguignon.

    Année universitaire 2008-2009

    Remerciements

    Je tiens à remercier en tout premier lieu mon directeur académique, Patrick Bourguignon, sans qui je n'aurais pu réaliser ce mémoire. Ses conseils et son aide ont été précieux, particulièrement dans la phase de rédaction.

    Je souhaite remercier les personnes qui m'ont facilité l'accès au terrain en me transmettant les coordonnées de dirigeants ayant repris une petite entreprise, plus précisement Monsieur Declerck (Nord-Entreprendre), Monsieur Vanderhaegen (Nord-Création), Monsieur Lebez (CCI Grand-Lille) et Monsieur Robin (CRA Ile-de-France).

    Les chefs d'entreprise repreneurs qui m'ont gentiment reçu, Jérôme Roquette (Caractères), Michel Grunspan (Exer Datacom), Dominique Malard (qui avait repris Print Finition), Olivier Piettre (Access IT), Jean-Luc Perrot (Tôlerie DN), Riquier Duprez (Central Maintenance), Pierre-André Torris (Nord Chauffage Services), Géry Delcroix (GoubleBoussemart) et Christophe Rançon (L'Instrumentarium). Ils m'ont accordé du temps pour une interview malgré leur emploi du temps chargé, et ont répondu à mes nombreuses questions de manière claire et objective.

    Jean-Philippe Bozek pour sa disponibilité et ses conseils, directement liés à sa fonction de coach de dirigeants et manager de transition.

    Les personnes avec qui j'ai longuement échangé au Salon, en particulier Gilles Lecointre, fondateur de l' « Institut de la Transmission d'entreprise », et Mathilde Fernet, Responsable Animation de la Créativallée.

    Michel Onana pour les ouvrages qu'il a mis à ma disposition.

    Adrien Peneranda pour m'avoir permis de prendre du recul sur l'avancée de mes travaux.

    Certains membres de mon cercle familial avec qui j'ai échangé sur ce sujet passionnant, en particulier mes parents, mon oncle Jean-Pierre et ma cousine Laure, qui a aussi facilité ma venue au Salon des Entrepreneurs à Paris.

    Sommaire

    Sommaire

    Remerciements i

    Sommaire ii

    Résumé iii

    Introduction 1

    PARTIE 1 : PROCESSUS DE REFLEXION MENANT A UNE PROBLEMATIQUE AU COEUR DU PROCESSUS DE TRANSMISSION/REPRISE D'ENTREPRISE. 1

    Chapitre 1 : Environnement, enjeux et acteurs d'une opération de transmission/reprise de petite entreprise. 2

    Chapitre 2 : Contexte du déroulement du processus de transmission/reprise. 13

    PARTIE 2 : ETUDE DU PROCESSUS TYPE DE TRANSMISSION/REPRISE D'UNE PETITE ENTREPRISE. 15

    Chapitre 1 : Méthodologie de la recherche. 15

    Chapitre 2 : Les principaux risques encourus liés à l'aspect humain lors des différentes étapes menant à la signature du protocole d'accord. 17

    Chapitre 3 : Etude de la relation tripartite à partir de l'arrivée du repreneur. 35

    PARTIE 3 : MISE EN PLACE D'UN PROCESSUS FACILITATEUR A DESTINATION DU CEDANT ET DU REPRENEUR. 58

    Chapitre 1 : L'annonce du projet de cession de l'entreprise de la part du dirigeant, basée sur
    la qualité de la relation cédant/collaborateurs. 59

    Chapitre 2 : L'avancée du processus axée sur la relation cédant/repreneur : de la sélection des repreneurs potentiels à la signature du protocole d'accord. 62

    Chapitre 3 : Le déroulement précis de l'arrivée du repreneur. 70

    Chapitre 4: Une période d'accompagnement réciproque. 73

    Conclusion 81

    Bibliographie 82

    Annexes 83

    Résumé

    La transmission/reprise d'entreprise est un sujet d'actualité dans la mesure où la démographie des dirigeants tend à prouver qu'une vague d'opérations va avoir lieu dans les prochaines années. L'APCE évalue ce chiffre à 60 000 par an dont 5 000 petites entreprises. La réussite de ce type d'opération est primordiale pour la préservation du tissu économique. Or, on constate aujourd'hui qu'environ 20% des entreprises reprises sont défaillantes dans les cinq années suivant le changement effectif de dirigeant. Les origines se concentrent régulièrement sur des problèmes relationnels et émotionnels, impactant, à moyen terme, négativement sur la santé financière de l'entreprise. On peut par exemple citer une asymétrie d'information entre les deux dirigeants provenant d'une fébrilité du cédant à dévoiler les traits de son entreprise, une mauvaise intégration ou un manque de leadership du repreneur, de nouvelles mesures non acceptées par les salariés...

    L'objectif principal de ce mémoire est de déterminer un modèle de processus qui permette de réduire ces incertitudes et risques en amont, afin d'assurer la pérennité de l'entreprise.

    Cette étude est basée sur les résultats des interviews de dix entrepreneurs, dont une personne reconvertie dans le management de transition. Elle montre que :

    · Les cédants et repreneurs s'accordent sur le fait de préserver le secret en amont de l'opération.

    · La plupart des cédants regrettent a posteriori la façon dont leur départ s'est déroulé, dû à une rupture de la relation de confiance cédant/collaborateurs.

    · La plupart des repreneurs ont pu visiter les locaux et rencontrer plusieurs personnes clés de l'entreprise, ce qui leur a permis de mieux comprendre l'entreprise, et de limiter les zones d'incertitude.

    · Le manager de transition est en désaccord avec la méthode habituellement utilisée, et prône la transparence au sein du trio cédant/repreneur/collaborateurs.

    Ce mémoire approfondit donc la possibilité pour le cédant d'officialiser son projet de cession de l'entreprise auprès des salariés, puis d'organiser, après la signature de la lettre d'intention, une première rencontre entre les équipes et le repreneur potentiel. Il s'agit de confier aux salariés un rôle d'acteur au coeur du processus, dans l'optique d'une opération dont chaque partie sort gagnante au terme de la période d'accompagnement du nouveau dirigeant.

    Introduction

    Le choix du domaine d'étude de l'entrepreneuriat est apparu assez naturellement à l'auteur : diriger une petite entreprise en France fait à terme partie de son projet de vie. Ayant participé à une création d'entreprise récemment, il s'est donc tourné vers un sujet moins connu des étudiants: la transmission/reprise d'entreprise.

    L'objectif de la pré-étude exploratoire a consisté à cerner la problématique principale de chaque acteur de l'opération. La visite du "Salon des Entrepreneurs" a entre autres été très utile pour découvrir que les repreneurs n'avaient pas assez accès à l'information en amont de leur arrivée dans l'entreprise. Cet évènement pouvait de ce fait se trouver à l'origine de bien des maux, dû à des comportements non envisagés (aussi bien de la part du cédant que des collaborateurs ou partenaires commerciaux de l'entreprise).

    D'autre part, le principal obstacle des cédants s'avéra concerner la phase du départ définitif de "leur" entreprise, se retrouvant fréquemment, à leur grand regret, en froid avec la majorité des salariés.

    L'auteur s'est donc focalisé sur l'aspect humain de l'opération de transmission/reprise de petites entreprises, et est parvenu à la problématique suivante :

    "Comment réduire les risques liés à l'aspect humain lors d'une opération de transmission/reprise de petite entreprise?"

    Le premier objectif de ce mémoire sera de décrire le déroulement des différentes phases du processus, ainsi que d'établir un bilan des risques encourus par chaque acteur au niveau humain.

    Le second objectif sera de développer un nouveau "modèle" de processus, permettant de limiter, voire supprimer, certains risques. L'étude de l'apparition de nouveaux risques sera effectuée.

    L'objectif est de réduire, à terme, le taux de défaillance des petites entreprises reprises moins de cinq années auparavant.

    Découvrons dans un premier temps l'environnement dans lequel évoluent les acteurs d'une opération de transmission/reprise d'entreprise.

    PARTIE 1 : PROCESSUS DE REFLEXION MENANT A UNE PROBLEMATIQUE AU COEUR DU PROCESSUS DE TRANSMISSION/REPRISE D'ENTREPRISE.

    Le premier chapitre se concentre sur la situation actuelle du marché de la cession/reprise de petites entreprises, le cadre légal et les profils des principaux acteurs de l'opération.

    Le second chapitre explique le cheminement de la réflexion de l'auteur, menant à la présentation d'une problématique précise.

    Chapitre 1 : Environnement, enjeux et acteurs d'une opération de transmission/reprise de petite entreprise.

    Ang (1991) définit la petite entreprise par la détention d'une part très importante de son capital par son dirigeant. Elle compte entre 10 et 49 salariés et son chiffre d'affaires annuel ou le total de son bilan n'excède pas 10 millions d'euros.

    Sa survie peut être mise en péril par un départ subi du chef d'entreprise, notamment pour des raisons de santé, qui ne lui permettent pas d'effectuer personnellement l'opération et d'accompagner le repreneur. Cependant, il s'avère qu'un départ décidé, mais insuffisamment préparé, a autant de chances d'être à l'origine de la défaillance de l'entreprise cinq années après l'opération. Il existe donc un potentiel pour réduire ce taux lors de l'opération capitale que constitue la transmission/reprise d'entreprise.

    "La reprise d'entreprise relève de l'esprit d'entreprendre" (Deschamps, 2000). Cette opération consiste en l'achat du capital, ou du moins de la majorité du capital, d'une entreprise existante par une personne, ou un groupe de personnes. Les travaux de Siegel (1989) décrivent le concept de reprise comme "un processus qui, par une opération de rachat, aboutit à la continuation de la vie d'une entreprise, et de tout ce qu'elle contient (structures, ressources humaines, financières, techniques, commerciales...)." Elle concerne des profils d'entrepreneurs différents par rapport à la création d'entreprise. Ceux-ci possèdent en effet une longue carrière professionnelle et disposent de fonds à investir plus importants. Ils peuvent donc se reposer sur une entreprise qui dispose d'ores-et-déjà du savoir-faire d'une marque, de l'expérience du personnel et d'un portefeuille clients conséquent. Ils se concentreront de ce fait sur des problématiques de développement et de rentabilité.

    Section 1 : Les enjeux liés au marché de la transmission/reprise de petites entreprises.

    Le marché de la cession/reprise d'entreprises prend généralement "la forme de bourses d'opportunités qui recensent ou diffusent de l'information sur les offres disponibles" (Bastie & Cieply, 2009). Sur ce marché relativement opaque, la demande catalyse fréquemment l'offre, plutôt statique. De nombreux intermédiaires et conseils interviennent, animés par des déontologies et des façons de travailler qui rendent difficile la mise en commun de l'information. Ce manque d'organisation engendre un éclatement du marché, car certains problèmes de confidentialité très marqués ne permettent pas un rapprochement global entre l'offre et la demande.

    A noter que les données du marché sont souvent biaisées eu égard aux transmissions à titre gratuit, qui ne sont pas prises en compte par les différents organismes d'études.

    1. Une évolution démographique déterminante.

    Compte tenu de la tendance démographique de la population des dirigeants depuis plusieurs années, un grand nombre de changements de dirigeant sont à venir dans les toutes prochaines années. Le nombre de repreneurs sur le marché des TPE est aujourd'hui insuffisant et leurs profils ne sont généralement pas adaptés aux entreprises à céder. Ce constat permet d'émettre l'hypothèse de la mise en liquidation de nombreuses TPE en milieu rural. Les études et sondages menés ne prévoient pas de difficultés telles sur le marché des petites entreprises.

    Selon l'INSEE, un dirigeant sur 3 avait plus de 50 ans en 2005, ce qui correspond à environ 700 000 personnes. 49% d'entre eux pensaient céder leur entreprise dans les cinq années suivantes. Le CSOEC (Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables) annonçait cette même année que 120 000 dirigeants de plus de 60 ans s'apprêtaient à céder leur entreprise.

    En se basant sur ces données, les statisticiens constatent aujourd'hui un report de la décision de céder chez les dirigeants de plus de 60 ans, contrairement aux cédants de 50 à 60 ans.

    Au niveau du marché des petites entreprises, l'IFOP a estimé en 2003 que 20 % des dirigeants avaient l'intention de céder dans un délai inférieur à cinq ans.

    Début 2005, le groupe Oséo a évalué à 5000 le nombre de transmissions de petites entreprises par an en France, contre 50 000 TPE et 500 moyennes entreprises. Il s'agit d'entreprises commerciales (29%) et de services aux particuliers (44%).

    Dans un contexte de crise économique tel que l'on le connaît en ce premier semestre 2009, les prévisions sur les marchés de la transmission et de la reprise d'entreprise basées sur le profil du dirigeant n'ont jamais été aussi aléatoires. Il faut en effet avant tout connaître les capacités financières des entreprises des dirigeants concernés, afin de tenir compte des entreprises qui résisteront à la baisse d'activité enregistrée. Selon le baromètre Fiducial, une petite entreprise sur trois pourrait en effet fermer avant la fin de l'année 2009. Les points d'incertitude au cours du processus se multiplient donc, dû au fait que les entreprises raisonnent à très court-terme et limitent les investissements (par choix ou par contrainte).

    On peut tout de même affirmer que les enjeux directement liés aux changements de dirigeants sont majeurs au niveau économique et social à moyen et long terme.

    2. Un enjeu économique pour la préservation du tissu économique.

    Les petites entreprises se trouvent au coeur de l'économie française. Le CSOEC déclare d'ailleurs en 2003 que "les entreprises qui nécessitent le plus d'attention sont celles qui emploient entre 5 et 20 personnes". Préserver le tissu économique français sous-entend conserver, voire développer, le nombre d'emplois, le chiffre d'affaires ainsi que les exportations de ces entreprises. La disparition d'une petite entreprise, due à un manque de candidats sérieux à la reprise, implique des conséquences négatives pour les salariés, qui perdent leur emploi, mais se répercute aussi sur les entreprises en amont et en aval, en fonction du degré de dépendance et du pourcentage de chiffre d'affaires réalisé avec ce partenaire commercial. De même, l'Etat ne perçoit plus les recettes fiscales et sociales tirées de l'activité de cette entreprise. Dans le contexte de crise actuel, cet échec de transmission peut rapidement créer des effets en cascades sur leurs partenaires, puis sur les partenaires des partenaires, etc.

    3. Des enjeux sociaux.

    Les salariés se voient attribuer certaines garanties dans le cadre d'une opération de transmission/reprise d'entreprise. D'après l'article L.122-12 du Code du travail, « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours, au jour de la modification, subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ». Monassier (2003) souligne que "le repreneur acquiert aussi les dettes sociales du dirigeant cédant".

    Certains chercheurs ont mené des travaux afin de limiter les risques de pertes de savoir-faire et savoir-être liés à un échec de transmission. Cette opération joue entre autres un rôle dans l'évolution de la culture et des méthodes de travail dans l'entreprise, tout en préservant les savoirs et les rites et routines des salariés. La politique sociale menée peut devenir pour eux

    un facteur de motivation et de satisfaction personnelle. Ces points seront amplement développés au cours de cet écrit.

    Section 2 : Contexte légal, ou comment dynamiser le marché de la transmission d'entreprise par la loi.

    Sur un marché français de la transmission peu dynamique, les différents gouvernements ont lancé plusieurs mesures incitatives. Les lois Dutreil de 2003 et 2005 ont tour à tour mis en place l'exonération des droits de mutation à destination des repreneurs d'entreprise (sous certaines conditions), puis le financement de la transmission grâce au crédit-bail ou à la location gérance. A noter que les droits de mutation sont des prélèvements fiscaux, réglés par la personne qui reçoit un ou des biens dans son patrimoine. Les opérations concernées sont les transferts de propriété à titre onéreux (les ventes et les échanges) et à titre gratuit (donations, successions). La seconde loi encourage l'accompagnement du repreneur par le cédant, afin de faire diminuer le taux d'entreprises défaillantes cinq ans après l'opération de cession. Une exonération des plus-values à destination des cédants a été décidée cette même année dans la loi de Finances 2006, tandis que plusieurs articles de la loi de modernisation de l'économie de Juillet 2008 ont pour objectif de faciliter la transmission d'entreprise, en particulier pour les entreprises familiales. La transmission/reprise d'entreprise concerne maintenant toute opération de rachat d'au moins 25% des parts d'une société si le repreneur est un salarié ou un membre de la famille du cédant (contre 50% précédemment). De même, les droits de mutation sont réduits de 5 à 3% pour les repreneurs d'un fonds de commerce et d'une SARL. Enfin, tout dirigeant contractant un emprunt afin de reprendre une entreprise verra son plafond des intérêts retenus pour calculer l'IR doubler pour atteindre 40 000€ pour une personne soumise à l'imposition commune. Conserver ses parts pendant au moins 5 ans s'avère dans ce cas une condition sine qua none. Les accompagnateurs se verront quant à eux attribuer une réduction fiscale de 100€.

    Ces mesures permettent de réduire le coût de l'opération pour le repreneur, mais ne sont utiles qu'une fois le protocole d'accord signé.

    Section 3 : Acteurs de l'opération de transmission/reprise.

    Les acteurs de l'opération se caractérisent par leur statut (âge, sexe, profession...), leur personnalité, leur histoire, leurs expériences, leurs systèmes de valeur, leurs groupes d'appartenance et de référence. Toutes ces données sont des facteurs à prendre en compte afin de comprendre son interlocuteur, notamment son angle de vue sur le plan stratégique, financier, technique, patrimonial, fiscal, juridique et social. Nous ne nous intéresserons au cours de cette recherche qu'à l'aspect humain de l'opération. A noter que les deux acteurs

    principaux gardent malgré tout un objectif commun : réussir l'opération afin d'assurer la pérennité de l'entreprise et la préservation des emplois.

    1. Le cédant, ou la personnalisation de l'entreprise. 1.1. Le profil type du cédant :

    Se focalisant sur les aspects patrimoniaux et financiers de la transmission, les cédants sousestiment bien souvent les difficultés futures à modifier leur rythme de vie, à lâcher les rênes de l'entreprise, et enfin à la quitter définitivement. Ils se basent trop souvent sur des chiffres officiels rassurants au niveau du marché de la transmission de petites entreprises, qui leur assurent en moyenne cinq repreneurs potentiels. Ils continuent de ce fait à gérer leur entreprise sans se préoccuper d'un éventuel départ quelques années plus tard. Ceux-ci n'anticipent donc pas suffisamment l'ensemble du processus, et ne cèdent pas au moment opportun, donc pas au meilleur prix. Dans la majorité des cas, l'entreprise à céder est sur une pente déclinante, avec une rentabilité quasi nulle. Les dirigeants vendeurs se précipitent le moment venu sur les termes principaux de l'accord, sans tenir suffisamment compte de problèmes potentiels au niveau organisationnel et commercial.

    Le chef d'entreprise qui a créé son entreprise est d'un "naturel paternaliste et centralisateur" (Marchesnay). Il constitue en effet le pilier de l'entreprise et la personne à qui il faut s'adresser en cas de problème au sein de l'entreprise. Il est à l'origine des postes créés dans l'organisation et se sent donc responsable de ses salariés. Il s'investit pour leur bien-être par l'écoute, mais son principal outil est l'autorité. Il a aussi tendance à centraliser les décisions et à contrôler au maximum ses applications par sa présence sur le terrain. Ces deux caractéristiques compliquent la phase de changement de dirigeant dans une petite entreprise, de par une gestion quotidienne personnalisée.

    Le dirigeant ressent un "attachement profond envers son entreprise" (Baumert). Il va en conséquence percevoir sa cession comme un divorce, ou plus, comme "une rupture du prolongement de sa personnalité" (Levy). Cet état d'esprit sur l'entreprise et son organisation est à l'origine de l'émergence de résistances psychologiques tout au long du processus de transmission.

    Dans un premier temps, accepter le fait qu'une tierce personne puisse lui succéder à la tête de "son" entreprise est un exercice qui nécessite pour le cédant plusieurs années. Il éprouve en effet des difficultés à imaginer ne plus être maître de la stratégie menée, et donc de l'avenir de l'entreprise. Il s'agit d'une perte d'influence sur les acteurs de l'organisation, pouvoir qu'il considère comme indispensable vis-à-vis de son entourage. De plus, accepter un successeur et imaginer que ce dernier puisse réussir à sa place est impossible au début du processus de

    réflexion. Il a créé l'entreprise, a pris les principales décisions et connaît chaque collaborateur mieux que personne. Personne n'est donc apte à le remplacer. Le fait d'en débattre avec son entourage provoque en lui des bouleversements et des interrogations d'ordre existentiel : qui suis-je ? Suis-je réellement irremplaçable au sein de l'entreprise ? Que vais-je devenir si je quitte mes fonctions ?

    La transmission constitue pour lui la possibilité de mettre un terme à sa légitimité professionnelle, liée à sa position hiérarchique dans l'organigramme et à son parcours depuis la création de l'entreprise. Vatteville (1994) déclare que "cette perte de pouvoir peut s'avérer difficile à surmonter pour des personnes dont le métier consiste à diriger". Cette entité a en effet constitué le référentiel du dirigeant depuis sa création, en lui permettant de fixer ses priorités et ses choix, y compris dans sa vie personnelle.

    Il se rend alors compte des difficultés qui vont être liées à son départ de l'entreprise, aussi bien pour lui que pour ses collaborateurs et partenaires extérieurs. Il va alors étudier la possibilité de céder son entreprise à un membre de son entourage proche (famille, amis), ou à un salarié de l'entreprise. Il s'intéressera dans un second temps à une cession à une entreprise dans le cadre d'une opération de fusion-acquisition. La cession à une tierce personne, externe à l'entreprise, sera la dernière solution envisagée.

    1.2. La catégorisation des cédants :

    Bien qu'ayant un objectif identique, les dirigeants entamant ce processus ont des profils et des raisons d'agir multiples.

    L'âge moyen des cédants n'est, en 2007, que de 51 ans, tout en sachant que seulement 20% des dirigeants qui ont cédé étaient proches de la retraite (plus de 61 ans). Cette génération d'entrepreneurs tient aux valeurs traditionnelles et représente clairement la société du travail (en opposition à la société de loisirs). Ils tiennent particulièrement à leur entreprise et au rôle qu'il joue, et repoussent donc une décision qui aurait pu s'avérer naturelle plusieurs années auparavant.

    Les données suivantes sont tirées d'une étude réalisée par Intercession, groupe leader sur le marché de la transmission d'entreprise. Elle est basée sur 300 reprises de PME, dont la majorité d'affaires concernent des petites entreprises. 30% des affaires présentées concernent des repreneurs de moins de 45 ans, parmi lesquels on trouve deux types de profil. Certains ont vécu cette première expérience comme un échec, et souhaitent soit retrouver un poste de salarié, soit prendre leur revanche et racheter une autre entreprise, en bénéficiant de toute l'expérience qu'ils ont accumulé. D'autres l'ont vécu comme un succès, et poursuivent sur leur lancée en prenant les commandes d'une autre entreprise. On les nomme dans ce cas "entrepreneurs récurrents".

    D'après cette même source, les deux tiers des vendeurs ont fondé leur entreprise, le dernier tiers comprenant à parts égales les successeurs et les acquéreurs. Le pourcentage des cédants fondateurs reste stable, tandis que la part des successeurs chute au profit des acquéreurs.

    Le profil du vendeur va être déterminant pendant le processus de reprise, en particulier au niveau de l'attitude adoptée. Cette attitude va aussi dépendre de la capacité à résister à la pression de l'acquéreur. Face à cette inconnue, trois types de profil se distinguent à nouveau.

    Sur cette même base de 300 affaires réalisées, 51% des cédants n'ont aucune pression et constituent la part des cédants "opportunistes" : ils mettent en vente leur entreprise sur le marché, mais n'ont aucune nécessité de la céder à court terme. Dans ce cas, la principale raison incitant le dirigeant à réaliser cette transmission est le départ à la retraite pour des raisons liées à l'âge, et non à la santé. Leur décision interviendra en fonction d'éventuelles offres reçues. Leur entreprise n'a pas de difficulté particulière à court terme.

    Les cédants "décidés" représentent quant à eux 27% des dirigeants vendeurs. Ils ont pris cette décision définitive de manière réfléchie. Les raisons sont multiples : changement de profession, retraite anticipée... A l'instar des dirigeants "opportunistes", leur entreprise ne connaît pas de difficulté à court-terme.

    On trouve enfin des raisons liés à l'évolution de l'environnement : nouveaux produits, mutation du marché, guerre des prix... Ces facteurs sont souvent à l'origine de la décision de vendre des dirigeants "étranglés" : ils comptent pour 22% des cédants et y sont contraints pour des raisons financières, la situation de l'entreprise dépendant totalement du marché. Des raisons familiales ou de santé peuvent aussi les y obliger.

    Pour l'acheteur, cerner le profil et les raisons de vendre de son interlocuteur lui permettront de mieux le comprendre, de développer plus facilement une alchimie avec lui, et donc de construire une stratégie de négociation adaptée. La démarche conseillée au cédant est identique.

    2. Le repreneur, ou l'avenir de l'entreprise.
    2.1. Le profil type du repreneur :

    Le repreneur devient le "dirigeant d'un personnel qu'il n'a pas recruté, dans une entreprise qu'il n'a pas fondé et qui a fonctionné avant lui" (Deschamps & Paturel, 2001). Ses motivations doivent être supérieures à celles d'un simple actionnaire ou salarié, car le temps consacré à l'entreprise ne laisse pas forcement de place à des week-ends de deux jours. Elles seront liées à la réalisation d'enjeux personnels (responsable d'un projet collectif, contrôle de son propre destin) et économiques (développement d'une activité rentable, acquisition de ressources spécifiques telles que le savoir-faire ou la technologie, entrée sur un marché porteur...). Ils ont, pour la plupart, un besoin d'accomplissement et de réussite.

    Les principaux facteurs de succès pour un repreneur externe à l'entreprise sont une connaissance du secteur d'activité et du métier, une expérience managériale et une capacité à cloisonner ses univers. Il est aussi conseillé au repreneur de posséder des repères solides concernant la vie privée et l'accompagnement du projet (lieu d'habitation, réseau d'amis...).

    Mais les cédants recherchent plusieurs qualités indispensables chez un acquéreur potentiel : posséder le sens des responsabilités, le goût du challenge, le sens du collectif et un besoin d'action.

    En outre, il devra être souple, digne de confiance, ouvert, fort, tenace, enthousiaste et extraverti. Savoir écouter et tirer des leçons de ce qu'il entend sont aussi les fondements de la fonction de chef d'entreprise. Il doit également être intègre, honnête et avoir le sens de l'honneur, sans oublier le sens de l'humour. La patience et la persévérance dans la poursuite de ses objectifs sont aussi des qualités indispensables.

    Dans une petite entreprise, le repreneur est tenté de voir le lieu de travail comme un "lieu de culture et de socialisation qui le conduit parfois à substituer à des conduites stratégiques des conduites centrées sur la construction du lien social" (Piotet & Sainsaulieu, 1994). L'objectif du repreneur est de parvenir à apporter sa propre valeur ajoutée au fonctionnement de l'entreprise, dans le but d'allier tradition et renouveau, et ainsi lisser la prise de relais.

    La personnalité du repreneur est généralement affirmée, il est ouvert et très à l'aise dans les relations avec ses collaborateurs et partenaires. Ceci étant, il a clairement fait le choix de l'indépendance et de l'autonomie, il souhaite donc prendre certaines décisions librement et rapidement, et être en mesure de les défendre et les assumer face aux différents acteurs internes et externes à l'entreprise.

    Avant même d'avoir choisi une entreprise particulière, le repreneur doit s'attendre à rencontrer les principales difficultés au niveau humain. Au cours des 12 mois que dure en moyenne une opération de reprise, la peur de l'échec intervient à différentes reprises, de même que la prise de conscience de la nature des responsabilités à assumer. La charge émotionnelle et les pressions rencontrées sont des difficultés dont les anciens cadres de grands groupes ne sont pas habitués. Chaque repreneur passe aussi par des périodes de doutes lorsqu'il s'agit de se faire accepter par tous les partenaires de l'entreprise. Au cours des premiers mois, les relations sont mouvantes et une remise en cause régulière s'impose. La solution passe donc par une capacité à sécuriser ses interlocuteurs et à convaincre du bienfondé de ses actions, avant de prouver leur efficacité sur le terrain.

    2.2. La catégorisation des repreneurs:

    En se basant sur le rapport du groupe Intercession, le repreneur type est un membre externe à
    l'entreprise, et a en moyenne l'âge mûr : 45 ans. Il s'agit du moment idéal, car il a déjà à son

    crédit une carrière professionnelle riche et est toujours considéré comme une personne dynamique, disposant du l'énergie nécessaire afin de consacrer du temps et des efforts à la gestion d'une petite ou moyenne entreprise. Deux échantillons se démarquent : le premier représente les salariés cadres âgés de 42 à 47 ans qui anticipent un départ forcé. Un second représente les salariés âgés de 50 et 53 ans qui se lancent dans la reprise après un licenciement d'un grand groupe. La différence majeure réside dans l'anticipation ou non de leur départ, même si les apports sont en moyenne plus conséquents à la suite d'un départ contraint mais négocié... Le nombre de repreneurs du premier échantillon est en croissance, car ils se préparent de plus en plus tôt à la réalisation d'une opération, ce qui entraîne une tendance à une rupture volontaire de leur contrat de travail.

    Concernant la profession exercée, le profil le plus fréquent est dirigeant de PME, ce qui est plutôt un signe positif concernant le déroulement de leurs créations ou reprises précédentes. Ils souhaitent, pour la majorité, acquérir une entreprise réalisant un chiffre d'affaires plus conséquent dans le même secteur d'activité.

    Pour ce qui est de la formation des repreneurs, 69% disposent d'une formation supérieure à Bac +4, parmi lesquels 29% ont suivi leur cursus au sein d'une école de gestion. Les profils rencontrés sont pour la plupart généralistes, avec des compétences dans au moins deux des quatre champs suivants : commercial, financier, gestionnaire et technicien.

    Les motivations à l'origine de la reprise divergent en premier lieu au niveau du statut du repreneur. Un repreneur externe cherche en priorité à se réaliser individuellement, devenant autonome dans la prise de décision, tandis que le repreneur interne met en avant son sens du devoir et son désir de prise de responsabilités. Nous nous focaliserons dans l'étude présentée sur la première catégorie d'acheteurs.

    Le changement des motivations des repreneurs est aussi clairement dévoilé, avec une nouvelle génération de repreneurs "opportunistes", cherchant la bonne affaire grâce à une entreprise en difficulté mais qui dispose d'un fort potentiel. Les chercheurs les nomment "entrepreneurs acquéreurs". Nous ne nous intéresserons pas à ce profil d'acquéreur potentiel, mais plutôt aux dirigeants décidés à reprendre leur première entreprise.

    Pour information, ils disposent en moyenne de 600 k€ d'apport et de 60% de la cible acquise, ce qui signifie que les repreneurs du panel ont acquis en moyenne une société en adéquation avec les moyens financiers dont ils disposent, ce qui n'exclut pas l'existence de cas très différents. Nous verrons que ces données financières peuvent être, pour le cédant, un moyen de mieux cerner la personnalité de l'acheteur.

    Tout comme le cédant, le repreneur va, quelles que soient les caractéristiques de l'entreprise,
    entrer dans un processus long et complexe, basé sur les relations humaines. Intéressons-nous

    donc dès à présent aux personnes qui vont accompagner les deux principaux acteurs de la reprise.

    2.3. Pour une collaboration fructueuse avec les conseils et intermédiaires :

    Le cédant et le repreneur doivent réunir autour d'eux une équipe complète de spécialistes : expert-comptable, notaire, avocat, banquier et intermédiaire en fusion-acquisition. Chacun apportera, dans son domaine de compétences, une réelle valeur ajoutée indispensable au bon déroulement de chaque phase du processus de transmission. Leur expérience de transactions récentes, de nature proche et en nombre significatif, peut notamment éclairer les deux principaux acteurs.

    Le repreneur doit garder en tête que ces conseils l'accompagneront pendant le processus de reprise, mais aussi lorsqu'il dirigera cette entreprise. Une alchimie doit donc opérer et une relation de confiance doit se construire afin de les différents intervenants deviennent une partie à part entière, et préparent le processus sur de bonnes bases. Mais l'aspect humain n'est pas assez pris en compte par les conseils, c'est donc un sujet à aborder au tout début de la collaboration.

    Cela étant, les principaux acteurs, cédant et repreneur, doivent faire comprendre qu'ils sont les seules personnes à détenir le pouvoir de décision, et que les spécialistes auront donc un rôle de conseillers. Les aspects techniques des processus par rachat seront bien gérés si ces différents conseils interviennent au fur-et-à-mesure des besoins au cours du processus. Un organisme tel que le CRA peut jouer un rôle dans le rapprochement entre un cédant et un repreneur compétent, tandis que l'expert-comptable, qui évalue l'entreprise, et l'avocat, concentré sur l'aspect juridique et fiscal de l'opération, interviendront en amont de toute négociation. Le conseiller en fusion-acquisition abordera l'aspect humain et dressera un bilan des rapports des autres conseils, afin de dresser une stratégie de négociation. Le banquier apportera des précisions sur le potentiel financier accordé au repreneur tandis que le notaire interviendra en aval afin de concrétiser les décisions prises par les acteurs en face-à-face.

    A noter que le juriste et le principal interlocuteur de son client ne doivent en aucun cas entrer en contact, même si celui-ci souhaite défendre les accords passés de son client.

    En parallèle, il est conseillé, pendant la négociation, de limiter les interactions directes et de faire appel au maximum à des interactions entre intermédiaires, afin de limiter les risques de cassure ou de rupture. Les conseillers sont présents pour aborder certains points de désaccords afin de comprendre leurs origines, tout en jouant le rôle d'amortisseur afin de réduire les inquiétudes des décideurs.

    La clé d'une bonne collaboration est de positiver, en insistant sur le fait que l'ensemble des intervenants ont un objectif commun : travailler ensemble afin de réaliser une opération satisfaisante pour les deux parties. Il faut donc mettre en avant les points d'accord et de connivence.

    Chapitre 2 : Contexte du déroulement du processus de transmission/reprise.

    "Le changement de dirigeant déclenche dans tous les cas une inquiétude sur l'avenir" (Estève). Dans un grand groupe, ces inquiétudes sont davantage liées à la situation de l'entreprise et aux résultats financiers du groupe. Mais plus l'effectif de l'entreprise est réduit, plus l'attention se tourne sur la personnalité du cédant (et les relations qu'entretenait le salarié avec lui) et sur la personnalité de l'acquéreur, donc du nouveau dirigeant. De nombreux auteurs et dirigeants interrogés confirment que l'aspect relationnel et affectif est au centre des préoccupations dans une PME, tout particulièrement pour le dirigeant-fondateur. Ils la nomment donc "entreprise humaine".

    Les difficultés rencontrées lors d'une opération d'envergure telle que la transmission de l'entreprise se trouvent donc majoritairement liées aux facteurs humains.

    La personne qui prend les décisions est responsable de la vie et de la survie de l'entreprise. De ce fait, "elle assume personnellement les responsabilités financières, sociales, techniques et morales de l'entreprise, quelle que soit sa forme juridique" (statuts de la CGPME). Pour ce faire, elle gardera la main mise sur les principales actions et décisions, déléguant en fonction de la confiance qu'elle accorde aux différents salariés. Il existe donc un très large éventail de profils d'entreprise au niveau de l'organisation, liés à la personnalité du dirigeant. Nous pouvons en déduire que valoriser une petite entreprise exclusivement grâce à des données comptables et financières n'a aucun sens. Des données plus subjectives vont devoir être prises en compte, relatives par exemple au niveau de responsabilités et au type de management du dirigeant.

    Torrès (1999) décrit cette personnalisation du management comme "un management de proximité". Il en est de même pour la gestion, de proximité due à une faible spécialisation du dirigeant ainsi que du personnel, et aux systèmes d'information interne et externe peu développés. La communication est donc souvent informelle, mais le relationnel revêt en parallèle une importance supérieure car le management est plus tourné vers les personnes que vers les missions de chacun.

    Or, c'est la personne porteuse du fonctionnement actuel de l'entreprise qui se retire lors d'une transmission d'entreprise. Cette opération remet donc en cause tout l'aspect relationnel et organisationnel de l'entreprise, et met en jeu, à terme, sa survie. Il s'agira dans tous les cas d'un changement majeur dans la vie de l'entreprise, même si le repreneur opte pour un management et une stratégie dans le prolongement des pratiques de son prédécesseur. Il s'agira donc d'une révolution si le nouveau dirigeant met en place une nouvelle stratégie et opère des changements dans les équipes. Tenir compte de l'aspect humain tout au long du

    processus va donc s'avérer indispensable de la part des deux acteurs principaux afin de mener à bien l'opération et assurer la pérennité de l'entreprise.

    La problématique centrale concerne donc l'analyse des différents risques liés aux personnalités des acteurs et aux interactions, et peut se formuler de la manière suivante : "Comment réduire les risques liés à l'aspect humain lors d'une opération de transmission/reprise de petite entreprise?". L'objectif de la résolution de cette problématique doit mener à la réduction du taux de défaillance des petites entreprises reprises, et ainsi transférer le savoir et préserver le tissu économique local.

    Cette étude se focalise dans un premier temps sur les risques au niveau personnel et relationnel vécus par le trio cédant/repreneur/collaborateurs. Les risques pris en compte seront en effet liés à sa propre personnalité ou celle d'un tiers, en tenant compte des attitudes et réactions possibles.

    Une cassure va en effet avoir lieu dans la relation cédant/collaborateurs lors de l'annonce de son départ, intervenant dans la plupart des cas en même temps que l'arrivée du repreneur. Perdant toute légitimité professionnelle, il se doit ensuite de garder cette légitimité sociale, qu'il a su développer pendant tant d'années à la tête de l'entreprise. Le dirigeant va donc devoir gérer un véritable divorce avec son entreprise, si ce n'est avec une partie de lui-même. Dans le même temps, le repreneur et ses collaborateurs vont construire les bases d'une relation durable, souvent liée à la qualité de la relation cédant/repreneur, où du moins l'image qu'ils en donnent.

    La question suivante porte donc sur le passage de témoin: comment faciliter la phase de prise de relais pour le cédant, le repreneur et les collaborateurs ?

    Cette question implique de s'intéresser au déroulement de l'arrivée du repreneur et de la période de transition, en se positionnant en tant que cédant, repreneur puis collaborateur. Il s'agit en effet de répertorier les problèmes potentiellement rencontrés, et de les anticiper pendant la phase de préparation de ces étapes.

    L'étude de ces risques constatés auprès des entrepreneurs rencontrés va permettre de préconiser des actions préventives et correctives, en fixant l'objectif principal d'insister sur les principaux facteurs positifs du processus qui doivent être partagés par les acteurs: relation de confiance, transparence des données et adaptation au changement.

    Cette réflexion mènera à la proposition d'une méthode globale de processus de transmission/reprise, qui remet en cause les principes généraux utilisés par les différents acteurs, alliant comportement et démarches à adopter tout au long du processus de reprise.

    PARTIE 2 : ETUDE DU PROCESSUS TYPE DE TRANSMISSION/REPRISE D'UNE PETITE ENTREPRISE.

    Chapitre 1 : Méthodologie de la recherche.

    Selon Mucchielli (1996), une méthodologie de recherche qualitative se définit comme "une stratégie de recherche utilisant diverses techniques de recueil et d'analyse qualitative dans le but d'expliquer, en compréhension, un phénomène humain ou social". La recherche qualitative est donc appropriée afin de répondre à cette problématique liée à l'attitude des principaux acteurs du processus et des réactions des stakeholders.

    Cette étude va donc être basée sur les récits de cédants et repreneurs travaillant dans des petites entreprises de divers secteurs d'activité, mais aussi sur des témoignages d'experts qui jouent un rôle d'intermédiaire dans ce type de transaction. L'objectif réside dans le fait d'interpréter certains comportements et tirer les leçons des différentes démarches suivies.

    De même, il apparaît opportun de rencontrer les personnes liées de près ou de loin à un changement de dirigeant, et d'approfondir leur ressenti et perception de cette expérience. Un des enjeux de la recherche est donc d'accéder aux salariés dont l'entreprise a été reprise. Il s'agit dans l'idéal de multiplier la collecte d'informations d'un même événement en tenant compte des différents points de vue, et de les confronter. Il s'agit dans ce cas de la méthode de triangulation fondée sur le croisement des discours (Wacheux).

    L'auteur a utilisé l'entretien individuel, qui est un type d'étude qualitative très largement utilisé en marketing. Il met deux personnes en présence : l'enquêteur et le répondant (cédant, repreneur...). Les entretiens sont semi-directifs, ce qui permet de les structurer et de regrouper les différents thèmes abordés lors de l'étude.

    Plusieurs critères de sélection des entreprises ont été définis afin de limiter le champ d'étude : - L'entreprise est une petite entreprise, donc disposant de 10 à 49 salariés.

    - L'entreprise a été acquise par rachat par une ou des personne(s) physique(s),

    externe(s) à l'entreprise avant la transaction. Le repreneur n'a à l'origine aucun lien

    avec les membres des équipes qu'il va être amené à diriger.

    - L'entreprise est indépendante, le propriétaire étant le seul dirigeant.

    - La transaction date de plus d'un an, afin d'être sûr que les acteurs disposent d'assez de recul par rapport aux évènements liés à cette opération.

    Cette recherche qualitative va donc permettre, dans un premier temps, de décrire le déroulement du processus de transmission/reprise et, plus particulièrement, celui de la phase de prise de relais entre le cédant et le repreneur.

    Après avoir pris du recul sur ces multiples témoignages, nous serons à même d'établir un bilan des risques pour chacun des acteurs par rapport aux constatations présentées en début de mémoire, ainsi que de présenter certaines recommandations, générales ou bien liées à des situations plus spécifiques.

    Plusieurs membres d'organismes d'accompagnement ont facilité l'accès au terrain à l'auteur, en jouant le rôle d'informateurs relais: il s'agit du CRA, de Nord-Entreprendre, de Nordcréation et de la CCI Grand-Lille. La consultation de la liste d'Anciens étudiants de l'Iéseg a aussi permis l'obtention de contacts. L'auteur a donc eu l'opportunité de rencontrer, au cours de cette étude de cas multiples, 9 dirigeants de petite entreprise, 5 salariés, et un coach de dirigeants (ainsi que manager de transition). Les entretiens se sont déroulés selon une ligne directrice représentée par les questions énoncées dans les guides présents en annexe.

    A noter que l'accès à l'information au sujet d'un thème aussi sensible que la façon dont a été vécue la reprise à partir de différents points de vue peut s'avérer délicat, en particulier si cela remet à jour certains conflits ou désaccords. Une forte implication et motivation de la part des intervenants à présenter leur expérience a été constatée, ceux-ci se félicitant qu'un étudiant aborde ces problématiques proches du terrain.

    Certaines limites à ce type de recherche peuvent être mises en évidence. La subjectivité des critères de recherche et de la personnalité de chacun engendre des constats multiples, qui peuvent mener à des préconisations contradictoires. Les résultats peuvent être considérés comme biaisés si on tient compte du fait que les dirigeants rencontrés avaient plutôt réussi leur opération, et que les salariés interrogés l'avaient plutôt bien perçue et bien vécue.

    Le profil des entreprises est aussi une limite certaine, pour des raisons géographiques et culturelles (entreprises situées autour de l'agglomération lilloise), mais aussi de taille d'effectifs.

    La taille réduite du panel d'entreprises visitées engendre un manque de précision des résultats de la recherche, peut-être même un déficit d'objectivité. Les conclusions générales devront être prises avec le recul nécessaire, dû à la complexité des sciences sociales.

    Les comptes-rendus d'entretien, documents confidentiels non présents dans ce mémoire, ont permis de détailler les risques au niveau humain pris par chacune des parties au cours des différentes étapes. Les premiers conseils apportés dans le chapitre suivant seront basés sur les préconisations des intervenants ayant directement fait face à des problématiques d'ordre humain, mais aussi sur les propos d'auteurs tirés de documents consultés et listés dans la bibliographie.

    Chapitre 2 : Les principaux risques encourus liés à l'aspect humain lors des différentes étapes menant à la signature du protocole d'accord.

    Au-delà du risque financier, les protagonistes font face, tout au long du processus, à des risques humains liés à leur propre personnalité, à la personnalité de leur interlocuteur et à la qualité de la relation qu'ils ont nouée.

    Ce chapitre rend compte des différentes étapes de l'opération de transmission/reprise, depuis le premier contact avec l'interlocuteur principal jusqu'au départ du cédant. Grâce à l'analyse des résultats obtenus lors des interviews, l'objectif est de déterminer, lors de chaque phase, l'origine des risques humains pour le cédant et le repreneur, au sein du trio cédant/repreneurs/collaborateurs. Les réactions possibles des partenaires de l'entreprise (actionnaires, créanciers, clients, fournisseurs) seront aussi prises en compte dans cette étude. La première section est consacrée à l'environnement de l'opération, abordant les principes de transparence et de confidentialité des données dans la recherche d'un interlocuteur adapté et dans les échanges menant à la signature du protocole d'accord.

    Les risques encourus par chaque partie ayant un impact direct sur la qualité de la relation cédant/repreneur sont abordés dans la deuxième section, tandis que la troisième section nous permet d'étudier les facteurs humains impactant sur le déroulement des phases d'analyse et d'évaluation de l'entreprise.

    La quatrième section se concentre sur la phase de négociation, en particulier sur les méthodes utilisées par les différents acteurs afin de parvenir à un accord définitif.

    Section 1 : Les risques liés au contexte de l'opération de cession d'entreprise.

    Le contexte n'est pas seulement un environnement qui joue dans la construction des relations. On peut en effet distinguer plusieurs dimensions constituantes du contexte : "le cadre, la situation et l'institution" (Marc & Edmond, 2002).

    Le cadre est déterminé par l'ensemble des éléments physiques et temporels qui servent de "fond d'écran" aux interactions. Ces facteurs ont clairement une portée culturelle et symbolique. On peut tout d'abord citer le secret dans lequel une entreprise va être mise en vente, dans le but de minimiser les pertes liées aux réactions et interrogations des employés et des partenaires de l'entreprise. Le cédant se trouve donc confronté à une situation contradictoire, où il se doit d'annoncer la mise sur le marché de la transmission de son entreprise afin de trouver un repreneur, tout en gardant secrète cette décision au sein de l'entreprise. Après avoir étudié des pistes dans le domaine familial puis en interne, la majorité des cédants ciblent un repreneur externe au sein de leur réseau de contacts. La dernière

    solution consiste à travailler avec un cabinet de consultants, et rédiger éventuellement une annonce sur des sites spécialisés.

    Afin de préserver au maximum la confidentialité de l'opération, le cédant doit accepter un nombre limité d'acquéreurs potentiels. Un engagement de confidentialité doit être signé à la présentation de l'entreprise. Un engagement simple permet au cédant de rendre les données qu'il communique confidentielles, tandis qu'un engagement réciproque est à l'origine de la confidentialité des données apportées par les deux acteurs. On peut citer entre autres les clauses de non-concurrence, non-débauchage (le repreneur potentiel s'engage à ne pas recruter de salarié de l'entreprise) et non-divulgation des informations du dossier de reprise, sauf à destination des conseils du repreneur, identifiés par le cédant.

    Le constat général de cette étude est le suivant : les dirigeants qui s'apprêtent à céder sont plutôt d'accord avec les repreneurs rencontrés sur le fait de ne pas divulguer l'opération de cession/reprise en cours aux équipes. On trouve trois arguments à cela :

    1) C'est la méthode la plus couramment utilisée. Le repreneur rencontre les personnes clés de l'entreprise pendant la phase d'analyse de l'entreprise. Ils les informent avant l'arrivée du repreneur à la suite de la concrétisation de l'opération, afin de leur montrer le rôle prépondérant qu'ils jouent et confirmer les liens de confiance qui les unissent. Les équipes sont effectivement informées le jour de l'arrivée du repreneur.

    2) L'opération est plus facile à mettre en place car la discrétion est de mise pendant les phases d'évaluation et de négociation. Le cédant y voit plus de tranquillité et le repreneur la possibilité de se rendre dans les locaux et rencontrer certaines personnes, en se faisant passer pour un client (avec l'accord du cédant).

    3) Quel serait l'intérêt, pour chaque partie, que soit annoncée la cession de l'entreprise aux salariés avant le début du processus de reprise ? En tant que repreneur ou cédant, ils voient dans cette démarche plus de points négatifs que d'avantages.

    Dans le cas où la cession n'est pas annoncée, le principal inconvénient est qu'une discussion au sujet de cette opération peut être lancée par le dirigeant à un salarié en particulier, mais aucun salarié ne peut proposer sa candidature pour remplacer le chef d'entreprise. Nous étudierons les conséquences possibles dans la section réservée aux collaborateurs.

    Certains cédants conseillent de rechercher le repreneur en priorité en interne car il est possible que la personne désirée ne se soit pas manifestée par respect ou par manque d'informations des intentions du dirigeant. Selon Alary-Grall, Estival et Pijaudier Cabot (2001), "lorsque le cédant prospecte parmi les candidats potentiels à la reprise, il doit se montrer discret : trop de communication nuit à la conclusion d'une bonne affaire." Ils confirment donc qu'une annonce

    officielle de cession de petite entreprise peut engendrer une perte de confiance de l'ensemble des stakeholders (collaborateurs, clients, fournisseurs, créanciers, actionnaires...), et probablement une diminution du prix.

    Préserver l'information sur l'opération prochaine de cession ne s'obtient pas en communiquant le moins possible, mais en divulguant l'information nécessaire à un nombre restreints de candidats sérieux à la reprise. Leur objectif est donc de cibler davantage les personnes recherchées, souvent par l'intermédiaire de cabinets de consultants. Il peut aussi avoir directement recours à des journaux et sites internet spécialisés, des cercles de repreneurs ou des organismes tels que les CCI.

    Le cédant est en effet, dans la majorité des cas, l'initiateur de l'opération, ce qui lui permet de maîtriser son calendrier de départ de l'entreprise.

    L'avis d'un coach accompagnant les acteurs de transmissions et reprises concorde sur ce point, mais part du principe que l'aspect financier ne doit pas être le sujet prédominant chez le cédant. Le départ de ce dernier sera délicat, il est donc raisonnable de mettre toutes les cartes de son côté afin de faciliter cette dernière étape, et qu'il reste ainsi en bons termes avec son successeur et ses collaborateurs.

    D'autre part, la situation d'interaction se décrit comme le scénario qui organise les relations. Elle va principalement dépendre de la situation économique de l'entreprise, mais aussi du statut du dirigeant. L'entreprise est-elle dans une phase de croissance maîtrisée ? Le dirigeant agit-il sous la contrainte concernant son départ de l'entreprise ?

    Un des acteurs de l'opération prendra une position de force dans la relation. Si l'entreprise est saine, il s'agit souvent du cédant, car il détient l'information, qu'il communique à son rythme. Mais le temps joue clairement en sa défaveur, dans la mesure où l'information se propage et où des signes peuvent alertés les employés ou partenaires de l'entreprise (changement de stratégie, de comportement...).

    Enfin, le cadre et la situation s'inscrivent dans le facteur institutionnel. Chaque institution est caractérisée par certains types de rapports et de style relationnel.

    Marc & Edmond (2002) affirment "que le cadre, la situation et les institutions se renforcent
    mutuellement pour déterminer en profondeur les relations qu'ils tendent à favoriser".

    Section 2 : Les risques liés à la construction de la relation cédant/repreneur.

    1) Les risques liés à la personnalité des acteurs de l'opération.

    1.1 Le cédant, gardien du temple de l'information concernant "son" entreprise.

    D'après la bibliographie consultée et les personnes rencontrées, nous avons pu constater que le cédant refuse, pour des raisons psychologiques, d'anticiper suffisamment tôt le passage de témoin. Il s'agit en effet de confier "son bébé" à une tierce personne, ce qu'il souhaite faire le plus tard possible. On peut parler d'un refus inconscient lié au paternalisme.

    Le risque principal est de ne pas encore être prêt, du moins pas préparé, le moment venu, à céder "son" entreprise et/ou transmettre les responsabilités et les informations liées à son rôle de dirigeant. Dans ce cas, il émet des résistances à communiquer les informations, et peut rompre le processus de négociation au dernier moment sans raison valable, avec des conséquences néfastes concernant le temps et l'argent consacré à une cause perdue, ainsi qu'une dégradation de la relation avec le repreneur potentiel.

    Dans d'autres situations, le dirigeant prend la décision de céder trop tard, lorsque son entreprise est en perte de vitesse et a déjà perdu une partie de sa valeur. Dans le même temps, elle en a pris dans l'esprit du cédant, d'où des difficultés accrues à se comprendre et se mettre d'accord.

    Lorsque la décision de céder est définitive, le dirigeant va devoir définir en amont la manière dont il envisage le déroulement du processus et l'évolution des relations, afin qu'il soit en mesure de contrôler une situation qu'il avait envisagée. Il est en effet possible qu'il doive faire face à une peur, à une incompréhension, à des appréhensions, à un contre-pouvoir qui peut se mettre en place dans l'entreprise, et donc à une dégradation du climat social, qui peut engendrer une baisse de productivité. Des revendications peuvent apparaître, ce qui va avoir des conséquences négatives pour le repreneur et la relation cédant/repreneur. Il faut donc s'intéresser aux origines de l'entrée possible dans ce cercle vicieux. Il s'agit du leadership et du degré de confiance de la relation cédant/collaborateurs.

    Il perçoit dans la plupart des cas quatre émotions suite à cette décision capitale: la peur, la honte, la tristesse et la colère. Il traduit ses ressentis par la fuite, l'évitement ou le contournement, l'immobilisme... Suite à ce changement de comportement, son entourage personnel et professionnel peut donc s'interroger. L'auto dévaluation risque d'autre part de le mener à une dévalorisation de l'entreprise. Parfois au contraire, "l'auto dévaluation va générer un désir de compensation, qu'il va traduire par une survalorisation de l'entreprise et

    l'exigence d'un prix inadéquat" (Meier & Schier). Cette survalorisation est plus largement liée à l'attachement affectif de chaque cédant pour son entreprise. Il oublie le côté objectif de sa personnalité, et ignore la réalité du marché.

    Dans d'autres situations, le cédant se sent supérieur à tout candidat à la reprise, qui ne pourra jamais atteindre son niveau de connaissance de l'entreprise. Il prend le risque de donner une mauvaise première impression, regardant de haut son interlocuteur et vantant son bilan et ses compétences. Ce comportement mènera à une éventuelle relation de confiance de façade, mais ces bases d'échanges sont fragiles à moyen terme.

    Un autre point d'interrogation majeur pour le cédant est la personnalité du repreneur, et la qualité de la relation qui va s'instaurer. Cette personne sera responsable de l'entité qu'il détient actuellement, de son évolution au niveau financier et stratégique, mais surtout social : il s'agit de la motivation et du bien-être futur des employés. Une relation basée sur des critères financiers atteint rapidement ses limites en termes de transmission d'informations et de satisfaction mutuelle. Les deux personnes mènent une négociation qui peut voir émerger un vainqueur et un vaincu. Un repreneur vaincu constitue le risque pour le dirigeant de prendre ses distances après avoir reçu les informations nécessaires, et ainsi mettre rapidement en place son plan de reprise sans tenir compte suffisamment du passé de l'entreprise. Les conséquences probables surgissent au niveau du refus des salariés se trouvant face à une personne qui impose ses décisions alors qu'il ne dispose pas de la légitimité nécessaire. Le climat social se dégrade alors et les objectifs en termes de résultats ne seront pas atteints.

    1.2 Le repreneur, éclaireur s'apprêtant à partir à la rencontre du gardien du temple.

    Muzyka & Birley insistent sur "le facteur d'équilibre primordial que constitue la préservation du cercle de la famille et des amis" pour l'acquéreur potentiel qui construit son projet de reprise. Les repères qu'il possède sont souvent remis en cause, ce qui peut être une source de déstabilisation pour lui.

    Pour le repreneur, le risque lié à sa personnalité est d'avoir un coup de coeur pour une entreprise, et de perdre son objectivité. Il masque ainsi les points négatifs de l'entreprise et découvrira la réalité du terrain lors de la période de transition, après la signature de l'acte de vente. Cette situation est fréquente dans la mesure où son interlocuteur l'entraîne dans cette direction. Cette attitude tend donc à améliorer la qualité de la relation cédant/repreneur par un rapprochement de leur point de vue sur l'entreprise et son potentiel.

    Un point d'incertitude important pour le repreneur concerne le niveau de responsabilités du
    cédant. Son champ d'action dépend en effet fortement de son identité et de sa personnalité. Il

    faudra donc approfondir l'étude de sa personnalité et de sa fonction, afin de cerner précisément la relation homme - fonction.

    La compréhension pour chacun des acteurs de ses propres enjeux et de ceux de son interlocuteur, permet de faciliter l'estime mutuelle et les aider à adapter leurs comportements. Pour parvenir à cet objectif, ils doivent préparer ce premier rendez-vous.

    2. Une première analyse de l'entreprise, étape indispensable avant toute rencontre.

    Avant de se rencontrer, les deux acteurs de l'opération doivent s'intéresser au profil de leur interlocuteur et aux caractéristiques de l'entreprise transmissible. La constitution d'un dossier est donc vivement conseillé, pour lequel Lecointre (2008) fixe deux règles :

    · Le dirigeant cédant s'engage à être transparent sur toutes les données qui constituent la carte "génétique" de l'entreprise.

    · Le repreneur doit prendre le temps d'étudier le dossier dans un certain ordre, sans brûler les étapes.

    Ces règles d'or semblent basiques, mais sont trop rarement respectées. Le cédant transmet effectivement régulièrement des données générales sur l'entreprise, mais refuse toute autre avancée lorsque son interlocuteur souhaite étudier la concurrence sur ce marché, le dernier bilan ou les investissements de l'entité. Il pense être en mesure de céder en transmettant peu de données confidentielles avant tout engagement de la part du repreneur potentiel. Les deux protagonistes sont pourtant conscients qu'il faut trouver un juste milieu entre la confidentialité des données de l'entreprise, et sa totale "mise à nu" auprès des repreneurs potentiels. Chacun va devoir suivre une démarche précise afin de respecter les règles précitées et d'atteindre leur objectif commun : réaliser une opération de transmission/reprise satisfaisante.

    2.1. La constitution du dossier de la part du cédant :

    En échange du ciblage sur des repreneurs potentiels sérieux, le cédant doit être prêt à confier de plus en plus d'informations au-fur-et-à-mesure du processus de sélection :

    - une brève fiche descriptive de l'entreprise pour la présélection des repreneurs.

    - un dossier complet de présentation pour la sélection de l'acquéreur, ou "Selling

    Mémorandum" (Meier & Schier), après la signature d'un engagement de

    confidentialité des données.

    - des informations détaillées si le cédant est satisfait du déroulement du premier entretien.

    - toutes les informations nécessaires pendant la phase de négociation et des audits d'acquisition.

    Si le dirigeant n'est pas apte, dans ce contexte, à "photographier" et confier les données suivantes à ses conseils, il n'est pas prêt psychologiquement à céder son entreprise :

    · historique de l'entreprise.

    · documents liés à l'aspect juridique: répartition du capital, conventions, statuts.

    · descriptif détaillé de l'activité (CA par produit, fournisseurs, exclusivités...).

    · documents commerciaux, organisation commerciale et nombre de clients.

    · données concernant le marché, y compris les avantages concurrentiels.

    · liste des moyens d'exploitation (locaux, matériels, personnel)

    · documents financiers (bilan des trois derniers exercices, tableaux de bord analytiques, business plan prévisionnel, trésorerie moyenne et mensuelle, présentation des banques partenaires, analyse des comptes courants, de la distribution de dividendes et des cautions apportées).

    Ces apports sont obligatoires de la part du cédant, qui présente ainsi son entreprise de manière transparente et construit les bases d'une relation de confiance avec le repreneur. Il est alors en droit d'exiger des efforts de la part du ou des repreneur(s) potentiel(s).

    2.2. L'étude du dossier de la part du repreneur:

    Le repreneur potentiel se concentre dans un premier temps sur la compréhension du métier exercé et du secteur d'activité de l'entreprise, puis sur ses aspects technique, humain, environnemental et concurrentiel.

    Il doit ensuite établir une fourchette de prix de cession assez large, et déterminer si elle est compatible avec ses moyens financiers.

    Lors de cette étape, les bilans et états financiers de l'entreprise ne sont pas encore disponibles. D'après Lecointre (2008), "ils ne sont d'ailleurs pas nécessaires dans la mesure où ils déforment souvent la réalité de la situation économique de l'entreprise".

    Si le candidat repreneur estime disposer de moyens financiers suffisants à ce stade de l'étude, il doit réfléchir à la valeur ajoutée qu'il peut apporter à l'entreprise. Le processus de reprise peut se poursuivre en cas de réponse positive. Aborder le sujet de l'origine de cette valeur ajoutée au cours de la phase de négociation serait une erreur regrettable pour le repreneur, qui apporterait à son interlocuteur une raison de limiter ses efforts au niveau de la baisse du prix de cession.

    Il peut alors répondre favorablement à une demande de premier rendez-vous en compagnie du
    dirigeant. Il doit maîtriser les points centraux de l'entreprise et de son organisation, mais aussi
    mettre en avant des questions cohérentes, qui capteront l'attention du cédant et le valoriseront.

    3. La première rencontre.

    Des règles doivent être fixées au niveau de la confidentialité des données échangées et de la transparence. La construction d'une relation de confiance se trouve en effet directement liée au respect de ces deux principes. La relation désigne "la forme et la nature du lien qui unit deux ou plusieurs personnes : on parle ainsi de relations professionnelles" (Picard, 2002). Elle implique une certaine stabilité. Le lien est subjectif en même temps qu'objectif, ce qui a des conséquences directes sur le déroulement de chaque phase du processus de transmission d'entreprise. Il s'agit maintenant de décrire le montage d'une relation de confiance entre les deux parties.

    Plusieurs règles d'or existent afin de construire les fondations d'une relation de travail saine :

    · Juger le passé est un sujet qui perturbe. Il est donc conseillé de n'aborder que le futur dans le cadre de cette rencontre.

    · Rester ouvert au point de vue de l'interlocuteur en cas de désaccord.

    · Montrer que l'on connaît son dossier par des questions et réponses précises concernant l'entreprise.

    La première rencontre se déroule le plus souvent entre deux profils assez différents, notamment au niveau de l'âge et de la formation. Le fondateur se trouve face à un commercial ou à un technicien, qui sont les profils type des repreneurs des années 2000. Même si ils visent un objectif similaire (la réussite de l'opération), les visions portées sur l'entreprise sont opposées : une haute valeur affective (dépendant de critères subjectifs ou liés au passé de l'entreprise) fait face à une vision financière (liée à un calcul de la durée de remboursement de l'emprunt nécessaire au rachat). Chacun doit donc prendre en compte les arguments de l'autre partie, et "mettre de l'eau dans son vin", sous peine que la suite de l'opération ne tourne à la confrontation.

    Ce rendez-vous s'apparente, quel que soit l'initiateur de l'opération, à un entretien d'embauche du repreneur, pendant lequel celui-ci présente sa candidature et doit convaincre. Les deux protagonistes sont dans la phase de découverte, la qualité qu'ils doivent mettre en avant est donc l'écoute, afin d'obtenir des informations nécessaires à la poursuite de ce projet de transmission/reprise de l'entreprise.

    Le repreneur a pour objectif de centrer la discussion sur la vie de l'entreprise. Il doit
    finalement peu parler de lui, car il est en mesure de convaincre indirectement son

    interlocuteur. Il pourra en effet démontrer ses compétences par l'intermédiaire de questions judicieuses et cohérentes vis-à-vis du dossier et des faits décrits par le cédant. Acquérir des informations techniques, économiques, sociales et liées à l'organisation de l'entreprise lui permettra de mieux cerner son fonctionnement au quotidien. De plus, il obtiendra des informations sur la personnalité de son dirigeant et la culture des salariés, ainsi que leur façon d'interagir.

    Le cédant doit quant à lui étudier les compétences du repreneur au niveau humain, technique et financier. Pour le dirigeant-fondateur, le repreneur doit être digne de l'entreprise. Il va donc analyser la personnalité du repreneur potentiel à la manière d'un recrutement pour un poste de direction. Mais il a tendance à rechercher une personne proche de ses aspirations, afin d'assurer une certaine continuité dans le changement, plutôt qu'une personne qui apporte un réel renouveau à l'entreprise. Il privilégie trop souvent la relation cédant-repreneur, plutôt que le lien repreneur-entreprise.

    Le repreneur potentiel doit donc entamer un processus de légitimation, notamment au niveau de deux points clés : vision et mission. La vision constitue la façon dont la personne perçoit le métier tandis que la mission représente la façon de valoriser l'entreprise. Le cédant y sera très sensible car il craint souvent une perte d'identité de l'entreprise suite à sa cession.

    Mais le "candidat" doit rester lui-même et bâtir son plan de reprise en répondant en priorité aux besoins de l'entreprise en vente. Il doit en parallèle préserver la majorité des éléments d'ordre symbolique ou structurel provenant de l'ancien dirigeant, dans l'optique de faire évoluer l'entreprise dans un souci de vision partagée.

    Une alchimie doit s'opérer entre les deux acteurs, tout du moins en apparence. Elle est représentative de certaines valeurs communes, ce qui constituera un élément facilitateur pour une opération réussie, notamment vis-à-vis des employés à la suite de l'arrivée du repreneur dans l'entreprise. Même si une relation de confiance se construit, chacun des acteurs ne prendra pas chaque donnée transmise pour argent comptant. Il devra l'étudier et la recouper avec d'autres documents ou discours reçus au cours des différentes phases.

    On peut citer, parmi les risques impactant sur la qualité de la relation, les constatations suivantes :

    · Une paranoïa récurrente de la part du cédant, qui confie peu d'informations alors que la confiance de confiance est mutuelle.

    · Un excès de zèle du repreneur, qui sent l'affaire bouclée avant la signature et change de comportement.


    · Des points de vue inconciliables, à cause d'une éducation, d'une formation ou d'une culture distincte.

    Il est fréquent que le cédant ait déjà monté son dossier et effectué son évaluation basée sur les trois meilleurs exercices. Evoquer ce point lors de la première rencontre est souvent un premier sujet de désaccord majeur étant donné que son interlocuteur ne dispose que de peu d'informations sur l'entreprise, mais sera dans la plupart des cas au courant qu'il doit se concentrer sur les trois derniers bilans. Il est donc préférable de ne pas aborder l'aspect financier de l'opération, sous peine de compliquer la relation humaine.

    Lecointre (2008) déclare qu'un "premier rendez-vous positif est un rendez-vous que l'intervenant désire renouveler".

    A la suite de l'entretien, chaque intervenant doit prendre rapidement l'initiative d'exposer ses intentions concernant la poursuite ou non de la négociation. Dans le cas où le repreneur juge l'entretien positif, il enverra un message de remerciement, et abordera éventuellement un point important pour lequel il souhaite obtenir des informations supplémentaires.

    4. Approfondissement de la relation de confiance :

    Au terme de plusieurs rencontres, le candidat repreneur possède une première idée concernant le leadership du dirigeant en place. Il se base sur l'historique du développement de l'entreprise, mais aussi sur le "processus parallèle", qui consiste à considérer que la relation cédant/repreneur se construit et fonctionne de la même manière que la relation cédant/collaborateurs.

    S'il ressent une certaine confiance et proximité envers son interlocuteur, son hypothèse montre que le dirigeant est proche de ses équipes et respecté. Il peut en tirer deux conclusions:

    · Le climat social est plutôt bon et les employés font confiance au dirigeant car il a souvent pris les bonnes décisions.

    · Le repreneur va connaître des difficultés pour remplacer cette personne et va devoir être irréprochable, car les employés idéaliseront la période pendant laquelle il travaillait avec son prédécesseur.

    S'il estime ne pas cerner réellement la personnalité du cédant, il préjuge que son degré de leadership est limité et qu'il existe un contre-pouvoir dans l'entreprise. Dans ce cas, deux déductions s'imposent:

    · Le repreneur va être en mesure de s'imposer rapidement et faire oublier son prédécesseur.


    · Le climat social va être plus tendu, et des revendications vont voir le jour. En fonction du point de vue des personnages clés de l'entreprise sur la stratégie, l'acquéreur va décider de promotions ou licenciements, voire de restructurations.

    Cerner la personnalité du cédant va aussi permettre à l'acquéreur d'évaluer le niveau d'implication de son interlocuteur pendant la phase d'accompagnement. En outre, il pourra apprécier le rythme de changement qui a été impulsé à l'entreprise pendant ces dernières années, et en tenir compte dans son plan de reprise. On constate en effet que plus les salariés sont habitués à leurs méthodes de travail, leurs acquis et leurs habitudes depuis longtemps, plus il est difficile de les convaincre du bénéfice qu'ils vont tirer du changement. Faire accepter un changement et assurer sa mise en place ne dépend donc pas que du nouveau dirigeant, qui devra convaincre et "mettre les formes".

    Les protagonistes doivent poursuivre continuellement le développement de la relation. La connivence se travaille, en prenant du recul sur un éventuel "courant de pensée ou d'action commun" (Lemonnier, 2007). Au cours des différents échanges, chacun doit réaliser un bilan concernant les connivences existantes et celles à développer, dans une optique de meilleure compréhension et connaissance de son interlocuteur. Les émotions doivent aussi être recensées, avec les émotions comprises par l'interlocuteur (émotions communes) et non comprises, qui peuvent le heurter. D'autre part, lister les valeurs de chacun permet de dégager certains antagonismes. Un suivi doit donc être entamé, afin d'apprendre de chaque interaction.

    Ils doivent donc multiplier les échanges, et peuvent matérialiser leur entente cordiale en construisant une relation personnelle d'amitié.

    Section 3 : La précision des risques liés au personnel et aux partenaires extérieurs de l'entreprise au cours de la phase d'évaluation.

    La qualité de la relation entre les deux personnes se révèle déterminante, car à l'origine de la qualité des informations que recevra le repreneur sur la cible dans le but d'analyser sa situation. Ce dernier doit tout de même rester vigilant concernant le réel engagement du dirigeant à vouloir lui céder son entreprise.

    La transparence au niveau de la transmission des données n'est donc possible qu'en cas de confiance réciproque, au-delà de l'engagement de confidentialité. Grâce à une analyse sur le terrain, le repreneur va pouvoir se faire une première idée plus précise et plus concrète en prenant en compte des facteurs subjectifs (tel que le climat social, le niveau de responsabilités du dirigeant, la structure de pouvoir...).

    Un apport supérieur d'informations peut malgré tout déboucher sur un écart plus important entre les deux premières valeurs estimées, qui prennent rarement en compte les facteurs subjectifs lorsqu'ils leur sont défavorables.

    1. Les facteurs de risque à étudier lors de l'analyse de l'entreprise.

    Le cédant analyse et évalue une partie de lui-même, basée sur un travail de longue haleine. Cette approche est en totale opposition avec celle d'un repreneur, qui aura tendance à se comporter de manière rationnelle et objective, et à étudier la rentabilité de l'entreprise.

    Parmi les risques pour le repreneur, la conduite d'un projet entrepreneurial s'accompagne incontestablement d'une phase d'exaltation, pouvant mener à un esprit devenu mégalomane. Il perd sa lucidité et son objectivité, et peut omettre quelques obstacles à la reprise, qu'il juge mineurs lors de cette étape de l'opération. Daniel F. Muzyka et Sue Birley parlent "d'optimisme exagéré et d'esprit embrumé". En gardant toute son objectivité, le repreneur peut se demander si les relations dont bénéficie le cédant et son entreprise seront prolongées audelà de la cession par les partenaires ou même certains employés. Le repreneur encoure effectivement le risque qu'un fournisseur de l'entreprise et ami de longue date du cédant revoie ses conditions de vente extrêmement favorables à la hausse. Cette situation peut arriver avec une personne clé de l'entreprise qui était peu regardante sur le salaire car travaillant pour le compte d'un ami personnel, et qui demande sur revalorisation salariale. Au-delà des risques financiers, entamer une relation de travail sur la base d'une renégociation peut entraîner des tensions pour le nouveau dirigeant, pas encore intégré et légitime vis-à-vis des équipes. Un repreneur interrogé affirme avoir été dans ce cas et a ainsi fait part de deux remarques : cette demande de revalorisation salariale s'est communiqué à d'autres salariés, pour qui les mêmes efforts ont été réalisés par souci d'équité. Il s'en est ensuite félicité, dans la mesure où ils connaissaient mieux ces personnes, qui se sont senties reconnues et respectées. Elles ont apportées une valeur ajoutée supérieur à ses attentes, ce qui ne lui donne aucun regret quant à la tournure des évènements.

    Dans un autre registre, un salarié membre de la famille du cédant constitue un risque pour le repreneur. Cette personne va indiscutablement avoir un impact sur le déroulement de la période d'accompagnement. Il a été constaté qu'elle est, à terme, source de désagréments et de désaccords profonds avec le repreneur. Il est donc conseillé de trouver un arrangement avant la signature du protocole d'accord. Son départ sera ainsi planifié après que les formations et les transferts d'informations nécessaires ont été dispensés. D'après deux dirigeants interrogés, les autres salariés sont dans ce cas a priori satisfaits de ces changements car les membres de la famille du dirigeant sont souvent considérés, au sein de l'entreprise, comme les "yeux de Moscou".

    Un dirigeant a d'autre part fait remarquer qu'un apport supplémentaire d'informations de la part de l'autre partie, grâce à une transparence des données transmises, l'aurait effrayé par rapport à l'ampleur de la tâche, et l'aurait peut-être incité à rompre le processus de reprise.

    2. Analyse économique de l'entreprise.

    Le repreneur potentiel devra trouver, au contact du cédant, un compromis entre le comportement professionnel mais basique du financier et l'attitude passionnelle, basée sur l'émotionnel, de son interlocuteur. A son écoute concernant l'importance affective que revêt l'entreprise pour ce dernier, il exprimera lui aussi ses sentiments, plutôt liés à un défi personnel.

    L'analyse des informations disponibles doit permettre de dégager les points forts de l'entreprise (atouts, avantages, opportunités), et ses points faibles (vulnérabilité, handicaps, menaces). Sur cette base, les parties réaliseront l'évaluation et prépareront leur argumentaire afin de négocier et conclure la démarche de reprise.

    Une bonne connaissance de l'outil de production est tout d'abord indispensable. Le diagnostic des moyens permet en effet de comprendre la chaîne de valeur du secteur, et éventuellement de réfléchir à une optimisation des méthodes de travail. Les moyens sont représentatifs de l'activité de l'entreprise, mais aussi de la personnalité du dirigeant. Citons par exemple l'utilisation de matériels de pointe, qui montre un certain dynamisme de la part du dirigeant, due à une forte politique d'investissements. La qualité des conditions de travail des salariés, ainsi que leur niveau de formation, sont étroitement liées à la valeur de l'outil de production. Des ateliers propres et rangés démontrent par ailleurs qu'ils font preuve de motivation et de professionnalisme. La gestion des stocks est aussi à l'image de l'entreprise et de la personnalité du dirigeant, par l'usage ou non d'un logiciel spécialisé.

    Cerner les tâches de chacun va permettre au repreneur de vérifier l'organigramme, et de réaliser un premier bilan de la structure de pouvoir, souvent dépendante de la valeur ajoutée du poste.

    Pour chaque domaine d'analyse, les objectifs résident dans :

    · Le montage d'une synthèse, afin d'évaluer l'ensemble des actifs et identifier les causes de possibles manques.

    · Etablir des actions correctives et une politique d'investissements, ainsi que le calendrier associé.

    Le second diagnostic se focalise sur l'activité et la stratégie. L'étude du marché et de la position de l'entreprise sur ce marché mène à la définition de la stratégie à mettre en place. Elle impacte directement sur l'activité du personnel, leur poste et responsabilités, et sur l'organisation et les méthodes de travail.

    La stratégie déterminée et les actions correctives qui y sont associées joueront un rôle sur le type de management à appliquer lors la période de transition, et donc sur la qualité de la relation repreneur/collaborateurs.

    Le diagnostic financier viendra appuyer et justifier la politique du nouveau dirigeant.

    Comme le montre le graphique suivant, le diagnostic social a une importance capitale dans l'optique d'une analyse précise de l'entreprise. Il porte sur trois champs d'étude :

    Fig. 1 : Méthode de réalisation du diagnostic social.

    Ce diagnostic s'intéresse à la situation précise du dirigeant : est-il indispensable à l'entreprise ? Il s'agit d'évaluer les conséquences de son départ sur le comportement de ses collaborateurs et sur la vie de l'entreprise. Son degré de responsabilités et de leadership va impacter clairement sur le déroulement de la phase d'intégration du repreneur.

    Le candidat à la reprise étudie d'autre part la situation et le niveau de responsabilités de chaque employé, en consultant l'organigramme et le dossier personnel de chacun, comprenant un CV et différents documents liés à leur vis professionnelle (CV, formations, absences, avertissement...). Il doit particulièrement tenir compte de l'ancienneté des salariés, des primes diverses et des avantages sociaux. Le turnover au sein des équipes constitue aussi un indice important.

    Comme nous l'avons vu précédemment, une première mesure du climat social peut être réalisée avant la visite de l'entreprise et la rencontre des salariés, par l'étude de la personnalité du dirigeant et l'évolution de la relation cédant/repreneur.

    Concernant la troisième mesure, les interviews réalisées nous permettent d'affirmer que très peu de repreneurs cernent l'évolution du climat social qui règne dans l'entreprise au cours des mois précédents l'opération. Cette information est pourtant en effet très utile dans la mesure où elle représente la relation cédant/repreneur, base du contexte de l'arrivée du repreneur dans l'entreprise.

    Le repreneur doit obtenir, au terme du diagnostic social, une vision claire des compétences de l'effectif, des capacités d'évolution, mais aussi des difficultés potentielles. Il doit évaluer l'évolution possible de l'effectif, au niveau quantitatif et qualitatif. En accord avec la stratégie visée, il est possible d'en déduire de prochains coûts en terme de formation.

    Le diagnostic juridique devra confirmer que les contrats de travail sont en règle et qu'aucune action de justice n'a été entamée, en particulier à la Chambre Prud'homale.

    Chaque partie aborde l'entreprise d'un point de vue particulier, leur méthode d'évaluation diffère donc. Leurs motivations divergentes vont aussi impacter sur l'estimation de sa valeur.

    3. Première évaluation de l'entreprise.

    Le déroulement d'une transmission/reprise de petite entreprise est perturbé par la présence d'asymétries d'information, qui entraîne souvent une fixation du prix de vente basée sur une évaluation des actifs intangibles variable. Lors de l'opération, le cédant est mieux informé que l'acquéreur sur les performances présentes de l'entité, et sur celles potentielles dans l'avenir proche. Il a donc intérêt à ne pas divulguer certaines données qui peuvent faire diminuer son prix de vente, ce qui arrive finalement régulièrement, consciemment ou inconsciemment.

    Cerner la personnalité du dirigeant a permis à l'acquéreur de déterminer la valeur ajoutée qu'il va apporter dans l'entreprise. Grâce à différentes données liées au marché et au personnel, il va être possible de déterminer un potentiel de l'entreprise, et réaliser ainsi une première évaluation.

    Philippe Campos (expert CRA) précise quant à lui qu'il "apparaît pertinent de privilégier, dans le contexte actuel, la méthode des flux futurs de trésorerie actualisés. Une étude aboutie favorisera, en outre, auprès des partenaires, la mise en place du plan de financement". Cette méthode n'est pas idéale pour chacune des parties, mais permet de rapprocher leur première évaluation.

    Cet écart peut tout de même avoir un impact sur le comportement du cédant. Il peut privilégier l'accroissement de la performance à court-terme de son entreprise, c'est-à-dire les projets dont le délai de retours sur investissement est bref, au détriment des investissements de long terme comme, par exemple, la R&D. Ce risque de changement de comportement du cédant dans la période qui précède la cession est pris en compte par l'environnement qui, face à l'annonce de la mise en vente d'une entreprise, peut modifier son comportement vis-à-vis de la firme à céder.

    Comme nous l'avons vu précédemment, le fait que le cédant soit trop tourné sur le passé de l'entreprise (et le rôle qu'il y a joué) pendant la phase d'évaluation constitue un autre risque pour l'acquéreur. Il peut en effet surestimer la valeur de l'entreprise, dû au facteur affectif. Le repreneur ne doit pas en être surpris, mais il s'agit de faire prendre du recul à son interlocuteur.

    L'expert-comptable de chaque partie devra d'autre part déterminer la valeur du goodwill de l'entreprise. Il s'agit de la valeur de certains biens incorporels d'une entreprise, tels que le savoir-faire, la réputation, la force de sa marque ou la qualité de sa clientèle.

    Les dirigeants rencontrés insistent aussi sur le fait que décortiquer les dossiers clients et évaluer leur fidélité est une étape obligatoire afin que l'évaluation de l'entreprise ait un sens. Ces deux points peuvent engendrés des désaccorde entre les deux parties, il est donc conseillé aux acteurs de l'opération de laisser les débats aux mains des conseils.

    Dans un contexte de crise, certains comportements irrationnels sont observés, tel que le phénomène d'imitation, qui conduit chacun à suivre la foule qui est supposée avoir une meilleure information. Ces phénomènes s'analysent au travers de la finance comportementale, sur laquelle s'appuie de plus en plus l'évaluation d'entreprise. Elle applique "la psychologie à la finance et remet en cause l'efficience de marché" (Kahneman). L'évaluation d'un bien prend en compte certains critères de son propriétaire et potentiel acheteur. Par ce biais, elle s'adapte à l'évaluation d'une entreprise, et favorise la compréhension mutuelle des deux parties.

    A noter que même en situation d'information symétrique, le prix offert par le repreneur sera différent au profit futur que le cédant pourrait réaliser. Cet écart s'explique par des différences dans la formation des anticipations et dans l'attitude vis-à-vis du risque de chacun.

    Mais rappelons que la valeur d'une entreprise ne peut être fixée grâce à une évaluation. Il s'agit d'un ordre de grandeurs de valeurs possibles. D'après l'APCE, "l'entreprise est un objet unique, dont une bonne partie de la valeur dépend de quelqu'un qui s'en va (le cédant) et de performances futures dont la réalisation n'est pas certaine".

    La véritable valeur de l'entreprise est en fait le prix de cession, prix accepté par le cédant, et que le repreneur est capable de financer sans mettre en péril sa pérennité. L'ensemble des experts s'accordent sur le fait que la négociation demeure envisageable si l'écart entre les prix estimés est inférieur à 30%.

    La lettre d'intention peut alors être signée dans le cas où les deux parties souhaitent formaliser leur intention de poursuivre l'opération. La fourchette de prix provenant des premières évaluations sera indiquée, tout comme les modalités de reprise et les conditions suspensives de l'accord. Cette lettre est "engageante et juridiquement contraignante" (Meier & Schier, 2008). Il sera alors temps de réaliser les audits d'acquisition.

    Les audits d'acquisition (ou due diligences) permettent au candidat repreneur d'obtenir une information fiable sur la situation actuelle et future de l'entreprise. Il sera à même de croiser ces données avec celles obtenues en amont. Parmi les différents audits, l'audit social vise à identifier les collaborateurs clés, qui détiennent un savoir-faire indispensable à l'entreprise (portefeuille clients, qualification...). Le repreneur potentiel les a déjà rencontrées si les étapes précédentes ont été correctement menées. Meier & Schier conseille fortement, comme certains repreneurs rencontrés, "de les associer au projet de reprise, afin d'obtenir des garanties de leur fidélité par des engagements spécifiques". Il s'agit de plus d'analyser les risques sociaux, liés aux systèmes de rémunération et au poids des engagements de la société.

    La négociation finale peut alors débuter.

    Section 4 : Les risques liés la relation cédant/repreneur au cours de la phase de négociation.

    Chaque intervenant prépare cette phase en soulignant dans un premier temps les principaux points d'accord sur lesquels ils peuvent s'appuyer. "Une reprise, c'est d'abord deux personnes qui se sont plu et qui ont su garder de bonnes relations pendant la négociation" (Meier & Schier, 2008). Les antagonismes inutiles (Lemonnier, 2007) seront aussi étudiés, souvent à l'origine de tensions supplémentaires. Ils sont liés à des valeurs, des opinions personnelles, des mots particuliers prononcés...

    L'enjeu de la négociation doit être considéré "comme tout ce qui va avoir une incidence sur
    l'ensemble des intérêts, préoccupations, besoins, attentes et risques ressentis par les

    négociateurs" (Dupont, 1994). Il évolue suivant le temps et les circonstances. C'est grâce à cette flexibilité que peut être obtenue la convergence. Mais même en cas de relation privilégiée, l'attitude observée doit être positive, sans aborder les possibles désaccords de manière frontale. Les compromis seront trouvés plus facilement dans le cas d'une alchimie entre les interlocuteurs, principalement par l'intermédiaire de jeux. La créativité et la capacité à saisir des opportunités mènent chacun à une satisfaction personnelle, même si la partie n'est pas tout à fait gagnée. Chacun doit reconnaître les coups réussis et le talent de la partie adverse, et se montrer à la hauteur. Mais "attention à l'humour non partagé, qui peut être ressenti comme du mépris" (Lemonnier, 2007).

    En cas de désaccord, il s'agit de suivre le mode de raisonnement de son vis-à-vis, en y ajoutant sa touche personnelle. Les arguments peuvent être puisés dans son mode de pensée, ce qui s'avère très convaincant. Dans le cas où un sujet bloque, chacun prendra du recul sur la situation et en discutera avec ses conseils. Ce thème sera à nouveau abordé lorsque la confiance sera revenue grâce à des accords trouvés sur d'autres domaines.

    Un principe simple doit en tout cas rester à l'esprit de chaque interlocuteur afin de limiter les risques de rupture: ne pas exiger de l'autre partie ce que l'on ne pourrait s'imposer à soimême. De plus, une fréquence de contacts trop régulière entre les deux principaux protagonistes peut aussi devenir un risque, car le moindre malentendu ou désaccord au cours de la négociation peut engendrer une cassure dans la relation cédant/repreneur, et donc, dans le processus de reprise. Les experts sont présents pour aborder la majorité des points, dont ceux qui fâchent. Cependant, la question du prix doit être débattue directement entre le cédant et le repreneur.

    Concernant la négociation du prix de cession, le modèle Valentin® conçu par Lecointre (2008) peut se révéler un élément facilitateur pour parvenir à un accord. Si cette méthode développée estime précisément le prix réel de vente d'une entreprise, c'est parce qu'elle prend en compte des facteurs qualitatifs. Elle prend en compte et pondère la valeur commerciale de l'entreprise, la capacité d'autofinancement et les fonds propres de l'entreprise. La valeur commerciale comprend la disposition éventuelle d'un avantage produit (savoir-faire, complexité produit...), le niveau de maîtrise de sa clientèle (fidélité, concentration sur le marché...) et la disposition d'atouts humains et économiques qui la prédisposent à une croissance (organisation "démocratique", possibilité de développement...).

    Les acteurs doivent trouver un prix acceptable pour les deux parties : il s'agit de la "juste valeur". Il y a différentes solutions, avec des impacts positives ou négatives à court, moyen et long-terme. La pérennité de l'entreprise doit rester leur objectif premier. Elles sont souvent d'accord sur le fond : réaliser l'opération.

    Alors que l'objet et le prix de l'achat est déterminé, elles rencontrent cependant encore des difficultés au niveau des clauses suspensives et des garanties d'actif et de passif, ce qui tend généralement les relations, avant de signer le protocole d'accord.

    Des garanties d'actif et de passif sont en effet demandées au cédant, dans le but de protéger le repreneur contre une éventuelle perte de valeur causée par une action précédant la vente. La durée, la nature et le montant de ces garanties sont négociés. Même dans le cas où la relation de confiance est totale, cette étape est très fortement conseillée par les experts. C'est la raison pour laquelle des tensions peuvent apparaître en cette fin de négociation. Le repreneur devra se montrer assertif, en défendant ses droits sans empiéter sur ceux des autres. "L'assertivité correspond à une attitude de fermeté par rapport aux événements et à ce que l'on considère comme acceptable ou non, de façon à développer des relations plus harmonieuses" (Edmond & Picard). En fonction des derniers débats d'idées, informations échangées et compromis trouvés, les caractéristiques de la période d'accompagnement pourront être fixées.

    Le protocole d'accord concrétise les points d'accord de la négociation. L'acte de vente reste tout de même dépendant de la levée de conditions suspensives. Nous pouvons citer comme principales conditions l'obtention des financements nécessaires et d'agréments administratifs de la part du repreneur. La rédaction de l'acte de vente interviendra à la levée de ces conditions.

    Chapitre 3 : Etude de la relation tripartite à partir de l'arrivée du repreneur.

    De nombreux conseillers et organismes accompagnateurs considèrent maintenant leur mission terminée, dans le cadre d'une opération conclue avec succès. L'objectif de ce chapitre est de faire comprendre aux cédants et repreneurs que leur objectif commun de réaliser une opération bénéfique pour le développement et la pérennité de l'entreprise va largement dépendre du déroulement de la phase d'arrivée du repreneur (décrite dans la section 1.1). Dans un nombre de cas trop important, le nouveau dirigeant doit attendre cet évènement afin de rencontrer ses futurs collaborateurs. Les premières impressions de chacun seront capitales dans la construction des relations de travail durant les mois suivants.

    Nous nous concentrerons dans la deuxième section sur la période d'accompagnement du repreneur, au cours de laquelle l'évolution de la relation cédant/repreneur va fortement impacter sur la motivation et le bien-être des équipes au quotidien.

    Enfin, le départ du cédant est un moment dont le déroulement dépend principalement de la
    qualité des relations au sein du trio cédant/repreneur/collaborateurs. Il peut être un moment de

    joie pour chacun, comme une rupture nette. La troisième section permettra d'avancer plusieurs règles afin que chacun prépare le départ du cédant, et reconnaisse son travail et ses qualités. Il doit lui être rendu un hommage à la hauteur de son engagement passé pour l'entreprise.

    Section 1 : La phase d'arrivée du repreneur, un tournant dans la vie de l'entreprise.

    Dans la plupart des cas, l'annonce d'un changement de dirigeant et de l'arrivée du repreneur faite aux salariés intervient brutalement et à quelques minutes d'intervalles, ce qui engendre des attitudes négatives de la part des salariés, pouvant mener, à terme, à un échec de l'opération de reprise et à la défaillance de l'entreprise. Les risques constatés sur le terrain visant les deux principaux protagonistes seront analysés (1). Le degré de risque dépend du niveau de centralisation des responsabilités du cédant, et donc du vide qu'il va créer dans l'entreprise. "L'environnement réagit d'autant plus négativement à ce problème de transfert que les performances de l'entreprise sont fortement liées au capital humain du cédant, qui est un actif spécifique inaliénable" (Moore, 1992).

    Fiegener (1996) déclare quant à lui qu'"il n'existe pas d'évènement non récurrent plus critique que le transfert du pouvoir et de l'autorité d'un dirigeant à un autre". Une préparation minutieuse est donc indispensable et sera abordée dans un second temps (2).

    1. Les risques encourus par les différentes parties.

    Nous pouvons rapidement pu confirmer les propos de Boussaguet (2006), selon laquelle "l'émotion est un facteur de perturbation pour l'ensemble des acteurs", en particulier à partir de l'annonce du départ du cédant. Les personnes interviewées nous en ont effectivement fait part.

    Nous allons nous attacher à étudier les points de vue du cédant (1.1), du repreneur (1.2) et des collaborateurs (1.3) au niveau de leurs incertitudes et les risques qu'ils doivent maîtriser lors de cette phase. Nous fixons, dans un premier temps, l'hypothèse que la relation cédant/collaborateurs est saine, basée sur la confiance et le respect mutuel.

    1.1. Les risques encourus par le cédant :

    Les risques liés à sa propre personne concernent en premier lieu la non maîtrise de ses émotions lors de l'annonce aux équipes de la cession de l'entreprise. La façon dont il va annoncer l'opération à l'ensemble des équipes est déterminante afin que sa décision soit comprise par ses collaborateurs. Cette annonce doit avoir été préparée en compagnie du repreneur, et éventuellement avec un coach s'il a des doutes sur sa capacité à gérer ce moment difficile. Il doit être clair et concis vis-à-vis des salariés, suspendus à ses lèvres au moment de l'annonce de cet évènement capital. Ceux-ci vont avoir tendance à découvrir qu'une opération se préparait dans leur dos, et qu'ils n'étaient pas mis dans la confidence. Leur attitude va être fortement liée à la raison pour laquelle le cédant a pris la décision de quitter son entreprise et ses salariés, et à sa justification quant au déroulement choisi du processus engagé.

    Le risque principal de cette annonce réside donc dans l'émergence de menaces pesant sur la qualité de la relation cédant/collaborateurs. Les employés vont en effet connaître un premier choc lorsqu'ils apprennent la nouvelle. Le cédant doit gérer ces réactions en compagnie du nouveau dirigeant, sous peine de perdre la relation de confiance et de respect mutuel qu'il entretenait avec les membres de l'entreprise, ce qu'il pourrait ressentir comme un échec de l'opération...

    Les risques pour le cédant sont aussi liés à l'attitude que va tenir le repreneur lors de cette phase. Sa légitimité peut être mise à mal si l'image ou l'attitude de l'acquéreur n'est pas en adéquation avec ses attentes ou celles des salariés. Ce dernier doit montrer qu'il est le dirigeant officiel, mais qu'il est impatient de découvrir l'entreprise plus en profondeur et faire connaissance avec chaque salarié.

    1.2 Risques pour le repreneur :

    Le repreneur peut tout d'abord ressentir une appréhension de ne pas être à la hauteur de la situation et de la tâche future, dont l'enjeu est la valeur personnelle et professionnelle des collaborateurs. Rollin décrit un tout autre risque qu'il a désigné comme le « syndrome de décompression » : le repreneur peut en effet arriver le premier jour dans un état de relâchement et de fatigue général, après une période de festivité, alors que le bon déroulement de la phase qui débute est primordial.

    Le fait que le cédant réalise un long discours, flou et non-structuré, peut affecter le passage de
    témoin et la première opinion des employés au sujet de l'opération et du repreneur. Il doit
    s'engager à présenter clairement la personne qui l'accompagne comme le nouveau dirigeant,

    celui qui montrera la direction à suivre et prendra les décisions afin d'atteindre les objectifs de l'entreprise. Il devra montrer qu'il lui apporte tout son soutien pour prendre les rênes de l'entreprise. Dans l'idéal, il peut même mettre en avant les qualités de son successeur, ou plus exactement les raisons pour lesquelles cette personne est compétente pour reprendre l'entreprise. Il est conseillé aux deux acteurs de l'opération d'insister sur le critère de continuité au niveau du management si la santé financière de l'entité est satisfaisante, afin de rassurer les collaborateurs.

    A noter que le cédant dispose de trois possibilités lors de l'arrivée de son successeur:

    · Quitter l'entreprise lorsque la cession a été réalisée.

    · Rester pour une période contractuelle.

    · Changer de poste dans l'entreprise et collaborer avec l'acquéreur.

    La première hypothèse représente un risque pour le repreneur dans le cas où l'asymétrie d'information est importante.

    La troisième possibilité est aussi risquée pour les protagonistes, car il s'avère que leurs intérêts divergent très largement dans la majorité des cas. De plus, la mise en place de l'autorité du repreneur et de nouveaux projets se complique.

    Les protagonistes choisissent le plus fréquemment la deuxième hypothèse, au grand bénéfice de tous. Cela n'empêchera pas les salariés les plus liés à l'ancien dirigeant d'émettre les pires résistances à toute proposition de changement s'ils sentent chez lui un profond mal-être. La même attitude est constatée chez les personnes qui s'estiment avoir été trompées par le cédant, à qui ils accordaient leur entière confiance, ou flouées, dans la mesure où ils étaient candidats au poste.

    Il est d'autre part possible que le cédant désire quitter l'entreprise au plus vite suite à la présentation du nouveau dirigeant, afin de mettre un terme aux difficultés qu'il vit depuis le début du processus de transmission. Il en résulte dans cette situation des risques liés à une inquiétude légitime des salariés, qui s'interrogent sur leur avenir, et une position difficile, voire embarrassante, du repreneur face à une telle attitude de leur ancien dirigeant.

    Une personne interrogée a aussi abordé le risque suivant : la promotion d'un salarié à un poste clé sans l'accord du repreneur peut être une volonté du cédant d'entraver le processus d'intégration de son successeur, si cette personne n'a pas les compétences.

    Le risque encouru par le repreneur vis-à-vis de salariés qui ont foi en leur ancien patron est d'être dans en premier lieu perçu comme un inconnu. Afin d'éviter qu'ils gardent leurs distances à son égard, il doit utiliser une qualité indispensable du chef d'entreprise : mettre à l'aise ses interlocuteurs en multipliant les interactions, et donc établir un climat de confiance.

    Dans le cas opposé, il est susceptible de faire l'objet d'intense lobbying et d'être influencé quant à l'opinion qu'il se forme à propos de la personnalité et la compétence d'un(e) salarié(e), que ce soit dans un sens flatteur ou dégradant. Le nouveau dirigeant doit dans cette situation s'affirmer et annoncer qu'il établira ses propres jugements grâce au travail futur de chacun dans l'entreprise. Une remise à zéro des conflits doit donc être clairement effectuée par l'ensemble des acteurs de l'entreprise, avec la possibilité de recevoir certaines personnes pour des cas bien particuliers, qui rendent le concept mis en place impossible à envisager.

    Enfin, dans l'hypothèse où son prédécesseur ne disposait plus entièrement du pouvoir dans l'entreprise au moment de la cession, les salariés vont débattre ensemble du sujet et éventuellement formuler des demandes précises au nouveau dirigeant. Il s'agit alors d'un contre-pouvoir, dont le rôle doit être limité dans l'entreprise. Cette force sociale peut en effet restreindre l'exercice du pouvoir en place, donc du repreneur, et proposer une alternative aux décisions d'une autorité.

    Il est donc nécessaire, pour les deux principaux acteurs, d'étudier les risques ressentis par les salariés, afin de bien cerner leurs attitudes et réactions et répondre clairement à leurs interrogations. Il s'agit donc d'anticiper une probable dégradation du climat social.

    1.3 Risques pour les collaborateurs :

    La qualité des relations cédant/collaborateurs et repreneur/collaborateurs dépendent à courtterme des risques que les collaborateurs perçoivent à leur niveau.

    Ils sont en priorité sensibles au risque de perdre un tiers, celui qui a créé l'entreprise et auquel ils sont attachés. Il s'agit de la dimension affective incontestable du pater, ainsi que de son autorité naturelle. Le sentiment d'être abandonné, voire trahi par ce personnage est donc d'autant plus grand dans le cas où ils n'ont pas été prévenus. Seul son charisme a la capacité de concentrer l'attention, de retenir la confiance des collaborateurs, et donc de limiter une inquiétude démesurée.

    A noter que cette dimension de trahison est plus ressentie dans les entreprises les plus saines du marché, dans la mesure où le cédant jouait un rôle important dans ce succès.

    Les incertitudes liées à la capacité du repreneur de développer la croissance et les résultats de l'entreprise est une source d'inquiétude pour les collaborateurs et les partenaires commerciaux. Dans le cas de l'annonce d'une mise en vente de l'entreprise avant de connaître le repreneur, les interrogations sont maximales quant à sa gestion future. La pérennité de la firme est en effet en partie liée au profil du repreneur, à sa connaissance de l'entreprise et du secteur d'activité. Une réaction générale de méfiance et de repli est alors possible suite à cette annonce.

    Lorsque la relation cédant/repreneur est perçue comme tendue, un autre risque pressenti par les salariés est de trahir son dirigeant en acceptant de travailler avec "l'adversaire", avec la peur et la honte de "lâcher" le cédant pour "collaborer" avec le nouveau dirigeant.

    Dans les cas où les résultats de l'entreprise doivent être améliorés, l'attention des salariés se portent sur le maintien de leur propre emploi, mais aussi celui de leurs collègues, ce qui mène à des interrogations au niveau de l'organisation future de l'entreprise.

    Le lever d'une partie du secret de l'opération engendre donc de nombreux risques pour les trois parties. Le cédant et le repreneur doivent donc s'unir et s'entraider afin de limiter les risques communs et démontrer aux salariés que les bonnes décisions ont été prises afin d'assurer la pérennité de l'entreprise.

    2. La meilleure façon de réaliser une annonce convaincante : préparer cette phase capitale du processus.

    Je vais aborder dans cette partie la phase de préparation de l'arrivée du nouveau dirigeant (2.1) et du déroulement de ses premiers jours de présence (2.2).

    2.1 L'anticipation de la phase d'arrivée :

    Le cadre de la négociation, notamment la confidentialité des données et le secret de l'opération en cours, compliquent, pour l'acquéreur, cette anticipation des risques liés à son arrivée et à son processus d'intégration. La gestion par anticipation est basée sur la proactivité et le changement à intervalles réguliers. Il s'agit de créer un sentiment de nécessité impérieuse pour le respect des échéances.

    Mais le processus d'intégration du repreneur dans l'entreprise commence avant même son arrivée. Il a déjà pu analyser l'organisation de l'entreprise afin de comprendre son fonctionnement au quotidien. Dans un souci de juste évaluation de la firme, le cédant lui a apporté des informations complémentaires, liées entre autres au facteur humain. De plus, de nombreux points liés à l'organisation ont été abordés pendant la négociation. Ce processus de "socialisation" (Boussaguet) est donc déjà bien avancé dans l'esprit du repreneur, même si son intégration demeure virtuelle. Il est tout de même fréquent que le cédant apporte de plus amples informations à son interlocuteur après la signature du compromis de vente, ce qui permet à ce dernier de réviser certaines idées préconçues et préciser ses intentions. Comme l'annonce un repreneur rencontré, cela provoque parfois un déclic chez l'acquéreur.

    Le repreneur, qui a déjà entamé sa préparation psychologique afin de changer de rythme de vie, doit maintenant préciser sa façon de diriger cette entreprise. Il doit prendre conscience que son rôle dans la société va radicalement changer, par la prise de responsabilités sociales et économiques. Les repreneurs quittant un poste de salarié peuvent le vivre comme un choc, d'où la nécessité de s'y préparer, en rencontrant des chefs d'entreprise et en partageant régulièrement ses impressions et ressentis avec un groupe d'amis ou de collègues de confiance (membres de son réseau personnel et/ou professionnel). De nombreux repreneurs de petite entreprise le nomme "conseil d'administration". Ce groupe se réunira ensuite régulièrement afin de suivre les avancées de l'entreprise et de proposer au dirigeant de prendre du recul, par un effet miroir sur ses décisions et actions entreprises. Il va donc peu à peu prendre ses repères et se préparer à une transition en souplesse.

    Le dirigeant vendeur se basera sur le déroulement de la visite du repreneur au sein de l'entreprise, pour lui apporter éventuellement des conseils sur l'attitude à adopter lors de son arrivée officielle. Ils définiront ensuite une communication de transition. Les objectifs sont d'informer et de rassurer. Une vision d'ensemble de l'opération sera décrite, plus particulièrement de la part du repreneur, qui pourra apporter des précisions sur ses objectifs principaux, afin de "motiver et fédérer les collaborateurs autour de son projet" (Meier & Schier, 2008). Il pourra aussi mettre en place des actions afin de montrer son engagement dans sa prise de fonction, tout en associant les personnes de l'échelon hiérarchique intermédiaire à la gestion du changement. Cette proposition doit constituer un argument de plus afin de conserver les personnes-clés de l'entreprise, et limiter une possible désorganisation.

    Le repreneur devra dans tous les cas s'adapter au contexte culturel qui l'entoure, s'intéresser au passé de l'entreprise au contact des salariés, et à ce qu'il est impossible de modifier. Comprendre l'historique de l'entreprise va en effet permettre au nouveau dirigeant de comprendre les rites et habitudes des collaborateurs. Il pourra ainsi s'appuyer sur ce côté affectif cher aux employés lorsqu'il voudra mettre en avant l'aspect positif de la reprise d'un point de vue social, mais aussi en mettant en avant la préservation de cet état d'esprit propre à l'entreprise. A lui de maintenir le lien de confiance entre l'entreprise et les salariés, et travailler dans un premier temps dans la continuité de son prédécesseur. Il s'agit de "chausser les pantoufles" du cédant.

    Cette communication rassurante et insistant sur le lien fort des relations humaines est à moduler en fonction du statut des interlocuteurs, notamment avec les partenaires extérieurs. La ligne de conduite du dirigeant doit, dans tous les cas, être basée sur la transparence et l'engagement, afin de mettre en avant chez les salariés les valeurs de loyauté et de fidélité, et ainsi instaurer un climat de confiance propice à rassurer les stakeholders.

    2.2 Une gestion optimale du passage de témoin entre les deux dirigeants.

    Le repreneur va endosser le rôle de dirigeant, et être confronté à la réalité de ce nouveau statut dans l'entreprise. Il doit découvrir le fonctionnement réel de l'entreprise alors qu'il en est théoriquement le dirigeant. Ses priorités sont les suivantes :

    · Construire son nouveau rôle directorial.

    · Affirmer son leadership, face à des salariés souvent perturbés et peu motivés.

    Le cédant est, à court terme, le seul élément facilitateur de son intégration. Mais il peut très vite devenir un élément perturbateur de la reprise s'il ne réalise pas complètement ou sincèrement les trois principaux devoirs qui lui incombent. D'où l'importance de la complicité entre les deux personnes. Les missions du cédant consistent à :

    · Transmettre le savoir.

    · Accompagner et rassurer les salariés, et assurer de la présence légitime du repreneur.

    · Faciliter la rencontre entre le repreneur et les partenaires extérieurs.

    Le repreneur arrive, de son côté, avec une personnalité et une expérience, qui le mène inévitablement à voir l'entreprise différemment, et à entrevoir un potentiel de développement grâce à des changements dans l'organisation ou la technologie utilisée. Il se trouve cependant face à un héritage solide provenant du cédant, il doit donc suivre un processus bien défini afin d'atteindre d'abord un premier objectif : l'intégration dans l'entreprise. L'intégration constitue théoriquement le "processus ethnologique" qui permet à une personne de se rapprocher et de devenir un membre d'un groupe (Intégration à la française, 1993). Le degré d'intégration dépend des deux parties, donc de deux facteurs. La personne doit tout d'abord posséder une volonté de s'adapter et entamer une démarche d'insertion. Quant au groupe, il doit respecter les différences et particularités de l'individu, en montrant une capacité intégratrice.

    L'adaptation du repreneur se focalise sur les points suivants :

    · Découvrir l'organisation et la vie de l'entreprise.

    · Découvrir le rôle du cédant au quotidien et acquérir les process de l'entreprise.

    · Rencontrer chaque salarié lors d'un entretien individuel, et développer une relation de confiance, en expliquant clairement son projet.

    Le début de sa prise de fonction constitue pour chaque repreneur externe à l'entreprise deux exigences qui apparaissent, au premier abord, contradictoires. Il doit apprendre, acquérir de l'information pour comprendre l'organisation de l'entreprise, et, d'un autre côté, s'imposer en tant que leader et pouvoir de décision. Nous verrons que ces deux impératifs peuvent être

    réalisés parallèlement en adoptant une attitude particulière basée sur les qualités de manager du dirigeant.

    Il faut accepter ce temps d'adaptation et en faire une force, afin de tisser des liens forts avec les employés, en montrant de l'intérêt pour son travail, et donc en accordant beaucoup d'écoute à chaque personnage de l'entreprise. Il aura, pendant cette période d'immersion, la possibilité de relever des injustices et de les corriger, à la grande satisfaction de l'ensemble de l'entreprise.

    En outre, l'organisation d'une réunion plus ou moins formelle peu après le passage de témoin entre les deux dirigeants permet au repreneur de montrer aux équipes que leurs préoccupations sont prises en compte, et qu'il est ouvert pour répondre à toute question. Le fait de laisser la porte de son bureau ouverte est symbolique d'une ouverture d'esprit et d'une capacité d'écoute constructive pour le repreneur.

    Grâce à cette démarche, la légitimité du nouveau dirigeant vis-à-vis des salariés se verra accrue. Elle lui permettra aussi de mieux cerner les moyens dont il dispose, et, en outre de préciser les changements qu'il devra mettre en place afin d'atteindre les objectifs fixés dans le plan de reprise.

    Dès son arrivée dans l'entreprise, le repreneur doit aborder les questions suivantes, classifiées par l'organisme APCE :

    Il doit aussi s'intéresser à la culture de l'entreprise, représentée par 6 domaines :

    · Les rites sont des pratiques qui proviennent des valeurs communes des membres d'un groupe. Il peut s'agir de réunions de travail ou d'évènements particuliers, par exemple une journée portes ouvertes. On peut aussi parler de routines si ce sont des procédures pratiquées par les membres à intervalles réguliers.

    · Les mythes sont des histoires liées au passé de l'entreprise, concernant des personnes
    ou des évènements, qui ont marqué son histoire. Ils renforcent l'esprit de groupe.

    · Les symboles sont représentatifs de la nature de l'entreprise, et des valeurs qu'elle défend (logos, slogans...).

    · Les structures de pouvoir représentent la répartition du pouvoir formel et informel au sein de l'entreprise (actionnaires, influence politique ou économique, réseau relationnel...).

    · La structure organisationnelle.

    · Les systèmes de contrôle et de suivi (qualité, productivité...).

    "Mettre les mains dans le cambouis" est donc une expression entendue à maintes et qui résume parfaitement l'attitude à adopter, afin d'obtenir un maximum d'informations fiables grâce à la construction de relations de confiance envers chacun.

    Les déclarations des dirigeants rencontrés confirment que les premières décisions interviennent inévitablement au niveau humain, avec des changements rapides mais mineurs sur la façon de travailler. En débattant de ce sujet en compagnie de chaque employé, le repreneur apporte des idées et propositions, qui ont pour objectif d'améliorer sa productivité en jouant sur son bien-être dans l'entreprise. Les employés ressentiront ainsi une satisfaction à pouvoir juger des propositions du dirigeant et à proposer eux-mêmes, donc à échanger et être considérés. Le repreneur concrétise ainsi sa présence par des mesures simples et de bon sens, auxquelles il croit, afin de privilégier le bien-être et la productivité des salariés. Ils détourneront de ce fait leur attention du cédant et du passé, pour se concentrer sur leur rôle dans l'entreprise et l'évolution possible des méthodes de travail pour qu'ils se sentent mieux. Le repreneur est entré dans la phase d'initiation au changement. Il fera découvrir son type de management aux équipes et s'intéressera aux éventuelles réactions des salariés, afin d'approfondir sa connaissance des différents profils.

    Un autre point de vue consiste à profiter du regard de nouvel arrivant pour déterminer les points faibles de l'organisation et les actions à mettre en place afin d'obtenir des résultats rapides. Cette méthode est contestable, car imposer des modifications dans les méthodes de travail à destination de salariés dont la relation de travail n'est pas construite mène à l'échec des actions entamées. De plus, ces mesures peuvent être fondamentalement justifiées mais à l'origine d'une désorganisation de la petite entreprise.

    Nous suivons donc l'opinion d'un dirigeant rencontré pour conseiller de relever d'éventuels facteurs de progrès et réserver leur mise en place lorsque les relations de travail avec les salariés seront construites, à défaut d'être forcement basées sur un sentiment réciproque de sympathie et de confiance.

    En fonction de l'aura dont il dispose, le cédant va devoir très rapidement aborder des sujets importants avec certains de ses anciens salariés, qui sont susceptibles de se sentir considérés comme de simples "pions" alors qu'ils avaient confiance en leur dirigeant, et avaient noué avec lui une relation plus paternelle que professionnelle. Il doit expliquer et réexpliquer les raisons pour lesquelles l'opération s'est déroulée dans le secret.

    Section 2 : La période d'accompagnement du repreneur, une démarche gagnant/gagnant.

    La phase d'accompagnement mérite que l'on recentre notre attention sur la relation cédant/repreneur. Filion (1991) déclare "qu'être entrepreneur s'apprend plus facilement au contact d'un autre entrepreneur". Le repreneur a donc intérêt à privilégier cette période d'accompagnement au contact de son prédécesseur, même si cela constitue un coût et provoque des risques liés à l'évolution de l'attitude de l'ancien dirigeant. De son côté, ce dernier n'a aucune obligation légale d'accepter cette mission, mais il s'agit d'un devoir moral, et respectueux de l'avenir de l'entreprise et de ses salariés.

    De même que pour les étapes précédentes, une analyse des risques va être réalisée, avec les facteurs de tensions dans l'entreprise (1). Les solutions permettant de lisser la période de transition seront ensuite exposées (2).

    1. Les risques encourus par les deux principaux acteurs.

    Nous proposons maintenant de cerner les points d'incertitude du cédant et du repreneur pendant cette période d'instabilité de l'entreprise

    1.1 Les risques concernant le cédant.

    Le risque majeur du cédant est de se sentir mal à l'aise dans son nouveau rôle au sein de l'entreprise. Il peut se considérer comme un membre inutile, voire ignoré. Cette période lui permet souvent de faire un bilan de son action au sein de son ancienne entreprise. Mais la confrontation est rude avec un nouveau dirigeant entièrement tourné vers le futur.

    Les risques vis-à-vis des partenaires de confiance du cédant se révèlent identiques aux risques vis-à-vis des salariés lors de l'arrivée du repreneur. Ceux-ci peuvent être surpris d'apprendre la nouvelle seulement après cet évènement. La relation cédant/partenaires peut donc être fragilisée. Les cédants interrogés considèrent qu'ils auraient du faire l'effort de tenir au courant plus en amont leurs partenaires de confiance.

    Il faut en effet qu'ils devancent l'idée qu'ils peuvent se faire du client ou du fournisseur en train de se demander si son entreprise connaît des problèmes à l'annonce de la réalisation de la transmission.

    Un autre risque pour le vendeur est que le repreneur découvre assez rapidement un point sur lequel il s'estime floué. Il se verra alors demander une indemnisation. Même justifiée et concernant un point qui a involontairement échappé au cédant et à ses conseils, cette démarche peut nettement refroidir la relation entre les deux protagonistes.

    Le repreneur est susceptible d'afficher un excès de confiance, et d'imposer une rupture trop rapide, ce qui pourrait choquer le cédant, et éventuellement les collaborateurs en fonction de leurs attentes et désirs. Il peut au contraire ne pas s'intégrer assez rapidement et perdre en crédibilité lors de prises de décision.

    Il est aussi possible qu'il désapprouve certaines décisions de son successeur. Il devra prendre sur lui-même, et ne pas afficher son opinion devant les salariés, ce qui aurait le tort de lancer un débat dans l'entreprise. Cette démarche serait donc préjudiciable au bon déroulement de la période d'accompagnement.

    1.2 Les risques concernant le repreneur :

    Le repreneur peut rapidement concrétiser un sentiment de sur-confiance en lui en prenant des décisions hâtives ou mal appropriées. Il peut sentir le besoin d'imposer certains éléments clés dans l'organisation, notamment au niveau des objectifs de l'entreprise, des valeurs, de la mission ou du management. En effet, il arrive dans l'organisation avec une personnalité et une expérience antérieure qui le pousse à voir la réalité qui l'entoure différemment. Même porteur d'un projet réfléchi et cohérent, le repreneur doit garder l'esprit que les salariés peuvent rester très liés à leur ancien patron.

    Il peut faire face à différents types de résistances au changement. Certaines personnes
    s'opposent ouvertement à certaines démarches les éloignant de leurs méthodes habituelles de
    travail. Les risques associés se déclarent par des hostilités, pouvant débouchant sur le départ

    (fuite de compétences) ou le licenciement de salariés (fautes graves telles que le sabordage). D'autres semblent accepter cette politique de changement, mais adoptent une attitude passive, basée sur l'attente et l'immobilisme.

    Dans le cas où les partenaires de l'entreprise sont mis au courant de l'opération par une personne autre que le cédant (ou le repreneur), le risque qu'ils perdent confiance est maximisé. Il faut à tout prix éviter les on-dit ! Les fournisseurs émettent quant à eux des inquiétudes sur la prolongation des contrats existants, et il s'avère qu'une fréquente remise en cause de ces partenariats a été constatée par les entreprises dont les anciens dirigeants possédaient un fournisseur identique depuis la création de leur firme. Les créanciers et actionnaires minoritaires tiennent plus compte des faits concrets, en particulier des résultats de l'entreprise, et donnent leur confiance au cédant et au repreneur afin de gérer cette période de transition.

    Nous pouvons ajouter que le dirigeant est la voix et la tête de l'entreprise, et peut ne pas satisfaire certains partenaires réguliers de l'entreprise. Les contacts entre les dirigeants de petites entreprises (comme de l'ensemble des TPE et PME) et leur banque, fournisseurs et clients demeurent professionnels, mais comme toujours liés au côté interpersonnel : la prise de contact, l'approche, les méthodes de travail proposées et les affinités personnelles développées sont autant de facteurs dont dépend une relation de travail. Le risque qu'il encourt est, pendant un rendez-vous, de refroidir une relation d'entière confiance que le cédant était parvenu à installer grâce à partenariat de plusieurs années.

    Les incertitudes du repreneur sont aussi liées aux conséquences des premiers changements orchestrés dans l'organisation de l'entreprise et à la perception de ces actes de la part des stakeholders, mais aussi de l'ancien dirigeant, encore présent dans l'entreprise. Il peut mettre en danger les fondations de ses relations encore fragiles avec certains membres du personnel en cas de désaccords ou de décisions finalement inadéquates.

    La plupart des cédants redoutent la remise en cause des pratiques au sein de l'entreprise : l'enjeu est la reconnaissance du bien-fondé de leurs pratiques et des savoir-faire. Ils risquent donc d'émettre des réticences lorsqu'ils devront lâcher les rênes de l'entreprise et changer de fauteuil dans le bureau de la direction, ce qui peut devenir une source de désagréments pour un nouveau dirigeant. Après une période de patience, de compréhension et d'écoute afin d'apporter son soutien, celui-ci peut entamer une première rupture choisie. Cela signifie tout simplement se comporter en tant que seul et unique dirigeant et faire appliquer une décision prise, dans le cas présent, un changement physique de place dans son bureau entre l'ancien et le nouveau dirigeant. Le changement doit être clair et tranché. Dans le cas d'une incompatibilité croissante, les deux hommes doivent trouver un compromis entre l'impatience du cédant à être libre et autonome, seul aux commandes, et la volonté du dirigeant à rester dans l'entreprise. Il est préférable de respecter les termes du contrat concernant la période

    d'accompagnement, mais la priorité des deux personnes demeure de montrer aux stakeholders la qualité de leur relation. Rester unis dans le processus permet de réduire sensiblement les risques de défaillance de l'entreprise. Mais les raisons d'un quelconque différend pendant cette phase sont nombreux, notamment au niveau stratégique, commercial, organisationnel, mais aussi de l'évolution des méthodes de travail utilisées.

    La volonté du dirigeant d'être autonome est potentiellement source d'un stress supplémentaire, car les décisions prises engendrent des changements, donc une attente de résultats positifs, tout particulièrement de la part des collaborateurs.

    En outre, il est donc possible qu'il se sente très seul dans un premier temps s'il n'est pas apte à se confier à son prédécesseur. Ce ressenti est particulièrement fréquent chez les anciens managers provenant de grands groupes, qui avaient l'habitude de suivre une stratégie fixée par la direction générale et recevoir des objectifs précis.

    Le repreneur peut être fortement handicapé par la présence du cédant dans sa prise de décision. Posséder des responsabilités limitées est pour le cédant une contrainte nouvelle, qui n'est pas toujours respectée, surtout dans un cadre qu'il connaît parfaitement. Il risque de s'impliquer, en tant que collaborateur, à un niveau qui n'est plus le sien. Il demeure le référent, la mémoire, celui qui résout les situations complexes. Cette attitude part parfois de bons sentiments mais ne permet pas au repreneur de prendre réellement en main l'entreprise et d'asseoir son autorité. Une seconde réunion en compagnie du nouveau chef d'entreprise pourra avoir lieu afin de lutter contre la confusion des rôles et définir à nouveau la mission de chacun, ce qui peut constituer un avertissement du repreneur à destination de son prédécesseur.

    Tant qu'il est présent dans l'entreprise, il est possible que les salariés le considèrent toujours comme "le" dirigeant et voient le repreneur comme son successeur après son départ. Dans ce cas, le cédant doit insister auprès de ses collaborateurs réticents sur le fait que sa mission est maintenant réduite à un accompagnement. En parallèle, le nouveau chef d'entreprise doit s'attacher à développer davantage son leadership, et acquérir une légitimité pour favoriser ses prises de décisions. Le leadership, la légitimité, ainsi que la relation de confiance, sont en effet les trois principaux facteurs qui permettent à un dirigeant d'être reconnu par ses salariés. D'après notre étude, l'alchimie développée entre le dirigeant et un salarié, qui impacte sur la relation de confiance, n'est par contre pas liée à la reconnaissance ou non du dirigeant et de son autorité. Dans une petite entreprise, la construction du lien affectif avec chaque membre de l'entreprise est en effet indépendante de leur reconnaissance du statut de dirigeant du repreneur.

    Le cédant doit en parallèle se trouver de moins en moins présent sur le terrain, son effacement progressif permettant de concrétiser l'évolution du transfert de compétences. Pour réaliser cette démarche, il devra détacher sa propre identité de celle de son entreprise, notamment en formulant un nouveau projet de vie.

    Même si le chef d'entreprise est disposé à accompagner son remplaçant, il ne joue pas toujours le jeu de la continuité. Certains vendeurs ne s'impliquent pas suffisamment pour convaincre le personnel, garder la confiance des clients ou rassurer les fournisseurs. Maintenir l'ancien dirigeant dans l'entreprise, quel que soit sa fonction, peut aussi engendrer des conflits d'autorité et des rivalités, qui peuvent entraver le bon déroulement de l'intégration du repreneur. Bien que la transition soit utile, les deux protagonistes rencontrent des difficultés pas toujours surmontables, qui peuvent mettre un terme immédiat et définitif à la collaboration pour des raisons diverses (difficultés du cédant à se détacher de son entreprise, forte personnalité de l'ancien dirigeant pouvant écraser la légitimité du nouveau, désaccords au niveau stratégique...).

    D'autre part, un risque possible plane sur le climat social est une baisse de l'activité due à une pression exercée de la part des concurrents. Ceux-ci modifient leur offre afin de profiter de l'instabilité qui règne au sein de l'entreprise pendant cette période de transition, et d'affaiblir davantage un concurrent. Dans ce même objectif, ils souhaitent parfois recruter des salariés de l'entreprise et obtenir ainsi un savoir-faire supérieur.

    2. Réaliser une période d'accompagnement productive, en anticipant l'étape du départ du cédant.

    La période d'accompagnement est la phase du processus pendant laquelle le cédant doit transférer, en plus du savoir, les pouvoirs. La meilleure façon de déterminer sa durée est d'en définir les principales étapes. Le savoir concerne le savoir-faire et le savoir-être, qui sont deux éléments facilitateurs indispensables de son intégration. Il disposera d'éléments de base afin de bien comprendre la situation et la personnalité de chaque employé. Après la phase d'écoute et de la compréhension de la mission du salarié, le fait d'échanger régulièrement sur des sujets liés à son champ de compétences lui sera bénéfique. Cela lui permettra d'émettre des hypothèses et des propositions, mais aussi de vérifier si son interlocuteur est d'accord avec l'opinion qu'il s'est faite à partir des données qu'il a consultées. Il sera ainsi en mesure de recroiser les informations obtenues avec la personne compétente. Il montrera de ce fait son niveau d'avancement dans l'obtention des informations et obtiendra en parallèle des feedbacks, ce qui lui permettra d'entrer dans un cercle vertueux concernant les relations qu'il entretient avec les salariés. Mais il doit être conscient que ses efforts quotidiens peuvent être réduits à néant par une maladresse dans ses propos, une susceptibilité froissée ou une trop grande intransigeance, qui peuvent mener à une rupture subie avec un salarié, et éventuellement rapidement avec un groupe de salariés.

    Au début de cette période d'accompagnement, le dirigeant se trouve dans une position privilégiée afin d'acquérir les éléments nécessaires pour préciser son plan stratégique sans désorganiser l'entreprise ni bousculer ses salariés. L'enjeu se situe au niveau de la compréhension de cette vision du point de vue des salariés, et donc d'obtenir leur adhésion. Il doit en tout état de cause rester ouvert aux questions et propositions de tous, dans un esprit d'ouverture et de transparence, les qualités qu'il attendait de la part du cédant au cours du processus de reprise.

    En outre, le cédant officialise rapidement l'arrivée du nouveau dirigeant auprès de ses partenaires commerciaux dont la relation est proche et de confiance. Il peut à cette occasion proposer un rendez-vous afin d'établir un premier contact entre son successeur et les meilleurs clients et fournisseurs. Ils feront connaissance dans le but de fonder les bases d'une relation dans la continuité de celle entretenue entre le cédant et ses partenaires. L'objectif du nouveau dirigeant est de les rassurer sur ses projets, et éventuellement de leur démontrer le potentiel futur de leur partenariat.

    Il est en effet primordial, pour assurer la pérennité de l'entreprise, de continuer à bénéficier de prestations aux conditions avantageuses de la part des fournisseurs (qualité, coûts, délais) et des clients (tarifs, délais de paiement). Bénéficier du soutien du cédant auprès des partenaires commerciaux permet donc au repreneur de préserver l'équilibre de l'entreprise, et donc de rassurer les salariés.

    Le repreneur se rendra compte des responsabilités qui lui incombent, devenant maître de l'avenir de la relation cédant/partenaire commercial. Le cédant aura en effet confié au nouveau dirigeant son "bébé", mais aussi la qualité de ses relations futures avec son entourage professionnel. Une défaillance de l'entreprise, avec à l'origine des erreurs répétées du repreneur, déconstruirait son réseau professionnel.

    Le cédant est donc à l'origine de la relation repreneur/partenaires, facteur clé du potentiel de développement de l'entreprise.

    On peut de même citer le banquier, grâce à qui l'entreprise bénéficie de conditions particulières en cas de découverts ou de retards de paiement. Préserver en toute confiance la collaboration avec une personne qui connaît parfaitement la situation de l'entreprise est vivement conseillé.

    Un rendez-vous sera idéalement organisé avec chaque acteur faisant partie de l'environnement de l'entreprise, et qui joue un rôle dans la situation économique actuelle de l'entreprise. Le repreneur décidera d'une éventuelle remise en cause du contrat, mais disposera en tout cas d'une entière légitimité, grâce aux déclarations du cédant.

    Après la découverte de l'entreprise et de son environnement, ainsi que de ses salariés, le repreneur peut aborder la seconde phase, qui consiste à prendre les premières mesures (phase d'activation du changement). Les conséquences de leur mise en place auront un impact plus ou moins fort sur le rythme de vie l'entreprise, caractérisé par les habitudes prises par les employés dans l'organisation et leurs méthodes de travail. La remise en cause de l'organisation de l'entreprise n'est pas évidente, car accepter ces changements de la part des salariés signifie en quelque sorte oublier le cédant, donc le trahir, surtout si il est encore présent dans l'entreprise. Le repreneur doit montrer une direction en conservant les éléments primordiaux et constitutifs de la société. Il respecte ainsi son prédécesseur, et l'ensemble de son oeuvre, qui a mené l'entreprise à la situation économique et sociale telle qu'il l'a découverte pendant les premières semaines à sa tête.

    L'objectif pour le repreneur est de faire de la préservation de certaines habitudes une force, un socle sur lequel il s'appuie pour mener les changements nécessaires. Symboliquement, il reconnaît le bien-fondé de certaines méthodes et habitudes des salariés et de son prédécesseur. Basé sur une relation de confiance, il explique l'aspect gagnant/gagnant de l'application de nouvelles méthodes, mises en place en complément de celles préservées, et donc solidifiées. Ce type de management doit permettre de réduire, voire éliminer, les facteurs de blocage et de résistances aux changements.

    Le nouveau dirigeant doit avoir cerné, avant la fin de cette phase, la réalité de l'organisation de l'entreprise et acquis la connaissance du métier afin d'exercer pleinement sa fonction, dans un champ de réflexion et d'action bien défini. Il aura compris la culture et les valeurs défendues par les salariés, tout comme aux fondements d'éventuels contre-pouvoirs, liés aux fonctions et personnalité de chacun des salariés. Il aura aussi mesuré les résistances au changement, identifié les salariés qui peuvent constituer ses relais, sur qui il pourra s'appuyer, mais aussi ce qui n'adhéreront pas à son projet.

    Il sera donc apte, à terme, à faire évoluer la façon de travailler et les champs de compétences de chacun, en apportant les outils indispensables de contrôle et de suivi tels que les tableaux de bords (souvent inexistants dans les petites entreprises dont le cédant gérait l'entreprise depuis plusieurs décennies). L'amélioration continue des pratiques grâce à un suivi régulier est synonyme d'une consolidation du changement.

    Le repreneur devra, pendant cette période d'accompagnement, assurer une gestion de continuité et attendre le départ du cédant afin de mettre en place certaines décisions qui auraient pu le choquer (licenciements, changement de stratégie), quitte à avancer ce départ si les changements à effectuer sont urgents. Il sera définitivement patron lorsqu'il se sera

    approprié la culture de l'entreprise et aura apporté son coup de pinceau. Il doit donc faire ses preuves, en montrant aux salariés qu'il est des leurs, tout en établissant un nouveau leadership et, si besoin est, développer un nouvel état d'esprit. Ouvrir des perspectives nouvelles à destination des salariés aide à la réalisation d'avancées dans le domaine de la socialisation du repreneur, notamment en relançant leur confiance dans l'avenir de l'entreprise, et donc leur motivation dans l'accomplissement de leur mission.

    Dans un souci d'accompagnement réciproque, et donc de proximité, le besoin d'informations précises et régulières est nécessaire dans les deux sens. Le repreneur doit accepter les contraintes qu'il fixe à d'autres. Il devra donc tenir régulièrement informé le personnel, et dans une moindre mesure l'ancien dirigeant, de l'avancement du plan de reprise et de développement de la petite entreprise, ainsi que sur les résultats par rapport aux objectifs.

    Il doit en parallèle tenir compte du travail de deuil du cédant dès le début de la période de transition. Mais il n'est pas toujours aisé pour lui de donner du sens à ce qui lui apparaît dans un premier temps comme des débordements émotionnels et des résistances au changement, alors qu'il attend enthousiasme et performance immédiate.

    Il doit donc faire preuve d'imagination, tout en respectant les symboliques traditionnelles. En évitant de revenir sur le passé, les deux acteurs doivent s'isoler des problèmes de l'entreprise et recentrer leur attention sur leur situation personnelle.

    Ils doivent aborder les sujets pour lesquels ils ont des affinités et des points de convergence, mais aussi échanger sur :

    · les plans futurs et les sentiments profonds du cédant par rapport à l'évolution de ses
    relations personnelles vis-à-vis des membres de son réseau, y compris les salariés.

    · L'évolution de l'adaptation du repreneur dans la nouvelle vie qu'il mène.

    Ils doivent se rassurer mutuellement et préparent ainsi le départ futur du cédant.

    En parallèle de l'effacement du cédant, le nouveau chef d'entreprise devra faire face aux attentes des stakeholders, et sera sollicité pour résoudre tous les problèmes car la prise de responsabilités de chacun est limitée au sein de la petite entreprise dirigée par le fondateur. Un dirigeant rencontré a confié être demandeur de solutions, et non de problèmes. Il est disponible afin de décider entre deux solutions dans la résolution de problèmes et de justifier cette décision, mais il estimait négatif le fait de centraliser la détermination des solutions envisageables. Il s'agit d'une part de multiplier les échanges et débattre davantage au sein de l'entreprise, mais aussi de développer une organisation basée sur la délégation et la responsabilisation. Le nouveau dirigeant doit, quelque soit le contexte de la reprise, prendre les décisions rapidement, en tenant compte du point de vue du cédant.

    Le sentiment de solitude et/ou d'absence d'avancées se réduira dès les premiers résultats des actions mises en place. La prise de leadership se développera et le nouveau dirigeant reprendra confiance en lui, grâce à un sentiment de compétence et de pouvoir de décision, qu'il utilisera à bon escient. Il pourra en outre mesurer ses progrès en termes d'intégration et de légitimité, en fonction de l'éventail des sujets abordés avec les salariés, et à leurs réactions lors du lancement de différentes actions.

    Cet élan doit le pousser à prendre les premières décisions importantes, dans le cadre de la stratégie définie, portée à la connaissance des employés. La condition nécessaire est que son prédécesseur soit ouvert à ces manoeuvres et à assister à l'évolution de son entreprise sous les ordres d'un autre individu. Le nouveau dirigeant sera en mesure de prendre des décisions portant sur des domaines de compétences de plus en plus pointus, et impactant sur la vie quotidienne de l'entreprise et sur ses résultats. Le système d'information est dans la plupart des cas à revoir, dans un objectif de rentabilité et de contrôle. Le repreneur devra aussi travailler sur la mise à jour les bases de données de l'entreprise.

    Il n'empêche que ce processus fonctionne lorsque la relation de confiance est totale entre les deux hommes, qui ont contribué à une préparation soigneuse de chaque étape. Mais la situation rencontrée mène fréquemment à un conflit de rôle entre les deux dirigeants. La direction à deux têtes doit donc durer le moins de temps possible à partir du moment où le repreneur détient le leadership, donc est reconnu apte par ses collaborateurs à diriger l'entreprise et montrer la direction à suivre.

    Notons enfin les ajustements identitaires qui vont avoir lieu au sein de l'entreprise (Bouchikhi). Le repreneur a du, à la suite de son arrivée, se fondre dans le paysage et observer, avant d'être légitime dans le but de fixer une ligne de conduite et la mise en place des premières actions. Il a avant toute chose ajusté son identité à celle de l'entreprise, tout du moins en apparence. Les employés seront dans un second temps enclins à faire ce même effort envers le nouveau dirigeant, qui va faire évoluer peu à peu l'identité de l'entreprise. Comme nous l'avons vu précédemment, l'identité de l'entreprise est fortement corrélée à la personnalité de son dirigeant. La qualité de la relation repreneur/collaborateurs règlera le rythme d'évolution des pratiques et de l'organisation, en parallèle du développement économique de l'entreprise.

    Ces ajustements sont lents car ils doivent s'inscrire dans la durée, mais aussi incertains, car l'identité d'un individu ou d'un groupe ne dépend pas que de lui-même. Une nouvelle identité n'est viable que si elle est acceptée par le milieu social dont elle a besoin pour fonctionner. Mignon (2001) affirme d'ailleurs que "la pérennité organisationnelle est préservée lorsque l'entreprise a su au cours de son histoire, résister à l'épreuve des bouleversements profonds de son environnement et préserver l'essentiel de son identité".

    Nous pouvons conclure par les quatre principales étapes du processus de reprise, vécues par le nouveau dirigeant suite à son arrivée dans la petite entreprise, que Debouloy résume parfaitement:

    · Le refus de la part des salariés, pendant laquelle la rationalité du repreneur est prise en défaut. Ils sont en désaccord avec toutes les initiatives qu'il prend, dont ils mettent en avant les aspects négatifs. Ils critiquent plus généralement l'opération de reprise, dont ils sont victimes.

    · La réalité de la disparition, ou "décharge émotionnelle", pendant laquelle le passé est idéalisé, et le présent rejeté. Il est très difficile pour le repreneur de remettre de l'ordre dans les propos de ses collaborateurs, même si ils semblent inexacts ou injustifiés. Il ne doit pas opposer une rationalité rigoureuse face à la démesure des émotions, ce qui mènerait à la confrontation. Il doit favoriser les échanges au sein des équipes, afin de faire réapparaitre le passé réel.

    · La dépression, pendant laquelle le repreneur fait face à un manque de motivation et d'énergie des salariés, qui ne distinguent encore que vaguement la nouvelle identité de l'entreprise. De même, le dirigeant prend du recul sur les décisions qu'il a prises et les remet en question.

    · Le rétablissement, lorsque le repreneur est à même de gérer les équipes seul, et que les premiers résultats positifs apparaissent pour l'entreprise et les salariés, qui partageront à nouveau leurs idées et sentiments.

    Section 3 : Le départ du cédant.

    Les relations que le cédant entretient avec les employés de l'entreprise vont connaître une seconde rupture lors de son départ définitif, après celle provoquée par l'annonce du changement de dirigeant.

    Le risque est que le cédant claque la porte de son entreprise ce jour-là, et rompe tout contact avec le monde de l'entreprise.

    Cet évènement doit conclure de façon cordiale et conviviale la période d'accompagnement, et plus globalement l'opération de transmission de l'entreprise. Il finalise l'intégration du dirigeant, qui vit cet évènement en tant que membre de l'entreprise à part entière. Il s'agit de réunir le personnel afin de fêter et remercier l'ancien chef d'entreprise, ce qui est à la fois "moralement justifié et socialement souhaitable" (Lecointre). Le principal risque demeure un départ du cédant fondateur en mauvais termes avec les stakeholders et/ou son successeur, ce qui est regrettable pour l'ensemble des protagonistes. Tout homme ayant un minimum de sensibilité et de besoin de reconnaissance, le cédant peut donc, dans ce contexte, culpabiliser et être touché dans sa propre estime. Un début de dépression est, à ce moment, un risque réel.

    Le dirigeant fait un premier bilan de sa période à la tête de l'entreprise. Il met en avant le rôle fondamental qu'a joué le cédant dans le déroulement de l'opération, et le décrit en tant qu'élément facilitateur dans la prise en main de son poste de dirigeant de l'entreprise. Il conclut son discours en abordant l'avenir et la séparation de leur chemin.

    Dans les cas où la relation de confiance a été préservée, le dirigeant offre la possibilité au cédant de revenir dans l'entreprise quand il le souhaite, afin de lui montrer que cette entreprise ne l'oubliera jamais et qu'il sera toujours le bienvenu. Ce dernier doit avoir le sentiment d'être reconnu et apprécié pour ce qu'il est et ce qu'il a réalisé.

    Le discours du cédant, souvent touchant, aborde la façon dont il a vécu sa vie professionnelle depuis la création ou la reprise de son entreprise. Le dirigeant vit de l'intérieur et apprend beaucoup, grâce à des informations précieuses sur l'histoire de l'entreprise, et aux réactions des différents salariés.

    L'ancien dirigeant propose enfin à son successeur, en aparté, ses conseils en cas de problèmes spécifiques dans l'avenir, à moins qu'il souhaite rompre totalement avec son passé, et changer de vie.

    Suite à cet évènement, qui a mis en relief les sensibilités de chacun, les salariés pourront travailler de manière proactive et participer à la modernisation de l'entreprise, en usant de leur créativité et de leur expérience. Une page de l'entreprise sera tournée, et une nouvelle période sera lancée, pendant laquelle l'entreprise va poursuivre sa mutation.

    A noter que le départ peut être avancé par rapport à la durée prévue dans le protocole d'accord, en fonction de la tournure des évènements, pour le bien de l'entreprise et de son développement, ce qui ne doit enlever en rien de son caractère unique.

    L'arrivée du repreneur est donc comme un choc dans une petite entreprise. Le changement de dirigeant est fréquemment annoncé quelques minutes plus tôt, ce qui provoque un changement de comportement des employés. L'intégration du nouveau dirigeant dans l'entreprise (construction de la relation repreneur/collaborateurs) est rendue plus difficile dans ce contexte, dépendant fortement de la qualité de sa relation avec le cédant et de la relation cédant/collaborateurs. Or, les collaborateurs se sentent la plupart du temps trahis par leur ancien dirigeant, une rupture a donc lieu dans la relation de confiance.

    On peut noter que la légitimité du repreneur s'acquiert grâce au transfert des informations et du pouvoir par son prédécesseur, mais aussi par les échanges et la construction d'une relation de confiance avec les employés. Pour ce faire, il fixera une ligne directrice au niveau de la stratégie de l'entreprise, et se rendra régulièrement sur le terrain, afin de réunir des

    informations techniques, liées au métier et à la mission des salariés, et humaines, concernant leur personnalité et opinions.

    Durant la période de transition, le repreneur doit suivre trois phases, dont la durée est variable et doit être adaptée en fonction de l'attitude de l'ancien dirigeant et des stakeholders. Les objectifs de chaque phase sont les suivants:

    1. Diagnostiquer le fonctionnement existant de l'entreprise en identifiant ses forces et faiblesses, et repérer les directions de développement.

    2. Evaluer les besoins et les manquements en termes de changement, et définir les managers et les équipes qui devront mettre en oeuvre ces actions pour répondre à ces besoins.

    3. Contrôler et évaluer régulièrement les résultats.

    Enfin, le bon déroulement du départ du cédant dépend du travail de deuil réalisé durant la période d'accompagnement, au contact des salariés et du repreneur.

    Conclusion Partie 2 :

    Nous avons réalisé une analyse de la prise de risques de chaque acteur de l'opération, ainsi qu'une description des problèmes éventuellement rencontrés.

    Les principaux risques sont élevés concernant les possibles découvertes portant préjudice au repreneur lors de ses premières semaines dans l'entreprise, basées sur un manque d'information.

    On note que les informations liées au type de management du dirigeant, à la qualité de ses relations en interne et du climat social seraient très utiles au repreneur potentiel afin de :

    · Evaluer plus précisément l'entreprise en tenant compte de facteurs humains (personnalités, relations au sein de l'entreprise, structure de pouvoir, valeurs et culture de l'entreprise...).

    · Parvenir à un prix de cession équitable.

    · Anticiper le contexte de son arrivée dans l'entreprise, et prévoir les principales difficultés qui seront rencontrées.

    Il adopterait donc une attitude adaptée et cohérente aux côtés du cédant pendant la période d'accompagnement.

    On peut donc affirmer que l'anticipation des risques atteint rapidement ses limites
    concernant la préparation de l'intégration du repreneur et du départ du cédant dans
    l'entreprise à cause du secret entourant l'opération et de l'asymétrie d'information.

    Houillon (2008) déclare d'ailleurs : "Un tacticien avisé a tout prévu. Un tacticien quiréussit se tient prêt à répondre à tout imprévu."

    Il est donc temps de remettre en cause certains fondements du déroulement du processus de transmission/reprise de petite entreprise. Las acteurs et conseils cerneront mieux les risques, limités mais différents, par un accès plus large à l'information.

    PARTIE 3 : MISE EN PLACE D'UN PROCESSUS FACILITATEUR A DESTINATION DU CEDANT ET DU REPRENEUR.

    Chacun des acteurs profitent du secret dans lequel se déroule l'opération, mais évitent d'aborder certaines sources de désaccords. La raison financière occulte en partie l'étude des risques au niveau social, liés aux réactions possibles des salariés et à l'évolution du climat social dans l'entreprise. Cela nuit pourtant au bon déroulement des opérations de transmission/reprise, et à terme à la pérennité de certaines entreprises. Dressons tout d'abord un bref bilan de la situation, avant d'envisager un processus basé sur des principes différents.

    Le secret est favorable au cédant dans la mesure où il n'existe pas d'inquiétude chez les salariés à propos de la personne qui va reprendre l'entreprise : on constate donc une limite de la perte de productivité en amont de la cession, et donc une valorisation de l'entreprise supérieure. La transaction se déroule dans un climat serein, tout au moins non affecté par cette opération. Mais le choc est d'autant plus rude pour ses collaborateurs à l'annonce du changement de dirigeant et à la présentation du repreneur. Leurs réactions et les changements d'attitude à l'égard du cédant, qui constituent les ondes de choc de ces évènements, le touchent profondément.

    Le secret est aussi avantageux pour le repreneur, étant donné que la pression due à l'attente ou à l'inquiétude des salariés est inexistante. Il peut donc visiter l'entreprise en toute discrétion, en tant que possible partenaire commercial de l'entreprise. D'autre part, le secret se révèle bénéfique pour son intégration lorsque les salariés sont déçus par l'attitude irrespectueuse du dirigeant cédant.

    Réaliser l'opération dans le secret lui est cependant dommageable car la connaissance de l'entreprise et des salariés s'avère limitée, même si les personnes-clés ont été, dans la majorité des cas, rencontrées avant son arrivée officielle.

    Le secret engendre des découvertes multiples pour le repreneur à partir de son arrivée. Le risque de litiges est donc plus élevé si de mauvaises surprises apparaissent, d'où des difficultés plus fréquentes dans la relation cédant/repreneur pendant la période de transition. Le secret dans lequel s'est réalisée l'opération complique le bon déroulement de la phase d'arrivée et d'accompagnement du repreneur, et donc du départ du cédant. On en déduit de ce fait que les chances de réaliser une transmission/reprise réussie, avec un sentiment de satisfaction mutuelle avec plusieurs mois de recul, est réduite.

    L'objectif de cette partie consiste à proposer un nouveau modèle de processus d'une opération de transmission/reprise, afin de réduire le taux de défaillance des petites entreprises reprises, en insistant sur les points suivants :

    · Améliorer la communication interne de l'entreprise, en tenant au courant les collaborateurs de l'avancée du projet de cession.

    · Rassurer les collaborateurs en les impliquant dans le processus.

    · Construire une relation d'étroite collaboration entre le cédant et le repreneur, afin d'optimiser le déroulement de la négociation.

    · Préparer l'arrivée du repreneur dans l'entreprise afin qu'il s'intègre rapidement et gagne la confiance des collaborateurs, et réciproquement.

    Le "modèle" de processus présenté s'adresse plus particulièrement aux profils suivants :

    · Le cédant est le dirigeant-fondateur depuis plus de dix ans, qui fait qu'aujourd'hui, il tient à son entreprise et entretient une relation de confiance avec l'ensemble des membres de ses équipes. Il n'est pas contraint de vendre le plus rapidement possible, et peut se préparer psychologiquement à la cession, et respecter les différentes étapes du processus.

    · Le repreneur effectue sa première reprise d'entreprise. Il était dans la majorité des cas manager d'une équipe dans un grand groupe.

    Une santé financière saine et un climat social serein constituent les deux conditions indispensables d'une entreprise qui s'apprêtent à mettre en place ce processus de cession innovant.

    Chapitre 1 : L'annonce du projet de cession de l'entreprise de la part du dirigeant, basée sur la qualité de la relation cédant/collaborateurs.

    Intéressons-nous dans un premier temps à la situation dans laquelle se trouvent un grand nombre de dirigeants fondateurs au moment de prendre la décision de céder. Ils repoussent fréquemment cette décision, jusqu'à ce qu'elle intervienne brutalement, pour une raison souvent extérieure à leur volonté. Ils ne sont donc pas préparés psychologiquement le jour J, et refusent de travailler sur la séparation entre leur propre identité et celle de l'entreprise, qui ne font qu'une. Ils sont donc contraints d'agir sous la pression, et ne souhaitent pas la communiquer à leur entourage professionnel.

    Comme nous l'avons vu précédemment, cette opération est une décision qui concerne tout autant les salariés, qui vont faire face à une période d'incertitude et de remise en cause de l'ensemble des acquis et compétences de chacun par le nouveau dirigeant.

    Prenant du recul, le cédant doit se rendre compte qu'il va non seulement perdre son entreprise, mais aussi la relation de confiance avec ses salariés si il ne les met pas dans la confidence concernant la décision capitale qu'il a prise. Or, mis à part le fait d'obtenir un prix satisfaisant représentant la valeur de tous les efforts qu'il a consentis pour son "bébé", il est focalisé sur la pérennité de l'entreprise, donc sur la préservation des emplois. On peut ainsi affirmer qu'il est allié aux salariés dans le but de trouver un repreneur fiable et compétent. Il doit donc se baser sur l'étroite relation de confiance pour annoncer son intention de céder au cours d'une réunion rassemblant l'ensemble des salariés sur une liste de présence. Le fait de révéler une intention démontre aux salariés qu'ils ne font l'objet d'aucune contrainte ou pression. Le dirigeant doit la justifier clairement et simplement (départ à la retraite, nouveau projet de vie...), afin que chacun se rende compte que cette décision majeure est tout à fait compréhensible. Un manager de transition confirme le fait qu'il puisse se présenter comme un simple collaborateur au sein de l'entreprise, qui va préparer méthodiquement sa succession comme tout salarié qui souhaite quitter son entreprise. Il s'engage à former son successeur et à transférer les informations utiles, en respectant les règles sociales et morales en vigueur. Il peut véritablement réaliser cette annonce s'il croit en ses employés et en leur courage et motivation à affronter cette période d'instabilité et à en sortir plus forts. Il doit expliquer le déroulement général de ce type d'opération, et décrire ses intentions concernant le profil du repreneur. Il se déclare ouvertement prêt à recevoir des candidatures de repreneurs potentiels.

    Le dirigeant cédant est à ce moment en mesure de demander un effort particulier de la part des salariés : pour tous les sacrifices qu'il a réalisés, l'entreprise doit continuer à vivre normalement et sereinement. Les salariés doivent en effet rendre à leur chef d'entreprise cette confiance en ne remettant pas en question sa capacité à trouver un repreneur qui sera digne de l'entreprise et de ses salariés, et apte à garantir leur avenir grâce à un développement maîtrisé. Cette relation de confiance réciproque doit se confirmer par la préservation de cette confidence en interne. Cette annonce doit être formalisée par un écrit, décrivant le contenu du discours du cédant, et signé par son auteur. Un mail doit être envoyé aux salariés afin d'officialiser ses déclarations.

    Les risques liés à l'annonce de l'opération le jour de l'arrivée du repreneur, présentés dans la deuxième partie, sont largement réduits, de par le fait que les salariés ne sont plus otages de la transaction et objets du changement, mais bien acteurs de l'opération et des changements qui en résulteront. Ils se sentent ainsi respectés et informés, et vivront donc mieux le changement de leadership et de stratégie, car celui-ci n'est plus imposé mais attendu et légitime.

    Cette annonce engendre tout de même des risques nouveaux, aussi bien au niveau interne qu'externe à l'entreprise.

    Chaque salarié entre dans une période de questionnements, malgré qu'il ne ressente, envers le cédant, aucun sentiment de colère, de déception ou de trahison. Leurs inquiétudes peuvent se révéler gênantes dans la vie quotidienne des entreprises, concrétisées par une baisse de motivation et d'efficacité. Les entreprises qui obtiennent de bons résultats pour partie grâce aux compétences du chef d'entreprise doivent être particulièrement attentives à ce danger. La majorité des collaborateurs juge toutefois la raison de son départ totalement justifiée, même si elle est difficile à accepter. Leur relation va alors évoluer, car leurs attentes vis-à-vis de la présentation du repreneur vont être de plus en plus fortes, concrétisées par des questionnements réguliers sur l'avancement de la recherche et du processus de transmission. Ce sujet devient le sujet central des discussions entre les salariés, ce qui ouvre la voie à de nombreuses rumeurs. La baisse de productivité s'avère dans ce contexte inévitable.

    De plus, il est possible qu'un salarié décide de prendre la même décision que son dirigeant et de quitter l'entreprise, souvent pour cause de départ à la retraite. L'instabilité dans l'entreprise risque donc d'être amplifiée.

    Dans le cas contraire, un cédant interrogé a déclaré avoir refusé l'annonce de la cession aux équipes pour éviter la démotivation des équipes.

    Les risques externes se concentrent principalement sur d'éventuels échos qui se propagent en dehors de l'entreprise. Les partenaires commerciaux ne doivent pas apprendre la préparation ou la réalisation de cette opération par une personne autre que le dirigeant, actuel ou repreneur, qui décidera du moment opportun pour aborder ce sujet en fonction du contexte et de la qualité de la relation qu'il entretient avec chacun d'entre eux. Néanmoins, dans la majorité des cas, les fournisseurs et banquiers ne concrétisent pas certaines craintes qu'ils pourraient émettre quand à un changement de dirigeant. Ils ne se désengagent pas brutalement, car les pertes liées à cette démarche pourraient en effet être supérieures aux pertes anticipées si le risque est avéré. Le risque de précaution des stakeholders est donc limité, dépendant des compétences du dirigeant sortant.

    Dans le cas où le dirigeant change de stratégie, afin de maximiser les profits à court-terme, et donc la valorisation de l'entreprise, une réaction des clients et des concurrents est probable. Si la relation de confiance cédant/client n'est pas totale, ce dernier peut rompre les contrats engagés dû à un fort risque de manque d'investissements et donc, à terme, de compétitivité. Les concurrents de l'entreprise réagiront en parallèle aux coûts de revient et prix des produits, afin de pénétrer ou élargir différents marchés sur lesquels se trouve l'entité en cours de cession.

    Il est possible que les salariés de l'entreprise développent aussi des comportements de précaution en cherchant à changer d'entreprise. Cela est d'autant plus facile pour les salariés très qualifiés. Cette démarche, si elle se concrétise, peut pénaliser les performances de l'entreprise en la privant de ses salariés les plus efficaces, et engendrer une baisse de la valorisation de l'entreprise. Cette stratégie est donc risquée et fortement pénalisante pour le

    dirigeant en place. Bastie & Cieply (2009) justifient ces comportements des employés par le fait que les incertitudes sur les conditions de la transmission sont accentuées par l'anticipation du changement de comportement du cédant.

    Dans ce contexte, le cédant peut voir un salarié postuler à la reprise, qui ne se manifestait pas par respect. L'étude de son projet de reprise sera à étudier en priorité par rapport aux candidats externes, en particulier dans le cas où la santé financière de l'entreprise est solide et le climat social sain. Cela constitue une opportunité pour le dirigeant, à condition que le candidat accepte sa décision finale, et garde une réelle motivation de travail aux côtés du successeur définitif s'il n'accède pas au poste de chef de l'entreprise. Dans la situation où les deux profils sont complémentaires, le propriétaire peut les inciter à se rencontrer et à organiser une négociation qui permette aux deux membres de s'unir et d'acquérir ensemble cette entreprise.

    Quant à l'existence d'un repreneur potentiel parmi le cercle de connaissances d'un salarié, celui-ci devra en faire part au chef d'entreprise, avant toute prise d'initiative personnelle.

    Suite à l'annonce, le contexte de travail et les relations au sein de l'entreprise évoluent considérablement. Il est en effet réellement entré dans le processus de cession, et est prêt à partager des informations confidentielles. Cette démarche lui permettra d'atténuer le choc lorsqu'il sera confronté à la signature du protocole d'accord.

    Le cédant débutera ensuite la phase de rédaction de son dossier de transmission. En fonction
    des dossiers de repreneurs potentiels reçus qui l'intéressent, il enverra une brève description
    de l'entreprise afin de les faire patienter jusqu'à la sélection du ou des repreneurs.

    Chapitre 2 : L'avancée du processus axée sur la relation cédant/repreneur : de la sélection des repreneurs potentiels à la signature du protocole d'accord.

    Ce chapitre justifie l'intérêt de faire connaissance le plus tôt possible avec son interlocuteur avant de transmettre le dossier de cession, afin de cerner sa personnalité et évaluer le niveau de compatibilité des deux personnes.

    Section 1 : La sélection des repreneurs potentiels.

    En fonction de ses préjugés sur la possible candidature d'un salarié à sa succession, le cédant débute ou non sa collaboration avec un "chasseur de têtes", avant ou après son annonce aux salariés. Il sous-traite plutôt la recherche de candidats lorsque le nombre de candidats est insuffisant ou trop élevé quelques semaines après son engagement pris face à ses salariés. Contrairement à ce qui est pratiqué habituellement, il est ici conseillé de ne pas transmettre tous les documents du dossier de reprise. Le spécialiste comprend parfaitement l'entreprise et son métier sans posséder les documents financiers. L'intermédiaire doit être parfaitement au courant de la situation de l'entreprise et du profil de repreneur recherché. Celui-ci possède un mandat de cession, exclusif dans la plupart des cas, qui lui permet de représenter son client en préservant son anonymat. En effet, dans le cas où un repreneur découvre une contre-vérité, il va devenir méfiant envers le cédant, et la relation de confiance pourra difficilement se mettre en place dans ces conditions.

    Ce professionnel a recours aux journaux et sites internet spécialisés, aux cercles de repreneurs et aux organismes institutionnels tels que les CCI afin de détecter des repreneurs potentiels, dont il pourra juger dans un second temps la compatibilité de leur projet de reprise avec l'entreprise cliente. Les critères de sélection se concentrent sur leur connaissance du secteur d'activité, leur expérience managériale, leurs fonds propres disponibles et mobilisables et leurs motivations. Le dirigeant doit avoir précisé le profil du successeur désiré, avec d'éventuelles priorités, et réalisé un point sur la situation de l'entreprise, ce qui lui permettra de justifier de manière concise la somme qu'il souhaite obtenir de l'opération.

    Le repreneur potentiel doit comprendre le métier et connaître le secteur d'activité, avant d'être apte à rencontrer le cédant. Un engagement de confidentialité des données doit dans la majorité des cas être signé en compagnie du spécialiste.

    En ayant informé ses employés de la cession prochaine de l'entreprise, le cédant apporte des
    garanties au repreneur potentiel sur ses réelles intentions de réaliser l'opération. Le repreneur
    est donc certain que la mise sur le marché de l'entreprise ne constitue pas une étape test ou

    une simple évaluation de l'entreprise. En conséquence, il doit apporter à son tour, par l'intermédiaire de son conseil, une preuve de son engagement et de sa motivation à acquérir cette entreprise. Celui-ci ne pourra être sélectionné que dans le cas où il est à même de justifier son intérêt pour cette entreprise, d'après le premier document reçu. Le principal argument mis en valeur est lié à son expérience, de par sa connaissance de ce secteur d'activité et/ou sa compréhension du métier. Il peut d'autre part utiliser son réseau, et se faire recommander par une ou plusieurs personnes reconnues (responsable d'un organisme professionnel par exemple). Ces recommandations peuvent prendre la forme de lettres officielles ou anonymes. Son expérience doit être décrite, particulièrement concernant les responsabilités qu'il porte et les principes éthiques qu'il respecte ou défend.

    Dans le cas où il dispose de l'identité du cédant, il est possible qu'il soit soutenu par un membre commun de leur réseau ou cercle de connaissances respectif, qui viendra appuyer sa candidature.

    L'intermédiaire communiquera enfin une liste de un ou plusieurs repreneurs potentiels sérieux sur le plan des compétences techniques et/ou de management.

    Section 2 : La première rencontre.

    Le déroulement de la première rencontre se concentre sur l'entreprise et sur la personnalité de l'interlocuteur. Un juste compromis doit être trouvé par les protagonistes. La phase de préparation a permis à chacun de définir les informations à obtenir, de même que les possibles points de connivence et antagonismes. L'ordre du jour sera fixé avant la rencontre.

    Le principal objectif est alors de cerner la personnalité de son interlocuteur, en abordant tout autant le sujet de l'entreprise, que des faits d'actualité ou des sujets plus généraux, tels que la vie locale de la commune. Aborder certains sujets tels que la politique ou la religion est tout de même à proscrire, car sources de débats non constructifs. Même si le thème central de l'entretien a été fixé, discuter brièvement de certains sujets périphériques est un indicateur de confiance et d'assurance qu'éprouvent les interlocuteurs.

    Les deux acteurs doivent rester eux-mêmes, afin que les bases de la relation soient stables, ce qui évite d'assister à de mauvaises surprises en aval du processus, souvent en compagnie des salariés...

    En règle générale, le repreneur se présente de manière concise, puis laisse la parole au dirigeant cédant. Il montrera en effet ses compétences par sa capacité d'écoute et la cohérence de ses questions par rapport aux explications du cédant.

    Le cédant présente le marché, réalise un point sur la situation actuelle de l'entreprise, justifie la stratégie employée, ainsi que sa politique sociale. Il expose aussi la structure organisationnelle et sa vision de l'avenir, s'il l'envisage de manière positive.

    Dans le cas où il souhaite approfondir cette relation, il doit aborder, entre autres, le déroulement des évènements suite à l'annonce de sa cession aux salariés. Il décrit le climat social qui règne au sein de l'entreprise et ses ressentis (bonnes ou mauvaises surprises par rapport à leurs attitudes).

    Ces éléments permettent de mettre en confiance le candidat repreneur. Il peut à son tour confier des informations au cédant, au niveau de son type de management et de certains évènements de sa carrière professionnelle, qui lui serviront étant donné la "carte génétique" (Lecointre) et les caractéristiques humaines décrites de l'entreprise.

    Afin de gérer la relation, des règles de jeu communes sont établies, ce qui permettra aux protagonistes d'utiliser le "nous" lorsque des étapes communes sont abordées. La proximité, voire la complicité, se trouve ainsi mis en avant. Ces méthodes conduisent à une estime réciproque et une assertivité qui est indispensable au cours du processus de reprise. Elle consiste à faire partager ce que l'on éprouve et ce que l'on est. Il est alors naturel de faire apparaître des goûts et des repères culturels communs, qui vont approfondir la relation de confiance, réduisant le risque d'une rupture lors de la négociation ou de l'accompagnement. L'avancement au niveau du développement de la relation dépend aussi principalement de l'alchimie qui se dégage entre les deux acteurs.

    Au terme du premier entretien, chacun est en mesure de cerner davantage le profil de son interlocuteur. Le concept du MBTI ® peut être utilisé afin de renforcer la complicité des intervenants. Ce test est le pilier des études permettant d'établir un bilan de personnalité sur la personnalité. Le "Myers-Briggs Type Indicator" a été développé par Katharine Cook Briggs (1875-1968) et Isabel Myers (1897-1980), après leurs études la théorie de Jung qui traite de la relation entre "l'inconscience" et la "conscience". Il en ressort 16 types de personnalités, allant du contrôleur au créateur.

    Cette analyse est basée sur quatre caractères :

    · Extraverti/Introverti

    · Sensation/Intuition

    · Pensée/Sentiment

    · Jugement/Perception

    Cette étape peut être source d'échanges riches et passionnants, ce qui permet de développer l'alchimie créée entre les protagonistes.

    Grâce à cette rencontre, le cédant peut avancer sur ses deux objectifs : évaluer le potentiel de ce candidat à diriger son entreprise et estimer son souhait de voir cette personne lui succéder.

    Le repreneur potentiel a obtenu quant à lui de nombreuses informations afin de mieux comprendre l'entreprise. Il peut, en se basant sur ses premières impressions et sur les déclarations de son interlocuteur, évaluer le pouvoir formel (headship) et informel (leadership) du cédant.

    Si le calme persiste dans l'entreprise suite à l'annonce de son départ, l'acquéreur potentiel peut penser que le dirigeant actuel est un leader respecté, en qui les salariés accordent toute leur confiance. Lui succéder relèvera du défi dans le cas où il n'arrive pas à lâcher les rênes de l'entreprise, car il restera le seul et unique chef d'entreprise du point de vue des collaborateurs. Il sera donc primordial que le cédant insiste auprès des équipes sur le fait qu'il ne détient plus le pouvoir de décision et que son rôle se limite à un accompagnement.

    Si le climat social se dégrade et que l'inquiétude prend le pas, le dirigeant n'a pas la pleine confiance des salariés. Un contre-pouvoir existe et rassemble les personnes qui dénoncent la décision du chef d'entreprise, ou sa méthode. L'intégration du nouveau dirigeant auprès des salariés sera facilitée, car son prédécesseur ne dispose plus de la même légitimité. Pour lui, l'inconnue afin d'acquérir une légitimité suffisante demeure au niveau de la transmission des informations de la part du cédant pendant la période de transition.

    Cette évolution négative du climat social annonce des changements possibles au niveau organisationnel :

    · des promotions pour les salariés-relais, personnes sur qui le nouveau dirigeant peut s'appuyer.

    · des licenciements, pour les personnes qui s'opposent à la stratégie ou refusent le changement concernant les méthodes de travail.

    A noter que si le cédant n'a pas encore annoncé à ses salariés la préparation de son opération de cession lors de la première rencontre avec son interlocuteur, ce dernier peut expliquer que cette action est bénéfique pour chaque membre du trio cédant/repreneur/collaborateurs. En fonction de la qualité de sa relation avec le cédant, il lui proposera directement cette méthode, ou bien par l'intermédiaire de leur conseil respectif.

    Il est possible que le dirigeant refuse de révéler la cession, le candidat repreneur peut en déduire qu'il connaît probablement des problèmes relationnels au sein de l'entreprise, d'où une rupture de la relation de confiance. S'il se trouve seul à connaître ces difficultés de collaboration avec certains employés, un problème de management est probablement à l'origine de ce conflit. Il sera donc plus aisé pour le repreneur de s'imposer dans l'entreprise à la place de son prédécesseur, tout du moins si il dispose d'un bon relationnel.

    Dans l'autre situation, où plusieurs salariés connaissent aussi des difficultés de collaboration avec ces mêmes personnes, l'origine provient des personnalités différentes de chacun, ou de fautes réalisées au détriment de collaborateurs. On constate donc un climat social difficile,

    représenté par l'existence de différents groupes au sein de l'entreprise. Il se caractérise souvent par une baisse de la motivation et de la productivité, mais aussi de la prise d'initiative.

    Le repreneur devra approfondir ce point au cours des phases suivantes du processus, notamment en rencontrant des salariés, sous peine de faire face à des problèmes imprévus lors de son arrivée de l'entreprise.

    Pour le nouveau dirigeant, acquérir sa légitimité dépendra clairement de la personnalité de son prédécesseur (capacité à assumer le passage de témoin à son successeur) et du climat social (lié à la relation cédant/collaborateurs).

    Gardant ce concept en tête, le repreneur potentiel sera donc vigilant quant à l'évolution du climat social et au détachement progressif du dirigeant par rapport à son entreprise, ce qui lui permettra d'aborder l'évaluation de l'entreprise de plus en plus objectivement.

    Section 3 : La présentation du repreneur potentiel aux collaborateurs.

    Suite à la phase d'analyse et à une première évaluation de l'entreprise, le cédant signe une lettre d'intention avec un repreneur qu'il estime compétent et digne de diriger l'entreprise à l'avenir. Il avertit les salariés par e-mail qu'il dispose d'un candidat sérieux à la reprise, et leur présente les différentes étapes de son arrivée prochaine dans l'entreprise.

    La seconde réunion du processus est organisée le jour même, dans l'objectif d'établir un premier contact entre les salariés et le repreneur potentiel, avant toute signature définitive. Les deux hommes devront véhiculer une image positive de l'opération en cours et de leur relation de travail. Le dirigeant rappelle tout d'abord sa décision de céder et la justifie à nouveau. Il présente le planning de la visite de son invité et lui passe la parole.

    Le discours du repreneur sera centré sur sa personnalité et ses compétences (valeurs défendues, expérience, éventuelles connaissances du marché et du métier...). Le contenu de son projet de reprise ne doit pas être explicité, afin de travailler exclusivement sur la relation humaine repreneur/collaborateurs. Certaines questions des salariés peuvent permettre d'aborder des sujets pertinents quant à l'adéquation homme - fonction. Le dirigeant leur aura fait remarquer en amont qu'il relèvera leurs impressions, ressentis, inquiétudes ou incertitudes lors d'un feed-back organisé dans les jours suivants, avant de les transmettre au repreneur potentiel. L'ensemble des collaborateurs sont ainsi au courant du déroulement de l'arrivée du repreneur potentiel.

    Etant donné l'attente qu'il suscite, le candidat à la reprise peut percevoir une certaine
    pression, se sentant sous les feux des projecteurs. Cette impression doit être minimisée, dans

    la mesure où son arrivée sans annonce préalable aurait suscité plus d'émoi et de réactions négatives de la part des employés.

    Suite à cette réunion, il va être amené à visiter les locaux, et se faire présenter les différents salariés par le dirigeant ou un chef de service. Ceux-ci lui expliqueront brièvement leur métier. Ce parcours dans l'entreprise doit être planifié.

    Dans cette situation, le cédant peut rencontrer le risque qu'un ou plusieurs membres de l'entreprise, ou un actionnaire, cherche à dissuader le potentiel acquéreur lors de sa visite de l'entreprise. Le cédant doit donc aborder ce point avec son entourage, en particulier avec ses associés, et, dans certains cas, avec les personnes clés de l'entreprise, en amont de cette visite du repreneur. Il prend aussi le risque de voir son interlocuteur prendre une position de force dans la relation de négociation si ce dernier est globalement apprécié des salariés, qui souhaitent le voir intégrer l'entreprise.

    La personne invitée approfondira enfin sa connaissance de l'entreprise grâce à des entretiens individuels avec les personnes clés de l'entité. Il obtient au terme de ce parcours une première idée de la répartition réelle du pouvoir au quotidien, en se focalisant sur les personnes qui interviennent régulièrement ou coupent la parole à leurs collègues.

    Présenter dans un premier temps un dirigeant potentiel contribue à rassurer considérablement les collaborateurs dans la mesure où ils maîtrisent encore leur avenir en compagnie du dirigeant. L'accueil qu'ils lui réservent est de ce fait apaisé, et les tensions émotionnelles réduites. Ils attachent ainsi plus d'attention aux déclarations des intervenants.

    Le cédant qui ne divulgue pas cette information à l'avance souhaite limiter l'inquiétude des salariés. Mais l'effet est à terme inverse. Lors de l'arrivée du nouveau dirigeant, ceux-ci ne veulent pas croire à la réalité des faits, et ne se sentent pas en sécurité, en présence d'un inconnu qui dispose maintenant d'un pouvoir sur eux et sur leur emploi. Dans ce cas, le déroulement de l'arrivée est rendu plus compliqué pour le cédant comme pour le repreneur.

    En outre, ils jouent un rôle d'acteurs dans l'opération en échangeant leur point de vue avec le dirigeant sur la personnalité du successeur éventuel rencontré, même si ils ne disposent d'aucun pouvoir sur la décision finale.

    Des retours positifs de leur part renforcent l'opinion du cédant d'avoir trouvé la personne adaptée à l'identité de son entreprise. Le repreneur potentiel va recevoir des feedbacks encourageants, ce qui conforte sa relation de confiance avec le cédant, et l'encourage à reprendre cette entreprise, dans laquelle son intégration a toutes les chances de se dérouler

    idéalement. La prise de risque de chacun est donc fortement réduite, notamment concernant la prise de leadership du repreneur et la phase de départ du cédant.

    Des retours nuancés vont permettre au cédant de rassurer ses collaborateurs en clarifiant certains points et en expliquant son point de vue lorsqu'il en a la possibilité. Pour les questions restant en suspens, il doit les transmettre à son interlocuteur lors d'un entretien, afin de débattre de ces sujets et d'estimer les efforts consentis par son interlocuteur pour répondre aux incertitudes des salariés. Il leur redescendra les informations, qui déboucheront soit sur un soulagement et une satisfaction des salariés, donc une transmission en bonne voie, soit sur une récurrence des problèmes et questions, et donc une méfiance confirmée des salariés.

    En cas de problème social dans l'entreprise ou de tensions naissantes, le repreneur potentiel se rendra sur place afin de rassurer les équipes en abordant cette fois certains points de son projet de reprise.

    La décision du dirigeant concernant la signature du protocole d'accord interviendra en connaissance de cause, prenant ou non en compte l'avis négatif de ses collaborateurs. Elle devra être rapidement portée à leur connaissance, afin de limiter la durée de cette période d'incertitude.

    La confirmation de l'opération de cession au repreneur rencontré consolide indiscutablement leur relation, et apporte des garanties sur la qualité de l'accompagnement du nouveau dirigeant. En parallèle, cette décision peut malheureusement mener à une rupture de la relation de confiance cédant/collaborateurs, mais dans tous les cas moins brutale que dans le cas de l'arrivée du nouveau dirigeant sans annonce préalable. Nous avons vu que cette rupture est souvent bénéfique au nouveau dirigeant, au niveau de la reconnaissance de son statut, donc de sa légitimité. Cette situation concerne les repreneurs dont la personnalité représente clairement le changement, source de résistances et d'inquiétudes de la part des employés les plus expérimentés. La date de son arrivée devra dans ce cas être spécifiée suite à la signature de l'acte de vente.

    Le fait que le cédant comprenne ses salariés et refuse de réaliser la transaction avec ce repreneur renforce la relation de confiance cédant/collaborateurs. Ils ont le sentiment d'avoir participé à la prise de décision et sont donc confiants quant à la décision finale du dirigeant de céder à une personne qu'ils apprécieront. Cette décision provient d'une prise en compte de différents points de vue et d'un débat d'idées, qui permet finalement d'éviter une phase de transition difficile, et une possible défaillance de cette entreprise reprise. Le cédant abordera de nouveau l'étape de l'étude des profils des candidats.

    Dans le cas où les collaborateurs penchaient pour la venue de ce repreneur, une décision
    positive du cédant renforcera les relations tripartites au sein de l'entreprise, tandis qu'une

    décision négative provoquera une déception, même si les salariés seront conscients qu'un repreneur au profil adéquat peut être trouvé.

    La lettre d'intention contient en règle générale une clause d'exclusivité pendant la durée des négociations. Il est effectivement déconseillé de réaliser ce processus avec plusieurs candidats, étant donné que cela oblige les salariés à faire un choix. Les désaccords se multiplieraient, les choix possibles passant de deux à trois : préférence pour le premier candidat, pour le deuxième, ou pour aucun. Les débats engendrés risqueraient de dépasser le dirigeant, qui doit rester au centre des préoccupations.

    Ce processus proposé aura l'avantage d'éviter certaines conséquences d'une succession telles que les décrit Mouline (2000) : "la succession a des répercussions dans l'entreprise face à des salariés désormais orphelins et considérant la transmission comme une rupture du contrat psychologique qui les unissait à l'entreprise." Ce cas peut aussi être transposé aux partenaires de l'entreprise (clients et fournisseurs), qui y voit une rupture du partenariat qui les liait au cédant depuis parfois plusieurs décennies.

    Le candidat peut en parallèle demander à rencontrer certains clients, fournisseurs ou banquiers. Il s'agit d'estimer plus précisément le leadership du cédant et son pouvoir de négociation. Le dirigeant ne peut en effet affirmer que tous ses contacts ont un intérêt stratégique fort. Rencontrer un client permet d'observer l'attitude du cédant dans une situation de la vie quotidienne, autre que touchant à une opération aussi sensible que la vente de l'entreprise qu'il a créée.

    Nous devons préciser que dans le cas où l'annonce de la cession a des répercussions sur le climat social, sur la productivité des équipes, ou sur les résultats, le repreneur potentiel va être tenté de discuter le prix durant la phase de négociation. Le cédant prend donc des risques au niveau financier, qu'il peut compenser en se rémunérant pour la baisse des risques et incertitudes du repreneur.

    Cette méthode basée sur la transparence et la confiance va donc provoquer un écart de prix grandissant entre les premières évaluations de chacune des parties. Le cédant mène le jeu : il fait un point sur la situation de l'entreprise, et la valorise au-dessus de l'évaluation de ses conseils. Mais la clarté que possède son interlocuteur sur l'entreprise lui permet difficilement de passer outre la mise en avant de plusieurs facteurs qui impactent négativement sur sa valeur. Le prix de cession n'atteindra pas celui espéré par le cédant, qui sait désormais que sa priorité est ailleurs. Le déroulement de la phase d'arrivée du repreneur est un moment qui va

    être difficile à vivre, particulièrement dans le cas où il est fondateur. Il portera enfin toute son attention à la phase d'intégration et d'adaptation de son successeur à son poste, tout en planifiant son départ définitif.

    Chapitre 3 : Le déroulement précis de l'arrivée du repreneur.

    Il s'agira donc de la seconde rencontre entre le repreneur et l'ensemble des équipes (ou plus en cas de conflit social antérieur). Dans le cadre d'un évènement primordial dans la vie d'une entreprise, le changement de dirigeant aura du être préparé précisément par les deux acteurs en présence. Ils doivent éviter les longs discours car ils disposent d'environ trois minutes pendant lesquelles ils gardent toute l'attention des collaborateurs.

    Le cédant résume l'aventure qu'il a vécue en tant que dirigeant de l'entreprise, et présente, de façon claire et objective, son successeur comme la personne qui prend maintenant les décisions et les responsabilités. Il restera dans l'entreprise en tant que conseiller et accompagnateur. Il s'avère que la démarche de présenter la personne qui s'apprête à prendre la tête de son entreprise est une démarche difficile, particulièrement sur le plan psychologique. Un entrainement est donc obligatoire pour fluidifier le passage de témoin.

    Le repreneur remercie le dirigeant, se tourne, et, face aux salariés, s'exprime pour la première fois en tant que dirigeant de l'entreprise. Ses premières déclarations sont liées à la situation de l'entreprise et à son projet de reprise. Il doit se concentrer sur la mise en confiance de ses auditeurs et sur la mise en avant de sa motivation afin de réussir, en compagnie de ses collaborateurs, la reprise de l'entreprise, et ainsi assurer sa pérennité.

    Si l'entreprise est dans un cas bien spécifique (potentiel de développement considérable, activité en baisse...), le repreneur peut définir une stratégie claire et rassurer les salariés. Un dirigeant rencontré a présenté son discours de la façon suivante :

    · Vision du marché.

    · Vision de l'entreprise sur le marché.

    · Stratégie afin d'attaquer le marché.

    La conclusion concerna une demande d'entretiens individuels, qui facilitent l'intégration du dirigeant dans l'entreprise, et améliorent sa compréhension de l'entreprise.

    La seconde option ouverte au nouveau dirigeant est de savoir dire « je ne sais pas », et de proposer de rencontrer les salariés individuellement pour débattre des propositions de chacun, même si il dispose d'un business plan et de premières idées. Cette méthode lui permet aussi de développer son leadership, car il doit trier les constats et propositions des salariés, et

    prendre des décisions. Cette méthode est très appréciée des collaborateurs, qui en profitent parfois pour mener des opérations de lobby. Les règles doivent souvent être rappelées par le dirigeant : l'entreprise repart sur des bases saines et justes. Il ne dispose d'aucun a priori sur les salariés, et se formera une opinion sur les faits futurs accomplis au cours de la phase d'accompagnement. Les salariés comprennent qu'ils doivent à nouveau faire les preuves de leurs compétences et professionnalisme.

    Un pot facilite les premiers contacts, concrétisant un évènement particulier auquel ils participent. Ils ne sont donc pas simplement objets et simples spectateurs de la phase d'arrivée.

    Le nouveau dirigeant doit montrer lors de cet évènement qu'il compte beaucoup sur eux, dans l'optique que tout le monde sorte gagnant de la vision qu'il apporte. Dans le cadre d'une démarche donnant/donnant, il leur apporte des garanties sur la préservation des emplois et une reconnaissance de leurs compétences, et donc de la compétitivité de l'entreprise, ainsi que son potentiel de croissance.

    S'il possède un dossier de reprise cohérent, il doit être capable d'annoncer lors de son arrivée une vision claire du futur, qui servira de base à la mise en place, dans un premier temps, de mesures simples, d'ordre psychologique, afin de rassurer et fédérer les collaborateurs.

    L'étape suivante consiste à planifier et réaliser des entretiens individuels, afin de faire connaissance avec chaque employé et réaliser un point sur leur situation personnelle, et la vision qu'ils ont de leurs poste et compétences. Il répond alors aux questions personnelles de chacun et note les attentes que son arrivée suscite. Il sera à même de mieux comprendre les relations interpersonnelles au sein de l'entreprise, et de montrer que chacun est considéré car il tient une place importante.

    Le repreneur les motive afin d'apporter des propositions d'amélioration, au niveau du métier ou de l'organisation. Ils participent à la vie de l'entreprise et aux progrès réalisés, et l'objectif réside dans le fait qu'ils se sentent ainsi plus que jamais impliqués dans l'avenir de l'entreprise.

    Les salariés demandent pour la plupart d'être informés régulièrement des avancées de l'entreprise. Une des obligations du repreneur consiste donc à communiquer, lors de réunions hebdomadaires, les résultats concernant l'activité et la santé de l'entreprise, ainsi que le degré d'avancement des projets et des changements planifiés.

    Les remarques des salariés portent souvent sur des mésententes et des injustices au sein des équipes. Le nouveau dirigeant doit donc être à l'écoute de ces remarques, afin de corriger d'éventuelles iniquités. Il fixe donc de nouvelles règles et peut remettre en cause certaines politiques menées par son prédécesseur (rémunérations aléatoires, avantages en nature...),

    dans un souci de justice. Il doit préserver au maximum les rites et routines, pratiques souvent acceptables qui font partie intégrante de l'identité de l'entreprise.

    Il demande en parallèle, de manière formelle, à l'ensemble des salariés de faire "table rase" des conflits passés et d'oeuvrer ensemble dans un but commun de progrès. Il sera alors temps d'intervenir si des excès sont constatés, en utilisant une échelle de sanctions applicables.

    Les changements peuvent aussi concerner la mise en place d'outils afin d'améliorer le bienêtre des salariés. Le repreneur marque ainsi une rupture avec son prédécesseur, en concrétisant certaines de leurs demandes.

    Plus la préparation des employés à l'arrivée est soignée, plus l'intégration du repreneur sera rapide et de qualité. L'ambigüité des rôles sera ainsi limitée. Les salariés ont donc un rôle tout aussi important que le cédant dans l'intégration du nouveau dirigeant.

    En outre, le cédant officialise rapidement l'arrivée du nouveau dirigeant auprès de ses partenaires commerciaux dont la relation est proche et de confiance. Il peut à cette occasion proposer un rendez-vous afin d'établir un premier contact entre son successeur et les meilleurs clients et fournisseurs. Ils feront connaissance dans le but de fonder les bases d'une relation dans la continuité de celle entretenue entre le cédant et ses partenaires. L'objectif du nouveau dirigeant est de les rassurer sur ses projets, et éventuellement de leur démontrer le potentiel futur de leur partenariat.

    Il est en effet primordial, pour assurer la pérennité de l'entreprise, de continuer à bénéficier de prestations aux conditions avantageuses de la part des fournisseurs (qualité, coûts, délais) et des clients (tarifs, délais de paiement). Bénéficier du soutien du cédant auprès des partenaires commerciaux permet donc au repreneur de préserver l'équilibre de l'entreprise, et donc de rassurer les salariés.

    Le repreneur se rendra compte des responsabilités qui lui incombent, devenant maître de l'avenir de la relation cédant/partenaire commercial. Le cédant aura en effet confié au nouveau dirigeant son "bébé", mais aussi la qualité de ses relations futures avec son entourage professionnel. Une défaillance de l'entreprise, avec à l'origine des erreurs répétées du repreneur, déconstruirait son réseau professionnel.

    Le cédant est donc à l'origine de la relation repreneur/partenaires, facteur clé du potentiel de développement de l'entreprise.

    On peut de même citer le banquier, grâce à qui l'entreprise bénéficie de conditions
    particulières en cas de découverts ou de retards de paiement. Préserver en toute confiance la

    collaboration avec une personne qui connaît parfaitement la situation de l'entreprise est vivement conseillé.

    Un rendez-vous sera idéalement organisé avec tous les acteurs qui font partie de l'environnement de l'entreprise, et qui jouent un rôle dans la situation économique actuelle de l'entreprise. Le repreneur décidera d'une éventuelle remise en cause du contrat, mais disposera en tout cas d'une entière légitimité, grâce aux déclarations du cédant.

    Chapitre 4: Une période d'accompagnement réciproque.

    Comme nous l'avons vu précédemment, la loi d'Août 2005 en faveur des PME rassure l'environnement car il promeut l'accompagnement du cédant auprès du repreneur, et donc diminue les risques de transfert partiel des informations. La contrepartie est d'augmenter les risques au niveau de la qualité de la relation cédant/repreneur. Le nouveau dirigeant va en effet devoir être plus patient pour mettre en oeuvre ses projets de réforme, tandis que l'ancien dirigeant va voir son rôle dans l'entreprise s'amenuiser de jour en jour, et donc les interactions avec le personnel évoluer profondément.

    Le repreneur doit apprendre à poser les bonnes questions concernant le métier même de l'entreprise, s'il ne possède pas les connaissances techniques nécessaires. Il doit préciser clairement aux salariés ou au cédant les points qu'il souhaite aborder, mais il doit porter attention à ne pas se dévaloriser, même si cette perpétuelle recherche d'informations n'est pas évidente pour lui. Ce serait en effet compliquer sa quête de légitimité et de respect.

    Les salariés ne perçoivent pas l'apport d'infos au nouveau dirigeant comme une contrainte mais comme un service qu'ils apportent. Ils sont conscients de jouer aussi un rôle au niveau de son insertion et de sa compréhension de l'entreprise et de son environnement.

    Les personnes clés sont aussi des conseils indispensables au nouveau dirigeant, qui n'est pas expert dans tous les domaines de l'entreprise. Ils l'assistent et l'oriente dans la prise de décision, même si le seul responsable demeure le repreneur. Le fait d'échanger des informations et des conseils permet d'approfondir la connaissance de l'autre et d'établir une relation de confiance.

    Cette relation de confiance est à l'origine de salariés-relais, qui disposent souvent du statut cadre, dont le rôle, le champ de responsabilités et les missions vont être élargis. Le dirigeant se concentre ainsi sur la stratégie de l'entreprise et la politique d'investissement à moyen terme. En outre, il accorde plus de temps aux partenaires externes de l'entreprise, et peut remettre en cause les contrats de l'entreprise.

    Cette démarche a des limites car les salariés-relais détiennent de cette façon de plus en plus de pouvoir, de part leur caractère indispensable à la bonne marche de l'entreprise. Le repreneur doit donc formaliser ses principales demandes et changements éventuels dans l'organisation, afin que chaque membre de l'entreprise connaissent précisément les missions de chacun.

    Le cédant, quant à lui, est investit d'une mission de formation de son successeur : d'après Boussaguet (2006), le "mentoring" se révèle indispensable à la socialisation du repreneur. Le cédant dispose en effet des qualités nécessaires pour constituer un véritable mentor : il est expérimenté et à un statut important dans l'organisation. Il va lui faciliter la formation d'un réseau interne à l'entreprise et externe vis-à-vis des partenaires commerciaux. Mais humainement les informations ne seront jamais entièrement transmises. Au repreneur de se faire ses propres idées et opinions, et de s'auto-former.

    On peut donc noter que les salariés, tout comme le cédant, participent à la définition du rôle du dirigeant de la part du repreneur.

    La majorité des cédants tiennent toujours autant à l'entreprise pendant la phase d'accompagnement. Il est donc possible que leur action contredise leur pensée, basée sur la raison. Ils gardent en effet le contrôle et le pouvoir de décision sur certaines personnes ou domaines qu'il maîtrise parfaitement. Cette attitude ambivalente complique la période de transition et donc la relation cédant/repreneur. Dans ce cas, le départ est d'autant plus difficile pour le cédant, tandis que le repreneur prend du retard sur son adaptation au poste et sa légitimité vis-à-vis des collaborateurs et partenaires de l'entreprise.

    Afin d'éviter cette dérive, le repreneur doit aborder régulièrement le point des projets postdépart du cédant, et l'accompagner dans son travail de deuil, en positivant, notamment sur la baisse de responsabilités et de pression à la suite de son départ.

    Cette méthode limite, pour le repreneur, les risques liés à d'éventuels retards d'intégration et de déficits de légitimité. Cependant, le cédant voit son rôle et sa considération diminuer plus rapidement, ce qui peut provoquer des conflits d'autorité. Il doit être reconnu par tous en tant que "mentor" du nouveau dirigeant et se sentir valorisé.

    Lorsque les salariés connaissent plus précisément le repreneur, leurs questionnements se tournent vers l'organisation du transfert des informations et connaissances techniques entre les deux principaux acteurs de l'opération. Ils sont en droit de penser que des informations vont être perdues ou déformées avant d'arriver au repreneur. Dans le même temps, le repreneur doit prendre en compte le risque que certains stakeholders déforment une partie des informations pour cacher une réalité des faits qui ne plaident pas en leur faveur (problèmes

    liés à la qualité des produits d'un fournisseurs, avantages divers perçus par différents salariés, problèmes financiers de la part d'un client...). Le cédant lui présentera directement les fournisseurs et clients principaux, afin de les rassurer au niveau du prolongement ou de l'évolution de la stratégie, et de la volonté du repreneur de poursuivre leur collaboration.

    Le nouveau dirigeant doit percevoir l'évolution de ses relations avec l'ensemble des stakeholders, ainsi que son niveau d'intégration et de leadership dans l'entreprise. Son intégration est davantage basée sur la personnalité de chacun, tandis que la détention du pouvoir provient principalement de son niveau de connaissance et de compréhension de l'entreprise.

    Le repreneur doit être conscient qu'il devient un acteur du territoire. Il doit donc se faire connaître et s'insérer sur le territoire, et non pas seulement dans l'entreprise.

    Après avoir analysé les résultats de changements mineurs d'ordre psychologique, le repreneur peut lancer des changements au niveau organisationnel. La différence de génération et de profil entre l'ancien et le nouveau dirigeant engendre un type de management différent, moins centralisé. Un management de type participatif va s'installer, insistant sur l'autonomie des groupes de travail et la prise d'initiative de chacun. L'écart dirigeant/collaborateurs est ainsi réduit, ce qui permet de multiplier les feedbacks de la part des employés sur les décisions et actions préventives ou correctives mises en place Déléguer davantage permet de responsabiliser chaque membre de l'entreprise. Ils voient donc leur champ d'action élargi, ce qui est bien perçu si leur niveau d'activité reste maîtrisé. Chaque cercle dispose d'une liberté accrue, ce qui rend le contexte de travail propice à l'innovation.

    Ces changements, touchant directement à l'identité de l'entreprise, se concrétisent après un délai que le repreneur trouve souvent trop long. Il devra faire preuve de patience et d'écoute afin que chacun vive convenablement et assume leur nouvelle polyvalence.

    L'accompagnement des salariés auprès du dirigeant connaît donc à terme ses limites, à partir du fait où ils acceptent les changements proposés par le chef d'entreprise, liés à leurs méthodes de travail ou leur organisation. Ils acceptent ainsi la politique sociale et organisationnelle qu'il met en place. Ce dernier va à son tour jouer un rôle d'accompagnement afin d'aider ses collaborateurs à franchir les différents obstacles liés aux changements dont il donne l'impulsion. Il s'impose de ce fait comme "référence", dirigeant qui influence l'organisation, et qui aide les salariés à évoluer et s'y adapter.

    On peut constater que le contexte est mouvant durant la période de transition, entre les
    changements mis en place à l'initiative des salariés et du dirigeant. Le nouveau cap fixé et
    l'accroissement des responsabilités et de l'autonomie implique de mettre ne place un système

    de suivi et de contrôle doit être mis en place, afin d'ajuster ses décisions en fonction des résultats. Celles-ci dépendent de nombreux facteurs sociaux, dont les informations vont être rassemblées afin de constituer des tableaux de bord. Il se donne de cette façon la possibilité de mesurer les résultats de sa politique sociale, qui est à l'origine du niveau de compétences des salariés, de leur motivation et de la qualité du climat social. Comme l'explique Taieb (2006), le tableau de bord est un outil de pilotage de la Gestion des Ressources Humaines. Rappelons que la GRH dans une petite entreprise est basée sur le relationnel, la communication réalisée à propos de ces outils doit donc être progressive et limitée.

    Chaque tableau de bord réalisé permet de calculer un indicateur social, qui joue trois rôles :

    · Informer les salariés, en priorité les salariés-relais. Le dirigeant entame donc un partage d'information, qui permet de compenser les multiples informations qu'il reçoit continuellement de la part des collaborateurs.

    · Etablir un diagnostic. Le repreneur compare la valeur d'un indicateur, avec celle perçue ou calculée en amont de la reprise.

    · Prévoir une action corrective afin d'éviter d'éventuelles erreurs ou dysfonctionnements.

    On peut par exemple citer un tableau calculant la masse salariale de l'entreprise, menant à la réalisation d'une des actions suivantes : réduire, stabiliser ou augmenter ce coût. Cet indicateur suivra la politique de rémunération suivie : rémunération fixe, variable individuelle (primes sur objectifs et de résultats) et variable collective (primes, participation, intéressement). L'objectif est de fidéliser et motiver les salariés, en particulier à un travail d'initiative menant à un progrès pour l'entreprise.

    Les tableaux fréquemment utilisés concernent l'étude de l'absentéisme, l'appréciation du personnel (ayant pour but d'adapter la rémunération de chacun aux compétences), les effectifs, la formation et le suivi budgétaire.

    Le dirigeant a à sa disposition des informations de structure (âge, niveau d'études, statut des employés...), de compétence (formations, diplômes...) et de comportement (implication et motivation, absentéisme...). Une autre possibilité consiste à utiliser un référentiel externe, afin de les comparer avec les entreprises concurrentes présentes sur le marché, au niveau national, régional ou local. Fixer un seuil lui permettra d'être averti en cas de dépassement d'un indicateur.

    Le repreneur doit analyser la sensibilité des indicateurs sociaux afin de savoir dans quelle proportion il peut intervenir. Elle dépend de trois critères:

    · La flexibilité, qui correspond à la capacité d'un indicateur à répondre à une sollicitation (Taieb, 2009). Le but est de hiérarchiser les indicateurs à utiliser en cas de besoin.

    · Le coût, afin d'évaluer la rentabilité de l'action corrective.


    · La réactivité, afin de définir le délai avant d'obtenir les résultats escomptés.

    Avant d'entamer une action, les dirigeants de petites entreprises utilisent parfois le benchmarking, qui consiste à se baser sur une entreprise-modèle, dont la performance est jugée meilleure. Cette méthode atteint rapidement ses limites car chaque petite entreprise et ses salariés disposent d'une histoire et d'un projet commun, indépendants à tout autre.

    Les investissements menés afin de développer le bien-être et la motivation des collaborateurs doivent dans un premier temps limiter les pertes de productivité dues à un climat éventuellement instable et aux changements mis en place par le nouveau dirigeant. Il sera ensuite à même d'attendre des retours sur investissements de la politique sociale menée afin de consolider la santé financière de l'entreprise.

    Au moment de son départ définitif, l'ancien dirigeant bénira cette annonce précoce et le processus suivi, car il aura mis toutes les chances de son côté pour assurer la pérennité de l'entreprise et partir en bons termes avec "ses" salariés. Il n'y aura en effet aucun sentiment de trahison, ni d'avoir été victimes d'un manque de considération de leur part, ce qui constitue une situation fréquente aujourd'hui. Les risques décrits dans la Partie 2 sont donc limités.

    Le repreneur aura quant à lui les cartes en main pour diriger l'entreprise, aux côtés d'une équipe motivée lui accordant une entière légitimité.

    Conclusion Partie 3 :

    Faire passer les salariés du statut d'observateurs à celui d'acteurs du processus de transmission/reprise constitue la démarche sur laquelle se base une opération gagnant/gagnant/gagnant. Les bases se situent en effet au niveau de leur implication dans la réflexion, puis dans l'action grâce à la prise d'initiative.

    Le projet de cession de l'entreprise de la part du dirigeant est annoncé en amont de toute action. La formalisation de cet évènement profite dans un premier temps au repreneur potentiel, qui obtient l'engagement du cédant de vouloir réaliser la transaction. Mais cette démarche nécessite pour le chef d'entreprise un courage important et une totale confiance en ses employés. Elle lui permet de se rendre compte de la portée de sa décision, et donc d'accroitre son degré d'objectivité tout au long du processus de cession.

    La qualité de la relation cédant/repreneur est optimisée grâce à une transparence de la part du cédant, tandis que le repreneur montre une ouverture d'esprit supérieure, plus portée sur les attentes des collaborateurs. Ce principe de transparence se concrétisera par une rencontre avec les équipes et une visite de l'entreprise après la signature de la lettre d'intention, afin d'établir une évaluation prenant en compte des critères subjectifs, et déterminer la "juste valeur". Le repreneur aura eu la possibilité de s'entretenir personnellement avec les personnes clés de l'entreprise, et de mieux cerner le type de management du dirigeant et l'évolution du climat social depuis l'annonce du projet de cession.

    L'annonce de l'arrivée prochaine du repreneur permettra de réaliser une troisième étape avant le changement effectif de dirigeant. Les salariés auront pu prendre du recul sur cet évènement et le préparer. Connaissant la personnalité du repreneur, ils vivront mieux son arrivée officielle, ce qui simplifiera la période d'accompagnement et le départ du cédant. En apportant des informations au repreneur pendant la phase de transition, les salariés seront acteurs de l'intégration du dirigeant et de la définition de ce poste.

    Le repreneur, chef d'entreprise intégré et légitime, lancera la mise en place de mesures pour le bien commun de l'entreprise. Proche des employés, il se rendra disponible afin de les aider à comprendre et à s'adapter aux nouvelles méthodes de travail ou à l'évolution de la structure organisationnelle. Il a tout de même besoin d'au minimum une année pour disposer d'une vision complète de son poste.

    Suite à son départ, le cédant restera ainsi en bon termes avec les personnes qui se sont impliquées pour que l'arrivée du successeur se déroule dans de bonnes conditions. Il éprouvera un sentiment de satisfaction du devoir accompli, en plus d'être reconnu et apprécié par son entourage professionnel.

    Afin de schématiser l'évolution du processus préconisé, basons notre travail sur la "Synthèse des résultats sur la socialisation repreneuriale"
    (Fig. 4) de Boussaguet (2006) :

    Nous présentons ainsi page suivante le schéma récapitulatif du processus de transmission/reprise proposé (Fig. 5).
    79

    Fig. 5 : Proposition d'un modèle de processus de transmission/reprise de petite entreprise.

    Conclusion

    "La transmissibilité humaine se trouve d'une certaine manière négligée" décrit Bienaymé. La consultation de la bibliographie et le contenu de cette étude confirment aujourd'hui ces propos datant de 1981. On trouve toujours chez le dirigeant-fondateur un problème au niveau de la prise de décision de céder, sans cesse repoussée. L'opération s'effectue donc le plus souvent sous la contrainte, ce qui positionne les acteurs sous une pression dévastatrice. La relation de confiance s'installe donc plus difficilement, en précisant que l'asymétrie d'information lors de cette opération est élevée. Le repreneur dispose donc de peu de certitudes quant à l'aspect humain lors de son arrivée dans l'entreprise. En apprenant la cession de l'entreprise et l'arrivée immédiate du nouveau dirigeant, les collaborateurs se sentent trahis et rompent la relation de confiance avec le cédant. Ce dernier vit cela comme un échec, au point d'y voir pour certains la fin de leur vie sociétale. Pour le nouveau dirigeant, son intégration dépend de la réaction des collaborateurs à la façon dont il voit leur avenir et celui de l'entreprise. Son leadership est plus lié à sa connaissance du secteur d'activité et du métier, et à sa personnalité. Un manque d'intégration et de leadership engendre une dégradation du climat social, ce qui peut mettre en danger la pérennité de la petite entreprise.

    Une méthode a donc été développée afin de réduire ces risques d'échec de transmission, défavorables pour l'ensemble des parties du trio cédant/repreneur/collaborateurs. Mais chacun doit tout d'abord effectuer des efforts pour en récolter les bénéfices à terme. Le cédant doit avoir le courage de réunir ses collaborateurs plusieurs fois et de les impliquer dans l'avancée du processus, afin de mieux vivre son départ de l'entreprise. Le repreneur doit quant à lui oser se présenter en tant que simple candidat, mais il perfectionnera sa connaissance de l'entreprise et des équipes. Les salariés devront enfin gérer cette longue période d'attentes et d'interrogations, ce qui leur permettra d'éviter un véritable choc lors du changement de dirigeant. Réduire le taux de défaillance des petites entreprises reprises passe donc par une transformation du social à l'humain. "L'Humain sera ainsi prêt à rendre service à l'Economique, et vice-versa" (Verrier, 2008).

    Certaines perspectives de recherche peuvent être mises en avant, telles que la poursuite de cette étude grâce à une analyse des résultats sur un échantillon d'entreprises transmises ayant appliqué la méthode proposée. D'autre part, la multiplication des points de vue pris en compte sur une opération passée (partenaires extérieurs, conseils...) permettrait de préciser les désaccords et la prise de risques de chaque partie.

    La préparation et la transparence sont donc deux facteurs clés dans la construction d'une forte relation de confiance entre le cédant et le repreneur. Mais disposer d'une excellente alchimie vis-à-vis de son principal interlocuteur n'est pas synonyme de succès assuré !

    Bibliographie

    - Bernaud JL. (2005), « Les méthodes d'évaluation de la personnalité », Dunod.

    - Bouchikhi H. (2008), "Le jeu des identités dans la transmission d'entreprise", Journal "Les Echos", supplément "L'art d'entreprendre" (N° 20.192).

    - Boussaguet S. (2006), « L'entrée dans l'entreprise du repreneur : un processus de socialisation repreneuriale ».

    - Cempura E., Menagakis S. et Sananikoné S. (2008), « Le guide de la reprise d'une entreprise », Editions Delmas, 2008.

    - Chabert R. (2005), « Transmission d'entreprise : optimiser la prise de relais », Paris, Pearson Education France.

    - CSOEC (2005), Le contexte économique de la transmission d'entreprise, Paris.

    - Debouloy M. (2008), "Reprise d'entreprise : deuil et transition", Journal "Les Echos", supplément "L'art d'entreprendre" (N° 20.192).

    - Dezobry O. (ISA, 2008), « Comment optimiser la future cession/transmission d'entreprise

    par l'utilisation de nouveaux outils mis à la disposition de l'entrepreneur ? », Lille.

    - Edmond M. et Picard D. (2002), « Relations et communications interpersonnelles »,

    Dunod, pp. 12-26.

    - Hausmann C. et Torre P. (2007), « Les garanties du passif : Négociation et rédaction des

    conventions de garantie en matière de transmission d'entreprises », Editions EFE.

    - Lecointre G. (2008), « La transmission d'entreprise en pratique - 10 leçons pour réussir

    une cession de PME et 360 cas analysés », Paris, Gualino éditeur.

    - Le Guern P. et Margossian G. (2002), « Transmission d'entreprise : achat, donation, vente », pp. 66 -73, Editions Jacob-Duvernet.

    - Lemonnier J. (2007), « Les clés de la négociation réussie », coll. Guid'Utile Vuibert. - Meier O. et Schier G. (2008), « Transmettre ou reprendre une entreprise : Evaluation, Négociation, Interactions », Dunod.

    - Sourdain S., « Transmission d'entreprise : guide d'optimisation juridique, fiscale et financière. », Editions de Verneuil, 2005.

    - Ulaga W., Jokung-Nguena O., Arrègle JL. et De Ronge Y., « Introduction au management de la valeur », Dunod, 2001.

    - Vatteville E. (1994), «Le risque successoral», Revue Française de Gestion, n°98. - Verrier Gilles (2008), « Réinventer les RH», Dunod, pp. 172-175.

    - Vilain F. (2004), « Transmission des PME », JO Conseil économique et social (28 20041220).

    - www.apce.fr, www.cession-entreprise.com, www.cra.asso.fr, www.cessionpme.com.

    Annexes

    1. Guide d'entretien à destination des repreneurs :

    Date et durée de l'entretien : Fiche de l'entreprise :

    Nom de l'entreprise :

    Activité de l'entreprise :

    Forme juridique de l'entreprise : CA de l'entreprise :

    Effectif de l'entreprise lors du rachat : Date de création de l'entreprise :

    Date de reprise de l'entreprise :

    Fiche du repreneur :

    Nom du repreneur :

    Formation, âge et dernier poste occupé par le repreneur :

    · Première expérience en tant que repreneur ?

    · Première expérience en tant que dirigeant d'entreprise ?

    · formation initiale à la reprise ? Vous a-t-elle été utile concernant la phase d'arrivée dans l'entreprise ?

    · Motivations de reprise ?

    Phases d'évaluation et de négociation:

    · Avez-vous obtenu des informations claires et conformes à la réalité de la part du cédant et de son expert-comptable, dans le but d'établir une première évaluation de l'entreprise ?

    · Comment s'est caractérisée votre relation de travail avec le cédant? Etait-elle basée sur une confiance réciproque ?

    · Un accord a-t-il été trouvé rapidement lors de la négociation ? La due diligence a-telle confirmé les informations apportées précédemment ?

    Arrivée dans l'entreprise et prise de fonction:

    · Comment votre arrivée a-t-elle été préparée ?

    · Comment s'est déroulée votre arrivée ?

    · Aviez-vous rencontré plusieurs de vos futurs collaborateurs avant votre arrivée dans l'entreprise ? Aviez-vous pu visiter les locaux ?


    · Avez-vous perçu un écart entre vos désirs et ceux du cédant concernant le déroulement de votre arrivée et de la première rencontre avec vos collaborateurs / fournisseurs / clients ?

    · Quel était le climat social lors de votre arrivée ?

    · Quel accueil les salariés vous ont-ils réservé ?

    · Votre arrivée a-t-elle eu des conséquences sur le comportement des salariés, sur leur productivité ? Quelle a été leur réaction, et pourquoi ?

    · Avez-vous effectué votre prise de fonction dans la foulée de votre arrivée ?

    · Votre adaptation à l'entreprise et aux salariés en place s'est-elle bien déroulée ?

    · Votre adaptation à votre clientèle et à vos fournisseurs s'est-elle bien déroulée ?

    · Quelle a été votre action prioritaire vis-à-vis de l'entreprise et des salariés ?

    · Avez-vous procédé à des changements dans l'organisation, ou des remplacements dans les équipes ? Auriez-vous été à même de les anticiper si vous aviez rencontré les salariés avant la signature définitive des accords? Ou est-ce le résultat d'un constat sur le terrain en tant que dirigeant? Quelles ont été les réactions des salariés ?

    Bilan :

    · Avez-vous finalement découvert, au sein des équipes, davantage de talents cachés que de personnes indésirables ?

    · Estimez-vous que rencontrer les salariés / fournisseurs / clients avant la signature des accords vous aurait permis de mettre en avant certains risques et charges, qui auraient eu un impact sur le prix de cession final ? sur votre décision d'investir ?

    Si c'était à refaire ?

    · Auriez-vous des exigences supérieures en amont de la signature de l'accord définitif afin de mieux cerner le fonctionnement des équipes et la personnalité de chaque salarié?

    2. Guide d'entretien à destination des salariés :

    Date et durée de l'entretien : Nom de l'entreprise :

    Votre fonction :

    En amont de la reprise :

    · Avez-vous été préparé(e) à l'arrivée du repreneur ? Par qui ? Quand ?

    · Si oui, quelle a été votre réaction à cette annonce ?

    · Aviez-vous connaissance du désir du dirigeant de vouloir céder son entreprise ?

    · Comment avez-vous vécu d'éventuelles rumeurs ?

    A l'arrivée du repreneur :

    · Dans quel contexte le repreneur est-il arrivé ? Quel climat social régnait dans l'entreprise ?

    · Quel accueil avez-vous personnellement réservé au repreneur ?

    · L'arrivée du repreneur a-t-elle eu des conséquences sur la vie de l'entreprise?

    Prise de fonction du dirigeant :

    · Comment la période de transition s'est-elle déroulée ? A-t-elle été bénéfique ?

    · Quelle a été votre sentiment à l'issue de votre premier entretien avec lui ?

    · Qu'est-ce que le repreneur a mis en place dès son arrivée ? Pourquoi ?

    · Des changements vous ont-ils concernés directement ? Si oui, comment avez-vous réagi ?

    Bilan :

    · Qu'attendez-vous du repreneur ?

    · Percevez-vous une différence entre l'ancien et le nouveau dirigeant ?

    · Auriez-vous préféré rencontrer cette personne avant la signature de l'accord définitif de reprise ? Pourquoi ?

    M. Delcroix
    Gouble-Boussemart

    M. Duprez
    Central Maintenance

    M. Perrot
    Tôlerie DN

    M. Piettre
    Access IT

    M. Roquette
    Caractères

    M. Grunspan
    Exer Datacom

    M. Declerck
    Nord Entreprendre

    M. Rançon
    L'Instrumentarium

    M. Bozek
    Coach de dirigeants
    Manager de transition

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