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Des glaciers au vignoble : gestion de l'eau et stratégies d'irrigation dans les "terroirs" vitivinicoles de l'oasis de Valle de Uco (Mendoza, Argentine)

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par Joris Robillard
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 1  2008
  

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II- Les transformations socio-économiques issues de la reconversion du vignoble : quels « gagnants » pour quels « perdants » ?

La province de Mendoza figure indiscutablement parmi les provinces qui s'en sortent le mieux depuis le tournant libéral pris par l'Argentine au cours des années 1990. Anticipant les politiques d'ajustement structurel menées au niveau national, la province s'est s'ouverte aux capitaux étrangers pour financer la reconversion de son vignoble vers un vin de qualité et ainsi rompre avec le paradigme de la production de masse qui favorise les crises de surproduction. Dès lors, elle entra précocement dans le « nouveau fédéralisme » argentin (PREVÔT-SCHAPIRA, M.-F., BUNEL J., 1994) dont les territoires sont désormais abordés en termes de compétitivité et d'avantages comparatifs. Ce faisant, le gouverneur José Bordón et son équipe durent mettre en place un véritable « marketing territorial » pour vanter auprès des investisseurs les immenses étendues de terres de la province et les inciter à y investir. Ce « marketing territorial » s'avéra payant puisque de nombreux acteurs de la mondialisation du vin et de son goût investirent dans la province où, à la recherche des meilleurs « terroirs », ils s'installèrent sur les pentes du piedmont de l'Oasis de Valle de Uco qu'ils conquirent grâce à des stratégies d'irrigation leur permettant d'optimiser l'eau souterraine captée à partir de perforations. En outre, l'arrivée de ces acteurs permit à la province de reconvertir son vignoble vers la qualité et d'exporter son vin dans le monde entier sous l'appellation « Vin du Nouveau Monde » : les exportations vitivinicoles63 dans le total des exportations de la province sont, en effet, passées de 20 % en 2000 à 39% en 2007 (Bolsa de Commercio de Mendoza, IERAL, 2007).

La province de Mendoza est donc un territoire qui « gagne » au jeu de la mondialisation. Cependant, comme tous les territoires qui « gagnent », elle compte des « gagnants » et des

63 Les exportations vitivinicoles sont composées par les vins, bien sûr, mais aussi par les moûts et les raisins. Ainsi, en 2007, les vins en représentent pas moins de 81 %, les moûts 18 % et les raisins 1 %.

« perdants » (MESCLIER É., CHALÉARD J.-L., 2006). Il y a, en effet, ceux qui ont réussi à prendre le train avant qu'il ne démarre, ceux qui l'ont pris en marche et ceux qui sont restés sur le quai, obligés d'attendre le prochain. La province de Mendoza étant une province aride où l'eau est le facteur limitant et son accès un facteur de réussite, il s'agit ici de retrouver les « gagnants » et les « perdants » de la reconversion du vignoble oasien vers la qualité à travers leur accès l'eau. Il s'agit également de comprendre, dans la mesure du possible, pourquoi les « gagnants » gagnent et pourquoi les « perdants » perdent. Pour ce faire, ils seront distingués non-seulement par leur accès à l'eau, mais aussi d'après les transformations socio-économiques issues de la reconversion du vignoble, le but étant de montrer comment, à partir d'un accès différencié à l'eau et à la terre, le développement d'une activité créatrice de richesses, en lien avec les marchés mondiaux, exacerbe plus qu'elle ne réduit les inégalités entre les habitants, anciens et les nouveaux d'un même territoire.

A) Une filière vitivinicole plus complète et diversifiée qu'auparavant : la construction d'un « paradigme de la qualité »

La reconversion du vignoble oasien vers la qualité fut menée par des acteurs issus de la mondialisation du vin et de son goût qui investirent dans la province de Mendoza. Á la recherche des meilleurs « terroirs » pour produire un vin de qualité, ils s'installèrent dans les départements de l'Oasis de Valle de Uco ainsi que dans celui de Lujan de Cuyo, sur les pentes du piedmont qu'ils conquirent grâce à des stratégies d'irrigation leur permettant d'optimiser l'eau souterraine captée à partir de perforations.

L'arrivée de ces acteurs provoqua la transformation de la filière vitivinicole pour répondre à leur demande de produits et de services de qualité orientés vers l'innovation technologique. Des pépinières firent leur apparition pour produire des plants de vignes de cépages fins qui soient plus résistants aux maladies et notamment au phylloxéra, vieille connaissance des immigrants du début du siècle, qui est bel et bien présent dans la province (entretien avec Emilio Giaquinta). La

conquête du piedmont par la vigne constitue une véritable rente pour ces pépiniéristes qui peuvent réaliser l'essentiel de leur chiffre d'affaires avec un seul et même client. Ces derniers peuvent diversifier leur production en fabriquant des piquets en bois pouvant servir à la construction de mailles anti-grêle et de palissades. Á noter également, que les traditionnelles palissades en parral (littéralement « treille ») furent progressivement remplacées par des palissades en espaldero qui se rapprochent davantage de l'organisation culturale européenne. La conduite de la vigne en espaldero est, en effet, plus commode pour faire passer des machines agricoles plus spécifiques à la culture de la vigne et dont l'usage tend à concurrencer celui du tracteur : il s'agit des soufreuses, des pulvérisateurs, des pré-tailleuses et autres rogneuses. De même, la récolte mécanique se diffuse lentement mais sûrement alors que de plus en plus de prestataires de services louent des machines avec chauffeurs.

Photographie 24 : Photo d'une palissade Photographie 25 : Photo d'une palissade en

en parral dans le village de Cafayate, au espaldero dans le village de Cafayate, au sud de la

sud de la province de Salta (source : province de Salta (source : Ibid)

STARCK, E., 2003-2004)

Cette modernisation touche bien entendu l'étape de la vinification avec l'importation des procédés les plus modernes : les cuves en ciment laissent place à celles en acier inoxydable, les températures sont désormais contrôlées par des chambres froides tandis que, pour la fermentation

sont utilisés des gaz inertes et des barriques de bois. Le coût de ces innovations, nécessaires pour tenir le pari de la qualité, facilita l'introduction du capital étranger, la plupart des entreprises locales n'étant plus capables d'assumer leur financement. Une fois n'est pas coutume, de nouveaux acteurs parmi lesquels beaucoup d'étrangers vinrent compléter les segments manquants de la filière vitivinicole et diversifier ceux qui existaient déjà. La filière vitivinicole s'en trouva plus complète et diversifiée qu'auparavant. Toutefois, en introduisant des produits et des services tournés vers l'innovation technologique, ces acteurs élevèrent les standards de qualité de la production nationale aux normes internationales. Ce faisant, ils firent de la qualité un nouveau « paradigme » (GOLDFARB, L.I., 2007) pour remplacer celui de la production de masse ayant conduit à la crise.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry