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Le contrôle de la société anonyme par les actionnaires

( Télécharger le fichier original )
par Jacques Derthal ALBAS
Université de Lomé - DEA 2007
  

Disponible en mode multipage

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RÉPUBLIQUE TOGOLAISE Année académique 2007 - 2008

UNIVERSITÉ DE LOMÉ Faculté de Droit (F.D.D.)

Thème :

~~ON)YME PAR LES A TIONNAIRES

LE CONT~~LE DE LA SOCIETE

Mémoire de troisième cycle
Pour l'obtention du
Diplôme d'Etudes Approfondies (D.E.A.)

Option : Droit Privé Fondamental

Présenté et soutenu publiquement par : Sous la Direction de :

Jacques Derthal ALBAS N° Tel : 00235 66 48 47 66 Email : derthal1@ yahoo.fr

M. Akuété Pedro SANTOS Professeur Agrégé de Droit Privé Doyen de la Faculté de Droit

Université de Lomé, TOGO

DEDICACE

A DIEU, Notre Créateur ; A mon père ;

A ma mère.

REMERCIEMENTS

Plusieurs personnes ont rendu possible la réalisation de ce mémoire et méritent en conséquence notre reconnaissance. A cet effet, nous remercions :

+ Le professeur Akuété Pedro SANTOS, Doyen de la Faculté de droit de l'Université de Lomé qui, malgré ses multiples charges, a accepté de diriger nos travaux. Nous vous remercions, Monsieur le Doyen, pour votre rigueur, votre disponibilité et votre particulière attention pour la réalisation de ce travail ;

+ Monsieur Akrawati Shamsidine ADJITA qui, sans hésiter, a mis à notre disposition ses propres documents en vue de parfaire ce travail ;

+ Madame TSAKADI Awayavi dont les remarques et suggestions pertinentes en droit des sociétés nous ont permis d'améliorer la qualité de notre travail ;

+ Toute notre gratitude aux enseignants de l'Université de N'Djamena, Tchad ;

+ Les membres du jury qui, en dépit de leurs multiples charges, ont bien voulu porté sur ce travail une appréciation critique en vue de parfaire la qualité de ce document ;


·. Monsieur KOUMAZAN Gabriel Kwami qui n'a aucunement hésité à nous ouvrir les portes de son bureau et à mettre à notre disposition un éventail d'informations en vue de parfaire ce travail ;

+ Les enseignants de la Faculté de droit de l'Université de Lomé qui ont, par la qualité de leurs enseignements, participé à notre formation ;

+ Les enseignants de la Faculté de droit de l'Université de N'Djamena qui nous ont fait découvrir et aimer le Droit ; + Notre oncle TABE Eugène pour son soutien moral et matériel pour l'achèvement de ce travail ;

+ Nos frères et soeurs Franck, Marie-Noëlle, Pamela, Caroline, Jessica, Hermann, Dillah et Dylan ;

+ Nos camarades de promotion, en particulier Maître NABEDE Paluki-Mondome et ALASSANE Abdoul Salami Touré ;

+ Tous nos amis, à savoir MAMGODIBAYE Benjamin, MASNAN Madjiram, NDORADOUM Rogan, MBAIHASRA Eric, KOME Kodé, NGABA Kamougué, MANCY Nadine, KOUMANKOI Victorien, Noussi Sual YAKOUMA.

+ Tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de ce mémoire.

AVERTISSEMENT

La faculté de droit n'entend donner ni approbation, ni désapprobation aux opinions émises dans ce mémoire. Elles doivent être considérées comme propres à leur auteur.

PRINCIPALES ABREVIATIONS

A .J : actualités jurisprudentielles.

ADAM : association de défense des actionnaires minoritaires.

Art : article.

AUCE : Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises.

AUSCGIE : Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique.

BRVM : Bourse régionale des valeurs mobilières (Afrique de l'ouest).

CLET : Centre de Librairie et d'Editions Techniques.

CNTT : Confédération Nationale des Travailleurs du Togo.

CREDA : centre de recherche sur le droit des affaires (France).

Ibid : au même endroit d'un texte. J.-cl.stés : juris-classeur des sociétés. JCP : semaine juridique.

LGDJ : Librairie Générale.de Droit et de Jurisprudence.

LITEC : Librairie de la Cour de cassation.

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Op. Cit : opus citatum (ouvrage cité). Rev. soc : revue des sociétés.

RSDA : revue sénégalaise de droit des affaires.

RTDcom : revue trimestriel de droit commercial.

SAGA-TOGO : société anonyme de gérance et d'armements du Togo.

TGI : Tribunal de grande instance.

TIC : technologies de l'information et de la communication.

TPI : Tribunal de première instance.

INTRODUCTION

« La confiance n'exclut pas le contrôle ». Cet adage populaire peut être appliqué aux sociétés anonymes (SA)1 dans lesquelles les capitaux confiés aux dirigeants sociaux par les actionnaires sont indéniablement exposés aux risques liés à la gestion. Cette interrogation reflète évidemment les préoccupations du grand public que celles de la doctrine sur la question de la bonne gestion de la société anonyme par les dirigeants2. C'est dans cette logique que s'inscrit le thème de notre mémoire : « Le contrôle de la société anonyme par les actionnaires ».

« Merveilleux instrument juridique du capitalisme moderne »3 selon la formule du doyen RIPERT, la société, terme venant du latin sociétas ou socius, signifie compagnon ou associé4. La société peut être civile ou commerciale. La société anonyme étant une société commerciale par la forme5, elle est définie comme étant « une société dans laquelle les actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports et dont les droits des actionnaires sont représentés par des actions. La société anonyme peut ne comprendre qu'un seul actionnaire »6.

A ce titre, l'actionnaire étant « le pilier de la société anonyme parce qu'il a contribué par son apport à constituer le mécanisme juridique perfectionné qui a été mis en place »7, il est considéré comme une personne physique ou morale ayant apporté à la société des espèces ou des biens nécessaires à son financement8.

Le terme contrôle, de l'ancien français contrerole, registre tenu en double, vient du verbe contrôler qui signifie soumettre à un contrôle, à une vérification minutieuse. Le contrôle est donc une vérification minutieuse de l'état de quelque chose ou de quelqu'un, ou une inspection attentive de la régularité d'une action ou de la validité d'une espèce9.

Le contrôle qui s'exerce sur les organes d'administration est susceptible de degré. Stricto sensu, le contrôle des comptes concerne la régularité et la sincérité des comptes sociaux. Lato sensu, le contrôle de gestion englobe la régularité, et l'opportunité économique et commerciale de la gestion.

La notion de contrôle présente en outre deux acceptions. D'une part, le contrôle évoque l'idée de domination. Etudier le contrôle de la société, c'est rechercher entre les mains de quels hommes ou de quel groupe voire de quel individu est le capital ; c'est aussi rechercher comment éventuellement il est reparti, par qui et au profit de qui le droit de vote des assemblées s'exerce ; c'est finalement déterminer qui détient en droit ou en fait le pouvoir de décision. C'est ainsi que le

1 Depuis l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique entré en vigueur le 1er janvier 1998, les sociétés anonymes sont les seules sociétés de capitaux susceptibles d'être constituées dans l'espace OHADA.

2 Effectivement, la problématique de la gestion de la société anonymes par les dirigeants est considérée comme l'une des clés de voitte des principes de la corporate governance (gouvernement d'entreprise) et ses exigences en matière de transparence. La corporate governance consiste en une meilleure définition des pouvoirs au sein de l'entreprise dans le but d'améliorer l'efficacité de la gestion de l'entreprise et de protéger les actionnaires ainsi que les dirigeants. Elle permet une redistribution des pouvoirs et la reconstruction de l'identité des autres couches de l'entreprise (salariés...). D'après Jean TAMALET, il s'agit d'une doctrine qui vise le rééquilibrage du pouvoir entre l'actionnariat et le management au sein de l'entreprise, http:// www.afic.asso.fr/ Images/ Upload/ Partenariat/ ft 12_corporate_governance_0205.pdf

3 Georges RIPERT, « Les aspects juridiques du capitalisme moderne », cité par Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, n° 589, p. 332.

4 Chaput YVES, Droit des sociétés, PUF, Paris, 1993, p. 18.

5 Voir art. 6 de l'AUSCGIE.

6 Voir art. 385 de l'AUSCGIE.

7 Georges RIPERT et René ROBLOT par M. GERMAIN et L. VOGEL, Traité de droit commercial, Tome 1, LGDJ, 17eme éd., Paris, 1998, p. 1106.

8 V. en ce sens art. 5 de l'AUSCGIE.

9 Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré, Editions Larousse 2009, p. 246.

professeur J. PAILLUSSEAU définit le contrôle comme « la détention d'une majorité de vote dans les assemblées »10. Ce contrôle a nécessairement une coloration patrimoniale11.

D'autre part, le contrôle évoque l'idée de surveillance exercée à l'égard des détenteurs du pouvoir. Ce contrôle figure parmi les attributions d'un certain nombre d'organes. Il constitue également l'une des fonctions les plus fondamentales des actionnaires. Cette dernière acception fera l'objet de notre étude. Elle concerne la gouvernance de la société anonyme.

A l'instar de l'Etat, société politique par excellence, la société anonyme est organisée, en droit français comme en droit OHADA12, sur le type de la démocratie libérale où la souveraineté est exercée par le peuple à savoir l'assemblée13. Elle est conçue comme une démocratie où les organes sont « non seulement hiérarchisés ; ils sont aussi strictement spécialisés en fonction de leur finalité »14. Le principe de la hiérarchie consacre la prééminence de l'assemblée sur les autres organes, tandis que celui de la spécialisation définit les pouvoirs de chaque organe et empêche qu'un organe supérieur n'empiète sur les prérogatives d'un autre organe. Cela fait de la société anonyme une « organisation juridique unique »15.

Les actionnaires sont chargés du contrôle des affaires sociales car toute activité commerciale engendre des risques. C'est à la fois la contrepartie de la chance d'un gain et la mesure de ce gain16. Ce contrôle vise à assainir la gestion quotidienne des dirigeants et, par conséquent, à protéger l'intérêt social. Pour parvenir à cette fin, le droit français et, à sa suite, le droit OHADA qu'il a fortement inspiré, se caractérise par un mouvement de renforcement du droit d'information des actionnaires. Ce mouvement se traduit par une diversification des procédés d'information et par une extension du domaine de l'information. Subséquemment au renforcement du droit d'être informé qu'ont les actionnaires, il s'observe dans les deux systèmes juridiques l'affirmation du droit pour les concernés de bénéficier d'une information efficace ; affirmation qui se fait par le biais d'un renforcement du contrôle légal des comptes et de l'octroi aux actionnaires de la possibilité d'exercer des recours auprès de certaines autorités.

L'assemblée générale d'actionnaires est titulaire de presque tous les pouvoirs au sein de la société anonyme. Elle est ainsi en charge de l'ultime contrôle de la gestion des affaires sociales. Ce contrôle est exercé par le droit de participation et de vote17 lors des assemblées. Il s'agit d'un « droit-fonction »18, pour exprimer l'idée que l'actionnaire l'exerce dans l'intérêt de la société. La Chambre civile de la Cour de cassation française, dans un arrêt resté célèbre19, a pu estimer qu'il s'agit d' « un

10 Jean PAILLUSSEAU, « La cession de contrôle et la situation financière de la société cédée », JCP G 1992, doctr, n° 3578, p. 187 ; voir aussi art. 174 et 175 de l'AUSCGIE.

11 Yves CHARTIER, « La gestion et le contrôle des sociétés anonymes dans la jurisprudence », LITEC, Paris, 1978, p. 287.

12 L'OHADA est l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires qui regroupe 16 pays africains et vise a terme l'harmonisation du droit des affaires. A cet effet, huit (8) actes uniformes ont été adoptés, entre autres, l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique.

13 Il existe plusieurs sortes d'assemblées : d'abord, l'assemblée constitutive qui vote les statuts et la nomination des premiers organes de la société ; puis, l'assemblée générale ordinaire (AGO) qui approuve ou désapprouve les comptes de l'exercice, statue sur la répartition des bénéfices et élit les administrateurs ; ensuite, l'assemblée générale extraordinaire (AGE) qui se réunit pour modifier les statuts ; enfin, l'assemblée générale spéciale (AGS) qui réunit des titulaires d'actions d'une catégorie déterminée : actions de capital, de jouissance ou de priorité. Elle est chargée d'approuver ou de désapprouver les décisions des assemblées générales modifiant les droits de leurs membres. Elle demeure indispensable pour la sauvegarde de cette catégorie d'actionnaires.

14 Jean LEBLOND, « Les pouvoirs respectifs de l'assemblée générale, du conseil d'administration, du Président-directeur général, et du Directeur général adjoint, dans la doctrine institutionnelle », Gaz. Pal 1957, 1, doctr, p. 29.

15 Jean PAILLISSEAU, « Le droit est aussi une science d'organisation (et les juristes sont parfois des organisateurs juridiques)», RTDcom 1989, n° 20, p. 10.

16 Patrick SERLOOTEN, « De nouvelles structures de l'entreprise », D 1986, Chr, p. 187 cité par KODOM Molonga, Le contrôle de la société anonyme unipersonnelle , Mémoire de DESS Droit des Affaires, FDD, Université de Lomé, 1999, p. 1.

17 V. en ce sens art. 1844 C. civ qui est le texte général en la matière ; art. 537 de l'AUSCGIE.

18 Georges RIPERT et René ROBLOT, ibid., n°1606.

19 Cass. civ. 7 avr.1932 : D.P 1933, I, p. 153, note P. CORDONNIER cité par Renée KADDOUCH, « L'irréductible droit de vote de l'associé », Semaine Juridique, Entreprise et Affaires, Tome I, 2008, n°1549 ; Affaire du château d'Yquem, Cass. com. 9 février 1999, JCP E 1999, p. 724 cité par Philippe MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, 12eme éd., Précis Dalloz, Paris, 2008, n° 306.

attribut essentiel de l'action ; si son exercice peut être réglementé dans une certaine mesure par les statuts, il ne saurait en aucun cas être supprimé ». En outre, il s'agit d'un droit fondamental pénalement sanctionné20.

Le droit à l'information et le droit de participation et de vote21 sont deux droits fondamentaux de l'actionnaire. Ils ne peuvent être écartés ni par les dirigeants, ni par une décision de l'assemblée22. Le droit de l'actionnaire à l'information était considéré traditionnellement comme un moyen d'éclairer le droit de vote de l'actionnaire. Aujourd'hui, ces deux droits sont dissociés, puisque les actionnaires porteurs d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote et les porteurs de certificats d'investissement possèdent le même droit à l'information que les autres pour la défense de leurs intérêts pécuniaires. Ces prérogatives reconnues aux actionnaires représentent, pour la plupart du temps, de véritables forces de dissuasion ou une source de contre-pouvoir aux mains des actionnaires non dirigeants aussi bien en droit français que dans l'espace OHADA. Elles permettent aux actionnaires de s'exprimer sur la gestion sociale et favorisent le contrôle de la gestion et des comptes sociaux.

Mais, cette vision des actionnaires maîtres de leur affaire ne correspond pas à la réalité. En effet, la mise en oeuvre de ces moyens de contrôle des affaires sociales ne va pas sans soulever de difficultés. Ces difficultés ne seront pas énumérées en fonction des mécanismes offerts aux actionnaires. EIles seront évoquées suivant que les actionnaires agissent individuellement ou collectivement.

Dans le premier cas, les actionnaires, pris individuellement, éprouvent d'énormes difficultés lors de la mise en oeuvre du contrôle de la gestion et des comptes sociaux. En effet, ces difficultés varient suivant que l'information est quérable ou portable ou encore selon la mise en oeuvre de certains mécanismes de contrôle à savoir la procédure d'alerte et l'expertise de gestion et bien d'autres. Il en est de même lorsque les actionnaires sont dépourvus de compétences juridiques, comptables et financières.

Dans le second cas, la collectivité d'actionnaires ne parvient pas toujours à contrôler la gestion des affaires sociales. D'ordinaire, cette situation est le résultat de leur absentéisme et le jeu des pouvoirs en blanc renvoyés aux dirigeants sociaux, deux phénomènes qui diluent l'effet « démocratique »23 de la société anonyme. Cette situation entraîne également son effacement en tant qu'organe cardinal du contrôle des affaires sociales et une confiscation de ses pouvoirs par la direction. En outre, cet état des lieux découle aussi de leur passivité grandissante, leur indifférence chronique à l'égard de l'activité sociale, de la faible fréquence de la tenue des réunions et du simulacre de contrôle dans les sociétés familiales24.

Tous ces maux constituent un frein à la mise en oeuvre de ce droit d'inspection25. Ils entraînent également de risques sérieux aussi bien à l'égard de la société qu'à l'égard des dirigeants sociaux. D'abord, à l'égard de la société, la mise en oeuvre du contrôle peut ternir son image et engendrer un découragement de ses différents partenaires. Bien plus, elle peut faciliter l'immixtion du juge dans la vie sociale. Ensuite, quant aux dirigeants sociaux, ils courent le risque d'être révoqués ou de voir leur responsabilité être engagée en cas de fautes de gestion ou d'entraves à l'exercice de ce contrôle par les actionnaires.

De ce qui précède, il se dégage les questions suivantes : les actionnaires peuvent-ils déclencher de façon égalitaire les mécanismes de contrôle prévus par le législateur ? De quelle manière peuvent-ils contrôler de la marche des affaires sociales ? Le contrôle de l'activité sociale qu'ils exercent ne présente-t-il pas des difficultés ou des risques ? Dans ce cas, comment amener les actionnaires à mieux participer à la vie sociale et, par conséquent, à mieux s'exprimer sur la gestion et les comptes sociaux ?

20Cf. art. 892 de l'AUSCGIE.

21 Selon Michel JEANTIN, il s'agit d des droits intangibles (Droit des sociétés, Montchrestien, Paris, 1989, n°197, p. 104) ; les professeurs Georges RIPERT et René ROBLOT considèrent qu'ils s'agit des droits individuels (par M. GERMAIN et L. VOGEL, Traité de droit élémentaire, Tome 1, 17e éd., LGDJ, Paris, 1998, n° 1597, p. 1173) ; les professeurs Francois ANOUKAHA, Paul-Gérard POUGOUE, Abdoullah CISSE, Ndiaw DIOUF, Josette NGUEBOU TOUKAM estiment que ce sont des droits politiques (Sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 242, p. 161) ; le professeur Paul LE CANNU considère que c'est un droit d'intervention de l'actionnaire dans la structure sociale (Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, p. 520).

22 Toutefois, dans certaines situations, les actionnaires peuvent etre exclus faute de n'avoir pas libéré leurs actions.

23 Paul LE CANNU, Droit des sociétés, ibid., p. 334.

24 Philippe MERLE, ibid., n° 456.

25 André TUNC, Le droit américain des sociétés anonymes, Economica, Coll. Etudes Juridiques Comparatives, Paris, 1985, p. 129.

Autrement dit, le contrôle de la gestion et des comptes sociaux par les actionnaires, pris individuellement ou collectivement, est-il efficace ?

En effet, face aux difficultés et risques que le contrôle fait naître, le législateur de l'OHADA doit réagir promptement et diligemment. En effet, il n'a eu de cesse de voler à la rescousse des actionnaires en leur donnant la possibilité de participer à la gestion sociale au moyen de droits d'information. Pour atteindre ce but, il a prévu une gamme de mécanismes de contrôle des affaires sociales26. Aussi, le recours aux moyens d'ordre technique, financier ou comptable contribue nettement à renforcer le contrôle de la gestion et des comptes sociaux.

En revanche, pour pallier l'ineffectivité du contrôle exercé par la collectivité d'actionnaires, le recours aux moyens reconnus expressément et implicitement par le législateur s'avère indispensable. A ceux-ci s'ajoutent des moyens issus de la pratique comme la présence d'une catégorie particulière d'actionnaires aux assemblées et une politique d'attraction des actionnaires minoritaires aux assemblées, notamment la reconnaissance aux minoritaires d'une place au conseil d'administration et la politique de distribution des dividendes ne sont pas à écarter.

Ces divers moyens permettent de remédier à l'inefficacité du régime du contrôle mis en oeuvre par les minoritaires. A cet effet, M. Yves Bérenger MEUKE affirme que « si l'on entend encourager l'actionnariat populaire et, par conséquent, pousser vers la bourse ceux qui n'ont que des moyens modestes et qui seront nécessairement de petits actionnaires minoritaires, il faut dans la conjoncture africaine actuelle leur donner une sécurité »27. Ainsi, le contrôle interne qui était théorique devient réalité par leur participation active dans la gestion sociale, ceci afin d'éviter que l'activité de la société ne périclite suite à certaines fautes de gestion des dirigeants.

« La société étant le siège d'une multiplicité d'intérêts parfois divergents qu'il importe de gérer au mieux pour un fonctionnement meilleur de l'entreprise »28, il est tout à fait normal que ce contrôle présente plusieurs intérêts. D'une part, il permet aux actionnaires de connaître l'état des affaires sociales, d'apprécier les performances de la société et de jouer leur rôle essentiel de sentinelle de l'intérêt social. D'autre part, ce contrôle vise à attirer et à retenir les éventuels souscripteurs et investisseurs. Il permet en outre d'éviter une confusion de patrimoines par les dirigeants, de réajuster les pouvoirs au sein de la société et d'élargir le droit d'intervention des actionnaires dans la vie sociale.

Le contrôle de la gestion et des comptes sociaux est un contrôle dit interne. Il est inclusif et met les actionnaires sur un pied d'égalité. L'efficacité de ce contrôle varie selon que les actionnaires agissent individuellement ou collectivement.

Ainsi, convient-il de préciser que dans le cadre de notre étude, nous examinerons d'une part, le contrôle interne individuel qui requiert l'intervention d'un seul actionnaire (Première Partie) et, d'autre part, le contrôle interne collectif mis en oeuvre par un groupe d'actionnaires (Deuxième Partie).

PREMIERE PARTIE : LE CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL

L'actionnaire est citoyen de la société qui représente sa cité29. Ce statut lui confère le droit d'exercer un contrôle de l'activité sociale. Ce droit lui permet de participer activement à la vie sociale car on ne peut admettre qu'il en soit privé. Il s'agit d'un droit irréductible qu'un statut ou un organe social ne peut restreindre

Le contrôle que l'actionnaire met en oeuvre revêt plusieurs formes. Il s'exerce de façon générale par le biais de l'information30 et de divers autres moyens de contrôle consacrés par le législateur. Ce contrôle dit contrôle interne individuel ne peut être effectif que si l'actionnaire est parfaitement informé de la situation de la société.

26 Ce contrôle se réalise par le droit de communication, la procédure d'alerte, l'astreinte et le déclenchement de l'expertise de gestion.

27 Bérenger Yves MEUKE. B, « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : réflexion sur l'expertise de gestion » http : // www.juriscope.org/actu_juridiques/doctrine/OHADA/ Ohada_20.pdf.pp. 1-13

28 Bérenger Yves MEUKE. B, ibid.

29 Maurice COZIAN, Alain VIANDIER et Florence DEBOISSY, Droit des sociétés, 17eme éd., LITEC, Paris, 2004, n° 295, p. 143.

Mais, la mise en oeuvre de ce contrôle est souvent malaisée. EIle est confrontée à de multiples difficultés (Chapitre Premier) qui entravent généralement son efficacité. Toutefois, plusieurs mécanismes légaux et certains moyens d'ordre financier, technique ou juridique permettent de pallier ces difficultés et d'assurer de point en point son renforcement (Chapitre Deuxième).

CHAPITRE PREMIER : LE CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL : UN CONTROLE DIFFICILE

Le contrôle interne individuel n'est possible que si l'actionnaire dispose d'une information claire et précise. Mais tel n'est pas toujours le cas. En effet, ce contrôle est confronté à de multiples difficultés liées à l'information des actionnaires et à certains mécanismes de contrôle qui mettent à mal sa mise en oeuvre (section I). Toutes ces difficultés découragent les actionnaires et freinent très fortement son efficacité. Toutefois, lorsque ce contrôle est déclenché et qu'il révèle des fautes de gestion des dirigeants sociaux, il est de nature à engendrer risques aussi bien à l'égard de la société qu'à l'égard des dirigeants sociaux (section II).

SECTION I : LA DIFFICILE MISE EN OEUVRE DU CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL

Plusieurs difficultés inhérentes à la mise en oeuvre de certains mécanismes de contrôle empêchent, d'une part, les actionnaires de bien contrôler la gestion des affaires sociales (paragraphe I). D'autre part, des difficultés liées à la qualité des actionnaires paralysent fortement ce contrôle (paragraphe II).

Paragraphe I : Les différentes difficultés du contrôle interne individuel

Les difficultés de contrôle de la société peuvent résulter de la nature de l'information (A) ou être liées à la mise en oeuvre des mécanismes de contrôle prévus par le législateur (B).

A- L'asymétrie de l'information des actionnaires

L'information est au centre du droit des sociétés. Il s'agit d'un droit reconnu à l'actionnaire en vertu de l'action qu'il possède et lui permettant de participer à la marche de la société. Ce droit est inhérent à sa qualité d'actionnaire.

Comment l'actionnaire exerce-t-il ce droit à l'information ?

L'actionnaire peut exercer ce droit de deux manières. Il peut se rendre au siège social pour prendre connaissance des documents qui sont tenus à sa disposition quinze jours avant la date de la réunion. Il peut se faire assister par un expert ou un huissier. Il peut aussi prendre copie de ces documents, sauf l'inventaire31. C'est le droit de consultation32. De même, tout actionnaire peut se faire envoyer ces documents et pièces comptables ainsi que les procès-verbaux des délibérations des décisions collectives lorsqu'il en fait la demande. Il s'agit du droit de communication. Mais ce droit à l'information dont dispose l'actionnaire connaît certaines vicissitudes selon que l'information soit quérable33 ou portable34.

Le vocable information vient du verbe informer qui dérive lui-même du latin informere qui signifie instruire. Au sens de la loi, l'information désigne un renseignement de caractere précis, particulier et certain. Elle est définie comme un « renseignement possédé et l'action de le communiquer a autrui (a une personne déterminée ou au public)». Dans un autre sens, l'information est un élément de la connaissance que l'on a. C'est aussi l'action qui consiste a communiquer et l'élément de connaissance.

31 Il faut noter que l'expression « prendre copie » s'entend de faRon large et vise la prise de note, les photocopies, l'utilisation du magnétophone. Ces procédés permettent a l'actionnaire d'assurer la conservation des renseignements dont il a eu connaissance. Mais cette expression exclut la faculté d'exiger de la société la remise d'une copie et l'utilisation de ces procédés quant a l'inventaire.

32 V. art. 525 et suivants de l'AUSCGIE qui énumerent de faRon exhaustive la liste des documents que l'actionnaire peut consulter au siege social.

33 L'information quérable est celle que l'actionnaire va chercher au siege social ou selon la formule de M. G. J. VIRASSAMY
celle qui « suppose des investigations dans les affaires de l'entreprise et implique le recours a des enquêtes et des recherches a
la licéité parfois douteuses » Georges J. VIRASSAMY, « Les limites a l'information sur les affaires d'une entreprise », RTDcom

D'une part, lorsque l'information est quérable, une difficulté relative au lieu où l'actionnaire doit aller la chercher se pose.

L'actionnaire doit-il aller chercher l'information au siège social ou au lieu de la direction administrative ? Ou encore l'actionnaire doit-il aller à la fois au siège social et à la direction administrative ?

En effet, le dépôt des documents en un seul lieu - au siège social ou à la direction administrative - comporte des risques limités à condition, toutefois, qu'il ne soit pas de nature, par la distance géographique entre ces deux lieux, à interdire pratiquement l'exercice du droit d'information de n'importe quel actionnaire. En outre, la dualité du lieu de consultation des documents peut soulever des difficultés lorsque la direction administrative est géographiquement distincte du siège social. Cela contraint bien évidemment, la société à les établir en double exemplaire et entraîne des frais lourds pour celle-ci. De même, il paraît difficile d'exiger de l'actionnaire qu'il se transporte fréquemment au siège social pour procéder aux vérifications des documents lorsque ce siège est situé dans différents pays. Il n'osera pas se déplacer à cause des frais inhérents qui seraient plus élevés que les dividendes qu'il recevra. D'ailleurs, l'actionnaire, dans la plupart des cas, fait preuve d'une certaine désaffectation à l'égard de la vie sociale. A cet effet, le professeur A. TUNC écrit que « l'actionnaire, qui ne va pas à l'assemblée générale, se dérange encore bien moins pour aller au siège social »35.

D'autre part, plusieurs difficultés d'information auxquelles est confronté l'actionnaire naissent du fait que l'information est portable. En effet, cette information pose quelques problèmes. D'un côté, le premier problème est relatif à son imperfection car, l'information peut être quelque peu imprécise en raison d'erreurs de saisies, d'omissions ou de contrôles insuffisants. A cet effet, un actionnaire de la société anonyme de gérance et d'armements du Togo (SAGA-TOGO) également actionnaire à ECOBANK-TOGO, estime que « les informations mises à la disposition des actionnaires par ces deux sociétés ne sont pas toujours sincères. Les erreurs de calculs des dividendes à servir sont courantes ». De l'autre, l'une de ses principales difficultés réside dans sa parcellisation. Elle n'est pas pondérée. Aussi, convient-il de préciser que l'excès d'information n'est pas à écarter car elle tue l'information quand l'essentiel est noyé sous un flot de renseignements sans intérêt. C'est ce que les médias appellent la désinformation, et la désinformation juridique est certainement tout aussi redoutable que la désinformation par voie de presse ou de la télévision36.

D'ailleurs, l'information livrée aux actionnaires est dispendieuse car elle requiert des moyens financiers. Autrement dit, elle est synonyme de contrainte et de frais. La doctrine souhaite donc que « les dividendes ne soient pas trop entamés par les frais d'information »37 car l'objectif premier d'une société est de partager des bénéfices et non pas de diffuser l'information. Bien plus, les dirigeants sont parfois hostiles à l'exercice du droit à l'information par les actionnaires. Cette attitude peut se justifier par le fait qu'ils craignent certaines indiscrétions émanant des concurrents qui achèteraient simplement quelques actions pour se renseigner à bon compte. L'information met ainsi en conflit l'intérêt de l'actionnaire censé disposer d'informations précises pour mieux apprécier la gestion de la société et celui de la société qui tend à éviter que les concurrents ne s'emparent d'informations pouvant nuire à celle-ci. C'est ce qu'a pu observer M. C. BONNET : « Dans le monde hostile de la concurrence, il importe de pouvoir se situer par rapport aux autres concurrents et à cette fin, tout renseignement peut être utilisé pour apprécier la fermeté ou la faiblesse des positions adverses »38.

B- Les difficultés inhérentes à la mise en oeuvre des mécanismes de contrôle prévus par le législateur

La mise en oeuvre de la procédure d'alerte, de l'expertise de gestion et bien d'autres mesures semble parfois difficile pour certains actionnaires.

1988, n° 12, p. 189. Quant au professeur A. SAYAG, c'est l'« information qu'il fallait autrefois aller chercher dans un registre et notamment au registre du commerce et des sociétés », Colloque du CREDA, 1er mars 1994, JCP E, 1994, 1, p. 427.

34 L'information portable est « celle qui fait l'objet d'une publicité obligatoire en divers lieux accessibles a tous »34. Georges J. VIRASSAMY, article précité.

35 André TUNC, « L'effacement des organes légaux de la société », D. 1952, n° 4, p. 74.

36 Colloque du centre de recherche sur le droit des affaires (CREDA) de la chambre de commerce et d'industrie, ibid., p. 426.

37 M.D. Gabare-Leibler, La remise en cause de l'information du public et des actionnaires aux Etats-Unis, These en droit, Paris, 1,1984 cité par Yves GUYON, ibid., p. 299.

38 C. BONNET, Le secret dans la vie économique, These, Paris, 1970 cité par G .J. VIRASSIMY, ibid., p. 184.

D'abord, dans les sociétés anonymes de petite taille39, les actionnaires, aux termes de l'article 158 de l'AUSCGIE, peuvent « deux fois par exercice, poser des questions au président de conseil d'administration, au président-directeur général ou à l'administrateur général, selon le cas, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. La réponse est communiqué au commissaire aux comptes ». Seulement, ce mécanisme de contrôle qui procure une grande sécurité aux actionnaires minoritaires se révèle être insuffisant. En effet, les actionnaires ont la possibilité de le mettre en oeuvre deux fois par an. Au-delà, ils ne sont pas recevables. Cette limitation de pouvoirs de contrôle de la société est curieuse quand on sait que dans certaines sociétés, il n'existe pas de commissaires aux comptes chargés d'assurer un contrôle suivi de comptes. A cet effet, le professeur H-D MODI KOKO BEBEY affirme que « la seule limitation prévue dans l'exercice du droit d'alerte est relative au nombre de fois qu'un même associé est autorisé à donner l'alerte au cours d'un exercice social »40. D'ailleurs, la loi prévoit que les actionnaires ont la faculté et non le devoir de déclencher l'alerte. Ce caractère facultatif constitue une limite au contrôle interne individuel.

Dans les sociétés anonymes de grande taille, c'est l'inverse de la situation précédente qui se produit. En effet, « la gestion de la société risquerait d'être paralysée si tous les actionnaires, qui sont parfois très nombreux, entendaient exercer ce droit »41.

Ensuite, l'article 159 de l'AUSCGIE dispose qu'« un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ». Seulement, l'accès à l'information par le truchement de l'expertise de gestion semble être un réel « parcours semé d'embûches »42. Plusieurs facteurs militent en ce sens. Parmi ceux-ci, on peut citer-la liste n'est pas exhaustive- la fraction du capital exigée pour son déclenchement, le contexte jurisprudentiel43 ou encore la difficulté de sa mise en oeuvre dans les sociétés faisant appel public à l'épargne.

Concernant la fraction du capital exigée pour son déclenchement, il faut remarquer que le seuil de cinq pour cent, sans doute significatif aux yeux du législateur de l'OHADA, est une condition impérative. Mais, le juge admet difficilement la demande de désignation de l'expert44. D'ailleurs, l'expression « s'il est fait droit »45 de l'article 160 de l'AUSCGIE témoigne de la rigueur ou de la sévérité de la recevabilité de la demande de désignation de l'expert. En plus, il est demandé aux actionnaires d'épuiser les autres moyens d'information avant de déclencher l'expertise de gestion46. Cela ne facilite aucunement l'information des actionnaires, donc le contrôle des affaires sociales. A cet effet, la doctrine française estime que « le fait d'imposer aux actionnaires une information préalable auprès des organes sociaux risque d'être un leurre et d'avoir un effet paralysant »47. En pratique, les actionnaires étant le plus souvent dirigeants de la société, on voit mal comment ils pourraient demander une expertise sur leur propre gestion48.

39 Les petites sociétés anonymes sont par définition des sociétés dont les membres se connaissent. Ces membres ne désirent pas normalement qu'un étranger puisse s'immiscer dans leurs affaires ; V. André TUNC, Le droit américain des sociétés anonymes, Economica, Coll. Etudes Juridiques Comparatives, Paris, 1985, n° 158, p. 311.

5 Henri Désiré MODI KOKO BEBEY, « La réforme du droit des sociétés commerciales de l'OHADA », Rev. soc (2) avril- juin 2002, p. 261.

41 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome 1, Droit Commercial Général et Sociétés, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, p. 298.

42 A. CERATI-GAUTHIER, note sous Cass. com. 11 oct. 2005, 6 déc. 2005, 17 janv. 2006 et 14 févr. 2006, RTDcom 2006, p. 570.

43 MBAIHASRA Eric, L'expertise de gestion dans l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intéret économique, Mémoire de DEA-Droit Privé Fondamental, Université de Lomé, FDD, 2007, p. 37.

44 V. en ce sens CA Abidjan, 5e ch., 2 janv. 2001, arret n° 10, www.ohada.com (ohadata J-02-113).

45 V. en ce sens Rennes, 22 mai 1973, Gaz. Pal. 1973, 2, 700, note PEISSE dans laquelle la demande de désignation de l'expert s'est heurtée a un refus de la part du président du tribunal ou pour un exemple d'un refus confirmé en appel cité par Jean-Pierre SORTAIS, « Rapport sur l'expertise de l'article 226 », Gaz- Pal., 2, doctr, p. 28.

46 Claude CHAMPAUD et Didier DANET, note sous Paris, 14e ch. A, 12 nov. 2003, Dumeylet c/ SA Sté Dallages Industriels Brunet, n° 6, p. 314.

47 Yves Chartier, JCP 1972, I, n° 20 cité par Laurence BOY, « Réflexions sur l'expertise de minorité », D.S 1980, Chr, p. 79, p. 85.

48 Cabinet Gouache, « La protection des actionnaires minoritaires dans la zone OHADA », p. 3, http:// www.gouache.fr/dist/gouache/Fichesthematiques/la%20protectionn°%20des%actionnaires%20minoritaires%20

S'agissant du contexte jurisprudentiel, on peut dire que la jurisprudence en la matière est caractérisée par sa rareté depuis la mise en oeuvre de l'AUSCGIE49. Cette situation est due à la psychose qu'ont les actionnaires de voir leurs demandes être systématiquement rejetées. Cette peur se justifie aussi par le fait que le juge de l'OHADA s'inspire des décisions rigoureuses des juridictions françaises pour rendre les siennes.

Un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 février 2006 semble être très illustratif50. En l'espèce, le sieur Amat, actionnaire minoritaire de la société anonyme La Hauterive Saint-James, avait adressé des courriers au président de son conseil d'administration. Dans ces courriers, celui-ci, dénonçant des « retards aberrants dans le suivi des factures », avait posé les questions suivantes : « qui contrôle la comptabilité du Saint-James ? », « doit-on considérer que notre société ne peut s'approvisionner qu'auprès de la société Borechal quels que soient les prix pratiqués par cette dernière ? »

N'ayant pas obtenu de réponses satisfaisantes, le sieur Amat avait demandé en justice la désignation d'un expert de gestion. Il fut débouté aussi bien par le tribunal de commerce que par la Cour d'appel de Bordeaux. La chambre commerciale de la Cour de cassation, devant laquelle il s'était pourvu en cassation, avait approuvé les juges du fond d'avoir rejeté la demande aux motifs que : « (...) dans les courriers adressés préalablement à la demande d'expertise, M. Amat n'avait fait que s'interroger de façon générale sur la politique de gestion de la société, sans demander de façon précise des explications sur les actes de gestion clairement identifiés (...) ».

Cet arrêt présente plusieurs enseignements. En effet, ce refus de faire droit à la demande au seul motif d'une rédaction imprécise paraît trop sévère, surtout lorsque les actes pour lesquels l'expertise était sollicitée apparaissaient (retards importants dans le recouvrement des créances, relation ambiguë avec une société dont le dirigeant est également le dirigeant de la société).

Concernant les grandes sociétés, notamment celles faisant appel public à l'épargne, les titres sont très largement dispersés dans le public51, le déclenchement de l'expertise ne s'avère pas facile. A cet effet, le professeur Y. CHARTIER affirme que« plus la société sera importante, plus il sera difficile à la minorité de réunir le pourcentage requis »52. Ce qui explique le peu d'intérêt manifesté par les actionnaires à l'égard de cette institution depuis son introduction dans l'espace OHADA. Toutes ces difficultés montrent combien la tâche du juge est malaisée dans l'appréciation de la demande en désignation de l'expert de gestion.

Enfin, avec l'avancée des technologies de l'information et de la communication, les actionnaires peuvent à distance contrôler les affaires sociales. Seulement, la mise en oeuvre de ce systèmes ne sera pas facile car elle nécessite des installations coûteuses. Aussi, au-delà du fait qu'elles constituent un « potentiel risque spécifique »53, le risque de piraterie et de sabotage des locaux de la société n'est pas à écarter. A cet effet, M. R. GASSIN observe que « la plupart des grandes découvertes technologiques ont engendré, à côté des progrès économiques, sociaux et culturels qui en sont une finalité sociale, des retombées négatives diverses, parmi lesquelles figure au premier chef la délinquance »54.

Il faut cependant souligner que l'expertise de gestion engendre des conséquences à l'égard des actionnaires. En effet,
l'expertise est un acte perturbateur qui devrait demeurer exceptionnel et ne pas être demandée à la légère. Elle n'a pas été
conçue pour permettre aux minoritaires de gérer la société ou imposer leur conception de son administration à ceux qui en ont

49 MBAIHAISRA Eric, ibid., p. 38 ; V. notamment quelques rares décisions : CA Abidjan, 25 fév. 2000, NACI SA c/ WIN SARL, www.juriscope.org ; Cotonou n° 256/ 2000, 17 aotat 2000, Affaire Société Continentale des Pétroles et d'Investissement, M. Sefou Fagbohoun, SONACOP, M. Cyr Koty c/ Etat béninois, www.juriscope.org/

50 Cass. com. 14 février 2006, RTDcom 2006, p. 570.

51 Paul LE CANNU, note sous Trib. Com, Paris, 27 juin 2002, Rev. soc 2002, p. 719 cité par MBAIHASRA Eric, précité, p. 45.

52 Yves CHARTIER, « L'expertise de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 », JCP G 1972, I, 2506 cité par Laurence BOY, ibid., p. 82.

53 Convention sur la cybercriminalité, rapport explicatif, http:// www.conventions.coe , int / treaty / fr / Reports / html // 185.htm.

54 Raymond GASSIN, « Le droit pénal de l'informatique », D.S 1986, Chr, p. 35.

la charge55 ; seront également condamnés, les actionnaires ayant succombé à la tentation de solliciter cette mesure d'instruction dans l'intention de harceler les dirigeants en place56.

Toutes ces difficultés entravent considérablement le contrôle interne individuel. A celles-ci s'ajoutent d'autres difficultés fortement liées à l'incompétence des actionnaires.

Paragraphe II : L'incompétence des actionnaires, un frein au contrôle interne individuel

L'incompétence des actionnaires constitue un obstacle à l'efficacité du contrôle interne individuel. Elle est d'ordre juridique d'une part (A) et, d'ordre financier et comptable (B) d'autre part.

A- L'incompétence juridique des actionnaires

Normalement, tout actionnaire, s'il possède quelques connaissances juridiques, dispose d'une quantité de renseignements importants lui permettant de se prononcer en connaissance de cause et de porter un jugement éclairé sur la gestion de la société.

Mais cette réalité est purement théorique. En effet, l'incompétence juridique ne permet pas aux actionnaires de bien contrôler la gestion et les comptes sociaux car, très souvent, ceux-ci sont dans l'incapacité ou dans l'impossibilité de cerner la portée des informations qui leur sont livrées par la société ou qu'ils vont chercher au siège social. Ils n'arrivent pas à « jouer le moindre rôle dans la gestion »57. Cette situation résulte du fait que le droit semble être une matière ésotérique, voire hermétique. A cet effet, certains auteurs prétendent en le caricaturant que « c'est la langue de Brid'oison »58. Par conséquent, la mise en oeuvre du contrôle interne individuel est faussée d'avance.

A titre illustratif, dans une espèce rendue par la Cour d'appel de Paris le 13 octobre 200659, un actionnaire ultra-minoritaire (il détient une action sur les 75.000 composant le capital social) demande à bénéficier des dispositions de l'article L. 225-115 du Code de commerce, lequel prévoit que « tout actionnaire a le droit, à toute époque, d'obtenir communication des documents visés à l'article L.225-115 et concernant les trois derniers exercices, ainsi que les procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées tenues au cours de ces trois derniers exercices ». L'article 144 du décret du 23 mars 1967 prévoit par ailleurs que l'actionnaire qui exerce ce droit de consultation peut se faire assister « d'un expert inscrit sur une des listes établies par les cours et tribunaux ».

Fort de ce droit de communication, l'actionnaire minoritaire convient d'un rendez-vous au siège de la société. Il s'y présente assisté de son avocat. La société met les documents demandés à la disposition de l'actionnaire mais refuse que son avocat soit présent lors de la consultation au motif qu'il n'est pas inscrit sur la liste mentionnée à l'article 144. De sa propre initiative, l'actionnaire renonce alors à consulter les documents ou à en prendre copie. Il engage une action en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris qui accueille sa demande et désigne un mandataire ad hoc. La Cour d'appel infirme l'ordonnance dans toutes ses dispositions soulignant qu'il n'existe aucun dommage imminent et que le trouble caractérisant une telle mesure n'est pas démontré.

Même si cette décision dénote d'un développement inquiétant de l'activisme des actionnaires minoritaires et une certaine immixtion du juge dans les affaires d'une entreprise alors qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits des actionnaires minoritaires, il convient de préciser, par un raisonnement a contrario, que cet arrêt montre combien les actionnaires manquent cruellement des connaissances juridiques. Si cet actionnaire connaissait les dispositions du décret, il n'allait en aucun cas se présenter au siège social avec un avocat non inscrit sur la liste de la société.

55 Cotonou, n° 256/ 2000, 17 aotit 2000. Ohadata J-06-10, www.ohada.com; Abidjan, n°376, 2 mars 2004, ohadata J-04-489, www.ohada.com.

56 Trib. Com. Paris, 11 mai 2004, JCP E 2004, 1154, Alain VIANDIER : pour la condamnation pour abus d'un actionnaire minoritaire ayant harcelé les dirigeants par ses questions.

57 Galbraith cité par Camille JAUFFRET-SPINOSI, « Assemblée générale d'actionnaires dans les SA, réalité ou fiction? (Etudes comparatives) », Etudes offertes a René RODIERE, Dalloz 1981, p. 128.

58 R. Linton, Le style et l'éloquence judiciaire, éd. Albin Michel, cité par Jean-Louis BERGEL, Théorie générale du droit, 4eme éd., Dalloz, Paris, 2004, p. 237.

59 Claude CHAMPAUD et Didier DANET, note sous Paris, 14e chambre, 13 octobre 2006, RTDcom 2007, n° 4, p. 375.

Au vrai, dans l'espace OHADA, sans faire preuve d'euphémisme, la plupart d'actionnaires ne connaissent pas le droit OHADA. Ils sont souvent laissés à la merci des dirigeants sociaux. Plusieurs raisons sous-tendent ce phénomène. Parmi celles-ci, on peut citer le manque de sensibilisation des actionnaires sur les possibilités qu'offre le droit OHADA et la jeunesse de ce droit. La preuve en est qu'il n'existe que peu de décisions relatives à l'application de l'AUSCGIE60. Autrement dit, le droit OHADA est peu éprouvé. A côté de cette incompétence juridique figure l'incompétence comptable et financière.

B- L'incompétence financière et comptable des actionnaires

L'incompétence financière et comptable s'entend du manque des connaissances dans le domaine financier et comptable. En effet, les actionnaires éprouvent de sérieuses difficultés en matière comptable et financière. Très souvent, ils ne parviennent pas à cerner la portée des informations financières et comptables qui leur sont livrées par les dirigeants. Cette incompétence les empêche d'appréhender la bonne marche des affaires sociales et fragilise le contrôle de l'activité sociale, car ils ne sont pas toujours nantis d'un éventail d'outils visant à découvrir les carences ou les irrégularités de gestion susceptibles de compromettre la survie de la société. C'est ce que souligne le professeur Y. GUYON lorsqu'il affirme que les « renseignements communiqués sont techniques et complexes, donc difficiles à utiliser pour celui qui n'a pas des connaissances comptables »61 et ajoute encore que « malgré les progrès d'information, l'actionnaire - on serait tenté de dire l'actionnaire de base - ne sait pas tout et n'est pas toujours capable d'apprécier la manière dont la société est gérée »62.

Ces difficultés sont dues à la complexité de la comptabilité et des finances, deux matières difficiles à appréhender pour un actionnaire profane. Ainsi l'actionnaire n'est pas en mesure de juger par lui-même des résultats obtenus par la société à travers la lecture des documents sociaux mis à sa disposition, car il lui faudrait savoir interpréter les chiffres, connaître les règles de la gestion commerciale, s'assurer de la réalité des opérations relatées63.

A titre d'exemple, dans l'espace OHADA, selon un membre du syndicat des actionnaires de SAGA-TOGO, « la plupart des actionnaires ne comprennent pas la portée des informations rarement mises à leur disposition par les dirigeants. Cela entrave considérablement le contrôle exercé sur la gestion sociale ». En dépit des difficultés auxquelles sont confrontés les actionnaires dans l'exercice de leur droit d'inspection, lorsque ce contrôle révèle des infractions relatives à la gestion sociale, il peut entraîner de graves risques aussi bien pour la société que pour les dirigeants sociaux.

SECTION II : LES RISQUES LIES AU CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL

Les risques64 inhérents au contrôle interne sont des deux ordres : il peut s'agir des risques à l'égard de la société (Paragraphe

I) ou des risques pouvant mettre en cause les dirigeants sociaux (Paragraphe II).

Paragraphe I : Les risques du contrôle à l'égard de la société

La mise en oeuvre du contrôle interne peut affecter le crédit de la société (A) et décourager les éventuels souscripteurs de ses titres (B).

A- L'atteinte au crédit de la société anonyme

60 Benoit LEBARS et Boris MARTOR, « Management et financement de la société anonyme de droit OHADA », JCP 2004, n°5, supplément a la Semaine Juridique n° 44, p. 12.

61 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome 1, Droit Commercial Général et Sociétés, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, p. 298.

62 Yves GUYON, ibid., p. 377.

63 Hervé CHASSERY, « Les attributions du conseil de surveillance », RTDcom 1976, n° 1, p. 452.

64 Le terme risque est emprunté de l'italien risco qui veut dire d'origine obscure. Il désigne un évènement dommageable dont la survenance est incertaine quant a la réalisation ou a la date de cette réalisation. Le risque s'entend aussi de la valeur garantie ou objet de l'assurance (personne ou chose assurée) ou encore est emplo yé pour caractériser la responsabilité extracontractuelle de l'administration dans l'hypothèse oil celle-ci est engagée en dehors d'une faute, l'expression responsabilité pour risque étant synonyme de responsabilité sans faute. Le risque, c'est en outre un danger, un inconvénient plus ou moins probable auquel on est exposé.

En droit des sociétés, il faut entendre par crédit la « renommée commerciale de la société qui résulte de la bonne marche de l'entreprise, de l'importance de ses capitaux et de son chiffre d'affaires »65.

Mais quand peut-on savoir que le crédit de la société est affecté ?

En effet, lors de l'exercice du contrôle interne par l'actionnaire, le crédit de la société peut être considérablement atteint. Cette atteinte du crédit se manifeste souvent lors de la mise en oeuvre de certains mécanismes de contrôle de gestion et des comptes sociaux à savoir l'alerte ou l'expertise de gestion. Le déclenchement de ces mécanismes de contrôle interne a un élément perturbateur pour la société. Il est de nature à engendrer des rumeurs de faillite de la société et à nuire à celle-ci. Il peut éveiller la conscience de certains partenaires du fait d'une indiscrétion coupable. A cet effet, le professeur D. VIDAL a relevé que « la procédure d'alerte a pour effet de provoquer la perte de confiance dans l'entreprise de la part de ses partenaires commerciaux et financiers »66 . Il s'agit ainsi d'un contrôle avancé qui peut attiser les soupçons d'une probable faillite de la société lors des investigations et compromettre ainsi son crédit.

De même, le déclenchement de l'expertise de gestion peut affecter le crédit de la société surtout lorsque celle-ci est cotée en Bourse. Ainsi en est-il des demandes intempestives émanant des actionnaires qui peuvent entraîner une dépréciation de ses titres sur le marché boursier.

Il convient de souligner que l'expertise de gestion comporte également des dangers pour les actionnaires. En effet, la réussite de la demande est donc hasardeuse, et les minoritaires impulsifs doivent se méfier, car certains ont été condamnés pour abus d'action en justice67. Ce qui conduit la doctrine à admettre parfois la phase préalable pour éviter ce risque68. De plus, elle entraîne une certaine juridicisation ou immixtion du juge dans les affaires sociales. Toutefois, suite à la mise en oeuvre du contrôle, la société ne court pas seulement le risque de voir son crédit être affecté. Cela peut aussi décourager ses éventuels partenaires ou souscripteurs.

B- Le découragement des éventuels souscripteurs des titres de la société.

Le souscripteur est une personne qui prend part à une souscription. Le vocable souscription vient du verbe souscrire qui dérive du latin subscribere et signifie s'engager à contribuer financièrement à quelque chose, à prendre sa part à une dépense commune.

Le terme souscription vient du latin subscriptio qui signifie un « acte juridique de nature controversée par laquelle une personne s'engage à faire partie d'une société par actions en apportant une somme en principe égale au montant nominal de son titre »69. La souscription est une opération indispensable pour la société, surtout lorsque son activité périclite. Elle constitue un nouveau souffle pour la société car elle lui permet de bénéficier d'une perfusion financière ou d'un apport en nature.

Les premiers souscripteurs des titres de la société sont les actionnaires. Ceux-ci bénéficient d'un droit préférentiel de souscription qui leur est reconnu par la loi70. A ceux-ci s'ajoutent les créanciers sociaux ou certains investisseurs. Ces souscripteurs sont en principe les premiers partenaires capables de voler à la rescousse de la société lorsqu'elle est confrontée à des difficultés d'ordre économique ou financier. Or, si le crédit de la société est atteint, cela pourrait créer un mouvement de panique chez les souscripteurs qui ne vont en aucun cas souscrire à une augmentation du capital social, le cas échéant, bien que la société se trouve vraiment dans le besoin. Ils seront assurément découragés et ne feront pas de gestes salvateurs à l'égard de cette dernière.

65 Jacques MESTRE et Christine SEBASTIEN-BLANCHARD, Lamy Sociétés Commerciales, éd. Lamy SA, Paris, 2001, p. 306.

66 Dominique VIDAL, Manuel droit des sociétés, 5eme éd., LGDJ, Paris, 2006, p. 359.

67 Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, p. 531.

68 Paul LE CANNU, ibid., p. 531.

69 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 16eme éd., Dalloz, Paris, 2007, p. 615.

70 C'est ce qui ressort de l'article 573 al 2 de l'AUSCGIE aux termes duquel « les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit préférentiel a la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Ce droit est irréductible ».

Plusieurs raisons sous-tendent de façon remarquable cette réaction, excepté la mise en cause du crédit de la société. Il peut s'agir, entre autres, du fait que la plupart des sociétés qui rencontrent des sérieuses difficultés tant économiques que financières sont soumises aux procédures collectives. A cet effet, le professeur F. M. SAWADOGO a indiqué que « des entreprises en difficultés, on en trouve un peu partout en Afrique ; des entreprises en difficultés qui se redressent, on en cherche »71. Par conséquent, si une société rencontre de sérieuses difficultés économiques et financières, il est rare qu'elle recouvre sa santé puisque, à la longue, il ne restera que sa dépouille. Cette situation n'est pas de nature à encourager les souscripteurs qui sont a priori les actionnaires, les créanciers sociaux ou les tiers.

Cependant, en dehors des risques qui peuvent affecter la société, il faut souligner que les dirigeants sociaux ne sont pas non plus épargnés. Ils courent comme la société de graves risques.

Paragraphe II : Les risques du contrôle à l'égard des dirigeants sociaux

Plusieurs risques pèsent sur les dirigeants sociaux lors de la mise en oeuvre du contrôle interne. Ils peuvent être révoqués (A) ou voir leur responsabilité être engagée par les actionnaires (B).

A- La révocation des dirigeants sociaux

La révocation72 des dirigeants est prévue par l'AUSCGIE73. Elle nourrit un abondant contentieux74. En effet, considérée comme une séquelle de l'analyse qui voyait dans leurs fonctions un mandat75, la révocation des dirigeants relève de la compétence de l'assemblée d'actionnaires. La Cour d'appel d'Abidjan a récemment rappelé à ce sujet et conformément aux articles 546 et 551 de l'AUSCGIE que « l'organe compétent pour révoquer le président directeur général et son équipe dirigeante est l'assemblée générale (...) »76. Cette révocation ad nutum selon la formule latine qui veut dire « au moindre signe de la tête » reste d'ordre public77. La révocation est le résultat de la mise en oeuvre du contrôle de la gestion et des comptes sociaux, sanction à l'égard des dirigeants sociaux.

La révocation ad nutum peut être prononcée à tout moment par la décision souveraine d'une seule personne ou de l'organisme habilité à cet effet. Seuls les dirigeants sociaux peuvent être révoqués à tout moment par décision de l'assemblée d'actionnaires. Cette révocation est possible même si elle n'a pas été inscrite à l'ordre du jour78, cela en vertu de la théorie des incidences79. A cet effet, le tribunal régional hors classe de Dakar a ainsi décidé qu' « (...) il n'est non plus utile de fixer dans l'ordre du jour le point sur la révocation du gérant, ce dernier peut être discuté dans les questions diverses »80. Cette

71 Paraphrase d'une formule celèbre au Burkina-Faso relative aux chercheurs (Des chercheurs qui cherchent, on en trouve ; des chercheurs qui trouvent, on en cherche) cite par Michel Filiga SAWADOGO in « commentaires de l'Acte uniforme portant procedures collectives » in Traite et Actes uniformes commentes et annotes, p. 811.

72 Le vocable revocation vient du verbe latin revocare qui signifie rappeler. Il designe le fait, pour une personne, de retirer les pouvoirs accordes a une autre.

73 Il s'agit de la revocation de l'administrateur a l'article 433 al.2 ; du PDG a l'article 469; du DG a l'article 492 ; de l'administrateur general a l'article 509 et de l'administrateur general adjoint a l'article 515 de l'AUSCGIE.

74 Sur la question voir en ce sens CA Paris, (3e Ch. Sect. A) 4 avr. 2006, Rev. soc juill-sept. 2006, p. 667 ; L. GODON, note sous CA Versailles, 5 juin 2003, Rev. soc 2004, p. 108 ; CA Paris, 21 nov. 1991, Sonatra c/ Bon : JCP 1992, ed. E, I, 145, n° 8, Obs. A. VIANDIER et J. J. CAUSSAIN ; CA Abidjan, arrêt n° 1247 du 28 nov. 2003, www.ohada.com (ohadata J-03-347).

75 Paul LE CANNU, op.cit, p. 386.

76 CA Abidjan, 23 oct. 2003, arrêt n° 1161. Ste ASH Internationale c/ Maurice Kacou ; www.ohada.com (ohadata J-03-317).

77 Dans un vieil arrêt du 30 avril 1878, la chambre civile de la Cour de cassation a precise que la revocation ad nutum est « une règle d'ordre public a laquelle il n'est pas permis de deroger, notamment par des clauses qui, en enlevant a la societe le droit absolu de revoquer ses mandataires, confèreraient aux tribunaux le pouvoir de contrôler les causes de revocation et d'allouer des dommages-interêts au mandataire revoque, a leur estime, sans motifs legitimes», D.P 1878, 1, 314 ; V. notamment Cass. civ. 9 janv. 1964, D. 1964, p. 519.

78 V. art. 522 al 2 de l'AUSCGIE.

79 Il s'agit de la theorie selon laquelle les actionnaires decident au cours d'une assemblee de demettre le dirigeant quand bien même cette resolution n'aurait pas ete inscrite a l'ordre du jour.

80 Trib. reg. hors classe de Dakar, jugement n° 327 du 19 fevr. 2003, Pèdre DIOP c/ Oumar SECK et BAG SARL ; www.ohada.com (ohadata. J-03-180).

situation est aussi transposable dans les sociétés anonymes. Elle concerne tout dirigeant81. Les conventions qui lui portent atteinte sont formellement interdites. Il en est ainsi de l'interdiction d'une clause subordonnant la révocation du directeur général à l'attribution d'une fonction salariée au sein de la société82.

En principe, aucune motivation ni indemnité n'est exigée et due à l'administrateur lors de cette révocation. Mais cette règle est protégée aujourd'hui par le principe du contradictoire qui atténue sa brutalité. Ce principe signifie que soient respectés les droits de la défense. Dans un arrêt rendu le 3 janvier 1996, la Cour de cassation française affirme solennellement que « la révocation d'un directeur général peut intervenir à tout moment et n'est abusive que si elle a été accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions qui portent atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant révoqué ou si elle a été décidée brutalement sans respecter le principe de la contradiction »83. Ce principe signifie que le dirigeant puisse préparer sa défense et présenter ses observations. Il doit, par conséquent, être informé du projet de révocation et invité à se justifier. Certes, la mesure de ce droit reste à préciser : suffit-il qu'il soit informé de la volonté des actionnaires de le révoquer ou faut-il également lui communiquer les griefs ?

La doctrine84 estime que l'évolution de la jurisprudence devrait logiquement conduire la Cour de cassation à consacrer cette obligation, qui seule semble correspondre à la philosophie du contradictoire. Si la révocation s'est réalisée dans les circonstances portant atteinte à l'honneur ou à la réputation des dirigeants sociaux ou encore si elle est entourée des circonstances injurieuses et vexatoires et sans possibilité de défense pour l'administrateur révoqué85, la théorie de l'abus de droit86 justifie la réparation du préjudice subi par le dirigeant ainsi « traîné dans la boue »87.

En droit OHADA, il n'existe aucune décision en la matière. C'est pourquoi, la doctrine estime qu'il convient de ne pas s'empresser pour appliquer de facto le principe du contradictoire en cas de révocation ad nutum. La vigilance s'impose en la matière afin d'apprécier les évolutions convergentes ou divergentes du droit uniforme au regard des pratiques constatées en droit français88. Par surcroît, il faut remarquer que la plupart des dispositions de l'AUSCGIE sont d'ordre public. Toutefois, le principe du contradictoire étant un principe général de droit, il sied de le respecter.

Mais la révocabilité n'est pas le seul risque auquel sont exposés les dirigeants sociaux. Ceux-ci peuvent voir leur responsabilité être engagée lors de ce contrôle.

B- La mise en jeu de la responsabilité des dirigeants sociaux

Janus à deux têtes, la responsabilité89 des dirigeants de droit ou de fait90 peut être engagée lors du contrôle interne, soit sur le plan civil, soit sur le plan pénal.

81C'est-a-dire toute personne physique ou morale qui assure la direction ou l'administration totale ou partielle, de droit ou de fait de la société.

82 Soc, 4 janvier 1974, RTDcom 1975, p. 114, obs. R. HOUIN.

83 Cass.com, 3 janvier 1996, n° 94-10.765 ; Cass. com. 26 avril 1994, Pesnelle c/société Autoliv Klippan cité par Paul LE CANNU, ibid., p. 441.

84 Alain LIENHARD, note sous Cass. com. 10 mai 2006, D 2006, Tome 2, p. 1533.

85 Claude CHAMPAUD et Didier DANET, note sous Paris, 25e ch., 7 juill. 2006 ; 3e ch. B, 13 oct. 2006 ; 3e ch. B, 6 juill. 2006, RTDcom 2007, n°8 ; V. en ce sens Roger HOUIN, note sous Cass. com. 21 juillet 1969, RTDcom 1970, p. 534, n° 8 ; Cass. com. 15 mai 2007, D 2007, A J, p. 1511, .Alain LIENHARD.

86 Cass. com. 27 mars 1990, JCP 1990. II. 21537, note Yves GUYON.

87 Maurice COZIAN et alii, Droit des sociétés, 17eme éd., LITEC, Paris, 2004, n° 450, p. 214.

88 Benoit LEBARS et Boris MARTOR, « Management et financement de la société anonyme de droit OHADA », JCP 2004, n°5, supplément a la Semaine Juridique n°44, p. 14.

89 La responsabilité est une obligation de répondre d'un dommage devant la justice et d'en assurer les conséquences civiles, pénales, disciplinaires etc. En matière civile, il s'agit de toute obligation, pour l'auteur d'un dommage causé a autrui, de le réparer. En matière pénale, c'est l'obligation de répondre des infractions commises et de subir la peine prévue par le texte qui le réprime.

90 Comme les dirigeants de droit, la jurisprudence retient la responsabilité pénale des dirigeants de fait, c'est-à-dire, des « personnes qui, sans titre, exercent sans entrave et sans indépendance une activité positive de direction des affaires sociales », Jacques MESTRE et Christine SEBASTIEN-BLANCHARD, ibid., n° 595.

Sur le plan civil91, les dirigeants sociaux sont responsables, individuellement ou solidairement des infractions, commises envers les actionnaires ou les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou règlementaires, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. Cette responsabilité est de nature contractuelle envers les actionnaires et la société et, de nature délictuelle envers les tiers. Pour que cette responsabilité soit mise en jeu, trois conditions doivent être réunies à savoir une faute, un dommage et un lien de causalité.

Les dirigeants sociaux ne peuvent être déclarés responsables que sur la base d'une faute prouvée. Cette faute n'a pas à être dolosive ou lourde. On distingue plusieurs fautes : lors de la constitution de la société, de la cessation des fonctions, indépendamment de la gestion des dirigeants ou dans le cadre de la gestion de la société. Dans ce dernier cas, la faute réside dans la violation des lois et règlements. Il peut s'agir de la méconnaissance des exigences légales d'information concernant des actionnaires92, de la négligence des affaires sociales, du défaut de surveillance du personnel, du désintérêt pour la gestion ou le fait de concurrencer la société dirigée.

Ensuite, il faut un dommage direct, certain et personnel, pour que la responsabilité civile des dirigeants soit retenue. Enfin, la responsabilité civile des dirigeants est subordonnée à la constatation par les juges que le préjudice subi par les actionnaires ou la société trouve sa source dans la faute du dirigeant poursuivi.

Les actionnaires, qui ont subi un dommage personnel, peuvent engager la responsabilité individuelle ou collective des dirigeants. Il s'agit de l'action individuelle93. Lorsqu'ils se substituent aux organes sociaux défaillants, ils exercent l'action sociale ut singuli94. Toutefois, il faut souligner que les actionnaires ne sont guère enclins à exercer l'action sociale ut singuli car ils n'en tireront aucun avantage financier personnel, mais seulement la satisfaction d'avoir oeuvré pour le bien commun de la société et de ses associés95. Lorsque la société agit parce qu'elle a subi personnellement un préjudice dû à la faute du dirigeant, elle exerce l'action sociale96. Cette action est, lorsqu'elle est intentée, de la compétence des tribunaux de commerce dans le silence de la loi. Le dirigeant coupable sera condamné à des dommages-intérêts. Il faut aussi noter que le délai de prescription de ces deux actions est de trois (3) ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation97. Cette prescription est de dix (10) ans pour les crimes98. La loi prévoit que les frais et honoraires de cette action sont à la charge de la société99.

Sur le plan pénal, la responsabilité des dirigeants est engagée en cas d'infractions susceptibles d'être commises personnellement. Il s'agit d'infractions à la réglementation spéciale liée à l'activité propre de l'entreprise ou celles applicables à toute entreprise. Ainsi, en est-il de la présentation de bilans falsifiés pour obtenir des avances ou des prêts100, du délit d'abus de confiance, de la remise de fausses listes d'actionnaires101 ou de la publication des états financiers de synthèse ne donnant pas une image fidèle de la situation financière ou patrimoniale de la société102. Il en est de même des infractions relatives à l'émission des valeurs mobilières103 qu'à la négociation d'actions104.

D'ailleurs, pour mieux lutter contre les comportements susceptibles de nuire gravement à l'essor des activités de l'entreprise,
le législateur a consacré plusieurs articles à la banqueroute et aux infractions assimilées105. La possibilité pour les
actionnaires de déclencher les poursuites judiciaires constitue un moyen supplémentaire de contrôle de la gestion sociale.

91 L'article 1850 C. civ. est le texte general relatif a la responsabilité civile du dirigeant.

92 Cass. com. 17 mai 1965, n° 63-12347 cite par Jacques MESTRE et Christine SEBASTIEN-BLANCHARD, Lamy Sociétés Commerciales, ed. Lamy SA, Paris, 2001, n° 639, p. 284.

93 V. art.162 de l'AUSCGIE.

94 V. art.167 de l'AUSCGIE.

95 Maurice COZIAN et alii, Droit des sociétés, 17eme ed., LITEC, Paris, 2004, p. 127.

96 V. art.166 de l'AUSCGIE.

97 V. art.164 al 2 et 170 de l'AUSCGIE.

98 V. art. 164 in fine et 170 in fine de l'AUSCGIE.

99 V. art. 171 de l'AUSCGIE.

100 Cass. crim. 14 décembre 1981, n° 81-91.106.

101 V. art. 887 de l'AUSCGIE.

102 V. art. 890 de l'AUSCGIE.

103 V. art. 886 de l'AUSCGIE.

104 V. art. 888 de l'AUSCGIE.

105 V. art. 226 a 246 de l'AUSCGIE. A cet effet, l'article 313 du Code penal tchadien punit les banqueroutiers frauduleux d'un emprisonnement de cinq(5) a dix (10) ans et les banqueroutiers simples d'un emprisonnement d'un mois a deux ans.

Seulement, la lenteur et les coûts de la justice sont de nature à fragiliser les droits des actionnaires. De plus, la plupart des actionnaires préfèrent avoir en main une action, une valeur mobilière qu'une action en responsabilité.

Cependant, même si la mise en oeuvre du contrôle interne individuel paraît difficile pour les actionnaires et engendre de nombreux risques aussi bien à l'égard de la société que des dirigeants sociaux, plusieurs moyens de divers ordres permettent d'accroître de point en point son renforcement.

CHAPITRE DEUXIEME : LE CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL : UN CONTROLE RENFORCE

Actuellement, on assiste à une nette avancée du rôle des actionnaires dans la vie sociale car, le contrôle interne qu'ils exercent sur la gestion sociale est renforcé par de mécanismes nouveaux leur permettant d'assainir et de rationaliser la gestion et les comptes sociaux. Il s'agit de la procédure d'alerte qui présente une utilité considérable, de l'astreinte et de l'expertise de gestion (Section I). A côté de ces mécanismes figurent d'autres moyens d'ordre comptable, juridique ou technique (Section II) visant à garantir de façon notable l'exercice de ce contrôle.

SECTION I : LE RENFORCEMENT DU CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL PAR DES NOUVEAUX
MECANISMES

Plusieurs mécanismes prévus par le législateur de l'OHADA contribuent au renforcement du contrôle interne individuel. Cette évolution est liée à ce qu'un auteur a appelé « un droit élargi d'apprendre »106. Il se manifeste principalement par le déclenchement de la procédure d'alerte qui est d'une utilité notable (Paragraphe I) et d'autres moyens de contrôle comme l'astreinte et l'expertise de gestion (Paragraphe II).

Paragraphe I : La procédure d'alerte, gage d'un contrôle interne renforcé

La procédure d'alerte est un outil indispensable de contrôle et d'information aux mains des actionnaires. Pour des raisons d'ordre pratique (B), il constitue un moyen renforcé de contrôle (A).

A- La procédure d'alerte, un mécanisme renforcé de contrôle

L'institution de l'alerte constitue une innovation majeure en droit OHADA. Elle est prévue par les articles 150 et suivants de l'AUSCGIE. Ce mécanisme de « signes et de clignotants » constitue une des prérogatives des actionnaires relevant de la gestion normale de la société.

Ainsi que doit-on entendre par procédure d'alerte ? En quoi constitue-t-elle un mécanisme renforcé de contrôle ?

« Le terme d'alerte, selon le professeur Y. CHAPUT, est bien choisi. Ce n'est pas encore le temps des alarmes ou même des conflits. Il ne s'agit que de prévenir les dirigeants des écueils prévisibles... »107.

La procédure d'alerte consiste à découvrir les indices de difficultés afin d'organiser rapidement et discrètement une résistance efficace108. Pour le professeur Y. CHARTIER, la procédure d'alerte « a pour objet d'attirer l'attention de ses destinataires sur le sérieux, voire sur la gravité de la situation »109. Cette tâche de dépistage des difficultés et leur révélation aux instances dirigeantes sont confiées aux actionnaires. Selon les professeurs M. JEANTIN et P. LECANNU, « le droit d'alerte vise ainsi

106 Jacques MESTRE, in Manuel de droit commercial, cite par Y. CHARTIER, Droit des affaires, 3/ Entreprises en difficulté, Prevention- Redressement- Liquidation, PUF, Paris, 1989, p. 73.

107 Yves CHAPUT, Droit de la prévention et du reglement des difficultés des entreprises, PUF, 1986, n° 40 cite par Filiga Michel SAWADOGO, Droit des entreprises en difficultés, Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 40, p. 36.

108 Yves GUYON,Droit des affaires, Tome 2, Entreprises en difficultés- Redressement judiciaire- Faillite, 9eme éd., Economica, Paris, 2003, n° 1044, p. 51.

109 Yves CHARTIER, Droit des affaires, 3/ Entreprises en difficultés, Prevention-Redressement-Liquidation, PUF, Paris, 1989, p. 83.

à provoquer une discussion interne à l'entreprise, dont l'objet sera à la fois de prendre la mesure la plus exacte possible des difficultés rencontrées ou sur le point de survenir, de proposer à la suite de cette discussion les solutions les plus appropriées à résoudre ces difficultés »110 ; pour le professeur M. COZIAN, « l'alerte permet la détection des premiers signes de faiblesse et l'activation d'une défense immunitaire »111.

La procédure d'alerte est un moyen de contrôle et d'information aux mains des actionnaires. Sa consécration dans l'espace OHADA vise à prévenir les difficultés des entreprises et vient matérialiser dans le nouveau paysage juridique africain la naissance d'un véritable droit d'information des actionnaires. Aucune condition relative à la détention d'une fraction du capital n'est requise pour sa mise en oeuvre. Son déclenchement est subordonné à l'existence de tout fait de nature à compromettre la "continuité de l'exploitation". Cette expression s'inspire clairement du droit comptable qui exige que la société établisse ses comptes dans une optique de continuité de son activité prévisionnelle.

La continuité de l'exploitation demeure un critère fondamental auquel les actionnaires doivent se référer pour déclencher l'alerte. Cette notion est principalement fondée sur la situation financière de l'entreprise et sur les faits objectifs pouvant survenir dans un avenir prévisible. Parmi les faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, peuvent être retenus les faits relatifs aux activités de la société comme les conflits sociaux ou les transactions à des conditions anormales. Il peut s'agir en outre de faits concernant la structure financière à savoir une insuffisance des moyens de financement ou la perte de la moitié du capital112.

Les actionnaires doivent en effet bénéficier des informations précises sur l'entreprise, seul moyen permettant de contrôler l'activité sociale. L'efficacité de ce mécanisme relevant de la gestion normale dépend du moment de son déclenchement, car plutôt l'alerte est donnée, plus grande est la chance de guérison de la société113. Cela permet de se préparer à temps pour affronter les difficultés de la société car, ne dit-on pas, selon un adage populaire que "mieux vaut prévenir que guérir".

Par ailleurs, il a été observé que si un fait grave nouveau intervient, il ne leur est pas imposé de se taire. Mais ils informeront les dirigeants en dehors du mécanisme légal114. Associés à la marche de l'entreprise et détenteurs d'information dont la divulgation risque de nuire à la collectivité à laquelle ils appartiennent, les actionnaires doivent faire preuve d'un minimum de discrétion et de secret pour éviter tout risque pouvant affecter le crédit de la société et susciter une crainte souvent raisonnée chez les souscripteurs. Cette arme renforcée d'information et de contrôle constitue une véritable force de dissuasion aux mains des actionnaires. Il présente en outre une utilité pratique considérable.

B- L'utilité pratique de la procédure d'alerte

La procédure d'alerte est un moyen renforcé d'information et de contrôle de la gestion sociale aux mains des actionnaires. Il présente une utilité remarquable tant pour la société et que pour les actionnaires.

D'abord, la mise en oeuvre de la procédure d'alerte est utile pour la société. Elle permet d'éviter les questions orales fastidieuses qui peuvent être posées par les actionnaires aux dirigeants sociaux. Ces questions écrites visent aussi à éviter que les actionnaires abondent dans les couloirs de la société. Cela constituerait un obstacle au fonctionnement normal de la société. C'est pourquoi certains auteurs estiment qu'il est souhaitable que la société désigne un responsable chargé de l'accueil des actionnaires qui ont des informations à demander ou des observations à formuler115.

Ensuite, l'alerte consacre une égalité manifeste entre les actionnaires car la détention d'une fraction du capital n'est pas
exigée pour sa mise en oeuvre116. Elle permet d'éviter que les dirigeants ne donnent des réponses ambigües aux actionnaires
par le truchement des questions orales. Autrement dit, les actionnaires peuvent obtenir par ces questions écrites des réponses

110 Michel JEANTIN et Paul LE CANNU, Droit commercial, Instruments de paiement et de crédit, Entreprises en di~ficulté, Précis Dalloz, 5eme éd., Paris, 1999, n° 444, p. 286.

111 Maurice COZIAN et alii, Droit des sociétés, 16eme éd., LITEC, Paris, 2003, p. 159.

112 V. art. 371 ou 664 de l'AUSCGIE.

113 Maurice COZIAN et alii, ibid., p. 159.

114 Yves CHAPUT, ouvrage précité, n°40 cité par Filiga Michel SAWADOGO, ibid., n° 41.

115 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome 1, Droit Commercial Général et Sociétés, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, n° 299, p. 303.

116 Voir art. 158 de l'AUSCGIE.

plus complètes que par le jeu des questions orales posées en cours d'assemblées117. « Ce droit à la curiosité, selon certains auteurs, est crucial pour les nouveaux actionnaires, anxieux de mieux connaître le navire sur lequel ils ont embarqué ainsi que son équipage »118. Encore faut-il que les actionnaires posent ces questions avec exactitude, c'est-à-dire, celles relatives aux "faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation" selon la formule de la loi et que les réponses aux questions qui leur sont destinées soient rédigées dans un style accessible aux non-spécialistes.

D'ailleurs, la procédure d'alerte montre à suffisance que la recherche de la transparence dans la gestion des affaires sociales est une nécessité pour les pays africains. Tout ceci participe du souci réel du législateur de l'OHADA de faire de l'information sur la gestion sociale, une priorité. Il pourrait s'agir selon les termes du texte d'un recours ouvert aux actionnaires en cas de situation de risque. A ce moyen de contrôle s'ajoutent divers autres nouveaux moyens.

Paragraphe II : Le renforcement du contrôle interne individuel par d'autres nouveaux moyens

Le contrôle interne individuel est renforcé par d'autres moyens prévus par le législateur. Il s'agit d'une part de l'astreinte (A) et, d'autre part de l'expertise de gestion (B).

A- L'astreinte : un moyen favorisant le contrôle

L'astreinte119 est un moyen d'action mis à la disposition de l'actionnaire confronté au refus de communication des documents sociaux opposé par le dirigeant.

Comment l'actionnaire peut-il exercer ce droit ?

En effet, l'astreinte est exercée à l'égard du dirigeant qui refuse de communiquer les documents sociaux à un actionnaire qui en fait la demande. En ce cas, l'actionnaire peut saisir le président de la juridiction compétente pour qu'il statue à bref délai. Il s'agit du juge des référés, c'est-à-dire, celui qui statue en cas d'urgence. Le juge des référés peut ordonner aux dirigeants de la société cible de communiquer les documents à l'actionnaire. C'est ce qui ressort de l'article 528 de l'AUSCGIE qui dispose que « si la société refuse de communiquer tout ou partie des documents visés aux articles 525 et 526 du présent Acte uniforme, il est statué sur ce refus, à la demande de l'actionnaire, par le président de la juridiction compétente statuant à bref délai. Le président de la juridiction compétente peut ordonner à la société, sous astreinte, de communiquer les documents à l'actionnaire dans les conditions fixées aux articles 525 et 526 du présent Acte uniforme ». Ainsi, la reconnaissance expresse d'un droit à l'information au profit des actionnaires constitue l'une des innovations importantes de la loi.

La jurisprudence française s'est exprimée en ce sens. Dans une ordonnance rendue par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 15 mars 1983, un associé d'une société civile immobilière avait demandé au gérant la communication de deux séries de documents : une assignation reçue par la société aux fins d'immatriculation et deux rapports d'expertise établis au cours d'une information pénale120. N'ayant pas obtenu satisfaction, il assigne la société et son gérant, en référé, procédure admise en matière d'information.

Le président du tribunal condamne la société, sous astreinte, à donner connaissance au demandeur de l'assignation dont la communication est réclamée. Par ailleurs, se retranchant derrière les principes généraux de la procédure pénale, il rejette la demande formée aux fins de prise de connaissance des rapports de l'expertise liés à l'instance pénale. Ce rejet des rapports de l'expertise se justifie par le fait qu'il n'y a pas eu d'inculpation. Cette décision, bien qu'elle soit applicable en matière civile, est également transposable en matière commerciale, notamment dans les sociétés anonymes.

Les juges de l'OHADA se sont aussi clairement fixés en ce sens. Dans une ordonnance rendue le 06 février 2001, le Tribunal
de première instance de Yaoundé a souligné qu'en cas de refus de communiquer à l'actionnaire les documents requis, celui-ci

117 Philippe MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, 12eme éd, Précis Dalloz, Paris, 2008, n°476, p. 571.

118 Maurice COZIAN et alii, ibid., n° 633, p. 290.

119 Le mot astreinte vient du verbe astreindre qui dérive du latin astringere qui signifie serrer. L'astreinte est une condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle, généralement fixée a tant par jour de retard, qui s'ajoute a la condamnation principale pour le cas oil celle-ci ne serait pas exécutée dans le délai prescrit par le juge et tend a obtenir du débiteur, par la menace d'une augmentation progressive de sa dette d'argent, l'exécution en nature d'une obligation supposant son fait personnel (peut être provisoire ou définitif). Il s'agit d'une contrainte financière.

120 Michel JEANTIN, note sous TGI de Nanterre, 15 mars 1983, D.S 1983, p. 514.

peut saisir le juge des référés qui peut ordonner à la société, le cas échéant, sous astreinte, la communication de ces documents121.

L'astreinte favorise l'accès à l'information au profit des actionnaires. Une fois l'information obtenue, elle devient un moyen renforcé de contrôle des affaires sociales aux mains des actionnaires. Ainsi, elle assure la protection des actionnaires minoritaires. Encore faut-il que l'on soit en présence d'un actionnaire diligent.

L'astreinte est une injonction de faire. Au cas où elle aboutit, son paiement ne se fait pas aux frais de la princesse. Les dirigeants supportent les charges de celle-ci et les frais de procédure. Elle est toujours dirigée contre les dirigeants pris en leur nom personnel et non contre la société qu'ils représentent122. Elle est aussi considérée comme un succédané de la sanction pénale et très prisée par le législateur. Mais, à côté de l'astreinte se trouve un autre mécanisme de contrôle à savoir l'expertise de gestion.

B- L'expertise de gestion : un moyen accru de contrôle

La réforme de l'OHADA renforce justement les droits des actionnaires. Cette réforme, qui vise à compléter l'information de ces derniers, se traduit par la possibilité qui leur est désormais accordée de demander l'expertise de gestion. C'est ce qui ressort de l'article 159 de l'AUSCGIE qui dispose qu'« un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ».

Autrefois appelée expertise de minorité, l'expertise de gestion, comme le souligne le professeur H-D MODI KOKO BEBEY, est l'une des innovations les plus marquantes de la réforme du droit des sociétés commerciales en Afrique123. Elle désigne « une action par laquelle la minorité révèle son aptitude à intervenir en qualité d'organe social subsidiaire de contrôle »124.

La consécration de l'expertise de gestion par le droit OHADA s'inscrit dans le mouvement d'harmonisation du droit des affaires en Afrique dont l'objectif est de garantir la sécurité juridique des activités dans le but d'encourager les investisseurs. C'est pourquoi il est de nos jours très difficile d'appliquer un texte qui ne garantit aucune information minimale aux actionnaires minoritaires, c'est-à-dire « des actionnaires qui ne font pas partie du groupe dirigeant »125. M. TIGER fera d'ailleurs observer que l'un des objectifs prioritaires de cette nouvelle législation est l'amélioration de l'information et la sécurité des acteurs sociaux126. Selon le professeur Y. GUYON, c'est une procédure dont « le but n'est pas de donner au demandeur une information générale » mais « qui tend seulement à faire toute la lumière sur une ou plusieurs opérations déterminées, à propos desquelles -mais à propos desquelles seulement-, le demandeur aura des renseignements aussi complets et aussi précis que possible »127.

Cette procédure sort du contexte traditionnel de l'information et s'intègre dans une procédure judiciaire. Il s'agit là, sans aucun scepticisme, d'un moyen de faire respecter les droits des actionnaires minoritaires par une action judiciaire128. Par surcroît, l'expertise de gestion permet à l'actionnaire qui souhaite être renseigné sur la gestion de la société d'obtenir le maximum d'informations sur des faits que les dirigeants ont tendance à dissimuler en s'abritant derrière le secret des affaires.

121 TPI de Yaoundé, Ord. Réf. n° 494/0, 06 février 2001, NDJEUDUI Thaddée contre Continental Business Machines S.A in AUSCGIE, p. 452.

122 Cass. com. 1er juillet 2008, D 2008, A J, Tome 2, p. 1994.

123 Henri-Désiré MODI KOKO BEBEY, « La réforme du droit des sociétés commerciales en Afrique », Rev. soc avril-juin 2002, p. 255.

124 D. Schmidt, Les droits de la minorité dans la société anonyme, SIREY 1970, n°283 cité par Dominique VIDAL, Manuel droit des sociétés, 5eme éd., LGDJ, Paris, 2006, n° 749, p. 376.

125 D. Schmidt, Les droits de la minorité dans la société par actions, These en droit, Strasbourg ,1970 cité par Raphael CONTIN et Henri HOVASSE, « L'expert de minorité dans les sociétés par actions », D.S 1971, p. 75.

126 M.P. TIGER, Le droit des affaires en Afrique, Que sais-je ? PUF, cité par Bérenger Yves MEUKE, « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : réflexion sur l'expertise de gestion », http : // www.juriscope.org/ actu_juridiques/ doctrine/ OHADA/ Ohada_20.pdf.pp.1-13

127 Yves GUYON, « Expertise de gestion », Jurisclasseur des Sociétés 1985, fasc. 134-D, pp 1-13.

128 Alain FENEON, « Les droits des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales de l'espace OHADA », Revue Penant, 2002 cité par Bérenger Yves MEUKE.B, ibid., p. 3.

Cette institution traduit évidemment une « mutation fondamentale de la fonction de l'information économique dans l'entreprise »129. Elle limite les conséquences d'une gestion désastreuse et permet de lutter contre les dirigeants qui se montrent rétifs à la transparence, pour des raisons d'inégale valeur130. Elle peut en effet permettre la découverte de faits nouveaux et l'utilisation des mesures appropriées. Elle est donc une mesure d'information et donc de transparence131. Contrairement au droit français132, le législateur de l'OHADA prévoit qu'un actionnaire ou un groupe d'actionnaires n'a pas à préciser qu'il a épuisé toutes les voies d'information pour déclencher l'expertise de gestion133. Son souci est de privilégier le contrôle de la gestion sociale qui s'effectue par le biais de cette institution majeure du droit africain.

De cette disposition découle une volonté affirmée du législateur de renforcer l'information des actionnaires car la détention de la fraction du capital exigée pour la demande de cette importante institution a été considérablement réduite. De plus, il est permis aux actionnaires minoritaires de se réunir afin de mettre en oeuvre ce mécanisme de contrôle surtout à un moment où la société traverse une crise. Ainsi l'expertise de gestion constitue un des nombreux volets de la protection des minoritaires134. Elle élargit le périmètre d'information des actionnaires minoritaires et rééquilibre les forces au sein de l'entreprise. Elle permet ensuite aux minoritaires de se renseigner sur la nature, la portée et les conséquences de questions susceptibles de leur porter préjudice et, par conséquent, d'exercer effectivement le contrôle des affaires sociales. Tel est le cas de conventions réglementées qui peuvent faire l'objet de l'expertise135.

Ce mécanisme d'information et de contrôle permet de bien veiller sur la gestion sociale. La doctrine souhaite que les actionnaires fassent recours à la lettre recommandée avec accusé de réception afin de laisser une trace écrite de la question posée136. Cette procédure facilite l'information des actionnaires. Mais, il convient de souligner que l'expertise de gestion n'est pas un moyen pour faire procéder à un audit, car l'expert de gestion n'est pas un commissaire aux comptes. D'ailleurs, à la lecture de l'AUSCGIE, il semble que c'est le dernier mécanisme d'information et de contrôle aux mains de ces derniers137.

Toutefois, les actionnaires peuvent éviter les pièges de l'article 160 de l'AUSCGIE et recourir au droit commun de la procédure civile, c'est-à-dire, à l'expertise de l'article 145 du nouveau code de procédure civile (NCPC) encore appelée expertise préventive ou référé probatoire138. Cette expertise peut être obtenue du président du tribunal avant tout procès. Bien plus, les actionnaires ne remplissant pas les conditions de l'expertise de gestion ou même ceux qui la remplissent peuvent y trouver un moyen de contrôle efficace139. Cependant, d'autres moyens légaux de contrôle permettent de renforcer davantage le contrôle interne individuel.

SECTION II: LE RENFORCEMENT DU CONTROLE INTERNE INDIVIDUEL PAR DES MOYENS DE
DIVERSES NATURES

Le renforcement du contrôle interne individuel est rendu possible grâce aux moyens d'ordre financier et comptable
(Paragraphe I) qui permettent de donner une image fidèle de la santé financière de la société. Il s'agit d'une obligation

129 Michel JEANTIN, « La loi du 1er mars 1984... », Dr. Soc, nov. 1984, p. 604 cité par MBAIHASRA Eric, L'expertise de gestion dans l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intéret économique, Mémoire de DEA-Droit Privé Fondamental, Université de Lomé, FDD, 2007, p. 47.

130 Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, n° 877.

131 Yves REIHNARD, RTDcom janv-mars 1988, n° 6.

132 Mais contrairement a la procédure de l'AUSCGIE, la loi subordonne l'expertise de gestion dans la SA a une demande amiable d'information présentée au président du conseil d'administration ou du directoire.

133 Tribunal régional de Niamey, ordonnance de référé n° 245 du 22 oct. 2002, Abbas Hammoud C/ Jacques Claude Lacour et Dame Evelyne Dorothée Flambard, www.ohada.com (ohadata J-04-489) ; http:// www.juriscope.org / actu_juridiques/doctrine/OHADA_24.pdf

134 François ANOUKAHA et alii, Sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 161.

135 CA Paris, 20 mai. 1998 : Dr. sociétés 1998, n°127, obs. D. VIDAL cité par Paul LE CANNU, ibid., p. 531.

136 Alain VIANDIER, « Sociétés et loi NR E - Les réformes de la loi « nouvelles régulations économiques », éd. F. Lefebvre 2001, cité par Jean-Philippe DOM, « La protection des minoritaires », Rev. soc juil.-sept. 2001, p. 550.

137 Sur l'exhaustivité de la question, voir MBAIHASRA Eric, L'expertise de gestion dans l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intéret économique, Mémoire de DEA-Droit Privé Fondamental, Université de Lomé, FDD, 2007.

138 Trib. com. Paris, 2 mai 2002 : JCP E 2002, pan, p. 1220 cité par M. COZIAN et alii, Droit des sociétés, 17eme éd., LITEC, Paris, 2004, p. 300.

139 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome 1, Droit Commercial Général et Sociétés, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, p. 490.

comptable applicable à tous les commerçants, personnes physiques ou morales, qui postule l'élaboration de divers documents mis à la disposition des actionnaires. En outre, ce renforcement se traduit par un développement croissant d'une bonne politique d'information des actionnaires (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le recours aux moyens à caractère comptable et financier

Le contrôle des résultats des dirigeants sociaux ne peut être renforcé que si l'associé dispose d'informations précises et claires à caractère financier et comptable sur la situation de la société. Parmi les documents qui composent les comptes annuels et permettent de contrôler les affaires sociales figurent un document central qu'est l'annexe des comptes (A) et une clef de voûte du contrôle à savoir le rapport de gestion (B).

A- L'annexe des comptes : un document central

Chaque année, la société établit les comptes annuels à la clôture de chaque exercice. Ces comptes annuels ou comptes sociaux donnent une image instantanée du patrimoine social et du résultat constaté, au cours de l'exercice écoulé, de l'activité de l'entreprise sociale (ou de l'exécution du contrat de société). Ces comptes comprennent le bilan140, le compte de résultat141 et une annexe. Ils forment un ensemble indissociable. Cette dernière, c'est-à-dire, l'annexe permet aux actionnaires de mieux s'informer sur la santé financière de l'entreprise.

L'annexe est définie comme un « document composé d'une suite de tableaux dont l'objectif est d'expliquer le contenu du bilan et du compte de résultat »142.

En quoi l'annexe constitue-t-elle un document central d'information et de contrôle de l'activité sociale ?

L'annexe des comptes apporte au bilan et au compte de résultat les compléments et commentaires par lesquels les comptes sociaux sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise.

Elle a pour but d'éclairer la lecture du bilan et du compte de résultat par des explications, des ventilations et des compléments appropriés143. Ainsi, l'annexe est un document important mis à la disposition des actionnaires car il leur permet d'avoir d'amples informations sur la santé financière de la société. Lorsqu'elle est établie selon les règles comptables, elle répond au souci d'éliminer « les pots de vin »144. EIle doit aussi permettre aux actionnaires d'avoir une influence significative sur le jugement. Mme M. TELLER a souligné à cet effet que « dans l'élaboration d'une image fidèle des états financiers, l'annexe devient alors un auxiliaire indispensable »145. Les bilans et comptes de résultat ne peuvent remplir leur rôle que s'ils sont accompagnés des notes annexes pertinentes, précisant et expliquant les choix faits par les dirigeants.

Une décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation française le 17 octobre 2007146 permet de montrer l'importance de l'annexe des comptes. In casus, le président d'une société d'assurance mutuelle a été déclaré coupable de délit de présentation des comptes annuels infidèles pour avoir soumis à l'approbation des associés, le 22 juin 1992, les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 1991 qui faisaient apparaître un résultat bénéficiaire de 240 millions de francs, faute de constitution de provisions pour dépréciation des titres d'une filiale. En effet, un rapport d'audit, qui constatait des pertes considérables de la filiale et la nécessité de constituer des provisions avait été présenté le 10 juin 1992, date de la réunion préalable des comptes. Les risques justifiant les provisions étant avérés, il appartenait au président d'obtenir le report de l'assemblée si le traitement des comptes nécessitait un délai. En outre, les évènements significatifs susceptibles d'être intervenus entre la date d'arrêt des comptes et celle de cette assemblée devaient être mentionnés dans l'annexe au bilan. Or,

140 V.art. 29 et 30 de l'Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises (AUCE).

141 V.art. 31de l'AUDC.

142 Béatrice et Francis GRAND GUILLOT, Mémento LMD, Comptabilité générale, 7eme éd., Gualino éditeur, Paris 2007, p. 19.

143 Jacques MESTRE et Christine SEBASTIEN-BLANCHARD, op.cit, n° 2028, p. 897.

144 André TUNC, ibid., n° 109, p. 160.

145 Marina TELLER, « L'information des sociétés cotées et non cotées : une évolution certaine, de nouveaux risques probables », RTDcom 2007, p. 20.

146 Jean Louis NAVARO, note sous Cass. crim. 17 octobre 2007, Semaine Juridique, Entreprise et Affaires, A.J, Tome 2, n° 2265, p. 38.

de manière délibérée, aucune des dispositions préconisées n'avait été prise, le dirigeant ayant refusé la présentation d'un bilan déficitaire et exigé que les pertes soient reparties sur plusieurs exercices, au besoin par des manipulations comptables. Le président, ayant présenté aux actionnaires des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle, pour chaque exercice, de résultats des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine en vue de dissimuler la véritable situation de la société, avait été condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 200.000 euros d'amende.

L'originalité de cette décision témoigne de l'importance des informations contenues dans l'annexe des comptes et du souci du législateur de privilégier la description et la communication de ces informations. Le présent arrêt s'inscrit dans la logique suivante : le dirigeant doit informer les actionnaires par une mention dans l'annexe des évènements significatifs intervenus depuis la clôture de l'exercice jusqu'à la date de l'assemblée. Les informations recueillies par l'actionnaire dans ce document lui permettront de bien contrôler la gestion et les comptes sociaux. Le rapport de gestion joue également ce rôle.

B- Le rapport de gestion : une clef de voûte du contrôle

Les dirigeants ont l'obligation de présenter des documents à caractère comptable ou financier sur l'ensemble de la gestion de la société. Parmi ces documents figure le rapport de gestion. La présentation du rapport de gestion fait du droit des sociétés un droit paperassier147.

Mais quel est l'objet de ce rapport ?

Le rapport de gestion est un document écrit établi par les dirigeants d'une personne morale. Il doit contenir des informations claires et précises permettant à l'actionnaire de mieux contrôler la gestion de la société. Comme l'a si bien observé le professeur A. TUNC, « une information complète suppose donc, comme on l'a si bien compris aux Etats-Unis, qu'un certain nombre de documents soient adressés aux actionnaires »148.

La présentation du rapport de gestion par les dirigeants est de droit149. Les dirigeants doivent le présenter dans les formes et les délais prescrits. Ils doivent le communiquer à qui de droit et, le cas échéant, le lire à l'assemblée générale ordinaire. C'est à compter de la convocation de l'assemblée générale annuelle que les actionnaires peuvent demander que le rapport leur soit adressé.

Le rapport de gestion contient des informations très variées150. L'exigence d'une certaine sincérité et régularité dans son établissement s'impose aux dirigeants. A partir de ce document, les actionnaires doivent être en mesure d'appréhender la réalité économique et financière de l'entreprise. C'est ce qui ressort de l'article 141 de l'AUSCGIE qui dispose que « toute modification dans la présentation des états financiers de synthèse ou dans les méthodes d'évaluation, d'amortissement ou de provisions conformes au droit comptable doit être signalée dans le rapport de gestion et, le cas échéant, dans celui du commissaire aux comptes ».

En droit français, le rapport de gestion contient des informations multiples et variées. Plusieurs lois151 ont précisé son contenu. La présentation de ce rapport doit être documentée sur l'activité, la performance et la situation financière de l'entreprise : les dirigeants doivent permettre une connaissance intrinsèque de l'entité qu'ils gèrent. Il contient en outre des informations relatives à la rémunération des dirigeants, les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces

147 Maurice COZIAN, Alain VIANDIER, Florence DEBOISSY, op.cit, n° 258, p. 556.

148 André TUNC, Le droit anglais des sociétés anonymes, 2eme éd., Dalloz, Paris, 1978, n° 116, p. 176.

149 V. art 71 al 1 de l'Acte uniforme du 24 mars 2000 portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises (AUCE) et 138 de l'AUSCGIE.

150 Selon l'article 71 de l'AUCE, le rapport de gestion « expose la situation de la société durant l'exercice écoulé, indiquer les perspectives de développement ou son évolution prévisible, et, en particulier, les perspectives de continuation de l'activité, l'évolution de la situation de trésorerie et le plan de financement. Les évènements importants, survenus entre la date de cloture de l'exercice et la date a laquelle il est établi, doivent également etre mentionnés. Tous ces documents ainsi que la liste des conventions réglementées sont transmis aux commissaires aux comptes, quarante-cinq jours, au moins, avant la date de l'assemblée générale ».

151 Il s'agit de la loi NRE du 15 mai 2001 créant un nouvel article L. 225-102-1 du Code de commerce modifiée par la loi de sécurité financière du 1er aofit 2003 et plus récemment encore par l'ordonnance du 24 juin 2004 portant régime des valeurs mobilières, puis la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie qui accentuent davantage son contenu.

rémunérations et avantages, ou les engagements de toutes natures pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux et les indemnités de toute nature destinées aux dirigeants152. A cet égard, le rapport de gestion est un vecteur privilégié de l'information entre actionnaires et dirigeants. C'est en outre la pierre angulaire de l'information mise à la disposition des actionnaires153. Ce document permet à l'actionnaire de bien contrôler la santé financière de la société.

Cette logique du législateur français est louable et salutaire. Elle pourrait limiter la pratique des montants élevés constatés dans l'actualité récente et qui avaient suscité une vive émotion dans le public154. Bien plus, en accentuant la transparence de l'octroi de diverses rémunérations, au moins les actionnaires pourront-ils, le cas échéant, réagir en conséquence s'ils l'estiment utile155. Il est souhaitable que, lors des prochaines réformes, le législateur de l'OHADA épouse cette logique car elle permet de garantir le contrôle des affaires sociales. Elle vise en outre à attirer les investisseurs dans l'espace OHADA, un des objectifs majeurs que s'est fixé le législateur.

Le recours aux divers moyens d'ordre comptable ou financier renforce de façon notable le contrôle exercé sur la gestion sociale. Mais, un développement très net de l'information en qualité, en quantité et surtout dans un délai raccourci s'avère essentiel pour les actionnaires.

Paragraphe II : Le développement de l'information des actionnaires, un moyen traditionnel de contrôle

Le développement de l'information se traduit par une nette amélioration de la politique interne d'information des actionnaires (A) et par un recours aux moyens techniques (B) suite à l'essor fulgurant de la science ces dernières décennies.

A- L'amélioration significative de la politique interne d'information des actionnaires

L'amélioration de l'information des actionnaires a toujours préoccupé le législateur car elle permet à ces derniers de juger l'état ou l'évolution des affaires sociales puisqu'ils sont les « maîtres de la société »156.

Mais, en quoi consiste l'amélioration d'une politique d'information des actionnaires ?

En effet, l'information est de droit pour les actionnaires. «Ce droit à la curiosité, selon le professeur M. COZIAN, est crucial pour les nouveaux actionnaires, anxieux de mieux connaître le navire sur lequel ils ont embarqué, ainsi que son équipage »157. Pour cela, cette information doit être claire et exacte, car elle leur permet d'apprécier les performances, les chances de la société et de connaître sa situation exacte. C'est ce que confirment les célèbres déclarations du juge américain Brandeis qui a déclaré que « le soleil est le meilleur désinfectant, l'éclairage électrique, le sergent de ville le plus efficace »158.

Le professeur Y. GUYON estime que la société doit pratiquer « la politique de la maison de verre »159. Abordant dans le même sens, Mme M. TELLER déclare que « les obligations d'information à la charge des sociétés ont profondément évolué : la société -boîte noire- devient une -boîte de verre-, soumise aux contraintes des marchés qui postulent plus d'informations, à la fois en quantité et en nature, et dans un délai raccourci »160. Cette politique postule l'existence d'une transparence dans la gestion des affaires sociales. Par conséquent, elle vise à renforcer le contrôle des activités sociales.

Pour atteindre cet objectif, l'information -qui est essentiellement d'ordre comptable- doit présenter un certain nombre de
caractères161. D'abord, l'information doit être rapide, car le contrôle exercé par les actionnaires lors de l'approbation des

152 V. en ce sens art. L. 225-102-1 C.com. http: // www.droitzoom.fr

153 Thierry GRANIER, « Le rapport de gestion après l'ordonnance n° 2004-1382 du 20 décembre 2004 », Rev. soc n° 2, 2005, p. 315.

154 Il s'agit de l'affaire Enron pour ne citer que la plus médiatisée.

155 Bernard SAINTOURENS, « Les réformes du droit des sociétés par les lois du 26 juillet pour la confiance et la modernisation de l'économie et du 2 aolat 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises », Rev. soc 2005, n°5, p. 556.

156 Yves GUYON, op.cit,

157 Maurice COZIAN et alii, Droit des sociétés, 17eme éd., LITEC, Paris, 2004, n° 633, p. 290.

158 Brandeis, Other People's Money and How the Banker Use It, 1914 cité par André TUNC, Le Droit américain des sociétés anonymes, Economica, Coll. Etudes Juridiques Comparatives, Paris, 1985, p. 8.

159 Yves GUYON, ibid., n° 294, p. 298. Cet auteur exige une certaine transparence en ce qui concerne la gestion sociale.

160 Marina TELLER, op.cit, p. 17.

161 Yves GUYON, ibid., n° 412, p. 441.

comptes perd son utilité à mesure que le temps passe. Puis, l'information doit être complète. En effet, les dirigeants ont souvent tendance à passer sous silence la réalité de l'entreprise. Même s'ils ne doivent pas révéler toutes les informations relatives à la vie sociale, ils ne doivent omettre l'information livrée aux actionnaires car cela est toujours l'équivalent d'une fausse nouvelle, donc d'une sanction. Ensuite, l'information doit être sincère, c'est-à-dire, refléter autant que possible la vérité. Autrement dit, l'information doit donner une image fidèle de la santé financière ou économique de la société. Enfin, l'information doit être utilisable. Elle doit être adaptée aux actionnaires car ces derniers manquent de compétences juridiques, financières et comptables requises. Cette adaptation suppose, il est clair, d'assurer l'efficacité, donc la lisibilité de l'information162. Ainsi, l'information doit être rédigée dans un style accessible. Cette politique participe de la recherche de l'image fidèle de la situation de la société (true and fair view en anglais), c'est-à-dire, selon M. F. Pasqualini « une vision réelle par une traduction loyale de ce qu'est l'entreprise »163.

De même, dans les sociétés importantes, la désignation d'un responsable chargé d'accueillir les actionnaires s'avère indispensable. Bien plus, s'agissant de l'unicité ou de la dualité du lieu du dépôt des documents, certains auteurs ont estimé que la solution du double serait conforme aux objectifs du législateur d'améliorer l'information des actionnaires164. D'autres proposent que les informations soient adressées au domicile des actionnaires, clairement présentées et bien commentées. Il faut que les actionnaires soient bien négligents pour ne pas les lire165. A cela, il convient de souligner que l'accès à l'information est facilité par des moyens d'ordre technique.

B- Le recours aux moyens techniques

En réalité, nous sommes au vingtième siècle, c'est une banalité de le dire mais il faut ici le répéter. Le vingtième siècle est le théâtre d'un bouleversement technologique dont l'origine remonte à quelques décennies. Ce bouleversement a entraîné un essor remarquable et fulgurant des technologies de l'information et de la communication (TIC)166. Parmi celles-ci figure l'internet167.

Comment ces TIC contribuent-elles au renforcement du contrôle interne individuel ? Ou encore, ces TIC permettent-elles aux actionnaires de bien exercer ce contrôle ?

En effet, à l'heure actuelle, les TIC envahissent considérablement les entreprises. C'est ce que corrobore M. J-C SCIBERRAS lorsqu'il indique que « comme l'ensemble des sociétés, développées ou émergentes, les entreprises sont profondément et rapidement transformées par la pénétration des technologies de l'information et de la communication »168. Ces TIC constituent un facteur de progrès considérable, tant en termes de délais que de coûts. Elles permettent à la société de stocker et de communiquer les informations de manière instantanée ou presque, par envoi à distance. Elles évitent le

162 Colloque du centre de recherche sur le droit des affaires de la chambre de commerce et d'industrie de Paris organise le 1er mars 1994, JCP ed E, n° 39, p. 424.

163 F. PASQUALINI, Principe de l'image fidele en droit comptable, LITEC, Paris,1992, n° 31, p. 27 cite par Jean Louis NAVARO, « Le droit comptable », Semaine Juridique, Entreprise et affaires, A J, Tome 2, 2008, n° 2265, p. 38.

164 R. HOUIN et GORE, D.1967, chr, p. 157. Il convient aussi de signaler que cette solution s'inscrit egalement dans la droite logique de la corporate gouvernance (gouvernement d'entreprise) qui vise a assurer une meilleure information de l'actionnaire, donc une meilleure protection et un meilleur controle de l'activite sociale.

165 Andre TUNC cite par Richard Cesaire KPEOU-KONGOLI, La protection des actionnaires en cas d'augmentation du capital, Memoire de DESS Droit des Affaires, Universite de Lome, FDD, 2001, p. 42.

166 Les TIC peuvent s'entendre, pour reprendre une definition donnee par le conseil des communautes europeennes, de « l'ensemble des systemes, equipements, composants et logiciels qui sont necessaires pour assurer la recherche, le traitement et le stockage de l'information dans tous les domaines de l'activite humaine et dont la mise en oeuvre fait generalement appel a l'electronique et aux technologies similaires » (Decision du 22 dec. 1986 relative a la normalisation dans le domaine des technologies de l'information et des telecommunications JO des Communautes Europeennes) cite par Ndiaw DIOUF, « Infractions en relation avec les nouvelles technologies de l'information et procedure penale : l'inadaptation des reponses nationales face a un phenomene de dimension internationale », RSDA, n°2-3-4, 2003-2004, p. 50.

167 L'internet a ete defini comme « le reseau mondial...auquel plusieurs centaines de millions d'usagers sont aujourd'hui connectes et qui permet de communiquer d'une machine a une autre a travers le monde par des cibles intercontinentaux et des liaisons par satellite au debit considerable », E. Tois, Internet et libertes, quelques reperes, rapport de la Cass.com 2001, http:// www.courdecassation.fr /_rapport/ rapport01 / etudes&dr / Tois.htm

168 Jean-Christophe SCIBERRAS, « L'irrigation de l'entreprise par les nouvelles technologies de l'information et de la communication : le point de vue d'un praticien », Droit. social, 2002, p. 93.

déplacement des actionnaires au siège social pour la consultation des documents sociaux qui constituent quelquefois une paperasse difficile à manipuler car, il suffit d'un clic pour les obtenir. A juste titre, le professeur N. DIOUF écrit que « dans les sociétés modernes, nul ne songe à contester l'intérêt que représentent, pour les individus, les entreprises et les institutions, les technologies de l'information et de la communication. On ne peut que se réjouir des possibilités qu'offrent les moyens électroniques pour la collecte, le stockage, la conservation et la transmission des informations »169. Il s'agit de véritables « autoroutes de l'information »170.

Pour atteindre ces objectifs, les dirigeants doivent penser à multiplier les moyens d'information et d'amélioration de cette information. L'utilisation des TIC permettra indéniablement de moderniser et d'améliorer l'information afin d'avoir une vue sur les affaires sociales. A cet effet, la société doit aménager un site ouvert au public (publication d'informations concernant la société sur internet) et un site fermé (l'établissement des relations spécifiques entre les actionnaires et la société sur intranet). L'internet facilite la diffusion des informations aux actionnaires.

L'avènement de l'internet constitue ainsi un soulagement voire une réponse aux préoccupations des sociétés, notamment des actionnaires. Il permet aux actionnaires d'envoyer leurs projets de résolution et de poser des questions écrites aux dirigeants sociaux. Grâce à l'information qu'ils reçoivent par un simple clic en restant chez eux, ils peuvent contrôler les activités sociales. Ils deviennent ainsi plus conscients de leur pouvoir de contrôle au sein de la société lorsqu`ils sont mieux informés. En outre, le recours à ces TIC permet aux actionnaires d'éviter les frais de déplacement parfois coûteux.

Outre les difficultés qui affectent le contrôle interne individuel et l'éventail des moyens qui viennent le renforcer, les actionnaires peuvent aussi exercer en collectivité un contrôle de la gestion des affaires sociales. Il s'agit du contrôle interne collectif.

DEUXIEME PARTIE : LE CONTROLE INTERNE COLLECTIF

Dans les sociétés anonymes, l'assemblée générale171 d'actionnaires172 est toujours considérée comme l'organe suprême173 ou le peuple souverain174. Elle est titulaire de tous les pouvoirs et ne les délègue que pour des raisons d'efficacité. Elle est en outre en charge de l'ultime contrôle de la société. En pratique, ce contrôle s'exerce par le droit de participation et de vote175 aux assemblées. C'est un droit par lequel les actionnaires participent directement à la vie sociétaire. Ce droit est d'ordre public176.

Mais, la réalité est toute différente. En effet, la plupart d'actionnaires ne viennent pas aux assemblées. Ils s'absentent presque
souvent et préfèrent remettre des mandats en blanc aux dirigeants. Ils ne s'impliquent pas davantage dans la gestion de la

169 Ndiaw DIOUF, article précité, p. 83.

170 Ndiaw DIOUF, ibid., p. 60.

171 L'assemblée générale désigne la réunion périodique de tous les membres d'une association ou d'une société (civile ou commerciale) pour approuver la gestion et prendre les décisions les plus importantes. Il désigne, en outre, un conclave qui n'est pas ouvert au public. M. COZIAN et alii, ibid., p. 293. Toutefois, l'auteur souligne qu'en dehors des actionnaires, sont présents aux assemblées les commissaires aux comptes, les journalistes financiers dans les sociétés cotées ; ou en cas de crise, l'actionnaire peut se faire accompagner par un huissier.

172 Par actionnaires, on entend les titulaires d'actions au jour de la réunion, le représentant de l'indivision, l'usufruitier en cas d'assemblée ordinaire et le nu-propriétaire en cas d'assemblée générale extraordinaire, sauf stipulation contraire. Maurice COZIAN, Alain VIANDIER et Florence DEBOISSY, Droit des sociétés, 17eme éd., LITEC, Paris, 2004, n° 649.

173 Cf. art. 242 et s. de l'AUSCGIE.

174 Francine MANSUY, « Assemblées d'actionnaires », Jurisclasseur des sociétés, 1990, n° 136, p. 4.

175 Le terme vote vient du latin votum qui signifie vceu. Il désigne un acte par lequel un actionnaire participe, en se prononcant dans un sens déterminé, au choix de ses représentants ou a la prise d'une décision.

176 Cass. civ. 7 avril 1932, D. H 1933, I, 153 cité par Jacques MESTRE et Christine SEBASTIEN-BLANCHARD, Lamy Sociétés Commerciales, éd. Lamy SA, Paris, 2001, n° 720.

société comme le voudrait l'affectio societatis177. En outre, la faible fréquence de leur réunion et l'exercice de leur contrôle dans les sociétés familiales rendent ce contrôle insuffisant (Chapitre Premier).

En dépit de cette insuffisance, il convient de signaler que grâce à certains moyens légaux prévus expressément par le législateur comme la représentation et la nullité et d'autres reconnus de façon implicite comme les conventions, le contrôle interne collectif connaît une réelle évolution. Bien plus, la présence de certains organes aux assemblées et le recours à divers autres moyens permettent aux actionnaires de rechercher l'efficacité du contrôle interne collectif (Chapitre Deuxième).

CHAPITRE PREMIER: LE CONTROLE INTERNE COLLECTIF : UN CONTROLE CLASSIQUE INSUFFISANT

En principe, l'assemblée d'actionnaires est l'organe cardinal du contrôle des affaires sociales. Mais, cette présentation idyllique est presque démentie par les faits, quelle que soit la dimension de la société178. En effet, la majorité des actionnaires ne se rend pas aux assemblées. Très souvent, ils s'absentent massivement lors des réunions au cours desquelles des grandes décisions déterminant la vie sociale sont prises. Cet absentéisme est la principale raison de l'insuffisance du contrôle interne collectif. Il peut engendrer de graves conséquences à savoir son effacement en tant qu'organe de contrôle et la confiscation de ses pouvoirs par la direction (Section I).

A ces raisons réduisant considérablement son rôle figurent d'autres causes, notamment la faible fréquence de la tenue des réunions, le simulacre de contrôle dans les sociétés familiales, le désintérêt à l'égard de la vie sociale et la passivité des actionnaires. Tous ces obstacles rendent davantage ce contrôle insuffisant (Section II).

SECTION I : L'ABSENTEISME DES ACTIONNAIRES, LA PRINCIPALE SOURCE D'INSUFFISANCE DU
CONTROLE INTERNE COLLECTIF

L'absentéisme, en droit des sociétés, est le fait pour un actionnaire de ne pas participer à la vie sociale lors de la prise des grandes décisions en assemblée. Il est la principale raison de l'insuffisance du contrôle interne collectif car il fait de l'assemblée d'actionnaires un organe faible (Paragraphe I). Au surplus, cet absentéisme peut engendrer des conséquences fâcheuses telles que la confiscation du pouvoir de l'assemblée par le conseil d'administration et entraîner son effacement en tant qu'organe suprême (paragraphe II).

Paragraphe I : Les raisons de l'absentéisme des actionnaires

L'absentéisme des actionnaires fait de l'assemblée un organe faible. Il s'agit d'un des phénomènes qui détourne les actionnaires de l'exercice effectif de leurs attributions179 à savoir le contrôle de l'activité sociale. Cette situation trouve sa source dans diverses raisons dont les unes sont d'origine purement matérielle (A), les autres d'origine essentiellement psychologique (B).

A- Les raisons d'origine matérielle

Plusieurs difficultés empêchent les actionnaires de mieux contrôler l'activité sociale. La première cause matérielle tient à la difficulté d'avertir les actionnaires de la tenue des assemblées. Les titulaires de titres nominatifs sont connus et seront, par conséquent, avisés par lettre. Malheureusement, la très grande majorité des titres sont au porteur, obligeant ainsi les sociétés soit à s'adresser aux banques pour obtenir le nom et l'adresse de leurs clients qui ont déposé des actions chez elles afin de

177 L'affectio societatis désigne l'intention qui doit animer les actionnaires, de collaborer sur un pied d'égalité. Cette notion implique non seulement un esprit de collaboration mais aussi le droit, pour chaque actionnaire, d'exercer un controle sur les actes des personnes chargées d'administrer la société.

178 Camille JAUFFRET-SPINOSI, « Les assemblées générales d'actionnaires dans les sociétés anonymes, réalité ou fiction ? (Etudes comparatives) » Etudes offertes a René RODIERE, Dalloz 1981, p. 125 cité par Philippe MERLE, Droit Commercial, Sociétés commerciales, 12eme éd., Précis Dalloz , Paris 2008, n° 456, p. 549.

179 Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, n° 591.

leur envoyer une convocation, soit à des insertions dans un journal d'annonces légales ou même dans la presse d'information, deux moyens qui donnent de piètres résultats180.

Au surplus, les actionnaires vivent rarement du seul revenu de leurs titres et ont, en conséquence, une activité professionnelle qui ne leur laisse généralement pas le temps suffisant pour assister aux assemblées, d'autant plus que ces réunions se tiennent d'habitude à des endroits éloignés, ce qui accroît les frais de déplacement. « De surcroît, l'accès à une assemblée est subordonné à la présentation d'une carte d'entrée. Son obtention, aisée pour les propriétaires de titres nominatifs qui n'ont qu'à faire la demande auprès de la société, ne l'est pas pour les titulaires de titres au porteur qui sont assujettis à une procédure plus lourde : ils doivent, en effet, joindre à leur demande une attestation émanant d'un organisme bancaire certifiant qu'ils ont bien des titres en dépôt, attestation qui entraîne la perception d'une redevance proportionnelle au nombre d'actions »181.

Il convient, enfin, de souligner que les assemblées ont lieu habituellement aux mois de mai-juin, parfois le même jour et à la même heure, ce qui oblige la plupart des actionnaires à un choix et contribue à augmenter l'absentéisme182. En outre, dans les sociétés qui réunissent de nombreux actionnaires, notamment les sociétés cotées, les assemblées apparaissent comme des organes lourds, difficiles à manier183. Mais ces raisons d'ordre matériel n'expliquent pas à elles seules l'absentéisme des actionnaires, d'autres raisons de nature psychologique peuvent s'y greffer.

B- Les raisons d'origine psychologique

Plusieurs raisons d'ordre psychologique augmentent davantage l'absentéisme des actionnaires aux assemblées et réduisent considérablement l'efficacité du contrôle interne collectif. En effet, l'un des éléments du contrat de société est la volonté d'entreprendre en commun. Or, les grandes sociétés sont composées de personnes qui ne se sentent guère concernées par l'objet social. Il s'agit principalement des épargnants qui ont vu dans l'achat de quelques actions un moyen de placer leurs économies et de bénéficier ainsi de ressources supplémentaires et, des financiers qui ont seulement l'intention de spéculer sur les différences de cours et ne sont donc actionnaires que pour un temps limité, le plus bref possible184.

D'ailleurs, les actionnaires ne détiennent, très souvent, qu'un faible nombre de voix et sentent bien que leur vote dans un sens ou dans l'autre n'aura pas de grande influence sur la décision finalement prise. C'est ce qu'a pu observer le professeur Y. GUYON lorsqu'il affirme que « les actionnaires ne se sentent guère impliqués par la marche de la société, car ils ne disposent individuellement que d'un nombre de voix insuffisant pour influencer le vote »185. Certes, ils pourraient se réunir pour former un groupe puissant dans l'optique de faire entendre leur voix, malheureusement il convient de remarquer que ces derniers ne se connaissent pas. Ils ont ainsi un sentiment de faiblesse ou sont conscients de leur incapacité. Ce qui explique leur faible présence aux assemblées et conduit la doctrine à les traiter de « fantômes »186. Par conséquent, le contrôle qu'ils exercent sur la gestion et les comptes sociaux connaît certaines vicissitudes.

En dépit de toute compréhension que l'on est prêt à témoigner aux actionnaires pour leur absentéisme, il ne faut pas moins constater que leur comportement peut engendrer de graves conséquences.

Paragraphe II : Les conséquences de l'absentéisme des actionnaires

Les conséquences de l'absentéisme des actionnaires aux assemblées sont de deux ordres. Il s'agit d'une part de l'effacement de l'assemblée d'actionnaires en tant qu'organe de contrôle (A) et, d'autre part, de la confiscation de ses pouvoirs par le conseil d'administration (B).

180 Hervé CHASSERY, « Les attributions du conseil de surveillance », RTDcom 1976, p. 451.

181 Ibid.

182 M. VIGREUX, « Les droits de l'actionnaire dans les sociétés anonymes, théorie et réalité », Paris, 1953 cité par Hervé CHASSERY, ibid., p. 451.

183 Paul LE CANNU, ibid., n° 782.

184 Georges RIPERT cité par Hervé CHASSERY, ibid., p. 451.

185 Yves GUYON, Droit des Affaires, Droit Commercial Général et Sociétés, Tome 1, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, n° 289, p. 291.

186 André TUNC, ibid., p. 74.

A - L'effacement de l'assemblée d'actionnaires en tant qu'organe de contrôle

L'effacement de l'assemblée peut entraîner la confiscation de son pouvoir par le conseil d'administration. Cet effacement est l'une des conséquences majeures de l'absentéisme des actionnaires aux réunions et la résultante d'un transfert des pouvoirs de l'assemblée d'actionnaires aux mains des dirigeants. Cette assemblée ne joue plus son rôle traditionnel qui consiste à contrôler la gestion des affaires sociales. La plupart de ses prérogatives lui sont presque retirées. Cet état de fait inverse le modèle du pouvoir étant donné que ce sont les dirigeants qui prennent les décisions touchant la substance de la société. Ces propos sont renchéris par le professeur A. TUNC qui estime que « l'assemblée générale est aujourd'hui, dans la plupart des sociétés, et notamment dans toutes les grandes sociétés, l'organe le plus inefficace »187.

L'effacement de l'assemblée d'actionnaires en tant que véritable organe de contrôle a attiré l'attention de la jurisprudence. Il a été mis en lumière dans un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 9 janvier 1942 dans l'affaire du Bon Marché188.

Les faits se résument de la façon suivante : le conseiller financier, publicitaire et commercial de cette entreprise et le président de son conseil d'administration ont pu, grâce à l'inertie prolongée des autres administrateurs et aux mandats qu'ils recevaient en blanc des actionnaires, jouir d'une entière maîtrise sur la marche et la vie de la société. En deux ans, alors que la société réalisait normalement un bénéfice de 40 millions, ils lui firent subir une perte de 168 millions ; après avoir obtenu 500 millions de l'épargne publique et mobilisé 430 millions de réserves, ils durent déposer son bilan. Sans décrire tous leurs agissements, on peut relever qu'ils achetèrent des meubles fabriqués par le conseiller financier pour un montant de 52 millions et les revendirent avec une perte de 27 millions, à laquelle s'ajoutent notamment les dépenses de publicité et le financement à concurrence de 34 millions, d'une société chargée d'écouler ces meubles ; qu'ils achetèrent des chaussures, fabriquées par une société ou le conseiller financier était directeur adjoint et le président du conseil, administrateur, et les revendirent avec une perte de 18 millions ; qu'ils donnèrent, à concurrence de 50 millions, la garantie du Bon Marché à une société qui, à partir d'une certaine date, fonctionna essentiellement au profit des fabriques de meubles et de chaussures dans lesquelles était intéressé le conseiller financier ; puis que, sans aucune autorisation, ils vendirent 50 millions du portefeuille du Bon Marché pour honorer leur signature ; qu'enfin, sans que le conseil d'administration ne soit au courant de ces manoeuvres, ils installèrent dans les locaux du Bon Marché une société à responsabilité limitée formée entre l'ami du conseiller financier et une société dont il était président directeur général, et y engagèrent plus de 200 millions pour les résultats toujours déficitaires. En rémunération de cette activité, ils se firent remettre du Bon Marché, l'un 22 millions et l'autre 17 millions, cette rémunération étant calculée sur le chiffre d'affaires.

Plusieurs enseignements sont à tirer de cet arrêt. En l'espèce, deux hommes ont ignoré la loi. Autrement dit, ils ont agi sans que leurs collègues du conseil d'administration, les commissaires aux comptes et surtout les actionnaires ne se soient rendus compte de la gestion catastrophique des affaires sociales. Par conséquent, cet arrêt confirme l'effacement de l'assemblée d'actionnaires comme organe de contrôle de l'activité sociale. Cette situation entraîne ainsi la confiscation de ses pouvoirs par la direction.

B - La confiscation du pouvoir de l'assemblée d'actionnaires par le conseil d'administration

La confiscation du pouvoir de l'assemblée d'actionnaires par le conseil d'administration est le résultat de l'absentéisme parfois excessif des actionnaires aux assemblées. En effet, malgré un développement notable de l'information organisée en leur faveur, ces derniers ne participent pas de façon active à la vie sociale comme le voudrait l'affectio societatis. Ils ne se sentent pas réellement impliqués dans la marche des affaires sociales et n'ont pas une bonne mentalité d'associés. Cette confiscation des pouvoirs s'effectue fréquemment par le truchement des pouvoirs en blanc dont bénéficient les dirigeants sociaux.

Dans les grandes sociétés, l'actionnaire qui ne peut ou ne veut assister à l'assemblée ne connaît pas d'autre actionnaire à qui donner procuration. C'est pourquoi les sociétés demandent aux banques d'adresser à leurs clients, moyennant commissions, une formule de procuration, signée par l'actionnaire et renvoyée sans indication de nom de mandataire : c'est la pratique des pouvoirs en blanc ou mandats en blanc189.

187 André TUNC, « L'effacement des organes légaux de la société anonyme », D. 1952, p. 74.

188 Paris, 9 janvier 1942, D. 1952, p. 383.

189 Philippe MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, 12eme éd., Précis Dalloz, Paris, 2008, n° 470, p. 563.

Cette pratique se traduit par la présence de quelques dizaines ou centaines d'actionnaires aux assemblées190. Elle peut entraîner des abus car elle renforce les pouvoirs des dirigeants qui vont utiliser les voix des dizaines ou milliers d'actionnaires qui se désintéressent de la vie sociale. Elle est un mode d'accaparement des voix pour le conseil d'administration et rend illusoire l'omnipotence de l'assemblée d'actionnaires. Autrement dit, le pouvoir de l'assemblée est normalement confisqué par le conseil grâce aux mandats qu'il reçoit et les dirigeants « sont en mesure de conduire la société aussi aisément que le ferait un entrepreneur individuel dans son entreprise »191.

Dès lors, c'est la direction qui fait la majorité aux assemblées d'actionnaires, et le contrôle capitaliste ne s'exerce plus véritablement192. Le pouvoir est exercé sans partage par les dirigeants qui s'appuient sur une fraction relativement élevée du capital pour diriger la société. N'est-ce pas une insulte à la « démocratie actionnariale »193. A cet effet, comme l'écrivait M. Louis LOSS en 1961 : « Sans règlementation, le mandat est une invitation ouverte à l'auto-perpétuation et à l'irresponsabilité de la direction »194 et M. D. E. MANGUELLE a justement relevé que « prenez n'importe lequel d'entre nous, donnez-lui une parcelle de pouvoir et il deviendra suffisant, arrogant, intolérant, jaloux de ses prérogatives qui ne souffrent d'aucune délégation »195.

En pratique, ces pouvoirs sont utilisés par le président qui les répartit entre les actionnaires présents qui lui sont fidèles ; ce qui assure la stabilité de son pouvoir, parfois même de manière abusive, en particulier en cas d'appel public à l'épargne196. Ainsi l'assemblée se trouve en marge de la gestion sociale. En conséquence, les assemblées seraient donc une illustration de la théorie des trois L : « litanie, liturgie, léthargie »197.

D'ailleurs, les pouvoirs en blanc remis aux dirigeants sociaux qui les utilisent à leur guise pour orienter les décisions de l'assemblée en leur faveur expliquent un chevauchement dans les compétences de ces deux organes. Grâce à ces pouvoirs, les dirigeants de la société deviennent « maîtres des assemblées »198, car ils obtiennent plus facilement le quorum. De plus, cela leur permet d'éviter les frais et retard d'une seconde convocation199. Cet état des lieux consacre le déclin de l'assemblée d'actionnaires et remet en cause la théorie contractuelle de la société. Au total, il ne reste que les bribes de la théorie démocratique200 de la société anonyme. D'autres raisons rendent davantage le contrôle interne collectif insuffisant.

SECTION II : LES AUTRES SOURCES D'INSUFFISANCE DU CONTROLE INTERNE COLLECTIF

Le contrôle que l'assemblée d'actionnaires exerce sur la gestion sociale s'avère quelquefois limité. Plusieurs raisons sont à l'origine de cette situation. Parmi celles-ci, figurent l'insuffisance du contrôle due à la faible fréquence des assemblées et à certaines formes de sociétés (paragraphe I). Les autres sources d'insuffisance de ce contrôle sont inhérentes à la qualité d'actionnaire (paragraphe II).

Paragraphe I : L'insuffisance du contrôle due à la faible fréquence des assemblées et à certaines formes de sociétés

190 Ainsi par exemple, lors de l'AG de la société Air Liquide tenue le 12 mai 1999, il y avait 3900 actionnaires présents et 14200 actionnaires représentés, les uns et les autres détenant pres de 47 % du capital.

191 Maurice COZIAN, Alain VIANDIER, Florence DEBOISSY, Droit des sociétés, 17eme éd., LITEC, Paris, 2004, n° 631, p. 289.

192 V. I. RENAUDIE, La distinction des prérogatives financiers et de gouvernement des sociétés, These de Doctorat en Droit, Paris X, 1988 cité par Paul LE CANNU, ibid., p. 334.

193 Maurice COZIAN et alii, ibid., n° 658, p. 299.

194 Louis LOSS cité par André TUNC, Le droit américain des sociétés anonymes, Economica, Coll. Etudes Juridiques Comparatives, Paris, 1985, n° 191.

195 Daniel Etounga MANGUELLE, « L'Afrique a-t-elle besoin d'un ajustement culturel ? » Editions Nouvelles du Sud, 1991 cité par Yacouba AGNINA, op.cit., p. 92.

196 Dominique VIDAL, Manuel droit des sociétés, 5eme éd., LGDJ, Paris, 2006, n°1146, p. 549.

197 Yves GUYON, Droit des Affaires, Droit Commercial Général et Sociétés, Tome 1, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, p. 311.

198 Camille JAUFFRET-SPINOSI, « Les assemblées générales d'actionnaires dans les sociétés anonymes, réalité ou fiction? (Etudes comparatives) » Etudes offertes a René RODIERE, Dalloz 1981, p. 128.

199 Philippe MERLE, ibid., n° 481, p. 575.

200 Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, p. 335.

Les sources de l'insuffisance du contrôle interne collectif découlent d'un coté de la faible fréquence de la tenue des assemblées dans les sociétés anonymes (A) et, de l'autre, d'un cas atypique à savoir le simulacre de contrôle dans les sociétés familiales (B).

A- La faible fréquence de la tenue des assemblées

La fréquence de la tenue des assemblées détermine l'efficacité du contrôle interne collectif. En effet, lorsque cette fréquence est élevée, elle constitue un moyen efficace de contrôle des affaires sociales. Or, il convient de constater que la faible fréquence des réunions des actionnaires ne permet pas à cette collectivité d'exercer le contrôle des affaires sociales. Cette faible fréquence de la tenue des réunions constitue une faiblesse de l'assemblée d'actionnaires et affecte considérablement le contrôle qu'ils exercent sur la gestion de la société201. Elle a été mise en exergue par l'article 548 alinéa 1er de l'AUSCGIE qui dispose que « l'assemblée générale ordinaire est réunie au moins une fois par an, dans les six mois de la clôture de l'exercice, sous réserve de la prorogation de ce délai par décision de justice ».

D'ailleurs, l'assemblée d'actionnaires ne joue véritablement pas son rôle d'organe de contrôle. Elle est souvent considérée comme un roi fainéant, puisqu'il ne travaille que quelques heures par an202. C'est ce qu'a pu observer le professeur JEANTIN lorsqu'il affirme que « l'efficacité du contrôle est limitée non seulement en raison de la complexité grandissante des difficultés d'ordre technique ou comptable, mais aussi en raison de la faible fréquence des réunions »203. Bien plus, l'organe souverain de la société ne peut exercer un contrôle tout à fait efficace sur l'action quotidienne des dirigeants sociaux. L'inefficacité de ce contrôle découle du fait que l'assemblée d'actionnaires se réunit épisodiquement204.

Aussi, convient-il de souligner qu'à côté de cette faible fréquence de la tenue des réunions des actionnaires, source la plus évidente de l'inefficacité du contrôle, se trouve le simulacre de contrôle dans les sociétés familiales.

B- Le simulacre de contrôle dans les sociétés familiales

Le contrôle des conventions et des comptes sociaux relève de la compétence des actionnaires. En effet, seule l'assemblée ordinaire est compétente pour exercer ce contrôle. Mais, très souvent, l'efficacité de ce contrôle est limitée en raison du fait que les actionnaires, dans certaines sociétés familiales, simulent une approbation sérieuse.

En principe, l'assemblée générale se réunit une fois dans l'année pour approuver les comptes de la société. A titre d'exemple, pour une société X qui a clôturé ses comptes le 31 décembre 2006, l'assemblée générale ordinaire doit se réunir le 30 juin 2007 au plus tard. L'approbation n'est pas automatique. Celle-ci peut les approuver, les modifier ou les rejeter. Le rejet implique une sanction infligée aux dirigeants sociaux et, au-delà de l'approbation des comptes, c'est toute la gestion de la société qui est contrôlée. Les actionnaires prendront la décision de renouveler ou non leur confiance aux dirigeants. Tout se passe comme « une assemblée politique qui censure ou approuve la politique du gouvernement à l'occasion du vote du budget »205.

Or, en réalité, ce contrôle n'est pas pour la plupart du temps effectif. Cette situation s'explique justement par le fait que dans les sociétés anonymes, les dirigeants détiennent très souvent une fraction importante du capital. En effet, il est tout à fait normal que si les dirigeants des sociétés, qui souvent ont engagé des sommes importantes dans la société (même si cela ne représente qu'une faible partie du capital social) détiennent sans contestation la majorité dans les assemblées, en utilisant l'une des méthodes offerte par la loi pour atteindre le quorum et majorité requis : mandat en blanc, proxies, vote par les banques dépositaires, les assemblées en tant que lieu de discussion et d'expression de la volonté des actionnaires sont un simulacre206.

201 Selon un membre du syndicat des actionnaires de SAGA-TOGO, une seule assemblée se tient par an. Les assemblées extraordinaires se tiennent rarement.

202 André TUNC, Le droit anglais des sociétés anonymes, 2e éd., Dalloz 1978, Paris, n° 118.

203 Michel JEANTIN, Droit des sociétés, Montchrestien, Paris, 1989, p. 142.

204 Gabriel GUERY, Droit des affaires, 3eme éd., CLET, Paris, 1987, p. 715.

205 Yves GUYON, ibid., n° 411, p. 444.

206 Camille JAUFFRET-SPINOSI, article précité, p. 127.

Au demeurant, dans les petites sociétés familiales, lorsque le fondateur et sa famille détiennent la quasi-totalité du capital social, la réunion d'une assemblée est d'ordinaire jugée inutile. Elle est même quelquefois remplacée par une délibération écrite207. Mais une partie de la doctrine estime qu'un nombre croissant d'Etats permettent de remplacer l'assemblée générale par une consultation écrite des actionnaires, certains du moins quand ils sont d'un avis unanime ; c'est une disposition qui peut être réservée aux petites sociétés ou qui, en tout cas, ne jouera guère pratiquement que pour elles208.

Néanmoins, la faible fréquence des assemblées et le simulacre de contrôle dans les sociétés familiales ne sont pas les seules sources d'insuffisance du contrôle interne collectif. Il existe bien d'autres difficultés qui le paralysent davantage.

Paragraphe II : Les sources d'insuffisance du contrôle inhérentes à la qualité des actionnaires

La passivité des actionnaires (A) ne fait pas de l'assemblée d'actionnaires un véritable organe de contrôle de l'activité sociale. Il en est de même du désintérêt qu'ils manifestent à l'égard de la vie sociale (B).

A- La passivité des actionnaires aux assemblées

La passivité est un impedimenta qui affecte viscéralement le contrôle exercé par l'assemblée d'actionnaires sur la gestion sociale.

En effet, la passivité est un mal sérieux qui fait de l'assemblée d'actionnaires un organe indolent. Ici, les actionnaires assistent certes aux réunions, mais ne réagissent pas pour la plupart lors des débats. En vue de cela, le professeur Y. GUYON souligne que « les actionnaires sont généralement des moutons, parfois des lions, toujours des bêtes » et d'ajouter qu'ils sont « des sacs d'écus qui délibèrent »209. D'ailleurs, la passivité des actionnaires a conduit la doctrine à les qualifier de « robots »210, car ils donnent toujours quitus à la gestion de la société par les dirigeants de quelque nature que soient les rapports et communications qui leur sont soumis. Cette situation résulte de l'attitude des actionnaires passifs qui se contentent de faire un placement, en se réservant la possibilité de quitter la société en vendant leurs titres si les dirigeants ne leur inspirent plus confiance (ils « votent avec les pieds », c'est-à-dire en s'en allant)211.

Plusieurs raisons sont à l'origine de cette situation. En effet, la plupart d'actionnaires manquent de connaissances en matière juridique et comptable. Ce qui fait qu'ils interviennent rarement lors des débats aux assemblées puisqu'ils ne cernent pas, dans la plupart des cas, leur portée. Ainsi en est-il des actionnaires de la société SAGA-TOGO qui préfèrent ne pas intervenir lors des débats afin de « cacher leur ignorance, selon les termes d'un membre du syndicat des actionnaires de la société SAGA-TOGO. Ils viennent le jour où les dividendes sont distribués pour applaudir et approuver, parfois à l'unanimité, la politique des dirigeants ».

En outre, cette passivité demeure souvent une manoeuvre des dirigeants sociaux. En effet, mêmes si les actionnaires posent des questions lors des assemblées, ils n'obtiennent pas toujours des réponses satisfaisantes. Ils sont, selon ce membre du syndicat, renvoyés sur des sites web qui les obligent à se taire. Ainsi, lors d'une assemblée, un actionnaire avait contesté les honoraires du commissaire aux comptes qu'il avait jugé excessifs. Le commissaire aux comptes avait répondu que cela se trouve dans les textes, décrets et lois qu'il peut trouver sur un site web. Ce qui a contraint l'actionnaire à ne plus poser de questions.

De plus, il faut mentionner la jeunesse du droit OHADA dont la plupart d'actionnaires ne maîtrisent pas totalement les contours. Cela décourage énormément les actionnaires et ne les exhorte pas à poser des questions. A cet effet, un actionnaire irrévérencieux a dit : « L'assemblée générale, c'est la messe en latin. Là où on ne comprend pas, on s'endort »212.

Par surcroît, il convient d'ajouter que, lorsque la réunion se tient après le déjeuner par exemple, elle n'est pas de nature à
favoriser la participation des actionnaires aux réunions et n'incite guère à la vigilance. Bien plus, à un tel moment, certains

207 Philippe MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, 12eme éd., Précis Dalloz, Paris, 2008, n° 546.

208 André TUNC, Le droit américain des sociétés anonymes, Economica, Coll. Etudes Juridiques Comparatives, Paris, 1985, p. 308.

209 Yves GUYON, ibid., p. 311.

210 André TUNC, « L'effacement des organes légaux de la société anonyme », D 1952, Chr, p. 74.

211 Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, n° 782.

212 Yves GUYON, ibid, n° 302.

actionnaires particulièrement les retraités dont l'âge a affaibli la combativité ou l'efficacité s'abstiennent de parler ou interviennent mal213. Ainsi, ils sont parfois qualifiés de membres d'une « société par inaction »214 à cet effet. S'ils ne cernent pas la portée des débats, comment peuvent-ils réagir valablement ? A cette passivité, il convient d'ajouter le désintérêt que la majorité d'actionnaires manifeste à l'égard de la marche des affaires sociales.

B- Le désintérêt des actionnaires de la marche des affaires sociales

Le désintérêt est la perte de l'intérêt qu'une personne éprouve à l'égard de quelque chose. Dans le cas d'espèce, il s'agit d'une indifférence manifeste à l'égard de la vie sociale.

Normalement, les actionnaires doivent porter une attention particulière à l'évolution des affaires sociales puisque ce sont eux qui ont fait des apports de diverses natures pour la création de la société. Ils doivent vérifier la destination de leur argent.

Mais cette réalité n'est pas effective. En effet, il y a des sociétés qui ont des milliards du capital social et dont les actionnaires se comptent par centaines de milliers. La plupart d'entre eux décident, peut-être de leur propre gré, de rester en marge des activités sociales. Ils ne s'évertuent même pas à assister aux réunions, car ils n'ont ni les moyens juridiques et judiciaires, ni même souvent l'intention de s'immiscer dans la gestion, voire seulement de la contrôler. Cette indifférence ne leur permet pas d'exercer un contrôle efficace sur la gestion de la société. A cet effet, le professeur M. COZIAN a relevé que « s'il est des cas où l'actionnaire, par ce qu'il détient une part essentielle du capital social (et donc des droits de vote), participe au gouvernement de la société par personne interposée, il en est d'autres où, simple épargnant n'ayant qu'en vue que la valorisation des titres, il demeure de son plein gré à l'écart de la direction des affaires sociales, ne prenant même pas la peine de participer aux assemblées »215. Par conséquent, ce phénomène est de nature à fragiliser la mise en oeuvre du contrôle interne collectif.

Dans l'espace OHADA, notamment au TOGO, le contrôle des affaires sociales échappe aux actionnaires. Il en est ainsi de « la majorité d'actionnaires de la société SAGA-TOGO qui préfèrent s'éloigner de la gestion sociale » selon un actionnaire de la société.

Cependant, en dépit de cette insuffisance du contrôle interne collectif, il convient de noter qu'une pléiade de moyens légaux, conventionnels et autres permettent donc d'aller à la recherche de son efficacité.

CHAPITRE DEUXIEME : LE CONTROLE INTERNE COLLECTIF : A LA RECHERCHE DE L'EFFICACITE

La recherche de l'efficacité du contrôle interne collectif est rendue possible grâce à l'effort sans cesse croissant du législateur qui ne se lasse point de venir à la rescousse des actionnaires, notamment minoritaires. Cette recherche se traduit par la reconnaissance expresse ou implicite de plusieurs moyens prévus par le législateur. Il s'agit des manifestations légales permettant d'assurer une réelle évolution du contrôle interne collectif (Section I).

Dans la même optique, le contrôle interne collectif connaît certaines évolutions grâce justement à la présence d'une catégorie particulière d'actionnaires aux assemblées et le recours à diverses autres pratiques aux assemblées facilitant l'exercice du contrôle des affaires sociales. Il s'agit là des manifestations pratiques d'une évolution certaine du contrôle interne collectif (Section II).

SECTION I : LES MANIFESTATIONS LEGALES D'UNE REELLE EVOLUTION DU CONTROLE INTERNE
COLLECTIF

La possibilité de représentation de l'actionnaire par un mandataire de son choix et la nullité des assemblées irrégulièrement convoquées sont les moyens reconnus expressément par le législateur africain (Paragraphe I). En outre, de façon implicite, les actionnaires peuvent recourir aux conventions et au vote à distance pour améliorer ce contrôle. Il s'agit des virtualités de la loi (Paragraphe II).

213 Yves GUYON, ibid, p. 310.

214 Yves GUYON, ibid., p. 291.

215 Maurice COZIAN, Alain VIANDIER, Florence DEBOISSY, Droit des sociétés, 1Gerne éd., LITEC, Paris, 2004, n° 631, p. 289 ; Pierre BEZARD, La société anonyme, Montchrestien, Paris, 1986, p. 265.

Paragraphe I : Les moyens légaux du contrôle interne collectif

La recherche de l'efficacité du contrôle interne collectif passe aussi par la représentation de l'actionnaire par un mandataire de son choix (A) et la nullité des assemblées générales irrégulières (B) invoquées par les actionnaires.

A - La représentation de l'actionnaire par un mandataire de son choix aux assemblées

La représentation désigne un « procédé juridique par lequel une personne, appelée représentant, agit au nom et pour le compte d'une autre personne, appelée représenté »216.

La représentation présente une utilité considérable pour les actionnaires. En effet, dans les sociétés comportant des milliers d'actionnaires ou celles cotées en Bourse, la plupart d'actionnaires n'assistent pas aux assemblées générales. Pour ceux qui sont empêchés du fait de l'éloignement ou d'un manque de disponibilité, une possibilité leur est offerte : la représentation. Il s'agit d'une « présence juridique »217. La représentation permet de sauvegarder autant que possible le caractère démocratique de la société anonyme. A cet effet, le professeur M. COZIAN affirme qu' « il faut compter avec les impotents, les incapables, les voyageurs, les occupés et les agoraphobes, d'où l'idée de la représentation »218.

Contrairement au droit français219 qui exige que l'actionnaire soit représenté à l'assemblée soit par un autre actionnaire, personne physique ou morale, soit par son conjoint, le législateur de l'OHADA, quant à lui, prévoit que l'actionnaire soit représenté par un mandataire de son choix220. Cette représentation est d'ordre public221.

Même si une partie de la doctrine française222 estime que par cette restriction le législateur a entendu éviter l'accès à l'assemblée d'agitateurs, de maîtres chanteurs, et plus simplement de cabinets d'affaires faisant profession de l'état des mandataires, il convient de constater que la position adoptée par le législateur de l'OHADA s'inscrit dans la droite logique de celle d'une partie de la doctrine française qui souhaite que l'actionnaire choisisse lui-même son mandataire223. Ce choix, qui mérite d'être entièrement approuvé pour des raisons d'ordre pratique, présente plusieurs avantages. Il permet à l'actionnaire de donner des instructions à son mandataire ou de lui laisser une liberté de décision. Bien plus, si l'actionnaire représentant est nanti d'un éventail d'outils juridiques et judiciaires, l'assemblée sera le lieu de débats fructueux après la présentation des rapports par le conseil d'administration et le commissaire aux comptes ; et celui-ci aurait certainement recueilli une multitude d'informations car l'assemblée constitue le moment privilégié pour les actionnaires de s'informer sur la situation de la société et de s'exprimer sur sa gestion.

Dans la même optique, dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation française le 19 septembre 2006, il est reconnu à l'actionnaire la possibilité de désigner deux mandataires224. Cette pratique présente des avantages assez satisfaisants. En effet, les deux mandataires peuvent se contrôler mutuellement ou s'épauler sur des questions techniques ou juridiques. Ou encore, l'un peut suppléer l'autre en cas d'empêchement de dernière minute, et ce ne sera pas alors une substitution, celle-ci étant prohibée.

Nonobstant ces avantages, une telle ouverture pourrait neutraliser la principale fonction de la loi de la majorité qui est de faciliter la prise de décision. En outre, il peut arriver que l'actionnaire répartisse ses votes de telle sorte qu'il accepte pour partie, mais refuse pour l'autre ; ce qui, selon les majorités exigées, pourrait changer l'issue du vote.

216 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 16eme ed., Dalloz, Paris, 2007, p. 569.

217 Dominique VIDAL, op.cit, n° 1146, p. 549.

218 Maurice COZIAN, Alain VIANDIER et Florence DEBOISSY, ibid., n° 649, p. 295.

219 V. en ce sens art. L.225-106 C. com.

220 Cf. art. 538 de l'AUSCGIE.

221 Crim, 26 mai 1994, JCP 1995, II, 644, H. Le NABASQUE.

222 Georges RIPERT et René ROBLOT par M. GERMAIN et L. VOGEL, Traité de droit élémentaire, Tome 1, 17eme ed., LGDJ, Paris, 1998, n°1561, p. 1142.

223 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome 1, Droit Commercial General et Sociétés, 12eme ed., Economica, Paris, 2003, p. 307.

224 Paul LE CANNU, note sous Cass.com, 19 septembre 2006, RTDcom janv-mars 2007, n° 8, p. 177.

Sauf erreur, la jurisprudence ne semble pas s'être prononcée sur ce sujet. La doctrine225 estime qu'il se peut qu'elle dise que ceux-ci doivent voter dans le même sens. Toutefois, le recours au vote permet aussi de lutter contre l'absentéisme des actionnaires, et donc de bien contrôler la gestion sociale. La nullité des assemblées irrégulièrement convoquées permet un retour au statu quo au sein de l'entreprise.

B - La nullité des assemblées générales irrégulièrement convoquées

La nullité peut être un moyen permettant aux actionnaires de bien contrôler la gestion et les comptes sociaux. Elle est prévue par les dispositions impératives du droit des sociétés et celles de droit commun.

Les actionnaires peuvent demander la nullité d'une assemblée lorsque les dispositions impératives ont été violées226, sauf si tous les actionnaires étaient présents ou représentés227. Un arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation française a précisé à propos de la violation d'une disposition impérative du décret du 3 juillet 1978, relative à la convocation d'un associé à une assemblée d'une société civile, que la nullité n'est encourue qu'à la condition que le demandeur en nullité puisse établir que l'irrégularité qu'il invoque lui fasse grief, c'est-à-dire, qu'il n'a pas pu jouir utilement du droit que lui reconnaît la règle légale impérative. Cette solution est également transposable aux sociétés anonymes228. Il peut s'agir la nullité des assemblées lorsque les dirigeants ont admis à tort dans les assemblées des personnes qui n'avaient pas le droit d'y paraître, quand leurs actions et leurs voix ont modifié le quorum ou ont donné une majorité à la résolution qui ne l'aurait pas atteinte sans ces voix229 ; ou de l'absence de feuilles de présences nécessaires pour permettre de constater si le quorum a été atteint et de contrôler l'exactitude du calcul des majorités230 ; ou encore de la nullité de l'assemblée irrégulièrement convoquée par le conseil d'administration231.

L'Acte uniforme prévoit des cas de nullité des délibérations232. Cette nullité constitue une garantie de contrôle pour les actionnaires minoritaires lorsqu'on sait que le contrôle de la société anonyme est basé sur le principe capitaliste à savoir la majorité à l'assemblée233. Il s'agit des nullités des délibérations fondées sur un vice de consentement ou l'incapacité d'un actionnaire234 ou des nullités des délibérations fondées sur la violation des règles de publicité235. Toutefois, ces nullités peuvent faire l'objet d'une régularisation par toute personne y ayant un intérêt. Il n'est pas nécessaire que le demandeur à l'action en nullité soit actionnaire de la société à la date de l'acte ou de la délibération dont il poursuit l'annulation236. Ainsi en est - il des délibérations fondées sur le consentement ou l'incapacité et celles fondées sur la violation des règles de publicité237. Les actions en nullité se prescrivent par trois (3) ans à compter du jour où la nullité est encourue.

Concernant les nullités de droit commun, il convient de souligner que les actionnaires peuvent demander l'annulation des assemblées ou de ses délibérations pour violation des dispositions impératives régissant les contrats. L'article 242 de l'AUSCGIE vise les contrats en général, c'est-à-dire, les règles établies par les articles 1108 à 1117 du Code civil concernant le consentement, la capacité, l'objet ou la cause. Bien que le texte ne mentionne pas la fraude238 ou l'abus, il est admis que la jurisprudence qui annule les décisions de l'assemblée entachées d'abus ou de fraude continue à s'appliquer. Ainsi, une

225 Paul LE CANNU, note précitée.

226 V. art. 242 de l'AUSCGIE.

227 TPI Abidjan, n° 1245, 21 juin 2001, Michel Jacob et autres c/ Société Scierie Bandema Etablissements Jacob et autres, Ecodroit juillet 2001, p. 43. www.juriscope.org/

228 Ch. Mixte, 16 décembre 2005, Rev. soc 2006, p. 327, Bernard SAINTOURENS cité par P. MERLE, Droit commercial, societes commerciales, 12eme éd. Dalloz, Paris, 2008, p. 579.

229 Cass. civ. 31 décembre 1913, Gaz. Pal, 1914, 1, 187 ; Paris, 18 nov. 2003, Rev. soc 2004, p. 120, Paul LE CANNU. Il convient de préciser que l'existence d'inexactitudes de la feuille de présence n'entraine pas la nullité des délibérations.

230 Alençon, 13 juin 1933, Gaz. Pal. 1933, 2, 748.

231 V. art. 519 al 4 de l'AUSCGIE ; Cass. com. 9 juill. 2002, RTDcom 2002, p. 692, J.- P. CHAZAL et Y. REINHARD.

232 Les « délibérations » sont les décisions prises par les organes collectifs de la société : assemblée, mais également le conseil d'administration.

233 V. art. 174 et 175 de l'AUSCGIE.

234 V. art. 248 de l'AUSCGIE.

235 V. art 250 de l'AUSCGIE.

236 Cass. com. 4 juill. 1995, JCP 1995, II, 22560, Yves GUYON.

237 Cf. art. 248 et 250 de l'AUSCGIE.

238 La fraude peut se définir aussi comme un « acte accompli dans le dessein de préjudicier a des droits que l'on doit respecter ». Gérard CORNU, Vocabulaire Juridique, Association Henri CAPITANT, 6eme éd., PUF, Paris, 2004, p. 401.

assemblée générale extraordinaire a été annulée pour fraude au motif que les actionnaires (qui représentaient 45% du capital) avaient été exclus de la réunion « par ruse et artifice », le président de la société ayant prétexté, pour les éliminer, que le certificat délivré par la banque dépositaire de leurs actions n'était pas valable239. Telle est l'application de l'adage latin fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt tout).

L'action en nullité des assemblées irrégulièrement convoquées n'est pas recevable lorsque tous les actionnaires étaient présents ou représentés240. Cette nullité permet à un actionnaire qui n'a pas assisté à l assemblée de vérifier si une entrave n'a pas été mise en oeuvre par les dirigeants dans le but de faire obstacle à l'existence d'un quorum. Il en est de même en cas de fraude à ses droits.

Cependant, cette nullité est facultative. Son prononcé est laissé au pouvoir d'appréciation du juge. Ainsi en est-il du refus d'annuler une assemblée d'actionnaires convoquée par un conseil d'administration ayant siégé irrégulièrement241. A côté de ces moyens expressément reconnus par le législateur africain et facilitant le contrôle des affaires sociales, il convient de relever d'autres moyens reconnus implicitement par le législateur de l'OHADA.

Paragraphe II : Les virtualités de la loi

Les virtualités de la loi sont de deux ordres : il s'agit de la conclusion des conventions par les actionnaires minoritaires (A) et du vote à distance prévu par le législateur français (B) mais non exclu par le législateur africain.

A- Le recours aux conventions par les actionnaires minoritaires

Plusieurs pactes permettent aux actionnaires minoritaires de mieux contrôler l'activité sociale. Parmi ceux-ci se trouvent les conventions de vote et les clauses d'information.

D'abord, l'AUSCGIE donne la possibilité aux actionnaires minoritaires de se réunir afin de mieux contrôler la gestion sociale. C'est ce qui ressort de l'article 175-2 du même Acte qui dispose qu'une personne physique ou morale est présumée détenir le contrôle d'une société lorsqu'elle « dispose de plus de la moitié des droits de vote d'une société en vertu d'un accord ou d'accords conclus avec d'autres associés de cette société ». Ces conventions permettent aux actionnaires, notamment les petits porteurs, de s'unir afin d'influencer la gestion sociale lors du vote aux assemblées. Ils forment ainsi le groupe minoritaire car « l'assemblée est par excellence le lieu où se font et se défont les alliances entre associées »242.

La constitution d'un groupe minoritaire peut se réaliser par l'établissement d'une convention de vote243 entre des actionnaires qui se lient pour voter une résolution ou en faveur d'un candidat déterminé à un poste d'administrateur. Ces conventions de vote constituent ainsi de véritables forces de dissuasion au sein des sociétés anonymes. Elles permettent en outre aux actionnaires de former ce que l'on appelle un syndicat de blocage. Les actionnaires qui en font partie remettent leurs titres au siège du syndicat et donnent au gérant du syndicat d'exercer le droit de vote d'actions dont ils n'ont plus la possession, ce qui d'ailleurs leur interdit également de participer aux assemblées.

Les syndicats de blocage encore appelés syndicats de défense sont destinés à défendre les droits des actionnaires contre le conseil d'administration ou le groupe majoritaire lors du vote en assemblée. Ainsi, les conventions de vote donnent aux actionnaires ultra-minoritaires la possibilité d'exercer un contrôle sur la marche des affaires sociales. Elles leur permettent de mettre en place des systèmes de nature à augmenter leur influence lors des assemblées. Ils peuvent ainsi participer à la

239 C. A Grenoble, 30 juin 1988, JCP 1989, II, 15471, Oppetit et, sur le pourvoi, Cass. com. 27 juin 1989, Bull. IV, n° 209 cite par Francis LEFEBVRE, Droit des affaires, Sociétés commerciales, Memento pratique, ed. LEFEBVRE, Paris, 2002, n° 10735, p. 618.

240 TPI Abidjan, jugement n° 1245 du 21 juin 2001, Ecodroit n°1 juil-aofit 2001, p. 49 (ohadata J-02-19) ; www.ohada.com; Cass. com. 8 févr. 2005, Olivier SALES, www.onb-france.com/economica/nulllité-d-une-assemblée-generale.htlm. 28 mars 2007.

241 Cass. com. 9 juill. 2002, JCP E 2003, 627, n° 9, obs. J.-J CAUSSAIN, FL. DEBOISSY et G. WICKER cite par Maurice COZIAN et alii, ibid., p. 647.

242 Yacouba AGNINA, La société unipersonnelle : une solution a la crise de l'entreprise privée en Afrique, (Line lecture critique de l'Acte uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE), These de Doctorat en Droit Privé, FDD, Université de Lome, 2001, p. 71.

243 L'article 175-2 de l'AUSCGIE reconnait implicitement aux actionnaires la possibilité de recourir aux conventions de vote afin d'exercer un contrôle sur la societe anonyme.

formation de la volonté sociale et, en tant qu' « organe social subsidiaire »244 contrôler la volonté majoritaire et exercer une pression non seulement sur les dirigeants sociaux, mais aussi sur les actionnaires majoritaires.

Seulement, les minoritaires formant ce syndicat ne doivent pas commettre d'abus lors de l'exercice de leurs droits sous peine de sanctions. « Il y a abus de minorité lorsque, en exerçant leur vote, les associés s'opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société, et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt légitime »245. De cette disposition, il faut que deux conditions cumulatives soient réunies pour que l'abus soit retenu : une opération envisagée et jugée essentielle pour la société d'une part, et l'opposition des minoritaires contraire à l'intérêt social d'autre part. Dans ce cas, les minoritaires disposent d'un pouvoir de blocage qui peut nuire au bon fonctionnement de la société.

Il existe deux sortes d'abus. L'abus peut se traduire par une décision sociale obtenue par surprise ou par une action en justice abusive, on parle d'abus positif. Mais l'abus qui risque d'être le plus fréquent consiste à bloquer toute modification des statuts en refusant, par exemple, de voter une décision d'augmentation du capital ou de prorogation de la société, on parle d'abus négatif. Il peut s'agir de l'attitude de celui qui, pour des raisons exclusivement personnelles, prend le parti de ne pas voter à l'occasion d'assemblée réunie pour décider du déplacement du siège social d'une société qu'on espère « sauver » par ce moyen ; ou de celui qui, inspiré par l'intention de nuire, ne consent pas à la dissolution anticipée d'une société dans les cas prévus par la loi, notamment lorsque, du fait des pertes constatées dans les états financiers de synthèse, les capitaux deviennent inférieurs à la moitié du capital social246.

Ensuite, les pactes d'actionnaires peuvent permettre aux actionnaires de développer leur actionnariat. Ces pactes peuvent contenir des clauses ouvrant un droit de consultation (par exemple sur la nomination du commissaire aux comptes), d'information ou de contrôle complémentaire au profit de tel ou tel actionnaire le plus souvent minoritaire.

Les clauses d'information doivent mettre la fourniture des renseignements visés (situation comptable trimestrielle et détaillée, états financiers prévisionnels, projet de budget, plan d'investissement, rapport...) à la charge des dirigeants sociaux. Elles ne sauraient imposer des obligations particulières aux commissaires aux comptes qui ne sont pas parties aux pactes et qui, ne peuvent donc être obligés par eux. Toutefois, une partie de la doctrine estime que le commissaire aux comptes doit être autorisé par la société à répondre aux questions des actionnaires.

Ainsi, par la mise en oeuvre de ces clauses d'information, l'assemblée d'actionnaires deviendra, à coup sûr, un organe de contrôle des affaires sociales car l'assemblée est le lieu idéal de discussion et d'expression des actionnaires notamment minoritaires. Si les assemblées sont organisées de manière à donner aux actionnaires minoritaires le moyen de se faire entendre, elles joueront un rôle qui pourra être important, même si elles ne le jouent que rarement dans la vie de la société247. Ces actionnaires s'informeront davantage de la marche des affaires sociales lors des assemblées et le contrôle interne collectif connaîtra une nette évolution. D'ailleurs, les assemblées sont nécessaires pour contrebalancer le pouvoir des dirigeants par leur gestion. A ces conventions s'ajoute le recours au vote à distance par les actionnaires.

B - Le recours au vote à distance par les actionnaires

Le vote à distance est une originalité du droit français. Il a été introduit par la loi n° 2001- 420 du 15 mai 2001 sur les
nouvelles régulations économiques cette loi fait entrer les sociétés anonymes dans l'ère de la modernité technique. Elle

244 Dominique SCHMIDT, « Les actionnaires minoritaires, un combat légitime ? » Http // www.creda.ccip.fr pp 58-60.

245 Cf. art. 131 de l'AUSCGIE.

246 Sur l'ensemble, voir Com. 15 juil. 1992, Bull. Joly sociétés, 1992, p. 1083, note P. LE CANNU ; Rouen, 13 juin 2000, Bull. Joly sociétés, 2001, p. 258, note J.-F. BARBERI cités par Sylvain Sorel Kuaté TAMEGHE, « Interrogations sur l'abus de minorité dans l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales du groupement d'intérêt économique », www.afrilex.u.bordeaux4.fr, p. 3.

247 Camille JAUFFRET-SPINOSI, « Les assemblées générales d'actionnaires dans les sociétés anonymes, réalité ou fiction ? (Etudes comparatives) », Etudes offertes a René RODIERE, Dalloz 1981, p. 136.

instaure le vote à distance rendu possible grâce à l'utilisation des moyens de télécommunication électronique248 et par visioconférence249. Il s'agit d'une « présence virtuelle »250.

L'utilisation de ces moyens n'est pas obligatoire. Les sociétés, qu'elles soient cotées en Bourse ou non, ne sont pas astreintes à recourir à ce vote. Celui-ci ne peut être permis que par les statuts. La société doit aménager un site à cette fin facultative pour les sociétés. L'utilisation de ces moyens est également facultative pour les actionnaires.

Le vote à distance est un moyen permettant aux actionnaires de mieux contrôler les affaires sociales. En effet, même si les actionnaires viennent rarement aux assemblées, ils peuvent participer aux assemblées en votant à distance. Autrement dit, ils peuvent intervenir dans les débats comme s'ils étaient physiquement présents dans la salle des délibérations. Ce mode de vote participe du réel souci du législateur de faire évoluer le dispositif normatif pour répondre à des attentes des milieux d'affaires ou à des interrogations venant largement de l'opinion publique à l'heure des TIC. Il peut se concevoir de diverses manières : soit chaque participant à distance est seul dans une cabine de visioconférence, soit la société organise en divers lieux des sites de retransmission où se réunissent les actionnaires qui n'ont pas à se déplacer jusqu'au lieu de la tenue principale de l'assemblée.

Le vote à distance vise à réduire l'absentéisme des actionnaires. Cette innovation mérite une certaine approbation car les assemblées les plus représentatives sont le meilleur gage du fonctionnement démocratique des sociétés anonymes251. D'ailleurs, si les actionnaires participent de façon effective aux assemblées, l'assemblée d'actionnaires jouera beaucoup mieux son rôle d'organe de contrôle des affaires sociales vu qu'elle est le lieu par excellence de critique des résultats des dirigeants.

En droit OHADA, le vote à l'aide des moyens modernes de télécommunication ou par visioconférence n'est pas prévu et organisé par le législateur. Cette réticence du législateur pourrait trouver sa justification. Celui-ci aurait peut-être voulu limiter le nombre de structures et de modes de gestion disponibles en créant des règles simples et bien identifiées s'imposant sans exception, pour éviter les difficultés de mise en oeuvre et la pluralité d'interprétation252.

Mais cette réforme comporte également des conséquences. En effet, le vote à distance pourrait se traduire par des assemblées se limitant à la présence physique des membres du bureau et l'établissement de la feuille de présence risque d'être un simulacre. Bien plus, le recours à ce mode de votation requiert d'importants moyens financiers. Ce qui induit que sa mise en oeuvre sera peu usitée dans l'espace OHADA à cause de la taille de nos sociétés anonymes comparées à celles d'Europe253.

Néanmoins, à ces manifestations légales permettant aux actionnaires minoritaires de contrôler la marche des affaires sociales s'ajoutent des manifestations pratiques qui confèrent au contrôle interne collectif une évolution certaine.

SECTION II : LES MANIFESTATIONS PRATIQUES D'UNE EVOLUTION CERTAINE DU CONTROLE
INTERNE COLLECTIF

A l'analyse de certains points de vue de la doctrine, l'assemblée d'actionnaires apparaît comme un organe dont le rôle n'est point négligeable sur la destinée de la société. Cet état des lieux n'est rendu possible que grâce à certains signes pratiques à savoir la présence d'une catégorie particulière d'actionnaires aux assemblées (Paragraphe I) d'un côté et, aux autres moyens de contrôle de l'activité sociale (Paragraphe II) de l'autre.

248 Le terme « télécommunication électronique » est ambigu mais semble viser uniquement l'internet et non la télécopie, Y. GUYON, « Les dispositions du décret du 3 mai 2002 relatives aux assemblées générales d'actionnaires », Rev. soc juil.-sept 2002, p. 421. Cet auteur fait référence a l'article 119 de ce décret qui mentionne la nécessité d'aménager un « site ».

249 Le terme « visioconférence » suppose que l'actionnaire puisse voir et ne pas seulement entendre, ce qui exclut la tenue d'assemblées par conférences téléphoniques ou par télécopie au motif qu'ils n'offrent pas des garanties de sécurité et de fiabilité. Il s'agit, par exemple, des cybercaméras. Barthélemy MERCADAL, Philippe JANIN, Droit des affaires, Sociétés commerciales, Mémento pratique, éd. LEFEBVRE, Paris, 2002, n° 10560.

250 Dominique VIDAL, Droit des sociétés, 5eme éd. LGDJ, Paris, 2006, p. 549.

251 Yves GUYON, Droit des Affaires, Droit Commercial Général et Sociétés, Tome 1, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, p. 427.

252 Benoit LEBARS et Boris MARTOR, « Management et financement de la société anonyme de droit OHADA », JCP 2004, n° 5, supplément a la Semaine Juridique n° 44, p. 12.

253 Il s'agit des grandes sociétés comme Vivendi Universal de France qui font recours a ce moyen moderne de votation aux assemblées.

Paragraphe I : La présence d'une catégorie particulière d'actionnaires aux assemblées

La présence d'une catégorie particulière d'actionnaires notamment les associations de défense d'actionnaires minoritaires (A) et les investisseurs institutionnels (B) aux assemblées semble être le signe d'une évolution certaine du contrôle interne collectif.

A - La présence des associations de défense d'actionnaires minoritaires aux assemblées

Les actionnaires minoritaires ont la possibilité de se regrouper au sein d'une association destinée à représenter leurs intérêts dans la société254 et, par conséquent, mieux contrôler l'activité sociale.

Ces types d'associations constituent une source de contre-pouvoir au sein des sociétés anonymes. En effet, depuis peu, une révolution semble perceptible aux assemblées car les associations de défense des actionnaires minoritaires ne cessent de jouer un rôle considérable dans la gestion sociale. Elles réunissent de ressources, des capacités et des compétences d'un ensemble d'acteurs, plus ou moins actifs. Le contrôle qu'elles exercent sur les affaires sociales est marqué par un activisme qui se caractérise par un ensemble d'activités d'influence : actions judiciaires systématiques et parfois médiatisées255 . L'assemblée générale d'Eurotunnel en date du 7 avril 2004 est un exemple remarquable.

Les faits se résument de la manière suivante. En effet, le 15 mai 2003, lors d'une assemblée générale ordinaire, une association d'actionnaires minoritaires a demandé la révocation du conseil d'administration en s'appuyant sur une dégradation constante des comptes de la société depuis plus de dix (10) ans. Elle n'a pas obtenu gain de cause. Alors, les actionnaires minoritaires ont décidé de mettre à profit les dispositions de la loi sur les nouvelles régulations économiques, abaissant les seuils d'intervention des minoritaires, en utilisant l'article L.225-103-II-2 du Code de commerce. Ils ont donc saisi le Tribunal de commerce de Paris afin de demander la nomination d'un mandataire en vue de convoquer une assemblée d'actionnaires. C'est par un jugement rendu le 3 décembre 2003 que le Tribunal de commerce de Paris leur a donné satisfaction256. Ainsi, ce « putsch des minoritaires » remet en cause le théorème du député Laignel qui avait lancé : « Vous avez juridiquement tort car vous êtes politiquement minoritaires »257.

D'ailleurs, la présidente de l'association de défense d'actionnaires minoritaires (ADAM), Colette NEUVILLE, a critiqué le salaire du président directeur général de l'équipementier en difficulté Valeo, Thierry MORIN, estimant que ce dernier ne respectait pas les recommandations du MEDEF258 en la matière259. Par conséquent, ces associations ont des pouvoirs accrus de contrôle des sociétés car la « juridicisation » systématique de leurs contestations a conduit au développement d'un activisme actionnarial. L'activisme croissant des ces associations lors des assemblées générales leur a donné une visibilité et une crédibilité qui leur permettent aujourd'hui d'exercer une influence sur les pratiques financières260.

Dans l'espace OHADA, il existe également des associations de défense d'actionnaires minoritaires qui jouent le même rôle que celles françaises. Il en est ainsi du syndicat des actionnaires de SAGA-TOGO affilié à la confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT) qui défend les intérêts des actionnaires Togolais détenant dix neuf pour cent (19 %) du capital social261. Selon un membre de ce syndicat, le terme syndicat contrairement au terme association est préférable puisqu'il inspire une certaine « crainte ». Ce syndicat a mené plusieurs batailles judiciaires ou revendications relatives à la gestion de la société262. Il a ainsi assigné devant les juridictions togolaises certains dirigeants pour une mauvaise, désastreuse et opaque

254 V. en ce sens art L 225-120 C. com et 160 AUSCGIE.

255 Carine GIRAD, « Une typologie de l'activisme des actionnaires minoritaires en France », p. 1-25, http // www.ubourgogne.fr

256 Marie-Christine Monsallier-Saint MEULX, note sous Trib com. Paris, 3 décembre 2003, Rev. soc 2005, n° 4, p. 847.

257 Marie-Christine Monsallier- Saint MEULX, ibid., p. 847.

258 Mouvement des Entreprises De France.

259 A la une des Echos.fr le 17 janv. 2009 ; Dominique SCHMIDT, « Les actionnaires minoritaires, un combat légitime ? » Http // www.creda.ccip.fr pp 58-60.

260 Marc LAPOTRE, « L'action syndicale lors des assemblées générales d'actionnaires », http:// www.marclapotre.fr, pp. 1-8.

261 Selon ce membre du syndicat, la société SAGA-FRANCE détient 81% du capital.

262 Selon un membre du syndicat, plusieurs actions ont été intentées devant les juridictions de Lomé. Elles sont, a l'heure actuelle, en instance.

gestion de la société. Il a procédé au retrait de confiance du président du conseil d'administration qui est en cours. Seulement, ce membre affirme que « ces revendications ou actions entreprises aboutissent rarement compte tenu de la lenteur judiciaire ».

L'existence de telles associations d'actionnaires au sein des sociétés mérite d'être approuvée car elles se recommandent de l'utilité même du contrôle des affaires sociales. En effet, celles-ci ne visent pas la seule protection des minoritaires souvent à l'origine de la saisine du juge. C'est de préférence l'intérêt de la société qu'elles sont destinées à protéger. Cette situation s'explique aussi par le recours sans cesse croissant des minoritaires à ces associations263. Les investisseurs institutionnels jouent également le même rôle que ces dernières.

B - La présence des investisseurs institutionnels aux assemblées

Les investisseurs institutionnels sont des organismes détenteurs de capitaux très importants, comme les sociétés d'investissement, les fonds de pension, les compagnies d'assurance, amenés par leurs activités à placer sur les marchés des capitaux (bourse, marché monétaire, marché des devises) les fonds qu'ils collectent264.

Ces investisseurs institutionnels sont, dans la plupart des cas, actionnaires dans les sociétés anonymes. Ces professionnels des placements financiers font, à côté des actionnaires individuels ou minoritaires, des placements financiers et détiennent très souvent des participations significatives.

Comme les associations de défense d'actionnaires minoritaires, les investisseurs institutionnels contrôlent mieux la gestion des affaires sociales. En effet, grâce à leur présence aux assemblées, le contrôle interne collectif connaît une évolution réelle et une transparence dans la gestion sociale se dessine progressivement. Au début des années quatre-vingt, ces investisseurs institutionnels étaient apathiques à l'égard de l'activité sociale. Un activisme émanant d'eux constituait une certaine hardiesse265. Mais, au fil du temps, ces derniers sont devenus de véritables organes de contrôle. Ainsi en est-il du fonds de pension américain CalPERS266 qui décida d'accroître la surveillance de la gestion des entreprises composant son portefeuille demeure un exemple illustratif.

Depuis lors, ce fonds de pension n'hésite pas à voter contre les résolutions proposées par la direction voire à réaliser des contre-propositions. Leur activisme se fit plus agressif à partir de 1992. Certains dirigeants dont les performances seraient médiocres ou qui ont commis de fautes de gestion ont été révoqués par ces derniers267. Bien plus, ces investisseurs exercent une influence réelle et permanente sur les décisions prises par le conseil d'administration. Ils possèdent en outre un pouvoir de persuasion au sein de la société anonyme. Ainsi, l'actionnariat traditionnel, dispersé, inorganisé et incompétent est peu à peu remplacé par des investisseurs institutionnels268. A cet effet, le professeur P. LE CANNU affirme que « la résultante de tous ces mouvements prend la forme d'une régénération des assemblées »269.

Dans l'espace OHADA, plusieurs investisseurs institutionnels détiennent une fraction importante du capital dans les sociétés. Ainsi en est-il de la Caisse de sécurité sociale du Ghana qui est actionnaire de la société ECOBANK Transnational Incorporated (ETI), maison mère du groupe ECOBANK, qui au moment de sa cotation à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), avait plus de 3.000 actionnaires270. Seulement leur activisme n'est pas très perceptible au sein des assemblées. Toutefois, avec l'internationalisation du droit, il convient de noter que cet activisme sera notable dans l'avenir comme celui des pays développés. A côté de ces actionnaires particuliers, il sied de préciser que le recours à une multitude de moyens permet de contribuer davantage à une évolution certaine du contrôle interne collectif.

263 Paris, 14 févr. 2006, RTDcom 2006, p. 427, Paul LE CANNU.

264 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 16eme éd., Dalloz, Paris, 2007, p. 370.

265 Nicolas CUZACT, « Le vote des gestionnaires d'OPCVM », Rev. soc n° 3, 2006, p. 491.

266 Il s'agit de la California Public Employees Retirement System, un fonds de pension américain.

267 P. BISSARA, « L'influence de la professionnalisation de l'actionnariat dans les sociétés cotées sur le fonctionnement de ces dernières », Mélanges VASSEUR, p. 11 cité par Yves GUYON, Droit des affaires, Tome 1, Droit Commercial Général et Sociétés, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, p. 292. Il s'agit, en outre, de la révocation des dirigeants d'IBM et d'American Express.

268 André TUNC, « Le gouvernement des sociétés anonymes, le mouvement de réforme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni », Rev. int. dr. comp 1994, 59 cité par Yves GUYON, ibid., p. 783.

269 Paul LE CANNU, ouvrage précité, p. 469.

270 Http1/ www.ouestaf.com/ Ecobank-entre-en-bourse-par-un-triple-historique-a93.html. 5 févr. 2010.

Paragraphe II : Le recours à d'autres moyens du contrôle interne collectif

Plusieurs autres moyens permettent d'aller à la quête d'une efficacité du contrôle interne collectif. Il s'agit, d'une part du recours aux clauses d'information (A) et, d'autre part de divers autres moyens de contrôle des affaires sociales (B) nés de la pratique.

A- La nomination des actionnaires minoritaires au conseil d'administration

La nomination d'un minoritaire au conseil d'administration permet de fidéliser les minoritaires. Elle vise à les intéresser à la marche ou à l'évolution des affaires sociales afin qu'ils puissent mieux contrôler la gestion sociale est de leur faire une place au conseil d'administration271. En effet, théoriquement, toute personne peut être administrateur d'une société anonyme si elle est élue à cette fonction.

Dans la pratique, le conseil d'administration est le plus souvent composé d'actionnaires influents disposant de la majorité du capital social. Dans cette optique et pour éviter que cette entrée ne conduise les administrateurs à imposer un diktat aux minoritaires, il est préférable que ces derniers, par le biais d'un aménagement statutaire, puissent siéger en tant qu'administrateurs272. Le conseil d'administration sera ainsi composé d'actionnaires dans chacun des groupes selon une proportion déterminée à l'avance dans les statuts. Les minoritaires qui siègent au conseil d'administration représentent la voix des autres et défendent leurs intérêts. Ils peuvent ainsi suivre de près la politique menée par le groupe majoritaire siégeant au conseil et, parfois, la contester. Cette nomination rehausse, par conséquent, le rôle joué par les minoritaires au sein de l'entreprise à savoir le contrôle des affaires sociales.

Mais la jurisprudence estime que cette répartition licite des sièges comporte des limites. En effet, une décision du Conseil constitutionnel a fixé une limite, qui semble raisonnable273 : la clause ne doit pas « avoir pour résultat qu'une catégorie d'associés sera en tout état de cause minoritaire dans ces conseils, quelle que soit la proportion du capital qu'elle détient ». « Le caractère général et absolu de cette disposition apporte au principe d'égalité une atteinte qui dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour faire droit à la situation particulière de certaines catégories d'associés »274. Il convient de noter en outre que la répartition des sièges de telle ou telle partie de l'actionnariat fait l'objet d'une préoccupation majeure du gouvernement d'entreprise. A ce moyen de contrôle des affaires sociales, il existe bien d'autres moyens de contrôle.

B - L'existence d'autres moyens concourant à l'évolution certaine du contrôle interne collectif

Depuis quelques années, la collectivité d'actionnaires joue un rôle de premier plan au sein des sociétés anonymes. Un changement de mentalité des actionnaires nettement perceptible aux assemblées se produit sous l'impulsion aussi bien du législateur que de la doctrine. Cette révolution qui permet un véritable contrôle des affaires sociales est rendue possible grâce à divers moyens parmi lesquels figurent la création des clubs d'actionnaires, la distribution régulière des dividendes, la reconnaissance aux actionnaires minoritaires de demander l'inscription des projets de résolution à l'ordre du jour et la distribution des indemnités de fonction.

D'abord, la participation des minoritaires à la gestion sociale est rendue possible grâce à la création des clubs d'actionnaires auxquels ils peuvent faire partie. Ces clubs permettent d'éradiquer leur absentéisme et de lutter contre leur désaffectation à l'égard de la vie de la société275. En plus, ils visent la défense d'actionnaires qui sont membres et leur facilitent un droit de regard de l'activité sociale. Très souvent, ces clubs sont composés de moyens humains, juridiques et judiciaires pour exercer

271 L'article 417 de l'AUSCGIE ouvre déjà une brèche a la nomination des personnes non actionnaires au conseil d'administration.

272 NODJILEMBAYE Dionkito Léonie, La protection des actionnaires dans le cadre des offres publiques sur le marché boursier de l'IlMOA, Mémoire de DESS-Droit des Affaires, FDD, Université de Lomé, 2005, p. 46 ; V. aussi Paul LE CANNU, Droit des sociétés, Domat, Droit privé, Montchrestien, Paris, 2002, p. 469.

273 Paul LE CANNU, op. cit, p. 371.

274 C. const., décision n° 87-232 DC du 7 janv. 1988, Rev. soc 1988, 229, note Y. GUYON cité par Paul LE CANNU, ibid.

275 Ces « clubs » ne peuvent pas avoir d'ambitions trop grandes, car il faut respecter l'égalité entre les actionnaires, et éviter de fournir des informations privilégiées. V. Paul LECANNU, ibid.

ce rôle qu'ils se sont assigné. Ils pourront ainsi jouer le rôle d'agent de la légalité puisqu'ils sont mieux placés pour attester la légalité des actions des dirigeants276.

Ensuite, la politique de distribution régulière de dividendes277 est un moyen de fidélisation des actionnaires. Elle consiste pour les dirigeants à éviter la pratique de mise en réserve systématique des bénéfices privant ainsi les actionnaires minoritaires de leur droit aux dividendes. Il ne signifie pas que chaque année l'actionnaire a le droit d'exiger qu'une partie des bénéfices lui soit attribuée, mais simplement qu'il ne peut en être indûment privé de son droit sur les bénéfices et sur les réserves278. Cette politique permet non seulement de fidéliser les actionnaires mais de développer aussi l'actionnariat. A cet effet, la doctrine estime que la politique de distribution régulière des dividendes « est déterminée par la politique financière de l'entreprise, mais aussi par une politique de relations »279.

Enfin, l'attribution des indemnités de fonction280 encore appelées jetons de présence sont des moyens permettant aux actionnaires de bien contrôler la société. Au début, ces sommes étaient allouées aux dirigeants sociaux. Mais, elles ont fait l'objet d'une extension aux actionnaires. En effet, de nos jours, les mentalités se modifient. Les assemblées sont plus fréquentées, peut-être parce que certaines sociétés attribuent une indemnité de fonction aux actionnaires qui se sont déplacés aux assemblées.

La mise en oeuvre de ces divers moyens peut nettement contribuer à faire de l'assemblée l'occasion ou le lieu par excellence du contrôle des affaires sociales. D'ailleurs, les assemblées sont massivement fréquentées lorsque les dirigeants organisent des journées portes ouvertes ou diffusent des documents audiovisuels sur l'activité de la société281. Cela permet un « face à face » entre les actionnaires et les directeurs, rencontre à laquelle les directeurs ne peuvent échapper même si elle leur est désagréable, et que l'examen antérieur des comptes et rapports par les actionnaires rend éventuellement très vivante282. En outre, grâce à ces moyens, les actionnaires minoritaires prennent conscience du poids que peuvent prendre leurs interventions aux assemblées. Les assemblées deviennent de véritables arènes où les dirigeants et les actionnaires règlent leurs comptes. En venant aux assemblées, les actionnaires pourraient exercer des pressions, soutenir une gestion responsable, proposer ou soumettre au vote des préoccupations sociétales. Par conséquent, grâce à ces moyens, on assiste à un renouveau des assemblées d'actionnaires.

Malheureusement, ces pratiques sont très peu connues dans les sociétés africaines, notamment celles de l'espace OHADA. Selon un membre du syndicat des actionnaires de la société SAGA-TOGO, également actionnaire à ECOBANK, « aucun de ces moyens n'est mis en oeuvre par les dirigeants afin de promouvoir l'actionnariat. D'ailleurs, ceux-ci ne s'intéressent pas souvent à cet actionnariat ».

CONCLUSION

Le contrôle interne paraît perméable puisqu'il est empreint de multiples difficultés qui affectent sans conteste son régime. En effet, d'une part, les actionnaires mettent difficilement en oeuvre les mécanismes de contrôle prévus par le législateur à savoir la procédure d'alerte et l'expertise de gestion. En plus, ils manquent cruellement de compétences juridiques ou comptables pour critiquer les résultats de la direction.

D'autre part, la plupart d'entre eux s'absentent lors des assemblées générales. Ils ne manifestent aucun intérêt à la marche des affaires sociales et préfèrent ne pas réagir aux assemblées juste pour dissimuler leur ignorance. Toutes ces difficultés ne leur permettent pas de regarder de près la gestion normale de l'activité sociale et, par conséquent, de protéger l'intérêt social.

276 Dominique SCHMIDT, « Les actionnaires minoritaires, un combat légitime ? » Http // www.creda.ccip.fr pp. 58-60.

277 Les dividendes sont des parts de bénéices distribuées aux actionnaires au prorata des actions détenues. http:// www.izf.net /u / load /BRVM / glossaire_htm

278 Philippe MERLE, op.cit, n° 294, p. 352.

279 Dominique VIDAL, Droit des sociétés, 5eme éd., LGDJ, Paris, 2006, p. 551.

280 V. art. 431 de l'AUSCGIE.

281 Yves GUYON, Droit des affaires, Tome 1, Droit Commercial Général et Sociétés, 12eme éd., Economica, Paris, 2003, p. 311

282 Maurice COZIAN et alii, ibid., p. 300.

La mise en oeuvre du contrôle peut en outre attiser la crainte des dirigeants sociaux car ils peuvent être révoqués à tout moment ou voir leur responsabilité être engagée par les actionnaires. Mais, le manque d'un contrôle sérieux peut aussi engendrer de graves conséquences. Il pourrait inverser le modèle du pouvoir au sein de la société. Il en est ainsi de la pratique des pouvoirs en blanc qui peut conférer aux dirigeants la majorité aux assemblées au détriment des actionnaires, véritables apporteurs des biens relatifs à la constitution de la société.

Toutefois, un éventail de moyens prévus par le législateur de l'OHADA ont permis de renforcer ce contrôle. Parmi ces moyens, on peut citer, entre autres, les nouveaux mécanismes de contrôle à savoir la procédure d'alerte, l'expertise de gestion et les moyens d'ordre comptable ou financier. Il a aussi renforcé l'information des actionnaires avant et après les assemblées. Par contre, pour rendre efficace le contrôle interne collectif, le législateur a donné la possibilité aux actionnaires, notamment minoritaires, de se faire représenter aux assemblées par un mandataire de leur choix ou de demander la nullité d'une assemblée irrégulière. Il leur a permis en outre de recourir aux conventions afin d'influencer la vie sociale aux assemblées ou d'être nommés au conseil d'administration pour bien contrôler la société. Tous ces moyens constituent de véritables forces de dissuasion aux mains des minoritaires.

En dépit de ce renforcement, le contrôle de la gestion et des comptes sociaux semble être limité. En effet, l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique recèle quelques insuffisances. De même, le droit des affaires est en perpétuelle évolution grâce à la naissance de nouvelles pratiques qui remettent en cause certaines dispositions textuelles. A cet effet, le professeur J. PAILLUSSEAU, conscient des difficultés d'application des nouveaux Actes uniformes de l'OHADA, écrivait de façon prémonitoire : « Un tel bouleversement va évidemment, poser de nombreuses difficultés qu'il faudra résoudre dans les mois qui viennent. Mais, c'est principalement au jour le jour qu'ils apparaîtront et qu'il faudra les régler »283.

Face à ces insuffisances, le législateur français a prévu une gamme de moyens permettant aux actionnaires de contrôler davantage la société. D'abord, les actionnaires peuvent faire recours aux nouvelles technologies de l'information pour exercer ce contrôle. Ensuite, ils peuvent créer des clubs ou associations en vue d'exercer ce contrôle.

La doctrine française n'est pas restée les bras croisés face à cette situation. Elle a aussi plaidé la cause des actionnaires minoritaires en proposant aux dirigeants de mettre en oeuvre une politique d'attraction et de fidélisation des actionnaires. A cet effet, elle a suggéré qu'ils pratiquent une politique de distribution régulière de dividendes et attribuent des jetons de présence aux actionnaires qui se rendent aux assemblées.

D'ailleurs, l'expansion de la corporate governance aux Etats-Unis et en France semble être une solution aux mains des actionnaires. Cette doctrine rééquilibre les pouvoirs au sein de la société et permet aux minoritaires de bien contrôler cette dernière. Par conséquent, elle assure un meilleur fonctionnement de l'entreprise. A cet effet, sa prise en compte, son adaptation et sa transposition en droit OHADA demeurent envisageables.

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283 Jean PAILLUSSEAU, Le nouveau droit des affaires en Afrique, Price Waterhouse Fidafrica, p. 5 cité par Appolinaire Amévi de SABA, La protection du créancier dans la procédure simplifiée de recouvrement des créances civiles et commerciales instituée par l' OHADA, Mémoire DESS Droit des Affaires, FDD, UL, 1999, p. 52.

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