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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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Le compromis fordiste de l'après-guerre.

Le débat de 1905 sur les retraites s'inscrivait dans une mouvement large de développement des assurances sociales jusqu'aux « trente glorieuses », qui vont marquer la victoire de l'assurance sur l'assistance, et vont ainsi permettre la résolution du conflit entre travail et redistribution.

Premièrement cette résolution se fera d'une façon détournée. Ainsi, pour R. Castel, c'est l'avènement de la société salariale qui permet cette résolution. Elle se caractérise par deux traits majeurs ; tout d'abord l'instauration de droits liés aux statuts des travailleurs, et qui permettent de se prémunir contre la survenue de risques sociaux ; ensuite, par la quasi absence de chômage qui caractérise cette époque, avec un maintien d'une stabilité des emplois et de bonnes conditions d'embauches, c'est-à-dire la mise de côté de la question de la pauvreté valide99(*). Les droits liés aux statuts des travailleurs et les conditions d'emplois ne permettraient pas, seuls, de résoudre le problème de la prise en charge des pauvres valides, puisqu'en sont exclus les inactifs. Dès que les inactifs sont supprimés, ou du moins se raréfient, la pauvreté valide ne pose plus question, et les assurances sociales des travailleurs suffisent à protéger contre l'indigence et la pauvreté.

Deuxièmement, outre la « société salariale », on peut mettre en avant la « socialisation du salaire » comme facteur de résolution du conflit entre redistribution et emploi. L'idée de salaire socialisé renvoi à la fixation du niveau des salaires par une négociation collective : le marché n'est pas seul à déterminer la rémunération du travail, et la négociation qui s'y substitue permet de rendre la distribution des revenus primaires plus proches des contributions effectives et des volontés de chacune des parties. Mais, surtout, l'idée de salaire socialisé renvoi aux cotisations sociales, obligatoires et versées au système public d'assurance sociale, qui permettent la détention d'une propriété sociale. Ce salaire socialisé constitue pour B. Friot « la forme révolutionnaire de ressource des valides exonérés de l'obligation de travailler 100(*)». Et, en effet, avec les assurances sociales, et surtout depuis la mise en place d'une assurance sociale contre le risque chômage en 1959, le salaire socialisé permet de subvenir aux besoins de certains inactifs, et donc de les dispenser d'emploi au moins temporairement grâce au versement d'une allocation. Il ne viendrait à personne d'adosser à cette allocation une obligation de travailler, ou encore d'affirmer qu'elle désincite au travail, puisque c'est par le travail qu'elle a été acquise.

C'est donc le « compromis fordiste », dominant en France durant les trente glorieuses qui a permis cette résolution du conflit. On entend par compromis fordiste un état où existe la « garantie d'un partage des gains de productivité 101(*)», c'est-à-dire où les rapports de forces entre travailleurs et capitalistes sont régulés et équilibrés. Les droits des salariés, les bonnes conditions d'embauches et le développement du salaire socialisé en sont des expressions.

La fondation des grands systèmes d'assurances sociales s'accompagnent de la même vision du travail comme valeur fondamentale et qui ne doit pas être découragé. Cependant, les mentalités évoluent et des brèches sont ouvertes dans cette conception qui oppose travail et redistribution.

Si, d'un côté en 1946 « la nation garantit à tous (...) la protection de la santé, la sécurité matérielle, la sécurité et les loisirs 102(*)», l'aptitude au travail demeure un critère strict d'éligibilité aux transferts sociaux. Ainsi, « tout être qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence 103(*)». En parallèle, le droit au travail continue d'être la solution au problème de la pauvreté104(*). Le rapport Beveridge cultive lui aussi cette ambiguïté. Beveridge se propose de lutter contre le « scandale de la misère » grâce à la « libération du besoin 105(*)», mais il condamne fermement l'oisiveté et réserve la protection sociale et la redistribution aux personnes ne pouvant pas travailler. Pourtant, dans son ouvrage, Du travail pour tous dans une société libre106(*), il aborde sous un angle nouveau la question de l'arbitrage entre travail et loisir, toutefois sans abandonner la condamnation morale de l'oisiveté. En réponse aux réactions107(*) à sa proposition de système d'assurances sociales, il affirmera que pour lui, « dans une société libre [...] il ne faut pas que les hommes encourent des pénalités, des amendes parce qu'ils refusent de travailler ou parce qu'ils ne travaillent pas. Il est essentiel pour la liberté [...] que chaque individu soit capable de choisir entre le loisir et un salaire plus élevé 108(*)». On observe donc dans l'après-guerre un maintien de l'idée selon laquelle une redistribution trop généreuse peut décourager le retour à l'emploi, avec l'idée que le travail est un devoir moral ; cependant, la pensée commence à évoluer vers une compréhension plus grande des individus sans-emplois, et les éventuels effets pervers de la redistribution sont de plus en plus contrebalancés par les besoins de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, qui se font pressantes.

* 99 Le taux de chômage en 1975, au début de la « crise » (chocs pétroliers, stagflation...) était de 3,5%.

* 100 Cité in Purière A., Assistance sociale et contrepartie. Actualité d'un débat ancien, op.cit.

* 101 Ceci est un des éléments caractérisant le fordisme selon R. Boyer. Cité in Guerrien B., Dictionnaire d'analyse économique, La Découverte, 2002.

* 102 Préambule de la constitution de 1946

* 103 Préambule de la constitution de 1946

* 104 «  Chacun a le droit de travailler et d'obtenir un emploi », Préambule de la constitution de 1946.

* 105 Milhaud E., Le Plan Beveridge, 1943, Les Annales de l'Économie Collective.

* 106 Beveridge W., Du travail pour tous dans une société libre, 1945, Éditions Domat-Monchrestien.

* 107 Il cite notamment un article paru dans la presse anglaise en 1943: « beaucoup de plans modernes -y compris le plan Beveridge- n'ont-ils pas tendance à négliger le fait [...] que les travailleurs de l'avenir [...] auront besoin du vieil aiguillon de la récompense et de la punition [...] pour soutenir la course qu'il faut effectuer dans ce monde de concurrence ». Beveridge W., Du travail pour tous dans une société libre, op.cit. p.210

* 108 ibid

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand