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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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B. Dépassements du clivage entre redistribution et travail.

A partir de la fin du XIXème siècle, la conception de la redistribution va être modifiée, permettant un dépassement du conflit entre redistribution et travail. La chronologie de ce dépassement débute avec la victoire de l'assurance contre l'assistance à partir de la fin du XIXème siècle pour prendre en charge les pauvres valides. Ensuite, les « trente glorieuses » permettront de renforcer ce rôle prépondérant de l'assurance, tout en instaurant une « société salariale », qui, sans résoudre à proprement parler le conflit entre travail et redistribution, rendra cette question désuète. Enfin, « l'effritement de la société salariale », lors de la dégradation des conditions d'emplois à partir des années quatre-vingt, favorisera un retour de l'assistance pour prendre en charge les pauvres valides, si d'un côté on peut voir dans cette subvention de l'oisiveté un choix audacieux de traitement du conflit entre travail et redistribution, ce renouveau de l'assistance relancera les critiques portées contre la redistribution et favorisera un retour des idées mettant en avant la nécessité d'une contrepartie en travail à tous bénéfices d'aides sociales.

Les fondations de la redistribution.

Le choix qui a été fait en France de privilégier l'assurance dans le traitement de la pauvreté valide est le résultat d'une confrontation avec les tenants de transferts monétaires non contributifs, c'est-à-dire l'assistance. L'assurance se propose de prendre en charge le risque chômage, les cotisations permettant d'acquérir un droit à une allocation chômage. La redistribution ainsi opérée n'agit qu'entre travailleurs et sans-emplois : la lutte contre la pauvreté et les inégalités passe donc par la protection face au chômage, que l'on peut considérer comme le principal facteur de déchéance des pauvres valides. Les transferts monétaires non-contributifs seront réservés aux pauvres non-valides. Finalement, le choix de l'assurance permet de mettre de côté le conflit entre redistribution et emploi puisque ce n'est plus la redistribution à proprement parler qui protège les pauvres valides de la pauvreté. Il n'y a plus subvention de l'oisiveté puisque le travailleur a acquis par son travail et ses cotisations un droit à être protégé de la pauvreté.

Le débat qui oppose assistance et assurance peut être illustré par le débat opposant J. Jaurès a A. Mirman à la chambre des députés lors du vote de la loi sur les retraites en 1905. J. Jaurès s'oppose au traitement de la pauvreté par l'assistance, qui est alors défendue par un autre socialiste, A. Mirman, et met en avant l'assurance qui offre un droit véritable, et qui confère à l'ayant droit une propriété sociale. Pour Jaurès, s'il y a entre assistance et assurance « une différence réelle, substantielle, une différence de droit, une différence sociale, c'est parce que [...] dans l'assurance, l'ayant droit [...] à l'heure où la loi marque l'échéance de sa retraite, il l'aura [...] avec une certitude absolue. Vous ne pouvez empêcher qu'une loi d'assistance, même si elle est dominée par le principe nouveau du droit à la vie, n'ait pas la même rigueur, la même certitude. Du moment que vous êtes obligés de dire « privé de ressources », vous introduisez par là même un élément d'appréciation, de discussion »98(*) . Ainsi, dans l'assurance, « l'État s'oblige en s'obligeant », alors que dans l'assistance l'État ne doit rien au bénéficiaire, et lui accorde un transfert qui prend la forme d'une aumône. Comme le rappel J. Jaurès, l'assistance nécessite d'apprécier la situation du bénéficiaire, donc de contrôler, de vérifier le respect des conditions d'octroi.

Si on voit à cette époque le développement des assurances sociales obligatoires, apparaissent aussi de nombreux transferts assitanciels, réservés à certaines catégories de population, mais d'une générosité croissante. Leur financement par l'impôt va lui aussi contribuer à résoudre le conflit entre travail et redistribution : on voit apparaître une conception fortement redistributive de l'impôt, qui fait fi de son potentiel effet désincitatif. Deux réformes majeures témoignent de cette évolution vers notre système moderne de prélèvements : la mise en place du premier impôt progressif en 1901, et la création de l'impôt sur le revenu en 1914. En 1901, après de longs débats parlementaires, la progressivité est introduite dans l'impôt sur les successions. Jusqu'alors, les prélèvements portant sur les successions étaient justifiés comme étant la contrepartie normale des services rendus par l'Etat aux détenteurs de patrimoine, c'est-à-dire surtout la sécurité des titres et et des biens qui permettait leur conservation, et donc leur passage de génération en génération. Mais lorsque est introduit la progressivité, la justification de l'impôt devient explicitement la redistribution des richesses et la lutte contre les inégalités : l'impôt tire sa légitimité de son atténuation des inégalités, et de son rôle en terme de justice sociale. A partir de 1914, l'impôt sur le revenu va prolonger cette logique redistributive à tous les revenus. Globalement, la progressivité de cet impôt et son ampleur vont aller croissants jusque dans les années quatre-vingt-dix, notamment sous le coup des réformes intervenues en 1936, 1945 et des majorations exceptionnelles de 1968 et 1981.

* 98 Cité in Purière A., Assistance sociale et contrepartie. Actualité d'un débat ancien, 2008, L'Harmattan

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