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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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B. L'inégalité.

Se poser la question « pourquoi l'égalité? » revient selon A. Sen à se poser une autre question: « égalité de quoi? ». En effet, si nous parvenons à donner une réponse à la seconde question, c'est-à-dire si nous sommes capables de définir un champ où promouvoir l'égalité, alors nous savons déjà pourquoi l'égalité est importante dans cette espace. Poser la question de la variable que nous voulons rendre égalitaire, permet de s'apercevoir de l'universalité de cette idée, défendue aujourd'hui par tous les courants de pensée. Même les plus libéraux, pensant eux-mêmes se battre contre le dogme de l'égalitarisme, défendent une certaine idée de l'égalité : l'égalité des droits et des libertés. La défense d'une inégalité méritocratique n'échappe pas à la règle : à compétence égale, traitement égal. Cependant, la notion d'égalité renvoie bien souvent aux inégalités dans le répartition des revenus.

Ceci se comprend fort bien si l'on accepte que le revenu est un élément central dans la constitution d'une liberté positive effective10(*). De plus, la richesse, exprimée en termes monétaires, permet une comparaison rapide entre plusieurs situations. On fait alors l'hypothèse implicite qu'un euro procure la même utilité à tous, indistinctement : celui qui a un revenu moindre est donc nécessairement désavantagé. On pourrait au contraire supposer que nous sommes tous différents, et que les besoins individuels ne sont pas homogènes. En ce cas, réclamer l'égalité de revenu revient à réclamer l'inégalité des niveaux d'utilité. La facilité de la comparaison de revenus monétaires, et l'impossibilité pour nous de prendre en compte les préférences individuelles quant à la détention de monnaie, font de la prise en compte des inégalités de revenu le meilleur objectif pour le système redistributif11(*).

Prendre en compte le degré d'inégalité existant dans une société semble justifié au moins pour deux raisons. Tout d'abord parce que les inégalités, si elles sont trop fortes et trop ressenties peuvent fortement nuire à la cohésion sociale, et ceci d'autant plus que les plus pauvres sont démunis. Ainsi, calculer le niveau d'inégalité après redistribution revient à appréhender quel est le degré d'acceptation des inégalités : plus le système redistributif égalise les revenus, plus l'aversion pour l'inégalité est importante, et inversement. Ensuite, parce que le niveau d'inégalités reflète le fonctionnement du système économique, que l'on peut juger à l'aune du degré d'inégalités qu'il génère. Calculer le niveau d'inégalités sur les revenus primaires permet de comprendre comment sont répartis les fruits de l'activité économique.

S'il est pertinent d'appréhender le niveau d'inégalité, quelle méthode employer ? De nombreux indicateurs sont à notre disposition, mais nous en retiendrons ici principalement trois : le rapport inter-quantiles, l'indice de Gini et l'indice d'Atkinson.

Le rapport inter-quantiles est le plus simple et le plus intuitif des indicateurs. C'est le rapport entre, par exemple, le neuvième décile et le premier décile, c'est-à-dire entre le revenu dont 90% de la population gagne moins et le revenu dont 10% de la population gagne moins. Si le rapport est de 3, alors on peut dire que les 10% les plus riches gagnent, au moins, trois fois plus que les 10% les plus pauvres. Il est aussi possible, par exemple, de calculer le rapport entre la médiane (cinquième décile) et le premier décile, afin de voir la dispersion des revenus en bas de l'échelle. La prise en compte des déciles peut aussi donner lieu au calcul du revenu moyen par décile (par exemple le revenu moyen des 10% les plus riches). Il s'ensuit que le rapport entre les revenus moyens du dernier et du premier décile sera fortement majoré par rapport au rapport interdécile, et ceci d'autant plus que les plus riches sont très riches et les plus pauvres très pauvres. Comparer le revenu moyen des 10% les plus riches et le neuvième décile permet d'appréhender la dispersion en haut de l'échelle : plus le revenu moyen est supérieur au décile, plus l'extrémité des hauts revenus est élevée. Des rapports peuvent être calculés avec tous les quantiles possibles, par exemple entre des centiles (les 1% les plus riches gagnent au moins x fois le revenu des 1% les plus pauvres), ou des quintiles (les 20% les plus riches gagnent au moins x fois le revenu des 20% les plus pauvres).

Après le rapport inter-quantiles, l'indice de Gini est l'un des indicateurs les plus usités, parce qu'il reste intuitif, et parce qu'il permet de mesurer l'écart existant entre l'égalité parfaite et la distribution effective des revenus. Il est compris entre 0 et 1, avec 1, l'inégalité absolue (un individu possède tous les revenus), et 0 l'égalité parfaite. On peut représenter grâce à la courbe de Lorenz différents types de distribution des revenus (cf. Graphique 1).

Graphique 1: Courbe de Lorenz

On a en abscisse la population classée par ordre croissant de revenus, et en ordonnée la masse des revenus. Dans le cas d'une répartition parfaitement égalitaire (droite), 50% de la population détient 50% de la masse des revenus, 20% de la population détient 20% des revenus, 80% détient 80% des revenus. Par contre, dans le cas de répartitions plus inégalitaires, les courbes s'éloignent de la bissectrice : dans le cas de la répartition A, les 20% les plus pauvres ne détiennent que moins de 10% des revenus, et les 20% les plus riches détiennent plus de 30% des revenus. Pour la répartition B, les 20% les plus riches détiennent environ 60% des revenus tandis que les 20% les plus pauvres détiennent moins de 20% des revenus. Ainsi, étant donné que plus l'écart entre la bissectrice et la répartition effective est important plus les inégalités sont fortes, on peut mesurer l'espace séparant la représentation de le répartition effective de la répartition égalitaire pour juger de l'ampleur des inégalités. L'indice de Gini mesure cet espace (grâce à une formule de type intégrale) et l'exprime par rapport au cas parfaitement inégalitaire (où l'indice est donc égal à 1). C'est donc le rapport entre, d'une part, la surface comprise entre la courbe de Lorenz effective et la courbe de Lorenz parfaitement égalitaire, et d'autre part, la surface définie par [EFG].

On peut trouver comme critique à l'indice de Gini qu'il ne permet pas de différencier deux distributions ayant le même écart global avec la distribution égalitaire mais n'ayant pas la même forme, l'une pouvant être plus inégalitaire au bas de la distribution (aplatissement plus marqué au début de la courbe de Lorenz), l'autre plus inégalitaire en haut de la distribution (verticalité plus marquée en haut de la courbe de Lorenz)12(*) (pour le détail, cf.Annexe 3)

Enfin, on peut présenter l'indice de Atkinson qui possède la particularité d'introduire une vision normative de l'inégalité. Tous les indicateurs que nous avons présentés précédemment permettent d'exprimer un niveau d'inégalité mais permettent difficilement de juger de ce niveau. Bien qu'ils permettent des comparaisons (inter-temporelles et spatiales), ils ne permettent pas de dire, pour un niveau donné d'inégalités, s'il est acceptable ou souhaitable. T.Atkinson affirme ainsi: « for the economist (...) it is more natural to begin by considering the ordinal problem of obtaining a ranking of distributions, since this may require less agreement about the form of the social welfare function 13(*. C'est donc par facilité que la plupart des indicateurs développés permettent de comparer les degrés d'inégalité de deux distributions (classement ordinal des distributions), sans chercher à juger du degré d'inégalité d'une redistribution, en se référant à une fonction de bien-être social prédéterminée. En conséquence l'indice développé par Atkinson vise à comparer plusieurs distributions d'inégalité pour un niveau d'aversion sociale à l'inégalité déterminée, et à faire évoluer l'indice en fonction de l'aversion à l'inégalité (pour une explication en détail du calcul et des implications de l'indice de Atkinson, cf.Annexe 3).

En nous empêchant de faire mesure commune, et en signifiant un dysfonctionnement de la répartition opérée par les marchés, de trop fortes inégalités justifient l'intervention correctrice de la redistribution. Cette correction doit reposer sur des indicateurs, dont la diversité nous permet de prendre en compte les différents aspects de l'inégalité de revenus. Ces indicateurs nous permettent en outre d'intégrer à la fois une dimension positive et une dimension normative, les deux étant nécessaires pour appréhender au mieux les inégalités.

Nous venons de définir précisément les notions de pauvreté et d'inégalité. Il en ressort qu'il n'existe pas de façon juste et universelle de les appréhender, et que choisir l'une ou l'autre des conceptions n'est pas sans incidence. Il convient désormais d'observer, grâce à ces définitions et à ces indicateurs, l'état des inégalités et de la pauvreté en France.

* 10 Au sens que lui donne A.Sen. La liberté positive représente alors « ce qu'une personne, toutes choses prises en compte est capable, ou incapable d'accomplir » In Sen A., L'économie est une science morale, 2003, La Découverte p.48. Un individu sans ressources, en raison par exemple d'une grave famine, ne pourra pas nourrir sa famille. Il a le droit de travailler, de gagner de l'argent mais ne le peut pas. Son incapacité effective à nourrir sa famille constitue une privation de liberté positive. Marx avait déjà pointé cette distinction pouvant exister entre liberté juridique et effective. Le salarié est doublement libre, disait-il, non sans être dupe de l'effectivité de cette liberté.

* 11 Pour autant, les débats à ce sujet sont complexes, et ne peuvent être tranchés de façon aussi arbitraire, hormis par commodité.

* 12 Atkinson T., On the Mesurement of Inequality, Journal of Economic Theory, Cambridge, 1969. cf. p.255

* 13 Ibid. p.245

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