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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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II. Pauvreté, inégalité et emploi.

Après avoir défini la pauvreté et les inégalités, et après avoir présenté les moyens de mesures qui nous sont offerts, il convient d'appréhender leurs importances et leurs caractéristiques en France. Ainsi, nous présenterons les grandes tendances relatives à la pauvreté et les inégalités, en s'attachant surtout à comprendre quels en sont leurs déterminants. Nous verrons tout d'abord que les inégalités de revenus primaires sont importantes, en raison des fortes inégalités de salaires et des inégales dotations en patrimoine. Nous verrons ensuite que la pauvreté est aussi la conséquence des inégalités face à l'emploi : l'inactivité et la précarité du salariat en sont les principaux déterminants. La dégradation des conditions d'emplois impacte ainsi défavorablement les travailleurs, qui sont, par conséquent, de plus en plus vulnérables face à la pauvreté.

A. L'inégale distribution des revenus primaires.

La structure des revenus primaires évolue avec la structure productive, et l'avènement de la « société salariale » s'accompagne logiquement d'une prééminence des inégalités de salaire dans la structure des inégalités. En effet, le fait que tout le monde devienne salarié n'implique pas de resserrement des inégalités, car comme l'indique R.Castel, on a vu apparaître un « salariat bourgeois 14(*)», constitué de cadres, de professions intellectuelles, favorisés par la tertiarisation de l'économie. Cette bourgeoisie salariée ne se substitue pas aux emplois peu payés et peu qualifiés, encore nombreux.

Ainsi, c'est dans la structure des revenus salariaux qu'il faut chercher l'origine d'une part importante des inégalités de revenus (revenus primaires autant que disponibles). En 2006, la distribution des salaires nets annuels est caractérisée par un écart interdécile (D9/D1) de 2,97, signifiant ainsi que les 10% des salariés les mieux payés gagnent au moins trois fois le salaire des 10% les moins bien payés. Bien que ce chiffre soit conséquent, il faut noter que les inégalités de salaire ont eu fortement tendance à diminuer depuis l'après-guerre : le rapport interdécile était ainsi de 4,12 en 1965. Les inégalités entament alors une nette diminution jusqu'au début des années quatre-vingt, après quoi elles se stabilisent jusqu'à nos jours15(*). Il faut noter que cette baisse du rapport D9/D1 s'explique avant tout par une diminution des inégalités dans le bas de la distribution des salaires : le rapport D9/D5 reste parfaitement stable, tandis que le rapport D5/D1 diminue très régulièrement (cf. Graphique 1).

Graphique 1: Evolution des rapports interdéciles de la distribution des salaires nets annuels. Source: INSEE, 2010.

Ainsi, c'est principalement la revalorisation des bas salaires qui a permis cette baisse tendancielle des inégalités. Le Salaire Minimum Inter-professionnel de Croissance (SMIC) remplace le SMIG (Salaire Minimum Inter-professionnel Garanti) en 1970, avec, lors de cette transition une réévaluation importante de son niveau, mais surtout une modification du mode de calcul du salaire minimum, qui n'est plus indexé seulement sur l'inflation mais aussi sur le taux de salaire horaire ouvrier. De même, les revendications salariales issues des contestations de Mai 1968 vont se répercuter en hausses des bas salaires qui seront nombreuses durant les années soixante-dix. Le premier décile de la distribution des salaires croit ainsi de 15% entre 1967 et 1968, de 20% l'année suivante, ou encore de 21% entre 1973 et 1974. Les mêmes années, le taux de croissance du neuvième décile n'est que de 8%, 12% et 17%. Le rôle du salaire minimum apparaît ici comme prépondérant dans le compression de l'éventail des salaires au bas de la distribution16(*) : l'augmentation du SMIC a un fort impact négatif sur l'évolution du rapport D5/D1.

La diminution des inégalités de salaires a été cependant de plus en plus faible depuis les années quatre-vingt, et l'on observe même une hausse du rapport D9/D1 ente 1984 et 1994 (de 3,09 à 3,23). Le rapport stagne ensuite jusqu'en 2006, alors qu'entre 1966 et 1984 le rapport passe de 4,18 à 3,09. Outre la croissance qui est plus faible aujourd'hui que lors de la période d'accumulation fordiste des « trente glorieuses », il faut noter que les hauts salaires ont aujourd'hui tendance à croître beaucoup plus rapidement que le reste des salaires : entre 1984 et 2006, l'écart entre le salaire moyen et le salaire médian a été multiplié par deux17(*) (l'élévation plus rapide du salaire moyen dénote la hausse des valeurs extrêmes dans la partie supérieure de la distribution des salaires).

Outre les salaires, le capital joue un rôle déterminant dans la constitution des inégalités de revenus : les inégalités entre revenus d'activités sont faibles comparées aux inégalités de répartition du patrimoine. Ainsi, les 50% des ménages les moins bien dotés en patrimoine ne possèdent que 10% du patrimoine total. A l'inverse, les 10% les mieux dotés possèdent 40% du patrimoine total. L'indice de Gini calculé sur la répartition du patrimoine atteint ainsi presque 0,7. En comparaison, l'indice de Gini calculé sur les revenus primaires, c'est-à-dire y compris les revenus du capital et les revenus du travail, atteint 0,48.

Les inégalités de dotations en patrimoine sont liées aux classes d'âges (le patrimoine croît fortement avec l'âge des détenteurs), mais aussi au niveau de revenu. Ainsi, les hauts revenus sont ceux qui détiennent le plus de patrimoine, et sont ceux dont la part du revenu issue du patrimoine de rapport est la plus importante. Selon T.Piketty, la hausse de la proportion des revenus du capital avec la hausse du revenu primaire a toujours été un trait du capitalisme18(*). Cependant, cette relation s'est fortement atténuée au fil du XXème siècle, et la part des revenus du capital chez les hauts revenus a fortement décrue. Désormais, seulement pour les fractiles extrêmement supérieurs, les revenus du capital sont majoritaires et supplantent les revenus d'activité. Ainsi, les revenus du travail salarié restent majoritaires jusque pour ce que Piketty appelle les « classes moyennes19(*) », c'est-à-dire les plus pauvres des plus riches (fractile P90-9920(*)). Ensuite, les revenus d'activité des indépendants prennent le dessus (fractile P99-99,9) pour enfin céder la place, à la marge, aux revenus du capital mobilier (pour les « 200 familles » les plus riches, les revenus du capital représentent 60% du total des revenus). La part des revenus du capital est donc croissante avec le revenu surtout pour les hauts revenus ; de même, la part des revenus issue du capital mobilier croît avec le revenu mais de façon significative que pour les très hauts revenus (90% des revenus du capital sont issus du capital mobilier pour les « 200 familles »). La véritable richesse résidant, dans la société capitaliste, dans la détention du capital des entreprises, alors qu'elle résidait, sous l'ancien régime, dans la propriété foncière21(*).

* 14 In Castel R., Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, 1995, Gallimard, coll. « Folio ».

* 15 In Bihr A.,Pfefferkorn R., Déchiffrer les inégalités, 1999, La Découverte

* 16 Fougère D., Kramarz F. La Mobilité Salariale en France de 1967 à 1999. In Rapport du CAE (Ed.), Inégalités Économiques. 2001, pp.333-353, La Documentation Française.

* 17 En 1984, le revenu moyen est supérieur de 2100 euros au revenu médian (euros courants). En 2006, cet écart atteint 4300 euros. Source: INSEE, 2010.

* 18 Piketty T. Les Hauts Revenus en France au XXème siècle. Inégalités et redistributions 1901-1998, 2001, Grasset. p.94

* 19 Ibid.

* 20 On désigne par fractile P90-99, les foyers fiscaux faisant partie des 10% les plus riches, mais ne faisant pas partie des 1% les plus riches. Le fractile P99-99,9 désigne les 1% des revenus les plus riches à l'exclusion des 0,1% supérieurs.

* 21 Piketty T. Les Hauts Revenus en France au XXème siècle, op.cit. p.100

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