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La redistribution doit-elle rendre le travail payant ? étude des modalités de conciliation entre redistribution des revenus et incitation monétaire au retour à  l'emploi.

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par Elie Chosson
Université Pierre Mendès-France (Grenoble II) - Master  2001
  

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B. Pauvreté et emploi

La répartition des revenus primaires est loin d'être égalitaire, autant en raison d'une inégale répartition du capital que de fortes inégalités au sein du salariat. Ces inégalités salariales sont importantes et révèlent que l'emploi n'est pas un statut offrant des avantages et une sécurité uniformes. La situation d'emploi des individus conditionne pour une large part leur positionnement vis-à-vis du seuil de pauvreté ; cette importance de l'emploi se traduit de deux façons : d'une part par l'accès -ou non- à l'emploi, et d'autre part par la qualité de l'emploi obtenu.

Graphique 2: Évolution du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté à 60%. Source: INSEE, 2010

Entre 1996 et 2006, le taux de pauvreté (seuil de 60%) en France a diminué, quoique très légèrement : il est passé de 13,5% à 13,2%. Cependant, dans le même temps, le nombre de pauvres a augmenté de 300 000 personnes, au point qu'en 2007, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est à peu de choses près celui de 1990 (cf.Graphique 2).

Malgré tout, la France se positionne plutôt bien par rapport aux autres pays de l'OCDE. Neuf pays ont un taux de pauvreté plus faible, dont la Suède (11,4%) ou la République Tchèque (11,5%), tandis que vingt-et-un pays affichent des taux de pauvreté supérieurs, pouvant aller jusqu'à 23,9% pour les États-Unis ou 21% pour l'Espagne. Ces bonnes performances de la France peuvent s'expliquer pour D. Clerc par l'importance de notre système redistributif, qui permet de lutter efficacement contre la pauvreté. Par conséquent, compte tenu de cette « protection » pouvant être jugée plutôt efficace, il faut trouver une explication à la légère hausse du nombre de personnes pauvres que nous avons observée entre 1996 et 2006. Pour D. Clerc, c'est la dégradation des conditions d'emplois qui en est le facteur explicatif22(*).

L'accès à l'emploi reste un des principaux moyens de se protéger de la pauvreté. Les inactifs (hors retraités) connaissent un taux de pauvreté de plus de 48%, ce qui est deux fois plus important que le taux de pauvreté maximum des actifs. Au sein des actifs, la situation n'est pas homogène, puisque on peut estimer23(*) que le tiers des chômeurs (c'est-à-dire en recherche active d'emploi) vivent dans un ménage pauvre, ce qui est conséquent.

Mais, si l'emploi reste protecteur, tous les emplois ne permettent pas une protection homogène. On voit grâce à l'Illustration 2 que le niveau de pauvreté est fortement influencé par la Profession et Catégorie Socioprofessionnelle (PCS) de la personne de référence du ménage.

Illustration 2: Taux de pauvreté (seuil à 60%), selon la PCS de la personne de référence du ménage. Source: INSEE, Enquête Revenus Fiscaux 2007

On observe un lien direct entre emploi et pauvreté: si le taux de pauvreté pour les agriculteurs exploitants atteint 24,63% en 2007, il n'est que de 2,67% pour les cadres supérieurs. On remarque qu'après les agriculteurs, ce sont les employés, ouvriers, et travailleurs indépendants qui ont les taux de pauvreté les plus élevés, légèrement au dessus du taux de pauvreté globale. Le travail n'est donc pas toujours protecteur, puisque le quart d'une profession vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté.

Au delà de la PCS, la qualité de l'emploi s'apprécie par le type de contrats. Ainsi, les temps partiels sont bien plus exposés au risque de pauvreté que les travailleurs à temps plein. Pour dépasser le seuil de pauvreté en travaillant (sans prendre en compte les transferts sociaux), il faut travailler au moins 137 heures par mois au salaire horaire net de 6,62€. Une personne travaillant à mi-temps, soit soixante-dix heures par mois, payée au SMIC, ne touche que 463,4€ mensuels, ce qui est loin du seuil de pauvreté. Pour le tiers des personnes en temps partiel, cette situation est subie, c'est-à-dire que les revenus du foyer où les compléments de revenus ne permettent pas d'atteindre un niveau de vie jugé satisfaisant. De même, la forte croissance des flux d'embauches en CDD (70% des embauches se font aujourd'hui en CDD24(*)) ou en intérim contribue à fragiliser l'emploi. Le taux de pauvreté (seuil à 60%) des personnes ayant cumulé emploi et chômage sur une année est de 29% lorsque le chômage est dominant, et de 20% lorsque l'emploi est dominant, alors que lors de la même étude, le taux de pauvreté des personnes en CDI à temps complet était de 4%25(*). La statut du travailleur détermine donc son positionnement vis-à-vis de la pauvreté.

Globalement, le nombre de travailleurs26(*) vivant dans un ménage pauvre est 1,74 millions en 2005. La même année, 3,745 millions de travailleurs avaient un revenu d'activité qui n'atteignait pas le seuil de pauvreté à 60%27(*). En parallèle, l'intensité de la pauvreté avant impôts et transferts, c'est-à-dire sur les revenus primaires (donc issus du travail pour une large part), pour un seuil de pauvreté à 60% du revenu médian, est ainsi de 72,6% en France en 2005. L'écart moyen entre le revenu primaire des individus pauvres et le seuil de pauvreté représente donc 72,6% de ce seuil. Cet écart s'est accru depuis 1985, où il était de 67% du seuil de pauvreté. Les personnes vivant sous le seuil de pauvreté du fait d'emplois peu rémunérateurs ou d'absence d'emploi ont ainsi vu leur situation se dégrader en moyenne entre 1985 et 2005.

Il demeure sans doute préférable aujourd'hui d'être en emploi que d'être inactif si l'on cherche à se prémunir contre la pauvreté. Néanmoins, certains emplois offrent une protection relativement faible, et globalement la situation des travailleurs semble se dégrader.

La distribution primaire des revenus est donc caractérisée par des inégalités et une pauvreté importante. Le travail est un facteur déterminant dans la constitution de ces inégalités ; de même, le travail semble être de moins en moins protecteur à l'égard de la pauvreté. Si l'objectif de la redistribution est de lutter contre les inégalités et la pauvreté, son intervention se trouve ainsi tout à fait justifiée.

* 22 Clerc D., La France des travailleurs pauvres, 2008, Grasset.

* 23 Clerc D. La Paupérisation des Français, 2010, Armand Colin.

* 24 Clerc D., La France des travailleurs pauvres, op.cit.

* 25 In Lagarenne C, Legendre N., « Les travailleurs pauvres en France: facteurs individuels et familiaux », Économie et Statistique n° 335, 2000.

* 26 Au sens de l'INSEE, c'est-à-dire ayant travaillé au moins six mois au cours des douze derniers mois.

* 27 Chiffres issus de l'Observatoire des Inégalités, à la page: http://www.inegalites.fr/spip.php?article905&var_recherche=travailleurs%20pauvres&id_mot=76

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand