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Chroniqueur culturel à  la télévision : un journalisme de marque

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par Benjamin Walter
CELSA - Paris IV Sorbonne - Master 1 Journalisme 2010
  

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2) Le chroniqueur-marque ou la « déterritorialisation »

accomplie

La « déterritorialisation » consiste, selon la pensée de Gilles Deleuze, à « quitter une habitude, une sédentarité. Plus clairement, c'est échapper à une aliénation, à des processus de subjectivation précis »24. A amener un discours dans une autre sphère, à déplacer un objet culturel sur un autre terrain. Dès le début d'une marque, cela devient donc la façon d'opérer pour tous les chroniqueurs culturels, à commencer par le premier supporter auto-proclamé de Deleuze, André Manoukian. Toutes les semaines, par de brillantes mises en abîme, le compositeur-juré de la Nouvelle Star, déclame des hommages absurdes à de grands noms de la philosophie moderne dont Gilles Deleuze en étendard. Il en aura fallu peu pour que « le décalé de service se fasse traiter de philosophe du PAF »25 selon ses propres mots. Ici, nous sommes dans une marque télévisée construite sur un paradoxe de fond. Un paradoxe « situationniste »26, selon les mots de l'intéressé, qui consiste pour la marque à se démarquer de l'émission dans laquelle elle existe. Cela nous renvoie beaucoup plus loin quand on sait qu'à la base de ces phrases, il y a le duo de chroniqueurs télévisés de Libération, Garrigos-Roberts.

 

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Voici l'explication d'André Manoukian :

24 DELEUZE Gilles et GUATTARI Félix, L'Anti-OEdipe, Editions de Minuit, Paris, 1972, p162.

25 MANOUKIAN André, Deleuze, Sheila et moi, Calmann-Lévy, Paris, 2010.

26 Ibid.

27 Chronique Ecrans-Médias, Libération du 9 juin 2009

« Ainsi commençait avec le duo Garrigos-Roberts un jeu de piste situationniste : ils posaient leurs instructions dans le journal et je découvrais le jour même les citations improbables que je devais glisser le soir en direct. Je m'acquittais joyeusement de cette tâche avec, en prime, le sentiment d'accomplir une [double] mission : détournement et transmission ».28

C'est à la fois ce qui fait sa personnalité (avant ce premier « dédéfi » de 2006, la popularité n'avait clairement pas explosé), son label, mais aussi ce qui le fait rentrer paradoxalement dans le moulemême de la déterritorialisation, partagée par tous ses confrères, à savoir apporter son background culturel hyperspécialisé dans le media simplificateur qu'est la télévision. Et surtout développer sa marque télévisée est un moyen de déterritorialiser le discours de Garrigos et Roberts. Au final, ce sera toujours le « média télévision » qui l'emportera par sa faculté de déterritorialiser tout discours en faisant d'un chroniqueur une marque.

Tout chroniqueur culturel est donc interchangeable dans la mesure où il n'est que le véhicule de ladite déterritorialisation. Qui peut le plus, peut le moins. C'est le cas pour l'émission hebdomadaire de cinéma de Canal +, Le cercle29, qui, si elle fait appel à des chroniqueurs récurrents (Aurélien Ferenczi de Télérama ou Marie Sauvion du Parisien), n'hésite pas à faire tourner son équipe chaque semaine. Les chroniqueurs sont donc interchangeables dès lors qu'ils rentrent dans une fonction bien définie de la dramaturgie de l'émission. A savoir, pour Le cercle, les critiques de cinéma « grand public » (Le Figaro, Le Parisien, ...) s'opposent aux « pointus » (Les inrocks, Télérama, ...).

Le risque, avec ce nouveau label, faussement personnel et entièrement télévisuel, étant pour les émissions de trop anihiler les origines et les particularismes de chacun. Et donc d'orchestrer une impression, pour le public, d'un brouhaha diffus. Le romancier Philippe Besson, devenu chroniqueur pour Ça balance à Paris, évoque ainsi son statut nouveau :

« Notre origine se dilue peu à peu, dans l'esprit du

28 Ibid.

29 Emission diffusée sur Canal + Cinéma le vendredi à 22h20 et présentée par Frédéric Beigbeder.

téléspectateur ou de l'auditeur. On devient celui qui donne son avis sur un livre, un film. »30

D'où l'importance capitale de la mise en scène de l'émission dans l'instauration d'une marque. Le label devient en effet une marque à partir du moment où elle est choisie par l'émission pour tenir un rôle, dès lors qu'il y a prise de conscience, aussi bien de la part de la chaîne que du journaliste que celui-ci est devenu un label. Ainsi, une des marques-label de chroniqueurs les plus intéressantes à analyser est celle de Thierry Cheze. Journaliste au mensuel de cinéma Studio Cine Live à la base, l'homme s'est progressivement autonomisé pour devenir un label identifiable sur son seul nom. S'il intervient aussi bien sur TPS Star (Starmag), sur Paris Première (Ça balance à Paris), sur France 2 (Le ciné-club) et sur i<Télé (la chronique cinéma de la matinale du week-end), aucune chaîne (à l'exception de TPS Star) pourtant ne mentionne sa provenance de presse écrite.

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Preuve, si elle en est, que la distinction entre les marques de chroniqueurs s'opère au coeur de l'émission, au centre de son action filmée, plus que sur le terrain uniquement marketing de la recherche de nouveaux labels susceptibles d'attirer des téléspectateurs-clients.

30 Cf annexe 3, entretien avec Philippe Besson, p 45.

31 Thierry Cheze dans Starmag (TPS Star), émission du 15 juin 2010

32 Thierry Cheze dans Ça balance à Paris (Paris Première), émission du 24 avril 2010

33 Thierry Cheze dans le Ciné-club de France 2 en 2006

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