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Stimulants matériels, catégories marchandes et transition au socialisme à  Cuba: 1959-2009

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par Jérôme Leleu
Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine UP3 - Etudes latino américaines, spécialité économie 2010
  

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E/ Cuba depuis les années 1990, Changements structurels et attitude vis-à-vis de la stimulation matérielle toujours non résolue

La crise économique a rendu nécessaire la mise en place de réformes importantes dans le secteur planifié et dans l?économie cubaine dans son ensemble. Son isolement, en méme temps que son faible niveau de forces productives vont amener les dirigeants à ouvrir le pays un peu plus au marché et à donner plus de place aux catégories marchandes pour les échanges et la production au sein de l?économie.

La plus grande place de la loi de la valeur et des catégories marchandes ferait penser qu?une plus large place serait donnée aux stimulants matériels. Si cela s?est produit dans une certaine mesure par l?application de certaines mesures et processus, tel le processus de perfectionnement des entreprises, des résistances se font jour, et la problématique des stimulants matériels reste non résolue dans sa totalité pour les raisons que nous allons rendre compte ici.

1) Le problème toujours non résolu de la stimulation matérielle

a) Dualité monétaire et stimulation matérielle

La légalisation de la circulation du dollar tant dans les échanges entre particulier qu?entre les entreprises est intervenue en 1994. La crise économique a ruiné la confiance dans la monnaie nationale, le Peso Cubain (CUP) pendant la période 1989-1993. Les prix au marché noir, ce dernier s?étant considérablement développé en raison de la pénurie sur le marché étatique, ont augmenté très fortement, et des échanges en dollar ont commencé à se réaliser de

plus en plus. On a donc eu en premier lieu, une dollarisation de facto qui a obligé les dirigeants cubains à légaliser la possession de devises.

En même temps que la dollarisation, une monnaie est créée, le peso convertible (CUC). Celui-ci a remplacé définitivement le dollar en 2004, année de la fin du processus de dédollarisation. Trois monnaies circulèrent donc durant presque dix ans. Or, aujourd?hui, la dualité monétaire continue d?exister. La dédollarisation a permis à Cuba de rétablir une certaine souveraineté monétaire mais l?existence de deux monnaies entraîne encore des distorsions en particulier sur l?inégalité de revenu119.

Dès lors, les entreprises travaillant pour l?exportation (nickel...) et les entreprises mixtes pouvaient avoir des comptes en devises120. Des systèmes de stimulants en devise se sont mis en place. Ils sont généralement mensuels et vont de 10 à 30 CUC par mois. Il arrive parfois que l?attribution de la prime soit automatique. Parfois son obtention est fonction de l?assiduité du travailleur, ou de la production réalisée. Il faut voir que 10 CUC correspondent à environ 240 CUP ce qui est proche du salaire minimum mensuel cubain. Là où par exemple dans les années 1980 les primes (du fonds de salaire ou du fonds de stimulation de l?entreprise) dépassaient rarement 10% du salaire de base, une stimulation de 10 CUC peut doubler un salaire, donc représenter 100% de celui-ci. Pour un salaire moyen (414 CUP en 2008), la stimulation en CUC va représenter 60 à 70% du salaire.

Une autre sphère de l?économie qui permet d?obtenir des CUC est le secteur touristique, où il existe nombre d?entreprises mixtes. Des primes peuvent également être octroyées. Les pourboires des touristes en monnaie convertible peuvent aussi être source d?un revenu important. Parfois, les pourboires doivent être mis dans une caisse commune, et redistribués aux salariés ultérieurement. Ceux-ci dépassent facilement, suivant la période et l?affluence touristique, un salaire moyen. Ils correspondent donc à une première source de revenu que nous pouvons considérer comme non liée à l?effort de travail et à la productivité. Ces deux

119 Aujourd?hui le taux de change entre les deux monnaies est d?environ 24CUP pour 1 CUC. Un économiste cubain me disait à juste titre que l?emploi de « devise » pour parler du Peso convertible n?est pas justifié car il est une monnaie nationale, créé par la Banque Centrale de Cuba.

120 Le fonctionnement de ces entreprises est assez complexe, et nous ne nous engagerons pas dans une étude détaillée. Cela sera l?objet d?une recherche ultérieure.

secteurs, le tourisme et les entreprises dans lesquels il existe une stimulation en CUC, sont un pôle d?attraction pour les travailleurs cubains, qui pourront se procurer plus de biens ou des biens non accessibles en monnaie nationale.

Les remesas, transfert d?argent des cubains vivant à l?étranger, sont une source de revenu considérable pour certains cubains. Les remesas sont bien sûr de la monnaie convertible, et sont complètement déconnectés de la sphère productive. Tous les cubains n?en reçoivent pas et ils sont concentrés seulement chez une certaine partie de la population, ce qui a fortement accrus les inégalités de revenu et de niveau de vie.

Il faut souligner, pour bien comprendre l?enjeu de la dualité monétaire, que l?offre de biens sur le marché étatique s?est considérablement réduite suite à la crise. Bien sür la légalisation des marchés agricoles et artisanaux a permis de combler un peu la pénurie, mais seulement sur les biens de première nécessité (fruits et légumes, viandes, vétements...) et à des prix très supérieur que ceux du marché étatique subventionné. Or, l?on peut trouver des biens dans les magasins en CUC introuvable en Monnaie nationale. C?est le cas par exemple, des réfrigérateurs, micro ondes... qui ne sont plus fournis sur le marché étatique, mais les prix sont très élevés en CUC. Seule une partie des cubains, qui reçoivent des remesas, qui touche des stimulants matériels en devises ou qui travaille dans le tourisme et les entreprises du secteur émergent, peut se fournir sur ces marchés.

b) Regard sur l?évolution de la stimulation matérielle et les différents problèmes de mise en application

Outre la stimulation en « devises » qui s?est créée suite à la légalisation de leur circulation, d?autres formes de stimulation continue d?exister. Tout d?abord, la stimulation en « monnaie nationale » est encore à l?ordre du jour dans les entreprises du secteur d?Etat notamment hors du secteur émergent et du secteur d?exportation. L?accomplissement ou le dépassement du plan est le critère principal, ensuite, des critères d?assiduité et d?économie de matières premières peuvent jouer.

L?octroi d?un panier de biens en nature existe dans nombre d?entreprises, du secteur émergent ou non, par exemple les professeurs d?université en reçoivent. Ce panier comporte généralement, des produits de toilette (parfois juste un savon), d?autres fois des produits alimentaires, dans certain cas cela peut être un peu d?essence. Il est de nature le plus souvent automatique et à un caractère mensuel ou trimestriel. Les départs en vacances pour les travailleurs méritant qui existaient depuis les années 1960, ont quasiment disparus121.

En 2000, 1 158 000 travailleurs avaient reçu des stimulants en devises, 1 990 000 des stimulations en vêtements et chaussures, 700 000 en produits de toilettes et autres et 1 461 000 en alimentation122. Au total, 2 millions de travailleurs auraient bénéficié de ces systèmes de stimulation jusqu?à l?année 2000, ce qui représente moins de 50% de la population active (chiffrée à plus de 4,5 millions en 2000). Ces formes spéciales d?incitations matérielles équivalaient à entre 30 et 50 millions de dollars en 1994, et à entre 80 et 110 millions en 1998 et 2000123. Voici ce que représentait en valeur et en volume la stimulation matérielle au cours des années 1990 :

121 Informations obtenues sur la base d?entretiens, elles sont donc imparfaites mais permettent de décrire principalement des tendances.

122MENENDEZ DIAZ, Manuel, « Algunas consideraciones sobre el tema de la estructura socio clasista en Cuba », Cuba Socialista, No 21, La Habana, 2001. Pour la CEPAL, en 1999, 1,4 Millions de travailleurs recevaient une stimulation en devise. Cf. CEPAL, La economía Cubana: reformas estructurales y desempeño en los noventa, Fondo de cultura economica, México, 2001.

123DOMINGUEZ, Jorge Luis, La economía cubana a principio del siglo XXI, Colegio de México, México, 2007.

Salaire et stimulation matérielle moyenne des salariés

Années

Salaire moyen nominal (pesos)

Salaire + stimulation moyenne nominale (pesos)

Salaire + stimulation moyenne réelle (pesos)

Variation

annuelle
(pourcentage)

1994

185

194

194

 

1995

194

205

232

19,7

1996

202

219

260

12,0

1997

206

224

261

0.2

1998

207

228

258

-1,1

1999

222

246

287

11,4

2000

238

268

320

11,5

2001

252

290

351

9,6

2002

261

309

348

-0,8

2003

273

332

389

11,8

2004

284

350

399

2,6

2005

330

389

427

6,9

2006

386

448

465

9,0

Source. Ferriol (2007) d?après ONE et CEPAL (2000)

Aujourd?hui les mémes types de stimulation existent, mais l?intérêt est de savoir s?ils permettent réellement d?augmenter la productivité des travailleurs. D?après les chiffres ici donnés, on voit que la stimulation n?a pas réellement augmenté si l?on regarde le nombre de travailleurs concernés, (entre 1985 et 2000) par contre, les formes de la stimulation ont quant à eux changé du fait des changements structurels de l?économie. Par exemple, la stimulation va être effective dans les entreprises du perfeccionamiento empresarial, dans les secteurs émergents, dans les UBPC également, mais elle sera difficile à mettre en place dans les entreprises étatiques fonctionnant pour le commerce intérieur et qui restent soumises à des difficultés depuis la crise des années 1990.

Un problème important concernant l?efficacité de la stimulation est son automaticité. Ce que l?on appelle stimulation, ne l?est pas vraiment. Parfois, la prime est automatique au sens propre du mot, il n?y a pas de contrainte. D?autre fois, elle est peu contraignante. Il faut être absent moins de trois fois sans justification au cours du mois pour l?obtenir124. Enfin, il arrive souvent que les personnes distribuant les primes ne rechignent pas à les donner (syndicats...) connaissant les difficultés et les nécessités de certains travailleurs. De plus, le problème du transport peut affecter l?octroi des primes en fonction de l?assiduité et des retards. En effet, si un travailleur doit effectuer un trajet relativement long pour aller à son lieu de travail, et qu?il y a un problème de bus (ceux-ci sont souvent pleins), les primes ne seront pas octroyées pour une cause qui ne relève pas de la mauvaise volonté du travailleur.

Il est certain, vu les chiffres, que les différents types de stimulation représentent une certaine somme d?argent en globalité. La stimulation par travailleur, si l?on prend les chiffres cités ci-dessus représenterait, entre 40 et 55 dollars par travailleur par an, ce équivaut à une somme importante en moneda nacional (environ 1000 Pesos Cubains). Mais l?on voit que ces sommes ne permettent pas une réelle efficacité au niveau de l?effort de travail. Une solution possible serait de supprimer au maximum les systèmes de stimulation sous forme de primes, bonus... automatiques ou non, tout en augmentant les salaires. Ces derniers devraient être liés, là où cela est possible, aux résultats, par le biais d?un salaire aux pièces. Le tout en privilégiant les

124 Cas de l?entreprise de rénovation du centre historique de la Havane.

primes restantes en Peso cubain, dans l?optique d?une élimination de la dualité monétaire à moyen terme125.

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