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Stimulants matériels, catégories marchandes et transition au socialisme à  Cuba: 1959-2009

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par Jérôme Leleu
Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine UP3 - Etudes latino américaines, spécialité économie 2010
  

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2) La chute de l'URSS et les implications pour Cuba

a) Une crise économique très grave pour Cuba

La désintégration de l?URSS et des pays du CAEM, a signifié la fin des échanges commerciaux privilégiés avec ces pays. Le démantèlement du CAEM eût lieu en 1989. Comme nous en avons parlé précédemment, les échanges au sein du CAEM permirent à Cuba d?augmenter ses forces productives, d?élever le niveau de vie de sa population et de maintenir sa spécialisation sucrière, tout en atténuant les erreurs et dysfonctionnements de son système de planification. Cuba a donc du réorienter son commerce extérieur, devait importer tous ses biens en MLC (monnaie librement convertible) et donc à des prix supérieurs (pétrole) et exporter ses produits à des prix inférieurs (sucre). L?année 1993 est le point de chute de la crise cubaine. Entre 1989 et 1993, les exportations et les importations se contractent de 79% pour les premières et de 73% pour les secondes111. La chute du PIB fût de 35% entre ces deux dates. La capacité productive du pays diminua donc fortement. L?approvisionnement en combustibles faisait défaut ainsi qu?en pièces de rechange pour les machines agricoles par exemple. Un secteur très touché par la crise fût celui des transports.

La pénurie de biens entraîna un développement fulgurant du marché noir où les prix atteignirent des sommets. L?Etat assura tout de méme la conservation des acquis sociaux de la révolution au niveau de l?éducation et de la santé, et maintint la carte de distribution (libreta112) même si certains produits, dont la viande, ni figurèrent plus, ou seulement de façon aléatoire. Nous avons donc assisté à une dégradation des conditions de vie de la population. Méme s?il n?y eu pas de famine (comme en Corée du nord), des cas de disette entraînant sous nutrition et malnutrition ont pu être constatés.

111 HERRERA, Rémy(Dir), Cuba révolutionnaire tome 2 : économie et planification, Op.cit.

112 La libreta donne le droit à tout cubain de se procurer certains biens de première nécessité à des prix administrés très bas. Les quantités et les produits sont différents selon les endroits, entre la Havane et la campagne par exemple. Tous les enfants de moins de 7 ans disposent ainsi d?un litre de lait par jour. A la Havane, à la fin de l?année 2009, la libreta donnait droit à une livre de riz, une once de haricot noir, un demi litre d?huile, 10 oeufs par personne et par mois. On trouve également du café, des cigarettes. Les produits d?hygiène (pâte dentaire, savon corporel et pour nettoyer le linge) ainsi que la viande (essentiellement poisson, poulet et picadillo) sont disponibles de façon aléatoire.

Le salaire réel diminua également fortement en raison des hausses de prix, de 188 pesos en 1989 à 19 pesos en 1993 en pesos de 1989113, ce qui fit surgir des cas de pauvreté plus ou moins important malgré la volonté de l?Etat de continuer d?assurer le bien être de la population. Le salaire réel en 2009 n?a toujours pas atteint son niveau de 1989 et de loin, malgré que le salaire nominal soit passé de 188 pesos en 1989 à 414 en 2008114.

Le PIB, lui, a retrouvé son niveau de 1989 seulement en 1999. Les réformes économiques ont permis à Cuba de refaire partir son économie, la croissance redevient positive en 1994, méme si le rattrapage par rapport à 1989 n?est pas opéré dans tous les domaines. Cuba a également du trouver de nouveaux partenaires économiques fiables qu?elle a trouvé essentiellement avec la Chine et certains pays d?Amérique latine qui ont des gouvernements de gauche hostiles aux Etats-Unis depuis les fin des années 1990 comme le Venezuela et la Bolivie115. Mais ces échanges sont sans commune mesure comparable avec ceux existant à l?époque du CAEM.

Bien sûr, durant ces quatre années de vache maigre, l?attention portée au niveau des stimulants matériels se réduisit, voire méme disparut. L?essentiel étant de faire fonctionner les entreprises, dont beaucoup fermaient du fait, par exemple, d?un manque flagrant de combustibles et de pièces de rechange pour le matériel productif.

b) Réformes et ouverture partielle au marché

C?est à partir de 1993 que des mesures économiques vont être mises en place afin de relancer l?économie. En premier lieu, le tourisme va être promu en tant que dynamiseur de l?économie En 2000, il rapporta 40% des devises de l?Etat116. Au sein du marché noir et du

113VIDAL, Pavel « La Inflación y el Salario Real », Economics Press Service no. 6, IPS, febrero de 2007, La Habana.

114 Idem.

115 En 2004, füt crée l?ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques) sous l?impulsion du Venezuela. Cuba füt un des premiers signataires. Elle vise à des échanges solidaires entre les pays d?Amérique latine à fin de développement social et structurel. Aujourd?hui 7 pays en font partie. Par exemple Cuba envoi des médecins et des maîtres dans les quartiers défavorisés du Venezuela, et ce dernier vend du pétrole à Cuba à des tarifs préférentiels.

116 EVERLENY PEREZ VILLANUEVA, Omar (compilador), Reflexiones sobre la economía Cubana, Editorial de ciencias sociales, La habana, 2006.

fait de la forte inflation, la confiance dans le Peso s?est effritée, et une masse importante de dollars circulait dans la population. En réponse à cette dollarisation de facto, les autorités cubaines vont choisir de légaliser le dollar pour la population mais également pour les entreprises, notamment pour celles basées sur l?exportation, car le monopole du commerce extérieur de l?Etat fut également supprimé.

Il est important de revenir sur la suppression du monopole du commerce extérieur sur l?Etat. Evidemment Cuba a besoin d?exporter pour pouvoir importer, du fait d?un faible développement du marché interne, la crise ayant de plus entraînée une grave pénurie. Mais comme l?avait souligné Préobajensky117, durant la NEP en URSS, une des forces de l?accumulation socialiste primitive contre l?influence de la loi de la valeur était le monopole du commerce extérieur contre les vagues du marché mondial. Cuba sans ce monopole serait donc plus sujet aux attaques de la loi de la valeur. Ceci serait un thème plus spécifique à traiter à travers les échanges extérieurs cubains, mais qui pourrait nous en dire beaucoup sur la supposée transition au socialisme à Cuba.

En 1994, les marchés libres paysans seront également autorisés. Ils n?entraîneront pas la fin du marché noir, mais permettront de faire diminuer les prix sur ce dernier. Le travail à compte propre sera autorisé pour des activités comme chauffeur de taxi, chambre d?hôtes... Les Investissements Directs à l?Etrangers (IDE) seront également autorisés, dans la limite d?une participation de 50% dans une entreprise, l?autre partie étant conservée par l?Etat Cubain.

Dans l?agriculture aussi, des changements important ont eu lieu, de nombreuses Fermes d?Etats ont été transformées en Unité Basique de Production Coopérative (UBPC), et au début des années 2000, une restructuration a eu lieu dans le secteur sucrier, celui-ci n?étant plus le secteur le plus important de l?économie cubaine. Les centrales les moins rentables ont été utilisées à d?autres fins (diversification agricole, reforestation).

117 PRÉOBAJENSKY, Eugène, La nouvelle économique, Op.cit.

En ce qui concerne les UBPC, celles-ci, se forment donc sur une base coopérative, différente tout de même des CPA (coopérative de production agricole) existant à Cuba depuis les années 1970. Au sein d?une UBPC, la terre reste propriété de l?Etat, mais les moyens de production sont la propriété des groupes de travailleurs, et elles sont basées sur l?autonomie financière. La rémunération doit portée sur la qualité et la quantité de travail. Il y a donc plus de souplesse de décisions.

Une conséquence importante due à la crise et aux réformes appliquées pour la résorber, est l?augmentation des inégalités. En effet, Cuba avant 1989 était considérer comme un des pays les plus égalitaires du monde. Les différences entre les plus hauts revenus et les plus bas allaient de 1 à 4 voir moins selon certaines estimations. Au cours des années 1990 et en 2000 la différence est largement plus élevée, de 825 à 1 en 1998 et de 12 500 à 1 en 2002118. Cette augmentation provient surtout de la légalisation du travail à compte propre qui permet à une certaines franges de la population d?obtenir des revenus élevés, parfois en monnaie convertible (voir infra), et également par la légalisation de l?envoi de devises de l?étranger qui profitera à une certaine partie de la population.

Nous avons assisté à des changements structurels importants depuis le début des années 1990 à Cuba. Les rapports marchands ont donc été largement augmentés dans le système économique du pays. Mais la construction du socialisme est toujours le but proclamé du pays, comme Raul Castro l?a rappelé lors de son discours du 1er aout 2009. Ces rapports marchands, l?utilisation plus ample de la loi de la valeur ont donc été une nécessité pour la relance de l?économie, et pour le moment, leur disparition et méme leur atténuation n?est pas à l?ordre du jour, du fait que le rattrapage économique de la période d?avant crise n?est pas tout à fait résolu et du relatif isolement de Cuba au niveau international en tant que pays en transition vers le socialisme.

Mais si l?on regarde l?ouverture au marché et à la loi de la valeur, elle s?est plutôt réalisée sur l?extérieur, l?étranger (fin du monopole du commerce extérieur, IDE, tourisme) mais peu sur le plan intérieur. Bien qu?il y ait l?ouverture des marchés agricole paysans, la légalisation

118 MESA LAGO, Carmelo, Economía y bienestar social en Cuba a comienzos del siglo XXI, Colibrí, Madrid, 2003.

du travail à compte propre, la création des UBPC, ces mesures relèvent de la stricte nécessité, et la reprise économique a surtout voulu être réalisé par l?extérieur peut être au détriment de la revitalisation interne de l?économie (laisser plus de place à la petite exploitation paysanne privée, ainsi qu?à l?artisanat privé).

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