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Stimulants matériels, catégories marchandes et transition au socialisme à  Cuba: 1959-2009

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par Jérôme Leleu
Institut des Hautes Etudes de l'Amérique Latine UP3 - Etudes latino américaines, spécialité économie 2010
  

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2) Planification et stimulation matérielle en Chine durant la première période de la révolution chinoise (1949 - 1978).

a) Orientation générale de la Chine au niveau de la planification et des stimulants matériels suite à la révolution de 1949

La période où la Chine souhaitait encore construire le socialisme apparaît loin maintenant, depuis le tournant économique de 1978. Pourtant le mode de planification et d?édification des nouveaux rapports sociaux paraissait original et peut être plus adapté à une étape de transition.

En effet et nous le verrons plus tard, le débat économique cubain peut refléter au premier abord une dichotomie entre d?un côté les partisans d?une centralisation des décisions forte quirejetterait les stimulants matériels, et les partisans d?une plus large autonomie des unités

économiques qui favoriserait des rémunérations liées au travail fourni afin d?intéresser le travailleur à la production et donc en améliorer l?efficience.

Le cas chinois n?est pas homogène sur toute la période mais va nous permettre de réfléchir et de prendre un exemple plus concret pour le cas cubain qui sera étudié plus en profondeur. La grande particularité de la transition au socialisme en Chine était une volonté de participation massive de la population aux décisions et en particulier au niveau de l?élaboration du plan.

Par exemple jusqu?aux années 1960, il y avait trois étapes dans l?élaboration du plan :

a) rédaction par le centre (comité central du PCC) d?un projet de plan transmis à la périphérie,

b) élaboration du plan par la périphérie en fonction du plan du centre,

c) élaboration par le centre du plan définitif.

Nous voyons que la base (à l?échelle de l?entreprise, du municipe ou de la province) avait déjà une certaine participation. Au début des années 1960, l?étape a) fut supprimée et c?est donc de la base que partait directement l?initiative du plan. Ceci montrait qu?il y avait une :

« Reconnaissance qu'à l'heure actuelle le centre ne dispose pas d'une connaissance assez rigoureuse de la vie et des possibilités des unités de production pour pouvoir leur envoyer des chiffres de contrôle scientifiquement fondés »45.

Au niveau de la rémunération, le salaire aux pièces était banni de l?économie chinoise. L?éventail des salaires était très resserré (de 40 à 250 Yuans) et «il était considéré normal qu'un ouvrier au huitième échelon gagne plus que le directeur ». Mais il existait tout de même des primes qui variaient entre 3 à 8 Yuans par mois, soit entre 6 à 10 % du salaire sachant qu?il n?y avait pas de primes pour les cadres et le personnel administratif. 70 à 80 % des travailleurs touchaient des primes qui étaient basées sur le dépassement du plan mais également sur l?attitude face au travail qui était discuté en assemblée d?équipe.

Au sein des communes populaires46 il existait deux types de rémunération :

- le système des points de base : calculé selon une grille des salaires. La rémunération se faisait à la qualification et au temps et était discutée par les collectifs de travailleurs. La classification était revue fréquemment (tous les semestres).

- un système de normes de travail : fixées en assemblée d?équipe selon la quantité et la qualité du travail.

45 BETTELHEIM, Charles, MARCHISIO, Hélène, CHARRIÈRE, Jacques, La construction du socialisme en Chine, Op.cit.

46 La commune populaire présente d'importantes différences avec les coopératives socialistes. Elles sont d'une taille beaucoup plus grande et prennent également en charge des activités non agricoles ; sa direction est considérée comme un pouvoir d'État ; la distribution de la nourriture doit s'y faire en fonction des besoins -- principe communiste --, et pas seulement en fonction du travail et du système des « points » ; enfin, les lopins privés disparaissent : toute la terre, y compris les arbres, est collectivisée. Seuls restent propriété privée quelques animaux.

Ces types de rémunération furent mis en place au vu de l?échec de la rémunération au temps au moment de la formation des coopératives au début de la révolution.

La période de transition chinoise restait tout de même caractérisée par une répartition selon le travail fourni. Les auteurs affirmaient tout de même que l?avance des rapports de production sur les forces productives ne serait pas un frein au développement, mais un facteur objectif de progrès des forces productives.

Un autre point important est le type de planification adopté. Nous avons déjà mis en lumière certains aspects, parlons maintenant du rôle de la rentabilité et du profit. La participation des masses à l?édification du plan suggère un certain degré de décentralisation des décisions. De plus le fonctionnement des entreprises de production et des entreprises commerciales sur la base de l?autonomie financière et de la rentabilité est reconnu.

« ,Il s'agit d'assurer que le système des prix et des salaires du secteur productif soit tel que le fonctionnement de ce secteur fasse apparaître un surplus économique d'une ampleur suffisante pour que soit assuré le financement de l'accumulation et des dépenses improductives fixées par le plan. »47

Le but est donc d?assurer une rentabilité aux entreprises et donc de leur créer un surplus économique. Mais le rôle de stimulant du profit est rejeté. Le fonds de l?entreprise (partie des bénéfices) ne sert pas à la répartition des revenus individuels. Le profit ne joue donc pas le rôle de stimulant matériel tout au moins sur le plan individuel. En effet l?utilisation du fonds, par exemple pour l?amélioration du bien etre collectif, peut jouer un certain rôle de stimulation du collectif du travail.

La Chine était caractérisée par la centralisation quasi complète des bénéfices réalisés dans le secteur d?état (33% en URSS étaient laissés à disposition des entreprises), cette

47 BETTELHEIM, Charles, MARCHISIO, Hélène, CHARRIERE, Jacques, La construction du socialisme en Chine, Op.cit.

centralisation était elle-même liée à la faible importance attribuée aux mécanismes de la stimulation matérielle.

Une large part était accordée aux stimulants non économiques et collectifs. Il y avait une reconnaissance sociale du collectif de travail, de son abnégation, de son courage et de son dévouement. Le principe « à chacun selon son travail » était appliqué mais celui-ci pouvait se distinguer - chose importante - des stimulants matériels. Pour Bettelheim et Charrière, du point de vue de la répartition des revenus, le stakhanovisme et plus généralement le système des salaires progressifs aboutissaient à des inégalités plus grandes que celles découlant du principe « à chacun son travail ».

Il existait donc peu de stimulation matérielle (primes...) et si elle n?était pas totalement rejetée, son rôle temporaire était strictement limité aux domaines où le refus de l?admettre aurait conduit à la baisse ou à la stagnation de la production.

b) Révolution culturelle et grand tournant économique

L?orientation générale de donner plus d?autonomie et d?initiative locale par la décentralisation de la gestion des entreprises d?État date de 1957 (Grand bond en avant). A partir de 1966, débute la « révolution culturelle » au cours de laquelle des modifications organisationnelles vont avoir lieu dans les entreprises afin d?accroître la pouvoir de décisions des travailleurs. Un plus grand travail idéologique vers les masses sera effectué afin d?avancer plus vite vers le communisme et de lutter contre les lignes politiques bourgeoises. Cela passait par exemple par le remplacement des directeurs d?entreprises, par la volonté de diminuer la séparation entre travail manuel et travail intellectuel...48

Le troisième livre de Bettelheim sur la Chine date de 1978, juste avant le Grand tournant économique initié par Ten Xiaoping et juste après la mort de Mao Tsé Toung49. Il démontre la

48 Cf. BETTELHEIM, Charles, Révolution culturelle et organisation industrielle en Chine, Op.cit.

49 BETTELHEIM, Charles, Question sur la Chine après la mort de Mao Tsé Toung, François Maspero, Paris, 1978.

remise en cause (dans la pratique mais pas forcément dans les discours) des avancées ou tentatives d?avancées de la révolution culturelle. La séparation entre travail intellectuel et travail manuel est délaissée, le contrôle hiérarchique est mis en avant tout comme le primat du rôle de la production et du profit « afin de créer plus de richesses pour le socialisme ». Ce schéma est vide de sens selon Bettelheim si l?on usurpe le pouvoir de la classe ouvrière.

On assiste également à nouveau au recours aux stimulants matériels, en particulier du salaire aux pièces et à une plus grande importance des primes au nom de l?accélération de la croissance des forces productives et de l?augmentation de la productivité du travail, c'est-àdire des arguments purement économistes et productivistes. C?est donc un retour du primat du développement des forces productives afin de renforcer la base matérielle pour la consolidation de la dictature du prolétariat. Bettelheim dénoncera cette application mécaniste que les forces productives déterminent les rapports de production.

« Tout cela aboutit à substituer la lutte pour la production à la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie50 et à préconiser que la lutte pour la production soit dirigée par les experts et les techniciens. En suivant cette voie, on ne peut que renforcer la division capitaliste du travail et les rapports de production capitalistes non encore détruits.51 »

Pour l?auteur, le revirement idéologique de 1976-1978 n?est pas dû à des nécessités économiques car les résultats de la période 1966-1976 sont « plutôt positifs » mais ses racines proviendraient d?un changement dans les rapports de classes, dont la ligne révisionniste bourgeoise est sortie victorieuse. Au vu du développement de la Chine jusqu?à aujourd?hui on peut penser que Bettelheim ne s?est pas trompé et que la méme ligne politique est encore au pouvoir. Et malgré l?essor économique important il est difficile de penser que la Chine est train de développer ses forces productives pour construire le socialisme.

50 Bettelheim rappelle que les tendances bourgeoise au sein du PCC était assez importante voire plus importante que la ligne révolutionnaire.

51 BETTELHEIM, Charles, Question sur la Chine après la mort de Mao Tsé Toung, Op.cit.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault