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Le français et la diffusion du français dans la musique punk/hardcore

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par Jean-Baptiste LIVET
Université Aix Marseille - Master 2 coopération linguistique et éducative 2010
  

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1.2 « Mouvement Culturel » et « Diffusion »

Difficile de définir un mouvement culturel puisque c'est une notion qui associe deux termes.
Toutefois elle apparaît dans les deux définitions du mot « punk » données plus haut, et il faut donc
nous situer par rapport à cela. Quant à la diffusion, c'est le thème principal de ce mémoire et bien

que sa signification semble évidente, il convient de cadrer l'ensemble de notre réflexion au niveau sémantique.

Pour définir ces mots-clés, nous nous appuierons sur deux sources bien différentes mais complémentaires : Le Trésor de la Langue Française et le « Robert Plus » de 2007. La première est un dictionnaire sur internet très complet et parfois même trop, où l'on se perd vite dans les exemples et les hyperliens, mais il permet au moins de faire le tour de la question sans passer à côté d'une éventuelle signification plus rare des termes recherchés. La seconde est un dictionnaire papier, beaucoup plus simple et, là encore, parfois même trop. On a donc un point de vue nettement plus concis qui va droit au but.

De ces deux sources nous ne citerons que les passages pertinents dans le cadre de notre recherche.

Selon le Trésor de la Langue Française :

MOUVEMENT : Action collective qui vise à infléchir une situation sociale ou politique. Mouvement de grève; mouvement d'insurrection.

e) Groupement, parti, organisation qui animent des actions visant au changement politique ou social. Mouvement politique, syndicaliste; mouvement de résistance, de libération; mouvement fasciste, réformateur; mouvement de libération de la femme.

Et aussi :

Déplacement en groupe de personnes ou d'animaux ayant adopté un même comportement sous l'effet de causes diverses. Mouvement de foule; mouvements de migration de certaines espèces animales : on peut estimer que les progrès démographiques de la république de Géorgie sont largement dus à la natalité des autres nationalités; et que le poids croissant des Géorgiens dans la république est davantage l'effet de mouvements migratoires que celui d'un progrès de la natalité. H. CARRÈRE D'ENCAUSSE, L'Empire éclaté, Paris, France Loisirs, 1979 [1978], p. 66.

P. ext. Animation, remue-ménage, agitation : la famille royale se dispersera dans le mois prochain, ainsi qu'une partie du corps diplomatique, et du mouvement le plus rapide nous allons passer au repos le plus complet. CHATEAUBR., Corresp., t. 2, 1821, p. 234

.

CULTUREL : En parlant d'associations, de moyens de communication] Qui diffuse de la culture.
Groupements familiaux, professionnels, culturels, sportifs, artistiques, religieux (RICOEUR, Philos.

volonté, 1949, p. 141). Quelques camarades qui l'aidèrent à organiser à Reuilly un premier centre culturel (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 180)

Et Selon le « Robert Plus » 2007 :

MOUVEMENT : fig. 1 Changement, modification. Les mouvements de l'âme, mouvement d'opinion. 2 Action collective (spontanée ou dirigée) tendant à produire un changement social. Mouvement de grève. Organisation qui mène cette action. Mouvement syndical, artistique.

CULTURE : Ensemble des aspects intellectuels, artistiques d'une civilisation. La culture orientale. Ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines. Nature et culture.

En associant ces différentes assertions, nous gloserons en affirmant qu'un « mouvement culturel » est une action artistique collective. Dans le cadre du punk/hardcore, étant donné la dimension sociale de son discours et de ses moyens de diffusion indépendants, nous rajouterons l'aspect intellectuel de la chose visant à bousculer l'ordre établi, et à agir de manière parallèle à celui-ci.

Parce qu'il implique plusieurs personnes dont beaucoup de musiciens, mais aussi de journalistes et de cinéastes, et parce qu'il prend position sur des questions de société (et l'on peut voir que les 2 définitions de « culture » utilisent le mot « société ») et de politique, le punk/hardcore est bien un mouvement culturel.

Blanchet et Coste 2010 disent quant à eux, que la culture est un « ensemble d'oeuvres patrimoniales et/ou de stéréotypes nationaux ».

Cette définition nous permet de mettre en avant le fait que le punk/hardcore est un mouvement culturel transnational et qui ne peut donc pas rentrer dans des « stéréotypes nationaux ». Musicalement parlant, un groupe français ne sera pas très différent d'un groupe japonais, et si les deux chantent en anglais, alors la nationalité du groupe sera tout simplement indécelable. L'appartenance au mouvement prend alors le pas sur la nationalité et efface les frontières. On se retrouvera plus dans cette définition donnée par M. Abdallah-Pretceille en 2003 : « Les cultures se définissent moins par rapport à une somme de caractéristiques et de traits communs que par rapport aux relations et interactions entretenues entre les individus et les groupes. Le temps n'est pas aux nomenclatures ni aux monades mais au contraire aux bigarrures, aux métissages, aux transgressions car chaque individu a la possibilité de s'exprimer et d'agir en s'appuyant sur des codes de référence

librement choisis ».

Si dans bon nombre de situations on peut mettre en doute le libre choix de ses codes de référence (pour les sociétés très religieuses par exemple), cela s'applique en revanche parfaitement pour la culture punk/hardcore, dont les membres ont tous choisis à un moment de leur vie de s'affranchir des codes imposés par la société et la culture ambiante pour faire partie de cette culture internationale et marginale.

DIFFUSION :

Selon le TLF : Action de transmettre, de propager et résultat de cette action.

1. Action de propager une idée, des connaissances, des techniques ou de distribuer un bien dans un large public et résultat de cette action. Diffusion de la culture, du français à l'étranger; diffusion de la richesse. La résistance, souvent violente, des français à la diffusion du protestantisme (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 153).

2. [En parlant d'un ouvrage imprimé, d'un journal, d'un tract, etc., et, p. ext., d'un disque ou d'un film] Action de le distribuer dans le public. Tu as eu tort, ma chère amie, de favoriser la diffusion de la Croix dans le département (FRANCE, Bergeret, 1901, p. 265) :

Selon le « Robert Plus » 2007 : Action de diffuser, fait de se répandre. ? DIFFUSER : 1. Répandre dans toutes les directions. 2 Transmettre par la radio, la télévision. 3. fig. Répandre dans le public. Diffuser une nouvelle.

Deux notions essentielles ici pour notre objectif de diffusion : « répandre » ou « propager » et « public ». Nous avons un objet à propager, la langue française, dans le cadre des journées de la francophonie, à un public, celui présent au concert.

Il faut toutefois nuancer ce propos, dans la mesure où je revendiquerai à plusieurs reprises dans ce mémoire, le fait que la langue française ne doit pas selon moi être l'objet de la propagation d'un message (« Il faut parler français et défendre cette langue ») mais le canal, le moyen de propagation d'un message («Ce message que je vous fait passer, je l'énonce en français »).

La notion de public est par contre essentielle : pour propager un message il faut au moins un locuteur et un destinataire. Mais plus le nombre de destinataires est élevé, plus le message est propagé.

Toutes ces définitions nous permettent de mieux cerner la problématique du français et de la diffusion du français dans le mouvement culturel punk/hardcore. Cette culture ou ce pan de la culture (qui inclut donc principalement un style de musique, mais aussi l'édition de fanzines, l'organisation de spectacles vivants, la création visuelle à travers les affiches et les pochettes de disque) permet donc la diffusion d'un discours, d'une façon de penser et/ou de vivre à travers les langues qu'utilisent ses membres et ses acteurs.

2) Présentation de la scène punk/hardcore

Cette étude de cas ne s'intéresse donc ni à une zone géographique, à une classe sociale ou à une classe d'âge mais à un mouvement culturel international et nécessite comme les autres un rappel historique. Nous allons donc tenter de résumer 35 ans de punk.

La musique punk est née à Londres en 1976 avec des groupes aujourd'hui entrés dans l'histoire du rock comme the Clash, the Sex Pistols, The Damned ou The Buzzcocks. Pour beaucoup, le mouvement s'est éteint aussi vite qu'il avait surgi, en 1978, avec la mort du bassiste des Sex Pistols Sid Vicious. D'ailleurs, l'un des ouvrages les plus complets sur cette période (« Punk. » de Stephen Colegrave et Chris Sullivan) affirme que « L'ironie du punk, c'est qu'à peine baptisé et défini, il cessa d'exister. »

« You can kill the protester But you can't kill the protest » (Anti-Flag)

Alors, si les groupes précurseurs de Londres n'étaient effectivement plus d'actualité dans les années 80, la révolte et la musique punk avaient toutefois eu le temps de se propager, notamment aux EtatsUnis, chez une jeunesse tout aussi révoltée. Après Thatcher en Angleterre, l'Amérique connaissait l'ultra-conservatisme de Reagan. Les punks de Londres avaient montré que l'on pouvait former un groupe de rock sans être un virtuose de la musique, mais étaient gérés par des managers qui s'occupaient de la distribution, de la production, du merchandising des groupes. Les jeunes américains du début des années 80 prouveront qu'en plus de faire soi-même de la musique qui nous ressemble, on peut aussi créer des réseaux de production de disques et d'organisation de concerts :

c'est la naissance du Do It Yourself, ou DIY, Fais-le toi même, avec des groupes comme Dead Kennedys (et le label Alternative Tentacles), Bad Religion (dont le guitariste Brett Gurewitz créera vite Epitaph records, aujourd'hui l'un des plus gros labels indépendants du monde) ou encore Black Flag. En 1981, le groupe canadien DOA sort un album intitulé « Hardcore 81 », et le terme noyau dur, « hardcore » perdurera pour désigner ce mouvement musical alternatif.

Dans le même temps, au Royaume-Uni, naît (déjà !) le mouvement « punk's not dead » avec les groupes Exploited et GBH qui poussent la provocation encore un peu plus loin avec des looks toujours plus extrêmes (crêtes colorées, blousons cloutés) et surtout une musique plus brutale et rapide avec des paroles simples au slogans sans ambiguïté (« I believe in anarchy », « I hate cop cars »). Parallèlement, des groupes comme Crass ou Discharge à Londres créent le mouvement « Anarko-punk », plus politique que musical, et prônant un rejet total de la société telle que nous la connaissons : c'est le début des squatts, du mouvement « vegan » (végétalien) et de la musique crust.

La France voit quant à elle naître le « rock alternatif » (voir chapitre « punk en France »).

Depuis, avec des hauts et des bas, le mouvement punk/hardcore est actif sur la quasi-totalité de la planète, de l'Argentine au Canada, de l'Espagne jusqu'au Japon, même l'Indonésie ou la Malaisie produisent des groupes. Diverses branches musicales se sont créées (post-punk, crust, pop-punk, psychobilly, grindcore, emocore, garage, et pléthore d'autres sous-sous-genres), et par souci de simplification, nous utiliserons les termes punk ou hardcore suivant les groupes, et punk/hardcore pour désigner la scène dans sa globalité. Aussi, de nouvelles structures ont vu le jour, de nouveaux groupes ont pris le relais. Quand on parle de la culture punk (incluant donc non seulement la musique mais également des films, livres, magazines ou sites internet ainsi que d'un certain positionnement politique) on ne s'arrête donc pas à un pays ni même à un continent, et on ne désigne pas non plus une classe sociale (comment pourrait-on confondre la classe ouvrière anglaise et la classe ouvrière colombienne ?). Il s'agit d'une « supra-culture », liant des gens du monde entier autour d'un mouvement culturel.

Cette idée de DIY a fait des émules, et aujourd'hui la scène fonctionne en circuit fermé, indépendamment des salles de concerts et de l'industrie (déclinante) du disque. Il est donc facile de trouver un café concert, de faire quelques affiches, de contacter quelques groupes et d'organiser soimême un concert, sans subvention et sans sponsor. En général, conscients de cette situation et eux-

mêmes habitués à ce style de fonctionnement, les artistes ne demandent pas beaucoup d'argent pour se produire et fournissent une partie du matériel de son.

Cela permet au mouvement de rester en dehors du système de subventions et la baisse ou la hausse des aides publics en matière de spectacle vivant n'a guère d'incidence sur la fréquence des concerts punks, là où les grosses structures vivent sous perfusion des collectivités. Ainsi François Benhamou, dans « L'économie de la culture » en 2011 nous apprend que «L'Etat verse environ le tiers des aides publiques aux grandes structures de création et de production (centres dramatiques nationaux et régionaux, orchestres, opéras) et les collectivités locales les deux tiers. Les recettes propres excèdent rarement 30% du budget (15% pour les orchestres permanents) ». Pour mon concert les recettes propres ont représenté 230€ d'entrées + 30€ du bar soit 260€ sur un total de 360€ (même si le budget initialement prévu était de 450€), soit 72% du budget.

Pour de plus amples informations sur la situation économique du spectacle vivant en France, consulter le rapport au ministre de la culture de Bernard Latarjet, « Pour un débat sur l'avenir du spectacle vivant », Paris, 2004.

Ce fonctionnement basé sur l'initiative privée (et donc très souvent sur l'amateurisme) comporte également son lot d'inconvénients : qualité souvent très moyenne du son (Brigitte Bop : « En concert, on présente souvent les morceaux, mais c'est surtout prétexte à une blague ou à la présentation du refrain, pour pallier la faible qualité sonore »), la promotion est parfois mal assurée par les organisateurs s'ils ne sont pas habitués ou si les groupes ne les intéressent pas (et dans ce cas là ce sont ces derniers qui sont lésés), non-reconnaissance par les professionnels du spectacle vivant, beaucoup de difficultés pour les musiciens à devenir intermittents, et en ce qui me concerne accès impossible à des données chiffrées officielles.

On arrive quand même à trouver bon nombre de formations, de productions et d'évènements amateurs de grande qualité, ainsi : « Le développement des pratiques amateurs met parfois à mal la frontière qui sépare le monde des amateurs de celui des professionnels. [...] Cette particularité du mode de socialisation professionnelle des artistes se manifeste notamment dans les musiques populaires, du rock au rap, en passant par les musiques électroniques. Le brouillage des frontières est redoublé par les progrès de l'informatique musicale, qui offrent à l'ensemble des musiciens amateurs des possibilités techniques naguère seulement réservées aux professionnels [...]. » (Philippe Coulangeon, « Sociologie des pratiques culturelles », 2005).

« La première fois que je croise la route du punk, c'est quand on me met une affiche dans mon salon
de coiffure, Rock Hair, rue de la Ferronerie : une affiche qui annonce un concert des Sex Pistols au

Chalet du Lac. Une affiche qui ne ressemblait pas à une affiche. Avec des lettre découpées. Il y a dû avoir au maximum dix affiches dans Paris. Des affiches fabriquées à la main. Et je me dis : là il se passe un truc. Je décide donc d'aller au Chalet du Lac. Et là, je vois mon premier concert punk. Il devait y avoir moins de 100 personnes. »

Rocky, coiffeur punk et premier manager de Métal Urbain.

Il en va de même pour l'édition (et le visuel en général), dominée par les « fanzines » amateurs dont le plus célèbre est Maximum Rock'n Roll, basé à San Fransisco, crée en 1982 et qui existe toujours. Depuis l'apparition du punk en 1976, les fanzines et les affiches en noir et blanc font partie intégrante du mouvement.

Enfin, il faut savoir que généralement les paroles sont très importantes dans ces styles musicaux, où l'engagement est bien vu, et où les paroles doivent le laisser transparaître. De même l'intégrité artistique est essentielle pour qu'un groupe puisse se considérer et être considéré par ses pairs comme « punk ».

La musique peut être de la meilleure qualité qui soit, si le groupe chante des chansons d'amour « fleur bleue » dans une soirée promotionnelle pour un supermarché ou une marque de chaussure, c'est le bannissement assuré de la scène punk. C'est pourquoi les groupes « mainstream » (célèbres et diffusés en radio et télévision) comme Green Day ou Blink 182, musicalement punks, sont reniés par la grande majorité des gens de la scène, aux Etats Unis comme en Europe : ils sont maquillés, distribués par Universal Music ou une autre maison de disque « Major » (par opposition aux labels indépendants comme ceux cités plus haut), tournent des clips pour MTV et vont jouer en Irak pour les Marines américains. Il serait trop compliqué de rentrer dans la polémique « qui est punk et qui ne l'est pas », mais il faut simplement garder à l'esprit qu'être une star, même avec des cheveux rouges, des tatouages et des blousons à clous, n'est absolument pas punk. A ce titre, si les Sex Pistols (qui avaient un manager et ont sorti leur unique disque sur EMI) faisaient la même chose aujourd'hui, ils seraient haïs par les punks. Aujourd'hui encore, ce groupe est au centre de tous les débats à cause de ça.

3) Punk en France

« Il ne faut pas croire que c'était un mouvement énorme. Ce n'était qu'une poignée de gens, le punk en France. »

Marc Zermati, producteur et gérant de l'Open Market, premier disquaire punk à Paris.

Pour une fois, la France n'était pas trop en retard dans le mouvement punk, d'ailleurs le tout premier festival punk a eu lieu en France, à Mont de Marsan le 21 août 1976 avec à l'affiche notamment Eddie & the Hot Rods et the Damned. Paris accueillera également un concert des Sex Pistols le 3 septembre de la même année.

Quant aux groupes, le critique rock Patrick Eudeline fonde dès 1978 le groupe Asphalt Jungle, Starshooter voir le jour à Lyon un an plus tôt. Mais c'est surtout Metal Urbain qui restera dans l'histoire, car grâce à son 45 tours « Paris Maquis » sorti le 14 février 1978, il deviendra le premier et à ce jour unique groupe français à être invité dans les studios de la BBC pour les fameuses « John Peel Session ».

Le mouvement est donc présent en France dès ses débuts, et avec des groupes qui chantent en français. Malheureusement cette première vague (qui sera restée très marginale et ne regroupe que quelques dizaines d'initiés dans le pays) ne sera qu'un feu de paille. Il faudra attendre le début des années 80 et la naissance du mouvement alternatif pour voir arriver une nouvelle génération de groupes, qui choisiront eux aussi le français pour s'exprimer.

De ce mouvement alternatif, grâce auquel naîtront les structures nécessaires au développement d'un mouvement musical (labels, fanzines, café concerts, studios) retenons deux groupes majeurs : Bérurier Noir et Mano Negra.

Les premiers resteront toujours fidèles aux principes d'indépendance et d'autogestion du mouvement punk ainsi qu'à une musique minimaliste (guitare/boîte à rythme/voix), les seconds connaîtront le succès populaire en signant sur Virgin et s'éloigneront petit à petit de la scène en ajoutant à leur musique des cuivres, des instrumentations et un travail studio plus sophistiqué. Aujourd'hui encore, le succès et l'influence des ces deux groupes sont très présents.

« Cette chanson, je n'ai pas encore écrit les paroles, c'est la raison pour laquelle je vais la chanter en anglais ».

Gad Elmaleh

Dans les années 90, et après la dissolution de Bérurier Noir en 1989 (commémorée par trois
concerts à l'Olympia immortalisés par l'album « Viva Bertaga ») le mouvement alternatif est réduit à
la portion congrue. L'heure est au succès des groupes américains, et plus précisément californiens :

The Offspring en tête, ainsi que Green Day, NOFX, Rancid. La France « surfe sur cette vague » avec l'apparition de groupes chantant en anglais et pratiquant pareillement ce nouveau style qualifié de « hardcore mélodique » ou parfois de « skate punk » (dû au mélange des deux disciplines par les principaux intéressés) : Burning Heads (toujours en activité), Second Rate, Seven Hate.

Les années 2000 seront un peu un mélange de ces deux facettes du punk/hardcore, avec une frange plus « traditionnelle » (chant en français, paroles engagées, musique moins technique) et des groupes « à la californienne » comme ceux que l'on vient de citer. Certains groupes particulièrement talentueux arrivent à rallier les deux côtés du public à leur cause comme les Sheriff (qui chantent en français, avec des paroles « légères », mais de manière très mélodique) ou les Burning Heads (qui par leur activité incessante dans les petits concerts et la production d'autres groupes restent proches de la scène alternative).

Inutile d'essayer de dresser une liste des groupes les plus influents dans l'histoire ou aujourd'hui, elle serait toujours trop longue ou trop courte et sujette à discussion, mais nous pouvons citer en France quelques groupes « leaders » de cette scène en 2010 : Tagada Jones, Guerilla Poubelle, La Fraction, les Apaches, Charge 69, Tanker Chaos, Burning Heads, Banane Metalik, sans oublier les Wampas, seul groupe né dans les années 80 à n'avoir jamais cessé de sortir des albums et faire des concerts.

4) La recherche linguistique et la diffusion du français.

Traditionnellement, la chanson francophone se caractérise par ses textes et ses grands auteurs que sont Brel, Brassens, Gainsbourg, Aznavour... tout naturellement, les styles musicaux modernes et populaires chez les jeunes ont suivi : le rap a donné naissance à des auteurs/compositeurs exceptionnels comme Akhénaton pour IAM, Grands Corps Malade, Abd Al Malik ou encore MC Solaar pour citer parmi les plus connus ; le reggae a vu l'éclosion des groupes Sinsemillia, Tryo ou Babylon Circus. Le punk en français aussi a eu sa période de gloire dans les années 80 avec Bérurier Noir, Mano Negra,

Dans les années 90, une fois ces groupes terminés, la mode vient d'outre Atlantique et c'est l'explosion des groupes chantant en anglais comme Seven Hate, ou plus tard Uncommonmenfrommars et Freygolo.

Depuis, le français peine à s'imposer dans les textes des groupes de ce genre, surtout dans le hardcore où il est quasi inexistant.

Alors que la langue française a parfaitement su s'adapter à d'autres genres musicaux, pourquoi celui-

ci fait-il de la résistance à cette langue ? Pour les groupes qui malgré tout l'utilisent, de quelle manière le font-ils ? Pourquoi ce choix, quels messages cherchent-ils à véhiculer dans cette langue ? Tel est le genre de questions auxquelles nous tenterons de donner des éléments de réponse dans cette recherche. Grâce à de nombreuses interviews et une analyse de plusieurs textes, nous verrons ce qu'en pensent les gens impliqués dans ce débat et quelles en sont les représentations concrètes dans les paroles.

Autre différence entre les groupes punks et les autres : la dimension internationale du mouvement. Pour continuer la comparaison avec les formations rap ou reggae, il est très rare de voir celles-ci traverser les frontières et se produire avec succès dans le reste de l'Europe, voire du monde. Dans le punk/hardcore, ceci n'est pas un problème. Comme on l'a déjà dit, la scène fonctionne en circuit fermé, et quand on fait jouer un groupe allemand par exemple, chez soi, on se crée un contact en Allemagne qui nous renverra l'ascenseur un jour. Pour citer un exemple, un groupe comme La Fraction (l'un des rares à chanter en français, justement), qu'on n'entendra jamais à la radio ni ne verra à la télévision, a tourné aux Etats-Unis sur plus d'un mois, en Allemagne, en Scandinavie, en Europe de l'Est. Idem pour le groupe Rennais Banane Metalik : tournées triomphales aux EtatsUnis, au Japon et au Brésil. Que dire du groupe de hardcore tourangeau Nine Eleven ?(qui eux chantent en anglais) il a quant à lui tourné pendant la quasi totalité de l'année 2010 dans toute l'Europe, jusqu'en Russie et en 2011 est parti en tournée en Indonésie et en Malaisie... ; tandis que des groupes d'autres styles, infiniment plus connus en France ne se produisent que très rarement, voire jamais, à l'étranger.

L'échange marche dans les deux sens : la France accueille des groupes du monde entier et rien qu'à Saint Etienne on a pu voir se produire l'an passé les néo-zélandais d'EcoWar, les Sud-africains The Mochines, les Singapouriens de Wormrot et nombre de groupes venus d'Amérique du Nord et du Sud, d'Australie et de toute l'Europe.

En ce qui me concerne, l'organisation de ce concert avait, entre autres buts, celui de montrer que la langue française avait sa place dans ce milieu, qu'il est possible de faire un groupe dans cette langue, et de tourner comme les autres.

Quand on parle de « diffusion du français », on pense immédiatement à « à l'étranger ». Or si ces deux mots n'apparaissent pas dans le nom de cette discipline, c'est bien qu'elle a également sa place sur les territoires où le français est langue maternelle et en France notamment. Elle peut par exemple se faire dans des milieux socio-professionnels où la langue française peine à s'imposer même chez ses locuteurs natifs comme l'informatique, la publicité, et donc le punk/hardcore. C'est

pourquoi j'ai décidé de prendre l'initiative en joignant une passion à ma profession, à savoir ce style de musique et le FLE.

« L'envahissement réel de la langue française par des mots anglais témoigne d'abord d'une certaine suprématie technologique des pays de langue anglaise, et si l'on considère cela comme une « épidémie », il faut alors étudier l'épidémiologie. »

(Louis Jean Calvet, « la guerre des langues », hachette 1999)

Attention, et je pense qu'il important de le préciser, le but de cette manifestation n'était pas du tout de dire : « non au punk hardcore en anglais » ou « vive le punk en français, soyons fiers de nos couleurs ». La nationalisme n'a rien à voir dans cette démarche, le message est plutôt : « il est possible de faire du bon punk hardcore en français, la preuve ». Comme on le verra dans les interviews, cela a déjà été fait et perdure aujourd'hui, et surtout il existe trop de groupes français chantant dans un mauvais anglais, avec un accent à la limite du ridicule et parfois avec des fautes de langue qui gâchent tout. Comme le disent les Vulgaires Machins dans leur interview : « Je n'ai aucun intérêt pour les groupes qui chantent un anglais cassé et mal écrit. Il existe trop d'excellents groupes anglophones qui écrivent de très bonnes paroles et chansons pour perdre mon temps avec ça. » On n'est pas dans une optique « langue française versus langue anglaise », mais « langue française avec langue anglaise ».

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon