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Le français et la diffusion du français dans la musique punk/hardcore

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par Jean-Baptiste LIVET
Université Aix Marseille - Master 2 coopération linguistique et éducative 2010
  

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IV. LE PUNK/HARDCORE ET LA DIFFUSION DU

FRANCAIS

1) Forces et faiblesses du mouvement

Nous allons tenter de voir ici quels sont les avantages et les inconvénients de ce style de musique dans le domaine qui nous intéresse. Forts de nos constatations dans les domaines épistémologiques (quelles sont les recherches qui ont été faites à ce sujet), linguistiques et sémantiques (analyses des paroles et des interviews) et sociologiques (notamment avec les exemples d'autres langues), voyons dans quelle mesure le genre de musique punk/hardcore peut, et peut ne pas être utile à la diffusion du français.

Le cloisonnement auto-imposé par le mouvement punk/hardcore est sans nul doute sa plus grande force pour la constitution d'un réseau solide et solidaire, ainsi que pour se maintenir loin des courants de mode et des institutions ; mais aussi sa faiblesse majeure pour une plus grande exposition populaire et une diffusion plus officielle.

On a pu voir qu'à travers son langage direct et orienté vers l'audience, le style punk/hardcore permet aux groupes de langues minoritaires d'accéder à une scène d'exposition dépassant le simple cadre régional et « folklorique ». De même, c'est un style de musique qui offre la possibilité à ses acteurs de voyager et tourner dans des pays très éloignés. Alors, même si l'exemple le plus « exotique » qu'on a vu, le Brésil, est un pays extrêmement riche culturellement et exporte une grande quantité de ses écrivains, musiciens et sportifs, il est intéressant de voir comment un style musical venu d'ailleurs a su être domestiqué et exploité par les Brésiliens. Le réseau communautaire punk permet une diffusion mondiale de cette musique, et au vu de l'importance des paroles dans celle-ci, on ne peut nier qu'il s'agit d'un moyen de diffusion et d'échange des langues très efficace.

De ce fait, on pourrait imaginer lier les deux réseaux, celui du punk/hardcore et celui du FLE, dans un « échange de bon procédé » : pour les groupes francophones, cela les aiderait à trouver des dates dans des pays où le milieu punk n'est pas très développé (comme certains pays d'Asie ou d'Amérique latine), et pour les institutions de la francophonie, faire venir des artistes francophones dans des pays où cela est rare (souvent les mêmes !). La France a la chance de disposer d'un réseau culturel important à travers le monde, et il ne faut pas hésiter à se servir de ce réseau pour présenter des artistes qui n'ont pas toujours droit à une exposition officielle. Le principal atout du français dans son développement à travers le monde est son réseau, unique en son genre, d'alliances françaises et de centres culturels, présent dans presque tous les pays du monde. Dans certains pays isolés comme le Laos ou la Bolivie, ces centres représentent parfois le seul îlot de culture local avec accès à des livres, à internet, et à des cours de langue. Pourquoi pas aussi à des concerts ? Cette accessibilité à la culture et à la langue française est donc extrêmement importante pour le maintien de son influence dans le monde, et bien que la diffusion du français soit toujours une priorité pour le gouvernement (environ 40% du budget du Ministère des Affaires Etrangères y est consacré), son maintien est loin d'être assuré, comme le dit Jean Hourcade dans le monde du 20/01/2011 : « Paris a désormais prévu de supprimer dans les trois ans 400 postes dans les SCAC (Service de Coopération et d'Action Culturelle, ndr) que les ambassadeurs vont devoir désigner. Ne subsisteraient, en Asie par exemple, que quelques gros postes dans les pays émergents à la mode (Chine, Inde) alors que notre fierté était de mailler la quasi-totalité des pays, où la France jouissait (jouit encore pour le moment) de relais solides qu'on va sacrifier et qui nous oublieront. »

Cependant, si la musique en général et le punk/hardcore en particulier sont des moyens de diffusion et d'échange efficaces, ce moyen est également assez limité, concernant ce style musical, dans la mesure où le public reste justement communautaire et a du mal à s'ouvrir au plus grand nombre. Les « mass média » restent hermétiques au punk/hardcore et réciproquement, donc le public touché

demeure restreint aux initiés.

Autre problème lié cette fois au style musical intrinsèquement parlant : la diffusion du message lors des concerts, pendant le spectacle vivant ou « produit éphémère » qu'il constitue. Comme on le voit dans les interviews, la qualité du matériel et/ou la rapidité et le volume de la musique ne permettent pas une bonne compréhension des paroles en live (même si ce n'est pas toujours vrai, certains groupes mélodiques bénéficiant d'une notoriété suffisante pour jouer sur du bon matériel - donc en général des américains - chantent de manière tout à fait audible même en concert). Cela constitue un frein indéniable à la diffusion du message, auquel il est difficile de remédier. On peut toutefois arguer qu'il incombe à l'auditeur de faire la démarche volontaire de s'intéresser aux paroles si le spectacle lui a plu, ce qui semble d'ailleurs être le cas dans le milieu punk/hardcore (Heyoka : « Quand vous tournez à l'étranger, est-ce que le public vous demande ce que vos paroles veulent dire ?

- Alors, non seulement les gens s'intéressent, mais... [...] Nous ce qu'on propose, on livre les choses telles quelles, en fait, après les gens l'acceptent ou l'acceptent pas, il faut faire des efforts. Nous quand on était plus jeunes, maintenant on a la quarantaine mais bon, quand tu voulais être punk, il fallait que ce soit toi qui ailles vers les groupes parce que t'avais pas internet, t'avais pas des tas de choses, donc tu leur écrivais, et t'avais une démarche volontaire parce que tu t'intéressais à eux.

-Donc en général les gens s'intéressent à ce que vous dites, que ce soit en France ou à l'étranger ?

-Complètement, ils cherchent à comprendre. »)

Toujours dans cette idée de lier les deux réseaux punk/hardcore et francophonie, il faudrait donc d'une part que les artistes n'hésitent pas à venir jouer dans des lieux qui leurs seraient inhabituels et d'autre part, il faudrait que les gérants de ces lieux n'hésitent pas à accueillir des artistes d'un genre inhabituel pour eux, et dans des conditions décentes.

2) Politique linguistique, politique culturelle et punk/hardcore

Les politiques culturelles menées depuis André Malraux dans les années 60 et surtout après mai 68 visent, dans l'ensemble (et bien sûr avec des divergences de points de vue, de méthode et d'efficacité selon les ministres et les époques) à rendre la culture accessible au plus grand nombre, à la démocratiser, et à réduire « la fracture sociale » que constituait l'accès à la culture (Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture sous Jaques Chirac en 1995, disait que la politique culturelle se

doit d'être « l'élément essentiel de la réduction de la fracture sociale. »). Jean Caune, dans « La démocratisation culturelle » (PUG 2006) : « Depuis les années 70, en matière d'art et de culture, les responsables politiques suivent la logique initiée par André Malraux : favoriser l'accès aux biens culturels grâce à une politique d'offre et de conservation du patrimoine. » et le préambule de la Constitution française affirme que « la nation garantit l'égal accès de l'enfant, de l'adulte, à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. »

Ainsi le Ministère de la Culture se fixe-t-il pour objectif de faire en sorte que la culture au sens large (musique, littérature, cinéma, théâtre...) ne soit pas réservée à une élite. Mais de quelle culture s'agit-il et comment s'emploie-t-on à atteindre ce but ?

Nous avons vu que l'immense majorité de structures d'accès à la culture (opéras, théâtres, bibliothèques) vivent ou survivent sous perfusion de l'Etat ou des collectivités locales. En 2010, le budget du ministère de la culture n'avait jamais été aussi élevé avec 3 079 millions d'euros, soit environ 1% du budget de l'Etat, mais il faut ajouter à cela une part non négligeable de subventions plus locales et d'autres ministères (comme Jeunesse et Sports). Et pourtant, les professionnels de la culture ne se sont jamais autant plaint du manque de moyen auquel ils doivent faire face (cf les grèves des intermittents du spectacle en 2003 notamment). Le fait est que certaines structures « de prestige » comme l'opéra de Paris abusent du caractère automatique des subventions, diminuant d'autant la part des recettes propres à leur budget, empiétant d'autant sur le fonctionnement des petites structures.

Ainsi, le site de l'opéra de Paris affiche pour 2009 le budget suivant : 58% des recettes en provenan ce de l'Etat, soit 104,6 millions d'euros HT, les recettes de billetterie à 48,3 M€ (27%) , le mécénat à 6,4 M€ (4%) et les autres recettes à 22 M€... sachant que « L'Opéra national de Paris investit chaque année 14 M€ au titre de la rénovation de ses espaces scéniques, de ses bâtiments et de la maintenance de ses infrastructures. »

En ce qui concerne la diffusion audiovisuelle, on sait que la France tient à son « exception culturelle » à travers des quotas de chanson en français à passer à la radio, s'élevant à 40% des diffusions. Cette loi semble en tout cas efficace en terme de ventes puisque « la part de la chanson française dans les ventes de disques est passée de 44,7% en 1993 à 62% en 2002, et 56% en 2009 » (Benhamou 2011).

Le seul problème de cette tradition républicaine de diffusion de la culture et de la chanson
francophone tient au fait que le public n'a pas son mot à dire dans le type de culture qui lui est
proposé, d'ailleurs comme le dit le bassiste d'Heyoka dans son interview : « on en discutait avec les

Tagada Jones qui eux, maintenant tournent un peu partout, ils nous disaient qu'en Russie ou en Corée du Sud, les gens trouvaient des radios rocks. C'est à dire que nous par exemple ce qu'on fait, ça pourrait être diffusé sur des radios nationales. Ils ont une espèce de culture de la musique que l' on n'a pas ici de manière populaire, ça reste un truc très sectaire. Ça c'est dommage. Je pense qu'on est un des rares pays au monde à avoir ce problème là. »

Ces quotas de chanson en français n'ont pas seulement à voir avec la question culturelle mais aussi évidemment avec la question linguistique.

3) En classe de Français Langue Etrangère

La diffusion du français se passant avant tout dans les classes de FLE, voici un exemple de cours réalisé par moi-même au Brésil, à l'Universidade Estadual Paulista d'Araraquara en 2007, à partir du morceau « Les pieds dans le béton » du groupe Los Très Puntos.

Public : 10 élèves universitaires A2/B1

Durée : 1 heure

Objectifs langagiers : vocabulaire de la musique (instruments, parties d'une chanson) compréhension orale d'un français chanté confondu dans la musique Objectifs culturels : découverte d'un style de musique (ska-punk)

problèmes écologiques liés à l'urbanisation

Matériel : CD « 10 ans ferme ! » de Los Tres Puntos, poste CD, paroles de la chanson réimprimées avec des mots manquants. Effacer les mots : « asphalte » ; « génocide » ; « béton » (dernier mot du premier couplet) ; « paysage » ; « la colère du ciel » ; « tempête » ; « L'horizon » ; « cité dortoir ».

Déroulement :

Première partie : écoute et compréhension des paroles

· Première écoute de la chanson sans les paroles. Quelles sont vos impressions ? Avez-vous compris des mots ou le sens global des paroles ?

· Deuxième écoute, cette fois-ci après avoir distribué les paroles. Consigne : n'essayez pas de remplir les trous mais simplement de suivre le chant. Il s'agit ici de comprendre le sens global du texte et de repérer les endroits où il manque des mots.

· Troisième écoute : remplissez les blancs. A chaque passage où il manque un mot, le professeur met sur « pause », pour les laisser le temps aux élèves d'écrire. On peut repasser

encore et encore chaque phrase incomplète pour que les apprenants écoutent bien. Il s'agit d'un exercice difficile : les mots effacés ne sont pas forcément connus des apprenants et le débit de parole est très rapide.

· Quatrième écoute : on repasse la chanson en entier sans appuyer sur « pause » pour une dernière vérification.

· Cinquième écoute : correction. De nouveau, on met « pause » à chaque partie manquante, on recueille les réponses des élèves. On donne la réponse correcte, on repasse la phrase pour que tout le monde se rende bien compte de la prononciation, et on explique le mot en question.

· Sixième et dernière écoute : chanson en entier avec les paroles complètes.

Deuxième partie : Analyse des paroles et aspects culturels : production orale, échanges conversationnels

· Aspect musical : Expression orale :quels instruments reconnaissez-vous ? (Los Tres Puntos est un groupe composé de 10 musiciens avec une importante section cuivre : ainsi les élèves peuvent reconnaître une batterie, une guitare, une basse, une percussionniste, un clavier, un saxophone, une trompette, un trombone à coulisse, un tuba, et un guitariste-chanteur, sans compter les choeurs). Connaissez-vous d'autres instruments de musique ? Connaissez-vous ce style de musique ? Connaissez-vous des groupes de style similaire dans votre pays ?

· Compréhension des paroles : lecture par les apprenants. Quels sont les mots que vous ne comprenez pas ? Explications de certaines expressions : « regarder son nombril », de quels « génocides » parle-t-on ici (destruction de la nature), « des noms sont gravés sur son corps » (de quoi s'agit-il ici ?), « cité dortoir »...

· Sens global des paroles : Expression orale : de quoi parle la chanson ? Quels problèmes sont évoqués ? Connaissez-vous des problèmes similaires dans votre pays ?

LES PIEDS DANS LE BETON

par Los Tres Puntos

J'ouvre ma fenêtre sur une ville encore plus sale Des gens qui perdent la tête et qui étalent l'asphalte L'air imbibé d'essence taraude ma conscience

Toi tu passes près de lui et tu te fous de sa présence Si tu regardes tes mains plutôt que ton nombril

Tu y verras surement les traces de tes génocides Encore une victime de notre civilisation

Qui finira ses jours les pieds dans le béton

REFRAIN :

Mais qu'avons-nous fait de notre dernier arbre ? Je le regarde jaunir jour après jour

Mais qu'avons-nous fait de notre dernier arbre ? Je le regarde mourir à son tour

La pluie qui coule sur mon visage me brûle les yeux

J ne vois plus les paysages et ses millions de pantins heureux Tu piétines ses aillons qui pourrissent sur le sol

Tu te fous de son avenir car tu vis pour toi tout seul Il a enduré la colère du ciel

La tempête des hommes pleins de vengeance et de haine Partout des noms étranges sont gravés sur son corps

Le nom de ceux qu'on aime et de ceux qui sont morts

REFRAIN

L'horizon bétonné a détruit tous nos espoirs

De n'plus voir nos paysages devenir cité dortoir Nous n'aurons bientôt plus comme seul horizon Un soleil qui se couche sur un monde de béton !

REFRAIN

L'étude d'un texte issu de cette scène alternative présente deux principaux avantages en classe de FLE : elle permet d'enchaîner sur un sujet d'actualité (ici l'écologie et la sauvegarde de la nature) et de parler des différents styles musicaux en présence dans le pays. Toutefois mieux vaut s'adresser à un public jeune, ouvert à de nouveaux horizons musicaux et plus à même d'échanger sur les genres à la mode ou alternatifs dans leur pays.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984