CONCLUSION
Nous avons pris le parti dans ce travail de terrain et de
réflexion, de considérer le refus de soins comme un acte
pathologique, symptomatique de la depression. Nous avons vu que dans la plupart
des cas que nous avons observes et suivis, cette approche avait
été efficiente en terme de guérison de l'état
dépressif et de renoncement aux comportements suicidaires. En cela, nous
nous rapprochons de l'approche dite moraliste, qui débute au
19e siècle avec les psychiatres francais. D'apres Esquirol
(1838, page 655) : « Le suicide étant un acte consécutif
du délire ou des passions ou de la folie, (É) le traitement qui
appartient à la thérapeutique des maladies mentales repose
essentiellement sur l'appreciation des causes et des motifs determinants du
suicide ; c'est donc au traitement propre à chaque variété
de folie qu'il faut avoir recours pour traiter un individu poussé
à sa propre destruction.». Sans prendre pour autant un
quelconque parti pris envers les actes suicidaires et surtout sans les
considérer de manière aussi radicale il est probable que le choix
d'approche d'une équipe soignante comme d'une société va
influencer sur l'attitude auto-agressive du sujet. Une attitude
moraliste aura pour interest d'inciter le patient à une
réflexion critique sur son désir de mort et de prendre le temps
de retrouver en toute conscience le désir de vivre. En cela, cette
approche est cohérente avec le rôle de tout citoyen face au
désespoir, qui est de porter assistance. Nous sommes personnellement
favorable à une approche moraliste en tant que principe de
precaution. Cela n'exclut toutefois pas le respect de la liberté
individuelle si un sujet souhaite preserver sa dignité dans des
situations sans issue à une souffrance intolerable. Pour cela, les lois
actuelles proposent des solutions possibles que tout soignant doit aussi
pouvoir envisager, le cas échéant, avec un patient et sa
famille
Sur le terrain, une approche pragmatique, simple et concrete
nous a egalement permis de nous libérer en tant que psychologue de
l'angoisse liée à la crainte de l'échec
thérapeutique. Nous avons pris la precaution de ne pas alourdir notre
relation psychothérapeutique, toujours vécue dans l'ici et
maintenant, avec nos recherches et réflexions théoriques. Face
à un malade, nous tentons de nous concentrer sur les faits,
c'est-à-dire que nous faisons face à une personne toujours
vivante avec son histoire, ses sentiments, ses relations interpersonnelles et
un avenir de vie toujours possible quelqu'en soient l'issue, la durée et
la qualité.
Nous avons pu constater que c'est le travail en équipe,
qui semble la plus efficiente pour les situations à haut risque vital.
En effet, cette équipe partage une même conception des conduites
suicidaires. Elle est hétérogene mais complémentaire dans
sa formation et sa pratique. Le psychologue clinicien possede une place
particulierement plus à l'écoute du récit du patient mais
au sein d'une équipe médicale, il offre aussi son appui pour le
diagnostic et la thérapeutique. L'équipe est egalement un soutien
pour chacun de ses membres, par les avis, conseils et réflexions qu'elle
apporte concernant des situations problématiques. Les professionnels du
soin sont tres souvent en demande d'aide psychologique egalement car ils ont
à gérer des ambivalences, des doutes et des angoisses
personnelles face à leurs malades. Ces demandes ne se font pas
directement mais de maniere détournée et informelle, au cours de
la plupart des echanges que nous avions avec les soignants et les
médecins. Gr%oce au soutien de l'équipe, la tache de chacun est
plus légere à porter, mais nous avons pu constater que ce sont
surtout les médecins qui ressentent une grande angoisse, leur
responsabilité civile et professionnelle étant engagée.
C'est pourquoi, le travail en binôme médecin et psychologue, mis
en place dans cette équipe particuliere a été pour nous la
plus motivante et enrichissante des experiences d'équipe vécues
jusqu'alors.
Cette experience nous a confortés dans la motivation
à trouver notre place en tant que psychologue clinicien au sein d'une
équipe médicale en psychologie de la sante ou en psychiatrie de
liaison.
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