C.3.3 Une approche ethnopsychiatrique : le rite de
passage
D'un point de vue plus ethnologique, il est courant
aujourd'hui d'aborder les moments de crise de la vie, notamment à
l'adolescence comme des rites de passage. La notion de rite de passage permet
de décrire et comprendre le traumatisme psychique comme une
transformation, avec une phase de déstructuration et une phase de
restructuration. Selon Van Gennep (1909), les rites de passage poss»dent
une symbolique qui simule la mort et la résurrection, le passage de la
non vie au monde des vivants lors de la naissance.
Les rites de passage comportent presque toujours 3 phases:
a. Préliminaires: une séparation afin de
retirer à l'individu son statut social habituel.
b. Liminaires: une marginalisation, période de
transition avec suspension des contacts sociaux normaux.
c. Post-liminaires: une incorporation, période de
réintégration dans la structure sociale, avec un nouveau
statut.
Dans les sociétés traditionnelles, les passages
sont aboutis et accompagnés par l'ensemble du groupe social. Les
individus qui traversent un rite retrouvent un équilibre psychologique
nouveau. Dans nos sociétés, nous procédons à des
rites de manières très courantes, dans les institutions de soins
notamment, mais sans que ces rites soient officiellement revendiqués
comme telle. Les individus risquent alors de rester piégés au
sens psychique dans le no man's land de la phase liminaire, de
marginalisation, en suspension dans un état psychologique proche de la
folie.
Si nous reprenons une réflexion sur le cas de Mme D.,
celle-ci a émis plusieurs fois qu'elle s'était sentie
«perdre la tête «, « partie «, et a bien
donné l'impression d'être revenue d'un autre monde quand elle est
revenue de son hospitalisation en psychiatrie. Nous pourrions
interpréter ce qui s'est produit pour cette patiente comme un travail
psychologique de transformation initié par l'événement
traumatique de l'annonce de la maladie avec un blocage dans une phase Un 2 e
liminaire. événement traumatique,
qui s'est produit lors de l'hospitalisation en psychiatrie, a
relancé le travail psychologique et a permis ensuite, au cours de
l'isolement en chambre individuelle, de terminer le travail par une transition
dans une phase post-liminaire.
Néanmoins, le rite de passage, bien que présent
dans les pratiques et les représentations, n'est pas tout à fait
comparable aux rites des sociétés traditionnelles. En effet, dans
ces sociétés, les rites sont intégrés aux parcours
de vie de chaque individu et aux règles sociales. Ils impliquent les
membres du groupe culturel, initiés ou non. Les responsables du rituel,
dont le savoir est réserv é aux initiés, pratiquent
publiquement. Les rites de guérison impliquent des aspects corporels,
psychiques et culturels. (Nathan, 2001)
La notion de rite de passage permet d'enrichir la
compréhension du traumatisme psychique en l'élargissant à
un processus de transformation psychique de déstructuration et de
restructuration psychique. La déstructuration psychique ou liminaire des
rites de passage correspond à l'état de «celui qui
revient transfiguré des bords de l'abime, trainant avec lui les
réminiscences horrifiantes de l'au-delà entrevu. »
(Crocq, 1999, page 276), tandis que la restructuration psychique pourra etre
associée à un processus de réintégration de
l'événement dans l'historicité de l'identité
narrative, et « la thérapeutique consistera à
transformer cette malédiction en épreuve initiatique lui
permettant d'assumer son destin. » (Crocq, 1999, page
276)
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