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Une difficulté majeure en psychologie de la santé : comment appréhender des refus de soins chez des malades atteints d'une maladie grave et d'un syndrome dépressif ?

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par Veronique DI MERCURIO
Université Paris 8 - Master 2 psychologie clinique 2008
  

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B PRATIQUE DU PSYCHOLOGUE EN PSYCHIATRIE DE LIAISON

Nous présenterons tout d'abord les fonctions du psychologue clinicien en milieu médical dans le cadre d'une équipe de psychiatrie de liaison, puis nous présenterons le cas d'une femme que nous avons suivie pendant plusieurs mois. Celle-ci est atteinte de cancer et a montré des conduites para-suicidaires.

B.1 Le role du psychologue

Le role du psychologue en milieu médical., dite psychologie de la santé - encore que nous ne travaillons qu'avec des personnes atteintes de maladie grave- peut se résumer ainsi: « La psychologie médicale vise également la conduite et l'experience de malades et leurs relations avec leur entourage spécialement avec leur entourage medical et leurs médecins. » (Lagache, 1955, p. 152). Ainsi, la psychologie clinique, concerne toujours un individu dans son contexte. C'est une science de la conduite qui prend toujours en compte la dimension intersubjective.

B.1.1 Constitution et organisation de l'équipe de psychiatrie de liaison

L'équipe de psychiatrie de liaison du Centre Hospitalier Intercommunal (ou

e

CHI) de Montfermeil est sous la responsabilité du 15 Secteur de l'EPS de Ville Evrard. L'équipe complete est constituée de 5 psychiatres, 2 psychologues cliniciens, 2 infirmières psychiatriques et une secrétaire médicale. La consultation est ouverte le matin de 9 h à 13 h, du lundi au vendredi, avec au minimum un médecin, un psychologue et la secrétaire médicale. En dehors des périodes d'ouverture du service, en semaine, c'est un des psychiatres de l'équipe qui sera de garde, et le week-end, ce sera un des psychiatres de Ville Evrard.

Dans la pratique, les différents services de l'hopital font leurs demandes de consultations auprès du secrétariat et selon l'état de mobilité du patient, celui-ci se déplacera dans les bureaux de consultations ou l'un des membres de l'équipe se déplacera au lit du malade. La charge de travail est tres variable : plus intense en début et fin de semaine, et lors de certaines périodes de l'année, notamment en juillet et au moment des fêtes de fin d'année. Il s'agit de périodes durant lesquelles les

crises suicidaires sont les plus fréquentes et qui s'expliquent par l'aggravation de l'isolement de personnes vulnérables à des états de crise de désespoir. Selon les approches sociologiques, le suicide serait lié à la déficience du lien social. (Durckheim, 1897)

L'activité est très variable, mais l'un des rôles prépondérant de l'équipe est la gestion de la crise suicidaire. L'équipe se base sur les recommandations de l'HAS (Haute Autorité de Santé) : tout d'abord, une première consultation en présence d'un psychiatre et éventuellement un psychologue est obligatoire pour tout malade hospitalisé à la suite de son acte suicidaire ou en menace de passage à l'acte. L'équipe propose également une consultation « suicidants » à court terme le temps que le malade s'engage dans un suivi ambulatoire à moyen ou long terme et tant que le danger de récidive de crise est présent.

Cas de double tentative de suicide d'un couple âgé.

Après quelques semaines plutôt calmes en ce qui concerne les actes suicidaires, l'équipe de psychiatrie de liaison est appelée au service des urgences pour un couple âgé, d'environ 80 ans, qui a tenté de s'intoxiquer au gaz de voiture dans leur garage un dimanche soir. Par l'équipe soignante, nous apprenons que ce sont les voisins qui ont alerté les pompiers après avoir remarqué l'absence du couple dans leur maison et la fermeture inhabituelle du garage alors qu'ils n'étaient pas sortis.

Par le couple, nous allons obtenir un récit précis de l'événement et des circonstances ayant mené à cet acte suicidaire. Les pompiers ont dû casser la porte du garage pour libérer le couple, alors presque inconscients. Le lendemain, nous rencontrons l'époux avec un des psychiatres de l'équipe, qu'une autre psychiatre et le psychologue vont s'entretenir avec l'épouse. Tous deux sont presque rétablis de leur intoxication et n'en garderont pas de séquelle, mais l'équipe ne leur permet pas de sortir de l'hôpital comme ils le souhaitent car tous deux expriment leur volonté de récidive. Aucun signe clinique de troubles psychiatriques ou de la personnalité n'est présent, ni aucune souffrance psychologique. L'acte est décrit comme ayant été prémédité et exécuté de sang-froid. Ce qui frappe d'emblée est le calme de l'époux lorsqu'il explique le geste suicidaire et les arguments qui l'ont mené à ce geste.

L'euthanasie est évoquée dans le discours <<C'est dommage que l'euthanasie ne soit pas légale dans ce pays, car c'est une solution pour des gens comme nous. «

Il s'agit d'une situation de dégradation de la santé sans issue à long terme pour ce couple: mariés depuis presque 60 ans, ayant élevé 4 enfants dans de bonnes conditions et ayant eu une vie de couple plutôt harmonieuse et très fusionnelle, la maladie est venue remettre en question un bonheur qui semble presque parfait. Tout d'abord, l'épouse est touchée par une

maladie dégénérative musculaire qui dégrade sa mobilité et la rend presque totalement dépendante à ce jour. Elle est totalement dépendante de son époux au quotidien qui accepte cette charge avec toute sa bonne volonté. Cette organisation de vie qui a mené ce couple à beaucoup de renoncements est à son tour remise en question par le diagnostic pour l'époux d'un cancer du pancréas à un état d'avancement qui ne lui donne plus que 6 mois d'espérance de vie avec un traitement. Celui-ci a déjà renoncé à tout traitement curatif et a préféré un suivi palliatif. Son désespoir ne porte pas sur sa situation personnelle mais sur l'avenir de sa femme, qui se retrouvera seule et très dépendante, probablement obligée d'envisager un placement en maison spécialisée car les enfants habitent tous en province.

Lors de l'entretien, le moment oü nous avons pu induire un doute dans le projet de cet homme, fut celui oü il nous demande de ne rien dire à ses enfants sur leur hospitalisation et sa raison. Bien entendu, nous ne pouvons pas répondre favorablement à cette demande et d'ailleurs, les enfants ont été avertis d»s leur arrivée à l'hôpital et sont en route pour rendre visite à leurs parents. Monsieur A. nous exprime alors des difficultés relationnelles avec un des petits -fils, en conflit avec sa mère qui est divorcée et souffre de dépression, et avec ses grands-parents, qu'il traite de <<nazis >>. Ce jeune homme présente des troubles de la personnalité de type <<anti-social >> et réclame régulièrement de l'argent pour rembourser des dettes contractées auprès de différents << malfrats «. Cette vie de couple tout d'abord décrite sans histoire se transforme alors en un récit de harcèlement moral quotidien au sens de la famille. Nous remarquons alors l'expression attristée et fatiguée de cet homme qui nous para»t bien en état d'usure psychologique causée par des tracas quotidiens et ayant aboutit à un moment de crise pour ce couple.

A l'arrivé de la famille, plusieurs conférences familiales sont organisées avec la participation d'une assistance sociale et après 48 heures d'hospitalisation, le couple finira par porter un jugement critique puis renoncer à son projet suicidaire. Les enfants réalisent alors l'état d'épuisement de leurs parents dont ils n'avaient pas conscience jusque-là, tandis que ceux -ci acceptent l'aide que leurs enfants leurs offrent.

Avec le soutien des enfants, il est décidé tout d'abord d'éloigner géographiquement le couple de sa situation conflictuelle. Le couple ira habiter en province chez l'un des fils, en attendant de trouver une maison spécialisée à proximité pour l'épouse. L'époux souhaite faire un voyage avec un autre de ses fils, dans un lieu qu'il a toujours rêver de connaitre sans en avoir l'opportunité. Il refuse toujours le traitement curatif pour son cancer, mais s'engage à suivre un traitement palliatif.

Cette situation montre que l'équipe de psychiatrie de liaison considère l'évocation de l'euthanasie en tant qu'idée noire. Dans ce cas, il s'agit donc d'un phénomène clinique faisant partie de la crise suicidaire du couple et non d'une demande consciente à laquelle répondre de manière favorable. C'est cette attitude qui sera prise par l'équipe pour toutes les situations de crise suicidaire ou de demande d'arrêt

de soin ou d'euthanasie chez les patients vus en consultation. Au bout de quelques jours, tous ces patients suicidaires ont revu leur jugement et renoncé à ces projets.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"