II.5.2. INVESTISSEMENTS DIRECTS
ETRANGERS : ENJEUX POUR LA RDC
Malgré le fait que les investissements directs
étrangers se sont plus, depuis une dizaine d'années,
orientés dans les domaines minier et pétrolier en Afrique, la
République démocratique du Congo qui a des atouts certains dans
ces domaines n'en a pas tiré conséquence. Comme pour la sous
Région Afrique sub-saharienne dans l'ensemble, les mauvaises conditions
de sécurité juridique et de sécurité des
investissements ont constitué le principal obstacle à
l'épanouissement de cet important facteur de développement
économique des nations.
Dans un rapport publié en 2010, la
Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement,
CNUCED, a fait savoir que l'Afrique profite peu des investissements directs
étrangers, malgré les efforts considérables qu'elle a
déployés ces dix dernières années pour
améliorer son climat d'investissement. Par ailleurs, selon les
résultats préliminaires d'un sondage effectué par la
CNUCED, les IDE vont poursuivre leur progression. Présentées par
le nouveau secrétaire général de cette institution,
Supachai Panitchpakdi, les perspectives de l'évolution à court et
moyen termes des investissements directs étrangers demeurent
encourageantes. La majorité des sondés -75 experts internationaux
et 325 entreprises transnationales- estiment que les Ide vont augmenter (65%).
Un peu plus de 30% estiment qu'ils vont stagner, et moins de 5% qu'ils vont
diminuer.
Il convient de noter que les Investissements directs
étrangers ont atteint 612 milliards de dollars en 2004 contre 580
milliards en 2003. Les pays en développement en ont attiré 255
milliards (contre 173 en 2003), dont 20 milliards pour l'Afrique (contre 15 en
2003).
Par ailleurs une question se pose : Quelle est la
place de l'investissement direct en République démocratique du
Congo et quel rôle peut-il jouer dans ce pays qui est en pleine phase de
reconstruction ?
L'investissement direct correspond à une
exportation des capitaux dans un autre pays afin d'y créer une
entreprise, de racheter ou de prendre une participation dans une entreprise de
ce pays, l'objectif étant d'acquérir un pouvoir de
décision effectif dans la gestion de l'entreprise. Il est
essentiellement un instrument de la multinationalisation des entreprises et un
important facteur de développement économique.
Dans le rapport intitulé « le
développement économique en Afrique, repenser le rôle des
investissements directs étrangers », la CNUCED a estimé que
les IDE se sont plus orientés au cours de ces dernières
années vers les secteurs minier et pétrolier du continent noir.
Pour peu qu'on y fasse foi, cette exception devrait être pour le moins
heureuse pour un pays comme la République démocratique du Congo
qui bénéficie, en cette matière, d'un avantage comparatif
par rapport à beaucoup d'autres pays africains.
Le Congo démocratique dispose, en effet, d'une
bonne dotation en ressources naturelles au point que d'aucuns estiment
même qu'il est un scandale géologique. Le sous-sol de la RDC
recèle des minerais, pierres et métaux précieux en
quantités quasiment inépuisables. Ce pays possède 14% des
ressources mondiales de cuivre et de cobalt. Des estimations indiquent qu'il
détient environ 8% des diamants du monde, 80% des réserves
africaines de coltan. On y retrouve par ailleurs l'or, la cassitérite,
le chrome, l'uranium, le zinc, le fer, le pétrole, le charbon,...
Et pourtant la République démocratique du
Congo n'a jamais véritablement constitué une destination de choix
des investissements directs étrangers en dépit de ces immenses
ressources. Dans une étude menée en 2004 pour le compte du
Programme des Nations Unies pour le Développement, PNUD, par
André, Catherine et Maryse, Stefan sur les Causes économiques des
conflits armés en République démocratique du Congo, il a
été relevé, du moins pour la période sous
étude, le désintérêt grandissant du Congo pour les
principaux investisseurs. Sur un flux net d'investissements directs
étrangers estimés par exemple à 428 millions de dollars Us
en 1970 pour l'Afrique sub-saharienne, la part relative pour la RDC a
été de zéro. Elle est passée à 16 millions
en 1975 avant d'atteindre le sommet de 69 millions en 1985. Entre 1991 et 1995,
les investissements directs nets au Congo étaient estimés
à un million de dollars américains annuellement après
s'être établis à 15 millions en 1991. Au cours de la
même période, ils sont passés de 1,597 milliard Usd
à 2,157 milliards à l'échelle de la sous région
Afrique sub-saharienne, soit un taux de progression de 35,4% contre une baisse
de 93% pour la RDC de 1991 à 1995.
Selon les auteurs, les investissements
étrangers diminuent principalement à cause de
l'instabilité politique et économique. Les grands investisseurs
laissent la place à des juniors qui sont disposés à
assumer les risques de l'instabilité, se positionnant sur le
marché et cherchant à réaliser, à terme, une belle
opération boursière en revendant le projet à une plus
grosse entreprise, une majoration, capable de réaliser l'exploitation.
Ce mouvement s'est surtout confirmé au cours des années 90,
période caractérisée par des coûts de transaction
extrêmement élevés. Ainsi, dans le secteur minier, les
groupes belges se sont retirés, tandis que les intérêts
canadiens se profilent par le biais de juniors. Mais, aucune
société n'a entrepris de grands investissements ni n'a
débuté de grands travaux, les conditions de
sécurité juridique et de sécurité des
investissements à long terme n'étant pas remplies.
Ces frontières virtuelles imposées par des
conditions de sécurité inadéquates viennent d'être
évoquées par le dernier rapport de la CNUCED, mais à
l'échelle du continent africain. Selon ce rapport, le rebond attendu des
Ide n'a pas eu lieu en Afrique en général à cause de la
perception négative de ce continent par les investisseurs.
A ce propos, il convient de rappeler qu'en 2004, au cours
d'un séminaire organisé par le Comité de pilotage de la
réforme des entreprises du portefeuille de l'Etat, M. Onno Rühl,
alors représentant résident de la Banque mondiale en RDC, avait
estimé que la perception du risque politique congolais est très
élevée. Même si les promesses d'investissement pour les
années à venir dépassent Usd 1,5 million, combien (de
projets) se matérialiseront si le climat d'investissement ne change pas
et si l'on continue à projeter une image désuète du pays.
Le risque élevé que représente la RDC par rapport aux
investisseurs privés potentiels était déjà mis en
exergue en 2002 par la Commission européenne.
Dans le rapport économique de la
délégation de la Commission européenne en
République démocratique du Congo, 2000-2001, il a
été relevé notamment que le République
démocratique du Congo, pays à potentiel considérable du
fait notamment de ses ressources naturelles, reste cependant un pays à
risque élevé tant pour les investisseurs que pour les
commerçants. Elle est classée parmi les pays à «
risque » selon le classement de 60 pays à risque
élevé publié par la revue Nord-Sud Export.
Depuis, des efforts considérables ont
été déployés pour améliorer le climat des
affaires en RDC. Cependant, le risque pays ne reste pas moins
élevé. Selon la fiche Ducroire, publiée le 23 juillet 2004
dans la revue Marchés Tropicaux, la RDC est classée dans la
catégorie 7 et C en ce qui concerne le risque politique et les risques
commerciaux en rapport avec les opérations d'exportation (il convient de
noter que c'est le niveau le plus élevé dans l'échelle
d'appréciation du risque de Ducroire). Tandis qu'en ce qui concerne les
investissements directs, le risque de guerre est de degré 6, de
même que celui d'expropriation et du fait du prince.
On peut toutefois retenir que le Ducroire, par exemple, a
repris depuis des mois l'assurance des risques politiques et commerciaux
liés aux crédits à l'exportation à court terme vers
le Congo. Pour ce pays en effet, la durée du crédit est, en
principe, limitée à 90 jours. Il assure également les
investisseurs en RDC contre le risque de guerre et le risque d'expropriation et
de fait du prince.
En tout état de cause, l'adoption d'une orientation
libérale de l'économie nationale depuis 2001, le progrès
dans la mise en oeuvre des réformes structurelles et sectorielles, dans
un contexte d'une amélioration progressive du cadre
macroéconomique grâce aux programmes soutenus par les institutions
de Bretton Woods et la communauté internationale, concourent
progressivement à la facilitation de la lisibilité de
l'environnement des affaires en République démocratique du Congo.
Ces efforts ont permis l'entrée de nouveaux
investissements privés, notamment dans le domaine des
télécommunications et dans le domaine bancaire. Dans le domaine
de la téléphonie mobile, des sociétés telles que
Celtel et Sait télécom ont été rejoints un peu plus
tard par Vodacom, un opérateur sud-africain, filiale du britannique
Vodafone, Congo Chine Télécom, Supercel, Tigo, tandis que pour le
réseau fixe, on a enregistré l'entrée Zain, devenu un peu
plus tard Airtel.
Dans le domaine bancaire, de nouveaux
établissements ont vu le jour. Il s'agit entre autres de Rawbank,
créée en 2001 par les Rawji une famille congolaise d'origine
indienne, la Trust Merchant Bank, à capitaux américains, italiens
et belges, et tout récemment Procrédit Bank.
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