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Les doyens ruraux dans le diocèse de liège au moyen àąge. Contribution à  l'histoire politique et religieuse du monde rural.

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par Vincent BASTIN
Université de Liège - Licence en histoire 2000
  

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§7. Les quartes-chapelles.

Trop préoccupés par leurs tâches spirituelles et temporelles, les évêques de Liège ont confié à leurs subalternes la charge de visiter, à titre personnel, les paroisses de leur diocèse. Les doyens ruraux ont hérité de cette fonction pour les quartes-chapelles. Nous ne savons pas s'ils tiennent ce droit de l'évêque ou des archidiacres. Nous ignorons aussi quand cette évolution s'est opérée. Néanmoins, nous pensons qu'elle doit être mise en parallèle avec la cession de la présidence du synode paroissial aux archidiacres, puis aux doyens ruraux, respectivement aux XIIe et XIIIe siècles.

Les doyens ruraux visitent annuellement les quartes-chapelles de leur district. Les statuts synodaux de 1288 leur accordent deux chevaux pour leur voyage, le premier pour eux-mêmes et le second pour un assistant ou un domestique. Cette loi a été édictée afin d'éviter aux paroisses pauvres le coûteux entretien d'une horde de cavaliers et de leurs montures. Les doyens se voient aussi défendre la visite de quartes-chapelles au hasard de la chasse car il leur est désormais interdit d'emmener avec eux des chiens et des faucons.164 De trop nombreuses exactions ont sans doute été commises dans ce domaine.

Le même esprit d'épargne et de sobriété se rencontre dans un autre précepte : celui de visiter, en un seul jour, les paroisses les plus modestes afin que celles-ci puissent se partager les frais de réception, supportés à parts égales par le curé et le conseil de fabrique.165 Nul autre frais ne doit être exigé de celui-ci. Il est enfin défendu aux doyens de leur extorquer des fonds, directement ou par l'intermédiaire de qui que ce soit.166

162. PAQUAY, J., Ibid., p. 240.

163. PAQUAY, J., Ibid., p. 239, est excessif lorsqu'il prétend que les archidiacres monopolisent cette prérogative au détriment des doyens à partir du XIIIe siècle. Si l'on s'en réfère à Sohet, tout porte à croire que ceux-ci

ont

88).

conservé

ce pouvoir par délégation de leurs supérieurs (SOHET, D., Ibid., p.

164.

AVRIL,

J.,

Ibid.,

p.

157.

165.

AVRIL,

J.,

Ibid.,

p.

158.

166.

AVRIL,

J.,

Ibid.,

p.

158.

A l'occasion de la visite annuelle des quartes-chapelles, le doyen rural s'enquiert de l'administration de la fabrique d'église et de la table du Saint-Esprit. Il examine aussi l'état des bâtiments et de tous les objets liturgiques, en particulier les livres pieux.167

Originellement, le doyen rural a pour mission de récolter, dans chaque paroisse, la soniata. Cette taxe, due tous les quatre ans à l'évêque, lui est versée à l'occasion des visites qu'il entreprend. Elle donnera naissance au cathedraticum et à l'obsonium.168

Le droit cathédratique (cathedraticum) ou droit synodal (synodaticum), est une redevance que tout bénéficier doit verser à l'évêque tous les quatre ans. Le montant en est fixé par les coutumes locales, en fonction des revenus de chaque bénéfice. L'appellation synodaticum provient du fait que cette taxe doit être versée, du moins à l'origine, à l'occasion des synodes épiscopaux. L'évêque, l'archidiacre et le doyen rural se la partagent à raison de deux tiers (six neuvièmes) pour le premier, deux tiers du tiers restant (deux neuvièmes) pour le second et un neuvième pour le dernier. Les églises du diocèse de Liège sont réparties en églises entières, églises médianes et quartes-chapelles selon qu'elles sont tenues de verser la totalité, la moitié ou le quart du cathedraticum.169

L'obsonium ou procuratio est perçu par l'évêque, les archidiacres ou les doyens ruraux

à l'occasion des visites de paroisses. Il s'agit, au début, d'un impôt en nature : l'Eglise visitée entretient les associés, les valets et les chevaux des visiteurs. Elle leur fournit aussi la nourriture, un logement et tout ce qui est nécessaire à leur subsistance.170 Les exagérations des archidiacres et des doyens, qui arrivent parfois dans des paroisses accompagnés par de nombreux cavaliers, voire des chiens de chasse et des faucons, seront interdites par l'évêque Jean de Flandre.171 A cette procuration en nature se substitue bientôt un don en espèces.172

167. Registrum I, f° 51. Registrum II, f° 26. CEYSSENS, J., Ibid., pp. 187-188.

168. MUNSTERS, A., Het Cathedraticum in het oude bisdom Luik, dans De Maasgouw, t. 66, Maastricht, 1952, pp. 17-20, 33-36 et 52-55. DEBLON, A., Ibid., p. 704, note 5.

169. PAQUAY, J., Juridiction, droit et prérogatives, p. 107, note 1. DEWIT, J., Notes sur des quartes-chapelles de l'ancien doyenné de Beringen, dans l'Ancien Pays de Looz, t. 12, Hasselt, 1910, pp. 58-59. HENRY, W., Cathedraticum, dans Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, t. 2, 2e part., Paris, 1910, col. 2623. MAY, G., Cathedraticum, dans Lexikon für Theologie und Kirche, t. 2, Fribourg, 1958, col. 980.

170. PAQUAY, J., Ibid., p. 107, note 2.

171. AVRIL, J., Ibid., p. 157.

172. PAQUAY, J., Ibid., p. 107, note 2.

Les doyens ruraux sont parfois surnommés les «archidiacres des quarteschapelles»173 car ils exercent sur ces églises un pouvoir comparable à celui de leurs supérieurs sur les églises entières et médianes. Dans les quarteschapelles, le doyen perçoit, seul, l'intégralité du cathedraticum et de l'obsonium.174 Il a le droit d'y instituer les prêtres et de visiter leur paroisse. Il y porte aussi le titre de iudex ecclesiasticus.175

La collation de ces cures peut appartenir à diverses personnes ou

institutions, le plus souvent une abbaye ou un seigneur local. S'il s'agit d'une quarte-chapelle, le nouveau curé doit alors être présenté, dans les délais légaux, au doyen rural par les personnes qui l'ont choisi. Les laps de temps impartis sont de six mois pour les collateurs ecclésiasti- ques et de quatre mois pour les laïcs. Si ces limites sont franchies, la collation du béné- fice revient au seul doyen. Dans le cas où celui-ci ne trouverait personne dans un inter- valle de six mois, l'évêque a le droit de reprendre l'affaire en main.176

L'admission d'un nouveau curé dépend, en principe, de l'enquête menée par le doyen au sujet de sa vie, de son comportement, de ses connaissances et de son discernement. Il semble toutefois que de nombreux individus ne correspondant pas au profil souhaité aient été reçus.177 Les statuts de 1288 sont beaucoup trop peu précis à cet égard. Ils légifèrent uniquement sur l'âge du candidat, qui doit être de vingt-cinq ans au moins, et sur le délai d'un an accordé à tout individu non-prêtre pour se faire ordonner et pour s'installer dans sa nouvelle paroisse. Ils ne s'attardent guère sur le savoir et le comportement du postulant. Ils attirent toutefois l'attention des archidiacres et des doyens sur le fait que tout candidat doit acquérir son bénéfice sans enfreindre le droit canonique, qu'il essaiera de récupérer tout ce qui a éventuellement été extorqué à sa paroisse, qu'il n'a pas versé dans la simonie et qu'il n'a pas connaissance que de tels actes aient été posés dans son entourage. L'admission de prêtres étrangers au doyenné et, à fortiori, au diocèse est formellement prohibée, sauf si l'intéressé détient une lettre spéciale rédigée par l'archi-

173. MUNSTERS, A., Ibid., p. 69. Cette réputation s'est perpétuée jusqu'au XVIIIe siècle (SOHET, D., Ibid. p. 88). BIJSTERVELD, A.J.A., Ibid., p. 44.

174. MUNSTERS, A., Ibid., p. 69.

175. MUNSTERS, A., Ibid., p. 69.

176. Registrum I, f° 44. Registrum II, f° 21. CEYSSENS, J., Ibid., p. 186.

177. En témoignent les modèles de lettres de refus de candidature recopiés par Van der Scaeft dans son formulaire. Registrum I, f° 219-224. Registrum II, f° 116-121. CEYSSENS, J., Ibid., p. 186.

diacre.178 Sous l'épiscopat de Georges d'Autriche (1544-1557), les règlements relatifs à l'institution des dignitaires ecclésiastiques sont complétés et améliorés. Les qualités requises pour tout candidat sont enfin explicitement définies.179

Le doyen accorde alors au candidat les lettres proclamatoires. Sa présentation est alors proclamée par le curé intérimaire à la grand-messe. Celui-ci invite, par cet acte, toute personne opposée à l'institution du postulant à se manifester auprès du doyen. Si aucune difficulté ne subsiste, le nouveau curé prête serment en les mains du doyen. Une cérémonie présidée par le doyen lui-même ou par un autre prêtre du concile consacre le nouvel élu. Au cours de cette célébration, le curé reçoit symboliquement les clefs de l'église, le calice, un missel et divers ornements. Le procès-verbal de l'institution est dressé par un juriste, assisté au minimum de deux témoins.180

L'exemple de l'église de Dürler, une quarte-chapelle située dans le concile de Stavelot, illustre parfaitement ces propos. Le 30 janvier 1280, le chapitre Saint-Jean l'Evangéliste, à Liège, passe un accord avec le seigneur local, Alard d'Ouren, pour nommer alternati- vement le desservant de cette église.181 En 1314, c'est au tour d'Alard de choisir le nou- veau curé de Dürler. Le 27 février, il le présente au doyen de chrétienté, Nicolas, par l'intermédiaire d'un représentant.182 En 1485, dans le même concile, le doyen Frédéric de Brandebourg nomme curé de Deiffelt, le prêtre choisi par le couvent de Sainte-Marie, à Houffalize.183

Le pape, lui aussi, peut intervenir dans l'installation d'un curé d'une quarte-chapelle en vertu des droits de réserve et de la nomination par provision apostolique. Cela n'empêche pas le postulant de devoir prêter serment en les mains du doyen, après lui avoir exhibé les documents émanant de la curie romaine.184

178. AVRIL, J., Ibid., p. 159.

179. SCHANNAT, J.-F., Ibid., t. 6, pp. 392-393.

180. Registrum I, f° 43. Registrum II, f° 20 v°. CEYSSENS, J., Ibid., p. 186.

181. A.E.L., Archives de la collégiale Saint-Jean, Novus liber stipalis, f° 59.

182. A.E.L., ibid., f° 59.

183. Les références de cet acte ne sont pas mentionnées par GUILLEAUME, D., Doyens du concile de Stavelot,

dans Leod., t. 8, Liège, 1908, p. 147.

184. Registrum I, f° 42. Registrum II, f° 20 v°. CEYSSENS, J., Ibid., p. 185.

L'institution d'un curé est aussi l'occasion, pour le doyen, de percevoir différents droits déterminés par les coutumes locales. C'est une des sources de revenus les plus importan- tes que perçoit le doyen,185 et ce, malgré la prohibition des pratiques simoniaques.186

Il est possible que le doyen rural ait possédé, à l'origine, le droit de révoquer les desser- vants des quartes-chapelles, mais nous ne connaissons pas d'exemples qui illustreraient ces propos.187

Selon l'abbé Ceyssens, les doyens ruraux auraient anciennement détenu une juridiction spéciale pour les causes bénéficiales et matrimoniales propres aux quartes-chapelles,188 mais Van der Scaeft ne s'étend guère sur ces prérogatives.

Les doyens ruraux doivent délivrer les lettres de mariage ou placeta matrimonii lorsque les futurs époux proviennent de diocèses différents. En cas de naissance extraconjugale, ils peuvent contraindre le père naturel de l'enfant à épouser la mère de celui-ci ou à la dédommager.189 Cette juridiction sera retirée aux doyens par les statuts de 1618.190

185. Registrum compositionum, f° 79.

186. AVRIL, J., Ibid., p. 166.

187. CEYSSENS, J., Ibid., p. 190.

188. CEYSSENS, J., Ibid., p. 190.

189. Registrum I, f° 47-50. Registrum II, f° 23-24. CEYSSENS, J., Ibid., p. 191. Un exemple de lettre visant à corroborer un marriage a été reproduit dans le formulaire : Registrum I, f° 154-156 et Registrum II, f° 102-103.

190. CEYSSENS, J., Ibid., p. 191.

191. Registrum I, f° 33. Registrum II, f° 16. CEYSSENS, J., Ibid., p. 211.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon