WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Réseau social d'entreprise: discours éthique, entreprise nouvelle ?

( Télécharger le fichier original )
par Anaà¯s Djouad
Institut d'administration des entreprises Savoie Mont- Blanc  - Master 2 hypermédia et communication 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

IBM, LE PRÉCURSEUR
ORANGE, L'EXCEPTION A LA RÈGLE SELON SES PAIRS
ALDES, VERS L'ADOPTION DU RSE

L'ADIRA,
POUR UNE INNOVATION GLOBALE DES ENTREPRISES EN RHONE-
ALPES

Le RSE est un outil technologique nouveau. Les analyses de retours d'expériences se font rares. Ainsi nous avons fait le choix d'aller a la rencontre de professionnels, acteurs de la mise en place de RSE dans leur entreprise. En France on comptabilise environ 50 % (Pierre Milcent - Atelier UDA Club Net Paris 2012) d'entreprises qui ont un RSE ou sont dans une démarche de mise en place d'un RSE. Même les chiffres sont vagues, de plus ils ne sont pas vraiment révélateurs.

Au cours de nos prises de contacts avec différentes entreprises, nous nous sommes rendu compte que la plupart des personnes interrogées sur l'éventuelle existence d'un RSE dans leur entreprise avaient du mal à faire la différence entre RSE et Intranet ; il faut décrire minutieusement les types d'outils et les usages pour s'entendre répondre la majorité du temps... «Aah, comme Facebook !» ou encore «ah non, hein, on envoie des mails pour communiquer ici!».

Finalement, à force de persévérance nous avons pu décrocher 4 interviews. Nous parlerons donc d'analyse qualitative du terrain. On peut retrouver le guide d'entretien ainsi que la trame des questions pour ces entretiens semi-directifs dans les annexes.

A travers les 4 interviews réalisées auprès de 3 entreprises (dont 2 du Cac 40) et une association de professionnels et universitaires, nous avons pu mettre en lien hypothèses et analyse de l'existant, pour tenter de mettre en lumière la problématique qui nous occupe ici.

Question d'éthique : Contrôle du salarié, performances et bonne conduite

Pendant les interviews réalisées pour ce mémoire, la question de la gouvernance de l'entreprise et son implication dans le contrôle des échanges et des usages, dans leur vision macro, a été soulevée. Pour IBM, la notion de contrôle est a éviter. Cependant, chaque année, la charte d'éthique numérique est présentée à tous les salariés et chacun se doit de la signer pour une nouvelle durée annuelle. Une phrase de Muriel Blondin a retenu mon attention, nous évoquions à ce moment là, le tracking : «Il y a effectivement la notion que, si les gens se connectent ça veut dire qu'ils travaillent». Nous avons abandonné les pointeuses et sommes passés au management par objectifs ou projets, ce qui a permis aux salariés de penser qu'enfin, ils pouvaient eux-mêmes organiser leur temps de travail. Néanmoins ce genre de remarque, les possibilités de tracking très fins données par l'outil, soulèvent la question de l'indépendance du salarié, et de la potentialité de vérification des temps de travail soi-disant abandonnée et surtout la portée éthique de ce type de tracking.

La conversation se termine ainsi : «en tant que CIO, et provider de ces outils, on nous demande d'être compliant on va dire, sur ces notions là, les règles de sécurité. Le manager ne peut pas se servir du fait que la personne soit connectée ou pas pour dire qu'elle travaille ou pas»

.... Mais peut-être qu'il en a très envie ? Peut-être que cette potentialité suffit à engendrer une pression constante sur le salarié qui utilise alors a outrance le RSE, qui n'ose pas se déconnecter plus tôt même si ses objectifs/jour ont été atteints ?

Pour ALDES, il est incontournable d'anonymiser les données trackées. Aucun problème pour Thomas Chejfec d'annoncer que le tracking existe. Mais il précise : «le principe éthique qu'on a pour la messagerie instantanée et qui s'applique aussi aux réseaux sociaux a mon sens, c'est l'anonymisation des données. Quand vous faites des statistiques sur les personnes et leurs modes de communication, vous traitez l'information et vous l'anonymisez, vous remplacez les noms et les prénoms par des numéros. Car intrinsèquement qu'est-ce qui vous intéresse ? C'est pas de savoir que c'est Anaïs et Thomas qui échangent le plus, c'est plutôt de savoir que vous avez une personne A et une personne B qui ont fait à elles deux, 25 % de la consommation globale de la messagerie du Groupe. Peu importe qui. De déceler de tels abus permet de recentrer les débats et de diffuser un message global».

Chaque entreprise rencontrée parle du salarié comme élément majeur de la mise en place du RSE. Les outils instaurés sont optimisés pour leur bien-être (Orange), ou pour faciliter leurs tâches quotidiennes (IBM). Les échanges permanents, la centralisation des savoirs : c'est une preuve de confiance pour la salarié, donc une démarche éthique de l'entreprise. IBM : «On a commencé a avoir une certaine liberté, confiance, donnée a l'utilisateur, qui peut alors publier son propre contenu et partager ses propres infos».

L'utilisateur serait donc a même de profiter d'un «lieu numérique» d'expression libre, dégagé de toute contrainte vis-à-vis de l'employeur ? Chez Orange, l'exception a la règle, la mise en place du RSE s'est faite de manière volontaire : «il existe 4 axes dans la stratégie d'Orange (...) là c'est le Collaborateur. Ainsi chacun est libre de s'inscrire ou non au RSE».

Et son utilisation aujourd'hui n'est pas obligatoire. Ceci s'explique sans doute par le caractère extraprofessionnel du RSE. A l'origine mis en place uniquement dans le but de réinstaurer le dialogue entre les salariés, il migre petit a petit vers des objectifs plus directement liés a l'environnement professionnel : «...(le RSE) ne se veut pas un outil RH, mais plutôt un outil d'expression et de collaboration».

La crise de 2008, chez Orange aura marqué les esprits. C'est une des raisons qui pousse Sylvain Hudelot et son équipe à mettre en oeuvre un processus d'expérimentations pour la mise en place d'un outil de communication dédié au salarié. La notion de «bonne conduite» revient alors a une entreprise qui se sait démunie de l'adhésion de ses salariés a sa politique managériale : «On ne pouvait pas faire pire que ce qu'on a connu il faut le dire, en matière de management, on était au bord du collapse. On s'est donc donné les moyens (...). Je crois fondamentalement que dans ce 21ème siècle, le primat de l'individu sera fondamental et les enjeux pour les entreprises seront (...)

de capter les individus, de veiller a ce qu'ils s'épanouissent au mieux. C'est relativement neuf, depuis 30/40 ans l'individu dans l'entreprise est une ressource». Le CIO d'Orange, dans son discours, porte donc l'idée que le RSE est le vecteur d'une transformation qui n'est pas du fait de l'entreprise mais bien du salarié. Sa démarche Réseau Social d'Entreprise, s'ancre donc fondamentalement dans le Social du sigle.

La vérité est tout autre pour des entreprises comme IBM qui ne voit dans le RSE, principalement, qu'une nouvelle forme de compétitivité pour l'entreprise : «On a eu dans notre entreprise, dans la formation pure de notre entreprise, ce qu'on appelle un globally integrated enterprise qui a permis d'améliorer cette collaboration transversale entre nos différentes entités. On s'est aperçu donc, qu'il y avait des choses qui étaient commune à un job : quelqu'un qui était dans une entité, qui performait le même boulot qu'une autre personne, mais dans une autre entité, mais l'important c'était ce même besoin, d'un point de vue accès applicatif mais aussi outil de collaboration. Il y a eu toute une étude pour regarder en profondeur comment les gens travaillaient, en fonction de leur job role, ce qu'on pouvait leur apporter de commun, et ce qui était unique a leur job, ou alors l'organisation».

Le message stipule donc clairement que le moteur fondamental du RSE s'appuie sur la notion de performance salariale. Pour se prémunir éthiquement, IBM met en place différentes stratégies comme les «social computing guidelines» qui intègrent les règles de bonne conduite au sein du RSE. Ainsi le salarié évolue dans l'entreprise 2.0 en connaissance de cause.

Pour prouver leur bonne foi et leur conscience sans ombre, les entreprises mettent pour la plupart, en ligne leurs chartes d'éthiques et chartes d'éthiques numériques. Que ce soit sur le site d'IBM ou celui d'Orange, on trouve en lecture publique ces textes qui régissent les bonnes conduites dans l'entreprise et l'entreprise 2.0.

Comment ne pas acter ainsi d'une prise en compte de l'individu par les entreprises ? Ce qu'il manque fondamentalement comme informations sont les droits et devoirs de l'employeur. Aucune explication sur la manière dont l'entreprise contrôle et surveille les échanges.

Chez IBM, on est finalement assez claire sur la partie managériale, mais pas sur le traitement des données : «Il y a effectivement des communautés via lesquelles on peut gérer un groupe de personnes sur des aspects projets purs, et puis on a un service, une fonction dans Connection qui s'appelle Activité. Elle permet vraiment de faire de la gestion de projet structurée. Ça évite, par exemple, d'avoir des échanges par mails systématiques entre un groupe de personnes. Il suffit de tout mettre dans Activité et ça va permettre de mettre à disposition des contenus qui sont directement liés au projet». Et puis l'entreprise sait se protéger de toute réflexion désobligeante quant a son éthique : «On a un correspondant Informatique et Liberté dans notre entreprise, qui est le délégué de la CNIL. Sa mission, en tant que CIL (Correspondant Informatique et Liberté,ndlr), c'est d'être le délégué de la CNIL pour toutes les problématiques relatives a la sécurité, a la protection des données, au respect de la vie privée des individus. Donc sur ce genre de sujet, comme pour le réseau social, il y a eu des revues éditées par le CIL, à disposition des utilisateurs, pour être sûr et démontrer qu'on restait dans un cadre légal et qu'il n'y avait aucun moyen, par exemple pour un manager, d'aller fliquer , enfin, d'aller par exemple chercher des traces d'authentification ou de présence de la personne via son Sametime ...».

IBM est un grand groupe, et les personnes qui m'ont reçu, d'excellents communicants. En ce sens, il a été impossible de sortir d'un discours clairement rôdé et sans aucune critique visible a l'égard du système RSE et le management qui l'accompagne.

Mais vu la culture d'entreprise, la mise en relation a l'outil, la forte communication autour de l'éthique, on sent une difficulté d'ouverture réelle pour le salarié.

Centraliser tous ces faits et gestes dans un outil unique tend a montrer qu'il est plus que jamais sous contrôle d'une Direction qui, sous couvert d'horizontalité et de décloisonnement, n'est même plus visible. Les Blue IQ Ambassador, censés délivrer la bonne parole et transformer les pratiques de chacun des salariés sont la marque d'une politique directive camouflée en grande messe pour le bien de tous.

La notion d'évangélisation utilisée pour définir la mission de ces Blue IQ Ambassador est forte. Extrêmement forte. Pierre Milcent souligne : «dans le sens américain du terme». Je l'ai entendu utiliser cette expression durant l'atelier ClubNet, puis lors de notre entrevue au siège d'IBM. Thomas Chejfec d'Aldès l'utilise aussi. Sylvain Hudelot d'Orange s'accorde a dire que c'est un terme approprié. Comment ne pas mettre la portée sémantique de ce terme en lien avec notre analyse de l'éthique a travers la vision nietzschéenne des rapports entre les hommes. Nous sommes face, plus que jamais à un double discours de la gouvernance, encore une fois : Soyez libres, mais nous allons vous dire, comment, pourquoi, et jusqu'ot).

Pour Orange, il s'agit d'externaliser le contrôle. L'éloigner, permet alors de l'oublier un peu, voire de s'en détacher en toute conscience. Comme si le fait de ne pouvoir le voir tend à démarquer la gouvernance de toute implication de contrôle stratégique de l'utilisation du RSE : «Orange Consulting est une filière, je crois, d'Orange Business Service (...) Ils sont un peu comme des externes, des consultants (...) Ils ont commencé réellement à avoir des statistiques intéressantes récemment (...) On a pu évaluer les intérêts, les usages».

La transformation du management : le manager, la gouvernance.

Il est certain que le RSE n'est pas simplement un outil mis en place pour le bien-être du salarié. L'utopie est clairement inenvisageable pour des entreprises (et pour le salarié qui est fondamentalement éclairé sur ce point.) qui ont pour objectif principal la productivité, la pérennité compétitive, et l'optimisation des processus de travail pour répondre a ces deux premiers objectifs.

Selon Sylvain Hudelot, pour Orange, l'obligation d'avoir un RSE passe néanmoins par la nouvelle considération du travail par les salariés : «Le RSE correspond a un état d'esprit qui est dans l'air». Pour IBM il s'agit effectivement d'optimiser l'efficacité du salarié avant tout : «Aujourd'hui dans les manières de travailler a l'intérieur de ces process là (le RSE,ndlr), comment on peut les simplifier et intégrer cette notion de social qui devrait leur amener un gain de temps, et une collaboration beaucoup plus efficace. Donc, on avait créé ce système de Request for consultation, et certains groupes sont revenus vers nous, en nous demandant de l'aide, pour bien comprendre comment utiliser les différents outils qu'ils avaient a disposition au sein de leurs process de collaboration à eux. D'oi la création de ces fameux ambassadeurs, complètement passionnés par les sujets. Au détour d'une conversation, d'un groupe qu'on rencontre, on ne manque pas une seule seconde de leur rappeler qu'il y a des manières beaucoup plus simples et efficaces de travailler».

La vision de Thomas Chejfec, chez ALDES, marque la différence entre les entreprises ayant déjà adopté un RSE, dans une démarche plutôt agressive comme IBM, ou à vocation sociale, comme Orange. La vision de ce DSI est clairement plus objective sur les intentions managériales qui en découlent, et sur la transformation que le management doit vivre, s'il veut véritablement utiliser le RSE comme un moyen exponentiel de réussite de sa volonté de bonne conduite : «Pour être honnête, les mauvais managers vont avoir des soucis. Quand ils vont être confrontés à des salariés qui communiquent de l'information, qui donnent la ligne directrice que vous n'avez pas su donner, ça aura un impact négatif. Mais aujourd'hui, si vous êtes un bon manager, vous vous devez de donner une ligne directrice à vos collaborateurs et les deux ne sont pas opposés. Il y a ce que votre chef vous explique, qui est une déclinaison de la stratégie du Groupe. Si le Groupe va dans cette direction, et moi en tant que manager, je contribue à cet objectif stratégique en faisant différentes actions, et en délivrant des feuilles de route à mes collaborateurs. Ce qu'il se passe de manière transversale est autre chose. C'est la vie de la communauté, c'est la contribution dans le cadre de ces travaux et de l'objectif. Et ce n'est absolument pas contradictoire».

La crainte du manager de voir son contrôle s'amenuiser est réelle. Mais ce qu'il ne veut pas encore voir, ce sont les autres possibilités que lui donnent ses connaissances du management des hommes et de la gestion de projet. Le salarié ne veut plus être contraint de respecter des processus, obligés de les suivre, malgré parfois, leur incohérences d'actions. Néanmoins, il lui faut pouvoir saisir les objectifs de ses missions, comprendre oi il a réussi, et oi il a échoué, définir ses axes d'évolutions, parfaire des manques. Qui est mieux placé que le manager pour lui délivrer toutes ces clés de réussite ? «Mais tout repose ici encore sur la mise en place de monitoring d'utilisation. Au-delà, il y a le danger de déstructuration pour l'entreprise. Le top management va perdre quelque part sa main mise sur la dispersion des informations. Quand le top management fait du top-down, sur un réseau social, il a intérêt a faire du top-down avant que les populations transverses ne s'approprient l'information. A contrario de Link ou de la messagerie, vous êtes contraint d'avoir un community management quand vous avez un RSE : surveiller, recadrer, animer, ...».

Malgré les discours qui portent les notions d'horizontalité, de transversalité, le RSE ne déroge finalement pas à la règle du cloisonnement.

Ainsi chez Orange, les communautés d'experts, orientées R&D, ne sont pas ouvertes a tous : «Sur la méthode, il y a donc deux types de communautés, et les communautés d'experts, sur une vingtaine de secteurs, sur des projets 2020. La Direction souhaite que ces communautés existent. Elles ont des postures publiques et d'autres sont fermées.» Elles sont donc liées directement a la volonté de la

gouvernance et en aucun cas a l'esprit premier d'OrangePlazza : le volontariat. Comment expliquer alors deux types de fonctionnement parallèle pour un même outil, qui se veut porté par un discours fédérateur, unique, pour tous ? Peut-être que l'on peut trouver la réponse avec cette remarque d'IBM : «il y a eu cette notion d'approche, et par rapport a la manière de travailler, il y a eu la notion de Change management, d'adoption, d'éducation et de support, qui a été finalement abordée au travers des Blue IQ Ambassador et d'autres, des autres entités, qui s'y sont mises après. Il y a une notion de gouvernance malgré tout, qui a été mise en place par rapport à cette utilisation de l'intranet, et de ses nouveaux outils...(...). C'était des notions High level de gouvernance qu'on a mises en place».

Néanmoins, Sylvain Hudelot d'Orange, a une vision très moderne de la nécessité de transformation du management. Pour lui les nouvelles générations (on parlera de génération Y) ne veulent plus, refusent, d'être dépendantes d'un manager qui dogmatise son rapport au travail : «Voilà, et notre rôle a nous, c'est de trouver les compromis entre quelqu'un, par exemple de votre génération, anglophone, et puis un autre qui est français d'une cinquantaine d'années, avec une approche applicative claire : dis-moi a quoi je dois me contraindre, et j'irais. Et je lui réponds mais je ne veux pas te contraindre, je veux que tu me dises quels outils te servent!. C'est une gymnastique intellectuelle extrêmement différente. Et on s'est trouvé dans des moments de forte tension et de crise. En 2006, 2007, je me rappelle avoir été convoqué dans le bureau d'un haut responsable qui m'a dit, ça fait trois fois que je demande ça, je n'ai toujours pas mon schéma de lecture, ça ne va pas. J'avais de la chance, la réunion se déroulait a 4, dont un jeune de 25 ans, nouvel arrivant, l'autre de Londres, qui avait fait le déplacement, et qui lui ont dit: non mais ne t'énerves pas, on va te montrer. Et en fait ce sont ces gens là, qui n'ont aucun problème pour exister virtuellement, qui n'ont plus la timidité de se dévoiler, de s'exprimer qui ont mis la première brique. Cela l'a rassuré mais ça ne s'est pas fait sans mal. Moi mon métier c'est de rassurer, convaincre... Le schéma encore actuel de la plupart des entreprises ne correspond pas au schéma du réseau social. Et c'est là oi c'est difficile». Il révèle ainsi la portée sociétale, symbolique du RSE, qui est donc un vecteur fondamental du changement managérial, qui va dans le sens du salarié, non plus seulement de l'entreprise.

Chez Aldes, Thomas Chejfec, s'accorde a dire que la lenteur de la mise en place du RSE est dûe au conflit générationnel qui s'opère entre une Direction «vieillissante» et des collaborateurs «au fait des TIC». Selon lui, la cause principale de l'hésitation, encore palpable aujourd'hui de sa direction, a instaurer le RSE dans sa globalité est dû à la peur de la perte du système managérial top-down qui est, pour la direction d'Aldes, encore le moyen le plus fiable de maîtriser les enjeux internes et de vérifier que la machine fonctionne telle qu'ils l'ont décidée : «Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a aucune tension en ce sens, et ce qui fait vraiment aujourd'hui obstacle a la mise en place d'un RSE, c'est uniquement la peur ancestrale de perdre du pouvoir. Si tout le monde se met à communiquer dans mon dos, je vais perdre du pouvoir... «.

Enfin, pour IBM, le RSE est le meilleur moyen pour juger des compétences et de la soif d'évolution de ces salariés : «Donc en créant des filières verticales, a travers par exemple la séniorité ou encore la certification, on a des programmes de certification junior, senior ; il y a des Distinguish engineer, des IBM fellows, donc c'est tout un mécanisme de valorisation par le haut, et l'enjeu pour nous, c'est d'être complètement porté par notre direction générale, au niveau Corporate, c'est a dire que tous ceux qui sont Subject Matters Experts doivent ou peuvent se mettre en avant, développer leurs capacités a dialoguer avec le client, le partenaire, puisqu'ils seront reconnus comme expert ou connaissant leur domaine, ce qui permettra a l'organisation de rayonner davantage. (...) Expertise Locator c'est typiquement ça, être capable de capter les expertises des individus, leur capacité a se propulser sur Internet.»

Deux alternatives s'offrent alors aux entreprises : répondre a des besoins ciblés (les audits chez Orange, Aldès, IBM, montrent qu'ils sont connus) par des outils que le RSE peut fournir, ou imposer des processus parfois encore plus lourds et contraignants, voir contre-productif.

Design de l'outil : en parlant de nouveaux usages.

La contrainte pour le salarié d'abandonner des usages qu'il maîtrise pour des usages qu'il ne connaît pas est souvent facteur de retard dans la mise en place d'un RSE global et complet. Les retours d'expérience, a travers ces interviews mettent en avant, a chaque fois, le conflit générationnel comme frein a l'optimisation de l'outil, et a une ouverture complète de ses services. Pour Pierre Milcent d'IBM ce conflit se pose sur la difficulté pour certains de comprendre les mécaniques de l'outil. Pour Sylvain Hudelot d'Orange, le rapport entre génération se traduit par une frilosité du design puisque les décideurs ne sont pas de la génération V.

Pour Thomas Chejfec, la contrainte de mêler, autour d'un même design, des générations très différentes d'un point de vue «connaissances technologiques», est une mise en danger pour l'optimisation du RSE. Il préconise Simply the best. Pour lui, qui saisit le design dans sa portée holistique (contrairement aux autres interviewés qui mélangent souvent design et graphisme et mettent a part les principes d'ergonomie et d'architecture de l'information, ainsi que l'aspect technique), il est incontournable d'aborder cette science dès le début du projet RSE.

Il faut penser utilisateurs de l'administration de la plate-forme jusqu'à la navigation entre les outils a disposition. Mieux vaut un outil simple et cadré, qu'une «surpopulation de web parts», comme c'est souvent le cas.

En effet, quand Pierre Milcent nous fait la démonstration du RSE d'IBM, l'impression est forte de sembler retourner dans les années 90. L'amoncellement de web parts, la navigation multi-entrées (je peux atteindre un élément de plusieurs manières, sans qu'une, de ces manières, ne soit forcément la meilleure ou la plus adaptée à la navigation en cours). On est face à un multi-fenêtrage, on n'a aucune notion d'espace et de temporalité. L'architecture, personnalisable car dynamique, ne répond de fait a aucune logique et même l'utilisateur, (c'est le cas pendant la démonstration de Pierre Milcent), hésite quand il recherche l'outil souhaité.

Chez Orange, il y a un réel souci d'ergonomie. Les 3 interviewés s'accordent a le dire, les utilisateurs le font fréquemment remonter aux Community Manager. Sylvain Hudelot explique que la grande erreur d'Orange porte sur le choix technique qui a été obligé, influencé par le besoin de sécurisation des données. En 2010, déployer un RSE a l'internationale demande une gestion sécuritaire particulièrement forte en termes de circulation des données. Ainsi, la solution retenue, SharePoint, alors la seule, parmi les 7 expérimentations effectuées pour déterminer la meilleure plateforme à pouvoir répondre a la demande de sécurisation de la gouvernance, qui, dans les axes d'innovation passe largement avant le confort utilisateur. Ainsi, ce qui est développé aujourd'hui en termes d'interface n'est plus supporté par SharePoint. Il a fallu travailler en lien étroit avec les équipes de développement externes pour permettre par exemple, l'intégration de Mur+, le nouvel outil décrit dans l'interview. Ainsi, la navigation, la reconnaissance des espaces, les interactions, ne répondent pas a des logiques ergonomiques, ce qui rend parfois difficile et long le temps d'adaptation des utilisateurs les moins intuitifs.

La formation aux RSE a encore de beaux jours devant elle...

En ce qui concerne les principes de ludification défendus par nombre de prestataires SaaS, ils sont quasi-inexistants chez IBM, mis à part les badges. En même temps ce principe est décrit comme un fondamental c'est peut-être pour ça... Chez IBM on peut se permettre l'humour mais toujours dans un objectif didactique ou communicationnel.

Chez Orange, l'esthétique même de la charte du RSE, est beaucoup plus ancrée dans ce principe de gamification de l'objet. Les didacticiels en ligne sont sous la forme d'animation 3D, réalisés par une société de Serious Game. Les jeux-concours sont monnaies courantes, les évaluations utilisateurs sont faites via des quizs ou questionnaires. L'enjeu du jeu est présent, peut-être parce que le moteur

premier chez Orange était moins le management des salariés, et plus celui des hommes dans leur reéducation a l'esprit de corporation.

«C'est dans les chances qu'il peut saisir que vit le coeur humain. La chance est l'un des visages que nous montre la clairière»

William James (in Sloterdijk, 1999).

Le RSE apparaît progressivement

Les acteurs de la conception, du déploiement et du contrôle de la bonne utilisation du RSE, d'après les principes dictés par les chartes d'éthiques numériques, s'accordent a dire qu'il est nécessaire d'impliquer les managers dans la conception de l'outil. Celui-ci doit être déployé sur la base du volontariat au départ pour prendre en compte les formations aux usages nécessaires, et la conduite du changement doit se faire dans un processus d'itération, engageant alors le principe de version bêta. On parle de stratégie digitale globale, de la conception à la mise à disposition.

Ainsi le CMS* doit être DCMS* et cette solution technique doit être prise en compte dès le début de la transformation de plates-formes 1.0 vers le 2.0. L'expérience d'Orange a ce sujet est frappante.

La question de l'utilité de l'outil malgré qu'elle soit, en France, a l'origine des freins de la gouvernance pour l'adopter, se confronte a la réalité de l'objet : Les 7 outils fondamentaux de management sont accessibles via la plupart des interfaces RSE proposées : planifier, diriger, contrôler, améliorer, organiser pour soi, organiser pour l'équipe.

Ainsi, au-delà des fondamentaux d'un outil qui se dit RSE : un annuaire enrichi et dynamique, une solution de publication, les solutions RH frileusement adoptées sont pour autant les vecteurs indispensables a l'accord des directions, pour mettre en place un outil qui réponde plus aux besoins de suivi de l'employeur, qu'aux besoins de facilitation des usages de production de l'employé.

A noter qu'au 1er janvier 2012, 50 % des entreprises du Cac40 disposent, oi sont dans une dynamique de RSE. On se rend compte qu'il faudra encore quelques années (5 ans d'après les statistiques prévisionnelles de l'ADIRA,) pour une généralisation de l'intégration du RSE en France.

Le bilan des concepteurs, malgré les préconisations des designers, est qu'il ne faut pas compter sur une intuitivité d'usage. La période d'adaptation est lente et difficile (compter 2 a 3 ans), demande des temps de formation parfois lourds à mettre en place et multi-supports (e-learning, présentiel, conférences internes,...). Pour les Community managers, l'usage est le révélateur, la technostructure fait la réussite.

Les outils classiques doivent être au minimum abandonnés et à minima, doivent se fondre dans un ensemble. D'oi l'importance au moment de l'évolution de penser l'ergonomie et le design. C'est donc ici la seule contrainte de prise en compte de ces outils.

La question du réseau ouvert sur le web, de l'interconnexion donc, soulève des contraintes liées a la sécurité des données pour les entreprises. Majoritairement, l'interconnexion se limite à des plates-formes comme Linkedln ou Tweeter, et le marquage de données externes. Par contre, la portabilité de l'outil (accès depuis n'importe quelle machine ou terminal type smartphone), est plus problématique.

Les principes éthiques sont pour la plupart des dirigeants la source, la justification, d'une politique d'éducation aux technologies de l'information et de la communication.

Enfin, tous s'accordent a dire que le RSE est un facilitateur d'échanges et de production.

L'outil n'est rien sans l'homme et les usages qu'il en fait

Comme toujours, dans un principe de conception, puis de réalisation de celle-ci, ce sont les usages formulés qui font l'outil. Aujourd'hui nous sommes face a une technologie, des offres SaaS*, qui permettent de multiples formes de communication, d'échange, de partage des savoirs, de gestion de l'humain,... Mais sans l'homme l'outil n'est rien, comme un objet non-défini qui présente certains aspects non formulés ou formalisés.

Ainsi, sur la question des usages, il paraît évident que le management doit être le concepteur de ceux-ci, pour aller vers une véritable évolution du monde du travail. Il était incontournable d'analyser le modèle managérial d'un point de vue macro, pour comprendre depuis son anthropologie sociale* et sa représentation anthropotechnique*, l'impact qu'a le management sur l'évolution de l'outil. Qu'est-ce qu'un manager, qu'est-ce qu'il manage... Dans l'horreur managériale (Rodin, 2004), il est évident pour l'auteur que l'on connaît des dérives flagrantes en matière de management. L'explication serait a chercher dans les peurs et la soif de maîtrise dictatoriale du process jusqu'au savoir, d'où une mauvaise utilisation du concept de management.

Le management des idées* prône le néo-management* porté par des valeurs humanistes, pour celui qui souhaite abandonner le parc pour aller vers la clairière (Sloterdijk, 1999). Ces dispositifs fonctionnent dans de petites structures ou du moins laissent présager que le petit nombre a plus de chance d'arriver a de réels décloisonnements entre les métiers, à de réelles mises en oeuvre de l'élévation collective.

L'enjeu du RSE est donc de rendre accessible des moyens pour mettre en oeuvre cette nouvelle façon de marcher. Pour les grandes entreprises, à forte tendance corporate*, assimilées à de grands groupes, on ne peut malheureusement pas parler d'une transformation exclusivement positive. On sait que le propre des managers, dans ces cas de figure, est de prôner la transmission de valeurs par des termes très positifs pour faire oublier toutes les défaillances dues a l'oubli de l'individu en tant que tel : «la cave des archives peut-elle, elle aussi, devenir une clairière ? Tout indique que les archivistes ont pris la succession des humanistes. Pour ceux, et ils sont rares, qui cherchent encore dans les archives, s'impose l'idée que notre vie est la réponse confuse a des questions dont nous avons oublié oi elles ont été posées». (Sloterdijk, 2004).

En effet, l'outil RSE devient vecteur d'innovation, mais ne peut en aucun cas la porter à lui tout seul. Encore une fois il est une solution technique, non pas une solution éthique.

Maintes fois, dans l'histoire, l'entreprise a eu des velléités de devenir autre, plus humaniste par exemple.

L'entreprise 2.0 n'est qu'une nouvelle expression derrière laquelle on tente de masquer les dérives d'un système de plus en plus dur et stratégique.

Logique de profit, règne de l'actionnariat et des résultats a court terme, peu d'humanisme en somme... Dans l'exemple de l'Oréal, cité par Mercier (2004), toute la contradiction de sa démarche éthique repose sur deux principes simples : ériger une charte éthique au rang de leitmotiv global pour le Groupe, malgré les sites de productions localisés dans des pays qui lui permettent de ne pas répondre à ces mêmes lois éthiques. Comment se place le salarié face à cette contradiction ? Il comprend rapidement la mascarade, qu'il s'agit encore une fois d'une farce de communicant pour donner à voir, à lire, du beau, pour que management et émotion soient liés, comme savent le faire les publicitaires avec nos sensations (Rodin, 2011).

«Avec ce qui a été dit jusqu'ici, nous avons déjà rassemblé quelques éléments sur la situation historique de l'onto anthropologie* actuelle. Que cette vision, ce discours, cette forme de réflexion aient attendu notre époque pour pouvoir se former a l'issue des possibilités conquises par le 19ème siècle dans le domaine des sciences humaines, reflète le fait qu'une partie du genre humain actuel, sous la fraction euro-américaine, a intenté avec son entrée dans l'ère hautement technologique une procédure sur elle-même et contre elle-même, dont l'enjeu est une nouvelle définition de l'être

humain. Toute participation intellectuelle à cette procédure prend nécessairement le caractère d'un plaidoyer dans la querelle autour de l'homme» (Sloterdijk, 1999).

Et si ce mémoire n'était qu'une vaine tentative de dire simplement ceci : Le monde de l'entreprise ne pourra radicalement changer que si on l'y oblige, aucun outil technologique ne pourra être a l'origine de cette transformation. Nous vivons dans une économie capitaliste depuis plus longtemps qu'il n'en a fallu a des développeurs pour passer d'un web «traditionnel» a un web 2.0 et demain 3.0 (on réfléchit déjà au 5.0 dans les couloirs de TEdX). Seul un changement radical du système pourra amener l'entreprise a se repenser dans sa globalité. Des philosophes contemporains comme Patrick Viveret annonce la fin de cette économie, détruite par elle-même, comme l'avaient annoncé ses propres instigateurs. Attendons de voir...

Ainsi, l'idée d'une économie de la contribution implique que des pans entiers de nos sociétés soient a réinventer. Stiegler énumère certains besoins : «une politique éducative en relation avec le numérique, un nouveau droit du travail, un système politique dé professionnalisé, un monde de la recherche où professionnels et amateurs sont associés. Nous plaidons beaucoup pour cette figure de l'amateur, qui aime ce qu'il fait et s'y investit complètement.»

Reste, finalement, la question de l'argent. La valeur produite par les contributeurs, quel que soit le réseau, n'est pas toujours monétarisable, mais peut avoir un impact sur l'activité économique.

Ainsi, les articles de Wikipédia permettent a Bernard Stiegler d'écrire beaucoup plus vite qu'avant. «La puissance publique doit être en charge d'assurer la solvabilité des contributeurs. Quelqu'un qui a un projet intéressant doit pouvoir recevoir de l'argent. Cela s'inscrit dans le sillage de thèses classiques comme le revenu minimum d'existence, a ceci près que nous pensons que ces budgets doivent être pensés comme des investissements.» (Stiegler, TedX Paris, 2011).

Et a l'entreprise de reconsidérer son investissement. Doit-elle encore choisir la technologie comme béquille à ses manquements, parce que celle-ci nous apparaît encore comme solution, alors qu'elle n'en est qu'un simple vecteur ? Doit-elle continuer à formaliser des bons comportements, des codes éthiques, alors que sa nature même de gestionnaire de production intensive ne respecte pas, quel que soit le maillon de la chaîne, les principes éthiques fondamentaux et universels ?

Il est certain que Les outils RSE dernièrement apparus dans les entreprises sont la manifestation d'une évolution de l'éthique dans le monde professionnel. L'entreprise française se cherche. Elle a finit par se regarder, a travers les crises sociales et financières, s'apercevant qu'elle courait a sa perte. Mais qui du système et de ses représentants doit faire le premier pas ? Qui doit se sacrifier pour que l'autre s'en sorte ? Le RSE est une formidable transposition des innovations technologiques. Comme tous les outils que l'homme a dans les mains c'est a lui seul que revient le choix de son et de ses usages : au service de tous ou de quelques uns ?

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway