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La protection juridique des populations civiles dans les conflits armés internes

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par Jean Paul Malick Faye
Université Gaston Berger de Saint- Louis - Maitrise  2009
  

Disponible en mode multipage

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Sommaire

Abréviations

Introduction

1e partie : Les garanties de protection des populations civiles dans les conflits armés internes

Chapitre I : Les garanties générales

Section 1 : les garanties fondamentales

Paragraphe 1 : Les garanties d'un traitement humain

Paragraphe 2 : Les garanties en faveur des personnes privées de liberté

Section 2 : les garanties en fonction de la conduite des hostilités

Paragraphe 1 : Le principe de la distinction

Paragraphe 2 : La limitation des méthodes et moyens de combat

Chapitre II : La protection des personnes vulnérables

Section 1 : La protection de l'enfant

Paragraphe 1 : La protection de l'enfant contre les effets des hostilités

Paragraphe 2 : L'exigence d'une protection particulière

Section 2 : La protection de la femme

Paragraphe 1 : La protection contre les abus de pouvoir

Paragraphe 2 : La protection en tant que mère ou future mère

2e partie : la mise en oeuvre des garanties de protection dans les conflits armés internes

Chapitre I : La mise en oeuvre au niveau national

Section 1 : L'action préventive

Paragraphe 1 : Le rôle des Etats

Paragraphe 2 : Le rôle du CICR

Section 2 : La répression nationale des violations du DIH

Paragraphe 1 : La compétence classique des juridictions nationales

Paragraphe 2 : La compétence universelle des juridictions nationales

Chapitre II : La mise en oeuvre au niveau international

Section 1 : Le contrôle du respect des garanties de protection

Paragraphe 1 : L'enquête institutionnelle de la CIHEF

Paragraphe 2 : Les procédures développées en dehors du droit humanitaire

Section 2 : La répression internationale des violations graves du DIH

Paragraphe 1 : Le cadre de répression des violations graves du DIH

Paragraphe 2 : Les obstacles dans la répression internationale des

violations du DIH

Conclusion

Abréviations

- CICR  : Comité international de la Croix Rouge

- CIHEF  : Commission Internationale Humanitaire d'Etablissement des Faits

- CIJ  : Cour internationale de justice

- CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale

- CPI  : Cour Pénale Internationale

- DIDH  : Droit International des Droits de l'Homme

- DIH  : Droit International Humanitaire

- GM  : Guerre Mondiale

- OEA  : Organisation des Etats d'Amérique

- OMS : Organisation Mondiale de la Santé

- ONG : Organisation Non Gouvernementale

- ONU : Organisation des Nations Unies

- P.1  : Protocole additionnel aux conventions de Genève relatif à la protection des

victimes des conflits armés internationaux

- P.2  : Protocole additionnel aux Convention de Genève relatif à la protection des

victimes des conflits armés non internationaux

- RDC : République Démocratique du Congo

- RICR : Revue International de la Croix-Rouge

- TPI   : Tribunal Pénal International

- TPIR  : Tribunal Pénal International pour le Rwanda

- TPIY  : Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie

- TSSL : Tribunal Spécial pour la Sierra Leone

- UA  : Union Africaine

Ces deux dernières décennies ont été marqué par une multiplication des conflits armés internes à travers le monde, tandis que les guerres entre Etats ont presque disparues, partiellement sous l'effet d'un équilibre durable entre « super grands » naguère encore qualifié d'équilibre de la terreur. C'est ainsi que l'on recense péniblement une demi-douzaine de conflits de ce type, alors que plus de trente conflits de pouvoir, de territoire, de minorités, de religions ensanglantent la planète. Les conflits internes ne sont plus de nos jours ce qu'ils étaient au temps d'Henry Dunant. Apres les conflits internes politiques, après les conflits internes « périphériques », plus ou moins idéologiques, voici venus les conflits armés internes de la troisième génération, largement endogènes et qui déstructurent des Etats. Dans ce contexte, les victimes les plus nombreuses sont justement les civils. En effet, ces derniers ne sont pas épargnés par la violence des combats, que ce soit en raison de la dispersion des armes, d'erreurs dans l'identification des objectifs, d'attaques indiscriminées les frappant aussi bien que des objectifs militaires ou encore d'attaques dirigées délibérément contre eux, dans le but de les terroriser ou par mesures de représailles. En interrompant les communications, en dispersant les familles et précipitant des populations affolées sur le chemin de l'exile, la guerre va également frapper les populations civiles à travers la rupture des liens affectifs et la destruction du tissu familial. Pourchassées pour leurs appartenance ethnique, elles peuvent aussi être simplement visées parce qu'elles représentent un enjeu.

Face à une telle situation, le droit international et en particulier le DIH., ne pouvaient rester indifférents quand au sort des populations civiles dans les conflits armés internes. Il existait un besoin clair, de règles internationales, qui limitent les conséquences de la guerre pour les populations et leurs biens, et qui protègent certains groupes de personnes particulièrement vulnérables. Dés le début du XXe siècle, il existait déjà des règles sur le traitement des civils en période de guerre: le règlement de La Haye de 1907 contenait des dispositions sur la conduite des puissances occupantes. Les conventions de la Haye de 1899 et 1907 comprenaient également des dispositions, qui accordaient une certaine protection aux civils. Le 12 août 1949, quatre conventions furent adoptées à Genève, qui sont devenues aujourd'hui le fondement du DIH1(*). Néanmoins, les gouvernants ont fait obstacle à l'application des règles du droit de la guerre aux conflits armés internes. Lorsqu'ils s'y sont résolus, ce fut dans les limites très étroites de l'article 3, commun aux quatre conventions de Genève précédemment cité. La modestie de la protection accordèe par l'article 3 commun, était cependant la contrepartie nécessaire à l'extension du DIH, dans un domaine jusque là jalousement conservé à la souveraineté des Etats et à l'application des dispositions du droit interne. Plutôt qu'un aboutissement, ce pouvait être aussi le point de départ d'une extension progressive des règles du droit de la guerre aux conflits armés internes.

Réunie à Genève entre 1974 et 1977, la conférence diplomatique sur la réaffirmation et le développement du DIH applicable dans les conflits armés, à consacré ce point de vue le 8 juin 1977, en adoptant un protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes dans les conflits armés non internationaux, et par là des populations civiles.

Mais qu'entend-on par protection juridique ? Cette dernière peut avoir plusieurs sens en droit, allant de la protection civile à la protection judiciaire ou sociale. En ce qui nous concerne la protection juridique signifie ici l'ensemble des mesures, des dispositions juridiques qui visent à préserver les populations civiles des effets de la guerre. Le DIH., dont l'objectif est de maintenir un minimum d'humanité dans la guerre, en mettant à la charge des belligérants des obligations très précises, a prévu un système de protection des populations civiles dans les conflits armés internes.

Il s'avère toutefois difficile, de faire la distinction dans de tels conflits, entre la population civile normale et ceux qui combattent. Dans une guerre où des civils ont pris les armes contre d'autres civils, sans que les combattants caractérisés - groupes armés organisés - ne soient hors du jeu, comment déterminer qui, de la population, participe ou non au conflit ?

Le droit en vigueur ne contient aucune disposition, précisant sans ambiguïté, qui peut être considéré comme combattant au cours de tels conflits. L'article 3 et son protocole, n'établissent pas un statut spécifique du combattant dans les conflits internes. Il ne prévoit pas d'avantage, qu'une institution ait compétence pour le faire, qui soit extérieure au conflit et libre de tout lien avec l'une des parties aux prises. Sans doute, l'article 3 fait il directement allusion à la distinction entre combattants et population civile, lorsqu'il se réfère « aux personnes qui ne participent pas directement aux hostilités ». L'équivoque sur la signification de cette expression, pèse sur le sort des populations civiles, dont la situation est particulière en période de guerre. Car, bien que la 2e G.M. ait prouvée que la participation de celle-ci n'était pas propre aux seuls conflits internes, il convient d'admettre, que par la force des choses, elle y est d'avantage active.

Le caractère direct de la participation aux hostilités, a fait l'objet de diverses interprétations, qui se rattachent à deux conceptions générales.

L'une est très restrictive, elle vise uniquement les membres de la population civile, qui participent physiquement à des combats, sans pour autant appartenir aux forces armées. L'engagement physique dans les combats est le seul critère de la participation directe aux hostilités. Il permet de déterminer, ceux qui au sein de la population civile, perdent le bénéfice de la protection qui s'attache à l'appartenance à celle-ci, du fait de leur acte et prennent le risque de se voir infliger des sanctions identiques à celles que les parties réservent aux membres des forces armés, ou des groupes armés organisés qu'elles capturent.

Cette conception ne tient toutefois pas compte des conditions dans lesquelles se déroulent ces types de conflits. L'extension de la guérilla sous sa forme urbaine rend inévitable l'existence de relations étroites, et souvent continues entre la population et les combattants, puisque sa stratégie et son intérêt comme méthode de lutte, se fondent sur l'appui que la population peut fournir aux guérilleros. Cela implique que certaines attitudes ou actions, autres que l'engagement physique dans les combats, peuvent mener à la victoire ou à la défaite de l'une ou l'autre des parties. L'adversaire n'est donc plus seulement celui qui participe physiquement à des combats.

La conception extensive favorise l'application de la notion de participation directe, à un nombre de civils beaucoup plus important. Deux idées se sont dégagées. Selon la première, la participation directe suppose une attitude active, par rapport à une attitude passive.

Selon la deuxième, la notion d'aide est décisive, puisqu'elle est le prolongement naturel d'un engagement physique dans les combats. Cette conception extensive, favorise le concept de guerre totale et constitue la justification des actes de terrorisme, qui réduisent à néant la distinction opérée entre les membres des forces armées et groupes armés organisés et la population civile.

Le fait que les délégations à la conférence diplomatique, aient maintenu l'expression « participation directe », incite à croire qu'elles se sont rendues compte, du danger que la notion de « participation active » ou « d'aide », faisait planer sur l'application du DIH.

Dans la pratique, certains membres de la population civile peuvent être considérés comme combattants, en raison de la nature de leurs activités. C'est le cas de ceux- la, qui sont liés à l'effort militaire et économique2(*). Ces activités sont les plus propres à déterminer ceux qui participent directement aux hostilités. Sans que cela soit excessif à première vue, elle semble favoriser celles-ci, en permettant qu'elles se développent ou à tout le moins qu'elles se poursuivent. Il est nécessaire cependant de déterminer le degré réel de l'intention qui les motive. L'expression effort militaire et économique, invite à limiter les activités économiques, susceptibles d'être retenues à raison de leur rapport avec le potentiel militaire, en prenant celui-ci dans son sens le plus étroit, c'est-à-dire la production d'armements. Mais si les activités liées à l'armement attisent les hostilités, encore faut-il que ce soit le véritable mobile de ceux qui les exercent. A moins qu'elles affirment ouvertement leur intention de contribuer au succès de l'une des parties, les personnes qui travaillent dans des fabriques d'armes, sans avoir d'influence sur la direction et les choix de celles-ci, doivent être considérées comme non combattantes.

Les membres de la population civile exerçant des fonctions politiques ou administratives, peuvent également être considérés comme participant directement aux hostilités. En effet les parties en conflit considèrent comme ennemis, ceux qui reconnaissent avoir des responsabilités dans le camp adverse, ou qui prennent publiquement position en sa faveur. Mais il arrive fréquemment, que les parties ne s'embarrassent pas de savoir si des civils ont adopté une position aussi nette. Des responsabilités dans le fonctionnement des institutions suffisent à faire passer, ceux d'entre eux qui les exercent, pour des sympathisants de l'ennemi. Cela vaut pour les personnes investies de mandat politique, mais cela touche également le personnel des services administratifs. L'appartenance à ceux-ci, constitue souvent le prétexte pour la partie rebelle, d'étendre sensiblement le nombre des civils qui participent directement aux hostilités.

Tenant compte de ce que les parties peuvent admettre dans la réalité d'un conflit armé, et des exigences du DIH., seuls quelques hauts fonctionnaires et hommes politiques devraient être considérés comme tels. Ce sont ceux qui se trouvent dans l'entourage immédiat du chef de l'Etat et du chef du gouvernement, et ceux qui constituent l'équipe, dont s'entourent les ministres en prise directe avec le conflit c'est-à-dire le ministre des forces armées et le ministre de l'intérieur.

Les parties en conflit, ne limitent pourtant pas toujours la participation directe à ces deux catégories de civils. Elles considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'exercer une activité liée à l'effort militaire et économique ou au fonctionnement des institutions, pour perdre le bénéfice de la protection qui s'attache, à ceux qui restent en dehors du conflit. Elles étendent ainsi la participation directe au conflit, à la population civile sous contrôle de l'une des parties.

Pour chaque partie, la population civile sous le contrôle de l'adversaire, constitue un complice présumé de celui-ci. L'exemple de certains conflits, interdit d'écarter comme académique, les observations relatives à cette catégorie. Le massacre de dizaine milliers de civils par les « khmers rouges » dans le conflit cambodgien qui s'est déroulé de 1970 à 1975, en est une illustration. En Afrique, fréquemment des civils sont l'objet d'exaction, voire même de génocide pour leur appartenance à un groupe ethnique donné (le massacre des massalit, des zaghwa, et des four par les milices janjaweeds au Soudan, le Rwanda en 1994), ou sans fournir aux combattants une aide directement liée à l'armement, ils entrent en contact avec ceux-ci, en leur donnant le gîte, la nourriture... Pareilles relations, ne nous semble pas pouvoir justifier que ces civils soient considérés comme participants directement aux hostilités. Même intentionnelles, leurs attitudes peuvent ne pas avoir pour effet d'attiser les hostilités et de favoriser les combattants d'une des parties au détriment des autres. Ils agissent le plus souvent sous la contrainte et la menace. Ce ne sont ni des actes guerriers, ni des manifestations de convictions politiques.

L'examen des diverses interprétations de la notion de participation directe aux hostilités, montre la difficulté qu'il y a d'en établir une signification suffisamment réaliste, pour être respectée en cas de conflits. En fait, la participation doit être considérée comme un simple élément d'approche, pour la recherche de la définition la plus acceptable possible, de la participation directe aux hostilités, sans pour autant lui être substituée.

Dans cette perspective, nous pensons que les personnes civiles, auxquelles l'expression contenue dans l'article 3 est applicable, sont celles qui, sans appartenir à des forces armées ou à des groupes armés organisés, ne s'engagent pas physiquement dans les combats et celles qui aident les forces armées, mais dont l'intention n'est pas d'attiser les hostilités en raison de leurs activités.

A ce stade de notre étude, il convient de préciser le concept de conflit armé interne, qui détermine l'applicabilité de l'article 3 et de son protocole, contrairement aux conflits armés internationaux. Sans doute, est-il parfois difficile de ranger avec certitude un conflit armé dans l'une de ces deux catégories juridiques, autour desquelles s'ordonne l'application très différenciée des règles du droit de la guerre. Aucune définition du conflit armé interne, n'a d'ailleurs été unanimement acceptée. Au sein de la doctrine, on lui préfère encore l'expression « guerre civile »3(*).

Mais le désaccord le plus profond, porte sur la qualification juridique de certains conflits, présentés par les uns comme internationaux, mais considérés comme non internationaux par les autres. Le statut des guerres de libération nationale a été au centre des débats. Le succès du concept de guerre de libération nationale, a en effet altéré la portée du critère de l'Etat jusque là déterminant, puisque la distinction entre les conflits armés internes et les conflits armés internationaux, s'identifiait communément à l'opposition entre les conflits armés interétatiques et les conflits armés non interétatiques. La doctrine s'est-elle d'ailleurs proposée de les distinguer de façon plus précise. Elle a multiplié les termes susceptibles de mieux faire ressortir la variété des situations. Ainsi les auteurs parlent-ils des conflits armés internationalisés, des conflits armés internationaux mais non interétatiques, des conflits armés strictement internes, des conflits armés réputés internationaux, des conflits mixtes, des conflits composés, des conflits armés entre quasi Etats...

Cette multiplication d'appellation, tendant à mieux distinguer les conflits armés en fonction de leurs divers aspects, peut déboucher sur un outil méthodologique intéressant. Nous n'aborderons cependant pas l'étude de la typologique des conflits armés.

La reconnaissance de la nature internationale des guerres de libération nationale, revêt en effet un caractère exceptionnel, et peut être provisoire parce qu'elle est liée à une situation historique, et à des considérations politiques particulières.

Mais ce débat n'a pas manqué de porter aussi, sur le problème que pose l'intervention des forces extérieures sur le territoire d'un Etat, en proie à un conflit armé. Les années récentes ont confirmé cette tendance en l'amplifiant : soit que des Etats tiers, interviennent directement ou indirectement aux cotés des parties aux prises, soit que les conflits armés internes, revêtent une importance telle qu'ils ont inévitablement, des répercussions hors des frontières des Etats qui en sont la proie, et par là même intéressent la communauté internationale.

Signalons que la participation d'un Etat tiers à un conflit armé interne, à l'invitation du gouvernement, est licite sur le plan du droit international. En revanche, l'intervention aux côtés des insurgés constitue une ingérence illicite dans les affaires intérieures de l'Etat concerné ; elle est donc contraire au droit international.

La situation se présente comme suit, par rapport au droit applicable :

· Entre gouvernement et insurgés, l'article 3 et le P.2 deviennent applicables.

· Entre un gouvernement, et un Etat qui intervient au côté des insurgés, c'est le droit des conflits armés internationaux qui s'applique.

· Entre un Etat, qui intervient aux côtés du gouvernement, et les insurgés, l'article 3 et le P.2 deviennent applicables.

· Entre les Etats qui interviennent des deux côtés, le droit des conflits armés internationaux est valable.

Mais la conférence diplomatique a montré que la distinction classique entre les conflits armés internes et les conflits armés internationaux, demeurait fondamentale pour les Etats.

Les conflits armés internes peuvent donc être définis, comme des affrontements armés qui se déroulent dans les limites de la juridiction d'un Etat, c'est-à-dire sur le territoire d'un seul Etat, et ce entre le gouvernement, d'une part, et des groupements armés insurgés, d'autre part ou entre des groupes armés organisés. Exception faites des conflits armés dans lesquels; « les peuples luttent contre la domination coloniale, l'occupation étrangère et les régimes raciste, dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans la charte des Nations Unies et dans la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la charte des Nations Unies »4(*). L'article 1 du P.2, stipule à cet effet que : « Le présent Protocole... s'applique à tous les conflits armés qui ne sont pas couverts par l'article premier du protocole additionnel aux conventions Genève, du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (P.I), et qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'ils leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole ». Cet article limite ainsi l'applicabilité du P.2, aux conflits armés internes, dont le déroulement sera similaire à celui des conflits armés interétatiques traditionnels. Ainsi, y'aura-t-il dorénavant deux types de conflits internes au sens du DIH. Le droit applicable distinguera, entre les conflits couverts non seulement par l'article 3, mais encore par l'ensemble des dispositions du P 2, et les conflits qui resteront couverts par le seul article 3, parce qu'ils ne satisfont pas aux conditions matérielles d'application du P.2.

Les conflits internes, doivent également être distingués des situations de troubles et de tensions intérieures, auxquelles le droit de la guerre ne s'applique pas. Cette distinction n'est pas toujours aisée à faire. En effet la plupart de ces conflits, résultent de troubles intérieurs graves qui dégénèrent, sans qu'il soit toujours possible d'établir avec certitude, le moment où ils se transforment en conflit. Bien que ces situations ne soient pas formellement couvertes par le droit des conflits armés, le CICR a tenté d'en donner une définition : « les situations de troubles intérieurs, sont des situations ou, sans qu'il y ait à proprement parlé de conflits armés, il existe cependant sur le plan interne, un affrontement qui présente un certain caractère de gravité ou de durée, et comporte des actes de violence. Ces dernières peuvent revêtir des formes variables, allant de la génération spontanée d'actes de révolte, à la lutte entre des groupes plus ou moins organisés, et les autorités au pouvoir. Dans ces situations qui ne dégénèrent pas souvent en lutte ouverte, les autorités au pouvoir font appel à de vastes forces de police, voire même aux forces armées pour rétablir l'ordre intérieur ».

Quand aux situations de tensions intérieures, il s'agit notamment :

· des situations de tensions graves (politiques, raciales, religieuses...)

· des séquelles d'un conflit armé ou de troubles intérieurs.

La protection des populations civiles dans les conflits armés internes, revêt aujourd'hui une importance capitale. Devant la multiplication de ces conflits et face à l'ampleur des destructions, des massacres et des atrocités effroyables que subissent ces populations, il importe plus que jamais de se pencher sur la question. Comme le montre ces propos de Kofi Annan, ex-secrétaire général des Nations Unies : « les victimes des conflits actuels sont non seulement anonymes, mais littéralement innombrables ... La terrible réalité est que, de nos jours, les civils ne sont pas simplement « pris entre deux feux ». Ils ne sont pas non plus des victimes accidentelles ou des« dommages collatéraux », selon l'euphémisme en cours. Bien trop souvent, ils sont délibérément visés ». Tous les droits des populations civiles sont en effet piétinés dans ces sanglantes guerres. Prises en tenaille par les combats, elles sont la proie de malheurs et de souffrances effroyables.

Ces conflits se sont par ailleurs développés en beaucoup plus grand nombre que les conflits internationaux, depuis une trentaine d'année, et ce sont les pays africains, marqués par une instabilité institutionnelle permanente et par une extrême violence sociale, qui sont les plus touchés. Actuellement en Somalie, au Soudan, en R.D.C... on dénombre quotidiennement des actes de torture, d'internements arbitraires, de transferts forcés, de prises d'otages, de pillages des biens de personnes sans défense, de viol sous toutes ses formes (prostitution forcée, exploitation sexuelle, fécondation forcée). La violation des règles humanitaires acquiert souvent, dans les conflits internes, le rôle d'arme de choix, dans la stratégie des combattants. Les atrocités humanitaires apparaissent comme l'un des moyens les plus efficaces pour aboutir au résultat souhaité ; « le nettoyage ethnique » d'un territoire donné par exemple.

Un tel sujet se justifie également par le fait que d'une part, ces atrocités sont commises dans l'impunité la plus totale. En effet les règles du DIH., à l'instar de toutes les règles du droit international, souffrent de l'absence d'un pouvoir central suffisamment fort, pour obliger les Etats à respecter les règles qui les lient. Le système international ne dispose pas d'institutions comparables aux organes exécutifs et judiciaires des ordres internes. Malgré quelques progrès réalisés en la matière, la contrainte institutionnelle reste embryonnaire en DIH. D'autre part, pour une proportion importante des conflits armés d'aujourd'hui - c'est à dire les conflits internes -, le DIH conventionnel n'est pas assez détaillé, en ce qui concerne la protection des populations civiles. Les règles conventionnelles qui s'appliquent à elles sont en effet beaucoup moins nombreuses que pour les conflits internationaux.

Au vue de tout ce qui précède, on peut dés lors se poser la question de savoir, comment le droit international, et en particulier le DIH, protége t'il les populations civiles dans les conflits armés internes? En d'autres termes, quelles sont les garanties juridiques accordées aux populations civiles dans de tels conflits ? Au coeur de la problématique de la protection des populations civiles, se trouve également la question de l'application des règles garantissant cette protection. Quelles sont les mesures de mise en oeuvre de ces garanties, et à qui incombent-elles ?

En effet le DIH a mis en place des vagues successives de codification, qui ont engendré un appareil normatif qui vise à protéger ces dernières des effets des hostilités. Mais si le DIH constitue un régime juridique spécialement conçu pour le cas d'affrontements armés durables et organisés, il n'abolit pas pour autant les autres régimes institués par le droit international pour protéger la personne humaine. Dans les situations de conflits armés, le DIDH s'applique donc concurremment au DIH. La complémentarité entre DIH et DIDH a été affirmée par la CIJ. Dans un avis consultatif daté de juillet 2004, elle a déclaré qu'en aucun cas le DIH et les droits de l'homme ne s'excluaient mutuellement. D'après la Cour : « certains droits peuvent relever exclusivement du DIH ; d'autres relever exclusivement des droits de l'homme ; d'autres enfin peuvent relever de ces deux branches du droit international ».

Le nombre et l'importance des conflits internes, les conditions de leur déroulement notamment pour les civils, invite donc à s'intéresser avant tout sur les garanties de protection des populations civiles (Première partie). En effet on ne peut protéger juridiquement une personne sans lui concéder des droits. Seulement il ne suffit pas d'accorder des garanties. Celles-ci doivent être mise en oeuvre (Deuxième partie).

Les garanties sont un ensemble de principes juridiques qui ont pour but de préserver les prérogatives inhérentes à tout individu. Elles ont pour principales sources le DIH conventionnel et coutumier, mais aussi les instruments juridiques relatifs aux droits de l'Homme, dont certaines règles sont inderogeables même en cas de conflit interne. Pour ce qui est des normes conventionnelles du DIH, il convient de souligner l'importance de l'article 3 commun dont-on a dit qu'il est une « convention en miniature ». En effet il énonce en quoi consiste un minimum de traitement humain et donne une base légale à l'action du CICR ou de tout autre organisme humanitaire impartial, action qui, dans le passé, avait trop souvent été entravée comme constituant une ingérence dans les affaires internes d'un Etat. Le P.2 développe et complète, quant à lui, les garanties consacrées par l'article 3 commun. Pour ce qui est des autres conventions il s'agit entre autres de la convention sur certaines armes classiques, telle qu'amendée, de la convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel...

En outre il convient de citer les conventions des droits de l'homme qui accordent elles aussi des garanties de protection aux populations civiles. En effet les droits de l'homme s'appliquent en tout temps, même si certains traités autorisent des dérogations en cas d'état d'urgence, il existe un « noyau dur » dont-on ne peut déroger. Le recours aux droits de l'homme, comme système juridique complémentaire au droit humanitaire, est expressément reconnu par le P.2. Le 2e considérant du préambule établit un lien entre le protocole et les droits de l'homme, en rappelant que : « ... les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, offrent à la personne humaine une protection fondamentale». Toutefois, en cas doute sur le droit applicable, c'est à la  lex specialis  à savoir le droit applicable dans les conflits armés, conçu pour régir la conduite des hostilités qui prime.

En vertu de la  lex specialis, nous aborderons l'analyse des garanties de protection des populations civiles en utilisant la terminologie du DIH. En effet ce dernier distingue les garanties qui sont générales, dans la mesure où elles visent à protéger toute la population civile (Chapitre I), de celles qui sont spécifiques à certaines catégories de personnes (Chapitre II).

Chapitre I : Les garanties générales

Les garanties générales s'appliquent à toutes les personnes civiles. Elles concernent les garanties fondamentales, qui définissent les conditions générales de traitement des civils (Section 1), et les garanties relatives à la conduite des hostilités (Section 2).

Section 1 : les garanties fondamentales

Les garanties fondamentales s'appliquent sans distinction de caractère défavorable. Ce principe est consacré par l'article 4 du P.2. Qui stipule que : «Toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu'elles soient ou non privées de liberté, ont droit au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de leurs pratiques religieuses. Elles seront en toutes circonstances traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable ». La notion de «distinction de caractère défavorable» signifie que si la discrimination entre les personnes est interdite, il est néanmoins possible d'établir des distinctions pour accorder la priorité aux personnes dont les besoins de soins sont les plus urgents.

Son équivalent dans le domaine des droits de l'homme est le principe de non discrimination consacré dans les grands traités des droits l'homme5(*).

Ce sont d'une part les garanties d'un traitement humain (Paragraphe1) et les garanties en faveur des personnes privées (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les garanties d'un traitement humain

L'exigence de traiter les civils avec humanité est une notion primordiale dans les conflits armés internes. Même si la notion « traitement humain » n'est pas explicitée, il est généralement admis que les règles inscrites dans l'article 3 commun et dans le P.2, ainsi que dans les traités des droits de l'homme, lui donnent un contenu, qui s'articule autour de l'interdiction de porter atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle (A), et l'interdiction de porter atteinte à la dignité de la personne (B).

A/ L'interdiction de porter atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle

L'article 3 commun interdit «les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitement cruels, tortures ou supplices ». L'interdiction de porter atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle, est également reconnue comme garantie fondamentale par le P.2. Ainsi aux termes de l'article 4 par. 2 al. a : « ...sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu... les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ».

Le meurtre constitue un crime de guerre en vertu du Statut de la CPI, dans les conflits armés non internationaux, ainsi que selon les Statuts du TPIY et du TPIR et du TSSL6(*). Le meurtre des civils est aussi interdit par le DIDH bien qu'en des termes différents. Citons comme exemple la charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui dispose en son article 4 que : « la personne humaine est inviolable. Tout être humain à droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être arbitrairement privé de liberté ». En outre ces traités n'autorisent aucune dérogation à cette interdiction qui est donc applicable en tout temps. La charte africaine n'autorise aucune dérogation même en cas d'état d'urgence, et l'article 15 de la convention européenne des droits de l'homme (1950) dispose que le droit à la vie ne peut faire l'objet d'aucune dérogation sauf pour « des actes licites de guerre » dans une situation équivalant à un conflit armé. 

Cependant, l'interdiction de la « privation arbitraire du droit à la vie » au regard du droit des droits de l'homme, recouvre aussi le fait de tuer des civils, sans que cela soit justifié par les règles relatives à la conduite des hostilités. Dans l'avis consultatif qu'elle a rendu dans l'affaire des Armes nucléaires, la CIJ a déclaré que «c'est toutefois, en pareil cas, à la lex specialis applicable, à savoir le droit applicable dans les conflits armés, conçu pour régir la conduite des hostilités, qu'il appartient de déterminer ce qui constitue une privation arbitraire de la vie».

Les atteintes à l'intégrité corporelle englobent ici, la torture, les traitements cruels ou inhumains et les peines corporelles. Ces atteintes constituent des crimes de guerre dans les conflits armés non internationaux en vertu des Statuts de la CPI, du TPIR et du TSSL7(*).

L'interdiction de la torture et des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants est inscrite dans les traités généraux des droits de l'homme8(*), ainsi que dans des traités spécifiques ayant pour objet de prévenir et de sanctionner ces pratiques9(*). Selon ces instruments, cette interdiction ne peut faire l'objet d'aucune dérogation.

La torture est définie par les éléments des crimes du Statut de la CPI (2000) comme consistant à infliger «une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales», afin par exemple «d'obtenir des renseignements ou des aveux, de punir, d'intimider ou de contraindre; ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination, quelle qu'elle soit». Contrairement au droit des droits de l'homme - par exemple l'article premier de la Convention contre la torture -, les éléments des crimes n'exigent pas que cette douleur ou ces souffrances soient infligées «par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite».

L'expression «traitement inhumain» est définie par les éléments des crimes du Statut de la CPI comme le fait d'infliger «une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales».

L'élément qui distingue le traitement inhumain de la torture est l'absence du critère stipulant que le traitement doit être infligé avec une finalité précise. Le TPIY a utilisé une définition plus large, considérant que le traitement inhumain est un traitement qui «cause de grandes souffrances ou douleurs physiques ou mentales ou qui constitue une atteinte grave à la dignité humaine»10(*). L'élément «atteinte grave à la dignité humaine» n'a pas été inclus dans la définition du traitement inhumain dans les éléments des crimes du Statut de la CPI parce que ces atteintes sont couvertes par le crime de guerre d'«atteintes à la dignité de la personne».

Dans son Observation générale sur l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré que l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant «doit s'étendre aux peines corporelles, y compris les châtiments excessifs infligés à titre de sanction pénale ou de mesure éducative ou disciplinaire»11(*).

Est également considérée comme garantie fondamentale d'un traitement humain, l'interdiction de porter atteinte à la dignité (B)

B/ L'interdiction de porter atteinte à la dignité de la personne

L'article 4 par.2 du P.2 reprend les termes de l'al. (c) de l'article 3 commun qui prohibe « les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitement humiliants et dégradants ». Il y ajoute « le viol, la contrainte à la prostitution, et tout attentat à la pudeur ».

Les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants, constituent des Crimes de guerre en vertu des statuts de la CPI, du TPIR, et du TSSL12(*).

La notion d' « atteinte à la dignité de la personne » est définie dans les éléments de crimes du statut de la CPI, comme « le fait de soumettre une personne, à un traitement humiliant ou dégradent ou de porter autrement atteinte à sa dignité, dans un sens suffisamment grave, pour être reconnu généralement comme une atteinte à la dignité de la personne ». Les éléments de crime précisent en outre, que « le traitement dégradant peut concerner aussi des personnes décédées, et que la victime ne doit pas nécessairement être personnellement consciente du caractère humiliant ou dégradant du traitement subi ». Ce dernier point a été précisé afin de couvrir les humiliations délibérées ou inconscientes des personnes mentalement handicapées. Les éléments de crime ajoutent encore qu'il convient de tenir compte du contexte culturel de la victime, ce qui couvre par exemple les traitements qui sont humiliants pour une personne d'une nationalité ou d'une religion particulière.

Le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur, constituent également des crimes de guerre consacrés par les statuts du TPIR et du TSSL13(*). Selon le statut de la CPI : « le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée...ou toute autre forme de violence sexuelle » constituant une infraction grave à l'article 3 commun, constituent un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux14(*). De même que « le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable», constituent un crime contre l'humanité aux termes du Statut de la CPI, et le «viol» constitue un crime contre l'humanité selon les Statuts du TPIY et du TPIR15(*).

En ce qui concerne la définition du viol, le TPIY a estimé dans son jugement dans l'affaire Furundúija en 1998, que le viol exigeait « l'emploi de la force, de la menace ou de la contrainte contre la victime ou une tierce personne ». Toutefois, dans un jugement ultérieur rendu en 2001 dans l'affaire Kunarac, le Tribunal a considéré qu'il pourrait y avoir d'autres facteurs « qui feraient de la pénétration sexuelle un acte non consensuel ou non voulu par la victime », et que cette considération définissait la portée précise de la définition du viol en droit international. Le TPIR a jugé en 1998 dans l'affaire Akayesu que « le viol constitue une forme d'agression » et qu'« une description mécanique des objets et des parties du corps qui interviennent dans sa commission, ne permet pas d'appréhender les éléments essentiels de ce crime ». Le Tribunal a défini le viol comme « une invasion physique de nature sexuelle commise sur la personne d'autrui sous l'empire de la contrainte ».

Le viol et les violences sexuelles peuvent aussi être des éléments constitutifs d'autres crimes en droit international. Le TPIY a jugé, dans l'affaire Delaliæ, que le viol peut constituer une torture lorsque l'acte répond aux critères spécifiques constitutifs de la torture. Le TPIR a estimé, dans les affaires Akayesu et Musema, que le viol et les violences sexuelles pouvaient être constitutifs de génocide lorsque les conditions spécifiques du génocide sont remplies.

La pratique a spécifié que l'interdiction de la violence sexuelle était non discriminatoire, c'est-à-dire que les hommes comme les femmes, de même que les adultes comme les enfants, sont également protégés par l'interdiction. Sauf pour ce qui est de la grossesse forcée, les crimes liés aux violences sexuelles dans le Statut de la CPI sont interdits contre toute personne, et non seulement à l'égard des femmes. En outre, dans les éléments des crimes du Statut de la CPI, la notion utilisée pour définir le viol («prendre possession») «se veut suffisamment large pour être dénuée de connotation sexospécifique».

Les violations de l'interdiction du viol et des autres formes de violence sexuelle ont été largement condamnées par les États et par les organisations internationales. Ainsi, le Conseil de sécurité de l'ONU, l'Assemblée générale des Nations Unies et la Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme ont condamné les violences sexuelles commises pendant les conflits au Rwanda, en Sierra Leone, en Ouganda et dans l'ex-Yougoslavie16(*).

L'article 4 du P.2 prohibe également « l'esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes ». La « réduction en esclavage » figure parmi les crimes contre l'humanité, définis par le statut du TPIR du TPIY17(*) et de la CPI. Ce dernier la définie comme « le fait d'exercer sur des personnes l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants »18(*).

L'esclavage et la traite des esclaves sont aussi interdits en DIDH. Le premier traité universel interdisant l'esclavage et la traite des esclaves fut la Convention relative à l'esclavage en 1926. Elle fut complétée en 1956 par la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage, qui interdit la servitude pour dettes, le servage et la transmission par succession ou le transfert des femmes ou des enfants. L'interdiction de l'esclavage, de la servitude et de la traite des esclaves est une obligation à laquelle il est impossible de déroger selon le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et selon les conventions régionales des droits de l'homme19(*). La traite des êtres humains est définie comme une infraction pénale dans une série de traités récents, comme le Protocole sur la traite des personnes adoptées en 200020(*).

La pratique contemporaine ne permet pas heureusement de relever des exemples d'une réduction à l'esclavage de la population soumise, comme cela se pratiqua dans l'antiquité jusqu'au XIXe siècle. Il reste que certaines conditions de vie, qui leur sont parfois imposées, sont sans doute comparables à l'esclavage entendu au sens commun, dont elles seraient l'une des formes contemporaines.

Toutes ces règles constituent des normes du DIH coutumier applicable dans les conflits armés. Elles sont par conséquent applicables à toutes les parties à un conflit interne, que celles-ci aient ratifié ou non les traités contenant ces règles.

Les règles générales de comportement à l'égard des populations civiles ayant été posées, un certain nombre de droits doivent être respecté, à l'égard des personnes privées de liberté (paragraphe 2).  

Paragraphe 2 : Les garanties en faveur des personnes privées Liberté

Avant de voir les règles qui s'appliquent aux personnes privées de liberté, il convient de rappeler que la privation arbitraire de liberté est illégale. En effet  nul ne peut être privé de liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi.
L'expression « personnes privées de liberté », est prise ici dans un sens large. Elles couvre les personnes internées ou en détention administrative (A) et les personnes détenues pour des infractions en relation avec le conflit (B).

A/ Les garanties en faveur des personnes internées ou en détention administrative

L'internement ou la détention administrative, est défini comme une privation de liberté ordonnée par le pouvoir exécutif - et non par le pouvoir judiciaire - sans qu'une inculpation pénale précise ne soit portée contre la personne qui en est l'objet. Les termes internement et détention sont utilisés ici indifféremment.

L'internement est une mesure de contrôle exceptionnelle qui peut être prise pour des raisons de sécurité dans le cadre d'un conflit armé. La définition de l'internement ne comprend donc pas la détention préventive légale d'une personne, arrêtée du chef d'une infraction pénale, dans le cadre d'un conflit interne. L'internement ne peut se substituer à des poursuites pénales et il ne peut être ordonné qu'au cas par cas, à titre individuel et sans discrimination aucune ; de même il doit cesser dès que les causes qui l'ont motivé n'existent plus.

Dans la mesure où, des groupes armés privent de fait certaines personnes de leur liberté indépendamment de la légalité d'une telle conduite, ils sont liés par les règles conventionnelles et coutumières du DIH s'appliquant aux conflits armés internes. Cela ne doit en aucun cas être interprété comme une prise d'otage.

L'article 3 commun ne comporte aucune disposition régissant l'internement, à l'exception d'une exigence de traitement humain. Or l'internement est une mesure qui peut être prise dans le cadre d'un conflit interne, comme le prouve le libellé de l'article 5 du P.2 qui le mentionne, mais sans donner non plus de détails sur la façon de l'organiser. Il sera donc nécessaire d'avoir recours aux droits de l'homme pour compléter les mesures de protection et élaborer les garanties de procédure applicables à ce type de situation.

Ø L'article 5 du P.2 énumère un ensemble de mesure de protection en faveur des personnes internées. A cet effet il dispose que :

1.a) les blessés et les malades seront traités conformément à l'article 7.
Aux termes de l'article 7 : « Tous les blessés, les malades et les naufragés, qu'ils aient ou non pris part au conflit armé, seront respectés et protégés. Ils seront, en toutes circonstances, traités avec humanité et recevront, dans toute la mesure du possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux qu'exige leur état. Aucune distinction fondée sur des critères autres que médicaux ne sera faite entre eux ».

b) Elles recevront dans la même mesure que la population civile locale, des vivres et de l'eau potable et bénéficieront de garanties de salubrité et d'hygiène et d'une protection contre les rigueurs du climat et les dangers du conflit armé.

c) Elles seront autorisées à recevoir des secours individuels ou collectifs.

Ces dispositions exigent que soient satisfaits les besoins fondamentaux des internés. Elle est contenue dans d'autres instruments qui s'appliquent aussi aux conflits armés non internationaux21(*). L'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus contient des dispositions détaillées concernant les locaux de détention, l'hygiène, les vêtements, la literie et l'alimentation22(*).

La règle selon laquelle les besoins fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être satisfaits est étayée par la pratique des Nations Unies. Ainsi, en 1992, le Conseil de sécurité de l'ONU a exigé que toutes les personnes détenues dans les camps, prisons et centres de détention en Bosnie-Herzégovine «soient traitées humainement et reçoivent entre autres des vivres, un abri et des soins médicaux adéquats »23(*).

Les besoins fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être satisfaits de manière appropriée, en tenant compte des moyens disponibles ainsi que des conditions locales. Comme le montre l'expression : « dans la même mesure que la population civile locale ».

Dans l'affaire Aleksovski, le TPIY a jugé que l'insuffisance relative des vivres était due à la pénurie occasionnée par la situation de guerre et affectait toutes les personnes, et que les soins médicaux auraient sans doute été considérés comme insuffisants en temps ordinaire, mais que les détenus concernés avaient reçu les soins médicaux qui étaient disponibles24(*).

Lorsque la puissance détentrice ne peut répondre aux besoins fondamentaux des détenus, elle doit autoriser les organismes humanitaires à apporter une assistance à leur place, et les détenus ont le droit de recevoir une aide individuelle ou collective. En effet sur la base de l'article 3 commun, et des statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par consensus en 1986, le CICR peut «offrir ses services» aux parties.

d) elles pourront pratiquer leur religion et recevoir à leur demande, si cela est approprié, une assistance spirituelle de personnes exerçant des fonctions religieuses, telles que les aumôniers.

Cette règle est une application de la garantie fondamentale de respect des convictions et pratiques religieuses.

Outre ces dispositions il convient d'ajouter les règles suivantes :

· Les données personnelles des détenus doivent être enregistrées

L'exigence d'enregistrer les données personnelles des détenus est inscrite dans un certain nombre d'instruments internationaux qui s'appliquent aussi dans les conflits armés non internationaux25(*).

Cette règle a pour objet d'éviter les disparitions ou disparitions forcées.

· Le pillage des effets personnels des détenus est interdit.

L'article 4 du P.2 interdit le pillage au nom des garanties fondamentales. Ce pillage constitue un crime de guerre selon les Statuts des TPIY et du TPIR et du TSSL26(*).

Toutes ces dispositions ont, en notre sens, un caractère obligatoire ; « elles seront au minimum respectées à l'égard des personnes internées ». Par contre les autres dispositions de l'article 5 ont un caractère facultatif. Leur observation, plus délicate, est liée à la réunion de conditions matérielles qui n'existent pas toujours, notamment du côté rebelle, en raison du déroulement des combats ou des destructions qu'ils occasionnent. Il en ainsi du paragraphe 2 alinéas b, c, d. Comme le montre le même paragraphe : « Ceux qui sont responsables de l'internement ou de la détention, les respecteront dans toute la mesure de leurs moyens ».

Ø Outre les mesures de protection, un certain nombre de garanties procédurales doivent être respectées. Elles sont nombreuses et concernent principalement :

· Le droit d'être informé des motifs de l'internement

Toute personne internée sera informée sans retard, dans une langue qu'elle comprend, des raisons pour lesquelles cette mesure a été prise, afin qu'elle puisse contester la légalité de sa détention. Le droit que possède chaque individu de connaître les raisons pour lesquelles il a été privé de liberté peut être considéré comme un des éléments constitutifs de l'obligation de traitement humain, car on sait que l'incertitude d'une personne quant aux motifs de sa détention représente une source de stress psychologique aigu. Le droit humanitaire applicable aux conflits armés non internationaux ne contient pas dispositions énonçant expressément l'obligation de fournir des informations sur les motifs pour lesquels une personne a été privée de liberté. La garantie procédurale susmentionnée est toutefois inscrite dans la plupart des traités pertinents relatifs aux droits de l'homme et figure également dans certains instruments de droit indicatif27(*).

Les informations fournies doivent être suffisamment détaillées pour que la personne privée de liberté puisse contester la légalité de son internement et exiger que la décision soit reconsidérée. Les informations relatives aux raisons qui ont motivé la mesure doivent être communiquées sans retard à cette personne et dans une langue qu'elle comprend afin qu'elle puisse demander dans les meilleurs délais que la légalité de sa détention soit reconsidérée. Lorsque la décision initiale de détention est maintenue après examen, les raisons motivant le maintien de la détention doivent elles aussi être communiquées.

· Le droit de contester dans le plus bref délai possible, la légalité d'une mesure d'internement.

Le droit que possède une personne de contester la légalité de sa détention en cas de conflit armé non international, est un élément clef du droit de tout individu à la liberté de sa personne reconnu par les droits de l'homme. Et bien qu'il puisse être dérogé au droit à la liberté dans certaines situations d'urgence, le droit indicatif et la jurisprudence en matière de droits de l'homme ont établi que, « le droit de toute personne de contester la légalité de sa détention devant une instance judiciaire doit être préservé en toutes circonstances »28(*). Il ne pourra pas être restreint, en particulier, dans les cas où le fait de contester la légalité de mesures de détention vise, entre autres, à protéger des droits non dérogeables tels que le droit à la vie ou le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

· Le droit à un examen périodique de légalité de son maintien en détention.

Tandis que la IVe Convention de Genève permet aux États, dans un contexte de conflit armé international, de choisir entre un tribunal et un collège administratif, le DIDH applicable aux conflits armés internes ainsi que sa jurisprudence, établissent clairement que l'organe appelé à statuer sur la légalité de mesures d'internement, ou de détention administrative, doit être un tribunal. Selon le Pacte international relatif aux droits de l'homme, quiconque se trouve privé de sa liberté « ...a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale »29(*).

A coté des internés civils, les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction pénale en relation avec le conflit armé, ont le droit de bénéficier des strictes garanties judiciaires supplémentaires prévues par le droit humanitaire et/ou les droits de l'homme (B).

B/ Les garanties judiciaires

L'article 6 réaffirme l'une des exigences fondamentales de l'article 3 commun en stipulant dans son paragraphe 2 que : « Aucune condamnation ne sera prononcée ni aucune peine exécutée à l'encontre d'une personne reconnue coupable d'une infraction, sans un jugement préalable rendu par un tribunal offrant les garanties essentielles d'indépendance et d'impartialité ». Soit l'énoncé des principes pénaux que les autorités détentrices doivent respecter. Ainsi, il est stipulé aux alinéa (b), (c), (d) de ce paragraphe que :

b) nul ne peut être condamné pour une infraction si ce n'est sur la base d'une responsabilité pénale individuelle ;

c) nul ne peut être condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne peut être infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si postérieurement à cette infraction la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ;

d) toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Le principe de la responsabilité pénale individuelle, les principes « nulla poena sine lege », « nullum crimen sine lege », le principe de la non rétroactivité des lois et la présomption d'innocence, précisent ainsi sans ambiguïté ce que recouvre l'expression de l'article 3, stipulant que le jugement des personnes dont il est question doit être « assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensable par les peuples civilisés ». Par contre l'exigence du double degré de juridiction n'est pas expressément stipulée.

De même a-t-on fait précédé l'énoncé de ces alinéas par l'expression « en particulier », ce qui laisse entendre que les garanties que doivent offrir les tribunaux ne se limitent pas à celles qui sont expressément stipulées dans ces alinéas.

Une série d'autres dispositions sont également prévues dans l'article 6, qui doivent permettre que le jugement ait lieu dans le respect du droit de chaque prévenu ou accusé, d'assurer sa défense normalement :

« a) la procédure disposera que le prévenu doit être informé sans délai des détails de l'infraction qui lui est imputée et assurera au prévenu avant et pendant son procès tous les droits et moyens nécessaires à sa défense ;

e) toute personne accusée d'une infraction a le droit d'être jugée en sa présence ;

f) nul ne peut être forcé de témoigner contre lui-même ou de s'avouer coupable.

3. Toute personne condamnée sera informée, au moment de sa condamnation, de ses droits de recours judiciaires et autres, ainsi que des délais dans lesquels ils doivent être exercés ».

Un certain nombre de règles doivent également être respecté dans la conduite des hostilités, afin de protéger les populations civiles des effets de la guerre (section 2).

Section 2 : les garanties en fonction de la conduite des hostilités

Les conflits armés internes actuels ont placé les questions relatives à la conduite des hostilités au sommet de l'ordre du jour des débats juridiques, notamment en ce qui concerne la protection des populations civiles. Les règles conventionnelles relatives à la conduite des hostilités, applicables aux conflits armés internes sont, en fait, rudimentaires par rapport aux règles applicables dans les conflits armés internationaux. Non seulement elles sont moins nombreuses, mais elles sont aussi moins détaillées.

Il convient néanmoins de remarquer que les recherches réalisées dans le cadre de l'étude du CICR sur le DIH coutumier publiée en 2005, ont contribué à une meilleure connaissance des règles applicables à la conduite des hostilités dans les conflits armés internes. L'étude a confirmé que les principales dispositions du P.1 sur la conduite des hostilités, reflètent le droit coutumier applicable dans les conflits armés internationaux. Il a aussi montré que parmi ces dispositions, un grand nombre de règles sont coutumières dans les conflits armés internes. Ainsi, l'évolution du droit coutumier a largement comblé les lacunes existant dans le droit des traités.

Ces questions ont aussi stimulé l'intérêt du public, surtout du fait que les médias diffusent un grand nombre de photos et d'articles sur des civils tués ou blessés et des biens civils détruits lors d'opérations militaires.

Les deux questions du ciblage et du choix des armes sont ainsi au coeur des débats. Les développements qui suivent seront donc axés sur le principe de la distinction (Paragraphe 1) et sur la limitation des méthodes et moyens de combat (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le principe de la distinction

Le principe de la distinction comporte un double aspect. Elle impose aux parties en conflit de faire la distinction en tout temps entre la population civile et les combattants (A), et entre les biens à caractère civil et les objectifs militaires (B).

A/ La distinction entre civils et combattants

Le terme « combattant » est utilisé ici dans son sens usuel; il désigne les personnes qui ne jouissent pas de la protection contre les attaques accordée aux civils, mais il n'implique pas le droit à un statut de combattant ou à un statut de prisonnier de guerre. Cette règle doit se lire en conjonction avec l'interdiction des attaques contre les personnes reconnues comme étant hors de combat et avec la règle stipulant que les personnes civiles sont protégées contre les attaques, sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation.

Ainsi aux termes de l'article 13 al. 2 ; « ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques ».

L'interdiction de diriger des attaques contre la population civile figure aussi dans le Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié30(*). Il est aussi inscrit dans le Protocole III à la Convention sur les armes classiques, qui a été rendu applicable aux conflits armés non internationaux, en application d'un amendement à l'article premier de la Convention, adopté par consensus en 200131(*). La Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel stipule que la Convention se fonde entre autres « sur le principe selon lequel il faut établir une distinction entre civils et combattants »32(*).

Selon le Statut de la CPI, le fait de lancer des « attaques délibérées contre la population civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux hostilités » constitue un crime de guerre lorsqu'un tel acte est commis dans un conflit armé non international33(*).

Dans une résolution adoptée en 2000 sur la protection des personnes civiles en temps de conflit armé, le Conseil de sécurité de l'ONU a réitéré sa condamnation énergique de la pratique consistant à prendre délibérément pour cible des civils dans toutes les situations de conflit armé.

Le principe de la distinction entre civils et combattants englobe l'interdiction des actes de terrorisme. En effet l'article 13 par. 2 du P. 2 interdit «  les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile ». On peut considérer que l'interdiction des actes ou des menaces de violence visant à terroriser la population civile est renforcée par l'interdiction, de portée plus large, des « actes de terrorisme » qui figure parmi les garanties fondamentales de l'article 4.

Dans son jugement du 5 décembre 2003 « affaire Galiæ », le TPIY rappel que l'interdiction d'attaquer la population civile, entre dans la catégorie des normes du jus cogens. La prohibition de la terrorisation étant une infraction spécifique correspondant à un aspect de la règle générale interdisant d'attaquer les civils, elle devrait aussi bénéficier du même caractère de règle impérative puisqu'elle vise la protection des mêmes valeurs. Le tribunal note que la terrorisation est un type d'attaque contre la population civile, particulièrement répréhensible.

Le jugement du 5 décembre précise les éléments constitutifs de crime de terrorisation. Ils sont identiques à ceux qui caractérisent l'attaque délibérée contre la population civile. S'y ajoute néanmoins un élément intentionnel spécifique, un dol spécial, correspondant à l'intention, à titre de but principal, de répandre la terreur parmi la population civile.

Les exemples d'actes de violence, cités dans la pratique comme tombant sous le coup de l'interdiction définie par cette règle comprennent l'appui offensif ou les opérations de frappe ayant pour objet de répandre la terreur parmi la population civile, les bombardements aveugles et systématiques et les bombardements réguliers des villes, mais aussi les massacres. Les actes de terreur à l'encontre de la population civile concernent également les tirs délibérés et au hasard sur des cibles civiles, les tirs illégaux contre des rassemblements civils et une campagne prolongée de bombardements et de tirs embusqués contre des zones civiles.

Ces exemples montrent que de nombreux actes qui violent l'interdiction des actes ou menaces de violence visant à terroriser la population civile sont aussi couverts par des interdictions spécifiques. Il en est ainsi de l'interdiction des attaques sans discrimination.

L'interdiction des attaques sans discrimination figurait dans le projet de P.2, mais elle fut abandonnée au dernier moment, dans le cadre d'un train de dispositions destinées à permettre l'adoption d'un texte simplifié34(*). De ce fait, le P.2 ne contient pas cette règle en tant que telle, bien que l'on ait fait valoir qu'elle peut être déduite de l'interdiction de toute attaque contre la population civile qui est inscrite à l'article 13, par. 2. La règle a été incluse dans un traité plus récent applicable dans les conflits armés non internationaux, à savoir le Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié35(*).

L'expression « attaques sans discrimination » s'entend :

a) des attaques qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire déterminé;

b) des attaques dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combat qui ne peuvent pas être dirigés contre un objectif militaire déterminé; ou

c) des attaques dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combat dont les effets ne peuvent pas être limités comme le prescrit le DIH;

et qui sont, en conséquence, dans chacun de ces cas, propres à frapper indistinctement des objectifs militaires et des personnes civiles ou des biens de caractère civil.

Cette définition des attaques sans discrimination montre que celles-ci ne sont pas propres au principe de la distinction en général, mais concernent aussi et surtout la limitation des méthodes et moyens de combat. C'est pourquoi cette interdiction sera analysée plus en profondeur dans la partie consacrée à la limitation des méthodes et moyens de guerre.

Le principe de la distinction entre civils et combattants exige nécessairement en soi le respect du principe des précautions dans l'attaque, qui signifie que les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile. Toutes les précautions pratiquement possibles doivent être prises en vue d'éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment.

L'exigence de prendre des précautions dans les attaques figurait dans le projet de P.2, mais elle fut abandonnée au dernier moment. De ce fait, le P.2 n'exige pas explicitement que de telles précautions soient prises. Cependant, l'article 13, paragraphe 1 exige que «la population civile et les personnes civiles jouissent d'une protection générale contre les dangers résultant d'opérations militaires», et il serait difficile de satisfaire à cette exigence sans prendre des précautions lors des attaques. Des traités plus récents applicables dans les conflits armés non internationaux, à savoir le Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié et le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, stipulent bien l'exigence des précautions dans l'attaque36(*), même si dernier vise plus à protéger les biens à caractère civils.

Ce principe a été réaffirmé par l'assemblée générale des Nations Unies dans une résolution sur le respect des droits de l'homme en période de conflit armé adoptée en 196837(*). En outre, dans une résolution adoptée en 1970 énonçant les principes fondamentaux touchant la protection des populations civiles en période de conflit armé, l'Assemblée générale a exigé que «dans la conduite des opérations militaires, tous efforts soient faits pour épargner aux populations civiles les ravages de la guerre, et toutes précautions nécessaires soient prises pour éviter d'infliger des blessures, pertes ou dommages aux populations civiles»38(*).

La distinction entre civils et combattants implique également le respect du principe de la proportionnalité dans l'attaque.

Par ailleurs, pour une protection plus effective des populations civiles, le droit humanitaire prohibe, les attaques sur les biens à caractère civils, en effet on ne peut protéger la population civile sans pour autant protéger leurs biens. C'est le principe de la distinction entre les biens à caractère civil et les objectifs militaires (B).

B/ La distinction entre biens à caractère civil et objectifs militaires

Les parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre les biens à caractère civil et les objectifs militaires. Les attaques ne peuvent être dirigées que contre des objectifs militaires. Les attaques ne doivent pas être dirigées contre des biens à caractère civil. Il convient toutefois de préciser ce qui constitue un bien civil et un objectif militaire.

L'obligation de distinguer entre les biens civils et les objectifs militaires n'est pas mentionnée dans le P.2. Néanmoins l'article 14 protége « les biens indispensables à la survie de la population », en interdisant d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation.

L'article 15 protége « les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses ». Il dispose à cet effet que « les ouvrages d'art ou les installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d'énergie électrique, ne seront pas l'objet d'attaques, même s'ils constituent des objectifs militaires, lorsque ces attaques peuvent entraîner la libération de ces forces et causer, en conséquence, des pertes sévères dans la population civile.

Et enfin l'article 16 protége les biens culturels et les lieux de culte : « sous réserve des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, il est interdit de commettre tout acte d'hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et de les utiliser à l'appui de l'effort militaire ».

Cet article s'inscrit dans les dispositions spécifiques de la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels, qui protégent les biens (...) qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples et qui introduit un signe distinctif spécifique pour identifier ces biens39(*). L'article premier de la convention donne une définition plus large des biens culturels.

Le droit coutumier actuel exige que ces objets ne soient pas attaqués, ni employés à des fins qui pourraient les exposer à la destruction ou à des dommages, sauf en cas de « nécessite militaire impérieuse ». Elle interdit aussi toute forme de vol, de pillage ou de détournement ainsi que tout acte de vandalisme à l'égard de ces biens.

Le deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels utilise le principe de la distinction entre biens de caractère civil et objectifs militaires comme base pour définir la protection due aux biens culturels dans les conflits armés non internationaux. Il établit à cet effet les conditions dans lesquelles une dérogation sur le fondement d'une « nécessite militaire impérative » peut être invoquée. Ainsi aux termes de l'article 6 :

 a) une dérogation sur le fondement d'une nécessité militaire impérative ne peut être invoquée pour diriger un acte d'hostilité contre un bien culturel que lorsque et aussi longtemps que : ce bien culturel, par sa fonction, a été transformé en objectif militaire, et il n'existe pas d'autre solution pratiquement possible pour obtenir un avantage militaire équivalant à celui qui est offert par le fait de diriger un acte d'hostilité contre cet objectif ;

b) une dérogation sur le fondement d'une nécessité militaire impérative ne peut être invoquée pour utiliser des biens culturels à des fins qui sont susceptibles de les exposer à la destruction ou à la détérioration que lorsque et aussi longtemps qu'aucun choix n'est possible entre une telle utilisation des biens culturels et une autre méthode pratiquement possible pour obtenir un avantage militaire équivalent ;

c) la décision d'invoquer une nécessité militaire impérative n'est prise que par le chef d'une formation égale ou supérieure en importance à un bataillon, ou par une formation de taille plus petite, lorsque les circonstances ne permettent pas de procéder autrement ;

d) en cas d'attaque fondée sur une décision prise conformément à l'alinéa a), un avertissement doit être donné en temps utile et par des moyens efficaces, lorsque les circonstances le permettent.

Le statut de la CPI ne définit pas explicitement les attaques contre des biens de caractère civil comme un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux. Il définit cependant la destruction des biens d'un adversaire comme un crime de guerre, sauf si ces destructions sont «impérieusement commandées par les nécessités du conflit»40(*). Par conséquent, une attaque contre un bien de caractère civil constitue un crime de guerre au regard du Statut dans la mesure où elle n'est pas impérieusement commandée par les nécessités du conflit. Autre point pertinent : le Statut définit les attaques contre les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix comme un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux, pour autant que ces objets «aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux (...) biens de caractère civil»41(*).

Selon la pratique des États, les zones civiles, villages, villes, zones résidentielles, habitations, bâtiments et maisons et écoles, les moyens de transport civil, les hôpitaux, établissements sanitaires et formations sanitaires, monuments historiques, lieux de culte et biens culturels ainsi que le milieu naturel sont à priori considérés comme des biens de caractère civil, à condition, en dernière analyse, qu'ils ne soient pas devenus des objectifs militaires. Les attaques signalées contre de tels biens ont généralement été condamnées.

La distinction entre biens civils et objectifs militaires, n'interdit que les attaques directes contre les biens de caractère civils et ne traite pas de la question des dommages, causés incidemment par des attaques dirigées contre des objectifs militaires. Une attaque qui porte atteinte à des biens de caractère civil, n'est pas illégale dans la mesure où elle est dirigée contre un objectif militaire, et où les dommages causés incidemment aux biens civils ne sont pas excessifs. Cette idée est reflétée par les mots «attaques dirigées contre». Néanmoins la distinction entre biens civils et objectifs militaires implique nécessairement le respect du principe des précautions dans l'attaque, de l'interdiction des attaques sans discrimination, à l'instar de la distinction entre civils et combattants.

Il convient de préciser que les biens de caractère civil sont protégés contre les attaques, sauf s'ils constituent des objectifs militaires et aussi longtemps qu'ils le demeurent. La perte de protection des biens de caractère civil doit être lue conjointement avec la règle fondamentale qui stipule que seuls les objectifs militaires peuvent faire l'objet d'attaques. Il s'ensuit que lorsqu'un bien de caractère civil est employé de manière telle qu'il perd son caractère civil et acquiert le statut d'objectif militaire, il peut être l'objet d'une attaque. On retrouve ce raisonnement dans le Statut de la CPI, qui définit comme crime de guerre le fait de lancer des attaques délibérées contre des biens civils, à condition qu'ils «ne soient pas des objectifs militaires»42(*).

En ce qui concerne les objectifs militaires, ils sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis.

Bien que cette définition des objectifs militaires n'ait pas été incluse dans le P.2, elle a été incorporée par la suite dans des traités applicables dans des conflits armés internes, à savoir le Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié et le Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels43(*). Elle figure aussi dans le Protocole III à la Convention sur les armes classiques, qui a été rendu applicable aux conflits armés non internationaux par un amendement à l'article premier de la Convention, adopté par consensus en 200144(*).

Comme exemples d'objectifs militaires on peut citer les établissements, bâtiments et positions dans lesquels sont stationnés des combattants ennemis, leur matériel et leurs armes, ainsi que les moyens de transport et de communication militaires. Pour ce qui est des installations à usage militaire et civil - comme les moyens de transport et de communication civils qui peuvent être utilisés à des fins militaires -, la pratique considère que leur classification dépend en dernière analyse de l'application qui est faite de la définition de l'objectif militaire. Les objectifs économiques qui soutiennent effectivement des opérations militaires sont aussi des objectifs militaires, à condition que leur attaque apporte un avantage militaire indéniable.

Le principe de la distinction en général pose d'énormes difficultés dans les conflits internes en ce qui concerne notamment la définition des objectifs militaires, surtout quand il s'agit d'une guerre urbaine. Les opérations militaires au sol en milieu urbain sont particulièrement complexes : ceux qui se défendent contre une attaque bénéficient d'innombrables positions de tir et peuvent lancer une attaque n'importe où et à tout moment. La peur d'une attaque surprise est susceptible d'entraver la capacité des forces armées de l'attaquant à identifier correctement les forces ennemies et les objectifs militaires, et à évaluer les pertes civiles et les dommages contre des biens civils qui pourraient incidemment résulter de ses opérations. De même, les tirs d'artillerie et les bombardements aériens contre des objectifs militaires situés dans des villes sont compliqués, car ces objectifs se trouvent à proximité de la population civile et des biens de caractère civil.

Ces difficultés s'aggravent davantage encore quand les acteurs armés ne se distinguent pas de la population civile, comme c'est le cas lors de la conduite d'opérations militaires clandestines ou secrètes ou quand des personnes agissent comme « paysans le jour et combattants la nuit ». Par conséquent, les civils pacifiques sont plus susceptibles d'être pris pour cible par erreur, gratuitement ou de façon arbitraire, alors que les membres des forces armées, incapables d'identifier correctement leurs adversaires, courent un risque croissant d'être attaqués par des personnes qu'ils ne peuvent pas distinguer des civils pacifiques - tout en ayant l'obligation (ils on dû être formés à cet effet) de protéger les civils.

Ces difficultés font peser de sérieuses menaces sur les règles découlant du principe de la distinction, c'est pourquoi les méthodes et moyens de combat doivent être limités pour une meilleure protection des populations civiles (paragraphe 2).

Paragraphe 2 : La limitation des méthodes et moyens de combat

Le principe fondamental sur lequel repose le droit des conflits armés s'exprime comme suit: dans tout conflit armé, le droit des Parties au conflit de choisir des méthodes ou moyens de guerre n'est pas illimité. Il convient donc d'analyser les restrictions apportées aux méthodes de combat (A), avant de voir celles qui s'imposent aux moyens de combat (B).

A/ La limitation des méthodes de combat

Les conflits armés internes se présentent le plus souvent sous forme de guerre asymétrique. La guerre asymétrique est caractérisée par des inégalités significatives entre les capacités militaires des parties belligérantes. Son but fondamental consiste à trouver le moyen d'éviter la supériorité militaire de la partie adverse.

Lorsqu'elle fait l'objet d'une attaque, une partie belligérante (en particulier les groupes armés) qui a moins de capacité militaire et technologique, peut être tentée de se soustraire aux méthodes de guerre modernes et sophistiqués. En conséquence, elle peut être amenée à s'engager dans des pratiques interdites par le DIH, telles que feindre d'avoir un statut protégé, fondre les combattants et les objectifs militaires au sein de la population civile et les biens de caractère civil ou utiliser des civils comme boucliers humains

Ces pratiques augmentent clairement le risque de provoquer incidemment des pertes dans la population civile et des dommages aux biens de caractère civil. La partie qui fait l'objet de l'attaque peut même parfois chercher délibérément à provoquer de telles pertes et dommages incidents. Le but final peut être de bénéficier de la forte impression négative véhiculée par la couverture médiatique de ces incidents. L'idée est de « générer » des images de personnes civiles tuées ou blessées, et de ce fait, de porter atteinte au soutien dont bénéficie l'adversaire pour continuer son action militaire. Les groupes armés désavantagés technologiquement peuvent tenter de tirer parti du statut protégé de certains objets (sites religieux ou culturels, unités médicales) pour lancer des attaques.

Des méthodes de combat telles que feindre d'avoir le statut de civil ou de non-combattant et mener des opérations militaires au milieu d'une foule de civils constituent souvent une perfidie. En outre, la partie la plus faible a souvent tendance à lancer des attaques directes contre des « cibles faciles », car, notamment dans les sociétés modernes, ces attaques causent les plus lourds dommages, ou aussi parce que cette partie est incapable d'atteindre le personnel ou les installations militaires de l'ennemi. En conséquence, la violence est dirigée contre les personnes civiles et les biens de caractère civil, parfois sous la forme d'attaques-suicide. Les prises d'otage sont également très fréquentes.

Le P.2 ne contient que quelques dispositions relatives à la conduite des hostilités. Il en est ainsi de l'article 14 qui interdit d'utiliser contre les personnes civiles la famine comme méthodes de combat.

Le fait d'attaquer des biens indispensables à la survie de la population civile, et le fait de refuser le passage des secours humanitaires destinés aux personnes civiles dans le besoin, y compris en entravant délibérément le passage des secours ou de restreindre la liberté de déplacement du personnel de secours, peuvent constituer des infractions à la règle de l'interdiction de la famine.

L'article 4 paragraphe premier interdit également d'ordonner qu'il n'y ait pas de survivants, qui équivaut à l'interdiction d'ordonner qu'il ne sera pas fait de quartier, d'en menacer l'adversaire ou de conduire les hostilités en fonction de cette décision. Le fait de conduire les hostilités sur la base du refus de quartier, contreviendrait à l'article 3 commun, car il entraînerait le meurtre de personnes hors combat. Il violerait aussi la garantie fondamentale qui interdit le meurtre.

Le Statut de la CPI stipule à cet effet que « le fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier» constitue un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux »45(*).

Outre ces dispositions on peut citer :

Ø L'interdiction d'employer des agents de lutte antiémeute en tant que méthode de guerre.

Bien que l'emploi d'agents de lutte antiémeute ait été signalé au cours des guerres civiles en Grèce et en Espagne, la tendance a été à l'interdiction de leur emploi dans tous les conflits armés. Ceci se reflète dans le fait que l'interdiction de l'emploi des agents antiémeute en tant que méthode de guerre, inscrite dans la Convention sur les armes chimiques, s'applique à tous les conflits. Il est significatif que les États n'aient pas envisagé d'inscrire dans la Convention une dérogation générale autorisant l'emploi d'agents de lutte antiémeute dans les conflits armés non internationaux.

L'interdiction de l'emploi d'agents de lutte antiémeute en tant que méthode de guerre, est fondée sur le fait que l'emploi de gaz lacrymogène, par exemple, dans un conflit armé présente le risque de provoquer l'emploi d'autres produits chimiques plus dangereux. Une partie attaquée au moyen d'agents de lutte antiémeute pourrait penser qu'elle est attaquée par des armes chimiques létales, et recourir à l'emploi d'armes chimiques. C'est ce risque d'escalade que les États ont voulu prévenir en s'accordant pour interdire l'emploi d'agents de lutte antiémeute en tant que méthode de guerre dans les conflits armés.

Ø L'interdiction d'employer des herbicides en tant que méthode de guerre si ces herbicides :

a) sont de nature à être des armes chimiques interdites;

b) sont de nature à être des armes biologiques interdites;

c) sont destinés à être employés contre une végétation qui ne constitue pas un objectif militaire;

d) sont susceptibles de causer incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu; ou

e) sont susceptibles de causer des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel.

Bien qu'il existe moins de cas de pratique spécifique concernant l'emploi d'herbicides dans des conflits armés non internationaux, les limitations ou les interdictions spécifiques concernant l'emploi d'herbicides, sont des règles générales qui s'appliquent aussi aux conflits armés non internationaux.

L'ensemble de ces prohibitions est complété par la limitation des moyens de combat (B).

B/ La limitation des moyens de combat

La limitation des moyens de combat dans le but de protéger les populations civiles, vise à prohibée l'emploi des armes qui par nature frappe sans discrimination. Les principes généraux qui interdisent l'emploi de ces armes sont des normes conventionnelles mais aussi coutumières. Sont ainsi prohibé :

Ø L'emploi d'armes biologiques

Cette règle n'est inscrite dans aucun traité applicable aux conflits armés internes. Elle constitue néanmoins une norme de droit international coutumier applicable dans les conflits armés tant internationaux que non internationaux. En outre la pratique est conforme à l'applicabilité de cette règle aux conflits armés tant internationaux que non internationaux, étant donné que les États ne sont généralement pas dotés d'une panoplie d'armes différentes pour les conflits armés internationaux et non internationaux.

Presque toutes les allégations de possession de telles armes par des États ont fait l'objet de dénégations. Lorsque la Russie a reconnu, en 1992, qu'elle disposait toujours d'un programme d'armement biologique, elle a déclaré qu'elle s'apprêtait à y mettre un terme. Depuis, elle a toujours vigoureusement nié toutes les allégations selon lesquelles elle continuait à fabriquer des armes biologiques. Les rapports sur les programmes irakiens d'armes biologiques ont suscité la condamnation de la communauté internationale. Les déclarations et d'autres types de pratique d'États - parties ou non à la Convention sur les armes biologiques - indiquent que l'interdiction de l'emploi des armes biologiques en toute circonstance n'est pas uniquement conventionnelle.

La Convention sur les armes biologiques de 1972 ne contient aucune définition des éléments prohibés ni des cibles sur lesquelles portent les interdictions. Il existe cependant une définition officielle des agents biologiques : elle émane de l'OMS qui, dans le rapport publié en 1970, a décrit les agents biologiques comme étant « ceux dont les effets sont fonction de leur aptitude à se multiplier dans l'organisme attaqué, et qui sont destinés à être utilisés en cas de guerre pour provoquer la mort ou la maladie chez l'homme, les animaux ou les plantes ».

Le rapport souligne, d'une part, que ces armes font courir un danger spécial aux populations civiles et, d'autre part, qu'il est très difficile de connaître et de prédire les effets de leur emploi éventuel.

Ø L'emploi d'armes chimiques

L'interdiction de l'emploi des armes chimiques incluse dans la convention sur les armes chimiques s'applique en toutes circonstances, y compris dans les conflits armés internes46(*).

La convention vise à exclure complètement la possibilité d'emploi des armes chimiques. Ainsi, outre le fait de ne tolérer aucune réserve47(*), elle étend l'interdiction de l'emploi des armes chimiques à la mise au point, la fabrication, l'acquisition, le stockage, la conservation et au transfert de ces armes, en plus d'exiger tant leur destruction que celles des installations où elles sont fabriquées48(*).

La convention retient une définition large des armes chimiques, incluant chacun des éléments qui les composent. Ainsi sont considérés comme armes chimiques les éléments suivants, pris ensemble ou séparément (art. 2, par. 1, 3 et 9) :

« les produits chimiques toxiques, incluant les réactifs entrant dans leur fabrication, à l'exception de ceux qui sont destines à des fins non interdites par la convention, notamment industrielles, agricoles, de recherche, médicales, pharmaceutiques, de maintien de l'ordre public ou militaires sans rapport avec l'emploi d'armes chimiques ;

les munitions et dispositifs spécifiquement conçus pour provoquer la mort ou d'autres dommages par la libération de produits chimiques toxiques ;

tout matériel spécifiquement conçu pour être utilisé en liaison directe avec ces derniers ».

Ø L'emploi des piéges qui sont attachés ou associés d'une façon quelconque à des objets ou des personnes auxquels le DIH accorde une protection spéciale, ou à des objets susceptibles d'attirer des personnes civiles.

Tant les traités que la pratique des États confortent le principe selon lequel les pièges sont interdits si, par leur nature ou par la manière dont ils sont employés, leur emploi enfreint la protection juridique accordée à une personne protégée ou à un bien protégé par une autre règle de DIH. C'est le raisonnement qui sous-tend la liste des pièges interdits dans le Protocole II à la Convention sur les armes classiques et dans le Protocole II tel qu'il a été modifié49(*). Ce postulat est également valable pour les conflits armés internes.

Le protocole II, tel qu'il a été modifié, défini les piéges en son article 2 comme « tout dispositif conçu ou adapté pour tuer ou blesser et qui fonctionne à l'improviste quand une personne déplace un objet en apparence inoffensif ou s'en approche ».

Les pièges qui sont employés d'une manière qui n'est pas prohibée par la présente règle demeurent soumis aux règles générales régissant la conduite des hostilités, en particulier le principe de distinction ainsi que le principe de la proportionnalité. En outre, la règle qui veut que toutes les précautions pratiquement possibles soient prises en vue d'éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment doit aussi être respectée.

Ø L'emploi de mines terrestres

Les mines antipersonnel sont incapables d'opérer une distinction entre militaires et civils et elles tuent ou mutilent gravement leurs victimes. Relativement bon marché, de petite taille et faciles à employer, ces engins ont proliférés et se compte aujourd'hui par dizaine de millions. Comme il est bien plus simple de mettre en place une mine que de l'enlever, il est difficile, voir impossible, d'utiliser cette arme conformément aux règles du droit humanitaire.

La Convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel (1997) ayant été ratifiée à ce jour par plus de 140 Etats, la majorité des pays sont désormais tenus par ce traité de ne plus employer, produire, stocker ni transférer de mines antipersonnel. Cette interdiction ne relève pas du droit international coutumier, car il existe une pratique contraire importante qui est le fait des Etats non parties à la Convention; cependant, presque tous les Etats -y compris ceux qui ne sont pas partie à la Convention d'Ottawa et qui ne sont pas favorables à l'interdiction immédiate des mines antipersonnel- ont reconnu la nécessité d'oeuvrer dans le sens d'une élimination, à terme, de ces engins.

Le Protocole II originel à la Convention sur les armes classiques n'était applicable qu'aux conflits armés internationaux, et la pratique réelle dans les conflits internes n'a, la plupart du temps, pas été conforme à ces règles. Toutefois, les préoccupations manifestées par le Conseil de sécurité de l'ONU, par l'Assemblée générale des Nations Unies et par des États à titre individuel au sujet des effets des mines terrestres sur les civils dans les conflits armés internes, sont une indication du fait que la communauté internationale considère que les civils doivent être protégés contre les mines dans de telles situations. En témoigne aussi l'élargissement aux conflits armés internes du champ d'application du Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié. Depuis lors, la Convention sur les armes classiques elle-même a été amendée, ce qui fait que le Protocole II originel est lui aussi applicable dans les conflits armés internes pour les États qui ont adhéré à la Convention telle qu'amendée50(*). L'amendement, adopté lors de la deuxième conférence d'examen en 2001, n'a pas suscité de controverse. Il y a donc des arguments solides qui plaident en faveur de l'existence, dans les conflits armés non internationaux, d'une règle coutumière qui veut que les mines ne soient pas employées d'une manière qui équivaudrait à des attaques lancées sans discrimination, et que des précautions particulières soient prises pour réduire leurs effets aveugles.

Le protocole II à la convention sur les armes classiques définit les mines antipersonnel en son article 2 comme suit : « mine principalement conçue pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne et destinée à mettre hors de combat, blesser ou tuer ».

Bien qu'elles ne soient pas définies dans le protocole, les mines antivéhicules sont régies par les règles générales du protocole et par une règle spécifique.

Règles générales

D'une part il est interdit entre autres :

· D'employer des mines qui sont de nature à causer des souffrances inutiles ou des maux superflus (art. 3, par.3) ;

· De les diriger contre des civils ou des biens de caractère civil (art.3, par. 7) ;

· De les employer sans discrimination (art.3, par. 8) ;

D'autre part, les parties au conflit qui emploient des mines doivent :

· Les enlever après la cessation des hostilités actives (art.3, par. 2 et art. 10) ;

· Prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils des effets des mines (art. 3, par. 10) ;

· Donner préavis effectif de toute mise en place des mines qui pourraient avoir des répercussions sur la population civile (art.3, par. 11) ;

· Enregistrer et conserver des renseignements concernant l'emplacement des mines (art. 9).

Règles spécifiques

· Toutes les mines antipersonnel doivent être détectable à l'aide d'un matériel courant de détection des mines (art. 4 et annexes techniques).

· Les mines antipersonnel autres que les mines mises en place à distance, doivent être équipées de mécanisme d'autodestruction et d'autodésactivation conforme à l'annexe technique, à moins qu'elles ne soient :

a) à l'intérieur de champ de mines marqué, clôturés et surveillés par du personnel militaire afin d'empêcher effectivement les civils d'y pénétrer,

b) enlevées avant l'évacuation de la zone.

· Les mines antipersonnel mises en place à distance doivent être conforme aux dispositions relatives à l'autodestruction et à l'autodésactivation (art.6, par. 2).

· Les mines antivéhicules mises en place à distance doivent, dans la mesure du possible, être équipées d'un mécanisme efficace d'autodestruction ou d'autoneutralisation et comprendre un mécanisme complémentaire d'autodésactivation (art. 6, par.3).

Ø L'emploi d'armes incendiaires

Les armes incendiaires sont définies par l'article premier du protocole III à la convention sur les armes classiques comme étant : «  celles qui sont essentiellement conçues pour mettre le feu à des objets, ou pour infliger des brûlures à des personnes par l'action des flammes ou de la chaleur, par exemple le napalm et les lance flammes ».

Elles ne doivent en aucune circonstance être utilisées contre des civils. Il est en outre interdit de les lancer par aéronef contre des objectifs militaires situés à l'intérieur d'une concentration de civils. Elles ne peuvent pas non plus être employées contre les forêts et autres types de couverture végétale, sauf si ces éléments naturels sont utilisés pour dissimuler des combattants ou d'autres objectifs militaires (art. 2).

Si des armes incendiaires sont employées, des précautions particulières doivent être prises en vue d'éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment.

La plupart des faits concernant l'application du DIH dans les conflits armés non internationaux se sont produits au cours des deux dernières décennies, et le fait que les armes incendiaires n'aient généralement pas été employées pendant cette période signifie que la communauté internationale n'a guère eu de raison de traiter de la question. Toutefois, étant donné la controverse suscitée dans les années 1970 par l'emploi des armes incendiaires, on peut conclure que cette règle est également valable pour les conflits armés non internationaux. L'élargissement du champ d'application du Protocole III aux conflits armés non internationaux en 2001 étaye encore davantage cette conclusion.

Ø L'emploi d'armes à dispersion

Les armes à dispersion consistent en un conteneur qui s'ouvre en l'air, et répand sur une vaste zone des sous-munitions explosives. Ces sous-munitions - dont le nombre peut varier selon le modèle, allant de quelques unes à plus de 600 - peuvent être larguées par des aéronefs ou lancées aux moyens de pièces d'artillerie ou de missiles.

Les armes à dispersion constituent un problème persistant depuis des dizaines d'années. Dans presque chaque conflit armé dans lequel elles ont été utilisées, un nombre important de ces armes n'a pas explosé comme prévu. Les sous munitions non éclatées explosent souvent quand elles sont manipulées ou bougées, constituant un grave danger pour les civils. Longtemps après la fin des combats, elles continuent donc à tuer et à mutiler d'innombrables civils, avec des conséquences sociales et économiques tragiques pour des communautés entières.

Aucun traité du DIH n'a de règles spécifiques régissant les armes à dispersion. La question est donc de savoir si les armes à dispersion peuvent être utilisées contre des objectifs militaires situés dans des zones à forte densité de population, et ce, conformément au principe de la distinction et à l'interdiction des attaques menées sans discrimination. Ces règles sont conçues pour que les attaques soient dirigées contre des objectifs militaires spécifiques et ne soient pas de nature à frapper sans distinction des objectifs militaires et des civils ou des biens de caractère civil.

Comme cela a déjà été mentionné, la plupart des armes à dispersion sont conçues pour répandre un grand nombre de sous munitions sur de très grandes étendues. En outre, de nombreux types de sous-munitions sont à chute libre et utilisent des parachutes ou des rubans pour ralentir leur chute et s'armer. Cela signifie que ces explosifs peuvent être déclenchés par le vent ou déviés de leur cible s'ils sont libérés à une vitesse ou à une altitude incorrecte. Ils peuvent souvent atterrir dans des zones autres que celles où se trouvent les objectifs militaires spécifiques ciblés. De plus, il semblerait que les effets de ces armes sur de vastes zones et le nombre élevé de sous-munitions non guidées qui sont libérées rendent difficile, voire impossible, la distinction entre les objectifs militaires et les civils ou les biens de caractère civil dans une région ciblée à forte densité de population.

Les préoccupations concernent aussi la règle de la proportionnalité. Cette règle admet qu'une attaque menée contre un objectif militaire légitime peut faire des victimes civiles et causer des dommages aux biens de caractère civil. Elle exige cependant que, si une attaque est projetée, ses effets indirects sur les civils ne dépassent pas l'utilité militaire anticipée. Une attaque qui provoque incidemment un nombre excessif de victimes civiles ou de dommages par rapport à l'utilité concrète et directe militaire anticipée serait disproportionnée et, par conséquent, interdite. Il est clair que l'application de la règle de la proportionnalité pendant la planification et le déroulement d'une attaque où des armes à dispersion sont utilisées doit comporter une évaluation des conséquences indirectes prévisibles pour les civils pendant l'attaque (morts et blessures immédiates) et l'examen des effets prévisibles des sous munitions qui deviennent des restes explosifs de guerre. La principale question qui se pose à cet égard est ce que l'on entend par « prévisible ». Est-il crédible d'affirmer aujourd'hui que les conséquences à court, moyen ou long termes des sous munitions non explosées sont imprévisibles, surtout quand ces armes sont utilisées dans des zones à forte densité de population ou à proximité ? Comme les conflits armés passés l'ont montré, on peut s'attendre à ce que des civils présents dans une zone cible soient obligés d'aller chercher de la nourriture et de l'eau, de se faire soigner et de mener d'autres activités quotidiennes qui les mettent en danger.

Il apparaît donc urgent de réglementer l'emploi des armes à dispersion. Une étape importante vers la réduction, après un conflit armé, des effets des armes à dispersion et d'autres restes explosifs de guerre, a été franchie en 2003 lorsque les Etats parties à la convention sur certaines armes classiques ont adopté le protocole relatif aux restes explosifs de guerre.

Ces garanties générales s'appliquent à l'ensemble de la population civile. Mais le DIH tient compte du physique de certaines personnes en leur accordant une protection spécifique (chapitre 2).

Chapitre II : La protection des personnes vulnérables

La nature humaine a voulu que certaines personnes soient plus fragiles que d'autres, et par conséquent plus exposées que d'autres aux effets des hostilités et de l'arbitraire des belligérants. Cette fragilité résulte tantôt de l'âge, c'est le cas des enfants, tantôt du sexe dans la mesure où la femme est désignée à tort ou à raison « sexe faible».

Bien que les conséquences des conflits armés frappent les communautés dans leur ensemble, elles affectent plus particulièrement les femmes du fait de leur statut social et de leur sexe. Les parties impliquées dans des situations de conflit pratiquent souvent le viol des femmes et ont parfois recours au viol systématique comme tactique de guerre. Le meurtre, l'esclavage sexuel, la grossesse et la stérilisation forcée constituent d'autres formes de violence à l'égard des femmes commises dans le contexte de conflits armés internes.

La participation des enfants aux hostilités est également un phénomène inquiétant. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les conflits opposés surtout des armés régulières. Mais avec l'apparition des nouveaux types de conflits, opposant les armés régulières à la guérilla on voit trop souvent sur le théâtre des hostilités, des garçons à peine sortis de l'enfance brandissant des armes et prêt à les utiliser sans discernement. L'enfant est non seulement placé en danger de mort, mais également les personnes qui deviennent sa cible, à cause de son comportement immature et passionné. Les enfants-soldats sont en Afrique plus qu'ailleurs une force vive et un réservoir combattant incontournable pour les groupes en présence. Le rapport 2002 du secrétaire général de l'ONU sur les enfants et les conflits armés cite, dans la liste des forces ou groupes armés qui recrutent ou utilisent des enfants-soldats, les parties aux conflits en RDC, au Burundi, au Liberia, en Somalie...

C'est conscient de tout cela que le DIH a accordé une protection spécifique à l'enfant (section 1) et à la femme (section 2).

Section 1 : La protection de l'enfant

Une série de disposition entièrement nouvelle par rapport à l'article 3 commun, établissent les modalités de traitement humain dont les enfants doivent bénéficier, soit pour les protéger des effets directs des hostilités (Paragraphe 1) soit au sein de la population pour leur accorder un traitement particulier (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La protection de l'enfant contre les effets des hostilités

Elle se traduit par l'interdiction du recrutement et de la participation des enfants aux hostilités (A), et par la protection des enfants-combattants (B).

A/ L'interdiction du recrutement et de la participation des enfants aux hostilités

L'examen de la pratique contemporaine révèle en effet que de nombreux dirigeants rebelles pour la plupart, n'hésitent pas à recruter de jeunes enfants pour grossir leur forces ou groupes armés, pour pallier à l'insuffisance de leurs effectifs ou aux pertes.

Le DIH ne définit pas la notion d'enfants. L'omission d'une telle définition est intentionnelle et est motivée par le fait que le mot n'a pas une acception généralement admise. Le renvoi à différentes limites d'âge (12, 15 ou 18 ans), et l'utilisation d'autres termes (adolescents, mineurs) n'impliquent pas l'existence d'une définition d'enfant spécifique. L'âge est une mesure, présumée objective, de la vulnérabilité, de sorte que les références à 12, 15 ou 18 ans, loin d'être des limites temporelles, sont plutôt des étendues différentes de protection, selon le degré différent de vulnérabilité que peut présenter un enfant au cours de son développement.

C'est l'article 4 Paragraphe 3, al. (c) du P.2 qui se réfère à l'âge au dessous duquel les enfants n'ont pas le droit de participer aux hostilités. Aux termes de cette disposition : 

« les enfants de moins de quinze ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités ».

Il s'agit en l'occurrence d'une interdiction absolue, qu'elle vise une participation directe ou indirecte aux hostilités, telle que la collecte de renseignements, la transmission d'ordres, le transport de munitions et de vivres, ou encore des actes de sabotages. L'obligation imposée aux Etats parties est dé lors plus strict que lors de conflits armés internationaux.

Malgré les efforts déployés par de nombreux Etats, en vue d'élever de 15 à 18 ans l'age au-dessous duquel les enfants ne devraient pas participer aux hostilités, l'article 38 de la convention relative aux droits de l'enfant ne marque pas de véritable progrès,dans la mesure où les négociateurs de la Convention ont repris la substance des obligations du P.1, formulant une obligation de moyen quant à la participation directe des enfants aux hostilités et une obligation de résultat quant à leur enrôlement. Elle est ainsi plus faible que le droit existant applicable aux conflits armés internes, qui interdit toute participation directe et « indirecte » de ces enfants aux hostilités.

Cette disposition, applicable en temps de paix comme en temps de conflit armé, dissipe toutefois les doutes éventuels, quant aux obligations des États qui ne sont pas parties à un conflit armé. Elle contient également une clause de renvoi aux règles du DIH. En raison de cette clause, ainsi que du caractère de lex specialis du DIH, en cas de doute, c'est l'article 4 par.3 al. (c) du P.2 qui s'applique.

Le protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, adopté le 25 mai 2000, aurait dû remédier aux limites de la Convention et poser un nouveau standard, élevant à 18 ans l'âge minimum du recrutement et de la participation des enfants aux hostilités. Le résultat des négociations a été, toutefois, plus nuancé. Ce Protocole élève à 18 ans le seuil de la participation directe des enfants aux hostilités, imposant aux États une obligation de moyen qui reprend la terminologie de la convention (art. 1). Quant au recrutement, la mention de la limite de 18 ans a été obtenue au prix d'une distinction entre le régime du recrutement obligatoire et celui de l'engagement volontaire. Le Protocole élève à 18 ans l'âge minimal du recrutement obligatoire dans les forces armées d'un État (art.2). Tout en imposant de relever l'âge minimal de l'engagement volontaire, il admet toutefois le recrutement volontaire des enfants de 15 à 18 ans en vue de leur incorporation dans les écoles militaires (art.3).

Les obligations imposées aux groupes armés sont plus complètes et plus contraignantes que celles qui sont imposées aux États: «Les groupes armés qui sont distincts des forces armées d'un État ne devraient en aucune circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnes âgées de moins de 18 ans» (art.4).

Enfin le statut de la CPI, inclut dans la liste des crimes de guerre relevant de la compétence de la cour, le fait de faire participer activement à des hostilités les enfants de moins de 15 ans ou de procéder à leur enrôlement dans les forces armés nationales et autres groupes armés lors d'un conflit armé non international51(*).

Malgré toutes ces interdictions, il est douteux que les parties tiennent compte de la limite d'âge requise pour faire participer les enfants aux hostilités. Il est donc nécessaire de protéger ceux qui auraient pris part, volontaire ou de force, aux hostilités (B).

B/ la protection des enfants-combattants

Les dispositions juridiques du P.2 sont réalistes en ce qui concerne l'éventualité du port d'armes par les enfants. En effet l'article 4 par.3 al. (d) stipule que : 

«  la protection spéciale prévue par le présent article pour les enfants de moins de quinze ans leur restera applicable s'ils prennent directement part aux hostilités en dépit des dispositions de l'alinéa c et sont capturés ».

Pour être appliquée cette disposition très positive en soi, suppose en effet un changement dans la pratique des conflits voire une modification de la législation interne de certains Etats. Les enfants dont il s'agit sont en effet parfois traités avec la même sévérité que les combattants adultes capturés, soit par tradition guerrière, soit en conformité ave la loi.

Il convient de rappeler que dans les conflits armés internes, il existe ni statut de combattant ni celui qui en découle, soit le statut de prisonnier de guerre. Des lors l'enfant-combattant, qu'il fasse ou non partie des forces armées, peut être puni en vertu de la législation interne du pays concerné pour le seul fait d'avoir pris part aux hostilités. L'étendue de sa responsabilité doit toutefois être appréciée en prenant en considération sa capacité restreinte de discernement, inhérente à son jeune âge. De plus, des mesures éducatives devraient être imposées et non de véritables peines.

Un cas peut se présenter c'est celui de l'enfant de moins de 15 ans capturé sans avoir véritablement était recruté par les forces ou groupes armés, mais qui aurait pris volontairement part aux hostilités. Dans ce cas l'enfant devrait être traité comme une personne civile protégée, compte tenu des circonstances atténuantes qui excluent sa responsabilité notamment en raison de son jeune âge ou de son manque de discernement.

L'art. 6 par. 4 du P.2 interdit aussi de prononcer la peine de mort contre une personne âgée de moins de 18 ans au moment de l'infraction. Ici encore, comme en ce qui concerne la limite d'âge au-dessous de laquelle les enfants ne peuvent pas participer aux hostilités, l'obligation va plus loin que celle applicable aux conflits armés internationaux, qui vise seulement l'interdiction d'exécuter une telle condamnation à leur encontre.

D'une manière générale, le CICR aborde le problème de la protection des enfants-combattants en situation de conflit interne en mettant l'accent sur l'intérêt des enfants. Si les enfants sont détenus, le CICR insiste pour obtenir leur libération, lorsque des garanties peuvent être données que ces enfants ne retourneront pas au combat. Dans la pratique, le CICR demande aussi aux parties la prise en compte de la capacité de discernement restreinte des enfants de moins de 15 ans. Il oeuvre notamment pour qu'un traitement différencié, adapté à leur âge, soit accordé aux enfants détenus. Il veille aussi au respect des règles spéciales de protection prévues en leur faveur dans le P.2.

En plus de ces garanties, les enfants doivent faire l'objet d'un traitement particulier au sein de la population civile (paragraphe 2).

Paragraphe 2 : l'exigence d'un traitement particulier

L'art. 4 par. 3 du P.2 énumèrent les dispositions qui sont de nature à conférer un traitement particulier aux enfants. Il stipule à cet effet que :

«  Les enfants recevront les soins et l'aide dont ils ont besoin et, notamment :

a) ils devront recevoir une éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en ont la garde ;

b) toutes les mesures appropriées seront prises pour faciliter le regroupement des familles momentanément séparées ;

e) des mesures seront prises, si nécessaire et, chaque fois que ce sera possible, avec le consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde à titre principal en vertu de la loi ou de la coutume, pour évacuer temporairement les enfants du secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur plus sûr du pays, et pour les faire accompagner par des personnes responsables de leur sécurité et de leur bien-être ».

Le respect de ces dispositions semble possible eu égard aux circonstances et aux caractéristiques militaires et territoriales qui sont celles des conflits armés auxquels le P.2 est applicable.

Selon la Convention relative aux droits de l'enfant, les États doivent respecter et faire respecter les règles du DIH dont la protection s'étend aux enfants, et ils doivent prendre «toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d'une protection et de soins»52(*). On trouve des dispositions similaires dans la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant53(*).

Dans une résolution adoptée en 1999 sur les enfants dans des situations de conflit armé, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé aux parties à des conflits armés «de prendre des mesures concrètes lors des conflits armés afin de réduire au minimum les souffrances infligées aux enfants».

Le Comité des Nations Unies pour les droits de l'enfant a également rappelé que les dispositions essentielles pour permettre la réalisation des droits des enfants touchés par le conflit armé comprenaient : la protection du milieu familial, la garantie de l'assistance et des soins fondamentaux, la garantie de l'accès à la santé, à l'alimentation et à l'éducation; l'interdiction de la torture, des brutalités et de la négligence; l'interdiction de la peine de mort; la préservation de l'environnement culturel des enfants; la protection dans les situations où ils sont privés de liberté, et la garantie d'une assistance et des secours humanitaires aux enfants dans les situations de conflit armé54(*).

Reconnaissant également les besoins et les vulnérabilités spécifiques des femmes, le DIH leur accorde un certain nombre de mesures de protection et de droits spécifiques (Section 2).

Section 2 : La protection de la femme

Ces garanties se traduisent par le respect des besoins spécifiques de la femme (Paragraphe 1), et par l'égard particulier pour les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'obligation de respecter les besoins spécifiques de la femme

La formulation employée ici, à savoir « le respect des besoins spécifiques de la femme », est fondée sur l'influence de la terminologie utilisée dans les Conventions de Genève et dans le P.1. Dans la pratique est elle souvent formulée en termes de protection spéciale ou de respect spécial à accorder aux femmes, ou en termes de traitement à leur réserver «avec les égards dus à leur sexe» ou «avec tous les égards particuliers dus à leurs sexe», ou autre formule similaire.

Bien que l'article 3 commun et le P.2 ne contiennent pas de règle générale affirmant que les besoins spécifiques des femmes doivent être respectés, ils évoquent des aspects spécifiques de cette règle en exigeant le respect de la personne et de l'honneur, en interdisant les atteintes à la vie, à la santé et au bien-être physique et mental, les atteintes à la dignité de la personne, y compris les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur, dont nous avons traités dans les garanties fondamentales. L'art. 5 par.2 al. a) du P.2 évoque un autre aspect de l'obligation de tenir compte des besoins spécifiques des femmes. Il stipule en effet que :

« ceux qui sont responsables de l'internement ou de la détention des personnes privées de liberté..., respecteront dans toute la mesure de leurs moyens les dispositions suivantes à l'égard de ces personnes :

sauf lorsque les hommes et les femmes d'une même famille sont logés ensemble, les femmes seront gardées dans des locaux séparés de ceux des hommes et seront placées sous la surveillance immédiate de femmes ».

L'objet de cette règle est en fait d'empêcher que les femmes ne soient victimes de violences sexuelles et de mettre en oeuvre la protection spécifique qui leur est accordée. La règle qui veut que les membres d'une même famille soient logés ensemble est étayée par l'exigence de respecter la vie de famille.

Ces règles spécifiques montrent l'existence d'une préoccupation similaire à l'égard du sort des femmes dans les conflits armés internationaux.

Le Conseil de sécurité de l'ONU, le Conseil économique et social des Nations Unies et la Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme ne font pas de distinction entre les conflits armés internationaux et non internationaux en matière de protection des femmes dans les conflits armés55(*). Le Conseil de sécurité de l'ONU, par exemple, a lancé des appels pour que soient respectés les besoins spécifiques des femmes dans le contexte de conflits particuliers, comme en Afghanistan, mais aussi de manière plus générale. Dans une résolution adoptée en 2000 sur la protection des civils en période de conflit armé, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est déclaré vivement préoccupé par « les dommages étendus causés par les conflits armés (...) aux femmes» et a réaffirmé « qu'il importe de tenir pleinement compte (...) des besoins particuliers [des femmes] en matière de protection et d'assistance ».

Les besoins spécifiques des femmes peuvent varier selon la situation dans laquelle elles se trouvent - dans leur foyer, en détention ou déplacées en raison du conflit -, mais elles doivent être respectées en toutes circonstances.

Les femmes peuvent également être fragilisées du fait qu'elles sont souvent représentées comme porteuses symboliques de leur identité culturelle ou ethnique, et comme productrices de générations futures. C'est pourquoi une protection spéciale est réservée aux femmes enceintes et aux mères de jeunes enfants (paragraphe 2).

Paragraphe 2 : La protection des femmes enceintes et des mères d'enfants en bas âge

L'exigence que les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants, en particulier les mères qui allaitent, soient traitées avec des égards particuliers, n'est inscrite ni dans le P.2 ni dans l'article 3 commun. Il convient donc de se référer au P.1 et à la IVe convention de Genève pour déterminer les règles de protection susceptible de s'appliquer à celles-ci.

Pour ce qui est des femmes enceintes ou en couche, le P.1 consacre le principe selon lequel « les cas des femmes enceintes, arrêtées ou détenues ou internées pour des raisons liées aux conflits armés doivent être examinés en priorité absolue »56(*). Par-là, il est question que les femmes enceintes arrêtées soient libérées le plutôt possible57(*). Ce traitement favorable s'étend à l'offre supplémentaire de nourriture en fonction des besoins physiologiques nécessités par leur état. Pour des raisons de santé, leur transfert est suffisamment limité et ne serait possible que si des raisons impérieuses de sécurité l'exigent58(*).

En ce qui concerne les mères d'enfants en bas âge, celles-ci, « arrêtées ou détenues ou internées doivent aussi être traitées en priorité ». Si la question de l'âge reste en suspens dans ce texte, la formule couramment employée est celle de la IVeme convention de Genève qui traite généralement du cas des mères d'enfants de moins de 7 ans. Cet âge est donc celui en principe retenu dans l'application de l'article 76 du P.1 précité.

Pour ce qui est de la peine de mort, le P.1 exige que les parties à un conflit s'efforcent dans toute la mesure du possible, d'éviter de prononcer la peine de mort contre les femmes enceintes ou les mères d'enfants en bas âge dépendant d'elles pour une infraction commise en relation avec le conflit armé. En outre, une condamnation à mort pour de telles infractions ne peut être exécutée contre ces femmes. L'article 6, paragraphe 4 du P.2 interdit totalement que la peine de mort soit exécutée contre les femmes enceintes et les mères d'enfants en bas âge.

L'interdiction d'exécuter la peine de mort contre des femmes enceintes est aussi inscrite dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans la Convention américaine relative aux droits de l'homme

Des vagues successives de codification, s'inspirant d'exigences humanitaires ont ainsi mis en place un appareil normatif touffu, destiné à protéger les populations civiles dans les conflits armés internes. Ces principaux instruments ont été acceptés par presque tous les Etats. Toutefois, l'adhésion à ces instruments ne suffit pas à garantir aux populations civiles une protection contre les effets des hostilités. Des efforts doivent être consentis pour mettre en oeuvre le DIH, pour traduire les règles en action (Deuxième partie).

La mise en oeuvre est définie comme l'ensemble des procédures et mécanismes auxquels les Etats parties aux conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels, ont recours pour assurer le respect du DIH. Une fois entrée en vigueur, le DIH doit être appliqué par les parties ; conséquence de son caractère obligatoire, ils doivent l'exécuter. Ainsi, il est non seulement nécessaire d'appliquer ces règles tant au niveau national (Chapitre 1) qu'au niveau international (Chapitre 2).

Chapitre I : La mise en oeuvre au niveau national

Elle se traduit par une action préventive (Section1) et par la répression des violations graves du DIH (Section 2).

Section 1 : L'action préventive

La prévention ne signifie nullement ici la prévention des conflits mais l'ensemble des mesures pratiques que doivent adopter les Etats en temps de paix, afin d'assurer la protection des populations civiles en cas de conflit interne. En effet la responsabilité première d'assurer la mise en oeuvre du DIH incombe aux Etats (Paragraphe 1). Il faut également souligner le rôle que joue le CICR en la matière (Paragraphe2).

Paragraphe 1 : Le rôle des Etats

Les Conventions de Genève soulignent, dans leur article premier commun, que les Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention « en toutes circonstances ». Les règles de l'article 3 commun doivent elles aussi être respectées « en toutes circonstances ». Afin de satisfaire à cette exigence, le rôle des Etats consistera à insérer le DIH dans l'ordre interne (A) et à satisfaire à l'obligation de diffusion du DIH (B).

A/ l'insertion du DIH dans l'ordre interne

Les traités du DIH obligent les Etats à adopter une série de mesures d'application au sens large. Ces mesures répondent à la nécessité de traduire le DIH dans la législation nationale. Pour commencer, il faut que les traités de DIH soient, si nécessaires, traduits dans la ou les langues du pays. La traduction peut s'avérer déterminant surtout en Afrique, où la majeure partie des militaires ne sont pas instruits. En outre, lorsqu'un militaire agit sur le terrain, c'est plutôt un manuel militaire qu'il a entre les mains. D'ou l'intérêt d'intégrer le DIH dans la doctrine militaire et de vérifier qu'il n'y a pas de contradictions entre ce que l'on demande à un militaire de faire et le DIH. Ce dernier interdit les armes qui causent des maux superflus. Mais comment s'assurer que les armées n'utilisent pas de telles armes ? Si cette dimension n'est pas prise en compte dans le choix et la conception des armements, on risque de se rendre compte trop tard que les armements à disposition ou utilisés ne répondent pas aux critères du droit de la guerre. D'où encore l'intérêt de mettre en place des procédures qui intègrent les préoccupations humanitaires dans le processus de prise de décision. De même, le DIH impose un certain nombre d'obligations de désignation et de signalisation de sites dangereux ou protégés tels que certains biens culturels. Ces obligations nécessitent qu'il soit procédé à des choix et à des ajustements règlementaires en temps de paix.

Le DIH ne prévoit pas toutes les mesures d'application jusque dans leur moindre détail. Certaines mesures types qui doivent être prises sont suggérées mais le choix des moyens est laissé aux Etats. C'est à l'exécutif et à l'administration que revient la responsabilité de prendre la plupart des mesures, généralement par le biais de règlementations.

Certaines mesures exigeront l'adoption de dispositions législatives ou réglementaires. D'autres nécessiteront l'élaboration de programmes d'éducation, le recrutement et/ou la formation de personnels, la mise en place de structures, l'introduction de procédures de planification et administratives. Les adaptations requises pour préparer l'application du DIH ne sont pas infinies.

A cet égard il convient de souligner le rôle que doit jouer le parlement. En tant qu'institution qui incarne le plus directement l'intérêt de la population, il revient au Parlement de veiller tout particulièrement à sa protection en mettant en place, déjà en temps de paix, une législation et un ensemble de dispositions garantissant au mieux cette protection dans l'éventualité d'un conflit armé. Il en est ainsi par exemple de la responsabilité pénale individuelle de celui qui a recruté l'enfant ou qui l'a utilisé pour participer aux hostilités. Pour que la responsabilité pénale individuelle soit mise en cause, il est nécessaire d'établir l'existence non seulement des règles primaires, qui interdisent le comportement, mais aussi des règles secondaires, qui criminalisent les violations. Pour pouvoir réprimer les violations du DIH, il faut qu'existent des lois pénales qui prévoient la définition des crimes et leur sanction. C'est en effet un principe du droit pénal que nul ne peut être condamné pour un crime qui n'existait pas en droit au moment où il a été commis.

Quant au parlementaire, en sa qualité de gardien et de porte-parole des citoyens, il lui revient non seulement de contribuer à la mise en place de ces droits et garanties, mais aussi de promouvoir une conscience aussi généralisée que possible du DIH.

Pour être respecté le DIH doit également être connu, d'où l'obligation de diffusion du DIH par les Etats (B).

B/ l'obligation de diffusion du DIH

En devenant parties aux conventions de Genève et à leurs protocoles, les Etats se sont engagés à diffuser le plus largement possible les dispositions de ces instruments, de telle manière qu'elles soient connues des forces armées et de l'ensemble de la population. Ainsi l'article 19 du P.2 stipule que : « le présent Protocole sera diffusé aussi largement que possible ». Même si le P.2 ne distingue pas la diffusion aux forces armées de la diffusion aux populations civiles, il n'en demeure pas moins que cette distinction est fondamentale.

Ø L'instruction du DIH aux forces armées

Cette règle constitue une norme de droit international coutumier applicable aux États en temps de paix, ainsi qu'aux parties aux conflits armés internationaux ou non internationaux. L'expression « forces armées » doit être entendue dans son sens usuel. La pratique ne fait apparaître aucune distinction, en ce qui concerne l'instruction en DIH, entre le droit applicable dans les conflits armés internationaux et le droit applicable dans les conflits armés non internationaux.

Le devoir des États d'enseigner le DIH à leurs forces armées a été codifié pour la première fois dans les Conventions de Genève de 1906 et de 1929. Il a été réaffirmé par la suite dans les Conventions de Genève de 1949 et dans leurs Protocoles additionnels, dans la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels et son deuxième Protocole, ainsi que dans la Convention sur les armes classiques. Tous ces textes spécifient que l'obligation d'enseigner le DIH aux forces armées s'applique en temps de paix comme en temps de conflit armé.

L'incorporation de l'étude du DIH dans les programmes d'instruction militaire constitue la mesure de base prévue par les traités pour le faire connaître aux forces armées, premiers responsables de son application. Le P1 précise que les autorités militaires doivent avoir une pleine connaissance de son texte (art.83, par.2). L'obligation est renforcée par le fait que d'une part, les Etats doivent veiller à ce que des conseillers juridiques soient formés pour assister les commandants quant à l'application des conventions de Genève et du protocole et quant à l'enseignement approprié à dispenser aux forces armées à ce sujet (art. 82). D'autre part les commandants doivent s'assurer que les militaires qui leurs sont subordonnés connaissent leurs obligations (art. 87).

Néanmoins, il n'est pas nécessaire que les membres des forces armées soient parfaitement informés du moindre détail du DIH, mais bien qu'ils connaissent les règles essentielles du droit qui sont pertinentes au regard de leurs fonctions concrètes.

Pour être effectifs, les programmes d'instruction militaire devraient inclure l'adoption de directives sur l'enseignement du DIH et l'introduction de ses règles dans les manuels, manoeuvres et exercices militaires, ainsi que dans les règles d'engagement des membres des forces armées. Aussi, les Etats qui fournissent des troupes pour les opérations de maintien de la paix menées par les Nations Unies ou sous son égide devraient s'assurer que les militaires appartenant à leur contingent soient instruits des dispositions de ce droit.

Le problème se pose maintenant de savoir, si les groupes d'opposition armés sont tenus de diffuser le DIH à leurs combattants. En effet ces derniers sont eux aussi tenus de respecter et de faire respecter le DIH, et la diffusion est généralement considérée comme un outil indispensable à cette fin, mais aucune pratique n'a été constatée qui exigerait que ces groupes disposent de conseillers juridiques. L'absence de conseillers juridiques ne peut cependant en aucun cas excuser une violation du DIH par une partie quelconque à un conflit armé de quelque nature que ce soit.

Ø La diffusion du DIH au sein de la population civile

Cette règle constitue également une norme du droit international coutumier. La pratique ne montre aucune distinction entre l'enseignement du DIH applicable dans les conflits armés internationaux et celui du droit applicable dans les conflits armés non internationaux.

Les Conventions de Genève de 1906 et de 1929 exigeaient des États qu'ils prennent les mesures nécessaires pour porter les conventions à la connaissance des populations59(*). Les Conventions de Genève de 1949 et la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels exigent des États qu'ils incorporent « si possible » l'étude du DIH dans les programmes d'instruction civile60(*). Les mots «si possible» ne sont pas là pour suggérer que l'inclusion dans les programmes d'instruction civile est facultative, mais pour tenir compte du fait que dans les pays à structure fédérale, le pouvoir central n'a pas compétence en matière d'éducation. Le P.1 exige des États qu'ils diffusent le DIH le plus largement possible, et notamment qu'ils «en [encouragent] l'étude par la population civile» (art. 83).

La diffusion à la population civile n'est pas moins impérative que celle aux forces armées. Une plus grande marge d'appréciation est toutefois laissée aux Etats dans ce domaine.

Une formation en DIH devrait premièrement être dispensée auprès des autorités publiques responsables de son application. Aussi, son enseignement devrait être intensifié dans les universités et l'enseignement de ses principes généraux devrait être introduit dans les écoles secondaires. A ce propos il faut noter l'insuffisance ou plutôt l'absence de programme d'enseignement du DIH dans les universités africaines. Enfin les professionnels du corps médical et des medias devraient aussi pouvoir bénéficier d'une formation adaptée à leurs activités. Les commissions nationales de droit humanitaire devraient s'assurer que l'obligation de diffusion du DIH est respectée par leur gouvernement, et que la matière est inscrite dans les programmes nationaux d'instruction. Mais on remarque que la plupart des Etats africains ne se sont dotés pas de ces commissions.

Dans la pratique, de nombreux États encouragent l'organisation de cours de DIH, souvent en fournissant des fonds à des organisations telles que la Société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge. Selon les Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les Sociétés nationales « diffusent et aident leur gouvernement à diffuser le DIH ; elles prennent des initiatives à cet égard». D'où la nécessite d'aborder le rôle que joue le CICR dans la diffusion du DIH. (Paragraphe 2).

Paragraphe 2 : Le rôle du CICR

C'est le CICR, fondé en 1863, qui a été le moteur du développement du DIH. C'est lui qui mit en branle le processus qui conduisit à l'adoption des Conventions de Genève pour la protection des victimes de la guerre de 1864, de 1906, de 1929 et de 1949. C'est lui aussi qui prit l'initiative de compléter les Conventions de Genève, qui déboucha sur l'adoption en 1977 de deux Protocoles additionnels. Le CICR a tout à la fois encouragé la rédaction de nombreux autres traités et participé aux négociations les concernant.

Organisation impartiale, neutre et indépendante, le CICR a la mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes de la guerre et de la violence interne, et de leur porter assistance.

La diffusion et la formation font partie des activités menées par le CICR pour faire connaître les règles du droit humanitaire et construire une base de discussion sur le respect du droit. Ces activités sont notamment destinées aux personnes ou aux groupes dont les actions et le comportement peuvent avoir des répercussions sur les victimes de conflits armés ou qui peuvent faciliter l'action du CICR. Elles font intervenir les forces armées, la police, les forces de sécurité et d'autres porteurs d'armes, ainsi que les décideurs et les guides d'opinion aux niveaux local et international. La reconnaissance de ce rôle du CICR se reflète dans le mandat qui lui a été confié par la communauté internationale, à savoir de travailler « à l'application fidèle du DIH applicable dans les conflits armés» et « à la compréhension et à la diffusion du DIH applicable dans les conflits armés et d'en préparer les développements éventuels »61(*). Il dispose à cette fin d'une structure de délégués spécialement affectés aux taches de diffusion dans les différentes régions du monde et élabore des programmes de diffusion et de matériels didactiques spécifiques aux forces armées et de sécurité, aux milieux académiques et à la jeunesse, ou encore des campagnes de sensibilisation du grand public. Les services consultatifs en DIH du CICR tiennent à jour une collection de documents relatifs à la mise en oeuvre nationale de ce droit. Les sociétés nationales ont le mandat de diffuser et d'aider leur gouvernement à diffuser le DIH, en leur fournissant des conseils techniques en vue de l'adoption de lois et règlements nationaux d'application. Elles doivent prendre des initiatives à cet égard, recruter, former et affecter le personnel nécessaire.

Le CICR demande souvent aux groupes armés d'élaborer ou d'adopter des codes de conduite ou des « règles d'engagement » pour leurs membres. Le code de conduite fait fonction d'engagement exprès vis-à-vis du droit, sur la base duquel des interventions peuvent avoir lieu concernant le respect du droit, mais il peut aussi avoir un impact direct sur la diffusion des règles et sur la formation des membres du groupe armé. Le fait que la hiérarchie d'un groupe armé élabore ou accepte un code de conduite, révèle son degré d'adhésion et d'engagement, s'agissant de faire respecter le droit. Cela risque d'influencer davantage le comportement des membres du groupe armé que quelque chose qu'ils pourraient percevoir comme leur ayant été imposé de « l'extérieur ».

La période de négociations et de discussions concernant un code de conduite, peut servir à informer la direction du groupe armé sur le DIH, et aussi à comprendre la volonté politique et les attitudes du groupe armé concernant le respect du droit. Si un groupe armé a fait une déclaration unilatérale, il peut lui être suggéré d'élaborer un code de conduite comprenant le DIH comme « prochaine étape » logique. En apportant son soutien à l'élaboration d'un code de conduite ou à l'incorporation du DIH dans un code en vigueur, on peut également aider le groupe à mettre en pratique les engagements qu'il a pris dans la déclaration unilatérale.

Alors que le CICR agit le plus souvent sur une base bilatérale et confidentielle, d'autres acteurs peuvent lancer de tels appels publiquement.

Il serait certes souhaitable que le DIH soit respecté d'emblée par les belligérants, mais l'expérience de la guerre montre qu'il est illusoire de penser que la connaissance des règles du DIH et la bonne volonté suffisent. Le jugement et la punition des personnes ayant commis des violations du DIH, notamment des crimes de guerre, ne sont donc pas seulement une obligation juridique et morale : ils sont aussi un moyen dissuasif efficace (section 2).

Section 2 : la répression nationale des violations du DIH

La répression des violations du DIH, s'exprime dans l'obligation qu'ont les parties à un conflit de prévenir et de faire cesser toute violation. En règle générale, les Etats ne peuvent exercer de sanctions qu'a l'égard de leurs propres nationaux ou pour des crimes ayant été commis sur leur territoire, c'est la compétence fondée sur le lien de rattachement (Paragraphe1). Les Etats ont cependant décidé, que certains crimes étaient si graves qu'une exception devait être faite à ce principe. Certaines conventions obligent donc les Etats à juger les criminels de guerre quelle que soit leur nationalité et quel que soit le lieu où ils ont commis leur crime c'est le principe dit de la compétence universelle (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La compétence classique des juridictions nationales

Classiquement, la compétence d'une juridiction d'un Etat à l'égard d'un crime ne peut s'exercer que s'il y a un lien de rattachement. Ce dernier est marqué par le principe de la territorialité de la loi pénale (A), et celui de la personnalité (B).

A/ Le principe de la territorialité

Il découle des règles classiques d'exercice de la souveraineté étatique. Il ressort de ce principe, que l'Etat sur le territoire duquel une infraction a été commise exercera une compétence prioritaire par rapport aux autres Etats qui pourrait se considérer compétents. Le droit pénal a toujours reposé sur ce principe, en vertu duquel les crimes doivent être punis où ils ont été commis. Ce principe a été soutenu par une grande partie de la doctrine, mais aussi il a été rappelé par plusieurs conventions internationales, telle que la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui stipule en son article 6 que : « les personnes ayant commis le génocide (...) seront traduites devant les tribunaux compétents de l'Etat sur le territoire duquel l'acte a été commis... ».

Ce principe peut cependant soulever quelques problèmes dans le cadre d'infraction pluriterritoriale. Conscient des problèmes que peut soulever ce genre d'infraction, les participants, en 1927, à la première conférence pour l'unification du droit pénal, ont adopté un texte de référence en ce sens. L'article premier prévoit que : « l'infraction est considérée comme ayant été commise sur le territoire de l'Etat, quand un acte d'exécution a été tenté ou accompli sur le territoire ou quand le résultat de l'infraction s'est produit sur ce territoire ».

Le principe de la territorialité n'est pas le seul critère de rattachement, les Etats peuvent fonder leur compétence sur le critère de la personnalité (B).

B/ Le principe de la personnalité

Le principe de la compétence personnelle se défini comme étant le pouvoir de l'Etat à incriminer et juger les faits commis à l'extérieur de ses frontières. L'Etat qui exerce une compétence personnelle fonde celle-ci non sur un titre territorial, mais sur la nationalité de l'auteur d'une infraction grave, c'est à dire la compétence personnelle active, ou de la victime, dans le cadre de la compétence personnelle passive.

Ce principe a fait l'objet d'une illustration dans l'affaire du Lotus. Dans cette affaire la France contestait le droit de la Turquie d'engager des poursuites après un abordage survenu en haute mer. La France soutint que l'absence de poursuites de ce type démontrait l'existence d'une règle de droit international coutumier interdisant de poursuivre, sauf pour l'État du pavillon du navire à bord duquel l'acte illicite avait été commis. Mais la CPJI refusa cette argumentation en dégageant un principe autorisant les Etats à étendre leur compétence hors du territoire national. C'est ainsi que la Turquie qui invoquait la nationalité passive (loi de la victime) contre la loi du pavillon (par extension du principe de la territorialité invoqué par la France), fut autorisée à juger le capitaine français.

Le principe de la compétence personnelle permet à tout Etat de juger ses ressortissant pour des crimes graves commis à l'étranger. Son application risque cependant d'être utopique, car on verrait mal des juridictions internes déclenchées des poursuites contre des dirigeants de leur propre pays pour réprimer des infractions commises par eux à l'étranger. A titre d'exemple, les tribunaux libériens n'ont jamais pu déclencher de telles poursuites contre l'ex chef d'Etat Charles Taylor, pour sa complicité dans les massacres et les crimes en Sierra Leone. Par contre la compétence personnelle passive s'est développée récemment.

Les principes de la territorialité et de la personnalité ne sont pas très efficaces pour pouvoir inquiéter les grands criminels. S'il existe un principe qui a retenu l'attention ces dernières années, c'est sûrement celui de la compétence universelle (paragraphe 2).

Paragraphe 2 : La compétence universelle des juridictions nationales

La compétence pénale d'une juridiction nationale est dite universelle, quand elle s'étend en principe à des faits commis n'importe où dans le monde, et par n'importe qui. Elle découle du principe selon lequel, les Etats ont le droit de conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de crime de guerre.

Il convient de préciser les fondements d'une telle règle (A), ainsi que les obstacles relatifs à son exercice (B).

A/ Les fondements de la compétence universelle

Selon la pratique des États, cette règle constitue une norme de droit international coutumier en ce qui concerne les crimes de guerre commis dans des conflits armés tant internationaux que non internationaux.

Le droit des États de conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de crimes de guerre est aussi étayé par le droit conventionnel.

Le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels dispose qu'il n'affecte pas « l'exercice de la compétence en vertu du droit international coutumier », ce qui signifiait, pour les délégués au moment de la négociation du Protocole, le droit des États de conférer à leurs tribunaux nationaux une compétence universelle en matière de crimes de guerre62(*).

La Convention sur le génocide, qui mentionne explicitement la compétence territoriale, a été interprétée comme n'interdisant pas l'application au crime de génocide du principe de la compétence universelle63(*).

Les quatre Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles additionnels ont prévu une compétence universelle des juridictions nationales à l'égard des violations graves du DIH. Tout Etat partie à ces conventions est compétent pour juger toute personne présumée coupable d'infractions graves se trouvant sur son territoire quelle que soit la nationalité de cette personne ou le lieu où elle a commis les infractions.

Pour être effective, la compétence universelle doit être incorporée dans la législation nationale des Etats. Cette incorporation, si elle n'est pas considérée comme nécessaire par un certain nombre de pays pour lesquels les traités font automatiquement partie du droit national, est au contraire une condition requise par la plupart des législations. De par les différentes législations, on note une différence entre pays maximalistes et pays minimalistes.

Les Etats minimalistes ne mettent aucun dispositif en place pour la rendre effective. A titre d'exemple la Russie et la plupart des pays islamiques, n'ont pas mis un dispositif spécifique introduisant la compétence universelle pour la torture.

Au Sénégal une telle lacune a empêché la plainte déposée contre l'ancien président tchadien Hissein Habré d'aboutir à son jugement, puisque le titre XII du code de procédure pénale qui traite des crimes et délits commis à l'étranger, ne prévoyait pas une telle compétence.

D'autres Etats par contre ont instauré une compétence universelle plus large. La Belgique apparaît dans ce cadre comme un pionnier notamment avec la loi du 16 juin 1993 "relative à la répression des infractions graves aux conventions internationales de Genève du 12 août 1949 et aux protocoles I et II du 8 juin 1977, additionnels à ces conventions", révisée par la loi du 10 février 1999 "relative à la répression des violations graves du DIH". La loi de 1999 a donné compétence universelle aux juridictions belges pour poursuivre les violations graves du DIH. Ainsi, le 17 avril 2001 s'est ouvert devant la Cour d'assises de Bruxelles le procès de quatre Rwandais accusés d'avoir participé au génocide de 1994. C'est en outre la première fois qu'un jury populaire est amené à se prononcer sur des faits commis à l'occasion d'un génocide.

La pratique n'est pas cependant uniforme en ce qui concerne la question de savoir si le principe de la compétence universelle exige un lien particulier avec l'État qui engage les poursuites. L'exigence de l'existence d'une relation entre l'accusé et l'État qui poursuit - en particulier la présence de l'accusé sur le territoire ou sa capture par l'État qui poursuit - est reflétée dans la législation nationale de nombreux États. C'est le cas de la France qui conditionne la compétence universelle pour la torture, par la présence du suspect sur le territoire français. Il existe aussi des législations qui n'exigent pas l'existence d'un tel lien; les Conventions de Genève ne l'exigent pas non plus.

En 2000, la RDC a engagé une procédure devant la CIJ pour contester un mandat d'arrêt international émis par un juge belge, contre le ministre congolais des affaires étrangères. Dans ses exposés devant la Cour en 2001, la RDC n'a pas présenté d'objection de principe contre le droit des États de conférer la compétence universelle à leurs tribunaux nationaux en matière de crimes de guerre, mais a argué du fait que la personne inculpée devait se trouver sur le territoire de l'État exerçant cette compétence.

L'exercice de la compétence universelle soufre de plusieurs obstacles qu'il convient de soulever (B).

B/ Les obstacles dans l'exercice de la compétence universelle

Malgré ces mérites la compétence universelle manifeste un constat d'échec. En effet l'exercice de la compétence universelle est confronté à de nombreux obstacles d'ordre juridique. Il en est ainsi par exemple des causes d'irrecevabilité de l'action publique résultant des immunités. A titre d'illustration nous pouvons citer l'arrêt de la CIJ du 14 février 2002.

Dans cette affaire opposant la RDC à la Belgique, la RDC contestait la licéité d'un mandat d'arrêt international lancé en 2000 par le juge Damien Vandermeersch contre Yerodia Abdoulaye Ndombasi, le ministre des affaires étrangères du Congo alors en fonction. La CIJ donna raison à la RDC, en arguant du fait que le ministre des affaires étrangères bénéficiait d'immunités. Cette décision remet ainsi en cause l'exercice par les juridictions belges, et plus largement de n'importe quelle juridiction nationale, de leur compétence universelle.

L'existence de compétences concurrentes, soit au profit des TPI, soit à travers l'extradition au profit des juridictions neutres peut également poser des problèmes dans l'exercice de la compétence universelle. On peut également citer l'absence de traité d'extradition entre les Etats.

A coté de ces obstacles d'ordre juridique, subsistent des obstacles d'ordre politique. En effet les juridictions nationales à compétence universelle, examinent les affaires portées devant elles par les victimes. En réalité, ce ne sont pas toujours les victimes qui portent plainte; souvent ce sont des lobbies politiques. Les tribunaux sont alors manipulés pour des raisons politiques plutôt que pour la défense des droits de l'homme. On peut d'autre part se poser la question de savoir, ce qu'un jury d'assise belge peut comprendre de situations extrêmement complexes et de contextes culturels très différents comme celui du Rwanda. Sommes-nous vraiment devant une justice sereine et objective ?

Ces obstacles ont peut être poussé la Belgique, qui était jusque là le pays le plus avancé en ce domaine, à reformer dans un sens beaucoup plus restrictif les ambitions qui étaient exprimées dans sa loi de compétence universelle, en amandant la loi de 1993 par une loi du 23 avril 2003, puis procédé par son abrogation pure et simple par une loi du 1e août 2003. Une telle attitude ne saurait se comprendre dans la mesure où, les Etat qui ont accepté les conventions de Genève ont l'obligation de poursuivre les auteurs de violations graves du DIH. La compétence universelle ne saurait être supprimée, mais elle ne saurait être absolue non plus. Son exercice doit être soumise à certaines conditions, pour être réaliste, comme la présence de l'accusé sur le territoire de l'Etat qui poursuit.

Des questions délicates devront donc être résolues pour que cette justice soit efficace et équilibrée. Il faudra notamment trancher la question de l'immunité des dirigeants pendant et après leur mandat.

La mise en oeuvre du DIH ne saurait se limiter au niveau national. Les Etats ont également un rôle à jouer dans la mise en oeuvre du DIH au niveau international. (Chapitre II).

Chapitre II : La mise en oeuvre au niveau international

La mise en oeuvre du DIH au niveau international découle de l'obligation qu'on les Etats de faire respecter le droit humanitaire.

La question du respect du DIH par les belligérants dans les conflits armés internes, revêt aujourd'hui une importance capitale pour la communauté internationale. Elle est inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée général de l'ONU, de la conférence internationale de la Croix-Rouge et des sessions annuelles des organes délibérants des institutions régionales. Cette mobilisation de la communauté internationale face aux atrocités commises dans l'impunité la plus totale, traduit la nécessite pour les Etats d'adopter au niveau international des mesures de mise en oeuvre du DIH. Ces mesures visent, d'une part à instaurer des procédures de contrôle international (Section 1), et d'autre part à réprimer par les juridictions internationales, les personnes responsables de violations graves du DIH (Section 2).

Section 1 : Le contrôle du respect des garanties de protection

Des procédures d'enquête ont été développées au sein du droit humanitaire. Il s'agit de la procédure prévue par les articles commun 52-53-132-145 aux conventions de Genève, et de l'enquête institutionnelle de la commission internationale humanitaire d'établissement des faits (CIHEF). C'est ce dernier qui retiendra notre attention parce qu'elle constitue le seul organe permanent rapidement mobilisable aux fins d'enquête sur des allégations de violations graves du DIH (Paragraphe 1). Il faut cependant noter que le CICR peut signaler directement aux Parties concernées, en principe à titre confidentiel, les infractions au DIH qu'il constate lui-même. Pour ne pas se mêler de polémiques qui pourraient être nuisibles à son action, Il n'accepte qu'en dernier ressort de participer à une commission d'enquête s'il est sollicité par les parties intéressées. D'autres procédures ont également été prévues en dehors du DIH (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'enquête institutionnelle de la CIHEF

L'article 90 du P.1 prévoit l'établissement d'une CIHEF. Créée officiellement en 1991, la Commission est un organe international permanent dont la fonction essentielle consiste à enquêter sur tout fait prétendu être une infraction ou violation grave du DIH. La Commission est donc un mécanisme indispensable pour aider les Etats à veiller à l'application et à l'observation du droit humanitaire en temps de conflit armé.

Il convient donc d'analyser la compétence de la commission (A) ainsi que la procédure d'enquête (B).

A/ La compétence de la commission

Le but de la Commission est de protéger les victimes des conflits armés en obtenant le respect des principes et des règles de droit international applicables dans les conflits armés. La Commission est notamment compétente pour :

1. Enquêter sur tout fait prétendu être une infraction grave au sens des Conventions et du Protocole ou une autre violation grave des Conventions ou du Protocole,

2. Faciliter, en prêtant ses bons offices, le retour à l'observation des dispositions des Conventions et du Protocole.

La Commission a cette compétence si les Etats parties à la procédure ont accepté sa compétence en déposant les déclarations appropriées. Dans un tel cas, aucune autre manifestation du consentement n'est nécessaire pour fonder la compétence de la commission.

De même, dans d'autres situations, la Commission peut ouvrir une enquête à la demande des Etats aux conflits, mais uniquement avec le consentement de l'autre ou des autres parties intéressées. Dans ce contexte, la Commission a fait part de sa volonté d'enquêter sur les violations alléguées du droit humanitaire, y compris sur celles qui surviennent dans des conflits armés à caractère non international, aussi longtemps que les parties au conflit y consentent.

De plus, elle a exprimé sa conviction qu'il est nécessaire de prendre toutes les initiatives appropriées, le cas échéant en coopération avec d'autres organismes internationaux, en particulier avec les Nations Unies, pour exercer ses fonctions dans l'intérêt des victimes de conflits armés. Cette conviction est partiellement fondée sur les articles 89 et 1er, paragraphe 1, du P.1 et sur l'article 1er commun aux Conventions de Genève.

La procédure d'enquête de la commission est réglementée de manière détaillée (B).

B/ La procédure d'enquête

Lorsqu'une requête est déposée, l'enquête doit être effectuée, à moins que les parties n'en disposent autrement, par une chambre composée de sept membres nommés comme suit: après consultation des parties au conflit, le Président de la Commission nomme, sur la base d'une représentation équitable des régions géographiques, cinq membres de la Commission, qui ne doivent être ressortissants d'aucune partie au conflit, et deux membres ad hoc, qui ne doivent être ressortissants, eux non plus, d'aucune des parties au conflit, sont nommés respectivement par chacune de celles-ci.

La Chambre doit inviter les parties à l'assister et à produire des preuves. La Chambre peut rechercher les autres preuves qu'elle juge pertinentes et elle peut procéder à une enquête sur place. La Chambre doit communiquer tous les éléments de preuve aux parties, qui ont le droit de présenter des observations et de les discuter.

Une fois achevée la procédure d'établissement des faits, la Chambre doit en établir les résultats. Il appartient toutefois à la Commission elle-même de soumettre aux parties un rapport sur ces derniers, avec les recommandations qu'elle juge appropriées. Si la Commission n'est pas en mesure de rassembler des preuves qui suffisent à étayer des conclusions objectives et impartiales, elle doit faire connaître les raisons de cette impossibilité.

La Commission ne peut pas communiquer publiquement ses conclusions, à moins que toutes les parties au conflit n'y consentent.

Par principe, la mission première de la Commission est d'établir les faits, non pas pour définir des responsabilités individuelles, mais en vue de favoriser une meilleure mise en oeuvre des dispositions du DIH. Il se pourrait néanmoins, que les conclusions de la Commission puissent se révéler utiles pour des poursuites pénales, nationales et internationales, y compris dans le cadre des actions de la CPI.

Malgré les efforts déployés par les Etats pour mettre en place cette commission, il est à constater que ces mécanismes n'ont jamais fonctionnés réellement. L'instauration de la CIHEF comme mécanisme appelé à inciter au respect du DIH par l'établissement des faits et l'exercice de bons offices, ne peut être efficace en ce qui concerne les conflits armés internes. En effet la compétence de la commission est subordonnée ici au consentement des parties au conflit or, ces dernières se gardent toujours d'en faire usage : un Etat qui commet des crimes de guerre, ne va évidemment jamais saisir la commission pour qu'elle enquête sur ses faits. C'est pourquoi nous pensons que les mécanismes de contrôle développés au sein de l'ONU et des organisations internationales régionales, peuvent contribuer à un meilleur respect du DIH (Paragraphe 2).

Paragraphe 2 : Les procédures développées en dehors du droit humanitaire

La mise en oeuvre du droit humanitaire déborde aujourd'hui le strict cadre des procédures développées par les conventions de Genève. En effet, le rapprochement entre droit de l'homme et droit humanitaire a poussé l'ONU (A), ainsi que les organisations régionales (B) à jouer un rôle déterminant dans le contrôle du respect du DIH.

A/ Les procédures développées au sein des Nations Unies

Pendant longtemps les Nations Unies ne se préoccupèrent pas du droit humanitaire. Le développent normatif de ce domaine du droit international avait toujours été l'apanage du CICR. L'ONU quant à elle, avait pour tache principale de veiller au respect de l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales. Par contre, l'ONU se réservait la tâche de codifier, au niveau mondial, les règles protégeant l'intégrité et la dignité humaine en temps de paix. Mais la proximité normative entre droit de l'homme et droit humanitaire, entraîna un intérêt croissant de l'ONU pour le droit humanitaire. Le moment décisif de se rapprochement fut la conférence des Nations Unies de Téhéran sur les droits de l'homme en 1968. Ce forum international examina la question du respect du statut des droits de l'homme en cas de conflit armé et adopta une résolution qui invitait le secrétaire général de l'ONU à se pencher sur les problèmes posés par le développement et l'application de ce domaine. Le DIH faisait désormais parti des domaines de réflexion et d'action des institutions onusiennes. Quelques années plus tard, un rôle spécifique fut reconnu à l'ONU dans un instrument relatif au droit de la guerre. L'article 89 du P.1 dispose en effet que, en cas de violations graves des Conventions de Genève ou du P1, « les Hautes Parties contractantes s'engagent à agir (...), en coopération avec l'ONU et conformément à la charte des Nations Unies ».

Cette tendance visant à associer l'ONU dans la mise en oeuvre du DIH n'a jamais cessé de se confirmer au fil du temps. Tous les principaux organes des Nations Unies ont participé, avec plus ou moins d'intensité et chacun à son niveau, à l'action de l'organisation dans le domaine du contrôle du respect droit humanitaire dans les conflits armés. Mais l'oeuvre la plus significative et la plus innovatrice en la matière est sans conteste celle que bâtissent, dans leur complémentarité, le conseil de sécurité et la commission des droits de l'homme.

Ø L'action du conseil de sécurité

Le conseil de sécurité est un organe politique qui détient la « responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale »64(*). Dans le cadre de cette fonction, il peut faire office de conciliateur entre les Etats en leur recommandant de recourir à l'une des méthodes de règlement des différends que prévoit la Charte65(*). De plus dans des situations extrêmes où la paix est menacée ou rompue, il a le droit d'adopter des mesures contraignantes à l'encontre d'un Etat agresseur.

Les premières préoccupations humanitaires du conseil de sécurité se sont concentrées sur l'assistance portée aux victimes de la guerre. Il en est ainsi par exemple de sa résolution 733 du 23 janvier 1992 sur le conflit somalien, où il exprima sa volonté de soutenir les actions de secours humanitaires.

C'est avec la guerre yougoslave que le conseil de sécurité adopta une attitude nouvelle. Son action fut cette fois motivée non plus seulement par son désir de porter secours à des personnes en détresse, mais aussi par sa volonté d'identifier et de punir les individus responsables d'exactions. Dans sa résolution 780 du 6 octobre 1992, il demanda en effet au secrétaire général de constituer une commission d'experts chargée d'enquêter sur les violations du droit humanitaire commises en ex Yougoslavie. La commission fut créée et réunie en l'espace d'un an et demi, 65000 pages de documents écrits et 300 heures d'enregistrements visuels faisant état de crimes perpétrés d'une manière particulièrement brutale et féroce. L'ensemble de cette documentation a été transmis au procureur du tribunal constitué en application de la résolution 808 du conseil de sécurité et chargé de juger les individus responsables de violations graves du droit humanitaire en Ex Yougoslavie.

Avec cette démarche en deux temps (création d'une commission d'enquête, puis mise en place d'un tribunal pénal), le conseil de sécurité concrétisait pour la première fois sa volonté d'étendre son action à l'identification et à la répression des criminels de guerre.

Un peu plus tard, une procédure identique fut engagée à propos des massacres perpétrés au Rwanda. Dans sa résolution 935 du 1e juillet 1994, il demanda au secrétaire général de constituer d'urgence une commission d'enquête chargée de réunir des éléments de preuve « concernant les violations graves du DIH, y compris d'éventuel acte de génocide ». La commission fut créée, et elle adopta deux rapports qui furent transmis au TPIR.

Ce qui intéressant ici c'est que ces commissions d'enquête ont été constituées en vertu de la seule autorité du conseil de sécurité, sans que l'accord des belligérants n'ait été suscité.

Ø L'action de la commission des droits de l'Homme

Parmi les tentatives d'intégration du droit humanitaire au sein des activités des Nations Unies, l'oeuvre de la Commission des droits de l'homme est certainement la plus développée. La Commission des droits de l'homme est un organe subsidiaire du Conseil économique et social. Elle a été créée en 1946 en application de l'article 68 de la Charte.

Les fonctions de la Commission sont essentiellement de trois ordres. C'est elle qui élabore des rapports, des recommandations et des projets d'instruments internationaux à l'intention de l'assemblée générale et du conseil économique et social. Elle assiste aussi ce dernier dans son travail de coordination des activités onusiennes relatives aux droits de l'homme. Enfin, la part la plus importante de son activité actuelle consiste à créer et à faire fonctionner des mécanismes de protection des droits de l'homme. C'est dans ce cadre que la Commission a su développer progressivement plusieurs procédures d'établissement des faits, destinées à entretenir ses débats annuels. Il en est ainsi des enquêtes menées sur les violations des droits de l'homme en relation avec des conflits armés internes notamment au Liberia et en Sierra Leone. Certaines de ces procédures ont été mises en place pour examiner en général la situation des droits de l'homme dans des régions particulières. C'est ainsi qu'en 1997 les pays faisant l'objet d'une procédure publique devant la Commission étaient au nombre de seize, dont le Burundi, le Cambodge, la RDC, le Rwanda, la Somalie, le Soudan... D'autres, au contraire traitent de thèmes spécifiques en étudiant tous les pays du monde. Les organes ainsi établis sont de nature variée. Tantôt individuels, tantôt collectifs, ils peuvent être indépendants ou intergouvernementaux.

L'extension du droit humanitaire aux instances de l'ONU se double d'un développement similaire à l'échelle régionale (B).

B/ L'apport des systèmes régionaux de protection des droits de l'homme

A l'instar de ce que nous avons déjà constaté dans le cadre de l'ONU, le droit humanitaire s'intègre encore, au niveau régional, au domaine de la sécurité collective. Toutes les instances internationales reconnaissent aujourd'hui qu'on ne peut se désintéresser du comportement des acteurs d'un conflit armé, sans risquer de voir ce conflit s'étendre à des régions encore en paix. Au sein des organisations régionales que sont le Conseil de l'Europe, l'Union africaine et l'Organisation des Etats américains, une commission indépendante de leurs Etats membres, chargée spécialement de la promotion et de la protection des droits de l'homme dans leur région respective a été constituée. Ces commissions ont entre autres pour fonction d'enquêter sur le comportement d'Etats soupçonnés d'infractions aux droits de l'homme.

Ces commissions ont une compétence limitée au domaine d'application des instruments auxquels elles doivent leur existence. Leur approche est donc en principe celle des droits de l'homme, quelque soit le contexte dans lequel elles exercent leur contrôle. Ne faisant que rarement une distinction, du point de vue de leur analyse de fond, entre les situations de paix et celles de guerre, elles n'envisagent presque jamais d'utiliser le droit humanitaire à l'appui de leurs activités. Cette possibilité n'est pourtant pas absolument exclue à la lecture des textes conventionnels. En intégrant le droit humanitaire à leurs références juridiques, ces procédures le feraient bénéficier de leur expérience en matière d'établissement des faits et de leur relative efficacité. Il vaut dés lors la peine de chercher sur quel fondement juridique une telle évolution pourrait être consacrée. Nous traiterons de l'apport du Conseil de l'Europe et les potentialités de l'Union africaine.

Ø L'apport du Conseil de l'Europe

Si l'on se penche sur la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), il semble que cet instrument ne prévoit pas d'autres violations que celles de ses propres dispositions, lorsqu'il détermine la compétence matérielle de la commission qu'il institue. Il parait donc normal de conclure que le contrôle du droit humanitaire ne fait pas partie des fonctions de cette dernière.

Cette réalité n'est cependant pas absolument immuable. La doctrine dans sa majorité soutien en effet que la compétence matérielle de la commission peut être élargie. Pour soutenir cette affirmation, il faut se référer à l'article 15 de la CEDH qui fixe quelques unes des conditions que doivent respecter les Etats, lorsqu'ils veulent adopter, en cas d'urgence, des mesures dérogatoires. En particulier ces mesures doivent rester conformes aux « autres obligations découlant du droit international ». Parmi celles-ci, il est légitime d'admettre que figurent celles qui relèvent du droit humanitaire. Celui-ci a été créé en effet pour s'appliquer précisément dans les situations envisagées par l'article 15 de la CEDH. Si ces situations, à cause de leur gravité, justifient une suspension de certains principes des droits de l'homme, c'est que bien souvent, le seuil minimum d'applicabilité du droit des conflits armé est atteint. De plus, les conventions de Genève rappellent d'emblée que leurs dispositions doivent être respectées « en toutes circonstances ».

Il serait donc juridiquement faux de prétendre que les « autres obligations découlant du droit international », que préserve l'article 15, n'incluraient pas le droit humanitaire. Ainsi il faut admettre qu'en veillant au respect de l'article 15 paragraphe 1 de la CEDH, les organes du système européen des droits de l'Homme sont habilités à contrôler le comportement des Etats vis-à-vis des normes humanitaires.

Malgré cette argumentation, il faut se rendre à l'évidence que ces organes ne manifestent pas une volonté d'aller aussi loin dans leurs interprétations. Il est de ce fait fort improbable de les voir appliquer directement les conventions de Genève et leurs protocoles, en tant droit conventionnel.

Par contre, il est intéressant de remarquer que dans l'affaire Irlande contre Royaume-Uni, la commission européenne a tenu compte des standards du droit humanitaire pour concrétiser l'interdiction prescrite par l'article 3 de la CEDH. Tout en admettant que les conventions de Genève sont inapplicables en l'espèce, la Commission affirme que certaines de leurs normes peuvent « être pertinentes ici en ce sens qu'elles constituent l'expression des principes généraux du droit international quant au traitement des prisonniers en général ».

La Commission ne se sert pas ici du droit humanitaire en tant que source juridique direct, mais elle s'y réfère pour les besoins de l'interprétation de l'article 3, pour étayer simplement son argumentation.

C'est donc par une pénétration progressive, plutôt que par une adjonction pure et simple, que le droit humanitaire profitera de la rigueur des mécanismes mise en oeuvre spécifiques aux droits de l'homme.

Ø Les potentialités de l'Union africaine

Quant à la Commission africaine des droits de l'Homme, il est beaucoup plus facile d'envisager quelles sont ses compétences en matière de droit humanitaire que dans le cas de son homologue européen. Même si la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) n'aborde pas directement cette question, elle est en revanche suffisamment explicite à ce sujet pour suggérer certaines déductions. Elle prévoit en effet que, dans l'exercice de son mandat, la commission « s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et des peuples (...) »66(*) et qu'elle « prend aussi en considération, comme moyens auxiliaires de détermination des règles de droit, les autres conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats membres de l'Union africaine ».67(*)

Deux solutions s'offrent ainsi à la commission, au cas où elle envisagerait de se référer au droit des conflits armés pour qualifier le résultat de ses enquêtes. Elle le fera en vertu de l'article 60 de la CADHP, si elle accepte d'interpréter largement la notion de droits de l'Homme en y intégrant le corpus juridique humanitaire. Dans le cas contraire, elle basera sa compétence sur l'article 61 en considérant que les conventions de Genève font parties « des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit » dont parle cette disposition. Cette interprétation s'impose d'autant plus que tous les Etats membres de l'UA ont adhéré à ces conventions.

Le contrôle du respect du DIH à travers les différents mécanismes d'établissement des faits que nous venons d'analyser, doit permettre la répression des violations graves du DIH au niveau international (Section 2).

Section 2 : La répression internationale des violations graves du DIH

Aujourd'hui le consensus s'est clairement dégagé dans la communauté internationale, sur la nécessité de poursuivre et de punir, en tant que criminels, les auteurs des graves infractions au droit des conflits armés.

L'émergence de la prise de conscience collective de la nécessité de poursuivre et de punir, au niveau international, les crimes les plus graves perpétrés à l'encontre de la personne humaine et des populations civiles, remonte à la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, le 8 août 1945, le Tribunal militaire international de Nuremberg est institué pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par les Nazis. Le 19 janvier 1946, le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient était créé à Tokyo pour juger les responsables de la guerre du Pacifique. Ces juridictions auront contribué à jeter les bases du droit pénal international moderne, en définissant notamment les crimes contre la paix, les crimes de guerre et contre l'humanité et donner le signal de l'adoption, dans le cadre des Nations Unies, d'une base juridique nouvelle, intégrée dans des conventions internationales.

Il convient donc d'analyser ici le cadre de répression des violations graves du DIH dans le contexte des conflits internes (paragraphe 1), ainsi que les obstacles à cette répression (paragraphe 2).

Paragraphe 1: le cadre de répression des violations graves du DIH

La répression des violations graves du DIH, passe nécessairement par l'établissement d'une juridiction pénale internationale (B), mais auparavant il faudra situer les responsabilités (A).

A/ La situation des responsabilités

Il faut faire la distinction entre la responsabilité imputable à l'Etat ou aux groupes d'opposition armés (1), de la responsabilité pénale individuelle (2).

1. La responsabilité de l'Etat et des groupes d'opposition armés pour les violations du DIH

Ø La responsabilité de l'Etat

Plusieurs situations peuvent se présenter qui entraînent la responsabilité de l'Etat pour les violations du DIH qui lui sont attribuables. Il s'agit notamment de :

La responsabilité de l'État en ce qui concerne les violations commises par ses propres organes, y compris ses forces armées

Cette règle est une application particulière de la règle générale sur la responsabilité des États pour fait internationalement illicite, qui stipule qu'un État est responsable du comportement de ses organes68(*). Les forces armées sont considérées comme un organe de l'État, à l'instar de toute autre instance exerçant des fonctions exécutives, législatives ou judiciaires.

L'application de cette règle générale d'attribution de responsabilité au DIH est reflétée dans les quatre Conventions de Genève, qui stipulent l'existence de la responsabilité de l'État, en plus de l'exigence de poursuivre les personnes qui commettent des infractions graves69(*). Le principe selon lequel la responsabilité des États existe en sus de la responsabilité pénale des individus est aussi réaffirmé dans le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels70(*).

Il existe aussi de la jurisprudence à l'appui de cette règle. Le TPIY a considéré dans son jugement relatif à l'affaire Furundúija en 1998, comme dans son arrêt en appel dans l'affaire Tadiæ en 1999, qu'un État était responsable du comportement de ses forces armées.

Un État est aussi responsable des omissions commises par ses organes lorsqu'ils ont le devoir d'agir, comme dans le cas des commandants et autres supérieurs hiérarchiques qui ont la responsabilité d'empêcher les crimes de guerre et d'en punir les responsables. Ce principe est reflété à l'article 2 du Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, qui dispose qu'un fait internationalement illicite peut consister « en une action ou une omission».

La responsabilité de l'État en ce qui concerne les violations commises par des personnes ou des entités habilitées à exercer des prérogatives de puissance publique

Les États sont aussi responsables des actes commis par d'autres personnes ou entités qu'ils ont habilitées, conformément à leur droit interne, à exercer des prérogatives de puissance publique71(*). Cette règle se fonde sur l'idée que les États peuvent avoir recours à des entités paraétatiques, plutôt qu'à des organes de l'État, pour effectuer certaines activités, mais qu'ils n'échappent pas pour autant, ce faisant, à leur responsabilité en tant qu'État. Les États sont responsables des actes des sociétés ou des personnes privées qui sont employées par les forces armées pour accomplir des tâches qui incombent habituellement aux forces armées : les mercenaires ou les sociétés militaires privées sont des exemples de ces personnes ou entités.

La responsabilité de l'État en ce qui concerne les violations commises par des personnes ou des groupes agissant en fait sur ses instructions ou ses directives ou sous son contrôle.

Un État peut aussi être tenu responsable des actes commis par des personnes ou des groupes qui ne sont ni ses organes, ni habilités, en droit national, à exercer des prérogatives de puissance publique, si ces personnes ou ces groupes agissent en fait sur les instructions ou les directives, ou sous le contrôle, de cet État.

Dans l'arrêt rendu en appel dans l'affaire Tadiæ en 1999, le TPIY a indiqué que le degré requis de contrôle de l'État pouvait être variable. Selon le Tribunal, le comportement d'une personne privée ou d'un groupe sans organisation militaire n'est attribuable à l'État que si des instructions spécifiques concernant ce comportement ont été données. Toutefois, le comportement des forces armées, milices ou unités paramilitaires subordonnées est attribuable à l'État si celui-ci exerce un contrôle «global». Selon le Tribunal, un tel contrôle existe lorsque l'État non seulement assure le financement, la formation et l'équipement de ce groupe ou lui apporte un soutien opérationnel, mais encore lorsqu'il joue un rôle dans l'organisation, la coordination ou la planification des actions militaires du groupe en question. Cependant, l'exigence du «contrôle global» ne va pas jusqu'à inclure «le fait pour l'État de donner des ordres spécifiques, ni la direction par l'État de chaque opération individuelle».

Dans des cas où les groupes armés opèrent sur le territoire d'un autre État, le Tribunal a considéré que «des éléments de preuve plus complets et plus convaincants sont nécessaires pour démontrer que l'État exerce effectivement le contrôle des unités ou des groupes, non seulement par leur financement et leur équipement, mais aussi par une direction générale ou une aide à la planification de leurs actions».

Comme l'indique le commentaire sur le Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, «c'est au cas par cas qu'il faut déterminer si tel ou tel comportement précis était ou n'était pas mené sous le contrôle d'un État et si la mesure dans laquelle ce comportement était contrôlé justifie que le comportement soit attribué au dit Etat ».

La responsabilité de l'Etat pour violation du DIH, est une responsabilité civile. Ce dernier est donc tenu de réparer intégralement la perte ou le préjudice causé. Ceci découle directement du principe juridique de base selon lequel toute infraction de la loi entraîne une obligation de réparer, ainsi que de la responsabilité de l'État à l'égard des violations qui lui sont attribuables.

La pratique varie en ceci qu'elle fait parfois mention du devoir de réparation en termes généraux, tandis que dans d'autres cas elle mentionne des formes spécifiques de réparation, y compris la restitution, l'indemnisation et la satisfaction. Des réparations ont été fournies dans certains cas parce que le gouvernement reconnaissait sa responsabilité de réparer, et parfois parce qu'il reconnaissait qu'il devrait le faire. Cependant, en raison de la nature des conflits armés non internationaux, les procédures qui ont été instituées pour apporter réparation dans les conflits armés internationaux ne sont pas nécessairement pertinentes dans ce cadre. Dans un conflit armé non international, en particulier, les victimes subissent des violations à l'intérieur de leur propre État, et elles ont généralement accès aux tribunaux internes pour demander réparation conformément au droit interne.

La possibilité pour une victime d'une violation du DIH de demander réparation à un État peut se déduire de l'article 75, paragraphe 6 du Statut de la CPI, qui stipule que «les dispositions du présent article s'entendent sans préjudice des droits que le droit interne ou le droit international reconnaissent aux victimes». L'article 38 du Deuxième protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, qui mentionne expressément l'obligation de réparation des États, s'applique dans tous les types de conflit armé.

Ø La responsabilité des groupes d'opposition armés.

Les groupes d'opposition armés sont tenus de respecter le DIH et doivent opérer «sous la conduite d'un commandement responsable»72(*). On peut donc considérer qu'ils sont responsables des actes commis par leurs membres, mais les conséquences de cette responsabilité ne sont pas claires. L'article 14, paragraphe 3 du Projet d'articles sur la responsabilité de l'État, tel qu'adopté provisoirement en première lecture en 1996, disposait que le fait que le comportement d'un organe d'un mouvement insurrectionnel ne devait pas être considéré comme un fait de l'État «est sans préjudice de l'attribution du comportement de l'organe du mouvement insurrectionnel à ce mouvement dans tous les cas où une telle attribution peut se faire d'après le droit international». Bien que cet article ait été supprimé par la suite, parce qu'il était considéré comme étranger à l'objet en discussion, le rapporteur spécial avait relevé que «la responsabilité de tels mouvements, à raison par exemple de violations du DIH, peut certainement être envisagée». Du fait de l'exclusion de ce sujet du projet d'articles, l'article 10 se limite à affirmer que le comportement d'un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement doit être considéré comme un fait de cet État d'après le droit international.

Outre la pratique qui indique l'obligation des groupes d'opposition armés de respecter le DIH, il existe quelques exemples d'attribution de responsabilité à des groupes d'opposition armés. Ainsi, dans un rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan, le rapporteur spécial de la Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré que l'Armée populaire de libération du Soudan était responsable des meurtres et enlèvements de civils, pillages et prises en otage d'agents des organismes de secours commis par «des chefs militaires locaux issus de ses propres rangs».

A l'instar des Etats, les groupes d'opposition armés doivent également réparer les préjudices causés par les violations du DIH.

Il existe des exemples de pratique des Nations Unies à l'appui de l'obligation des groupes d'opposition armés de fournir des réparations appropriées. Dans une résolution sur le Libéria adoptée en 1996, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé «aux chefs des factions» d'assurer la restitution immédiate des biens pillés.

Même si l'on peut faire valoir que les groupes d'opposition armés sont responsables des actes commis par leurs membres, les conséquences de cette responsabilité ne sont pas claires. En particulier, la question de savoir dans quelle mesure les groupes d'opposition armés ont l'obligation de fournir des réparations complètes n'est pas claire, même si, dans de nombreux pays, les victimes peuvent engager une procédure civile pour préjudices subis contre les responsables.

Outre la responsabilité des Etats et des groupes d'opposition armés, la responsabilité civile ou pénale individuelle pour violation des règles du DIH peut être engager. Toutefois nous n'aborderons ici que la responsabilité pénale individuelle (2).

2. La responsabilité pénale individuelle

La responsabilité pénale individuelle pour les crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux a été explicitement incluse dans trois traités récents de DIH, à savoir le Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié, le Statut de la CPI et le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels73(*). Il est implicitement reconnu dans deux autres traités récents : la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, qui exigent des États que les comportements interdits, y compris dans les conflits armés non internationaux, soient passibles de poursuites pénales74(*). Les Statuts du TPIR et du TSSL stipulent explicitement que les personnes physiques sont responsables pénalement pour les crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux75(*).

Les procès de personnes accusées de crimes de guerre commis dans des conflits armés non internationaux devant le TPIY et le TPIR confirment la responsabilité pénale des personnes physiques à l'égard de ces crimes. L'analyse faite par la Chambre d'appel du TPIY dans l'affaire Tadiæ en 1995 est à cet égard particulièrement pertinente; le Tribunal a conclu à cette occasion à l'existence d'une responsabilité pénale individuelle pour les crimes de guerre commis dans les conflits armés non internationaux.

Ø Les formes de la responsabilité pénale individuelle

Les personnes physiques sont pénalement responsables non seulement lorsqu'elles commettent un crime de guerre, mais aussi lorsqu'elles tentent de commettre un tel crime, ainsi que lorsqu'elles apportent leur aide, leur concours ou toute forme d'assistance à la commission d'un crime de guerre. Elles sont aussi responsables si elles planifient ou incitent à commettre un crime de guerre76(*).

Ø La responsabilité pénale individuelle des commandants et autres supérieurs hiérarchiques

Les comandants et autres supérieurs hiérarchiques sont pénalement responsables des crimes de guerre commis sur leurs ordres. Cette règle est inscrite dans les Conventions de Genève ainsi que dans la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels et dans son Deuxième Protocole, qui exigent des États qu'ils poursuivent non seulement les personnes qui commettent des infractions ou des violations graves, respectivement, mais aussi les personnes qui donnent l'ordre de les commettre77(*). Les Statuts de la CPI, des TPI pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du TSSL78(*).

Pour ce qui est des actes accomplis par des subordonnés conformément à un ordre de commettre des crimes de guerre, il convient de distinguer deux situations. Premièrement, lorsque les crimes de guerre ont effectivement été commis, la pratique étatique est claire : les supérieurs sont responsables, comme l'affirme cette règle. Deuxièmement, lorsqu'il n'y a pas eu commission des crimes de guerre, mais seulement tentative, la pratique des États tend à indiquer qu'il y a aussi responsabilité des supérieurs. Le Statut de la CPI spécifie que la responsabilité des supérieurs hiérarchiques est engagée lorsqu'il y a commission ou tentative de crime79(*).

Les commandants et autres supérieurs hiérarchiques sont aussi pénalement responsables des crimes de guerre commis par leurs subordonnés s'ils savaient, ou avaient des raisons de savoir, que ces subordonnés s'apprêtaient à commettre ou commettaient ces crimes et s'ils n'ont pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en leur pouvoir pour en empêcher l'exécution ou, si ces crimes avaient déjà été commis, pour punir les responsables.

Il faut préciser, que le fait d'obéir à un ordre d'un supérieur hiérarchique n'exonère pas le subordonné de sa responsabilité pénale s'il savait que l'acte ordonné était illégal ou s'il aurait dû le savoir en raison du caractère manifestement illégal de l'acte ordonné. La règle selon laquelle les ordres donnés par des supérieurs hiérarchiques ne peuvent exonérer la personne ayant commis un crime de sa responsabilité est affirmée dans les Statuts de la CPI, des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du TSSL80(*).

Néanmoins, le fait d'obéir à des ordres peut être pris en considération pour atténuer la peine. Dans son rapport au Conseil de sécurité de l'ONU sur le projet de Statut du TPIY en 1993, le Secrétaire général de l'ONU a évoqué la possibilité que l'obéissance à des ordres donnés par des supérieurs soit considérée comme une circonstance atténuante.

Une fois les responsabilités pénales situées, il convient de faire juger les auteurs de violations graves du DIH par des juridictions pénales internationales (B).

B/ L'établissement d'une juridiction pénale internationale

c'est à partir de 1993, que des juridictions pénales internationales vont voire le jour dans le cadre des conflits internes au cours desquelles allaient être commis les crimes les plus graves depuis la seconde guerre mondiale, sur les territoires de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda (1). Le 1e juillet 2002, ce fut l'entrée en fonction symbolique de la CPI. (2). Toutefois, L'éloignement excessif des tribunaux ad hoc et de la CPI n'offrant en effet pas la meilleure garantie de réconciliation nationale sur le terrain, a récemment conduit à la mise sur pied de juridictions mixtes (3).

1. Les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda

En l'absence d'une juridiction pénale internationale permanente, le Conseil de sécurité crée, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif à l'«action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression», deux tribunaux ad hoc. Le 25 mai 1993, la résolution 827 instituait le TPIY, avec pour mission de poursuivre les personnes responsables de violations graves du droit international sur ce territoire depuis le 1er janvier 1991. Le 8 novembre 1994, la résolution 955 créait le TPIR, chargé de poursuivre les personnes responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du DIH commis sur le territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur le territoire des Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre1994.

C'est l'ampleur des crimes perpétrés - avec, d'un côté, plus de deux cent mille morts, des dizaines milliers de réfugiés et de disparus, l'épuration ethnique et les viols érigés comme armes de guerre en ex-Yougoslavie et, de l'autre, la liquidation physique systématique de près d'un million de Rwandais en raison de leur appartenance ethnique ou de leur opposition au régime en place - qui a, dans les deux cas, contraint la communauté internationale à l'action.

Les deux tribunaux ont été créés par une décision politique, pour rechercher et punir les individus responsables des crimes, quelles qu'aient été leurs fonctions à l'époque des faits. Leur existence est limitée tant dans le temps - 2008 étant la date théorique prévue par les Nations Unies pour mettre un terme à l'action de ces tribunaux - que dans l'espace et tous deux ont une primauté sur les juridictions nationales des pays concernés et sur celles de tout autre Etat.

Le TPIY et TPIR ont une procédure identique :

Le Procureur ouvre une information d'office ou "sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources". Il est habilité à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et à procéder sur place à des mesures d'instructions. S'il décide qu'au vu des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le Procureur établit un acte d'accusation. L'acte d'accusation est transmis à un juge d'une chambre de première instance.

S'il confirme l'acte d'accusation, le juge saisi décerne sur réquisition du Procureur, les ordonnances et mandats d'arrêts, de dépôt, d'amener ou de remise et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.

Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a été confirmé est, conformément à une ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal international, placée en état d'arrestation, immédiatement informée des chefs d'accusation portés contre elle et déférée au Tribunal international.

La Chambre de première instance prononce des sentences et impose des peines et sanctions à l'encontre des personnes convaincues de violations graves du DIH.

La sentence est rendue en audience publique à la majorité des juges de la Chambre de première instance. Elle est établie par écrit et motivée, des opinions individuelles ou dissidentes pouvant y être jointes.

Malgré les obstacles rencontrés dans leur fonctionnement (lenteur de procédure, encombrement du greffe, arrestation difficile des inculpés...), les TPI se sont imposés comme des organes juridictionnels vivants et opérationnels. Le fait que le 24 mai 1999, pour la première fois dans l'histoire, un chef d'Etat en activité, Slobodan Milosevic, ait été mis en accusation pour les crimes commis au Kosovo par le TPIY, en est un exemple. En montrant qu'une justice pénale universelle était possible et faisable, ils ont d'une certaine façon aidé à la mise en oeuvre d'un organe judiciaire plus permanent à savoir la CPI (2).

2. La Cour pénale internationale

Les négociations en vue de la création d'une CPI permanente ayant compétence à l'égard des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale, ou qu'ils aient été commis, ont débutées en 1994 et ont aboutit à l'adoption du Statut de la CPI en juillet 1998 à Rome, lequel Statut est entré en vigueur le 1e juillet 2002.

La nouvelle juridiction permanente à vocation universelle est l'émanation d'un traité multilatéral et est donc indépendante des Nations Unies, même si, en application de l'article 2 de son statut, elle est liée à celles-ci par un accord approuvé par l'Assemblée des Etats-parties lors de sa première session de septembre 2002.

Ø Les domaines de compétence de la Cour

Les domaines de compétence de la CPI touchent les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité ainsi que les crimes de guerre 81(*)commis à partir du 1er juillet 2002, date d'entrée en vigueur de son statut. Une définition consensuelle du crime d'agression par l'ensemble des Etats n'ayant pas été trouvée lors des négociations du statut de la Cour, c'est à une commission préparatoire qu'a été confiée la mission de la consigner dans un article, qui devrait être adopté par la suite par le biais d'un amendement.

Toute personne âgée de dix-huit ans révolus lors des faits incriminés peut théoriquement être poursuivie et, ce, indépendamment de son statut et des fonctions occupées : aucune exonération de responsabilité pénale n'est en effet prévue pour des actions menées dans le cadre de responsabilités officielles (chef d'Etat ou de gouvernement, membre d'un gouvernement ou d'un parlement, etc.). Selon le statut, cette compétence ne saurait s'exercer que si l'Etat sur le territoire duquel un crime a été commis ou dont le responsable du crime est ressortissant, est partie au Traité. Cependant, au cas où une situation est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité, en cas de menace ou d'atteinte à la paix et à la sécurité internationale, aucune condition préalable n'est exigée et la Cour est toujours compétente.

Un Etat qui n'est pas partie au Statut peut, par déclaration, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence.

Ø Les modes de saisines de la Cour

Trois modes de saisine de la Cour sont prévus par le statut :

· tout Etat partie peut déférer au Procureur une situation dans la quelle un ou plusieurs crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis ;

· le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu des renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour ; dans ce cas il doit obtenir une autorisation de la Chambre préliminaire pour ouvrir une enquête ;

· enfin, le Conseil de sécurité des Nations unies peut également déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis.
C'est sur cette base d'ailleurs que le conseil de sécurité va exercer pour la première fois son pouvoir de saisine en déferant au Procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002, par la résolution 1593, adoptée le 31 mars 2005, par 11 voix pour et les absentions de l'Algérie, du Brésil, de la Chine et des Etats-Unis.

Ø La procédure devant la Cour

Trois phases peuvent être distinguées dans la procédure devant la Cour : l'enquête, la confirmation des charges, le procès.

· L'enquête

La décision d'ouvrir une enquête est prise, sous le contrôle de la chambre préliminaire, par le Procureur, qui peut également conclure qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour engager des poursuites. Le Procureur " enquête tant à charge qu'à décharge ". Il peut notamment recueillir et examiner des éléments de preuve, convoquer et interroger des personnes faisant l'objet d'un enquête, ainsi que des victimes et des témoins, demander la coopération de tout Etat ou organisation ou dispositif gouvernemental.

Il est possible de voir dans cette disposition une influence des systèmes juridiques latins. Ce contrôle interne des poursuites paraît légitime. Compte tenu de la gravité des infractions à l'égard desquelles la Cour aura compétence, l'ouverture des poursuites peut difficilement être laissée à la discrétion d'une seule autorité.

La chambre préliminaire est appelée à prendre les principales décisions pendant l'enquête. Ainsi, lorsqu'il souhaite ouvrir une enquête de sa propre initiative, le Procureur doit obtenir l'autorisation de la chambre préliminaire.

De même, lorsqu'il considère qu'une enquête offre l'occasion, qui ne se représentera pas par la suite, de recueillir un témoignage ou une déposition, ou d'examiner, recueillir ou vérifier des éléments de preuve aux fins d'un procès, le procureur en avise la chambre préliminaire, qui peut alors prendre toutes mesures propres à assurer l'efficacité et l'intégrité de la procédure, en particulier nommer un expert ou prendre toute mesure nécessaire pour recueillir ou préserver les éléments de preuve.

La chambre préliminaire peut délivrer les mandats nécessaires aux fins d'une enquête, autoriser le Procureur à prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat partie sans s'être assuré la coopération de cet Etat lorsque celui-ci est incapable de donner suite à une demande de coopération.

A tout moment, après l'ouverture d'une enquête, la chambre préliminaire peut délivrer sur requête du procureur, un mandat d'arrêt contre une personne.

· La confirmation des charges

L'article 61 du statut prévoit que " dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour ou sa comparution volontaire, la chambre préliminaire tient une audience pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement. " Cette audience peut se tenir en l'absence de l'intéressé, notamment lorsqu'il a pris fuite.

Au cours de l'audience, le Procureur étaye chacune des charges avec des éléments de preuve suffisants pour établir l'existence de raisons sérieuses de croire que la personne a commis le crime qui lui est imputé.

A l'issue de l'audience, la chambre préliminaire peut confirmer les charges et renvoyer la personne devant une chambre de première instance pour y être jugée, ne pas confirmer les charges, enfin ajourner l'audience en demandant au Procureur d'apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de modifier une charge.

· Le procès

Le procès se déroule publiquement devant une chambre de première instance en présence de l'accusé. La chambre de première instance peut prononcer le huis clos, notamment pour protéger la sécurité des victimes et des témoins ou pour protéger des renseignements confidentiels ou sensibles donnés dans des dépositions.

L'accusé a la possibilité de plaider coupable. Dans ce cas, si la Cour est convaincue que l'accusé comprend la nature et les conséquences de l'aveu, qu'il a fait cet aveu volontairement, qu'enfin cet aveu est étayé par les faits de la cause, elle peut reconnaître l'accusé coupable du crime. Dans le cas contraire, elle ordonne que le procès se poursuive selon les procédures normales.

Le statut contient des règles relatives à l'administration des personnes, à la protection et à la participation au procès des victimes et des témoins, à la protection de renseignements touchant à la sécurité nationale.

L'article 74 prévoit que les juges s'efforcent de prendre leur décision à l'unanimité, faute de quoi ils la prennent à la majorité. La décision est présentée par écrit et contient l'exposé complet et motivé des constatations de la chambre de première instance sur les preuves et les conclusions. S'il n'y a pas d'unanimité, la décision contient les vues de la majorité et de la minorité.

Les difficultés rencontrées par la CPI, notamment son éloignement, ont récemment conduit à la mise sur pied de juridictions mixte (3).

3. Les juridictions mixtes

L'objectif recherché à travers ces juridictions est d'impliquer la justice nationale, sous supervision internationale. Cela permettrait la reconnaissance symbolique pour les victimes des crimes commis et l'acceptation de leurs souffrances; selon les experts, ce nouveau «modèle» de tribunal mixte devrait en outre permettre de rendre une justice plus rapide, plus efficace et moins coûteuse.

C'est au Sierra Leone qu'a été pour la première fois inaugurée cette formule originale. Répondant à une demande du gouvernement sierra-léonais de juin 2000, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1315, a demandé à l'ex secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, d'engager des négociations avec ce dernier afin de mettre sur pied un tribunal spécial pour la Sierra-Leone, chargé de juger les « principaux responsables de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de certains crimes prévus par le droit sierra léonais commis depuis le 30 novembre 1996 ».

Ce tribunal, officiellement créé en juillet 2002 à la suite d'un accord intervenu entre les Nations Unies et les autorités nationales et ratifié par le Parlement, fait partie du système judiciaire sierra-léonais. Il reçoit néanmoins un fort soutien international, via un « Management Committee » qui réunit les représentants de nombreux Etats, dont le Nigeria voisin et les Etats-Unis. En vertu de l'accord, le Secrétaire général des Nations Unies a nommé cinq juges sur les huit que comptent les deux chambres, de même que le procureur - le procureur adjoint et les trois autres juges étant quant à eux désignés par les autorités gouvernementales. Quoiqu'il soit encore trop tôt pour juger du bilan de ce tribunal spécial, on notera qu'une quinzaine de personnes ont d'ores et déjà été inculpées par le procureur.

Au Cambodge, où plus du quart de la population a été décimée sous les Khmers rouges entre 1975 et 1979, des négociations difficiles ont débuté avec les Nations Unies dès 1999 pour trouver une formule permettant de juger leurs auteurs par la justice nationale, avec une implication forte de la communauté internationale. Après le rejet par le gouvernement de la création d'un tribunal international, au motif que celui-ci constituerait une atteinte inadmissible à sa souveraineté, un accord est enfin trouvé avec les Nations Unies en mars 2003 portant création de «chambres extraordinaires» qui doivent être mises sur pied par une loi cambodgienne et être intégrées aux tribunaux existants. Là aussi est prévue une mixité d'origine des juges au sein des deux chambres extraordinaires - chambre de première instance et chambre de la Cour suprême (au total cinq juges internationaux choisis sur une liste de sept noms proposée par le Secrétaire général des Nations Unies et sept Cambodgiens) - de l'accusation et de l'administration.

Une lutte efficace et générale contre toutes les formes d'impunité pour les crimes les plus graves contre l'espèce humaine, commis dans les conflits armés internes, devrait sans aucun doute passer par les TPI, la CPI, et les juridictions mixtes. Toutefois de nombreux obstacles viennent entraver la répression internationale des violations du DIH (Paragraphe 2).

Paragraphe 2 : Les obstacles dans la répression internationale des violations du DIH

Le point faible du DIH réside dans son peu d'efficacité dans la répression des auteurs de crimes de guerre, notamment dans les conflits internes. En effet plusieurs facteurs d'ordre politique (A), et juridique (B), viennent entraver la poursuite et la sanction des violations du DIH.

A/ Les obstacles d'ordre politique

Malgré les progrès de la communauté internationale pour mettre en place des juridictions pénales chargées de punir les auteurs de violations graves du DIH, dans les conflits armés internes, force est d'admettre que nous sommes encore très loin d'un « Etat de droit international ». Comme l'affirme Luigi Condorelli : " La vérité est que le droit international humanitaire existant refuse d'organiser efficacement sa propre mise en oeuvre. La vérité est que la communauté internationale, au-delà d'éventuelle mesures sélectives et au coup par coup, refuse de s'acquitter de façon systématique du devoir d'assurer le respect des règles humanitaires ". En effet les différentes crises ne sont pas traitées de la même manière par les médias internationaux. Aussi longtemps que les caméras de la chaîne de télévision américaine CNN ne sont pas arrivées, les évènements les plus tragiques sont « politiquement inexistants ». Ces dernières années, il y a eu en Afrique et dans le monde d'autres drames que le Rwanda et l'ex-Yougoslavie (le cas du Darfour par exemple). Comme ils sont restés dans l'ombre, aucune juridiction internationale n'a poursuivi les responsables.

Le fonctionnement des TPI est parfois peu satisfaisant. En six ans, le tribunal pénal d'Arusha a entamé l'étude de quarante dossiers seulement. Les TPI ont eu à faire face à des difficultés d'ordre politique qui expliquent en grande partie la lenteur de leur fonctionnement. S'ils ont été dotés d'importants moyens d'actions, ils restent étroitement dépendants de la bonne ou de la mauvaise volonté des Etats et du Conseil de sécurité en matière de police. Tous les Etats sont en effet loin d'avoir joué le jeu de la coopération judiciaire, ce qui explique qu'aujourd'hui encore d'importants responsables des pires atrocités échappent à leurs juridictions. Il en va ainsi de Radko Mladic et de Radovan Karadzic, qui jouissent de complicités haut placées en Bosnie et en Serbie. De plus, les tribunaux pénaux semblent surtout soucieux de faire justice sur le dos des vaincus. Les crimes des vainqueurs, surtout s'ils sont encore au pouvoir, semblent échapper à ces juridictions.

La CPI n'est pas également à l'abri d'une instrumentalisation politique. Celle-ci souffre de limitations de caractère politique à son action. Il faut tout d'abord noter que la Cour ne dispose pas en propre de force de police internationale pour appréhender les suspects ou pour réunir les preuves : de ce fait, son efficacité dépendra très largement de la coopération des Etats, avec les risques réels de se voir adresser par certains une fin de non-recevoir, le principe de non-ingérence restant en effet en partie présent.

L'ensemble des pressions exercées, tout comme l'absence de soutien à certains appels lancés au Conseil de sécurité, ont également souligné les limites politiques à l'action et à l'indépendance d'un procureur international, ces précédents inquiétants plaidant d'une certaine manière en faveur d'une formule de justice internationale à la fois plus pédagogique et moins sujette aux aléas politiques.

Outre les obstacles politiques, les juridictions internationales sont également confrontées à des obstacles d'ordre juridique (B).

B/ Les obstacles d'ordre juridique

Contrairement au Statut de Nuremberg qui ne prévoyait l'inculpation que des « grands criminels de guerre », les Statuts des tribunaux ad hoc donnent mandat au Procureur d'enquêter et de poursuivre les « personnes présumées responsables de violations graves du DIH » sans autres limitations. Or le seul terme « responsable » en droit pénal laisse la porte grande ouverte à des milliers de cas individuels. Sans plus d'indications ou de limites dans les Statuts, les Procureurs des TPIY et TPIR ont mis en accusation plus de deux cent personnes. Très rapidement, l'ensemble du système s'engorgea. Les Tribunaux se trouvèrent confrontés à la gestion du « quantitatif » sans qu'il leurs soient possible de renoncer au caractère exemplaire et « qualitatif » de ses procédures. La durée des procès qui en est la conséquence génère des détentions préventives de plus en plus longues. La conciliation de ces impératifs n'est pas aisée.

Pour surmonter ces difficultés, le Conseil de sécurité intervint à deux reprises. Il demanda d'abord au Procureur et aux Juges de se concentrer sur la poursuite et le jugement « des principaux dirigeants portant la plus lourde responsabilité » (Rés. 1503 du 23 août 2003), proposant ainsi une interprétation limitative de la notion plus ouverte de personne « responsable », ensuite il adopta la Résolution 1534 (26 mars 2004) s'adressant directement aux juges en ces termes: « demande à chaque Tribunal de veiller à ce que les nouveaux actes d'accusation qu'il examinera et confirmera visent les plus hauts dirigeants soupçonnés de porter la responsabilité la plus lourde des crimes relevant de leur compétence, comme indiqué dans la résolution 1503 (2003) »

Bien que l'objectif de ces résolutions soit louable, il n'en soulève pas moins de sérieuses questions de compétence. Les Juges pouvaient-ils introduire un nouveau critère de sélection des accusés non prévu au Statut ? N'y a-t-il pas atteinte à l'indépendance du Procureur, qui voit ainsi son pouvoir discrétionnaire limité par l'action des juges? Chose certaine, cette approche risque d'entraîner des différences de vues entre les juges et le Procureur sur les questions de stratégie d'achèvement.

La CPÏ est également confrontée à des obstacles d'ordre juridique, en ce sens que le statut de Rome contient des dispositions qui restreignent considérablement la répression des violations graves du DIH.

Ces limites tiennent d'une part aux dispositions contenues dans les articles 16 et 124 du statut, d'autre part, aux insuffisances constatées dans l'organisation de la coopération entre les Etats et la CPI.

S'agissant d'abord de l'article 16, il constitue, à n'en pas douter une entrave à l'action de la CPI, de par sa logique le judiciaire est battu en brèche par le politique, qui à tout moment peut contrecarrer l'action de la Cour. Cet article reconnaît en effet au Conseil de sécurité des le pouvoir d'imposer un sursis des enquêtes ou des poursuites devant la Cour, pour une durée de 12 mois indéfiniment renouvelable, simplement en adoptant une résolution sur le fondement du chapitre VII de la Charte. Cet article institutionnalise un véritable droit pour le Conseil de sécurité de paralyser l'action de la justice permanente.

Pour ce qui est ensuite de l'article 124, force est de noter qu'il constitue un autre obstacle, puisqu'il autorise à tout Etat, au moment de la ratification ou de l'adhésion, à décliner unilatéralement, et pour une période de sept ans à compter de l'entré en vigueur du statut, à son égard la compétence de la Cour à l'effet de connaître des crimes de guerre, commis par ses nationaux ou sur son territoire. En réalité, cette disposition constitue une véritable légitimation de la volonté des Etats souverains de suspendre à leur guise la mise en oeuvre du statut à l'égard des crimes de guerre perpétrés par ses ressortissants ou sur son territoire. Son objet est de donner à un Etat la possibilité, au cours de cette période transitoire, d'empêcher la multiplication des plaintes abusives contre ses forces armées engagées dans des opérations extérieures. Quoiqu'il en soit, l'article 124 demeure, à l'instar de l'article 16, une disposition fort regrettable, d'autant plus qu'il réduit considérablement la portée des compétences de la Cour.

Enfin, s'agissant des insuffisances constatées dans l'organisation de la coopération entre les Etats et la CPI, elles apparaissent à travers l'article 72 qui fixe les règles relatives à la protection du secret en matière militaire, mais également à travers les articles 86 et 87, relatifs respectivement à l'obligation générale de coopération des Etats parties et aux dispositions générales sur les demandes de coopération formulée par la Cour. La lecture croisée de ces dispositions laisse apparaître la prééminence de la volonté de l'Etat souverain, sur celle de la juridiction. En effet, en dehors du cas ou le Conseil de sécurité, éventuellement saisi par la Cour, prendrait une résolution sur le fondement du chapitre VII de la charte des Nations Unies, pour contraindre à la divulgation d'informations considérées comme protégées par le secret défense, l'Etat concerné, fort de sa souveraineté, conserve toujours le dernier mot, le statut ne prévoyant aucune disposition qui autorise la Cour à ordonner, contre la volonté de l'Etat en cause, la communication de telles informations.

Malgré ces obstacles, il faut reconnaître qu'il y a une évolution notable dans la répression des violations graves du DIH au niveau internationale, même si des efforts restent à faire.

En un peu plus de trente ans après l'adoption du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, les civils continuent toujours à être frappés de plein fouet par les effets des conflits armés internes. Ils restent les principales victimes des violations du DIH commises par les forces gouvernementales et les groupes armés non étatiques. Les attaques délibérées contre les civils, le déplacement forcé de populations, la destruction d'infrastructures vitales pour la population civile et de biens de caractère civil, ne sont que quelques exemples d'actes interdits qui sont perpétrés régulièrement. Les personnes civiles sont aussi victimes de violations du droit telles que le meurtre, la disparition forcée, la torture, les traitements cruels et les outrages à la dignité personnelle, le viol et les autres formes de violence sexuelle. Ils sont utilisés comme boucliers humains. Les personnes détenues en raison d'un conflit armé sont privées de leurs droits fondamentaux, notamment de conditions de détention et de traitement appropriés, de garanties procédurales destinées à prévenir la détention arbitraire et du droit à un procès équitable. Le personnel médical et les travailleurs humanitaires sont également victimes de violations du DIH. Dans de nombreux cas, les organisations humanitaires sont empêchées de mener à bien leurs activités ou gênées dans leur effort de travailler avec efficacité. Cela aggrave encore les souffrances des personnes qui devraient bénéficier de l'assistance et de la protection de ces organisations. En outre, les attaques contre les journalistes et autres membres des médias sont une source de préoccupation croissante.

Si les souffrances infligées par les conflits armés internes n'ont pas changé, ces deux dernières décennies ont été caractérisées par une meilleure sensibilisation de l'opinion publique au DIH et à ses règles fondamentales et, par conséquent, aux actes qui constituent des violations de ces règles. Les principes et les normes du DIH sont non seulement le centre d'intérêt des débats d'experts habituels, mais font de plus en plus l'objet d'un examen approfondi et complet de la part des gouvernements, des milieux universitaires et des médias. Il convient de saluer et d'encourager la croissance de l'intérêt pour le DIH et l'augmentation de la sensibilisation à cette branche du droit, en se rappelant que la connaissance de tout ensemble de règles est une condition nécessaire à sa mise en oeuvre. De plus, les Conventions de Genève de 1949 sont devenues universelles, ce qui les rend juridiquement contraignantes envers tous les pays du monde. Nous espérons que l'étude du CICR sur le DIH coutumier, publiée en 2005, contribuera aussi à mieux faire connaître les règles qui régissent tous les types de conflits armés.

Le fait que l'on peut dire que le DIH s'est étendu au delà des milieux d'experts pour entrer pleinement dans le domaine public signifie, cependant, qu'il existe un risque croissant que l'interprétation et la mise en oeuvre de ses règles soient politisées. Les années passées ont donné des preuves de cette tendance générale. Parfois, des États ont nié l'applicabilité du DIH à certaines situations, même si les faits sur le terrain indiquaient clairement qu'il s'agissait d'un conflit armé. Dans d'autres cas, des États ont tenté d'élargir le champ d'application du DIH pour inclure des situations qui ne pouvaient pas, en se basant sur les faits, être considérées comme des conflits armés. Outre les controverses sur la question de la définition juridique d'une situation de violence, dans certains cas, on ne peut parler que de mauvaises interprétations opportunistes de certaines règles juridiques spécifiques qui sont bien établies. La tendance de certains acteurs à mettre en avant des violations prétendument perpétrées par d'autres, sans montrer aucune volonté de reconnaître celles qu'ils commettent eux-mêmes, a aussi porté préjudice à l'application adéquate du DIH. Il faut souligner que la politisation du DIH l'emporte sur le but même de cet ensemble de règles. Les principaux bénéficiaires du DIH sont les civils et les personnes hors de combat. L'édifice même du DIH est fondé sur l'idée selon laquelle certaines catégories de personnes doivent être protégées autant que possible contre les effets de la violence, quelle que soit la partie au conflit à laquelle elles appartiennent, et indépendamment des raisons avancées pour justifier le conflit armé.

La non application ou l'application sélective du DIH, ou la mauvaise interprétation de ses règles à des fins internes ou politiques, peuvent avoir, et ont même inévitablement des conséquences directes sur la vie et les moyens d'existence des personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités. Une approche fragmentaire du DIH est en contradiction avec le principe fondamental d'humanité, qui doit s'appliquer de la même façon à toutes les victimes des conflits armés, s'il veut garder sa signification propre. Les parties aux conflits armés ne doivent pas oublier que, du fait de la logique même du DIH, des interprétations politisées ou biaisées du droit n'ont pas seulement un impact sur la seule partie adverse. Souvent, après quelques temps, on voit ses propres civils et combattants détenus exposés aux effets pernicieux de la politisation réciproque et de la mauvaise interprétation du droit par l'adversaire.

En dépit des risques d'instrumentalisation que rencontre le DIH dans son application, quelques éléments apparaissent qui autorisent un certain optimisme dans le domaine des mécanismes devant assurer le respect du droit humanitaire.

Le premier élément réside dans l'instauration d'une justice pénale internationale qui a contribué à mettre fin à l'impunité des criminels de guerre les plus odieux. Les tribunaux ad hoc ont permis à la communauté internationale de prendre conscience de ses responsabilités en matière de respect des règles de droit humanitaire et, en ce sens, ils ont grandement favorisé l'adoption du Statut de Rome instituant la CPI, vieux rêve de l'humanité. Les tribunaux ad hoc ont aussi proposé une lecture dynamique du DIH ce qui devrait encourager une meilleure application de ses règles.

C'est en effet le deuxième élément qui autorise un certain optimisme dans le domaine des mécanismes du respect du droit humanitaire. On perçoit les signes d'une extension du champ d'application de ces mécanismes, grâce à l'extension du champ d'application du DIH lui-même. Une des causes de la faiblesse des mécanismes tenait à la distinction traditionnelle entre les conflits internationaux et les conflits internes. Les dispositions du P.2 en matière de respect du DIH sont très faibles, voire inexistantes comme nous l'avons vu. Aussi faut-il se féliciter de l'évolution que l'on constate de plus en plus, d'un effacement de la frontière entre les deux types de conflits, notamment dans la jurisprudence tout à fait remarquable du TPIY, ce qui conduit à faire bénéficier les conflits internes des mécanismes plus élaborés prévus à l'origine pour les seuls conflits internationaux. Le TPIY est en effet confronté à une situation extrêmement complexe où les conflits internationaux classiques et internes s'imbriquent et s'entremêlent de manière inextricable. Vouloir isoler ce qui relève du conflit international et ce qui n'en relève pas est une tâche pratiquement impossible. Le TPIY dans l'affaire Tadic a sagement renoncé à s'engager dans cette voie périlleuse.

Face à une dichotomie que les États estiment irréductible, entre les conflits armés internationaux et internes, le seul idéal juridique que l'on puisse considérer comme réaliste à l'heure actuelle, consiste à unifier le régime juridique applicable aux conflits armés internes tout en maintenant un seuil d'applicabilité qui, sans inclure les tensions internes et les troubles intérieurs, soit aussi bas que possible.

Quoi qu'il en soit, la protection des populations civiles dans les conflits armés internes relève essentiellement de la responsabilité des Etats et des autres parties aux conflits. Mais l'ONU et les Organisations internationales, de même que le CICR et les ONG, ainsi que l'opinion publique en général, ont aussi un rôle important à jouer, pour qu'enfin les règles du DIH et celles des droits de l'homme qui assurent cette protection, soient pleinement appliquées et que les trop nombreuses violations des Conventions de Genève et des protocoles, justement dénoncées, ne restent pas en définitive impunies.

BIBLIOGRAPHIE

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Ø Manuels

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- Découvrez le CICR. CICR, septembre 2005.

- Droit International Humanitaire, Réponses à vos questions. CICR, avril 2003, seconde édition février 2004.

- Les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949. CICR, 1977.

- Respecter et faire respecter le DIH. Guide pratique à l'usage des parlementaires n°1, CICR, 1999.

Ø Articles et Revues

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- BUGNION, François. Guerre juste, guerre d'agression et droit international humanitaire. RICR, n° 847, septembre 2002, pp. 523-546.

- CICR. Les enfants et la guerre. RICR, n° 842, juin 2001, pp. 494-504.

- CONDORELLI, Luigi. La commission internationale humanitaire d'établissement des faits : un outil obsolète ou un moyen utile de mise en oeuvre du droit international humanitaire ? RICR, n° 842, juin 2001, pp. 393-406.

- DOMESTICI-MET, Marie José. Cent ans après la Haye, cinquante ans après Genève : le droit international humanitaire au temps de la guerre civile. RICR, n°834, juin 1999, pp. 277-300.

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- GOLDBLA, Jozef. La convention sur les armes biologique : vue générale. RICR, n° 825, mai-juin 1997, pp. 269-304.

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- VERHAEGEN, Jaques. Le refus d'obéissance aux ordres manifestement criminels, RICR, n° 845, mars 2002, pp.35-50.

- ZALUAR, Achille et MONTELEONE-NETO, Roque. La convention sur les armes biologiques : le point de vue des Etats du sud. RICR, n° 825, mai-juin 1997, pp. 317-332.

Ø Traités

- Convention (II) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye,

- 29 juillet 1899.

- Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.

- Convention de La Haye (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.

- Charte des nations unies, adoptée par la Conférence des Nations Unies. San Francisco, 26 juin 1945.

- Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, conclu par le Gouvernement Provisoire de la République Française et les Gouvernements des États-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni et de l'Irlande du Nord et de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, agissant dans l'intérêt de toutes les Nations Unies, annexé à l'Accord de Londres, 8 août 1945.

- Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, 9 décembre 1948.

- Conventions de Genève du 12 août 1949.

- Convention européenne des droits de l'homme. Rome, 4 novembre 1950.

- Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. La Haye 14 mai 1954.

- Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, 21 décembre 1965.

- Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, 16 décembre 1966.

- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, 16 décembre 1966.

- Convention américaine relative aux droits de l'homme. San José, le 22 novembre 1969.

- Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction. Ouvert à la signature à Londres, Moscou et Washington le 10 avril 1972.

- Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies. 18 décembre 1979.

- Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Genève, 10 octobre 1980.

- Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des armes incendiaires (Protocole III) à la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Genève, 10 octobre 1980.

- Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée lors de la 18e Conférence de l'OUA. Nairobi, 27 juin 1981.

- Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, 10 décembre 1984.

- Convention interaméricaine pour la prévention et la suppression de la torture. Adoptée lors de la quinzième session ordinaire de l'Assemblée générale de l'OEA, Cartagena de Indias, 9 décembre 1985.

- Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Strasbourg, 26 novembre 1987.

- Convention relative aux droits de l'enfant. Adoptée par l'Assemblée générale des

- Nations Unies, 20 novembre 1989.

- Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, adoptée par la vingt-sixième Conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'OUA. Addis-Abeba, juillet 1990.

- Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction. Paris, 13 janvier 1993.

- Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs, tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996 (Protocole II à la Convention de 1980, tel qu'il a été modifié le 3 mai 1996), à la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Genève, 3 mai 1996.

- Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. Ottawa, 18 septembre 1997.

- Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté par la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour criminelle internationale. Rome, 17 juillet 1998.

- Deuxième Protocole relatif à la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. La Haye, 26 mars 1999.

- Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. Adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, 25 mai 2000.

- Protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, 15 novembre 2000.

- Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, pièce jointe à l'Accord de 2002 sur la création d'un Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Freetown, 16 janvier 2002.

Ø Autres instruments

- Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants. Genève, 30 août 1955, et étendu par la rés. 2076 du 13 mai 1977 aux personnes arrêtées ou détenues sans inculpation.

- Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par la XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge. Genève, 23-31 octobre 1986.

- Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, rés. 43/173, 9 décembre 1988.

- Statut du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 (Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie), adopté par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, rés. 827 du 25 mai 1993, tel qu'amendé par la rés. 1166 du 13 mai 1998, la rés. 1329 du 30 novembre 2000, la rés. 1411 du 17 mai 2002, la rés. 1431 du 14 août 2002 et la rés. 1481 du 19 mai 2003.

- Statut du Tribunal criminel international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans sa rés. 955 du 8 novembre 1994, telle qu'amendée par la rés. 1165, du 30 avril 1998, et par la rés. 1329, du 30 novembre 2000.

- Texte final du projet d'éléments des crimes, adopté par la 23e session de la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale. New York, 30 juin 2000.

- Projet d'articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite, adopté par la Commission du droit international, reproduit dans le rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 53e session, 23 avril -1er juin et 2 juillet - 10 août 2001.

Ø Wébographie

- http://www.opcw.org/

- www.cicr.org

- www.cicr.org/fre/cluster-munitions

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 1

ABREVIATIONS 3

INTRODUCTION 4

1e PARTIE : LES GARANTIES DE PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES DANS LES CONFLITS ARMES INTERNES 15

Chapitre I : Les garanties générales 17

Section 1 : les garanties fondamentales 17

Paragraphe 1 : Les garanties d'un traitement humain 18

A/ L'interdiction de porter atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle 18

B/ L'interdiction de porter atteinte à la dignité de la personne 20

Paragraphe 2 : Les garanties en faveur des personnes privées Liberté 23

A/ Les garanties en faveur des personnes internées ou en détention administrative 24

B/ Les garanties judiciaires 29

Section 2 : les garanties en fonction de la conduite des hostilités 30

Paragraphe 1 : Le principe de la distinction 31

A/ La distinction entre civils et combattants 31

B/ La distinction entre biens à caractère civil et objectifs militaires 35

Paragraphe 2 : La limitation des méthodes et moyens de combat 40

A/ La limitation des méthodes de combat 40

B/ La limitation des moyens de combat 42

Chapitre II : La protection des personnes vulnérables 51

Section 1 : La protection de l'enfant 52

Paragraphe 1 : La protection de l'enfant contre les effets des hostilités 52

A/ L'interdiction du recrutement et de la participation des enfants aux hostilités 52

B/ La protection des enfants-combattants 54

Paragraphe 2 : l'exigence d'un traitement particulier 55

Section 2 : La protection de la femme 57

Paragraphe 1 : L'obligation de respecter les besoins spécifiques de la femme 57

Paragraphe 2 : La protection des femmes enceintes et des mères d'enfants en bas âge 59

2e PARTIE : LA MISE EN OEUVRE DES GARANTIES DE PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES DANS LES CONFLITS ARMES INTERNES 61

Chapitre I : La mise en oeuvre au niveau national 63

Section 1 : L'action préventive 63

Paragraphe 1 : Le rôle des Etats 63

A/ l'insertion du DIH dans l'ordre interne 63

B/ l'obligation de diffusion du DIH 65

Paragraphe 2 : Le rôle du CICR 68

Section 2 : la répression nationale des violations du DIH 70

Paragraphe 1 : La compétence classique des juridictions nationales 70

A/ Le principe de la territorialité 70

B/ Le principe de la personnalité 71

Paragraphe 2 : La compétence universelle des juridictions nationales 72

A/ Les fondements de la compétence universelle 72

B/ Les obstacles dans l'exercice de la compétence universelle 74

Chapitre II : La mise en oeuvre au niveau international 76

Section 1 : Le contrôle du respect des garanties de protection 76

Paragraphe 1 : L'enquête institutionnelle de la CIHEF 77

A/ La compétence de la commission 77

B/ La procédure d'enquête 78

Paragraphe 2 : Les procédures développées en dehors du droit humanitaire 79

A/ Les procédures développées au sein des Nations Unies 79

B/ L'apport des systèmes régionaux de protection des droits de l'homme 82

Section 2 : La répression internationale des violations graves du DIH 85

Paragraphe 1: le cadre de répression des violations graves du DIH 86

A/ La situation des responsabilités 86

1. La responsabilité de l'Etat et des groupes d'opposition armés pour les violations du DIH 86

2. La responsabilité pénale individuelle 91

B/ L'établissement d'une juridiction pénale internationale 93

1. Les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda 93

2. La Cour pénale internationale 95

3. Les juridictions mixtes 99

Paragraphe 2 : Les obstacles dans la répression internationale des violations du DIH 100

A/ Les obstacles d'ordre politique 100

B/ Les obstacles d'ordre juridique 102

CONCLUSION 105

BIBLIOGRAPHIE 110

* 1 Convention (I) pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne ; Convention (II) pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés dans les forces armées sur mer ; Convention (III) relative au traitement des prisonniers de guerre ; convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

* 2 L'expression membres de la population civile liés à l'effort militaire et économique, est quelque fois remplacée par celle de quasi-combattants.

* 3 .Zorgbibe, C. La guerre civile : Paris, P.U.F, 1975.

* 4 Article 1, parag. 4, Protocole additionnel aux Conventions Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, 8 juin 1977.

* 5 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), art. 2, par. 1 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), art. 2, par. 2 et 3 ; Convention européenne des droits de l'homme (1950), art. 14 ; Convention américaine relative aux droits de l'homme (1969), art. premier, par. 1; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (1981), art. 2 ; Convention sur l'élimination de la discrimination raciale (1965), art. 2 ; Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (1979), art. 2 ; Convention relative aux droits de l'enfant (1989), art. 2, par. 1.

* 6 Statut de la CPI (1998), art. 8, par. 2, al. c) i) ; Statut du TPIY (1993), art. 2, al. 1 a) ; Statut du TPIR (1994), art. 4, al. 1 a); Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (2002), art. 3, al. 1 a)

* 7 Statut de la CPI (1998), art. 8, par. 2, al. c), lettres i) et ii) ; Statut du TPIR (1994), art. 4, al. 1, lettres a) et e); Statut du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (2002), art. 3, al. 1, lettres a) et e).

* 8 Voir Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 7 ; Convention européenne des droits de l'homme, art. 3 ; Convention américaine relative aux droits de l'homme, art. 5, par. 2; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 5 ; Convention relative aux droits de l'enfant, art. 37, al. 1 a)

* 9 Voir Convention contre la torture (1984) ; Convention interaméricaine contre la torture (1985) et Convention européenne pour la prévention de la torture (1987).

* 10Voir TPIY, affaires Le Procureur c. Zejnil Delaliæ et consorts, jugement et Le Procureur c. Dario Kordiæ et Mario Cerkez, jugement.

* 11 Comité des Nations Unies pour les droits de l'homme, Observation générale n° 20 (art. 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques).

* 12 Statut de la CPI, art. 8, par. 2, al. c. ii) ; Statut du TPIR, art. 4, al. 1 ; Statut du TSSL, art. 3, al. 1.

* 13 Statuts du TPIR, art. 4, al. 1 ; Statut du TSSL, art. 3, al.1.

* 14 Statut de la CPI, art. 8, par. 2, al. e) vi).

* 15 Statut de la CPI, art. 7, par. 1, al. g ; Statut du TPIY,art. 5, al. 1, g) ; Statut du TPIR, art. 3, al. 1 g)

* 16 Voir, p. ex., Conseil de sécurité de l'ONU, rés. 798, rés. 820, rés. 827, rés. 1019 et rés. 1034 ; Assemblée générale de l'ONU, rés. 48/143, rés. 49/196, rés. 50/192, rés. 50/193, rés. 51/114 et rés. 51/115 ; Commission des Nations Unies pour les droits de l'homme, rés. 1994/72, rés. 1996/71 et rés. 1998/75.

* 17 Statut du TPIY, art. 5, al. 1 c) ; Statut du TPIR, art. 3, al. 1 c)

* 18 Statut de la C.P.I, art. 7, par. 2 al. c.

* 19 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 8 (esclavage, traite des esclaves et servitude) ; Convention européenne des droits de l'homme, art. 4, par. 1 (esclavage et servitude) ; Convention américaine relative aux droits de l'homme, art. 6, par. 1 (esclavage, servitude et traite des esclaves) ; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 5 (esclavage et traite des personnes).

* 20 Voir, p.ex., Protocole sur la traite des personnes, art. premier, 3 et 5.

* 21 Voir p. ex. circulaire du secrétaire général de l'O.N.U. (1999), art. 8 al. c.

* 22 Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (1955), règles 9 à 20.

* 23 Conseil de sécurité de l'O.N.U. res. 770.

* 24 TPIY, affaire Le Procureur c. Zlatko Aleksovski, jugement.

* 25 Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (1955), Règle 7 ; Règles pénitentiaires européennes (1987), règle 8 ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement (1988), principe 16 ; Circulaire du Secrétaire général de l'ONU

(1999), art. 8, al. a).

* 26 Statut du TPIY, art. 3, al. 1 e) ; Statut du TPIR, art. 4, al. 1 f) ; Statut du TSSL, art. 3, al. 1, f).

* 27 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 2. Voir également Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, principes 10, 11, 12, par. 2, paragraphe 1 a et paragraphe 2, et principe 14 - Assemblée générale des Nations Unies, résolution 43/173 du 9 décembre 1988.

* 28 Ensemble de principes, principe 32. Voir également Comité des droits de l'homme,Commentaire général N° 29, par. 11.

* 29 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 9, par. 4.

* 30 Protocole II à la convention sur les armes classique, tel qu'il a été modifié (1996), art.3, par. 7.

* 31 Protocole III à la convention sur les armes classique (1980), art. 2, par. 1.

* 32 Convention d'Ottawa (1997), préambule.

* 33 Statut de la CPI, art.8, par. 2 al. e) i).

* 34Projet de Protocole additionnel II soumis par le CICR à la CDDH, art. 26, par. 3.

* 35 Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié (1996), art. 3, par. 8.

* 36 Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié (1996), art. 3, par. 10 ; Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels (1999), art. 7.

* 37 Assemblée générale des Nations Unies, rés. 2444 (adoptée à l'unanimité, par 11 voix pour).

* 38 Assemblée générale des Nations Unies, rés. 2675 (adoptée par 109 voix pour, 0 contre et 8 abstentions).

* 39 Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels, art.4.

* 40 Statut de la CPI, art.8 par.2, al. e) xii).

* 41 Statut de la CPI, art.8, par.2, al. e) iii).

* 42 Statut de la CPI, art. 8, par. 2 al. e) iv).

* 43 Protocole II à la convention sur les armes classiques, tel qu'il a modifié (1996), art. 2, par.6 ; deuxième protocole relatif à la convention de la Haye pour la protection des biens culturels (1999), art. premier, par. 6.

* 44 Protocole III à la convention sur les armes classiques (1980), art. premier, par. 3.

* 45 Statut de la CPI, art. 8, par. 2, al. e)

* 46 Convention sur les armes chimiques (1993), art. premier.

* 47 Convention sur les armes chimiques, art. 22

* 48 Convention sur les armes chimiques, art. 1par. 1, 2 et 4.

* 49 Protocole II à la Convention sur les armes classiques (1980), art. 6, par. 1; Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié (1996), art.7, par. 1.

* 50 Convention sur les armes classiques, art. premier amendé.

* 51 Statut de la CPI, (art.8, par.2, al. e, vii)).

* 52 Convention relative aux droits de l'enfant (1989), art. 38.

* 53 Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (1990), art.22.

* 54 Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant, rapport sur la deuxième session, doc.

Nations Unies CRC/C/10, 19 octobre 1992,

* 55 Voir, p. ex., Conseil de sécurité de l'ONU, rés. 1325 ; Conseil économique et social des Nations, res. 1998/9 ; Commission des Nations Unies pour les droits de l'Homme, res. 1998

* 56 P.1, art. 76

* 57 IVeme Convention de Genève, art. 89 et art. 132.

* 58 IVeme Convention de Genève, art 127.

* 59 Convention de Genève de 1906, art. 26 ; Convention de Genève de 1929, art. 27.

* 60 Ie Convention de Genève (1949), art. 47 ; IIe Convention de Genève (1949), art. 48 ; IIIe Convention de Genève (1949), art. 127; IVe Convention de Genève, art. 144 ; Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 25.

* 61 Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adoptés par la XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge à Genève, 23-31 octobre 1986, art. 5, par. 2al. c) et g) respectivement.

* 62 Deuxième protocole à la convention de la Haye pour la protection des biens culturels, art. 16 par.2, al. a).

* 63 Convention sur le génocide (1948), art.6.

* 64 Charte des Nations Unies, art. 24, par. 1.

* 65 Charte des Nations Unies, art. 36 à 38.

* 66 Charte africaine des droits et des peuples, art. 60.

* 67 Carte africaine des droits de l'homme et des peuples, art. 61.

* 68 Voir art. 4 du Projet d'articles sur la responsabilité de l'État (2001), adopté en 2001 après plus de 40 années de travail. Ces articles «ont pour objet d'énoncer (...) les règles fondamentales du droit international relatives à la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite»

* 69 Ie Convention de Genève, art. 51; IIe Convention de Genève, art. 52 ; IIIe Convention de Genève, art. 131; IVe Convention de Genève, art. 148.

* 70 Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 38.

* 71 Voir Projet d'articles sur la responsabilité de l'État (2001), art. 5 (la responsabilité de l'État vis-à-vis de telles personnes ou entités est limitée à leur comportement aussi longtemps qu'elles sont habilitées à exercer des prérogatives de puissance publique et qu'elles agissent en cette capacité).

* 72 Protocole additionnel II, art.1, par.1

* 73 Protocole II à la Convention sur les armes classiques, tel qu'il a été modifié, art. 14; Statut de la CPI, art. 8 et 25; Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 15 et 22.

* 74 Convention d'Ottawa, art. 9; Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, art. 4

* 75 Statut du TPIR, art. 4 et 5 ; Statut du TSSL, art. premier.

* 76 Voir, p. ex., Statut de la CPI, art. 25 ; Statut du TPIY, art. 7; Statut du TPIR, art. 6 ; Statut du TSSL, art. 6.

* 77 Ire Convention de Genève, art. 49 ; IIe Convention de Genève, art. 50 ; IIIe Convention de Genève (1949), art. 129; IVe Convention de Genève, art. 146; Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 28 ; Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels, art. 15

* 78 Statut de la CPI, art. 25, par. 3; Statut du TPIY, art. 7, par. 1; Statut du TPIR, art. 6, par. 1 ; Statut du TSSL, art.6

* 79 Statut de la CPI, art. 25, par. 3, al. b)

* 80 Statut de la CPI, art. 33 ; Statut du TPIY, art. 7, par. 4 ; Statut du TPIR, art. 6, par. 4 ; Statut du TSSL, art. 6, par. 4

* 81 Statut de la CPI, 6, 7 et 8.






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote