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Apéritif et sociabilité. Etude de la consommation ritualisée et traditionnelle de l'alcool

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par Anaà¯s Gayot
Université d'Aix-en-Provence - Master 1 d'anthropologie sociale et culturelle 2007
  

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Conclusion

Bibliographie

À propos des auteurs

Introduction

* Un apéritif en famille

La consommation d'alcool, en France, est culturellement mais aussi historiquement ancrée dans les habitudes sociales et familiales. Chaque région cultive son cru ou au moins donne une attention particulière à une boisson préconisée. Dés lors, un savoir-boire se transmet indéniablement de génération en génération. C'est cet aspect qui m'a orientée vers la question de l'apéritif, en tant que moment de sociabilité enraciné dans les us et coutumes français.

L'intérêt de ma recherche s'explique par le caractère familier de l'apéritif, intrinsèquement lié à sa dimension transmissible. On peut le prendre avant le déjeuner dominical ou à l'occasion de visites impromptues ou non à l'heure convenue. Boire un apéritif permet avant tout d'offrir une boisson et un moment de détente, convergeant avec un certain nombre de conventions sociales. Il s'est avéré que, dans un contexte particulier, l'apéritif a pris pour moi une forme rituelle : ma grand mère réunissait sa famille, un soir dans la semaine, souvent le vendredi. Au début de manière informelle, puis de manière ponctuelle pour s'établir comme un moment indispensable à l'élaboration de la semaine. L'apéritif était alors un moyen pour elle de se sociabiliser puisque ce moment était également ouvert aux amis de ses enfants et petits-enfants. Par l'intermédiaire de l'alcool, elle devenait le centre de cette réunion et avait une certaine popularité aux yeux des jeunes qui en appréciaient l'usage.

L'exemple de cet apéritif matriarcal regorge de valeurs chargées symboliquement : le devoir ponctuel de se réunir en famille, le respect des règles d'alcoolisation, l'offrande d'alcool donnant lieu à la détente et à la parole et rapprochant les générations. On peut y voir également l'idée d'accomplir l'unification familiale autour d'un personnage "pilier".

* Boire et manger, une sociabilité autour de la table

Les motifs à prendre un apéritif sont divers et la moindre occasion peut être justifiée sans connotation péjorative mais au contraire très socialement valorisée. De la simple rencontre imprévue à l'organisation élaborée d'un dîner, l'alcool tisse le lien social. Il donne un air de fête aux réunions comme aux retrouvailles. D'où lui vient une telle popularité ? Son pacte avec la table n'aurait-il pas un effet sur les représentations qu'on lui octroie ? Religieuses, séculières, médicales ou festives, les pratiques traditionnelles de la consommation de boissons alcoolisées se sont, au cours de l'histoire, multipliées. Elles ont donné lieu à des significations particulières pour le consommateur, parfois à travers des rites qui ont émergé. Les pratiques ritualisées les plus traditionnellement répandues se situent sans aucun doute autour de la table. L'apéritif en occupe une place considérable puisqu'il amorce la cérémonie du recevoir, du repas ou de l'entrevue selon le contexte. Dans une culture où la gastronomie s'impose, l'art et la manière de déguster mets et boissons nécessitent des codes. Au même titre que le choix du vin accompagnant les plats ou du digestif proposé à la fin du repas, l'apéritif est une pratique sociale et culturelle codifiée par des normes. Ces codes ne jouent-ils pas un rôle prépondérant dans le procédé des échanges ?

À la maison, dans un bar ou dans n'importe quel lieu de rencontre (restaurant, salle des fêtes, banquet, cercle, vernissage, lieu de travail...), l'"apéro" peut être une habitude quotidienne ou hebdomadaire. Il est souvent lié à un évènement, plus ou moins important. De ce fait, l'apéritif fait l'objet d'un cérémonial qui le caractérise. Il aurait pour but, d'un point de vue médical, d'"ouvrir" l'appétit, comme le suggère l'étymologie du mot. Son sens actuel lui donne une place d'une autre importance : celui de communiquer, de rapprocher, de resserrer des liens, de communier. Ainsi, l'alcool dans sa prise traditionnelle et ritualisée, ne serait pas négligeable dans les rapports entre individus et avec le monde. Il est, en effet, l'occasion de se réunir entre amis, collègues ou en famille "autour d'un verre" pour se détendre et échanger des idées, tout en grignotant. Le moment de l'apéritif est un moment convivial mêlant divers ingrédients pour que l'ambiance "prenne". Les saveurs du palais, l'ébriété légère et les interactions sont de connivence. Les langues se délient, l'atmosphère se réchauffe et s'harmonise, la magie de ce moment privilégié se dégage, parfois dans la passion des conversations, d'autre fois, dans une douce complicité. Dans tous les cas, toujours rythmé par le levé des verres qui s'entrechoquent et par le toast porté à la "santé" de chacun.

* De l'anthropologie du boire à l'anthropologie de l'alimentation

Le thème de recherche "apéritif" n'est pas un thème très développé en anthropologie. Un bon nombre d'ouvrages aux disciplines diverses comme l'histoire, la sociologie, la psychologie et l'anthropologie survolent néanmoins le sujet. Le plus souvent ils étudient la sociabilité dans les cafés ou dénombrent et décrivent les consommations de catégories de personnes. Quand on aborde un sujet dont la connotation est festive et ambiguë par ses effets, il n'est pas surprenant que la littérature aboutisse régulièrement au problème des dérives que cela engendre parfois. Pour l'anthropologue Jean-Pierre Castelain1(*), les manières de boire sont aussi des manières de vivre. Ici, l'anthropologie de l'alcoolisation démontre que l'alcoolisme n'exclut pas la sociabilité dans un endroit où la boisson alcoolisée est fortement généralisée dans certain milieu socioprofessionnel. Nous verrons que la norme française, quant aux manières de boire, varie selon le groupe d'appartenance.

L'histoire et l'anthropologie du boire tente de montrer que l'acte de boire (de l'alcool) est une action anodine. Il fait partie intégralement aux moments de sociabilité et de festivité organisés par les collectivités. Les monographies historiques ont permis d'approfondir le sujet. Elles mettent le doigt sur les origines du lien entre la fête et la consommation de boissons alcoolisées. On tentera de comprendre de quelle manière la boisson alcoolisée prend cette place de façon si évidente. L'ouvrage de Gilbert Garrier2(*), par exemple, évoque le parcourt complexe du vin depuis la civilisation gallo-romaine jusqu'à aujourd'hui. Michel Faucheux3(*), quant à lui, aborde l'aspect festif du boire dans le cérémonial de la table. L'apéritif est évoqué, mais surtout quand il est question de la nature des boissons. Ses vertus thérapeutiques et médicinales lui sont alors attribuées. Quand il est question de ses effets portant atteinte à la morale et à l'ordre public, le rôle de l'Église est prégnant.

Ces ouvrages n'intègrent pas explicitement l'apéritif dans sa dimension alimentaire et ordinaire. C'est pourquoi, une documentation moins "scientifique" mais à valeur ethnographique viendra alimenter notre recherche. La documentation gastronomique telle que le Larousse gastronomique4(*) ou L'atlas de la France gourmande5(*) proposent des spécialités régionales, des descriptions et des définitions de boissons apéritives. Les livres de recette ainsi que les manuels de savoir-vivre et des manières de table sont également bénéfiques. L'histoire et l'anthropologie de l'alimentation s'offre à nous pour continuer à explorer le sujet. Elle permet d'observer l'impact de l'évolution des manières de table sur le rapport à l'alimentation. Elle complète la documentation du boire d'un point de vue de la structuration de la société au travers des repas. On se demande alors quel est l'avenir pour l'"heure de l'apéritif" devant la mutation du modèle traditionnel du repas français ?

Le champ d'étude du thème de recherche propre à l'apéritif, est vaste. Qu'il s'agisse de l'histoire et de l'anthropologie du boire ou de l'alimentation, de l'histoire des moeurs, de la documentation gastronomique, l'apéritif peut être étudié sous des angles multiples. Cet éventail n'est-il pas un handicap pour la recherche ? N'allons nous pas nous éloigner du vif du sujet pour simplement l'effleurer ?

* Une pratique résistante au temps

Quelque soit le milieu socioculturel, l'apéritif a su s'implanter dans chaque foyer, tout en s'adaptant aux besoins de son époque. Sa persistance au temps, son ancrage culturel et sa popularité lui pourvoit une valeur traditionnelle. De quelle manière l'apéritif a-t-il séduit la totalité de la population en France ? Comment s'est-il généralisé en tant que moment favorisant les liens sociaux, moment conforme aux normes sociales et morales ? Je tenterai de répondre à cette question par le biais de quatre angles de recherche.

Une approche historique et religieuse constitue un premier point. Elle porte sur la relation des hommes avec l'alcool en général. Il semble que les effets de l'alcool révèlent l'aspect spirituel que les hommes entretiennent avec la boisson. L'apéritif est une pratique culturelle où l'on s'alcoolise. Je souhaite donc d'abord étudier l'objet "alcool" pour trouver les origines de la pratique mais aussi ce qu'elle symbolise inconsciemment.

La seconde perspective de recherche s'appuiera essentiellement sur l'émergence du concept dans l'histoire de l'alimentation. Aujourd'hui, l'apéritif fait l'objet d'un protocole, propre aux normes issues de la société moderne. Il n'en demeure pas moins qu'il s'est façonné au fil du temps en accord avec l'évolution des pensées sociétales. Il serait intéressant de comprendre de quelle manière une telle pratique fut instaurée dans la société française comme indispensable à l'élaboration de tout type de réception. Comment est-il devenu si populaire pour s'exprimer hors de son contexte de table ?

Si le concept "apéritif " semble être une notion claire et homogène pour tous français, est-il pour autant pris selon les mêmes règles et pour les mêmes raisons ? La connotation conviviale et l'attribution de valeurs socialisantes, permettent à la tradition apéritive, la transmission de valeurs communes structurant la vie en société par le biais de pratiques ritualisées très codifiées. On peut alors se demander quelles sont ces valeurs communes, que supposent-elles ? Comment s'organisent et se traduisent les rendez-vous apéritifs ? Qu'apportent-ils à la société ?

La recherche bibliographique permettra d'étayer la réflexion et ouvrira d'autres portes. Les informations obtenues par l'anthropologie du boire sont conséquentes. Ne constituent-elles pas un obstacle dans la mesure où les manières de boire y sont parfois décrites d'un point de vue pathologique ? C'est pourquoi, bien que l'apéritif ne se réduise pas uniquement à son absorption d'alcool, il serait maladroit d'omettre l'ambiguïté qu'il cause. Il est possible d'étudier le moment de l'apéritif sous cet angle de recherche comme il est possible de l'étudier sous d'autres aspects. Ce que je tenterai de faire en guise d'ouverture.

* 1 _ CASTELAIN, Jean-Pierre. 1989. Manières de Vivre Manières de Boire : alcool et sociabilité sur le port. Paris : Imago.

* 2 _ GARRIER, Gilbert. 1998. Histoire sociale et culturelle du vin. Paris : Larousse.

* 3 _ FAUCHEUX, Michel. 1997. Fêtes de table. Paris : Félin.

* 4 _ 2000. Larousse Gastronomique, avec le concours du comité gastronomique présidé par Joël Robuchon. Paris : Larousse.

* 5 _ GIRARD Sylvie, MEURVILLE Élysabeth de. 1990. L'atlas de la France gourmande, sous la direction de Jean Sellier. Paris : Jean Pierre de Monza.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon