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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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C. La chefferie

Ainsi, beaucoup d'auteurs ont abordé ce sujet, entre la description proto coloniale du chef guerrier et autoritaire ou de celle plus contemporaine de Leenhardt, qui comme Alban Bensa affirme :

«  Ni potentat féodal ni général, le chef, sur la grande Terre, a beaucoup de devoirs et peu de pouvoirs... »

Le Père Lambert décrit par contre le chef comme l'entité la plus respectée dans l'archipel calédonien et nous témoigne par exemple que :

«  Les hommes ne passent près du chef qu'en se courbant avec respect. A son approche les femmes s'écartent de son chemin, et s'accroupissent n'osant le regarder ; si elles sont obligées de poursuivre leur route près du lieu où il est, elle ne marche devant lui qu'en rampant »69(*).

Si en Nouvelle Calédonie, le chef était très respecté, il en était de même en Polynésie. En pays kanak, le chef fait parti d'un clan accueilli. Les mythes comparent son intégration dans un terroir d'accueil à la découverte d'un objet précieux ou d'un être exceptionnel, associé à des puissances surnaturelles. Béalo Gony ethnologue kanak tente d'évoquer cette spécificité relationnelle concernant le chef :

« Toutes les chefferies du Nord sont apparentées, elles sont donc « frères » pe been. Ce terme désigne la relation sociopolitique entre les chefferies d'une même fratrie, par exemples des Hoot et des Whaap. Toutes les chefferies des hoot sont frères, whan meevu, «  bouche des frères », et celles des whaap le sont aussi. La relation de parenté qui domine la chefferie est stratégiquement politique. Pe been nao daahma, c'est avoir une relation politique ; une relation parfois plus familiale s'il y a échange de soeurs entre les chefferies. La référence à la parenté à ce niveau est plus formelle que proprement généalogique, car elle met en jeu uniquement la structure sociale hiérarchisée, la relation entre les kaya70(*), les «  étrangers » et les « kauenha », les premiers occupants. Cette relation siûn men tâû-ng men paguu-ug, grand-père, père et petit fils, traduite en terme de parenté, se réfère à la fonction sociale de chacun des clans concernés qui assurent les tâches d'ordre politique, économique et sociale de la chefferie. Le chef appelle qiû-ngmen tâû-ng le clan adoptant et ce dernier désigne le chef nayu-ng men paguu-ng, fils et petit fils. Les siû-ng men tâû-ng sont les responsables sociopolitiques de la chefferie et inversement, le chef devient l'exécutant, le responsable de l'ordre social sur son territoire. Cette relation structurelle donne à penser que l'étranger est toujours tributaire de sa situation d'adopté et qui doit la maintenir en vie par les devoirs et les fonctions qui lui sont conférés par ses pères et ses grands pères. Chaque composante de la chefferie est nommée par un terme propre qui désigne à la fois la place et la fonction sociale de la personne et du groupe. Les différentes composantes se nomment selon une hiérarchie d'ainés/cadets. Le chef, l'étranger adopté, est au premier occupant, à l'adoptant maître des lieux, comme l'aîné est au cadet. Dans ce sens, la chefferie s'organise comme une grande famille où chacun joue un rôle précis dans son espace territorial et dans le temps cérémoniel71(*).

Cet aspect relationnel entre les chefferies d'un même territoire abordé par l'auteur, met en évidence la complexité des relations réciproques et des divers statuts qui s'enchevêtrent dans lequel plusieurs données doivent être prises en compte par les différents composants des chefferies. Dans l'île d'Iaï (Ouvéa), une légende raconte les origines du chef KAUMA venu de Dréhu (Lifou) :

«  Ekaa uma » ? Signifie en Dréhu : où est la case du chef ? C'était la raison pour laquelle les gens d'Iaaï lui attribuèrent le nom de « Kauma », car Kauma était originaire de Dréhu. Une partie des terres lui fut attribuée pour sa bravoure et sa générosité. Kauma n'attendit pas longtemps pour se faire construire une grande case de chef à la mode de Gaïcha. Ce fut un brave chef, très estimé dans l'île. Il refusait de faire la guerre car il n'aimait pas voir le sang couler. Il préférait la pêche, la chasse, la culture plutôt que tuer. Hmandri, sujet de Hwnégei lui avait donné le surnom de « Outen vëët » ce qui signifie en Iaaï «  le poltron ».Cette histoire racontée par Wakuba Ianu fait encore allusion aux chefferies tenues par des individus venus d'ailleurs72(*).

Cette légende met en exergue encore une fois l'origine « étrangère » pour employer un terme moderne, des chefferies, et le cas de Kauma nous semble indiquer que les qualités individuelles de l'individu étaient déterminantes pour l'introniser comme chef. Ce qui remet en question l'idée que la pensée kanak ne peut se concevoir d'une manière personnalisée ou individuelle.

Patrice Godin dans une conférence du 15 octobre 2009 au Centre Culturel Tjibaou, a démontré que la monnaie kanake que l'on attribue habituellement aux sociétés mélanésiennes sans chefferies, était au contraire en relation étroite avec la présence de chefferie - que l'on attribue aux sociétés polynésiennes- dans la région de Hienghène. La monnaie était selon l'ethnologue, donnée au chef par le clan « premier 73(*)» lors de son investiture, afin qu'il redistribue à ses sujets, la monnaie incarnant ainsi sa fonction de lien social en relation au monde mythique et spirituel. On pourrait par contre se demander si la monnaie kanak telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui n'est pas le produit d'une évolution et si le système de circulation de cette monnaie dans cette région ne précédait pas le système de chefferie tel qu'il est connu aujourd'hui ? Les sociétés traditionnelles possédaient cette capacité d'adaptation et d'appropriation des valeurs importées, ce qui expliquerait l'influence « polynésienne » dans ces contrées de la grande Terre à l'instar des îles Loyauté qui elles en revanchent, n'ont pas intégré cette monnaie de coquillages. Serait-ce dû à l'interdiction coloniale de se déplacer librement ?

* 69 Père Lambert, Moeurs et Superstitions p 80.

* 70 Ce terme a été employé par les indigènes de Balade pour désigner un groupe particulier (des étrangers semble -t-il) au sein de leur communauté lors des premiers contacts en 1793 avec l'équipage d'Entrecasteaux.

* 71 BEALO-GONY Yves, Thewe men jila, la monnaie kanak en Nouvelle Calédonie, Editions Expressions, Province Nord, 2006, p 32.

* 72 Wahéo Jacob, Contes et Légendes d'Ouvéa. CTRDP, p 120.

* 73 Il s'agit bien évidement du clan de la terre.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius