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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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CHAPITRE VI

ENRACINEMENTS « DES ANCIENS POLYNESIENS » DANS L'ARCHIPEL CALEDONIEN

Dans l'affirmative la civilisation mélanésienne, rivée à ses lieux serait une société de racine et de stabilité, peu portée aux grand voyages ou la mobilité. Elle subirait par nécessité les migrations de longue durée et les intégrerait difficilement dans sa vision du monde. Or, il n'en est rien et s'il peut y avoir une contradiction dans nos esprits entre les valeurs de migration et les valeurs d'enracinement, cette contradiction n'est pas ressentie comme telle par la société mélanésienne.

Joël Bonnemaison

« L'enracinement » est un terme que nous empruntons du géographe Joël Bonnemaison 202(*) , qu'il emploi dans son ouvrage203(*) : Les valeurs de l'enracinement et du voyage en Mélanésie, c'est l'idée selon laquelle la société océanienne fonde son identité sur un paradoxe apparent entre l'attachement à un lieu d'origine sacré, et le besoin de voyage et de migration. Cela rejoint sans doute au concept de « Ta'vaka204(*) », titre du premier ouvrage d'histoire de la communauté wallisienne et futunienne (2009) dont le terme est employé par les auteurs comme un concept identitaire propre aux « Polynésiens ». Tavaka est une tradition qui traduit le besoin de migrer puis de « s'enraciner » à un lieu d'encrage. J. Bonnemaison rattache ce concept à la société non seulement « polynésienne » mais aussi à la société « mélanésienne ».Quels sont les lieux de l'archipel Calédonien où les Polynésiens ont pu « s'enraciner » dans la période dit précoloniale ou coloniale? Nous avons déjà répondu en partie à cette question, le chapitre qui va suivre permet d'approfondir les réponses en donnant des arguments supplémentaires. Les lieux proposés sont des repérages géographiques pour le lecteur mais qui ne correspondent pas forcément aux repérages culturels d'antan.

1. Au sud et aux Iles Loyautés

K.R.HOWE nous résume très bien la migration polynésienne sur l'archipel calédonien dans la période dite précoloniale :

«  Les îles Loyautés le lieu d'abordage pour d'innombrables Polynésiens, poussés vers l'Ouest, loin de leurs îles par les vents dominants. Comme Maré, Lifou, Ouvéa s'étendent au large des côtes de la Nouvelle Calédonie, elles reçurent plus d'étrangers que la Grande Terre. Les polynésiens furent en général pacifiquement intégrés dans les communautés et furent habituellement dotés de statuts spéciaux par les chefs locaux, qui les considèrent comme des « enhému » c'est-à-dire «  favoris en raison des aptitudes intellectuelles ou technologiques que les immigrés possédaient. Les Tongans par exemple étaient renommés comme constructeurs de pirogues. Les premiers Européens notèrent tous la prévalence des caractéristiques raciales des Polynésiens parmi la population en rencontrèrent des groupes arrivés récemment de Tonga et de Samoa. Tout particulièrement les régions nord et sud d'Ouvéa furent peuplées par des descendants des insulaires de l'île Wallis qui étaient venus s'établir là dans la deuxième partie du XVIIIème siècle. On notera aussi de nombreux exemples de migrations locales entre les îles loyautés, la Nouvelle Calédonie et l'Ile des Pins ». Les ouvéens et les Lifou envoyaient des petits bijoux de coquillages, aussi bien que des filles de chef, au nord et au centre de la côte est de la Grande Terre car les femmes des Iles Loyautés, particulièrement les ouvéennes de descendance polynésienne, étaient prisées au dessus de toutes par les chefs néo calédoniens. En échange les néo calédoniens exportaient des pierres et des grosses billes de bois, car les îles loyautés, quoique largement boisées manquaient des arbres susceptibles de permettre la construction des pirogues doubles utilisées pour les voyages inter îles ».205(*)

A. A l'Ile Des Pins

Dans un endroit appelé Ngando chez les kuniés, à la pointe orientale de l'île, l'ethnologue M.J DUBOIS, nous apprend que ce lieu avant l'arrivée des Blancs, était un espace d'échange avec des Tongiens. Effectivement, il avait découvert dans ce site en 1974 des amas de pierres étrangères à l'endroit qui vraisemblablement ont été importées de la grande terre ou d'ailleurs. L'ethnologue raconte aussi, que dans l'île de Koutomo au sud de l'île des Pins, habitaient les Kapumè et les Nukwâ originaires de Tonga, qui étaient les maîtres de Vaca 206(*)(vaka), actuellement habité par les Duepere qui détienne une hache de pierre d'un vert terne et foncé trouvé dans la sépulture d'Ita, situé au sud ouest de l'île de Koutomo. Il fait allusion ensuite à ces mystérieux amas de terre qu'on appelle les tumulus, des poteries de Lapita retrouvées, et des pierres que l'on se nourrissait à Kokwè vûvû207(*). Selon Dorothy SHINEBERG à Kunié, les Polynésiens sont venus de Tonga vers le début du 17ème siècle soit six génération avant l'arrivée des Européens.208(*)"

Le capitaine Samuel HENRY a été le premier marin connu à avoir accosté l'île des Pins après les grands navigateurs. Cet officier aurait, vers les années 1828 ou 1830, rencontré un groupe originaires des Tonga et un de Samoa dont la pirogue avait fait naufrage au large d'île des Pins. Ce témoignage confirme encore une fois la présence de Polynésiens, non seulement aux îles Loyautés, mais aussi à l'île des Pins situé à l'extrême sud de la Grande Terre. Les Tongiens repérés ont-ils un lien avec ceux de Maré ? Ou ceux de Lifou ? Sans doute, le père BERNARD raconte l'accueil désastreux qu'il a eu à Mouli en 1857 par le chef DOUMAÏ et POUMALI dû selon lui à l'influence négative des gens venus d'île des Pins à leur encontre209(*). Encore une fois la présence de personnes d'île des Pins à Ouvéa confirme encore l'existence de réseaux traditionnels entre les îles Loyautés et la grande Terre en générale.

On ne peut s'empêcher d'évoquer la présence des XETIWAN arrivés de Lifou, originaires selon Guiart d'une île de l'archipel du Vanuatu actuel : Anatom. Ce clan qui détient la chefferie actuelle, a été marqué dans son histoire par la Reine Hortense au XIXème siècle. Dans toute l'histoire de la Mélanésie, elle a été sans doute la première reine, la première chef kanak féminin, alors que cette fonction est réservée normalement aux hommes bien que cette physionomie n'est pas absolue dans la partie Est du Pacifique. Or, tout le sud de la grande Terre a des contacts permanents avec Ile Des Pins. Notons par ailleurs que TOUAOUROU en faka uvéa veut dire "derrière la tête" tua ulu", ce nom correspondrait vu de l'extérieur (de Kunié) à un angle spatial très précis. (Côte du sud- ouest de la Grande Terre) Ce nom peut être aussi comparé avec celui d'une famille SUAULU de Saint Joseph ouvéa210(*). Le père Lambert fait allusion par exemple à ces Tongiens qui ont apporté aux Kuniés la pirogue à une seule voile avec au milieu des deux coques un abri. Ces derniers ont préféré ce type de navigation au détriment de la pirogue à double voile :

* 202Géographe (1940-1997), spécialiste de l'Océanie né en 1940, docteur d'État, Joël Bonnemaison était directeur de recherche à l'Orstom (délégué pour le Pacifique Ouest, puis chef du département « Société, urbanisme, développement »), il enseignait la géographie culturelle à l'université de Paris IV. Il a séjourné dans plusieurs pays d'Océanie et publié une thèse sur Vanuatu (L'Arbre et la pirogue, Les Hommes lieux et les hommes flottants) et La dernière île. Il est décédé le 6 juillet 1997 à Nouméa.

* 203 Joël Bonnemaison, Les valeurs de l'enracinement et du voyage en Mélanésie, ORSTOM, 1989.

* 204 Collectif, Ta'vaka, Mémoires de Voyages, CCT, p 6-7.

* 205 K.R HOWE, Les îles Loyautés- Histoires des contacts culturels (1840-1900) SEHNC, 1978.p 19 et 22.

* 206 Selon M.J DUBOIS in journal de la Société des Océanistes " Paroles et traditions wallisiennes- tome 23 sept 1976, pp 237-239.

* 207 Notons que l'équipage d'Entrecasteaux en 1793, remarque une terre mangée par les gens de Balade. Parle-t-on de la même chose ?

* 208 D. SHINEBERGIls étaient venus chercher du santal, page 64. On ignore la source de cette datation, sans doute du journal du père Rougeyron.

* 209 Jacques IZOULET, Ouvéa, Histoire d'une mission catholique dans le pacifique sud au XIXème siècle, l'Harmattan, 2005, p 103.

* 210 Remarque faite par Jean GUIART, La chefferie en Mélanésie, op.cit.,

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote