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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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6. L'expédition de Jules Dumont D'Urville

C'est l'expédition de Jules Dumont D'Urville le 17 juin 1827 qu'incombe la découverte de l'île d'Ouvéa. Effectivement, il est le premier navigateur à avoir exploré pour la première fois toutes les îles Loyauté et avoir précisé la position exacte de cette île. Après avoir longé la côte septentrionale de Lifou, le navigateur mit le cap sur l'atoll Beautemps-Beaupré appelé aussi Héo d'où il écrit ces mots :

« Croyant en avoir définitivement terminé avec les îles Loyalty...nous n'avions pas encore perdu de vue les terres de l'île Chabrol (nom de l'île de Lifou qu'il a baptisé en mémoire du ministre à qui la France avait dû l'expédition pour rechercher les traces de La Pérouse) lorsque la vigie en signala de nouvelles de l'avant. A cinq heures elles furent visibles de dessus du pont.193(*)

La nouvelle île reçu le nom d'île Halgan, en l'honneur du contre amiral Emmanuel Halgan qui occupe à Paris le haut poste du directeur du bureau de Longitudes. Le 18 juin au matin, Dumont D'Urville pénètre dans la baie d'Onyat et aperçoit cinq pirogues, en forme de grands coffres, chargées d'hommes portant des chapeaux cylindriques semblent revenir d'une expédition militaire sur l'île voisine de Lifou.194(*) Il écrit :

« Nous fîmes tous les signaux que nous jugeâmes les plus propres à les attirer vers nous mais nos efforts furent inutiles et leurs craintes furent probablement plus vives que leur curiosité ».

Ce témoignage sous tend que les réseaux maritimes préexistaient déjà et se sont perpétués jusqu'à aujourd'hui entre ces deux îles voisines195(*).13 ans plus tard, dans le cadre d'une deuxième expédition, ce même navigateur aborde Ouvéa le 14 mai 1840 et le 15 mai il remarque la présence humaine à Beautemps Beaupré :

Nous aperçûmes alors distinctement les habitants de ce petit îlot, groupés sur un coin de la plage, et qui nous faisaient des signaux ».

Le découvreur de cet archipel n'a malheureusement pas eu de contacts directs avec cette population et les premiers Blancs après l'équipage d'Entrecasteaux à avoir des contacts directs avec les Ouvéens ont sûrement étaient les santaliers et les commerçants anglophones.

7. L'implication « des enfants du soleil levant » : Rôle et statut

La tradition orale évoque dans leurs légendes et mythes des personnes qu'elle appelle communément « les enfants du soleil levant ». Ces « entités » appartiennent à des clans nouvellement intégrés venus de l'Est par la mer. Ces dernier se feront conseiller de leurs « beaux frères» d'autant plus que des nouveaux venus débarquent sur les côtes calédoniennes, et ils se feront notamment messagers des nouvelles et des évènements dont ils seront témoins vers d'autres contrées. Leurs alliances matrimoniales et leurs compétences naturelles à la navigation les place de fait dans une position intermédiaire entre les Européens et les clans autochtones. Ce nouveau statut leur permettra de faire valoir leur positionnement et leur compétence en faisant toujours en sorte que ce qu'ils émettaient ne soient jamais en leur défaveur.

La communication entre les îles à cette époque était relativement limpide. Pour donner un exemple, la mort du capitaine Marta en avril 1842 à Maré a été connue des gens de Lifou deux jours après l'évènement. Ce qui prouve tout simplement que les nouvelles allaient assez vite par-delà les vallées et les montagnes, par-delà des récifs et des mers. Ainsi cette mobilité facilitait les jeux d'alliances et Christophe Sand cite Rivière :

« Dans la période précoloniale, l'arrivée des clans étrangers dans tertre déterminé favorise et désavantage les force en présence. La présence étrangère va faire basculer d'un côté ou d'un autre les groupes en conflit. Pour légitimer leur intégration les nouveaux arrivés vont s'allier avec ceux qui les accueillent et vont tout faire pour ne pas décevoir leur alliance. Souvent, ils vont démontrer une bravoure et une fidélité remarquable qui amènera des individualités à devenir de véritable chef en connivence au clan accueillant. Mais les jeux d'alliance deviennent plus complexes quand certains du groupe étrangers s'allient avec l'ennemi pour diverses raisons. Ainsi se superposent différentes strates hiérarchiques de groupes sociaux dans un même tertre ».196(*)

Avant l'arrivée des Blancs, si ceux qui venaient du « soleil levant » étaient considérés en milieu autochtone et avaient des positions privilégiées en tant que conseillers ou porte parole du chef, dans la période qui suivra, ils perdront petit à petit du prestige.197(*) Effectivement les Européens avaient une supériorité technologique sans égale mais et lors des premiers contacts, ces conseillés traducteurs ont utilisé cette nouvelle présence à leur avantage au sein d'enjeux et de concurrences locales. La langue polynésienne a été momentanément la langue de communication et les informations et les traductions ont pu être déjouées à l'insu de tous.

Les Océaniens ont la particularité d'être plurilingues. En Nouvelle Calédonie, le Kanak parle facilement trois ou quatre langues, ce qui facilite la communication, l'échange entre les aires linguistiques et coutumières, même au de-là des mers. Le « vieux » Wamo d'Ouvéa à Balade a accueilli les missionnaires en 1843. Selon les témoignages, il parlait du bon « wallisien » apparemment perceptible par les missionnaires locuteurs. En un siècle, la langue de Kaukelo a dû être modifiée au contact des populations autochtones. Apparemment, le vieux WAMO parlait plus de 7 langues dont le Iaaï, faga, Pouébo, Balade, Hienghène, etc. Cela démontre la faculté d'adaptation de ces Polynésiens à la culture d'accueil, facilitée par le statut que leur ont légué les accueillants, agrémenté par le fait que les Européens connaissaient leur langue maternelle.

Jules GARNIER confirme l'emploi d'une langue polynésienne au milieu des langues mélanésiennes sur la Grande-Terre. Que sont devenus ces isolats ? Jacques IZOULET198(*) dans son ouvrage évoque l'influence de la langue polynésienne sur la langue de Dréhu. Ainsi, le nom « Lifou » aurait été donné par les samoans, « Italofa » Bonjour polynésien « alofa, kuli, hele, moa, poaka, fao..., » serait des mots emprunté des langues polynésiennes. Par exemple en 1793, les gens de Balade ignoraient le chien ou le cochon (kuli, poaka). Il n'en est pas de même pour les Ouvéens. Il serait intéressant d'effectuer cette même recherche linguistique dans la langue de Nengone et dans toutes autres langues Kanak. Cette étude, nous semble t-il d'apportera d'autres éléments à la connaissance des contacts des Polynésiens en Nouvelle-Calédonie. La langue wallisienne via le fagaouvéa, comme langue d'interprétation entre le français et les langues cac, Yalayu ou yuaga du nord, n'était sûrement pas un exercice facile pour Wamo en 1843. Si le « fakauvéa »199(*) parlé par les missionnaires et le fagaouvéa du XIXème siècle sont deux langues proches et relativement inter compréhensibles200(*), le français et la langue de Balade sont deux langues diamétralement différentes. De même, la langue polynésienne et la langue française sont des langues conceptuellement distantes. On pourrait notamment se poser la même question concernant le wallisien et le Yalayu ou le cac.

La langue fagaouvéa a été la langue « tampon » dans les transactions importantes entre les responsables européens (du gouvernement français et de l'église) et les chefs des tribus kanak du nord, les missionnaires en témoignent au moment de la prise de possession en 1843 :

Le 31 décembre 1843 ou le 1e janvier 1844, selon les versions. Ce jour là se trouvaient réunis à bord du Bucéphale lors d'un repas, tous les chefs de Koko et de Balade .L'occasion avait paru bonne au commandant (LAFERRIERE) pour les emmener à demander la souveraineté de sa Majesté Louis Philippe 1er et de son gouvernement, conformément aux instructions qu'il avait reçu de son chef hiérarchique, le vice-amiral état major, afin que, à défaut de Monseigneur Douarre qui s'était récusé, il servît de témoin à l'acte solennel. Car il s'agissait bien d'un acte politique, sa formulation de laissait aucun doute :

«Nous chefs de l'île d'Opao (Nouvelle Calédonie) par devant le commandant et les officier de la corvette française le Bucéphale, déclarant que, voulant procurer à nos peuples les avantages de leur réunion à la France nous reconnaissons à dater de ce jour, la souveraineté pleine et entière de son gouvernement, plaçant nos Personnes et nos terres d'Opao sous leur haute protection vis-à-vis de toutes les puissances étrangères, et adoptant pour notre le pavillon français, que nous jurons de faire respecter par tous les moyens en notre pouvoir. Fait à Balade, remis entre les mains du comandant de la corvette française du Bucéphale, en présence des témoins ci-dessous dénommés, le 1er janvier 1844 ».

Cette déclaration avait été au préalable expliquée aux intéressés par le père Viard qui servait d'interprète. Celui-ci, dit le rapport de La ferrière, « E LELEI ! E LELEI  »201(*). Elle fut ratifiée quelques jours plus tard par les chefs de Koumac et les fils de celui de Bondé, de sorte que lorsqu'il parvint au contre-amiral Dupetit-Thouars, le document était revêtu de quatorze signatures, celles des chefs, celle du commandant et celle des officiers. A défaut de l'un des chefs indigènes qui l'eussent profané, le pavillon fut confié à la garde de l'évêque qui l'accepta pour six mois. La traduction réalisée dans les deux camps est discutable car les mots utilisés en français peuvent ne pas avoir leur équivalence conceptuelle dans la culture Hoot Ma Whaap via le wallisien. La question que l'on peut se poser c'est : Est-ce que les chefs autochtones ont eu la même lecture et la même compréhension du document que ceux qui l'on proposé ?

En résumé, les sources de première main des découvreurs occidentaux restent difficilement exploitables par rapport à notre objet d'étude. La retranscription de leur observation d'antan se limite dans leur propre champ de compréhension, l'analyse ethnologique contemporaine de ces données sont souvent l'objet d'interprétations diverses entre historiens et anthropologues produisant de véritables polémiques dépassant les enjeux scientifiques.

Photo 7- Monument commémoratif placé en 1913 à Balade pour marquer les soixante ans de présence française.

* 193 M.J Dumont D'Urville, Voyage de la corvette l'Astrolabe exécuté par ordre du roi pendant les années 1826, 1827,1829 sous le commandement, Paris, J.Tastu, 1832, t. IV, p.468.

* 194 M.J Dumont D'Urville cité par Jacques Izoulet, Mékétépoun, Histoire de la mission catholique dans l'île de Lifou au XIXème siècle, Editions l'Harmattan, 1996, pp 34-35.

* 195 Pour avoir résidé quelques années au nord d'Ouvéa, ce lien est confirmé par les habitants de la tribu d'Onyat dont certaines familles se disent originaires de l'île de Lifou.

* 196 Rivière cité par Christophe Sand dans « Le temps d'avant ».

* 197 Naepels Michel, Histoire des terres kanakes, éditions Berlin, 1998, 379 p. deux façons d'accueillir pp 115-119.

* 198 Jacques IZOULET, Méketepoun , histoire de la mission catholique dans l'île de Lifou au XIXème siècle, L'harmattan 1996, p 24

* 199 Nom de la langue wallisienne : le diminutif « faka » veut dire « à la manière de ».

* 200 Les Polynésiens de l'occident ont des langues où l'intercompréhension est relativement facile. Chose étonnant, lors d'un séjour pédagogique, j'assistais à un culte maori méthodiste à Auckland au mois de septembre 2008, je comprenais mieux le pasteur quand il s'exprimait en maori que lorsqu'il parlait en anglais. Aussi dans cette même ville dans laquelle il existe une migration forte de Polynésiens de l'Océanie, le groupe de Wallisiens avec qui j'étais conversions en langue maternelle avec les Tongiens ou les Samoans sans passer par l'anglais. Si L'intercompréhension est possible actuellement, sans doute qu'elle devait être plus facile il y a deux ou trois siècles auparavant entre les Polynésiens de l'Occident.

* 201 Marque d'approbation : C'est bon, c'est bien, d'accord, en langues polynésiennes de la région occidentale.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus