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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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5. La question de « l'entre-deux-expéditions » à Hoot Ma Waap184(*)

Concernant la période de « l'entre deux expéditions 185(*)», le Père DELBOS écrit :

«  Il est vrai que près de vingt ans séparent les deux visites et que dans l'intervalle beaucoup de choses ont pu se passer. Faut-il incriminer l'intrusion entre temps des Wallisiens d'Ouvéa ? Les richesses par Cook auraient-elles allumé les convoitises et déclenché des rivalités tribales ? Une sécheresse exceptionnelle- c'est un fait que la source où Cook a fait provision d'eau, abondante en 1774, est tarie en 1793- a-t-elle réduit les gens à la famine, laquelle aurait libéré les instincts sauvage de survie ? La population aurait-elle eu de mauvais contacts avec des navires de passage ? Un évènement que nous ignorons à dû se produire. Le connaîtrons-nous un jour ? Rien n'est moins sûr.186(*)»

Or, Dorothy SHINEBERG n'est pas de cet avis, elle affirme sans équivoque que :

« ...La différence qui existe entre la réaction de Balade lors de la visite de COOK et celle manifestée lors de la visite d'Entrecasteaux n'est plus aujourd'hui une énigme comme celle le fut pour la BILLARDIERE. En effet, l'histoire de ces indigènes peut fort bien avoir subi un changement crucial entre les deux expéditions : on suppose que pendant cet intervalle de dix neuf ans, les chef qui avaient accueilli COOK ont été obligé de s'installer dans une autre région et ont été remplacés par un petit chef originaire de l'île Wallis, qui était de tempérament guerrier187(*) ».

Effectivement, les récits de James COOK décrivaient les gens de Balade comme un peuple courtois et amical et nullement enclin au vol. Dix neuf ans après, D'ENTRECASTEAUX et son équipage se demandaient si le peuple qu'ils avaient devant eux étaient bien le même avec celui que James COOK avait décrit. En effet, à leur grand étonnement, les gens de Balade en 1793 leur paraissent comme misérables, maigres, enclins au vol et surtout anthropophages. Que s'était -il passé dans ce laps de temps ? Georges PISIER met en exergue la controverse entre l'ethnologue français Jean GUIART et l'historienne d'Australie Bronwen DOUGLAS. Il écrit :

«  Mr GUIART s'appuyant sur un auteur français Charles BRAINNE, que confirmeraient ses informateurs locaux, estime que la chefferie qui avait reçu COOK avait été obligée de partir s'établir de l'autre côté du col d'AMOS, remplacé à Balade par une chefferie guerrière d'origine wallisienne Mme DOUGLAS prend le contrepied de cette opinion. Elle déclare d'abord que Charles BRAINNE est un des auteurs les plus contestables. Elle soutient ensuite que rien n'est moins sûr que la chefferie de BALADE en 1793 fût d'origine wallisienne »188(*).

Entre le contact avec la population de James Cook en 1774 et celui d'Entrecasteaux en 1793, soit dix neuf ans plus tard, le village de Balade a changé de décor politique après une guerre fratricide. Selon Bernard BROU, certains clans Wahap sont issus des migrations « loyaltiennes » (Ouvéa) et polynésiennes voir uvéennes. L'arrivée au XVIIIème de nouvelles populations dans cette région a vu renforcer le camp des Wahap. Pour l'historien :

«  Les chefferies Hoot apparaissent issues d'un même rameau et se réclament du même nom : TIDJINE. Les chefferies principales des districts de Whaap offrent en général une origine extérieure mieux définie. Les Bwarat, qui détiennent la prééminence à Koumac et dans la basse vallée de Hienghène, sont originaires en définitif des îles Wallis, par la migration qui atteignit en particulier Ouvéa et Lifou des îles Loyautés à la fin du XVIIIème siècle. On leur rattache directement la chefferie de Balade dont les titulaires et les sujets les plus proches sont classés DOY BWAXAT et qui semble avoir installé son autorité seulement après le passage de Cook qui lui, aurait été reçu par un chef Ohot ».189(*)

BERNARD BROU écrit d'ailleurs :

« Ainsi dans la région qui nous préoccupe, les principales familles politiquement parlant, à l'arrivée des français du moins, étaient partagés en deux camps, les plus nombreuses étaient dites Ohot, les autres WHAAP. Ces dernières renforcées par des dynasties locales d'origine polynésienne récentes. L'opposition entre les deux camps, à la fois cérémonielle, à l'occasion des pilous, et politique, c'est-à-dire guerrière, à la même occasion d'ailleurs, avaient pour fonction de justifier en quelque sorte l'existence de chacune des chefferies à la fois vis-à-vis d'un adversaire permanent et d'alliés coutumiers...   A ce brassage interne, a correspondu une extension de l'état de guerre et une aggravation des conditions de conflit. En effet, dans la société traditionnelle classique, on a pu dire que «  la conquête des terres ne faisaient pas partie des normes et des buts politiques. La victoire consiste moins à tuer qu'à manger l'ennemi. En principe, elle n'est pas suivie par l'occupation des terres du vaincu... après les combats, on compte les morts des deux côtés et on échange pour chaque tué, une monnaie ».

Cette controverse peut expliquer le changement remarqué de la société kanak de la région Hot Ma Whaap entre 1774 et 1793 et nous interpelle puisque selon certains auteurs, la présence « polynésienne », a été le catalyseur de ce bouleversement. Qu'en est- il exactement ? Le père ROUGEYRON, un des premiers missionnaires catholique à évangéliser cette partie de la Grande Ile, fait allusion dans ses écrits à un personnage qu'il admire, Hippolyte BOUANOU. Cet Indigène de Pouébo, né en1833, âgé de 35 ans, avait la particularité d'être un catéchiste dévoué, mais aussi un grand chef. Le missionnaire raconte dans un de ses journaux de bord, que la grand-mère de ce catéchiste était d'originaire d'Ouvéa et plus précisément des îles Wallis :

« ... Wallis se trouvant en guerre, des pirogues fuirent leur île, ils étaient une quarantaine à atteindre Ouvéa... Ils formèrent une petite colonie. Ce peuple s'étant multiplié, ne trouve plus Ouvéa assez vaste, une partie se retira en N. Calédonie et particulièrement à Pouébo. Un village se forma sous la protection du Grand Père de Hyppolite, qui épousa une femme dont naquit Goa...Alliés du grand père et au père d'Hippolyte, ces étrangers ne tardèrent pas à être puissant et considérés dans le pays. Mais leurs protecteurs étant morts, leur influence diminua et bientôt ils ne jouèrent plus qu'un rôle secondaire dans la tribu »190(*).

Ce témoignage confirme qu'une colonie « polynésienne » s'était installée à Pouébo191(*) bien avant 1800, si nous tenons compte d'une fourchette d'âge de trois générations. Sans doute qu'à l'arrivée d'ENTRECASTEAUX en 1793, ceux venant d'Ouvéa était déjà sous la protection du Grand Père d'Hyppolite. Cela confirmerait-il la version de Jean GUIART ou de BROU concernant la période dite de « l'entre-deux-expéditions » ?

Comme le souligne le religieux, cette colonie « accueilli » dans la chefferie a joué un rôle prépondérant dans tous les clans alliés. Les Indigènes et les chefferies autochtones  faisaient alliance en échange de protectorat réciproque. « Ces polynésiens » réputés pour leur force physique, ainsi que pour leur connaissance maritime avancée ont été sollicités non seulement à Ouvéa avec le chef Bazit, mais aussi sur la grande Terre. Ces enclaves étaient sûrement bien délimitées dans l'espace au gré des maîtres terriens. Sur la Grande Terre, à l'arrivée des Européens, ils parlaient encore leur langue. Après deux ou trois générations, elles ont dû perdre petit à petit leurs spécificités192(*).

Aussi, le clan MALUMA qui détient l'autorité politique de principe sur le district montagneux de Pabwa(OHOT) affirme son identité avec la chefferie BAHIT du district de WENEKI dans le nord d'Ouvéa. Ce qu'il faut retenir, c'est que l'influence « polynésienne » ne s'est pas portée seulement chez les Whaap mais également dans les deux camps adverses de la Grande Terre.

* 184 Jean GUIART dans " les modalités de l'organisation dualiste et le système matrimonial en NC", nous révèle que les conflits entre les Ohot (Belep;Nénéma, Bondé; Pouébo;Tiambouen, Wébia, Colnett, Wayèm; une partie de Koumac et Gomen ainsi Panloch, wélis la vallée de Témala, Gavatc, Tendo et la Tipinje et les Wahap au nord de la Grande Terre (composés de Tiabet, Arama, Koumak Tiari, Balade, Painboa, Tao; Panié, Hienghène, Kulna, Témala et Tiéta.), dans la première partie du XIXème siècle sont fréquentes.

* 185 La période de « l'entre-deux-expéditions » correspond à la période 1774-1793.

* 186 Georges DELBOSL'église catholique en Nouvelle Calédonie, Mémoires chrétienne. Edition Desclée-1993, p30 ; noté aussi par Bernard BROU concernant cette période dans son ouvrage datant de 1973 : l'Histoire de la Nouvelle Calédonie, édité par le SEHNC, p 22.

* 187 D. SHINEBERG, Ils étaient venus chercher du santal, Ed SEHNC, 1973 p.

* 188 Cité par Georges PISIER, D'Entrecasteaux en Nouvelle Calédonie (1792 1793), Publications de la Société d'études historiques de la Nouvelle Calédonie, Nouméa, 1976, p85. Bronwen DOUGLAS a publié : « Histoire des contacts de la population de Balade », traduction dans le bulletin N 10, SEHNC ,1972.

* 189 B.BROU, l'histoire de la Nouvelle Calédonie : 1774-1925.Nouméa, 1973. p 65.

* 190 Voir l'« abrégé de la vie d'Hippolyte Bonou chef de la tribu de Pouébo », écrit par le P.ROUGEYRON probablement en 1870. (copie- archive personnel que l'on peut trouver à l'archevêché de Nouméa)

* 191K.J. Hollyman, Etude sur les langues du Nord de la Nouvelle-Calédonie, Peeters Selaf, 1966, p42-43 : L'auteur fait allusion à cette présence polynésienne au village de Oon à Saint Mathieu à Pouébo, où résidait le clan Whaaiara, originaire d'ouvéa dirigé par la mère Ara accompagné de ses deux fils, Tijin et Pwayili, ce clan installé ensuite à Panook, il a déménagé à Saint Ferdinand quand la mission a occupé les lieux. 

* 192 On peut aussi imaginer que les épidémies lors des premiers contacts ont décimé ces isolats polynésiens, leur mobilité a sûrement accéléré le processus de contamination et de dépopulation démographique dans tout l'archipel calédonien. Ce fait là est noté par Jacques IZOULET dans son travail sur la Mission d'Ouvéa, op.cit. p 90. Cf. Annexe 1.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo