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Le statut des vérités analytiques dans l'épistémologie praxéologique de Ludwig Von Mises

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par Grégoire CANLORBE
Université Paris 1 - Master 1 LoPhiSC (Logique, Philosophie des sciences et de la connaissance) 2012
  

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I. La méthodologie aprioriste

Murray Rothbard a proposé un résumé efficace de l'épistémologie de Von Mises. Celle-ci, donc, tient en quatre assertions: à savoir « (a) que les axiomes et prémisses fondamentaux de la théorie économique sont absolument vrais;

(b) que les théorèmes et conclusions déduits de ces postulats » de façon rigoureuse « sont par conséquent absolument vrais;

(c) qu'il n'y par conséquent aucune nécessité d'un test empirique, ni en ce qui concerne les prémisses, ni en ce qui concerne les conclusions; enfin,

(d) que les théorèmes ainsi déduits ne pourraient pas être testés, même si cela était désirable. »3

Cependant, c'est l'assertion (d) qui donne tout son sens à la méthodologie théorisée par Von Mises. En raison de l'impossibilité du test empirique de la théorie économique, il est d'autant plus avantageux que la véracité d'une thèse économique puisse être déterminée a priori, i.e. indépendamment de tout test empirique. A cet égard, il nous paraît judicieux de commencer notre analyse de l'épistémologie de Von Mises par l'exploration de la quatrième assertion.

1. Les impasses de la démarche a posteriori

Le comportement humain est irrégulier; ou du moins, il n'est pas régulier au sens fort du terme, i.e. régulier au sens d'une régularité universelle, qui vaut en tous temps et en tous lieux. C'est pourquoi il n'y a rien à espérer d'une démarche a posteriori, qui consiste à inférer et/ou à tester une théorie générale sur la base de l'observation du comportement humain.

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Pas de régularités universelles de l'action humaine

Les régularités de l'action humaine ne sont pas universelles: cet état de fait vaut sur deux plans. Il y a d'abord un aspect temporel: qu'un homme se conduise de telle façon à un instant T n'implique pas nécessairement qu'il se conduira de la même façon à l'instant T+1 ou T +2, et ainsi de suite. Cette absence d'une régularité absolue du comportement humain vaut également au sens où le comportement de deux individus distincts n'est pas nécessairement identique: deux ou plusieurs individus peuvent parfois se comporter de la même façon, mais ce n'est pas pour autant qu'il existe une conduite universelle, i.e. adoptée par les agent à l'unanimité.

En ce sens, l'objet de la praxéologie diffère tout à fait de l'objet des sciences de la nature. Il y a dans la nature des régularités universelles, ou du moins, nous pouvons estimer à bon droit que de telles régularités existent dans la sphère de la nature; mais rien ne nous autorise à considérer que ces régularités se retrouvent dans la sphère de la société humaine.

« Du point de vue épistémologique, la marque distinctive de ce que nous appelons la nature se trouve dans une régularité inévitable et vérifiable dans l'enchaînement des phénomènes. D'autre part, le signe distinctif de ce que nous appelons la sphère humaine, ou l'histoire humaine, ou, mieux encore, le champ de l'action humaine, est l'absence d'une telle régularité régnant de manière universelle. »4

L'induction est justifiée pour les phénomènes qui ont toujours eu lieu de par le passé

La démarche a posteriori des sciences de la nature recouvre deux pratiques distinctes: l'induction et le test expérimental. L'induction consiste à établir une régularité universelle sur la base de l'observation récurrente d'un même phénomène. Le test expérimental, ou test

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empirique, d'une théorie consiste à établir quelles devraient être les conséquences de cette théorie au cas où elle serait juste; et plus précisément, quelles devraient être ses conséquences dans une situation précise, en un lieu et en un moment spécifiques: à charge pour l'observation de confirmer ou d'infirmer que la conséquence prédite par la théorie dans ce contexte précis se produit effectivement.

Von Mises conteste que les deux composantes de la démarche a posteriori puissent jouer un rôle utile pour la connaissance des lois de l'action humaine. Commençons par l'induction: celle-ci, d'après Von Mises, est justifiée pour les phénomènes qui ont toujours eu lieu, sans exceptions, de par le passé. Elle consiste alors à établir comme universelle une régularité qui a toujours été observée par les hommes et qui nous autorise, en ce sens, à estimer que cette régularité se répétera à l'avenir.

« L'expérience est toujours expérience de choses passées. Elle se réfère à ce qui a été et n'est plus, à des événements perdus à tout jamais dans l'écoulement du temps. La conscience d'une régularité dans l'enchaînement de nombreux phénomènes ne modifie pas cette référence de l'expérience à une chose qui s'est produit une fois par le passé, en un lieu et à un moment donnés, dans des circonstances y prévalant alors. La connaissance d'une régularité se réfère également exclusivement aux événements du passé. Le maximum que l'expérience puisse nous apprendre est que dans tous les cas observés par le passé, il y avait une régularité vérifiable. De toute éternité, tous les hommes de toutes les races et de toutes les civilisations ont considéré comme garanti qu'une régularité observée dans le passé prévaudrait aussi dans le futur. »5

Cette inférence proprement inductive est justifiée dans le cas précis des régularités qui ont toujours eu lieu de par le passé et qui ont été constatées par les hommes à chaque génération. En revanche, il n'y a pas de régularités de ce genre dans la sphère des actions humaine; et pour cette raison, nous ne sommes pas en droit d'estimer qu'il existerait

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dans ce domaine des régularités universelles et que le raisonnement inductif serait à même de nous faire découvrir celles-ci.

Le test empirique n'est pas plus recevable que l'induction dans le cadre de la praxéologie

Abordons, maintenant, le test empirique des théories. Celui-ci présuppose qu'on puisse prédire, sur la base de la théorie, un certain nombre de phénomènes qui sont censés prochainement avoir lieu dans un contexte précis. Dans le cadre de la praxéologie, pratiquer un test empirique signifierait que je dispose d'une théorie qui décrit une certaine régularité universelle de l'action humaine et que j'envisage de déterminer si la régularité pourra être constatée ou si elle sera démentie dans un certain contexte.

Cependant, l'action humaine ne se prête à aucune régularité, et à cet égard, il n'y a pas à espérer que le test empirique puisse confirmer une quelconque théorie énonçant une régularité universelle. On n'est pas plus en droit d'espérer pouvoir établir les régularités universelles par le raisonnement inductif que par le test empirique d'une théorie, que celle-ci résulte d'une inférence inductive préalable ou qu'elle soit une production spontanée de l'entendement.

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