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Les violences faites aux femmes dans la ville de Kaolack au Sénégal

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par Djelia LY
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2011
  

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I.2. PROBLEMATIQUE

La généralisation des constats sur la situation des violences faitesaux femmes dans le monde a amené les associations féminines et l'opinion internationale à se pencher sur la question.Ce phénomène socialreste fréquent et suscite de plus en plus des observations.Le prix Nobel d'économie « Amartya Sen »de 1990 note qu'il manque prés de 100 millions de femmes et filles dans le monde. Ce qui constitue une inégalité démographique du au fait que des millions de bébés et foetus de sexe féminin sont supprimés chaque année en raison de leur moindre valeur supposée et de la préférence culturelle et sociale accordée dans certaines cultures.16(*)Selon une étude mondiale du Fonds des Nations Unies pour l'Enfance UNICEF publié en Aout 2006, dans le monde, une femme sur trois a été violée, battue, ou victime d'une forme ou d'une autre de mauvais traitement au moins une fois dans sa vie. Dans certains pays, la violence domestique est la cause principale de la mort ou de l'atteinte à la santé des femmes entre 16 et 44 ans. 17(*)

Ce contexte a poussé la communauté internationale à élaborer des politiques visant à améliorer la condition de vie de la femme, notamment par la protection et le renforcement de ses droits.C'est l'occasion de faire le point sur le problème des femmes et de proposer des pistes et solutions pour leur prise en compte effective dans tous les actes des Etats, Institutions Internationales et Organisations de la Société Civile. Ainsi en 1979 en continuation des promesses et perspectives de Mexico fut adoptée la Convention sur l'Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF/CEDAW).

Au Sénégal comme dans beaucoup de pays africains, l'on s'inquiète aussi sur le phénomène.

Le Sénégal a ratifié la plupart des chartes, traités, protocoles et conventions relatives aux violences faites aux femmes.Sur le plan législatif l'on note même une certaine amélioration suite au vote de la loi de la loi 06-99 de 1999 qui modifie le code pénal en aggravant les peines encourues par les auteurs de violences à l'encontre des femmes et des filles.

Malgré ces efforts opérés sur le plan international et national pour la protection des droits des femmes, la situation des femmes restent dans la réalité presque inchangée.Les Nations Unies confirmeront d'ailleurs toute la précarité de la situation sociale des femmes sénégalaises, de leurs positions politiques comme  dépourvues de leurs droits à la citoyenneté et à une vie digne de ce nom. Cecia amené les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme à mentionner les principaux problèmes des femmes dans leurs rapports, dont des faits de violences subies par les femmes sénégalaises.Le rapport de la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies en 2002 en relatant les acquis dans le cadre de la législation du gouvernement sénégalais allant dans le sens de lutter contre les violences faites aux femmes ne manque pas de s'inquiéter.La Rapporteuse Spéciale évoquant les points qui l'inquiète le plus, remarque en effet que malgré les garanties constitutionnelles dont bénéficient les femmes, l'existenced'une forte discrimination surtout en milieu rural, la violence au foyer persiste, le manque de législation qui prévoit des mesures de protection pour celles qui sont victimes de violence et la persistance de la mutilation génitale au Sénégal.18(*)

Un autre rapport, celui du Comité des Droits Economiques Sociaux et Culturels des Nations Unies (2001) considère que l'Etat pratiquementn'a pas progressé dans la lutte des pratiques discriminatoires à l'égard des filles et des femmes.Il estime que le Sénégal n'a pas pris des mesures pour combattre les discriminations à l'égard des femmes concernant l'accès à l'emploi et est d'autant préoccupé par le fait que les mutilations sont toujours pratiquées dans l'impunité, dans certaines régions du Sénégal malgré les lois qui l'interdisent.

Ce comité constate surtout une absence de mesures réelles prises pour éliminer toutes les formes de violence contre les femmes mais aussi pour faire appliquer les lois en vigueur.

Suite à ces observations l'OMCT recommande au gouvernement du Sénégal de mettre en oeuvre des politiques visant à lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes.

Les rapports et études révèlent que ce phénomène persiste dans la société et sous des formes diverses : physiques, verbales, morales, économiques, psychologiques etc.

Les actions menées par les associations féminines ont permis de lever le tabou qui entourait ce phénomène. Ainsi l'opinion publique devient de plus en plus consciente de la gravité des violences faites aux femmes depuis la mobilisation de ces associations féminines sur les affaires DOKI NIASS, ASTOU MBENGUE, A.S. de Kaolack, Caty Gaye, FamaNiane, etc.

Même si un manque est observé dans la documentation sur le thème, des cas de violence sont fréquemment cité par les médias.

Dans la commune de Kaolack, depuis l'affaire DOKI NIASS19(*), une jeune femme enceinte battue à mort par son mari en 1993 et la récente affaire de KATY GAYE en 2007, les cas de violences continuent de défrayer la chronique. Ce qui a certainement poussé des organisations de la région de Kaolack regroupées sous le Forum d'Initiative Citoyenne des Femmes Leaders de la Région de Kaolack à faire une déclaration en 2009 pour attirer l'attention sur la gravité du phénomène.« Le point d'écoute de l'APROFES a enregistré durant l'année 2008, 184 cas de violences dont les violences conjugales et viols sont les plus nombreux. Et de plus en plus au niveau de la région, certaines violences se soldent par des meurtres. Les péripéties rocambolesques du meurtre de la jeune lycéenne Katy GUEYE, le 17 Octobre 2008 à Ngane Alassane dans la banlieue Nord-Est de la commune de Kaolack, met sur les feux de la rampe ce type de violence odieuse, sans occulter, les violences sociales, économiques, culturelles, morales, voire psychiques ».20(*)

Mais force est de constater que seuls quelques cas de violences sont cités ou dénoncés tels que les meurtres, les viols, et quelques cas de violences physiques. Or, si nous nous en tenons aux textes et à l'acceptation du terme violence, il existe plusieurs sortes de violences infligées aux femmes.Au sens courant, la violence est caractérisée par l'usage de la force physique (brutalité, crime, etc.), ou mentale (harcèlement, violence psychologique ou verbale) afin d'imposer sa propre volonté contre celle d'autrui. L'enquête ENVEFF menée en 2000 en France sous la directiondu professeur Maryse Jaspart la définit d'abord en référence à (Gavert 1968) qui convoque la notion d'atteinte à la personne par« les actes violents, quels qu'en soient la nature et les protagonistes , sont une atteinte àl'intégrité physique et psychique de la personne »21(*), ensuite par sa définition qui voit le phénomène comme « La violence est fondée sur un rapport de force ou de domination qui s'exerce par les brutalités physiques ou mentales entre au moins deux personnes. Il s'agit d'imposer sa volonté à l'autre, de la dominer, au besoin en l'humiliant, en le dévalorisant, le harcelant jusqu'à sa capitulation ou sa soumission »22(*)

Harona SY (2006) essaie aussi de donner une définition de la violenceétant exercée spécifiquement sur la femme mais en rapport avec le genre , il le conçoit comme « Toute action qui s'exerce sur la personne de la femme en tant que cible spécifique produisant chez elle une douleur et/ou préjudice physique et/ou moraux. Selon le type d'effet produit l'action violente exercée soit par un individu singulier, soit de manière collective ne s'exprime pas toujours par la force physique. » 23(*)

Les violences sont donc multiformes et beaucoup de facteurs entre en jeu quant il faut l'expliquer, la décrire ou en dégager les causes. Car lorsqu'il s'agit d'une cible particulière comme la femme, l'homme, les enfants, une ethnie, un peuple ; une analyse spécifique s'impose.AwaThiam(1978) auteure de La Parole au Négresses24(*) met d'ailleurs en exergue plusieurs sortes de violences dont les femmes sont confrontées. Elle montre que la femme a toujours était l'objet de différentes sortes de violences dans la société Africaine et Sénégalaise. Sa description de la vie des femmes met en exergue les oppressions et exploitations que le système patriarcat leur fait subir en tant que sexe, tant au niveau du couple qu'au niveau de l'organisation du travail.

Le fait est que la violence infligée spécifiquement aux femmes s'accentue de plus en plus dans la société sénégalaise notamment dans la commune de Kaolack. Elle revêt plusieurs formes. Cependant l'attention est plus attirée sur une de ses formes ; les meurtres et les brutalités. Or analyser ce phénomène dans sa totalité et en sortir les causes requiert une observation générale et beaucoup d'interrogations sur:

-Le statut de la femme et les rôles qui lui sont confinés, la place qu'elle occupe dans la société Sénégalaise en général

-La construction des rapports sociaux de sexe notamment les facteursqui interagissent dans l'encrage de cette construction tels que la culture, les valeurs, la religion, le patriarcat et les croyances de la société Sénégalaise.

-Dans l'exercice de ces violences, les responsabilités qui incombent à la femme violentée et à l'homme avec qui elle partage la société.

Nous ne manquons pas de constater que ces aspects dégagés sont intrinsèquement liés au concept sociologique qui est le genre. Le terme genre apparaît au début des années 90 et vient du terme anglais « gender »qui signifie « catégorie sociale de sexe ». Par opposition au rôle biologique déterminé par les gènes, le concept genre s'intéresse aux rôles et responsabilités des hommes et des femmes qui sont socialement déterminés souvent par la culture et les croyances.

Les sociétés évoluent en se référant à leurs propresconstructions. Quelles que soient leurs domaines, ces constructions sociales portent nécessairement les caractéristiques de la société d'origine.Le genre en s'intéressant surtout aux rapports inéquitables entre les hommes et les femmes a décelé un certain nombre de problèmes auxquelles les femmes sont confrontées. Ainsi Fatou SARR SOW en se référant à ces aspect sociaux et inégalitaires montre que «  L'analyse genre se veut donc une approche militante qui, à partir des rapports sociaux entres les sexes, en analyse le degré, les formes et les conséquences pour les transformer. Elle suppose donc que l'on en reconnaisse non seulement l'inégalité, mais son caractère social. Les hommes et les femmes sont des produits de leurs cultures, de leurs valeurs et de leur histoires »25(*).Ces relations inégalitaires notées entre homme/femme présentent ainsi des caractéristiques de subordination d'une catégorie sur l'autre. Il se trouve qu'entre ces deux catégories les femmes montrent une grande vulnérabilité les exposant ainsi à diverses sortes de violences.Édifier ce phénomène qui est la violence infligée aux femmes, requiert une analyse genre qui étudie les soubassements de ces rapports sociaux de sexe. Pour cela, l'organisation sociale qui pour Guy Rocher est « L'arrangement global de tous les éléments qui servent à structurer l'action sociale, en une totalité présentant une image, une figure particulière, différente de ces parties composantes et différentes aussi d'autres arrangements possibles »26(*) nécessite une large observation. La société Sénégalaise comme la plupart des sociétés Africaines est structurée de sorte que les femmes et hommes sont différenciés dans les places qu'ils occupent et les rôles qu'ils jouent. Cette structuration n'est pas neutre en ce qui concerne les sexes. La société est érigée avec des valeurs profondément ancrées dans toutes les pratiques. Et une organisation interne qui ne privilégie pas toujours les besoins de la femme. D'ailleurs, cette situation est bien cernée par Raaby DIOUF (2005) qui avance que « Partout dans le monde, les fonctions et les rôles sont biens déterminés. Chaque culture possède une façon caractéristique de définir les rôles des deux sexes. Les femmes sont presque toujours cantonnées dans des rôles secondaires par rapport à ceux des hommes. Et la violence est souvent fréquemment utilisée pour faire respecter cette répartition des compétences. Les institutions sociales et politiques encouragent parfois la soumission des femmes et les violences dont elles sont victimes »27(*) . Ilfaudrait alors se demander si la prolifération de ces cas de violences ne serait pas du à la façon dont la société est construite, la manière dont elle construit ses femmes et ses hommes. Chaque société a sa façon spécifique de fonctionner. La manière dont chaque société évolue varie d'un milieu à l'autre. De la même manière chaque société donne des places et rôles différents à ses femmes et hommes.

Pierre Bourdieu met en exerce cette différence entre homme et femme dans son ouvrage intitulé «La domination masculine ». Cette étude qui se trouve être une ethnographie menée auprès des Berbères de Kabylie montre cette différence des sexes en dégageant les structures symboliques qui perpétuent cette domination masculine28(*). C'est en effet l'habitus qui donne aux hommes et aux femmes un rôle prédéterminé qui exerce cette domination masculine. La société impose ainsi selon Bourdieu une différence entre hommes et femmes par le biais de la culture et les sphères telles que la famille et l'école.

Mais l'analyse sociologique de ce phénomène peut se faire sous des angles aussi divers que variés. La problématique des violences dont les femmes sont victimes soulève de nombreuses interrogations comme l'attestent la plupart des textes consultés. En effet l'analyse de la situation des femmes s'effectue en prenant en compte différents contextes. Les aspects historiques, sociologiques, juridiques, culturels, anthropologiques, religieux et même économique interagissent dans la lecture de ce fait de société.

Il sied d'approfondir cette réflexion en s'intéressant davantage aux aspects socio anthropologiques liés aux violences dont les femmes sont confrontées. En recadrant le problème dans le contexte social nous l'analyserons dans un angle plutôt spécifique, mais non moins important c'est-à-dire les rapports sociaux de sexe.

Donc nous établirons l'analyse des violences auxquelles les femmes qui fréquentent le Point d'écoute de l'APROFES Kaolack sont confrontées en partant de l'étude des rapports sociaux de sexe. Il s'agira d'étudier particulièrement les violences contre les femmes parmi les problèmes posés par le genre. Ceci dit nous porterons notre regard sur la construction des rapports entre les hommes et les femmes en général tout en s'intéressant particulièrement aux violences dont les femmes sont victimes dans la commune de Kaolack.

Ces constats nous ont conduit à nous interroger sur ces aspects :

Ø Quels sont les déterminantssocioculturelsdu phénomène de violence faites aux femmes dans la ville de Kaolack notamment celles suivies au Point d'écoute del'APROFES Kaolack ?

* 16Amartya Sen,1990, More than 100 million Women Are Missing, The New York Review, New York.

* 17 Rapport de l'OMS, 2005, Etude sur le santé des femmes et la violence domestique à l'égard des femmes, portant sur 24 000 femmes dans dix pays

* 18Ce rapport spécial des Nations Unies relate les acquis dans le cadre de la législation dugouvernement sénégalais allant dans le sens de lutter contre les violences faites aux femmes

* 19 Un cas de violence suivi par L' APROFES Kaolack et différentes associations de femme au Sénégal

* 20Forum d'Initiative Citoyenne des Femmes Leaders de la Région de Kaolack, 2009, Haltes aux violences faites aux femmes et aux filles, Kaolack.

* 21 Définition de la violence selon Garver cité par Maryse Jaspart dans son ouvrage intitulé les Violence contre les femmes

* 22 Définition de la violence donnée par Maryse Jaspart dans l'enquête ENVEFF

* 23Harona SY ,2006 Ordres sociaux et stratégies de genre, Sociétés en devenir mélange offert à Boubacar Ly P 160

* 24 Awa THIAM dans son ouvrage intitulé « la Parole aux Négresses » publié en 1978 retrace des témoignages de différentes femmes africaines qui ont subies ce qu'elle nomme « les maux des négresses » regroupant tous les types de violences

* 25Fatou SARR SOW, 2004, L'analyse genre des sciences sociales en Afrique de l'Ouest, Sexe, genr et Société, Dakar, CODESRIA, P 59

* 26 Guy Rocher, 1963, L'organisation sociale, Quebec, Editions HMH, P13

* 27DIOUF Raaby, 2004-2005, Etude des différentes approches utilisées dans la lutte contre le mutilations génitales féminines au Sénégal : le cas du Village de Malicounda Bambara, Mémoire de maitrise,UCAD

* 28Selon Bourdieu chaque champ est alors à la fois un champ de forces qui est marqué par une distribution inégale des ressources et donc un rapport de forces entre dominants et dominéset un champ de luttes les agents sociaux s'y affrontent pour conserver ou transformer ce rapport de forces.

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