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Quelle place pour la poésie dans l'édition de littérature pour la jeunesse en France (1992 - 2012) ?

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par Agnès Girard
Université du Maine - Master 1 Littérature Jeunesse 2013
  

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3 - L'oralisation nécessaire : l'impact sonore

Quand on pense à la dimension orale de la poésie, on pense d'emblée à la traditionnelle récitation scolaire. Pour Jean Pierre Siméon1, la récitation peut devenir le moyen de détourner les enfants de la poésie, car ses exigences peuvent mettre l'enfant en difficulté : affronter un public, maîtriser sa gestuelle, sa respiration et sa voix, être attentif à l'articulation et à la tonalité et, au préalable, mémoriser...constituent un ensemble d'injonctions qui peuvent être une véritable surcharge pour l'écolier. Les difficultés que peut alors rencontrer l'enfant l'éloignent du poème, si ces pratiques sont la seule porte d'entrée sur la poésie. La mémorisation a sans doute ses mérites mais elle doit se faire de manière non mécanique, en lien avec un travail sur le théâtre, comme un art de la mise en scène des mots.

Mettre en voix signifie lire le poème à voix haute, pour l'offrir. Les mots ne résonnent pas de la même façon lorsqu'ils sont dit « dans la tête » ou à voix haute. Nous sommes souvent obligés de lire à voix haute une phrase que nous avons du mal à comprendre. Cette voix qui nous parle, et sort de nous pour y revenir : on l'écoute, on est plus attentif ; elle met à distance le lecteur et sa réception. Lire à voix haute un texte poétique, c'est aussi entendre toute sa musicalité, son rythme, sa densité. Le poème est ainsi fait qu'il nous propose, comme sa mise en espace sur la page, offerte à nos yeux, sa dimension sonore offerte à nos oreilles. Il est un tout dans sa diversité de sons choisis par l'auteur. Ces sonorités et ces silences sont ce que la forme et les blancs sont au texte écrit, ils donnent de l'épaisseur au poème, ils sont comme sa chair, sa texture sonore, sa raison d'être.

Ce qui distingue l'oral de l'écrit c'est que le premier est accessible immédiatement et s'adapte à tous les publics, en particulier aux plus jeunes, tandis que l'écrit nécessite un apprentissage de la lecture et une accessibilité aux livres qui n'est pas donnée à tout le monde. La lecture à voix haute est très pratiquée par François David et les poètes qu'il a édités, dans

1SIMEON Jean-Pierre, La vitamine F, La poésie, pourquoi, pour qui, comment ?, Rue du Monde, Coll. Contre-allée, Paris, 2012, p.119.

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les milieux culturels (musées, bibliothèques, écoles, théâtres) ou dans les espaces de vie ordinaire (crèches, maisons de retraites, marchés, restaurants, cafés, jardins publics...) . La « mise en bouche » de textes littéraires est à la mode. Dans une société où l'art de la parole est le plus souvent fonctionnel, cette envie de faire revivre le pouvoir des mots s'oppose à la fonction utilitaire du langage. Plaisir de partager la musicalité des mots, mais aussi, création de lien social, la lecture à haute voix est une activité physique qui, en raison de la nécessité corporelle, permet une mise en présence et un échange communautaire. « Les poèmes sont à réciter parce que ce qui fait leur force c'est leur voix (...). Sachant bien que la voix n'est pas du son mais du sujet. »1 En effet, au delà de la musicalité, c'est lui-même que le lecteur met en scène, c'est par sa voix, sa posture et sa subjectivité qu'il donne le poème en partage. Il possède sa propre réception du poème et il a sa personnalité pour le restituer. L'enjeu de cette oralité est donc primordial pour la poésie qui ne peut vivre que si elle est lue, mais c'est aussi un enjeu sociétal. On notera que le slam est aujourd'hui une des formes poétiques les plus appréciée des adolescents et que les textes de comptines et de poésie sont de plus en plus présentés dans les publications avec des supports sonores (les ventes du livre audio a connu une croissance de 8,9% en 2011 et près de 88% de ceux-ci étaient destinés à la jeunesse2).

Moyen de transmission essentiel, l'oralisation, comme l'affirme le témoignage de nombreux poètes, doit être une pratique courante avec les enfants. Les poètes des éditions Møtus n'hésitent pas à se rendre dans les écoles ou dans les lieux publics afin de rencontrer leurs lecteurs. Dans cette démarche, c'est l'oral qui est mis à l'honneur : lectures de poèmes, échanges, jeux et créations poétiques. Mais c'est surtout la représentation que les lecteurs ont du poète que ces échanges font évoluer. Jean-Pierre Siméon le souligne : « Les représentations du poète que les enfants véhiculent sont terriblement stéréotypées : ce n'est jamais une personne ordinaire, il est souvent très vieux ou mort, un peu farfelu... »3 Rendre vivante la poésie contemporaine passe par là aussi : il s'agit de refaire de nos poètes contemporains des troubadours, à savoir des personnes « normales » qui ont une fonction dans notre société. La rencontre avec le poète produit une dynamique qui rend la poésie moins académique : « et l'on comprend alors que la poésie vivante ne réside nulle part ailleurs

1MARTIN Serge, « A trop chercher la poésie, les poèmes se perdent », dans Les cahiers pédagogiques n°417, octobre 2003.

2CLARISSE Yves, Le livre audio cherche à « dépoussiérer » son image en France, fr.reuters.com, novembre 2011.

3SIMEON Jean-Pierre, La vitamine F, La poésie, pourquoi, pour qui, comment ?, Rue du Monde, Coll. Contre-allée, Paris, 2012, p.175.

mieux que dans la bouche du poète. »4. Les livres se dépoussièrent, les mots se libèrent du texte, la poésie prend vie et le poète existe. François David raconte souvent combien ses rencontres avec les enfants et leurs parents est source de créativité. Dans ces échanges naît et survit la poésie.

La poésie pour la jeunesse, connaît donc une belle vitalité, et la typographie, l'album et la mise en voix sont les outils indispensables de sa transmission. Ces moyens tendent à inscrire la poésie dans une dynamique porteuse. Dans cet envol, Møtus est une maison d'édition volontaire qui prend le parti de donner à la poésie des ailes, de la donner à vivre grâce à plusieurs innovations mises en place.

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4FLORY Emmanuel, « Parole vive », in Les cahiers pédagogiques n°417, octobre 2003, p.31.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon