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Quelle place pour la poésie dans l'édition de littérature pour la jeunesse en France (1992 - 2012) ?

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par Agnès Girard
Université du Maine - Master 1 Littérature Jeunesse 2013
  

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3 - Une liberté

Mais moralement, ces aides publiques ne sont-elles pas une façon de contrôler, ou du moins d'infléchir des tendances sectorielles vers une production tout public ? Peuvent-elles être interprétées comme une entrave à la liberté de publier des textes « libres » ?

En effet, les modalités d'attribution des demandes de subventions font l'objet d'un rapport d'expertise présenté à des commissions qui émettent un avis. Au vu de cet avis, les décisions d'attribution, de refus ou d'ajournement sont prises par le président du CNL. Ces aides et avec elles, la possibilité de publier les ouvrages de poésie passe donc par des décideurs externes à la maison d'édition. Dès lors, la maison d'édition ne va-t-elle pas chercher à se mettre en adéquation avec les politiques d'attribution des fonds, c'est-à-dire à répondre à certaines attentes, pour voir ses ouvrages publiés ? Les décideurs n'étant plus l'équipe de la maison d'édition, on pourrait le craindre. Les critères d'examen des dossiers sont la qualité littéraire ou scientifique du projet présenté, son originalité, sa cohérence et sa pertinence éditoriales, les risques commerciaux pris par l'éditeur1. On aurait tendance à penser que seules les maisons d'édition, répondant à des critères préétablis auront la chance d'obtenir des subventions.

Or, la première chose qui frappe lorsque l'on regarde le fonds des livres édités chez Møtus, est la diversité des formats et des illustrations. Une diversité qui peut paraître déroutante tant les méthodes utilisées pour les illustrations et les formes des livres, et des livres-objets sont différentes. A l'approche de ce fonds, tenter de grouper les ouvrages par catégories semble vain tant il est difficile d'associer deux ouvrages. Cela agace même les bibliothécaires qui cherchent à les faire entrer dans une classification. Cette diversité, cet effet kaléidoscope, nous offre la réponse à la question de diversité et par là même à celle de liberté de choix. L'éclectisme des thèmes traités est une preuve supplémentaire, s'il en fallait, que l'on n'enferme pas les éditions Møtus dans une politique éditoriale « convenue ». Parmi les 11 300 nouveaux titres de littérature pour la jeunesse parus en 20112, combien relèvent d'une production de masse, privilégiant les côtés les plus faciles de l'enfance, ou ressemblant à la lecture d'enfance des parents ou bien usant des facilités de mode et d'entrecroisements médiatiques (novélisation ou « livrisation ») ? Le renouveau des thèmes, en revanche, permet une vraie réflexion de l'enfant sur le monde, une possibilité de faire appel à son esprit critique.

1CNL : < www.centrenationaldulivre.fr>, Aides à l'édition, Subventions pour la publication d'un ouvrage. 2Source : GfE( Consumer Choices France dans < www.enviedecrire.com> publié le 30 novembre 2012.

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Møtus, dans le domaine de la poésie, n'hésite pas à choisir des thèmes ancrés dans la réalité du monde d'aujourd'hui : la faim dans le monde, le chômage, les sans-abris, la différence, l'exclusion, le racisme. François David les revendique même :

« Il me semble qu'en littérature jeunesse, on évoque très souvent et parfois avec un peu de complaisance, l'univers des enfants tel qu'il est, mais qu'on ne trouve pas tellement de livres qui permettraient de prendre du recul, voire de questionner cet univers... Il peut y avoir des livres pleins d'humour mais qui réveillent autant qu'ils éveillent. Des livres nullement traumatisants, mais nullement démagogiques non plus. »1

Les thèmes ne sont pas figés. Au contraire, les nouveautés proposées, grâce à leur forme originale, grâce aux diverses techniques picturales utilisées, grâce aux thèmes abordés, redonnent à la poésie contemporaine sa fonction de « découvreur » du monde, son rôle de mise à distance et d'interrogation sur le monde que l'on regarde et qui nous regarde.

Le slogan de Møtus, « dire moins pour en dire plus », ce symbole du ø barré dans le nom de la maison d'édition, invite à l'écoute, mais une écoute active, qui engendre des interrogations et met en branle l'imagination. Il y a une démarche éducative derrière ce slogan et une ouverture au monde poétique avec l'idée d'un avenir à construire : former des poètes. De même, le travail d'équipe entre les auteurs et les illustrateurs et l'éditeur permet un dialogue incessant entre le texte et l'image. Ainsi, une grande liberté est laissée aux artistes, limitée seulement par quelques contraintes matérielles. Michel Besnier parle « d'une relation de confiance, d'amitié, d'estime »2 avec François David. Henri Galeron écrit que François David lui laisse « une entière liberté quant à l'interprétation qu['il] donne des poèmes de cette collection. [François David] connaît [s]es prédilections et [ils s'accordent] presque toujours sur les choix des textes à illustrer qu'il [lui] propose. »3 La confiance, la liberté d'action font donc partie du travail de la maison d'édition et lui donnent une éthique de création qui autorise des audaces et des découvertes. François David donne aussi souvent leur chance à de jeunes créateurs : Alice Brière-Hacquet et Elise Carpentier4 ont toutes les deux apprécié non seulement le professionnalisme mais aussi les relations cordiales de proximité et les conseils de François David. Il existe aussi aux éditions Møtus une éthique de fabrication : le choix du papier recyclé et le caractère évolutif du catalogue soulignent une préoccupation écologique évidente. D'autre part, sur chaque vente de l'album Un rêve sans faim un euro est reversé à

1DAVID François, « A rebrousse-poil» dans la revue Griffon, n° 189, Novembre-Décembre 2003, p.10. 2BESNIER Michel, Echange par correspondance du 6 mars 2013, avec son aimable autorisation.

3GALERON Henri, Entretien graphique (propos recueillis par Charlotte Javaux) sur le site < www.ricochet-jeunes.org>.

4BRIERE-HACQUET Alice, Rouge, ill. CARPENTIER Elise, Landemer, Mtus, 2010.

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l'ONG Sharana, permettant une corrélation entre le thème de l'album et la réalité qu'il dénonce.

Les orientations choisies par cette petite maison d'édition ont permis depuis ses débuts de fabriquer des livres essentiels. Passant d'une production artisanale à des techniques plus adaptées en raison de la demande grandissante de son lectorat, faisant fi des techniques de « marketing » classiques, mais aidées par les politiques culturelles, les éditions Møtus se sont engagées dans une voie où chaque livre est pensé comme un projet à part entière, afin d'en faire « un objet unique ». A propos des petits éditeurs de « poésie jeunesse », Jacqueline Held écrivait : « Si le "petit éditeur" affronte les tempêtes et risque de voir un seul projet compromettre son fragile équilibre, en revanche, il est seul "maître à bord", libre de céder à ses envies, voire à ses coups de foudre. »1 Les engagements de Møtus et les choix effectués ces dernières années révèlent un souci évident d'offrir une poésie de qualité aux enfants.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand