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Quelle place pour la poésie dans l'édition de littérature pour la jeunesse en France (1992 - 2012) ?

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par Agnès Girard
Université du Maine - Master 1 Littérature Jeunesse 2013
  

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2 - Choix des textes et des auteurs

Dès le début de cette collection, le choix du titre annonce le commencement d'une poésie dédiée à la jeunesse : Pommes Pirates Papillons. Personnellement, ces trois mots m'évoquent la terre d'où nait le fruit, la mer que s'invente l'enfant dans le jeu de rôle et l'air où s'envole l'insecte. Les trois éléments réunis, la terre, l'eau et l'air constituent un paysage dans lequel l'enfant peut faire évoluer son imaginaire. L'allitération en p évoque de petits bonds qui permettent de passer de l'un à l'autre de ces éléments, en totale liberté, sans contrainte. Qu'en est-il du choix de ce nom pour l'éditeur ? François David évoque « un petit clin d'oeil à Baudelaire, à ses Petits poèmes en prose avec cette triple allitération qui peut facilement être reçue et perçue par les enfants. »1 Il est vrai que c'est surtout Charles Baudelaire qui donne à l'allitération son apogée en France. Il en fait le principe fondateur de ses Correspondances. Dans Le Spleen de Paris, sous-titré Petits Poèmes en Prose, Baudelaire s'attache à confronter

1DAVID François, La revue des livres pour enfants, Op.cit. p. 92.

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son écriture en prose à l'observation de la vie parisienne de son époque mais revendique cette écriture poétique, avec un langage imagé et métaphorique. Que nous racontent ces Petits Poèmes en Prose ? Ils dessinent un tableau de la vie parisienne de son époque. Cette allusion à Baudelaire, engage à regarder de plus près les textes de la collection Pommes Pirates Papillons : ils constituent aussi le regard de poètes sur leur société. Les lieux, les personnes, les croyances, les sentiments sont autant de thèmes abordés avec le regard nouveau et contemporain de nos poètes. A l'instar des Petits Poèmes en Prose, les poèmes de la collection Pommes Pirates Papillons sont une critique de notre société, une voix que le poète énonce, tantôt enjouée et heureuse tantôt grave et sombre. A travers l'humour, toujours imagé, le texte nous donne à réfléchir sur le monde, notre monde.

Pour ne pas enfermer ces poètes et ces illustrateurs dans une « liste » qui réduirait leur capacité à dépasser leur différence, la collection, tente de faire découvrir une technique différente pour chaque livre, et de proposer un couple auteur - illustrateur différent, soutenant l'idée que chaque livre se doit d'être singulier. Editer des textes éclectiques dans une collection où la forme est contrainte, c'est mettre en avant le paradoxe que la poésie contemporaine est accessible par ses différences justement, jouant de la multitude des possibilités de réception. La poésie peut alors ouvrir des perspectives autres que le formatage dans lequel le principe de collection a tendance à l'enfermer. « Un poète est un monde enfermé dans un homme »1 écrivait Victor Hugo, nous laissant deviner que la poésie propose une multitude de voix. Plus que des recueils ces livres de poésie sont comparés à des « poèmes-romans » proposant une entrée dans un thème, comme un lieu où le poète a fait escale le temps du recueil. Dans Un éléphant au paradis, le narrateur nous emmène découvrir le paradis « J'ai frappé toc toc toc / aux portes du paradis»2 et entraîne le lecteur dans une série de poèmes qui peuvent se lire d'une manière autonome mais qui composent le texte tel un voyage dans ce lieu imaginaire. Dans Le rap des rats, Michel Besnier nous transporte dans la vie quotidienne et insolite du royaume des rats, bêtes au symbole négatif, mal vu par les hommes. Cette description du quotidien des rats force le narrateur à se mettre à leur place, et inverse notre vision du monde et à travers le regard de ces bêtes sur l'homme, interroge notre rôle dans la société : « On en a ras le bol / nous les rats / d'être symboles / du choléra / de la peste / et du reste / Hiroshima / c'est pas nous / le Rwanda / c'est pas nous / la vache fada / c'est pas nous / la grippe du

1HUGO Victor, La légende des siècles, « Un poète est un monde »,1877. 2CAZALS Thierry, Un éléphant au paradis, Op.cit. p. 4.

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poulaga / c'est pas nous / l'air cracra / c'est pas nous »1. Mes poules parlent propose aussi une vision du poète sur le monde vu à travers les yeux des habitants d'un poulailler. Les questions sociales sont clairement interrogées : la place de la femme à travers la poule, la représentation du « chef » à travers le coq ou l'interrogation des enfants sur le monde à travers les poussins. Michel Besnier raconte avec humour la vie quotidienne si laborieuse : « J'ai vécu / (mais pas de ma plume !) / J'ai pondu / j'ai couvé / j'ai gratté / sans ergoter / j'ai chanté / kot kot kot / coûte que coûte / j'ai pris des / coups dans l'aile / et travaillé du jabot / Toute une vie / doux gésier ! / Pour finir / en cocotte »2.. Les allitérations, la vision du poète sur la vie quotidienne conforte l'idée que Pommes Pirates Papillons est un bel hommage à Baudelaire.

Le logo de cette collection, inscrit sur chaque ouvrage reprend cette allitération et les sens rebondissent entre eux : le sabre du pirate coupe la pomme en deux et l'on découvre, invisible jusque là, le coeur de la pomme en forme de papillon qui est prêt à s'envoler. Le logo et le nom de cette collection permettent donc de se constituer une image de la poésie sans en figer le genre.

Les ouvrages réunis sont tous différents mais sont aussi exigeants. Les poètes choisis par l'éditeur requiert une grande attention. Lorsque François David propose à Michel Besnier d'écrire pour la jeunesse, ce dernier accepte et « s 'autorise plus d'amusement et de jeu avec les mots » car c'est une collection « jeunesse » tout en espérant ne pas s'adapter « à de jeunes lecteurs comme un adulte bêtifiant »3. Pour François David, les choix se fondent sur « une préférence pour les textes riches en humour ou en émotion , avec toute la vigilance nécessaire pour distinguer la sensibilité de la sensiblerie. » On retrouve alors les poètes comme Philippe de Boissy, Michel Besnier ou Jean-Louis Maunourv dont d'autres recueils avaient été précédemment publiés par Møtus. On y trouve aussi de vrais poètes que François David

1BESNIER Michel, Le rap des rats, Op.cit. p. 10.

2BESNIER Michel, Mes poules parlent, Op.cit. p. 8.

3BESNIER Michel, échange par correspondance du 6 mars 2013.

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sollicite pour écrire dans la collection, Thierry Cazals est de ceux là : « J'ai lu votre livre et si un jour vous aviez envie d'écrire pour la jeunesse, nous serions intéressés ».1 Un an plus tard, l'auteur envoie à la maison d'édition un recueil de haïkus pour la jeunesse, Le petit cul tout blanc du lièvre2, (qui n'appartient pas à la collection Pommes Pirates Papillons) publié en 2003. Thierry Cazals, en 2011, écrit un recueil dans cette collection, Un éléphant au paradis qui a obtenu le prix de Joël Sadeler 2012. Il écrit, à propos du travail de l'éditeur, « le métier d'éditeur est avant tout un art de l'attention. Attention aux mots, attention à leur respiration dans la page, attention aux moindres détails qui façonnent un livre[...]. François David est de cette famille-là. Un éditeur-artisan qui ne "fabrique" pas les livres, mais les aide à naître... »3

En choisissant de vrais poètes, l'éditeur peut installer ses publications dans une poésie inédite, adressée aux enfants, mais pas une poésie faite pour les enfants, dans un souci de réduction du sens et de la forme, mais une poésie où le poète se place à la hauteur des enfants, lui proposant une poésie qui se fait interrogation sur le monde, sur son monde. Les paroles d'Alain Serres résonnent de cette exigence pour les enfants : « Les poètes dessinent des fenêtres sur les murs et nos yeux les ouvrent. Encore faut-il apprendre aux enfants à les regarder... ».4

Dans cette collection offerte au regard de l'enfant, François David met aussi une exigence toute particulière aux illustrations des recueils.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus