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Quelle place pour la poésie dans l'édition de littérature pour la jeunesse en France (1992 - 2012) ?

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par Agnès Girard
Université du Maine - Master 1 Littérature Jeunesse 2013
  

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3 - La place de l'image

« II est impossible de dissocier, dans Pommes Pirate Papillons, les poèmes des illustrations qui les accompagnent. Mais là encore, on ne trouvera nullement de constante. L'illustrateur a toute liberté pour réaliser des compositions qui soient en accord avec l'esprit du poème sans pour autant être redondantes »5.

La question que l'on pourrait se poser est : à quoi sert l'image dans un recueil de poésie ? Le livre de jeunesse illustré ; outre l'effet esthétique recherché, permet à l'image de se révéler comme un langage à part entière, avec ses codes, ses fonctions et ses effets. Le non-lecteur accède au sens, le lecteur y découvre d'autres sens. L'image participe à la fonction du texte et permet au lecteur une entrée multiple et polysémique. Cependant dans la collection

1DAVID François, La revue des livres pour enfants, Op.cit. p.93.

2CAZALS Thierry, Le petit cul tout blanc du lièvre, ill. Zaü, Landemer, Mtus, 2009.

3CAZALS Thierry, « Comme une pousse de bambou », Griffon 2003, Op.cit. p. 20.

4SERRES Alain, Propos recueillis par Annie Falzini, libraire à L'Oiseau Lire, dans le dossier « Musique et

poésie », revue Citrouille n° 49, mars 2008.

5DAVID François, Griffon, Op.cit.

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Pommes Pirates Papillons, l'image ne surcharge pas le texte. Le choix d'une illustration en noir et blanc permet de lire le texte et l'image sur un même niveau, sans que le regard soit attiré par des couleurs chatoyantes, permettant un juste équilibre entre les deux. C'est le cas aussi des montages photographiques d'Aude Léonard qui se présentent en noir et blanc. La présentation du texte et de l'image sur des pages différentes, ce que Sophie Van Der Linden nomme les images « isolées », donne son indépendance à l'un comme à l'autre, tant pour la narration que pour l'expression. Ce procédé permet une prépondérance du texte, lui donnant une place primordiale, tout en permettant une « indépendance du point de vue de l'expression de l'illustrateur »1. Quelquefois, l'illustration n'est pas systématiquement placée sur ce que les typographes appellent la « belle page », la page de droite, où le regard se fixe dès l'ouverture du livre, accordant une prédominance à son contenu. Dans les recueils de la collection Pommes Pirates Papillons, les images et les textes sont réparties indifféremment sur les pages gauches ou droites du livre, ne donnant plus la priorité à l'illustration. Cette volonté séparatrice de l'image isolée et du texte sur une page et l'autre page, ce choix de l'impression en noir et blanc des deux supports, permettent de donner un place particulière au texte et à l'illustration et contribuent à la mise en valeur de chaque expression. Le texte ne doit pas être caché par l'image, mais au contraire, dans un jeu d'interpellation, il doit être révélé par l'image. Ces illustrations permettent une mise en perspective des mots qui éprouvent le sens, et l'imaginaire. Le surréalisme narratif d'Henri Galeron nous propose souvent des dessins étranges, qui interrogent, qui surprennent, sans interpréter le texte mot à mot, ils le mettent en relief par d'autres interrogations, d'autres pistes de lecture et de compréhension.

Pour provoquer l'étonnement, la curiosité, l'interrogation, François David apporte une attention toute particulière à la diversité des illustrateurs et de leurs techniques. « François David souhaite une technique différente pour chaque livre, et un couple auteur-illustrateur différent à chaque fois. Les deux livres avec Besnier sont une exception à cette règle. L'unité de la collection est donnée par le papier recyclé, le format, la couverture souple et l'impression en une couleur. »2 explique Henri Galeron en 2006. Les techniques sont différentes d'un ouvrage à un autre, telle est la volonté de François David cherchant à créer des livres singuliers et uniques. Photos retouchées par Aude Léonard, travail à la plume par Boiry, travail sur les contours par Romuald Reutimann, envolées graphiques et légères par Ana Yael, illustrations surréalistes par Lisa Nanni, les images sont à chaque fois une ouverture

1VAN DER LINDEN Sophie, Lire l'album, l'Atelier du Poisson Soluble, 2006, p.45.

2 GALERON Henri, entretien dans Parole, la revue de l'institut suisse jeunesse et médias, mars 2006.

sur des techniques différentes qui proposent une lecture nouvelle du poème qu'elles illustrent. Ne pas paraphraser le texte, telle est la volonté de l'éditeur. La collaboration entre auteur et illustrateur n'est pas systématique, ainsi François David laisse l'illustrateur libre d'interpréter le poème. Les contraintes sont matériellement déterminées au préalable (format, couleur en noir et blanc, support sur papier recyclé) mais l'éditeur laisse le texte se dévoiler à travers le regard de l'artiste.

L'interprétation d'un texte par un artiste ne comporte-t-elle pas le risque de réduire le texte à une subjectivité, empêchant l'imaginaire que les poèmes proposent ? La question pourrait en effet se poser tant les illustrations choisies, loin d'être redondantes, emportent le lecteur dans un univers propre à l'artiste qui illustre les poèmes. Mais les artistes dont s'entoure François David ne font pas que donner une interprétation personnelle au texte, il offre une autre poésie, une autre façon d'entrer dans le thème, une lecture polysémique du texte. C'est encore en interrogeant le lecteur que la poésie prend forme, traçant ici ou là des références graphiques ou textuelles l'artiste invite le lecteur à l'imaginaire, son imaginaire. Loin d'être des images closes sur elles-mêmes ou simples échos du texte, elles s'ouvrent à leur tour sur un monde infini d'interprétations. Les références iconographiques foisonnent, telles les références intertextuelles des poèmes. Ainsi, ne peut-on s'empêcher de voir dans l'image de couverture de Mon kdi n'est pas un kdo1, l'hommage signé de Henri Galeron à Andy Warhol et ses travaux sur les boîtes de soupe Campbell2, interprétation d'un artiste du Pop Art sur la société de consommation de son époque.

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(c)Mtus

Les illustrations des poèmes de la collection Pommes Pirates Papillons, François David les définit comme « autant de perspectives différentes [...] pleinement adaptées aux divers univers poétiques »3. L'objectif de rendre le livre unique confère à cette collection de recueils une

1BESNIER Michel, Mon kdi n'est pas un kdo, ill. Henri GALERON, 2008. 2WARHOL Andy, Campbell's soup Cans, 1962.

3DAVID François, Griffon, Op.cit.

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représentation particulière de la poésie, la présentant comme une poésie sans cesse renouvelée, multiple et différente d'un recueil à un autre. Cette exigence se trouve à la fois dans les textes inédits et dans les images que les éditions ont choisis de regrouper dans cette collection. Mise à part le format du livre, le logo de la collection et son nom, aucune ressemblance entre les livres n'est identifiable. Cette diversité des oeuvres permet à chacun de rentrer comme il l'entend dans la poésie. La voie n'est pas unique, la poésie nous est offerte dans sa diversité la plus large comme une occasion la plus vaste de faire se rencontrer le poète et son lecteur.

A travers cette collection, les éditions Møtus remplissent pleinement leur rôle d'édition de littérature pour la jeunesse, spécialisée de surcroît dans l'édition de poésie. Cette double démarche, exigeante, difficile, lente, parce que le temps est nécessaire à la poésie, coïncide bien dans cette collection toute dédiée à la poésie. Cette collection nous conforte dans le fait que la poésie contemporaine pour la jeunesse est vigoureuse et qu'elle a son lectorat. Le succès des ouvrages confirme qu'elle est devenue une des voies indispensables pour la rencontre des poètes contemporains et du jeune lectorat. Dans cette mission de rendre la poésie accessible à un lectorat enfantin, les éditions Møtus usent de cette pratique du face à face de l'image en l'inscrivant encore plus en avant. En effet, c'est dans le rapport que la poésie entretient avec l'album, genre à part, que les éditions Møtus accomplissent aussi leur rôle de passeur de poésie.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo