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Quelle place pour la poésie dans l'édition de littérature pour la jeunesse en France (1992 - 2012) ?

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par Agnès Girard
Université du Maine - Master 1 Littérature Jeunesse 2013
  

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3 - Pour une poésie sans fin

Les jeux d'écho qui donnent à l'album Un rêve sans faim une prolifération de sens et de traits poétiques se constate à plusieurs niveaux. Sur l'espace de la double page, tout d'abord, le texte et l'illustration semblent se répondent. Les poèmes et les images donnent chacune par leur propres techniques une poésie au thème difficile qui est abordé. Les jeux de mots, les rimes, les allitérations, les répétitions, les anagrammes sont autant de procédés qui servent le propos de l'auteur qui donne une vision concrète mais pleine d'espoir de la famine. Les procédés employés par Olivier Thiébaut servent aussi une poétique du propos, difficile à traiter. Le choix de « mise en scène », l'ajout d'objets récupérés, les matériaux naturels employés (pigment, sable, matières diverses) dans les tableaux ancrent le sujet dans une réalité sans tomber dans le cliché de montrer l'horreur brute d'un enfant atteint de famine. Deux photos de visages d'enfants malnutris suffisent à rappeler à notre mémoire que tous les jours nous sommes envahis par ces clichés qui ne nous font même plus réagir tant le nombre les ont fait tomber dans une horrible banalité. La poésie de cet album, tant par les images que par les mots choisis veulent réveiller nos consciences endormies par la fatalité. Les jeux typographiques participent aussi à cet éveil. Sur cette espace de double page, l'interaction des images et des textes rendent aussi un effet poétique. Un jeu entre le visible et le dicible s'est installé : ce que ne peut dire le texte, l'image le suggère, ce que ne peut montrer l'image, le texte l'imagine. Selon Sophie Van Der Linden, « dans l'album, l'image est prépondérante : l'occupation spatiale du livre [par le texte] ne pourra être supérieure à celle des images. Pour autant le texte n'est pas rendu secondaire, il constitue même souvent l'expression prioritaire, notamment dans les récits »1 De fait, si les images permettent la mise en page d'un très bel album, le texte participe à cette mise en page, et nous l'avons vu, la particularité ici est que le

1VAN DER LINDEN Sophie, Lire l'album, l'Atelier du Poisson Soluble, 2006, p.87.

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texte est de la poésie. La continuité des pages est donnée par les images prioritairement, mais aussi par les références inter-textuelles des textes entre eux et les références inter-iconiques des illustrations entre elles. Les échos se retrouvent de pages en pages, les références antérieures donnent sens au poème et les objets ou mots utilisés dans les images ou les textes des poèmes produiront un impact sur les suivants. Ainsi ces rappels iconiques ou textuels donnent une unité à l'histoire de la faim dans le monde qui présente un début, des rebondissements et une fin. L'enchaînement des pages par ces effets d'allers-retours donnent à l'album une continuité, conférant au discours une unité tout en lui proposant une libre circulation autonome. A un troisième niveau encore les références textuelles ou iconographiques puisées dans le patrimoine culturel donnent à ces poèmes une prolifération de sensibilité. Ces références culturelles donnent aux poèmes une profondeur et un relief qui permettent de parler d'une poésie profonde, à la portée des enfants et non affadie.

Ces allers-retours, ces interactions entre images et poèmes, cette continuité des doubles pages, les références intertextuelles et les apports culturels nombreux nous permettent de parler d'une poésie qui s'auto-engendre, une poésie « sans fin » en somme. Le déplacement du regard du lecteur de ce que dit le texte vers ce qu'il suggère et de ce que dit l'image vers ce qu'elle suggère favorise une lecture entre les lignes. La polysémie du texte et de l'image participent toutes deux à élaborer la poésie de l'album, appelant les émotions et les sensations grâce aux jeux sur les mots et sur les images et les procédés. Cette façon de proposer la poésie à des enfants c'est aussi remettre la poésie au coeur de son quotidien. D'une part parce que les thèmes traités le concernent, et loin d'être des thèmes « gnangnans » ils peuvent interroger le monde et notre façon de s'y placer. Ainsi, l'enfant a la possibilité de passer d'une « poésie de l'école », jolie et agréable, à une « poésie sociale »1, celle qui lui permet de transformer sa vision du monde et du même coup de se transformer à partir de ce monde. D'autre part parce que l'album est sans doute le média le plus utilisé par l'enfant, sa forme d'expression adéquate présentant une interaction du texte et de l'image peut être le média idéal pour faire découvrir la poésie aux jeunes enfants. Le plaisir partagé à la lecture de l'album Un rêve sans faim nous montre que le public à qui s'adresse cette poésie n'est pas limité aux enfants. Les interférences avec des textes réservés aux adultes ont permis à ces derniers d'y trouver beaucoup de profondeur, c'est ce que nous avons découvert précédemment. Quoiqu'il en soit, si « « la poésie est un petit monde bizarre : à la fois très exigeant dans sa recherche et toujours en

1CHENOUF Yvanne. LACOURTHIADE Sèverine. , « Projet Poésie », Les actes de lecture n° 115, septembre 2011.

quête d'échange et de reconnaissance »2, il semblerait que l'album pourrait jouer ce rôle de médiateur incontournable, donnant l'occasion de découvrir la poésie, ce genre en mal de reconnaissance.

Aujourd'hui le combat éditorial se situe désormais dans la diversité des formats. Certains éditeurs l'ont compris. Des poètes, et avec eux, des artistes ont choisi de s'adresser aux enfants, par l'intermédiaire de l'album-poème. Il semble que ce soit un format au service de la poésie, une forme idéale pour promouvoir la poésie contemporaine.

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2MATJLPOIX Jean-Michel cité dans « La poésie envers et contre tout », Magazine littéraire n° 499, été 2010.

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