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Identité et appartenance: temps et comput anthropologique chez R. E. Mutuza Kabe

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par Jean Francis Photios KIPAMBALA MVUDI
Université de Kinshasa RDC - Doctorat en philosophie 2012
  

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v Hegel

Du point de vue philosophique, le seul qu'on ne dépasse pas au regard de Hegel, l'incarnation n'est pas séparable de l'horizon suprême qu'ouvre à nos yeux l'histoire réelle de l'esprit. Dans cet ensemble où l'Orient, l'Egypte, Israël et plus spécialement la Grèce, occupent une place de choix, le Christ couronne un processus de maturation progressive de la conscience authentique de soi. Apparue à la surface de l'histoire dans un individu particulier -conformément au paradoxe de l'esprit « absolu » qui ne redoute aucune détermination singulière -, l'incarnation révèle à tous le devenir destiné à chacun.

Dans ces homélies, Mutuza s'inspire de Hegel, dans La vie de Jésus. Aucun individu humain ne saurait s'accomplir en effet comme esprit et comme liberté, sans passer par le chemin de la mort dont le Christ est la meilleure des représentations. La mort dont il s'agit ici n'est pas la mort simplement naturelle, qui achève la vie sans rien apporter d'autre que la pure suppression biologique. La mort, nécessaire entre toutes, dont Jésus est l'exemple et le révélateur, est celle de l'esprit ; elle implique ou elle est une opération qu'on peut dire infinie, dans laquelle la conscience accepte de passer par la contradiction, apparente et réelle à la fois, que lui donnent les choses en leur opacité. A ce prix, la conscience devenant la conscience de soi découvre que ce qui apparaît d'abord lui échapper relève en vérité de ses pouvoir. L'esprit, s'il veut naitre à soi-même, n'a donc pas à craindre de se livrer à l'objectivité du monde qui lui semble tout d'abord hostile, étrangère et, pour tout dire, mortelle. « Ce n'est pas cette vie qui recule d'horreur devant la mort et se préserve pure de la destruction, mais la vie qui porte la mort et se maintient dans la mort même, qui est la vie de l'esprit », explique Hegel en un texte qui deviendra célèbre(419(*)). La vie de l'esprit pour l'indépendance du second genre est présente dans la philosophie de Mutuza : « Le chef de chacune de ces ethnies avait conclu indépendamment des autres chefs des contrats avec les membres de l'Etat Indépendant du Congo. Ces ethnies, par ailleurs, avaient très peu de contacts entre elles et se considéraient comme souveraines et indépendantes les unes des autres. L'Etat Indépendant du Congo était donc composé d'une multitude de « nations » indépendantes, mais désormais soumises à un monarque, Léopold II, roi des Belges »(420(*)).

Le mystère du Christ conduise Mutuza à creuser les conditions requises à la vie de l'esprit. Il s'avère essentiel à la mission civilisatrice d'aider les hommes noirs à découvrir et développer toutes leurs dimensions humaines. Le philosophe, en sa recherche des profondeurs ultimes de l'esprit et de la liberté, ne pouvait échapper à une si heureuse influence. C'est pourquoi la démarche de Mutuza de type hégélien est l'écho qui nous rappelle un aspect liminaire qui ne peut que réjouir et parfois fasciner tout révolutionnaire. A une condition, toutefois : que le fait de s'inspirer de la culture n'en vienne pas à l'altérer, en en réduisant l'initiation à des mythes. Cet art de réduire la mission civilisatrice de la colonisation aux seules dimensions de l'esprit ou du vouloir humains, si sublimes qu'ils soient, représente l'essence même de l'indépendance du second genre(421(*)). Dans ce contexte Léopold II est un confirmatur d'une idéologie politique ou sociale.

Or à travers Mutuza, qui le trahit peut-être mais qui se donne cependant comme son héritier, et qui l'est, Marx a exercé et exerce encore une influence décisive dans les infra-structures culturelles de l'indépendance. La trahison de Mutuza vient à juste titre de celle de Marx à Hegel dans le domaine de la sécularisation de la foi. C'est pourquoi il ne nous importe pas cependant d'analyser ce type de trahison en son principe même et de saisir sur le vif son écart initial par rapport à l'incarnation(422(*)). Aucune hostilité de la part de Mutuza qui veut protéger l'apport de la colonisation.

Les nouvelles affirmations du pluralisme des valeurs qui, toutes, prétendent à l'authenticité, soit sous une forme réflexive, crée un désarroi dans la mentalité occidentale, habituée à penser selon les normes d'un système monothéiste. Les philosophies de Hegel et de Marx sont des vestiges de cette manière habituelle de penser, parce qu'elles essayent de réduire à un principe ou à dieu unique, à savoir l'Esprit chez l'un et la matière (Economie) chez l'autre, la variété et diversité infinie des phénomènes humains et sociaux. Le polythéisme resurgit avec toutes les tribulations qui sont les conséquences d'un antagonisme irréductible des valeurs. Les théories des valeurs sont arrachées par la sociologie ; chaque valeur affirme son autonomie et entre en concurrence avec les autres, d'où d'inévitables conflits dans la mesure où chacune prétend nourrir un nouveau prophétisme. A la différence du polythéisme antique qui demeurait sous le charme mystérieux des dieux et des démons mais le monde actuel, sous l'effet d'une rationalisation et d'une intellectualisation croissantes, est un désenchanté, désorienté, dépoétisé.

Mutuza pense que tôt ou tard, la conduite occidentale peut révéler sa propre anomalie. La tentation ayant grandi de confondre l'impérialisme avec la seule colonisation dont il a favorisé l'éclosion, la tentation de liquider l'impérialisme même se présente à son tour. C'est une troisième étape qui marque la fin du processus d'indépendance, si elle est mal protégée du pouvoir réducteur dont elle n'est pas exempte. Encore qu'il eût lui-même rejeté avec horreur une expression « culturaliste », Mutuza qui, comme Nietzsche qui eut la nausée l'expression « théologique », est un des représentants idéal de ce troisième type d'indépendance qu'il souligne.

* 419 La Phénoménologie de l'esprit, trad. Hyppolite, Aubier 1941, Préface, p. 29.

* 420 MUTUZA, Les fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, p. 48.

* 421 Imperturbable cependant, notre pratique démocratique des communautés pose donc en termes subversifs par rapport à la nature hiérarchique du pouvoir dans les colonies le problème délicat et irritant des nos chefs coutumiers. La subversion existe à deux « niveaux » : le premier niveau est que tout membre de la communauté pouvant être mené à exercer un pouvoir en son sein, il va de soi que toute règle excluant un(e) particulier(e) de tel ou tel fonction ou degré apparaît en contradiction avec l'égalité démocratique... Et le second « niveau », où apparaît la pratique démocratique des communautés n'est pas moins subverti. Mutuza parle de la communauté s'auto-gérant, l'idée même d'un chef qui leur serait envoyé de l'extérieur, par une autorité supérieure, apparaît complètement invraisemblable. D'où le schéma institutionnel de Bwami.

* 422 MUTUZA, Sermons d'un prêtre défroqué, p. 25. Voir du même, Les fondements culturels du fédéralisme au Zaïre, p. 15.

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