WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique: cas de la RDC

( Télécharger le fichier original )
par Aimé NDAYA N'DAMYA FULBOB
Université de Kinshasa RDC - en vue de l'obtention d'une licence en droit public 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

EPIGRAPHE

" Quand le gouvernement viole les drols du peuple, l'insurrection est, pour le

peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des drols et le plus

indispensable des devoirs."

(Article 35 de la Constlution française de 1793)

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

DEDICACE

A la mémoire de nos parents Réginald Langi Ndaga Ngo bonua et Catherine

Moninga Taila que la mort a arrachés à notre affection au moment de nos études

universitaires, alors que nous avions encore grandement besoin d'eux afin qu'ils

puissent cueillir les fruits de leur dur labeur ;

Au regretté papa Pierre Ngbongato Saliboko, qui n'avait cessé de nous

pousser sur ses traces.

iii

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

REMERCIEMENTS

Emu et exulté pour l'accomplissement de cette oeuvre scientifique, sanctionnant la fin de notre cycle de licence en droit, nous ne pouvons pas être indifférent pour passer sous silence la générosité de ceux grâce à qui nos recherches ont abouti à la rédaction du présent travail.

Aux Professeurs de l'Université de Kinshasa en général, ceux de la Faculté de Droit en particulier; à tous les Chefs de travaux et Assistants, pour nous avoir formé et encadré en père de famille, qu'ils trouvent en cette évocation notre gratitude pour leurs bienfaits.

Nos remerciements les plus solennels au professeur André Mbata Betukumesu Mangu qui, nonobstant ses charges et multiples occupations a donné la preuve d'un bon père au modèle rare et à qui nous rendrons témoignage. Nous n'oublions pas, l'Assistant Paulin Punga Kumakinga pour sa rigueur dans la correction de ce travail. Que le Chef de travaux Célestin Ekoto et l'Assistant Joseph Cihunda Hengelela soient remerciés pour leur regard et leur apport scientifique.

Nous tenons à remercier de tout coeur, nos enseignants tant de l'école primaire que du secondaire pour avoir fait de nous ce que nous devenons aujourd'hui. Que leur rigueur scientifique et leur disponibilité soient honorées dans ce travail.

Un grand remerciement à notre grand frère Médard Ndaya Ngobonua, son épouse Mateya et ses enfants, pour les sacrifices consentis pour nous et l'investissement placé dans notre formation scientifique.

A nos grands frères Hubert Ndaya, André Nadonye, Joseph Gbongele et à nos grandes soeurs Monique Anzanea, Marienne Nafalanga, Angélique Ngate, Chantal Bagaza, votre soutien tant moral que matériel a été plus nécessaire.

A vous notre bien aimée Dolly Masiala Mbaku, nous disons infiniment merci pour votre soutien, que ce travail soit pour vous et pour notre futur, l'expression de l'amour et des sacrifices, qui devra caractériser notre existence.

Nos remerciements vont également à l'endroit de Ringo Wikobina, Valentin Tanakula et son épouse Vallya Nzazi, à Anicet MOSI et sa femme Méthé, Levieux Mbembo, Saidy Saliboko, Christine Yayo, Aristote, Maturin BOSO, Romain Vonga,

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Virginie Mbali, Robert Demokolo, Félix Mbondo et son épouse Méthé Alenge, Comptable Evariste ainsi qu'à l'Honorable Longina Bwana pour le soutien.

Nos gratitudes s'adressent à tous les étudiants de «LAKA », Etienne Vuda, Aimé Solombe, Christian Diatoko, Patrick Dedetemo, Patrice Senemodego, Alexis Alenge, Cheick Dote, Pablo Ndaba, Charles Sebutu, Lavie Sengea, Pablo Lena, Alexandre Bosokpale, Alphonse Talala, Blaise Sademonu, Bienvenu Datoko, Archimède Alenge, Dieudonné Nangele, Olivier Mbaya, Freddy Kamodomo, Marius Bamose, Jean-Denis Denangowe, Espérant Senemona, pour leur soutien moral.

Nous témoignons notre profonde gratitude aux collègues, camarades et compagnons de lutte, pour avoir réservé à notre endroit le sens d'amitié, de solidarité et du travail en équipe et pour les sacrifices de tout bord endurés ensemble durant ce cursus académique, notamment, Trésor Amaela, Patricia Kambo, Didier Ndambo, Allain Soumaïli, Jean Ngose Nganza, Olivier Zuza, Héritier Alembaki, Augustin Elodi, Jean Kopane Makambo, Freddy Kiamonika, Clovis Elongama, Benjamin Sungu, Steve Nemo, Masiya, Thierry Bassombelwa, Nathan Lofonge, Sylvie Vuvu, Nyclette Ntumba. Aux amis (es) et connaissances, nous vous disons merci.

A nos successeurs (es) étudiants (es) qui auront l'opportunité de lire ce travail pour s'en inspirer, qu'ils en fassent mieux et plus.

A toute personne qui nous aurait rendu service, de loin ou de près, et qui ne se voit pas nommément citer dans cette page de reconnaissance, ne se sent pas oublier, mais qu'elle trouve avec les précités, l'expression de nos sentiments de gratitude.

iv

Aimé Ndaya N'damya Fulbob

v

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~ Cas de la République démocratique du Congo"

LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES

· ABAKO : Alliance de Bakongo

· AGI : Accord global et inclusif

· AFDL : Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre

· al. : Alinéa

· Art. : Article

· ATCAR : Association Tshokwe du Congo, l'Angola et de la Rhodésie

· CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

· CGD : Centre pour la gouvernance démocratique du Burkina-Faso

· CEDI : Centre protestant d'Edition et de Diffusion

· CNS : Conférence nationale souveraine

· CONACO : Convention Nationale Congolaise

· DIC : Dialogue inter congolais

· Dir . : Direction (sous la direction de...)

· EUA : Editions universitaires africaines

· éd . : Edition

· FDD : Front pour la Défense de la Démocratie (FDD)

· FSSAP : Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politiques

· HCR : Haut Conseil de la République

· J .O : Journal officiel

· JORDC : Journal officiel de la République démocratique du Congo

· LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

· MES : Mouvements et enjeux sociaux

· MPR : Mouvement populaire de la révolution

· MNC-L : Mouvement National Congolais-Lumumba

· n° : Numéro d'un article

· ONG : Organisation non gouvernementale

· ONU : Organisation des Nations-Unies

· Op . cit. : Ouvrage ou article déjà cité

· p : Page

· PALU : Parti lumumbiste unifié

· PDSC : Parti Démocrate et Social Chrétien

· PSA : Parti solidaire Africain

· PUF : Presses universitaires de France

vi

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~ Cas de la République démocratique du Congo"

· PUK : Presses universitaires de Kinshasa

· RDC : République démocratique du Congo

· RFI : Radio France Internationale

· UA : Union Africaine

· UNIKIN : Université de Kinshasa

· UNIKIS : Université de Kisangani

· USA : United states of America

· Vol. : Volume

vii

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

AVANT-PROPOS

Cette étude consacrée aux révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique : cas de la République démocratique du Congo se veut une contribution au délicat problème des constitutions en Afrique et particulièrement en RDC. Ces révisions sont aujourd'hui sujet des tensions politiques et finalement amènent certains Etats dans un chaos général, c'est-à-dire sur le plan juridique, politique, social et économique.

Cependant, les facteurs techniques de révision constitutionnelle devaient prévaloir sur toute entreprise visant la réforme d'une constitution, mais malheureusement, les facteurs politiques ont pris le dessus sur le premier volet ces facteurs. Ce mécanisme constitutionnel constitue pour certains politiques africains une voie de la redynamisation de leur pouvoir politique et pour d'autres constitue frein d'épanouissement politique. La RDC (ex Zaïre) à l'époque a pu exceller dans cette pratique, laquelle l'a conduit à des dérives dictatoriales, des rébellions, des transitions interminables. La voici avec la constitution du I8 février 2006 dite de troisième République qui venait d'être secouée par la révision qui a fait couler beaucoup d'encres et des salives.

Reconnaissant le mérite de nos devanciers qui ont exploité les voies non moins porteuses pour tenter d'apporter un éclairage décisif sur ce problème, nous trouvons utile et opportun la proposition d'une approche théorique que pratique, en la matière en élucidant de cas concrets ainsi que leur retombée sur la politique en général.

Le but de cette étude est donc de jeter un regard à la fois générique, et comparatif sur l'impact des révisions constitutionnelles qui ont eu lieu dans certains Etats africains et leur conséquence sur les régimes politiques du continent et plus singulièrement en RDC.

Ce mémoire s'inscrit donc dans la perspective d'un éveil de conscience des élites tant politiques qu'intellectuelles africaines en général et celles de la RDC en particulier, puis que ce mécanisme constitutionnel selon la pratique africaine contribue à ce jour la dévalorisation de la loi des lois et engendre de fois des rébellions et des coups d'Etat, voire des révolutions populaires. Dans cette analyse, nous sommes conscients de n'avoir pas tout vu et encore moins tout dit. Certains points demeurent à l'appréciation de tout lecteur de cette oeuvre ou cette ébauche grandiose. Nous laissons ainsi la place à d'autres esprits éclairés de poursuivre la recherche et la critique en la matière.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

INTRODUCTION

L'oeuvre juridique de Philadelphie a influencé les Etats du globe d'être régis par une loi fondamentale. Cette première constitution écrite aux USAIa fait qu'aujourd'hui le monde soit constitutionnalisé, c'est-à-dire que les Etats du monde soient presque dotés des constitutions2 en vue de régir l'organisation et le fonctionnement de leurs pouvoirs publics.

Ce vent du constitutionnalisme avait soufflé sur le globe, c'est-à-dire que presque tous les continents s'étaient lancés dans ce mouvement. Devenue

indépendante, l'Afrique aussi n'était pas restée indifférente face à ce vent
constitutionnel. Mais hélas, au lieu de rester dans la logique des délégués à la Convention de Philadelphie, les Etats africains ont appréhendé de leur manière ce miracle du constitutionnalisme, ce legs3 « constitution » par des pratiques diverses qui mettent en cause certaines valeurs fondamentales du constitutionnalisme .

Ainsi, cette introduction abordera ces divers points : la présentation du sujet (I), la problématique (II), l'hypothèse (III), l'intérêt et l'objet (IV), la méthodologie (V), la revue de littérature (VI), la délimitation du sujet (VII) ainsi que le plan sommaire (VIII).

I BLAUSTEIN, A ., « La constitution des USA », http ://www .america .gov/st/usg .../html, (Consulté lundi le 03 janvier 20II)

2 De VILLIERS, M ., Dictionnaire du droit constitutionnel, 5ème éd ., Armand-Colin, Dalloz, Paris, 2005, p .53 .

I

3 BLAUSTEIN, A ., « La constitution des USA », Op. cit.

2

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

I. PRESENTATION DU SUJET

Depuis belle lurette, l'Afrique apparait comme un véritable laboratoire en matière constitutionnelle. Elle adopte, remet en cause, suspend, abroge, puis renouvelle en effet la constitution4 . Cette dernière risque de perdre sa valeur en tant que la loi suprême, et serait devenue un concept creux, à cause de certains tripatouillages des dirigeants africains.

Ainsi, notre inspiration scientifique s'est focalisée sur les « révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique. Cas de la République démocratique du Congo » .

Ceci se justifie en ce sens que les années 90 ont été marquées par une grande effervescence constitutionnelle en Afrique, effervescence qui coïncidait avec le couronnement de certaines revendications démocratiques visant la promotion du pluralisme politique, une meilleure protection des droits et libertés et un meilleur équilibre des pouvoirs dans l'ordonnancement institutionnel des Etats. Globalement, parce qu'elle était censée refléter les compromis politiques de l'époque, la constitution semblait être le réceptacle des espoirs nourris durant les décennies précédentes de lutte contre les régimes de parti unique, les dictatures, les restrictions ainsi que les violations des libertés individuelles et collectives. Tout se passait comme si la suprématie affirmée de la constitution suffisait à garantir la pérennité des systèmes démocratiques nouvellement installés dans la plupart des pays et des valeurs qu'ils véhiculent.5

Mais la constitution à travers son mécanisme de révision remet en cause toutes les valeurs consacrées. Ces révisions détruisent complètement les valeurs fondamentales contenues dans les constitutions africaines et laissent celles-ci dénaturée. Or, les objectifs d'une révision constitutionnelle consistent à l'adaptation, à la créativité et à la régénération6 de la constitution.

La RDC qui jadis s'est illustrée dans cette pratique, les constitutions subissaient alors d'incessantes révisions dont certaines dissimilaient à peine des véritables « fraudes à la constitution » .7 Cette expérience congolaise constitue

4 ALFA TOGA, B ., « L'Afrique et l'internationalisation du constitutionnalisme : Actrice ou Spectatrice ? »,

http ://www .droitconstitutionenafrique .org, (Consulté le 20 novembre 20I0) .

SASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité des constitutions en Afrique de l'Ouest »,http ://www.base.-afrique

gouvernance .net/fr/corpus, (Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .

6 ASSANE MBAYE, Op.cit.

7MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Institutions politiques et droit constitutionnel, Tome 1 : Théorie

générale des institutions politiques de l'Etat, E .U .A, Kinshasa, 200I, p .I0I .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

malheureusement la plus éloquente illustration8 tant au lendemain du cinquantième anniversaire de son indépendance, cet Etat compte plus de dix constitutions successives sans compter de multiples révisions dont les dix-sept recensées rien que pour la constitution du 24 juin I967 et de nombreux projets de constitutions. Ceci aboutit à l'instabilité constitutionnelle et à la crise politique qui ne favorisent pas de manière concrète l'émergence du constitutionnalisme congolais et la démocratie effective dans cet Etat.

Par ailleurs, le constituant du I8 février 2006 avait pris des précautions en vue de limiter cette tendance à l'inflation révisionniste à travers un mécanisme constitutionnel de verrouillage et de rigidité procédurale, mais il est malheureux de constater que le « vieux démon » du révisionnisme continue de hanter les dirigeants congolais. En effet, cette constitution élaborée et approuvée dans un contexte difficile est malheureusement déjà poussée sous l'épreuve d'une révision obtenue presque par un coup de force de la majorité présidentielle.

Tout ceci a des effets néfastes sur le cadre du constitutionnalisme et de la démocratie mis en place par la constitution de 2006 en République Démocratique du Congo.

3

8 WETSH'OKONDA KOSO SENGA, M ., « L'échec de l'initiative de révision constitutionnelle du 5 novembre 2007 », http://www .constitutionenafrique .org, (Consulté le mardi 2I décembre 20I0) .

4

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

II. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE

L'Afrique après sa colonisation qui s'est soldée par l'indépendance de ses Etats, a connu beaucoup d'événements, entre autres les différents mouvements qui ont abouti à un rapprochement fondamental, voire à une uniformisation du droit constitutionnel non seulement régional mais aussi mondial. Ce rapprochement concerne aussi bien les institutions politiques que la proclamation et la garantie des droits fondamentaux. Ce mouvement unificateur a abouti à une forme de patrimoine constitutionnel non plus simplement européen, mais mondial. Toutefois, cette uniformisation s'accompagne quelquefois d'étranges paradoxes. Il en est ainsi du paradoxe de la notion de constitution en Afrique.

C'est depuis le début des années 90 qu'émerge en Afrique le constitutionnalisme, à la faveur des processus démocratiques et de l'adoption de nouvelles constitutions très généreuses en matière de droits et de libertés. Les Etats africains autrefois en proie à une cascade de coups d'Etat ont fini par disqualifier ce procédé comme moyen légitime d'accès au pouvoir. Même, l'Acte constitutif de l'Union Africaine (article 4p) a adopté le principe du rejet des gouvernements anticonstitutionnels, même si le cas des régimes constitutionnels qui pervertissent les constitutions et les utilisent pour tyranniser le peuple n'est pas en pratique réglé9 .

Cependant, seules les règles et la pratique de la révision des constitutions, question certes fondamentale en droit constitutionnel, mais pas unique, a semblé présenter un intérêt pour les juristes tant africains qu'occidentauxI0 . D'après Amougou, qu'en dehors de l'actuelle hausse des prix des denrées alimentaires, l'Afrique connait une autre inflation largement plus meurtrière à long terme en ce sens qu'elle bloque l'émancipation politique et économique de ses populationsII. Cette inflation de la révision constitutionnelle est actuellement devenue monnaie courante, une hémorragie et même un souffle de vie, dont elle constitue aussi l'unique offre politique des dirigeants d'un continent qui reste pourtant l'incontestable lanterne rouge du développement.

Les objectifs classiques de la révision constitutionnelle en Afrique ont cédé la place à des ambitions politiciennes des dirigeants africains. Cette révision est sortie de

9 Centre pour la gouvernance démocratique du Burkina-Faso (CGD), « Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina-Faso et du Sénégal », http :// www .cgd .org, (Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .

I0 GONIDEC, P-F ., Les systèmes politiques, LGDJ, Paris, I974, p . 86 .

II AMOUGOU, T ., « Afrique -- l'inflation de la révision constitutionnelle : La nouvelle pathologie politique africaine », http :// www.camerounmonpays.over-blog.com, (Consulté le mardi I4 décembre 20I0) .

5

6

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

son caractère utile et normal, elle est devenue également un outil personnel de confiscation du pouvoir .I2 Ceci faisant état que lorsque les Etats africains avaient mimé le constitutionnalisme de leurs colonisateurs, ils croyaient au bonheur politique ou à un luxe. Pourtant, c'était une épée de Damoclès suspendue sur la tête des dirigeants qui devaient tenir bon à son respect. Malheureusement, il s'est avéré que la culture politique occidentale était tout à fait différente de celle de l'Afrique. Le constitutionnalisme ne pouvait pas être respecté puisque certains de ses critères faisaient défaut.

A l'origine, le recours à des pratiques traditionnelles de pouvoir africain, lequel pouvoir était « héréditaire, absolu »I3 . En effet, en Afrique, le chef traditionnel devait demeurer le plus longtemps au pouvoir sans restriction aucune. Or, avec ce mimétisme du constitutionnalisme, les dirigeants africains se voyaient limiter dans leurs prérogatives ; leurs compétences étaient limitées conformément à la théorie de la séparation des pouvoirs. Comme il y aurait l'absence de la culture constitutionnelle et ou du constitutionnalisme, ces chefs d'Etats devenus chefs coutumiers au sommet de l'Etat se sont illustrés dans la désacralisation des constitutions africaines.

Les chefs d'Etats africains ne se demandent pas : « que devons-nous faire pour nos populations et le développement de nos pays ? » ; ils se disent plutôt : « nous devons modifier la constitution pour rester longtemps au pouvoir » .I4

En effet, cette attitude révisionniste des constitutions a gangréné la situation politique du continent. La tendance générale est en faveur des modifications constitutionnelles. Ces révisions portent généralement sur les dispositions « jugées essentielles », en l'occurrence le nombre des mandats présidentiels et ou les limitations concernant leur renouvellement et même les modes de scrutin, l'indépendance de la magistrature, etc. Cette tendance « révisionniste » des textes constitutionnels a été qualifiée fort justement de « délinquance normative »I5, en raison de ce qu'elle participe à la négation absolue des droits essentiels à la démocratie.

Ce noble mécanisme d'adaptation, de créativité et de régénération de la constitution suscite aujourd'hui un tôlé sur la scène politique africaine. Ici, la constitution

I2 AMOUGOU, T ., Op. cit.

I3 KABUYA LUMANA, C ., Histoire du Congo. Les quatre premiers présidents, éd . SECCO-CEDI, Kinshasa, 2002, p .9 .

I4 AMOUGOU, T ., Membres du code, chercheur, coordonateur de territoire, développement et mondialisation, éd . Syllepse, Paris, 2008, p . I97 .

I5MAMADOU KONATE, « Les dirigeants africains et les constitutions : Tous des « violeurs », http :// www.altervive.com/cameroun/po/rev.htm, (Consulté mardi le I4 décembre 20I0) .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

est au coeur des débats et la révision de la loi fondamentale est sur toutes les lèvresI6 . Ces révisions sont porteuses des crises politiques, notamment la crise de la démocratie, la crise de la justice constitutionnelle, celle de légitimité de la norme constitutionnelleI7, voire les révolutions populaires en Afrique, lesquelles révolutions ont comme cause lointaine des révisions constitutionnelles. Ces revendications populaires se justifient par le principe du : « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes », qui évoque une haute idée de la liberté d'un groupe et de la maitrise de son destin au regard de la Charte de l'ONU en son article Ier, paragraphe 2 .I8

Force est de constater que la révision constitutionnelle vise toujours à adapter la constitution à l'évolution des moeurs et des aspirations politiques et aussi à permettre aux institutions politiques d'être stables. Elle se fait toujours dans le cadre de l'intérêt supérieur de la nation et non pas pour consolider les pouvoirs des dirigeants. Mais malheureusement, les chefs d'Etats africains se cachent derrière la révision pour réaliser leur calcul politicien, et atteindre ainsi des objectifs personnels.

Or, la thèse ou la théorie de la stabilité constitutionnelle ne veut pas dire que les dispositions constitutionnelles sont immuables ; ces dispositions seraient immuables si elles devaient rester identiques. Sur ce, Jean GICQUEL pense que les constitutions ne sont pas des tentes dressées pour le sommeil. Elles subissent l'usure du temps, comme toutes les choses humaines. Vivre, n'est-ce pas s'adapter ! I9

D'où, les modifications ou les révisions constitutionnelles doivent se faire dans le but d'adapter les dispositions constitutionnelles à l'évolution de la vie humaine dans la société et non pour des intérêts égoïstes ou des calculs politiciens des dirigeants. La révision ne doit pas consister à la destruction ou à la désacralisation de la constitution.

Malheureusement, ce mécanisme constitutionnel tel qu'employé fait inéluctablement que les constitutions africaines deviennent, comme les qualifie le professeur Jacques DJOLI, des « constitutions de façade, une coquille vide, un panier à crabe » .20

I6 CHERIF OUAZANI, « La constitution au coeur des débats en Afrique », Jeune-Afrique l'inteligent, 48ème année, n°2466, du I3 au I9 avril 2008, pp . 62-63 .

I7 ASSANE MBAYE, Op. cit.

I8 Charte des Nations Unies, http://www .wikipedia .chartenationsunies .org, (Consulté le mardi I4 décembre 20I0) .

I9 GICQUEL, J ., Droit constitutionnel et institutions politiques, 20ème éd ., Montchrestien, Paris, 2005, p . I77 .

20 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel congolais, Notes de cours polycopiées, me Graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 2007-2008, p . 25 .

7

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

La constitution en Afrique n'est qu'une façade derrière laquelle se cache un régime politique peu soucieux du constitutionnalisme entant que technique de limitation du pouvoir. Et pourtant, le constitutionnalisme, hier chanté, loué et même canonisé par les dirigeants africains comme la voie royale pour leur développement économique, politique et culturel est en procès, accusé d'être responsable des difficultés que rencontrent les Etats, notamment l'instabilité gouvernementale et l'inefficacité du pouvoir politique. On l'accuse aussi d'être un héritage artificiel de la métropole complètement déconnecté des réalités africaines et d'être le ferment de particularisme qui cristallise les oppositions d'ordre ethnique, religieux ou culturel.2I

Les Etats ne se ressemblent pas mais les expériences des uns peuvent servir de modèle ou d'exemple pour les autres. Ainsi, la RDC a connu plusieurs textes fondamentaux qui ont régi le pays depuis son indépendance jusqu'à ce jour, avec la constitution du I8 février 2006 telle que révisée.

Pour rappel, la deuxième République a connu une histoire particulièrement mouvementée des révisions constitutionnelles, parce que la seule, la constitution du 24 juin I967 a connu un record de modifications, soit dix-sept fois au total. Ces incessantes révisions ont eu un impact négatif sur le régime politique qui a fatalement dégénéré en une dictature de triste mémoire.

Cependant, la philosophie de la refondation de l'Etat contenue dans le texte fondamental de 2006 voulait que celui-ci soit préservé des tripatouillages et des grenouillages22, comme l'a été la constitution de la deuxième république. Malheureusement, le vieux démon de cette dernière république et celui de certains Etats africains semblent toujours hanter la classe politique congolaise. Voilà qu'il y a de cela quatre ans que la constitution de 2006 vient d'être éventrée.

Cette révision à quelques mois des scrutins constituerait un test crucial sur le fondement moral de la démocratie au Congo .23 Ne serait-ce pas une manière d'entraver la démocratie dans ce genre de révision réputée d'urgence selon les dirigeants actuels du régime, ladite révision est sujette d'une frustration au sein de la classe politique congolaise.

2I BENGALY, A ., « Droit constitutionnel », http :// www .efccnigeria .org, (Consulté mardi le I4 décembre 20I0) .

22 DJOLI ESENG'EKELI, J ., cité par PUNGA KUMAKINGA, P ., Constitutions et constitutionnalisme en Afrique. Cas de la RDC, Mémoire de Licence, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2005, p . 8 .

23 DIKEBELAYI, J .M ., « Tentative de révision constitutionnelle à quelques mois des scrutins : un test crucial sur le fondement moral de la démocratie », http :// www .congolex, (Consulté le dimanche, 30 janvier 20II) .

8

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Face à cette situation constitutionnelle que traverse les Etats africains en général et la RDC en particulier, il nous parait loisible, pour dégager quelques pistes de solution, de susciter des questions pouvant élucider ou orienter notre démarche scientifique.

De ce qui précède, on peut logiquement se demander quel impact les révisions constitutionnelles ont-elles sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique et plus particulièrement en RDC ? Ces révisions concourent-elles au développement et au bien-être des populations du continent ? Sont-elles un facteur de préservation de la paix ou simplement un facteur provocateur des tensions dans les Etats ? A qui profitent vraiment les révisions constitutionnelles en Afrique ?24 Enfin, quelles sont les motivations qui conduisent aux propositions de révisions constitutionnelles ?

Telles sont les questions principales auxquelles cette recherche s'évertuera à répondre.

III. HYPOTHESES

Il est impérieux dans une analyse scientifique comme celle-ci d'émettre des hypothèses face aux différentes préoccupations soulevées sous forme des questions dans la problématique.

En effet, l'hypothèse est donc conçue comme une série des réponses qui permettent de prédire la vérité scientifique au regard des questions posées par la problématique .25 Elle est aussi l'explication provisoire à la nature des relations entre deux ou plusieurs phénomènes .26

En clair, l'hypothèse peut être considérée comme une affirmation vraisemblable mais non vérifiée, ou des réponses provisoires aux questions posées auxquelles l'analyse pourrait confirmer ou infirmer.

Cela étant, les révisions constitutionnelles en Afrique ont un impact lourdement néfaste sur le constitutionnalisme et la démocratie. On remarque qu'en dépit de la rigidité procédurale consacrée, s'installe curieusement une inflation révisionniste.

24 MOUSTAFA, E ., « A qui profitent les révisions ? », http ://www .amis .monde-diplomatique .fr, (Consulté le dimanche I3 février 20II) .

25 SHOMBA KINYAMBA, Méthodologie de la recherche scientifique, éd . M .E .S, Kinshasa, 2006, p . 52 .

26 MULUMA MUNANGA, Le guide du chercheur en sciences sociales et humaines, éd . Sogedes, Kinshasa, 2003, p . 34 .

9

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Cette dernière traduit en effet la permanence d'une grande instabilité constitutionnelle en Afrique. La révision la plus fréquente de nos jours est évidemment celle concernant la clause instituant la limitation des mandats présidentiels.

Cette pratique concerne la presque totalité des pays africains au point qu'on peut se demander, au vu de sa banalisation, si la révision constitutionnelle devient un simple processus d'ajustement de la norme fondamentale. Cette pratique constitutionnelle africaine révèle une institutionnalisation de la crise constitutionnelle, une instabilité chronique de la constitution caractérisée par des révisions beaucoup trop faciles susceptibles de créer une insécurité juridique .27 Ces révisions constituent également un danger pour le processus de la consolidation de la démocratie. Elles sont aujourd'hui un des enjeux de la lutte pour le pouvoir : chacun veut modifier la constitution pour s'assurer un avantage décisif dans l'accession ou le maintien à la commande .28

En plus, elles amènent un changement du régime, le système politique également change ; le chef de l'Etat institue la plupart du temps un pouvoir à vie qui souvent débouche sur des rébellions, des putschs ou des coups d'Etats qui visent à démettre de ses fonctions le 'monarque' ainsi installé au sommet de l'Etat. Ceci justifie bel et bien l'analyse du professeur André MBATA qui pense que le constitutionnalisme et la démocratie sont fortement menacés en Afrique ; et il renchérit que cela se fait dans des situations où l'élite intellectuelle est soumise à l'élite politique .29 Or, le respect de la démocratie, c'est le respect de la paix. Quand on a la démocratie, la paix et la sécurité suivent mais dans ce contexte, le non respect de la constitution et de la démocratie engendre l'insécurité.

Etant donné que les performances de tous ces Etats africains, à l'exception bien sûr de quelques uns, sont minables depuis des décennies, l'hypothèse selon laquelle « l'Afrique reste une fidèle abonnée aux basses marches de l'échelle du développement socioéconomique à cause, en grande partie, des malversations politiques et économiques des élites politiques qui la gouvernent, est plus que jamais plausible. En effet, contrairement au vin qui se bonifie avec l'âge, les dirigeants africains entrent en vieillissant, dans une dégénérescence politique qui les rend si allergiques aux

27ATANGANA AMOUGOU, J .L ., « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain », http ://www .droitconstitutionnelenafrique .org, (Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .

28 ALFA TOGA, B ., Op.cit.

29 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Responsabilité sociale des intellectuels du Congo et de la sous-région : constitutionnalisme, démocratie en Afrique centrale et renaissance africaine », http://www .afrique .kongotime .info « RDC », (Consulté le jeudi 02 décembre 20I0) .

I0

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

libertés individuelles et collectives, qu'ils mettent en place des innovations sociopolitiques régressives en matière de développement .30

Certains chefs d'Etats s'illustrent dans le néo-patrimonialisme et font régresser l'économique et réduire la res publica en leur profit. Selon J.F.Médard, le néo-patrimonialisme désigne « la confusion de la chose publique et de la chose privée qui est généralisée en Afrique qu'on en arrive à mettre en question la notion même de l'Etat, laquelle repose justement sur cette distinction. Le néo-patrimonialisme a pour résultat de personnaliser les relations politiques et de transformer les ressources politiques en ressources économiques .3I

En outre, le continent s'engouffre dans des crises interminables de tout bord, lesquelles crises ont souvent été malheureusement accompagnées de bain de sang et de massacre des populations. Nombreux sont encore ces pays qui payent et continuent à payer le prix de la discorde politique, très souvent née des tripatouillages constitutionnels.

Lorsque les armées nationales, transformées en milices des pouvoirs en place, torpillent toutes les manifestations populaires opposées aux dictatures qui font corps avec les intellectuels de système .32 Audacieuses et tenaces, les populations aussi à leur tour cherchent à reprendre leur destinée nationale en main. Ce qui entraine le pays dans une crise totale et généralisée.

Les révisions constitutionnelles sont devenues une pandémie de politique africaine qui sévit le continent. Elles ne sont probablement et la plupart du temps que profitables à leurs initiateurs. Puisqu'elles se pratiquent en Afrique comme un moyen pour les gouvernants non seulement de se maintenir au pouvoir, mais aussi de pérenniser leur système politique. Or, actuellement selon Salmon Pierre, l'émergence des systèmes politiques sont fondés sur des nouveaux principes : le pluralisme, l'alternance, l'Etat de droit .33

30 AMOUGOU, T ., Op. cit

3I MEDARD, J . F ., « L'Etat clientéliste transcendé », Politique africaine, n°0I, octobre, I996, pp . I20-I23 .

32 AMOUGOU, T ., Op. cit

33 PIERRE, S ., « Processus démocratique en Afrique : impact et perspectives » . Actes du colloque national, Cotonou, II avril, I994, p . I3 .

II

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Cette hypothèse se vérifie également dans le discours du président de l'Assemblée nationale congolaise, le professeur Evariste BOSHAB, lorsqu'il déclare : « la révision constitutionnelle est un exercice légal et démocratique, car la constitution n'est pas instituée « ad vitam aeternam » mais la constitution doit s'adapter à la réalité d'un peuple » .34

Comme on le voit, les constitutions africaines, en général et congolaises en particulier se sont toujours transformées en constitutions-programme, en lieu et place de constitutions-loi. La révision en janvier dernier de la constitution du I8 février 2006 n'a pas été dictée par un besoin d'adaptation ou une nécessité sociale. Les dirigeants en place au pouvoir étaient motivés par des visées électoralistes et l'assentiment du peuple n'a été recherché qu'après coup .35

Ainsi, seules les motivations politiques subjectives et personnelles sont à la base de la plupart de révisions constitutionnelles ou des propositions de révision constitutionnelle en Afrique, y compris en RDC. Ces révisions non seulement mettent en cause la stabilité des institutions et du régime politique, mais contribuent également à aménager un environnement propice au pouvoir.

IV . INTERET ET OBJECTIFS DU TRAVAIL

A . INTERET

Il est nécessaire de justifier le choix et d'en démontrer son vrai intérêt aussi bien scientifique que pratique. En effet, comme l'explique bien MBOKO DJ'ANDIMA : « le sujet doit avoir toujours un intérêt direct à la solution des interrogations et problèmes qui se posent à la communauté » .36

Ainsi, le choix de ce sujet présente naturellement pour nous un double intérêt : théorique et pratique, au regard de l'impact qu'entrainent les révisions constitutionnelles en Afrique, plus particulièrement en République démocratique du Congo.

34 NGAPI, R . et ETINGA, S ., « RDC : Evariste BOSHAB : la révision constitutionnelle n'est pas un tabou », http :// www.afrique.kongotime.info/rdc/parlement, (Consulté le dimanche 30 janvier 20II) .

35 La révision qui a eu lieu le I5 janvier 20II . Voir Loi-constitutionnelle n° II/002 du 20 janvier 20II portant révision de

certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du I8 février 2006, JORDC, n°3, Kinshasa, du Ier février 20II .

36 MBOKO DJ'ANDIMA, Principes et usages en matière de rédaction d'un travail universitaire, éditions CADICEC- UNIAPAC, Kinshasa, 2004, p . 2I .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

En effet, sur le plan théorique, l'option prise par ce sujet a été motivée par la sensibilité scientifique d'une question récurrente, mais virulente et qui serait à ce jour comme une pandémie qui menace l'Afrique et qui mérite l'attention de tout intellectuel, tant africain que congolais.

La révision constitutionnelle, en tant que mécanisme issu de la constitution, s'apprécie dans le cadre du droit constitutionnel en vue de faire comprendre aussi bien aux étudiants qu'aux citoyens comment tel mécanisme s'applique dans un Etat. Ce procédé de la révision n'est pas une question taboue, puisqu'elle est prévue dans presque toutes les constitutions à travers le monde, dont celle de la RDC. Ainsi, à travers cette étude, nous allons contribuer à ce débat combien houleux en Afrique sur l'opportunité des révisions constitutionnelles. Il s'agit, on le voit, d'un débat essentiellement juridique, qui mobilise de plus en plus des juristes publicistes.

Par contre, l'intérêt pratique de cette étude dans le contexte congolais tient au fait que l'histoire constitutionnelle de ce pays ne laisse aucunement de bons témoignages. En effet, les souvenirs d'une deuxième République où les constitutions pouvaient être promulguées aujourd'hui pour être suspendues demain sont encore vifs dans le chef des congolais. De sorte qu'avec un révisionnisme à outrance, un Etat aura du mal à instaurer une démocratie constitutionnelle, les révisions étant une occasion pour renforcer et pérenniser le pouvoir des dirigeants, lequel est forcément hostile aux exigences du constitutionnalisme. Et avec les tripatouillages de certaines dispositions révisées dernièrement pour aménager une issue heureuse aux détenteurs actuels du pouvoir, l'intérêt d'une telle étude en RDC se précise davantage.

Avec une révision obtenue comme par un coup de force ou un coup d'Etat constitutionnel, il y a désormais en RDC comme un paradoxe de la cohabitation entre une rigidité constitutionnelle formelle selon la théorie et une instabilité constitutionnelle réelle, au regard de la pratique. Ce paradoxe du nouveau constitutionnalisme africain mérite que l'on s'interroge sur le droit constitutionnel africain, car les mouvements démocratiques n'auraient aucune force si les risques d'instrumentalisation des constitutions demeuraient réels .37

En tout état de cause, cette jonction théorique et pratique fait apparaitre qu'il y a inadéquation ou incohérence entre d'une part ce qui est enseigné, voire ce qui est prévu et d'autre part ce qui est pratiqué ou ce qui s'applique au Congo-Zaïre.

I2

37 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cit.

I3

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

B . OBJECTIFS

A travers cette étude, nous nous sommes assigné des objectifs suivants :

· Savoir comment les dirigeants africains en général et ceux de la RDC en particulier arrivent à dépouiller la constitution de sa puissance suprême ;

· Analyser l'influence ou l'impact de la révision constitutionnelle sur le constitutionnalisme et la démocratie en RDC ;

· Faire comprendre à tout chercheur, à tout étudiant et au peuple souverain les différents enjeux constitutionnels à travers ce procédé de révision ;

· Envisager des pistes de solution.

In concreto, notre objectif consiste à apporter des réponses aux différentes préoccupations juridiques qui sont soulevées par les révisions constitutionnelles, une pratique qui s'observe dans notre pays et un peu partout dans le continent africain.

V . METHODOLOGIE

Pour mener à bien cette étude, nous avons en recours à quelques méthodes, lesquelles vont nous faciliter la tâche dans la démarche.

La méthode est constituée de l'ensemble d'opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontre et les vérifie .38 Elle est l'ensemble des règles visant surtout des processus et des formes de raisonnement et de conception rendant accessible des réalités à saisir .39

René DESCARTES la définit comme un chemin à suivre pour arriver à une vérité que l'on poursuit.49 En outre, elle est un moyen, pas une fin, elle est un instrument devant permettre à l'esprit de s'épanouir, à la réflexion de s'élargir, à l'expression de s'éclaircir .4I Il va de soi que l'essentiel dans un travail juridique réside dans la pertinence des idées. L'utilisation d'une méthode a pour objet de mettre en valeur la qualité de la réflexion.

Ainsi, nous allons faire recours aussi bien à la méthode juridique qu'à celles des sciences sociales. Chaque discipline a ses impératifs. Comme toute discipline

38 GRAWITZ, M ., Méthode en sciences sociales, Vol.8, éd . Dalloz, Paris, I996, p . 3I7 .

39 DUVERGER, M ., Méthode des sciences sociales, éd ., PUF, Paris, I964, p . 68 .

49 DESCARTES, R ., Discours dela méthode, Hachette, Paris, I937, p . 3 .

4I COHENDET, M .A ., Méthode de travail de droit public, 3ème éd ., Montchrestien, Paris, I998, p .I2

I4

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

a un objet et une méthode propre42, celle-ci ne reste pas hors réalité. C'est ainsi que se justifie la préséance de la méthode juridique dans ce travail par rapport aux autres méthodes prises d'une manière subsidiaire.

En droit, la méthode revêt plusieurs aspects. L'objectif du juriste étant de démontrer une solution juridique, la méthode qu'il utilise doit être entendue comme la «manière dont les juristes organisent leur raisonnement pour parvenir à ce résultat » .43

Ainsi, cette méthode juridique dans son approche exégétique sera d'une grande utilité à travers les différents textes que nous allons étudier dans le cadre de cette étude, en musant plus sur les constitutions dont on trouve des dispositions relatives à leur révisions ; ceci aura le concours de la « topique-problématisante »44, dans le cas spécifique de la constitution du I8 février 2006 telle que modifiée en ce jour.

La méthode juridique sera complétée par les méthodes de science politique, la méthode historique, celle comparative et également celle dialectique.

De manière claire, avec la méthode historique dans son approche diachronique, notre étude aura à relater quelques faits passés en RDC, mais aussi elle passera en revue l'histoire des révisions constitutionnelles intervenues sous la deuxième République.

Grâce à la méthode comparative, certaines révisions constitutionnelles avec leurs effets sur certaines valeurs constitutionnelles congolaises seront mieux comprises lorsqu'elles seront confrontées aux réalités de certains pays du continent. Donc, une voie qui nous plonge dans le droit constitutionnel comparé qui aura une très grande importance dans cette réflexion.

Enfin, la méthode dialectique pourra être d'un apport significatif d'autant que, procédant par l'opposition ou la contradiction faite entre des dispositions constitutionnelles prévues et celles pratiquées ou l'application de ces dernières et, analysant, discutant ce qui est et devrait être, ou aboutisse à des conclusions sous forme de synthèse, dégagée sur base de l'opposition thèse-anti-thèse.

42 MBOKO DJ'ANDIMA, Op. cit, p . 2I .

43 Idem.

44 La topique-problématisante est une méthode d'interprétation constitutionnelle. Elle est de plus en plus pratiquée en tant que telle dans la jurisprudence constitutionnelle. Elle est une méthode authentique de l'interprétation de la constitution. Voir WOLFANG, E ., Le droit, l'Etat et la constitution, LGDJ, Paris, 2000, p . 229 .

I5

I6

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

VI. REVUE DE LITTERATURE

Ce volet nous donne l'opportunité de passer en revue quelques auteurs qui ont donné leur point de vue sur les concepts que nous analysons dans le cadre de cette étude, en l'occurrence : la révision constitutionnelle, le constitutionnalisme et la démocratie dans leurs ouvrages respectifs. Il nous reviendra à nous, de donner notre position voire réaction face aux différents points de vue de ces auteurs.

Peter HABERLE45 dans son ouvrage "L'Etat constitutionnel", entrevoit l'idée d'une révision de la constitution comme l'expression du processus de croissance et de développements normaux de la constitution d'Etat constitutionnel. Or, dans la plupart de cas, la révision d'une constitution suscite toujours tant de problèmes et entraine parfois l'instabilité des institutions politiques ; elle provoque aussi l'insécurité et l'inquiétude de la population. Dans ce cas, la révision n'a rien à avoir avec le développement ou la croissance de la constitution.

Jean-Claude ACQUAVIVA46 dans son ouvrage intitulé "Droit constitutionnel et institutions politiques", pense quant à lui que toutes les précautions prévues dans toutes les constitutions ont le but de rendre difficile leur révision ; et parfois, d'autres dispositions rendent certaines révisions impossibles. Malheureusement, cette interdiction ou précaution reste contournable dans le sens que le pouvoir constituant dérivé n'a le droit de l'enfreindre, mais il lui arrive à la supprimer. Nous remarquons que, en dépit de cette limitation de la révision d'une constitution, le pouvoir constituant dérivé ou le pouvoir exécutif outrepasse ses prérogatives en faisant leur volonté et non seule du peuple souverain.

Dans "Constitutions en Afrique : Silence, on révise", Adja DJOUNFOUNE47 montre que l'alternance au pouvoir est devenue presque impossible, les pouvoirs en place modifiant sans cesse les dispositions de la constitution afin de permettre les candidatures à vie de leurs chefs. La révision constitutionnelle en Afrique est perçue d'abord comme « une technique d'établissement de la monopolisation du pouvoir » et ensuite comme « un instrument de pérennisation du système politique » .

45 HABERLE, P ., L'Etat constitutionnel, Economica, Paris, 2004, p .I20 .

46 ACQUAVIVA, J .C ., Droit constitutionnel et institutions politiques, 8ème éd ., Gualino, Paris, 2005, p . 67 .

47DJOUNFOUNE, A ., « Constitutions en Afrique : Silence, on révise », http://www .camerounmonpays .over-blog .com, (Consulté le mardi I4 décembre 20I0) .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Examinant également la récurrente question de révision constitutionnelle en Afrique, Thierry PERRET48, tout en admettant qu'une constitution change, se demande par ailleurs comment la révision doit s'effectuer. Il précise, sur base d'une différence qu'il opère entre la révision structurelle et celle conjoncturelle, que la révision ne doit pas être inspirée toujours par des considérations politiques. En clair, la révision ne doit pas être conjoncturelle, elle doit être structurelle.

Robert DOSSOU49 regrette quant à lui, que les récurrentes modifications sont loin de prendre en considération les aspirations, les intérêts du peuple, l'asservissent et en font des moutons de panurge. C'est souvent pour la conservation, la dévolution monarchique du pouvoir à un dauphin (un protégé dans les temps anciens, mais maintenant c'est l'ère des fils), que des constitutions sont modifiées avec une désinvolture presque insultante vis-à-vis du peuple. Ensuite, les dirigeants africains les considèrent comme des brouillons qu'on peut changer au gré de leurs humeurs. Or, la constitution n'est pas un jouet, moins encore la révision constitutionnelle n'est pas un mécanisme stratégique pour les élections, qui pour la plupart sont gagnées à l'avance. Ce sont des élections tronquées.

Dans "Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme africain", le professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU50 constate que ces révisions constitutionnelles ont été rendues possibles grâce à la docilité des parlements généralement dominés par l'ancien parti unique devenu largement majoritaire sous le multipartisme. Les majorités dont disposent, généralement, les dirigeants africains au sein des parlements du fait du parti dominant d'aujourd'hui, héritier du parti unique d'hier, leur permettent toujours de modifier la norme fondamentale en toute légalité. Bien plus, l'extrême facilité avec laquelle les révisions aboutissent en Afrique, témoigne d'une certaine instabilité de ces constitutions. C'est précisément cette instabilité de fait qui peut expliquer en partie la crise de la notion de constitution en Afrique. Cette crise ne se manifeste certes plus, dans le nouveau constitutionnalisme africain, par l'idée de bannir la constitution ou par des vides constitutionnels mais la remise en chantier permanente de nouveaux textes fondamentaux en est la traduction matérielle. Ceci se fait à partir du moment où une constitution peut être facilement modifiée, même en toute conformité avec la stricte légalité constitutionnelle, s'installe alors un risque réel de confusion entre la loi ordinaire et la constitution. Certes, la suprématie de la loi fondamentale y perd de sa substance. Cette prolifération de révisions constitutionnelles donne lieu à une

48 PERRET, Th ., cité par PUNGA KUMAKINGA, P ., Op. cif, p . 8 .

48 DOSSOU, R ., « L'inflation révisionniste », http:// www .facebook .com/topic .php, (Consulté le dimanche I3 février 20II) 50 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cif .

I7

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

récurrence des réformes institutionnelles, accréditant l'idée de la faible institutionnalisation de l'Etat africain.

ALIOUNE TINE51 entrevoit dans 'Toucher aux constitutions est un crime de haute trahisons' que les révisions à caractère opportuniste des constitutions africaines, affectent négativement le développement et le renforcement de la démocratie. Elles s'inscrivent dans un contexte global de régression de la démocratie en Afrique, qui se manifeste notamment par des élections frauduleuses, des élections gagnées en avance, tronquées voire contestées. C'est le cas pour la quasi-totalité des élections en Afrique. Cela démontre l'impunité par rapport aux révisions constitutionnelles. Cette impunité serait des coups d'Etat de type constitutionnel, laquelle permet à tout dirigeant africain qui a besoin d'être président à vie de faire sauter le verrou constitutionnel qui est pourtant essentiel pour la démocratie, pour sa vitalité, pour le renouvellement des cadres et même pour les nouvelles générations.

Le nouveau constitutionnalisme qui s'est installé dans ce paysage démocratique africain marquait clairement une volonté de rupture, à la fois avec la dictature des partis uniques et l'autoritarisme des régimes militaires. Pour éviter le retour des vieux démons, des procédures rigides de révision constitutionnelle avaient été imaginées pour décourager des velléités le retour au statu quo ante. Malheureusement, toutes ces précautions ne semblent pas avoir pesé bien lourd, face à l'irrésistible attraction du pouvoir chez les rois nègres qui, tels des snipers, ont entrepris de démolir tous les échafaudages juridiques, susceptibles d'entraver leur volonté de règne à vie ou règne éternel.52

Le professeur André MBATA53 dans 'Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006' pense qu'une constitution doit remplir certains critères pour se conformer à l'idéal du constitutionnalisme. Elle doit passer les tests de suprématie, de légitimité, de protection des droits de l'homme et de limitation des pouvoirs.

5IALIOUNE TINE, « Toucher aux constitutions est un crime de haute trahison », http://www .Africatime com/niger/nouvelle.asp, (Consulté le mardi 25 janvier 20II) .

52 GERMAIN NAMA, B ., « Révisions constitutionnelles en Afrique trouve un antidote aux révisions régressives », http:// www.evenement.bf.net, (Consulté le jeudi 28 janvier 20II) .

53 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 », in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise, (Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau), Bruylant --PUK, Bruxelles-Kinshasa, 2006, pp .I85-224 .

I8

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

VII. DELIMITATION DU SUJET

Comme tout travail scientifique qui exige une limitation, nous sommes amené, nous aussi, à circonscrire notre travail aussi bien dans le temps que dans l'espace ; cela nous départirait de toute généralisation abusive qui affecterait la validité de ce travail.

Ainsi, nous nous sommes focalisé sur les enjeux de la révision constitutionnelle sous la constitution de 2006 telle que modifiée en ce jour en République démocratique du Congo, y compris les précédents constitutionnels qu'a connus le Congo-Zaïre. Mais, cela n'empêcherait pas également d'effleurer quelques révisions des constitutions en Afrique, avec leur impact sur le constitutionnalisme et la démocratie.

VIII. PLAN SOMMAIRE

Cette étude est repartie en deux parties, précédées d'une introduction et suivies d'une conclusion.

La première partie est consacrée à l'approche théorique sur la constitution, la démocratie et le constitutionnalisme. Elle est scindée en deux chapitres dont le premier se focalise sur la constitution, la démocratie et le constitutionnalisme, le deuxième quant à lui traite des constitutions et révisions constitutionnelles en Afrique.

La seconde partie aborde les révisions constitutionnelles et le constitutionnalisme dans l'histoire constitutionnelle et politique de la RDC. Cette partie comporte deux chapitres. Le premier chapitre se penche sur les révisions constitutionnelles sous la première et la deuxième République ; le second et dernier chapitre aborde les révisions constitutionnelles sous la troisième République.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

PREMIERE PARTIE

APPROCHE THEORIQUE SUR LA C ONSTITUTION' LA DEMOCRATIE ET LE
CONSTITUTIONNALISME

La théorie est aussi une étape importante que la pratique dans un cadre spécifiquement scientifique, raison pour laquele cette première partie est entièrement théorique. Celle-ci s'efforcera d'exposer clairement la notion de la constitution, la démocratie et le constitutionnalisme.

Cette partie sera étudiée en deux chapitres, à savoir : constitution, constitutionnalisme et démocratie (Chap. I) ; constitutions et révisions constitutionnelles en Afrique (Chap. II).

20

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

CHAPITRE PREMIER

CONSTITUTION, CONSTITUTIONNALISME ET DEMOCRATIE

Au cours de ce chapitre, nous passerons en revue toute l'analyse sur la constitution, le constitutionnalisme et la démocratie car, la compréhension logique de la suite en dépendra énormément. C'est pourquoi, il convient d'abord de définir les différents concepts (section I), et par la suite de faire le rapport entre constitution, constitutionnalisme et démocratie (section II) .

SECTION I. DEFINITION DES CONCEPTS

§1 . CONSTITUTION ET CONSTITUTIONNALISME

Ces deux concepts concourent au même but et à la même finalité, c'est-à-dire ils sont des concepts inséparables ; l'un ne peut se détacher de l'autre.

1*1* CONSTITUTION

La constitution est conçue initialement comme un moyen pour lutter contre l'absolutisme royal de l'époque.

Cependant, il est impérieux avant tout de distinguer les conceptions de la constitution pour ne pas escamoter une partie de l'explication de cette notion. Sur ce, deux conceptions sont à l'origine des définitions d'une constitution, à savoir, la conception juridique et celle politique.

1°) Conception juridique

D'après cette conception, tout Etat a nécessairement une constitution du moment qu'apparait un pouvoir institutionnalisé permettant de différencier le pouvoir en soi et ses agents d'exercice .54 Ceci, puisque les gouvernants n'usent pas de leur prérogatives en vertu d'une qualité qui leur est propre, mais que celles-ci leur sont déléguées, ils doivent obligatoirement être désignés et investis d'un statut. Ce sont les règles relatives à ce mode de désignation, à l'organisation et au fonctionnement du pouvoir politique qui forment la constitution de l'Etat. Elle est le canal par lequel le

54 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Droit constitutionnel général, éd ., EUA, Kinshasa, 2005, p . II9

2I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

pouvoir passe de son titulaire, l'Etat, à ses agents d'exercice, c'est-à-dire les gouvernants .55

Or, la conception politique de la constitution serait largement différente de celle juridique. Elles n'ont pas la même acception.

2°) Conception politique

Selon le professeur Alphonse-Daniel NTUMBA LUABA, l'approche juridique de la constitution apparait neutre alors que la conception politique est plutôt orientée idéologiquement. Dans ce sens, les révolutionnaires français de I789 perçoivent la constitution non seulement comme le moyen d'organiser l'Etat, mais aussi de limiter le pouvoir du monarque et de garantir les libertés individuelles .56 C'est à cette conception que répond la formule de Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de I789-I79I en son article I6 que : « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, n'a pas de constitution » .57

Ces deux conceptions de la constitution nous ont permis d'entamer la définition proprement dite de la constitution.

En effet, la constitution peut se concevoir de deux manières ou sens : matériel et formel.

Au sens matériel, la constitution est entendue comme l'ensemble des normes juridiques régissant le fonctionnement des pouvoirs publics .58 Elle est la règle relative aux conditions d'acquisition et d'exercice du pouvoir politique .59

Ici, la réflexion s'attache plus sur l'objet, au contenu ou à la substance même de l'acte.

Quant au sens formel, la constitution s'entend comme le document qui réglemente les institutions et qui ne peut être élaboré ou modifié que selon une procédure différente des autres formes d'établissement des règles de droit .60 Elle apparait dans ce sens comme un ensemble de règles juridiques élaborées et révisées

55 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p . 75

56 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, p . II9 .

57 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p . 75

58 ibid., p . 76 .

59 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, p . I20 .

60MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p . 76 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

selon une procédure spéciale et supérieure à celle utilisée pour les autres normes juridiques .6I

La constitution est dès lors une norme stable, originaire, unificatrice et rationnalisante des règles de vie en société. Elle est supérieure à toute norme juridique, l'Etat est toujours soumis à elle .62

Certes, la forme de la constitution peut varier. Pour nous, elle est conçue comme écrite, mais la constitution peut tout à fait être coutumière (par exemple, la constitution Britannique). Egalement, des coutumes constitutionnelles peuvent compléter, contredire, voire affirmer le texte constitutionnel écrit. Existent aussi des conventions de la constitution, qui sont des accords institutionnels, souvent coutumiers, passés entre différents pouvoirs publics en marge d'un texte constitutionnel.

Enfin, la constitution peut avoir différentes qualités. Elle peut être souple ou rigide. Souple dont son mécanisme de révision est identique à celle d'une loi ordinaire. Ainsi, la constitution formelle est donc une loi. Sa forme ne diffère pas d'un texte législatif, et au final, il n'y a qu'une constitution rigide. A l'inverse, la procédure de révision de la constitution est différente de la loi ordinaire, elle est tout à fait spéciale .63

La constitution est créée par le pouvoir constituant originaire. Ce pouvoir constituant n'est pas appréhendé par le droit, c'est un fait politique, qui crée la constitution. Pour identifier la création d'une constitution, d'une révision constitutionnelle, il faut remarquer que la révision s'effectue dans le cadre prévu par la constitution. A l'opposé, le changement de constitution suppose une véritable rupture avec les procédures établies préalablement.

1*2* CONSTITUTIONNALISME

Comme précédemment pour la constitution, le constitutionnalisme a deux conceptions : classique et moderne.

1°) Conception classique

D'usage traditionnel, le constitutionnalisme désigne le mouvement historique d'apparition des constitutions et définit la signification d'une constitution

6I BIBOMBE MUAMBA, B ., Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de cours polycopiées, Premier Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIS, Kisangani, 2005-2006, p . 28 .

62 Droit constitutionnel, http://fr .wikipedia .org/wiki/droit^constitutionnel, (Consulté le vendredi 25 février 20II).

22

63 Idem.

23

24

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

comme technique de limitation du pouvoir .64 Il désigne aussi un courant politique, né de la révolution française dont le but principal fut la limitation du pouvoir par la constitution. Toute la littérature de cette époque mettait l'accent, pour définir cette notion, sur la limitation du pouvoir des monarques absolus .65

Cette conception rentrait dans l'optique même de la définition de la constitution qui était alors en vigueur. Il faut rappeler que la conception de la constitution dominante selon laquelle la constitution est l'ensemble des règles, des institutions relatives à l'organisation du pouvoir de l'Etat était une conception, comme l'avons-nous dit, essentiellement politique. De ce point de vue, même la limitation du pouvoir monarchique qui était prônée n'avait qu'une connotation simplement politique ou institutionnelle. Concrètement, il fallait limiter le pouvoir absolu du monarque au profit d'un parlement naissant, expression de la volonté populaire.

Eric OLIVA écrit : « le constitutionnalisme signifiait auparavant sous la révolution française, qu'une constitution écrite et rigide devait être adoptée, afin de limiter l'absolutisme monarchique .66

Pour Philippe RAYNEAUD, on parle parfois de constitutionnalisme « ancien » ou « médiéval » pour désigner les freins que les régimes de l'Antiquité mettaient à l'exercice du pouvoir politique afin de substituer le règne de la justice .67

Le constitutionnalisme est un mouvement qui a pour ambition de défendre la liberté et de limiter les nuisances du pouvoir politique au moyen de la « constitution » ou « loi fondamentale ».68

Alphonse-Daniel NTUMBA LUABA pour sa part, parle du « constitutionnalisme précolonial » qui assumait une double fonction : légitimer le pouvoir établi (par notamment la sacralité du pouvoir) et éviter que le pouvoir ne soit tyrannique. Cela visait la prédominance du sacré et aussi du groupe social sur l'individu.

Le « constitutionnalisme colonial », par contre, avait pour finalité, conformément aux intérêts de la métropole et autant que possible, de substituer un droit et des institutions d'origine européenne au droit et institutions traditionnelles africaines.

64 De VILLIERS, M ., Dictionnaire du droit constitutionnel, 5ème éd ., Armand-colin-Dalloz, Paris, 2005, p . 59 .

65 REYNAUD, Ph ., et RIALS, S ., (Dir .), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, Paris, I996, p . II8 .

66 OLIVA, E ., Droit constitutionnel, 4ème éd ., Dalloz, Paris, 2004, p . I6 .

67 RAYNAUD, Ph ., "Constitutionnalisme-, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003, p . 266 .

68Centre pour la gouvernance démocratique du Burkina-Faso, « Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina-Faso et du Sénégal », Op. cit.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Le « constitutionnalisme autoritaire » était dans presque tous les pays. Ceux-ci vont connaitre des régimes de monocratie constitutionnelle et monopartisanne, fondée sur la suprématie du parti unique sur l'Etat, culminant dans le règne du parti-Etat. Et enfin, le « constitutionnalisme démocratique » .69

Le constitutionnalisme est une doctrine fondée sur le constat de la suprématie de la constitution sur les autres normes juridiques nationales. Cependant, cette supériorité de la constitution qui était proclamée était encore politique à l'époque car, elle n'était pas encore garantie, comme plus tard, par le contrôle du juge.

Quant à Pierre PACTET, le constitutionnalisme désigne le mouvement qui est apparu au siècle des lumières, et qui s'est efforcé, d'ailleurs avec succès, de substituer aux coutumes existantes, souvent vagues et imprécises et qui laissaient de très grandes possibilités d'action discrétionnaire aux souverains, des constitutions écrites conçues comme devant limiter l'absolutisme et parfois le despotisme des pouvoirs monarchiques .70

De ce qui précède, nous disons que le constitutionnalisme est, dans son sens classique, un courant politique qui a pour objectif la limitation du pouvoir politique des gouvernants par la constitution.

Certes, à travers la conception moderne que nous allons maintenant examiner, nous découvrirons les différents aspects qui étaient négligés par la précédente conception du constitutionnalisme.

2°) Conception moderne

Aujourd'hui, écrit Eric OLIVA, l'expression constitutionnalisme traduit à la fois la supériorité politique de la constitution qui se traduit par l'adhésion de l'ensemble de la communauté nationale à la constitution, mais aussi juridique qui se traduit par l'invalidation des actes contraires à la constitution .7I

Comme on peut le constater, Eric OLIVA introduit un élément important que négligeait le constitutionnalisme classique, l'existence ou l'intervention du juge dans le respect de l'autorité de la constitution et certes dans la garantie des droits des citoyens.

69 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, pp . II6-II8 .

70 PACTET,P., Institutions politiques et droit constitutionnel, 20ème éd ., Armand-colin, Paris, 200I, p . 65 7I OLIVA, E ., Op. cit, p . I6 .

25

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Selon Philippe RAYNAUD, le concept de constitutionnalisme cette fois-ci, désigne les régimes politiques qui, grâce à l'établissement d'un contrôle de constitutionnalité exercé par une instance politico-judiciaire "indépendante", rendant possible la limitation du pouvoir législatif lui-même, en veillant à la conformité des lois à la constitution et à ses principes généraux, et non pas simplement à la légalité des actions du pouvoir exécutif et de l'administration .72

L'aspect du contrôle juridictionnel de la constitution est celui que met aussi en évidence la définition du dictionnaire du vocabulaire juridique : le constitutionnalisme est une doctrine fondée sur la défense de la supériorité normative de la constitution au moyen de la justice constitutionnelle .73

Comme le constitutionnalisme ancien, le constitutionnalisme moderne a suivi aussi l'évolution intervenue dans la définition même du concept de constitution. En effet, la conception ancienne entendait par la constitution une organisation politique des pouvoirs, des institutions de l'Etat. C'est pourquoi le constitutionnalisme comme courant politique faisait aussi penser au libéralisme, mieux aux institutions libérales ou démocratiques. En revanche, la conception moderne de la constitution est celle qui s'appuie sur la supériorité de la constitution non en tant qu'organisation du pouvoir politique mais en tant que norme juridique suprême à laquelle doivent se conformer toutes les autres normes inférieures, sous peine d'invalidation.

De ce fait, la limitation du pouvoir que poursuit le constitutionnalisme se fait au moyen d'une constitution, norme juridique supérieure dont le respect est garanti par un juge qui en est le gardien vigilant. C'est que la conception moderne du constitutionnalisme met l'accent principalement sur la constitution écrite, qui limite les pouvoirs des gouvernants, et sur la valeur hiérarchique de cette norme et sur le rôle actif du juge appelé à veiller sur son respect .74

En outre, la conception moderne du constitutionnalisme a dégagé d'autres aspects nouveaux, mais qui étaient latents dans la définition classique : la promotion et la protection des droits de l'Homme et la soumission de l'Etat au droit (Etat de droit). Au )()(ème siècle surtout, ces deux aspects ont fait clairement partie intégrante avec la limitation du pouvoir (séparation des pouvoirs) dans la définition complète du constitutionnalisme moderne.

72 RAYNAUD, Ph ., Op. cit., p . 266 .

73 CABRILLAC, (Dir .), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, Paris, 2004, p . I0I

74 PUNGA KUMAKINGA, P ., Op. cit ., p . 20 .

26

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Désormais, le constitutionnalisme est un courant politique qui, grâce au contrôle de la constitution par le juge, poursuit la limitation des pouvoirs des gouvernants, la protection des droits et libertés des citoyens et la promotion de l'Etat de droit.

Alors quel serait maintenant la conception de la démocratie dans toutes ses acceptions ? Le suivant paragraphe nous en dira plus.

§2 . DEMOCRATIE

La démocratie est un vieux concept qui a connu et continue à connaitre de controverses d'interprétation, parce que défiguré, déformé voire caricaturé par rapport à d'autres concepts dans la théorie et la pratique politique. C'est ainsi que le professeur André MBATA constate que dans le temps et dans l'espace, la démocratie a acquis des sens différents voire contradictoires. La démocratie a souffert autant de ses loyaux partisans que de ses plus farouches ennemis .75

En effet, la définition la plus connue de la démocratie est celle généralement attribuée au Président Abraham LINCOLN, qui sans pourtant la définir, se référait à la démocratie comme étant « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » (dans un mémorable discours prononcé à Gettysburg le I9 novembre I863) . La difficulté avec cette définition est qu'elle est loin d'être une réalité. Le peuple n'a véritablement jamais gouverné pour lui-même. Ce sont plutôt des personnes ou des groupes de personnes qui gouvernent ou prétendent gouverner en son nom et au milieu de ses intérêts mais en vrai pour servir leurs propres intérêts qu'ils tendent à confondre avec ceux du peuple .76

Ainsi, au milieu de nombreuses définitions de la démocratie aussi contradictoires, les unes que les autres, définir la démocratie est devenue un véritable défi en sciences sociales. Mais hélas, deux grandes conceptions se disputent le champ

75 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., " Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise, (Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau), Bruylant --PUK, Bruxelles-Kinshasa, 2006, pp . I85-224 .

76 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., " Suprématie de la constitution, indépendance du pouvoir judiciaire et gouvernance démocratique en RDC", in BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., MBATA BETUKUMESU MANGU, A . et KIENGE KIENGE INTUDI, R . (Dir .), Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence démocratique en République Démocratique du Congo, (Actes des Journées scientifiques de la Faculté de Droit de l'UNIKIN I8-I9 juin 2007), PUK, Kinshasa, 2007, pp . 394-406 .

27

28

29

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

définitionnel de la démocratie, à savoir : les conceptions minimalistes et celles maximalistes.

2*1* Conceptions minimalistes

Elles sont généralement basées sur les institutions de gouvernement et d'autres qui y sont étroitement liées, particulièrement les partis politiques et les élections. La démocratie est définie comme une machinerie d'institutions, procédures et rôles .77 Les conceptions minimalistes débouchent sur une définition formelle et institutionnelle de la démocratie.

Nous pouvons dire que, l'idée de la démocratie formelle vise dans ce cas trois éléments: la compétition pour l'exercice du pouvoir politique, la participation politique dans le choix des dirigeants et des politiques, ainsi que les droits civils et politiques.

Or, suivant les vues des minimalistes, la démocratie est synonyme de démocratie compétitive et multipartisane. C'est dans ce sens que Sandbrook conçoit la démocratie comme un système politique caractérisé par des élections libres et régulières dans lesquelles les hommes politiques organisés en partis politiques se disputent la formation du gouvernement, par le droit de vote actuellement reconnu à chaque citoyen, et par des garantis de droits civils et politiques .78

2*2* Conceptions maximalistes

Elles se basent sur la substance de la démocratie, sur les valeurs qu'elle est censée servir, particulièrement l'égalité sociale et les droits socio-économiques. Cela veut dire que la démocratie est essentiellement socio-économique et populaire. Les maximalistes adoptent une définition extensive de la démocratie qui va au-delà des institutions et des droits civils et politiques pour inclure les valeurs et les droits socio-économiques.79

77 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., "Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cit, p .

I95 .

78 Sandbrook cité par MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., "Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cit, p . I96 .

79 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., "Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cit, p .

I96 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

La démocratie est cependant à la fois, formelle et institutionnelle mais également substantive, fondée sur des valeurs sociales et la promotion des tous les droits humains, qu'il s'agisse des droits civils et politiques, des droits économiques, sociaux et culturels, de droits individuels, collectifs ou communautaires. C'est ainsi que la démocratie ne saurait se concevoir sans respect des droits de l'homme, sans l'Etat de droit, sans élections ni partis politiques.

La démocratie est le gouvernement de tous. Dans une démocratie véritable (...), le pouvoir appartient au peuple qui l'exerce directement. Le peuple est lui-même magistrat et législateur .80 Le feu professeur Bonaventure BIBOMBE renchérit que, la démocratie est le pouvoir du peuple, par les élites issues du peuple et pour le peuple .8I

En définitive, la démocratie est le gouvernement choisi par le peuple et pour le peuple, étant donné que le gouvernement est issu du peuple, doit fonctionner avec les règles reflétant la volonté de ce peuple dans les règles de droit. Elle est aussi en outre, le gouvernement de la majorité, sous l'oeil vigilant ou sous le contrôle de la minorité, donc opposition et avec l'arbitrage du peuple.

SECTION II. RAPPORT ENTRE CONSTITUTION, CONSTITUTIONNALISME ET DEMOCRATIE

Ces trois concepts entretiennent des rapports très étroits entre eux. Les uns constituent l'instrument des autres en vue d'une bonne évolution.

Ainsi, cette section va analyser d'abord le rapport entre la constitution et le constitutionnalisme (§I), et ensuite le rapport entre la démocratie et le constitutionnalisme (§2) .

§1 . CONSTITUTION ET CONSTITUTIONNALISME

Le lien de rapprochement entre constitution norme et constitutionnalisme n'est forcement perceptible qu'à travers l'analyse de différentes conceptions de la constitution.

80 NTUMBA LUABA LUMU, A ., Op. cit, p . 327 .

8I BIBOMBE MUAMBA, B ., Introduction à la science politique, Notes de cours polycopiées, Premier Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2007, p .I3I .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

1*1* Conception descriptive de la constitution

Au sens organique ou descriptif, la constitution n'est rien d'autre que le gouvernement d'un Etat et en ce sens, les termes "constitution" et "gouvernement" sont interchangeables .82

Cette conception se donne pour tâche de décrire l'organisation de l'Etat, la structuration des institutions sans trop se pencher sur le contenu de celle-ci, voire de la philosophie qu'elles dégagent. C'est la conception développée par Lord BOLINGBROKE en Angleterre, pour qui la constitution était "cet ensemble des lois d'institutions et d'usages issus de certains principes déterminés de la raison qui concourent à l'organisation générale du système sur lequel s'est accordée une communauté pour être gouvernée .83

Non seulement cette conception s'appuie sur l'aspect matériel de la constitution, elle étudie des institutions politiques, elle privilégie également le rôle de l'Etat au détriment de celui de l'individu. De cette manière, la constitution est l'ordre politique ou le principe premier de l'unité politique .84

La constitution en tant qu'ordre politique ou principe premier de l'unité politique a été soutenue par le philosophe allemand Hegel. Ce dernier estimait que la constitution, quelle qu'elle soit, correspond à la structure réelle de l'organisme politique et non à sa structure réelle de l'organisation politique et non à sa structure normative .85

Selon l'analyse de Hegel, la conception de la constitution qui consiste à mettre des freins à l'action de l'Etat sacrifie ce dernier sur l'hôtel de la seule liberté individuelle .86

En préconisant la disparition de l'individu au profit de l'Etat, cette conception ne peut s'adopter que dans les systèmes autoritaires où au nom de l'Etat, les gouvernants confisquent toutes les libertés individuelles. C'est une conception dangereuse pour l'homme, car elle incite à la déshumanisation de la personne, entreprise radicalement opposée aux idéaux du constitutionnalisme .87

82 ZOLLER, E ., Droit constitutionnel, 2ème éd ., PUF, Paris, I999, p . II

83 Idem.

84 REYNAUD, Ph ., et RIALS, S ., Op. cit, p . II8 .

85 Ibid. p .I22 .

86 Idem.

87 PUNGA KUMAKINGA, P ., Op. cit, p . 52 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

La conception descriptive, organique ou institutionnelle a montré ses limites dans les pays de l'ex-Union Soviétique. C'est pourquoi, il importe de lui préférer la conception normative, susceptible de s'adapter aux exigences du constitutionnalisme moderne.

1*2* Conception normative de la constitution

Il faut d'emblée signaler que la conception normative de la constitution s'est développée aux Etats Unis d'Amérique avant de gagner actuellement tous les continents. En effet, pour imposer l'idée d'une constitution normative, les américains ont commencé, lors de la révolution, à élaborer des constitutions écrites pour se démarquer fondamentalement de leurs anciens colons britanniques pour qui, nous l'avons vu, la constitution est un "ensemble des lois, des usages, des institutions formant un système de gouvernement .88

Ainsi, au sens normatif, une constitution est la loi fondamentale et suprême que se donne un peuple libre.

Comme on peut le constater, cette conception américaine de la constitution met l'accent sur la force juridique de la constitution car, elle est non pas une organisation institutionnelle mais avant tout une norme, une règle de droit qui est fondamentale et suprême.

Par ailleurs, cette norme suprême et fondamentale à laquelle devraient se conformer les actes des pouvoirs institués avait un contenu précis : garantir les droits et libertés des citoyens et déterminer l'organisation des pouvoirs publics. De cette manière, une constitution est, au sens moderne et donc normatif, un document écrit qui garantit les droits et libertés et détermine l'organisation des pouvoirs publics et leurs rapports réciproques .89

Contrairement à la conception descriptive ou organique qui privilégiait l'Etat au détriment de l'individu, la conception normative limite les pouvoirs de l'Etat au profit des libertés individuelles. Du coup, la conception normative de la constitution fait de la liberté l'objet principal de cette norme fondamentale et suprême. Et ce n'est pas sans raison que Elisabeth ZOLLER écrit : "une constitution normative est le droit fondamental et suprême d'un peuple libre" .90

88 ZOLLER, E ., Op.cit, pp . 35-36

89 Idem.

30

90 Ibid., p . 57

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

En sus, la différence entre la constitution descriptive et celle normative est bel et bien dégagée à travers les apports américains à l'idée moderne de constitution en tant que loi suprême et fondamentale. Une constitution est un document écrit, élaboré le cas échéant, amendé par une "convention", Assemblée spéciale, élue par le peuple et investie du pouvoir constituant, soumis à la ratification populaire dont le respect est garanti par le contrôle judiciaire de constitutionnalité des lois .9I

Ainsi donc, ceci nous plonge dans le lien entre la constitution normative et le constitutionnalisme en vue de mettre en clair leur rapprochement.

1*3* Lien entre la conception normative de la constitution et le constitutionnalisme

La lecture de l'article I6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen a révélé aussi que les deux conditions d'une véritable constitution (constitution comme norme fondamentale et suprême) sont la garantie des droits et la séparation des pouvoirs. Or, le constitutionnalisme implique justement la séparation des pouvoirs, la promotion et la protection des droits fondamentaux et l'instauration de l'Etat de droit.

Il apparait de toute évidence que le constitutionnalisme se fonde sur la constitution norme pour réaliser son objectif de limitation du pouvoir, même s'il n'est pas à réduire à la seule constitution. Il est certain que le constitutionnalisme procède de la philosophie politique libérale. Cependant, sa spécificité provient du fait que la limitation du pouvoir politique qu'il poursuit est réalisée au moyen du droit, au moyen de la constitution conçue comme norme juridique .92

La constitution normative est un des instruments juridiques indispensables du constitutionnalisme, ensemble avec le contrôle de constitutionnalité des lois. Toutefois, c'est ici qu'il faut insister, le constitutionnalisme peut être une réalité dans un Etat qui n'a pas de constitution au sens où nous l'entendons. Le cas de la Grande Bretagne est, à notre avis, plus évocateur.

Certes, une certaine opinion soutient que la Grande Bretagne, du fait qu'elle ne dispose pas d'un texte constitutionnel et par conséquent n'organise pas un contrôle de constitutionnalité, ne développe pas un constitutionnalisme. Cette opinion, nous ne la partageons pas et ce, pour deux raisons fondamentales.

9I ZOLLER, E ., Op.cif, p . 40 .

3I

92 REYNAUD, Ph . et RIALS, S . (Dir .), Op. cif, p . II8

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

D'abord, le constitutionnalisme prône un gouvernement libéral, un gouvernement limité. Il procède comme nous venons de le dire, de la "philosophie de la démocratie libérale-.93 Or, en démocratie, écrit Jean du Bois de GAUDUSSON, cité par Thierry PERRET94, il y a une morale du constitutionnalisme, qui fait qu'on ne peut pas utiliser, même régulièrement, tous les mécanismes constitutionnels pour atteindre n'importe quel objectif. C'est le principe du constitutionnalisme démocratique, de poser un certain nombre des limites, pas forcément d'ailleurs inscrites dans la constitution. Il appert que le constitutionnalisme peut trouver sa place même au-delà d'une constitution écrite normative.

Ensuite, les anglais, même s'ils n'ont jamais adopté une constitution écrite au sens formel, ils ont une constitution au sens matériel tant leurs lois et leurs coutumes assurent la garantie des droits et libertés fondamentaux, organisent la séparation des pouvoirs et nul ne peut prétendre que l'Angleterre n'est pas un Etat de droit. Aussi, écrit Constant, « une constitution est la garantie d'un peuple : par conséquent, tout ce qui tient à la liberté est constitutionnel, et par conséquent aussi, rien n'est constitutionnel de ce qui n'y tient pas .95 Certes, toutes les lois, les coutumes et les principes anglais relatifs aux libertés et aux droits de l'Homme ont une valeur constitutionnelle. De sorte que tous les actes des pouvoirs avec eux seraient d'office invalidés. Sans doute, un contrôle de constitutionnalité qui est exercé.

En outre, avec l'adoption en I998 du Human Rights Bill qui incorpore les principales dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme dans le droit anglais, un véritable contrôle de conformité des normes à la loi qui a incorporé cette convention est organisé, et avec toutes les conséquences juridiques quant à ce .

En sus, il y a un lien manifeste entre la constitution-norme et le constitutionnalisme, celle-là étant l'un des instruments indispensables dont se sert celui-ci, sans être pour autant l'unique.

Mais, si la constitution entretient de rapport ou s'il existe un lien net entre celle-ci et le constitutionnalisme, il en existe aussi entre la démocratie et ce dernier.

93 REYNAUD, Ph . et RIALS, S . (Dir .), Op. cit, p . II8

94 PERRET Th ., Op. cit, p . I .

32

95 REYNAUD, Ph . et RIALS, S . (Dir .), Op. cit, p . I2I

33

34

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

§2 . DEMOCRATIE ET CONSTITUTIONNALISME

Ces deux concepts sont actuellement liés intimement l'un à l'autre. Comme nous l'avons dit précédemment, la démocratie exprime l'idée du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ce qui justifie en clair que le peuple est le titulaire de la souveraineté qui est consacrée par l'instrument du constitutionnalisme qui est la constitution.

Dans son acception courante, le constitutionnalisme désigne un mouvement qui vise à mettre en oeuvre un idéal par les moyens propres du droit constitutionnel. Son contenu est donc variable, puisque le but visé est lui-même changeant. Longtemps, le constitutionnalisme eut pour objet la mise en oeuvre et la préservation de la liberté politique. Il mériterait donc parfaitement l'appellation de constitutionnalisme libéral au sens politique du terme évidemment. Aujourd'hui, le constitutionnalisme se résume volontiers par la formule « démocratie par le droit » . Même si l'on admet que la seconde contient la première, elle ne s'y réduit évidemment pas. Un nouveau constitutionnalisme se donne pour tâche une démocratisation des sociétés démocratiques, autrement dit, un renforcement de l'influence des citoyens dans la gestion de leurs propres affaires .96

Selon le professeur André MBATA, dans un Etat démocratique, c'est le peuple qui est souverain dans ce sens qu'il gouverne et qu'aucun gouvernement n'est habilité à gouverner sans son consentement97, pour qu'un gouvernement soit en mesure de bien diriger dans un Etat démocratique, il lui faut préalablement l'aval ou l'accord du souverain qui est le détenteur originaire du pouvoir politique d'un Etat.

Les notions de constitution et de démocratie ne sont mises en relation que dans le cadre épistémologie d'une doctrine ; le constitutionnalisme, qui pense la constitution comme moyen de la démocratie, la démocratie par le droit, cette fonction politique attendue de la constitution est présentée comme la conséquence nécessaire des trois propriétés de la constitution. Une constitution est d'abord, un texte écrit et cette écriture des règles d'exercice du pouvoir permet au peuple de voir si la pratique du

96 DENQUIN, JM ., « Situation du constitutionnalisme. Quelques réflexions sur l'idée de démocratie par le droit, http://www.juspoliticum.com/Jean-Marie-Denquin-Situation.html, (Consulté le mardi I9 avril 20II) .

97 MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., "Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 ", in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Op. cif . pp . I99-200 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

pouvoir s'inscrit ou non dans le respect du texte et, le cas échéant, de sanctionner une violation .98

Cependant, le constitutionnalisme est donc un instrument de démocratie, alors que l'inverse n'est pas vrai, et bien que les deux principes soient foncièrement antithétique : puisque le premier vise la limitation du pouvoir et la séparation entre public et privé tandis que la démocratie vise à accroitre le pouvoir du peuple et affirme l'identité entre gouvernants et gouvernés, cette synthèse improbable se donne autant comme une contrainte du libéralisme sur la démocratie que comme une sauvegarde de cette dernière à l'ère des masses .99 Elle se tient selon David Beetham en cinq principes clés : la garantie des droits fondamentaux des individus ; l'Etat de droit ; le pluralisme des fins qui invalide toute idée d'un bien de la société .I00

Comme on le sait, dans sa définition moderne, le constitutionnalisme suppose également l'existence d'un organe chargé de veiller au respect de cette supériorité hiérarchique de la constitution. Cet organe est actuellement dans la plupart des pays la cour constitutionnelle. Cette notion du constitutionnalisme a donc connu une notable évolution depuis la seconde moitié du XXème siècle.

La démocratie, quant elle, est traditionnellement définie comme un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu et contrôlé par le peuple, qui l'exerce lui-même ou par l'intermédiaire des représentants qu'il élit. Et la mise en oeuvre de ce principe est cependant variable en fonction de la forme de démocratie retenue. Elle s'exprime à travers l'effectivité du droit de suffrage. Certes, le constitutionnalisme est une garantie de la démocratie, c'est-à-dire elle est garantie par une constitution et que la constitution est par nature démocratique. Cette démocratie, dans l'esprit athénien et tel que défini par A . Lincoln, est caractérisée par la suprématie de la volonté populaire, donc la garantie sans conditions des droits et libertés individuelles et le contrôle par le peuple de l'exercice du pouvoir .I0I

La démocratie constitutionnaliste tire ainsi les enseignements d'une philosophie libérale et d'une pratique démocratique dont les Etats-Unis ont été le premier

98 ROUSSEAU, D ., « Constitutionnalisme et démocratie », http ://wwwlavie-decidee:fr/constitut-et-dem .htm, (Consulté le vendredi, 08 avril 20II) .

99 ARON, R ., Démocratie et totalitarisme (1965), Gallimard, Paris, 200I, p . I29 .

100 BEETHAM, D ., cité par Muriel Rouyer, « Constitutionnalisme, comparaison, complexité : les défis de l'Union Européenne entre transition, élargissement, globalisation », http ://www.Caim.info/publications-de-Rouyer-Muriel, (Consulté le vendredi 08 avril 20II) .

I0ICOHEN TANUGI, L ., « Démocratie et constitutionnalisme », http://www .oboulo .com/constitutionnalisme-democratie, (Consulté le mardi I9 Avril 20II) .

35

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

laboratoire conceptuel. Et le constitutionnalisme, dans sa version substantielle ou normative renvoie à un « courant de la pensée politique qui envisage la constitution comme technique de pouvoir destinée à garantir la liberté de l'individu » ce qui ; par extension, en fait une technique consistant à établir et à maintenir des freins effectifs à l'action politique et étatique .I02

Assimilé, dans l'héritage classique au gouvernement modéré ou mixte, inspiré de la politéia aristotélicienne, « la meilleure des constitutions possibles », le constitutionnalisme fait de la constitution une norme juridique fondamentale émanant non du gouvernement mais du peuple constituant un gouvernement. Cela lui confère une légitimité démocratique contractualiste, dont la théorie lockéenne de la souveraineté populaire a donné la formule : tout gouvernement doit respecter la constitution, norme juridique fondamentale, par ce qu'elle exprime la confiance initialement placée par le peuple en ses mandants, mais que celui-ci a le droit de révoquer si ces derniers les trahissent .I03

L'Amérique, terre de fondation durable de la liberté politique selon Arendt, a donné au constitutionnalisme ses lettres de noblesse. Les Etats-Unis furent en effet les inventeurs de la technique juridique du constitutionnalisme, avec le recours en inconstitutionnalité, opérée par le juge, au nom de la constitution. Un siècle après la proclamation par le « peuple » américain de sa constitution, la conjonction entre la constitution comme norme juridique suprême et le recours en inconstitutionnalité comme remède aux abus du pouvoir était opérée par le juge Marshall dans sa décision Marbury vs Madison de I883 . De cette action posant l'autorité politique de la constitution et donnant aux juges les moyens de fonder leurs arrêts sur la constitution plutôt que sur les lois, découle, comme l'avait remarqué Tocqueville, une « grande influence politique » du pouvoir judiciaire américain, pourtant réputé le plus faible des trois pouvoirs .I04

Dans ce contexte typiquement américain propice à une politique des droits, s'est développée une justification philosophique de la démocratie constitutionnelle, qui accorde un rôle prééminent au juge et a inspiré le tournant jurisprudentiel de la démocratie à travers le monde. Sur ce, la démocratie a vu, dans le contexte du

I02 BEAUD, O ., (Dir .), « Constitution et constitutionnalisme », dans Philippe REYNAUD, Stéphane RIALS (Dir .), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, Paris, I996, p . II8 .

I03 LOCKE, J ., Traité du gouvernement civil, trad. de l'angl. par David Mazel, Garnier-Flammarion, Paris, I992, p . 265 .

I04 De TOCQUEVILLE, A ., De la démocratie en Amérique, Tome I, Garnier-Flammarion, Paris, I98I, p . 6 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

renforcement de l'Etat de droit en Europe après guerre, se déplacer le lieu d'exigibilité de la démocratie des urnes électorales vers les cours de justice .I05

Ainsi donc, le constitutionnalisme est un moyen pour la démocratie de bien s'épanouir, d'émerger et de bien s'exprimer dans Etat de droit. Les principes et les valeurs démocratiques d'un Etat de droit sont contenus dans un pacte social qui est la constitution, laquelle est un instrument du constitutionnalisme.

Ce premier chapitre s'est attelé sur l'analyse conceptuelle de la constitution, le constitutionnalisme et de la démocratie. Nous avons eu à passer en revue toutes les définitions de ces différents concepts. En plus, nous étions amené à faire le rapport existant entre eux de manière générale. Dès lors, dans le second chapitre, il sera question plus spécialement d'analyser les constitutions et les révisions constitutionnelles en Afrique.

36

I05 RAYNAUD, Ph . Cité par Muriel Rouyer, « Constitutionnalisme..., Op. cit.

37

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

CHAPITRE DEUXIEME

CONSTITUTIONS ET REVISIONS CONSTITUTIONNELLES EN AFRIQUE

Si en I990, le vent de la démocratie avait soufflé sur le continent africain, aujourd'hui, c'est plutôt le vent de la modification des constitutions qui ravage l'Afrique. Cette révision revêt une dimension importante dans l'évolution du constitutionnalisme africain, non seulement par ce qu'elle constitue un élément moteur, mais surtout par ce qu'elle démontre certaines conceptions du pouvoir politique dans le continent tout entier .I06 C'est ainsi que nous allons nous focaliser dans ce chapitre sur les caractéristiques des révisions constitutionnelles africaines (Sect. I), les facteurs ainsi que les conséquences des révisions constitutionnelles sur le constitutionnalisme et la démocratie en Afrique (Sect. II) .

Cependant, avant d'aborder pleinement cette épineuse question des révisions constitutionnelles, quelques lignes méritent d'être réservées aux constitutions africaines en tant que telles, avant qu'elles soient soumises à l'épreuve des modifications.

En effet, si sous d'autres cieux, la constitution est considérée comme « un bréviaire » chez les chrétiens, c'est-à-dire un instrument de référence pour l'Etat, en Afrique, il en est tout autre.

Cet instrument juridique qui est pourtant le fondement de toutes les normes étatiques est régulièrement violé par les dirigeants africains. Constitution est galvaudée de tout bord comme l'affirme Bedel BAOUNA : « si les textes fondamentaux avaient été des personnes humaines, elles auraient avalé de l'arsenic pour s'épargner des souffrances interminables »I07 . Ces constitutions présentent une face défigurée, caricaturée, dénaturée, démolie ; elles subissent une chirurgie dramatique perpétuelle, comme pour mieux les adapter aux souhaits de ceux qu'elles servent. Si les constitutions ont officiellement tué le monopartisme, elles ont en revanche institué une technique, celle de la conservation du pouvoir.

Pratiquement, les constitutions africaines ont un caractère apparent, tant certains dirigeants ne les appliquent pas tellement ou les appliquent strictement lorsque

I06 DJOUNFOUNE, A ., cité par THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage par les kleptocrates », http://www .couleursdafrique .eu/Afrique-les-revisions-constitutionnelles .html, (Consulté le mardi I8 avril 20II) .

I07 BAOUNA, B ., « Constitution, un mot vide de sens en Afrique », http://www .afrik .com/article, (Consulté le dimanche I3 février 20II) .

38

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

les dispositions sont à leur faveur ; certains vont jusqu'à les suspendre lorsqu'elles les empêchent dans une entreprise quelconque.

Préoccupé par l'accroissement d'un pouvoir personnel toujours plus fort, beaucoup de dirigeants africains en général et congolais en particulier ont utilisé la constitution, non comme un frein aux tendances vers l'arbitraire de leurs gouvernements, mais plutôt pour faciliter et légitimer leurs pouvoirs de domination sur les populations de leurs pays. Pour y parvenir, ils ont le plus souvent utilisé la technique d'interprétation des textes dans le sens de justifier les décisions qu'ils ont été amenés à prendre pour renforcer leurs pouvoirs .I08

Si le professeur Ambroise KAMUKUNI a plus musé sur l'interprétation des textes pouvant conduire ces autorités politiques dans un renforcement exacerbé de leurs pouvoirs, nous voyons ce qui détruit plus le texte fondamental et renforce les pouvoirs de dirigeants africains est bel et bien la révision constitutionnelle, laquelle constitue un mécanisme destructeur des constitutions en Afrique.

Aussi, la plupart des africains (populations) méconnaissent-ils ou ignorent-ils leurs constitutions. Cette méconnaissance des principes constitutionnels de base et des droits fondamentaux est également mise en exergue par le professeur Ambroise KAMUKUNI : « qu'il est vrai que la grande majorité des textes constitutionnels en vigueur sur le continent ne tiennent compte ni de grands principes constitutionnels au point que le texte dit constitutionnel n'est ni légitime, ni suprême, que les pouvoirs étatiques ne sont pas réellement séparés et que les droits ne sont pas effectivement protégés. Il suffit de se référer déjà à l'élaboration des textes constitutionnels pour se rendre compte que les principes fondamentaux, qui accompagnent l'idée même de constitution et justifient son existence, ne sont pas toujours pris en compte par les dirigeants politiques qui s'arrogent le droit de confectionner, n'importe comment et quand l'envie les en prend, les textes généralement destinés à légitimer leurs pouvoirs plus vis-à-vis de l'opinion internationale très regardante à la forme du pouvoir détenu par les dirigeants africains, que l'opinion nationale privée du savoir constitutionnel. Ces textes qui, dans leur grand ensemble, écartent le peuple du champ des tractations de son élaboration, ne séparent pas suffisamment les pouvoirs étatiques entre divers organes et ne garantissent pas assez les droits humains » .I09

I08 KAMUKUNI MUKINAY, A ., Contribution à l'étude de la fraude en droit constitutionnel congolais, Thèse de doctorat en Droit public, Université de Kinshasa, 2007, p . 209 .

I09 KAMUKUNI MUKINAY, A ., Institutions politiques de l'Afrique contemporaine, Notes du cours polycopiées, Troisième Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIN, 2008-2009, p . I6 .

39

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

C'est le sens même de la maîtrise de l'ingénierie constitutionnelle qui consiste tout simplement aux mécanismes et aux procédures destinées à l'optimisation des règles d'organisation du pouvoir dans l'Etat relatives à la dévolution et à l'exercice du pouvoir, à la légitimité et à la légalité ; et des déclarations des droits de l'Homme et du citoyen. Ces mécanismes sont liés soit à l'établissement des constitutions, ici, on voit le pouvoir constituant originaire, assemblée constituante, référendum ; soit à leur

révision .II0

Indépendamment de son contenu, la constitution, en tant qu'instrument par excellence de légitimation et de limitation des pouvoirs des gouvernants, doit bénéficier de certains droits qui puissent lui permettre de rendre son contenu applicable. Parmi les droits dont doit jouir la constitution en vue de rendre ses dispositions effectives, deux méritent une attention particulière : il s'agit d'abord du droit de la constitution d'être connue de ses destinataires, ensuite du droit de la constitution d'être respectée .III Malheureusement ces deux droits ne semblent pratiquement pas être respectés en Afrique tout comme en RDC.

La langue de l'écriture de la constitution en Afrique semble inaccessible à la majorité de la population. L'enseignement du droit constitutionnel lui-même, tel qu'il est conçu et dispensé en Afrique ne permet pas à ceux qui l'ont suivi d'exploiter les richesses enfouies dans la constitution et de les mettre en pratique le moment venuII2 .

Tout cet amalgame décrié, fait que les constitutions africaines soient instables et parfois mises en veilleuse par les dirigeants. Ceci pousse les constitutionnalistes africains en général et ceux de la RDC en particulier à les qualifier de constitutions de façade, de coquilles vides, de panier à crabe .II3 Le texte constitutionnel apparait comme un instrument de stratégie politique qu'un code contraignant et formaliste.

Une des pratiques qui rendent ainsi, les constitutions africaines est entre autres la révision constitutionnelle, laquelle est devenue monnaie courante en Afrique.

II0 MWAYILA TSHIYEMBE, « Constitutionnalisme et démocratie en Afrique centrale et dans les pays des Grands Lacs, http://www .oboulo .com/constitutionnalisme-democratie-html, (Consulté, le mardi I9 avril 20II) .

III KAMUKUNI MUKINAY, A ., Institutions politiques de l'Afrique... Op. cit, p . I6 .

II2 Idem.

II3 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Op. cit, p . 25 .

40

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

SECTION I. CARACTERISTIQUES DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES AFRICAINES

Toute constitution étant une oeuvre humaine, elle est faite pour être adaptée à l'évolution de la société. Dès l'instant que la constitution elle-même prévoit qu'on doit la réviser, la question posée est de savoir si la révision engagée respecte les normes constitutionnelles .II4

Cependant, la révision constitutionnelle devait avoir un caractère structurel en vue de mieux adapter les réalités sociales au texte constitutionnel, de stabiliser également les institutions politiques de l'Etat. Mais il est navrant de constater que la plupart des révisions constitutionnelles en Afrique ont toujours eu de caractère conjoncturel, elles favorisent pur et simplement l'accroissement des pouvoirs des dirigeants africains. Comme nous l'indique Alioune TINEII5, « les révisions des constitutions africaines ont un caractère opportuniste, lequel affecte négativement le développement et le renforcement de la démocratie » .

La révision constitutionnelle devient, en l'occurrence, synonyme de volonté déloyale de modifier les règles du jeu politique à des fins de conservation du pouvoir, de toujours renforcer les pouvoirs des chefs d'Etat en place, qui s'appuient eux-mêmes sur des majorités promptes à acquiescer leurs projets.

Ce caractère de révisions porte très souvent ou dans la plupart de cas sur le mandat présidentiel (§I) et sur la restriction des libertés de l'opposition (§2), voire sur les modes scrutins.

§1 . REVISIONS PORTANT SUR LE MANDAT PRESIDENTIEL

L'exercice du pouvoir politique est source de convoitises, de dérapages et de conflits. Il importe qu'on assure son encadrement par la limitation du mandat politique de ceux qui l'exercent. Le mandat politique s'exerce à plusieurs niveaux. On peut le retrouver au niveau national, provincial ou local. Les gouvernants exercent leurs

II4 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage par les kleptocrates », http://www .couleursdafrique .eu/Afrique-les-revisions-constitutionnelles .html, (Consulté le mardi I8 avril 20II) .

II5 ALIOUNE TINE, « Toucher aux constitutions est un crime de haute trahison », Op. cit.

4I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

mandats au sein des institutions législatives, exécutives ou juridictionnelles .II6 Mais la révision constitutionnelle vise plus le mandat présidentiel.

Il ressort de la plupart de cas que les révisions constitutionnelles recèlent souvent de forts enjeux de pouvoirs. La constitution aujourd'hui est une sorte d'instrument au service de la conservation du pouvoir, elle est littéralement instrumentalisée. Les débats qui ont eu lieu dans un passé récent et qui pourraient se poursuivre dans l'avenir, sont polarisés sur la question des mandats et prérogatives du chef de l'Etat africain. En effet, il est presque toujours question de situations de pouvoirs, de postures de puissance, de longévité au pouvoir. L'élaboration, et surtout la révision des constitutions mettent en évidence un personnage précis : le chef de l'Etat, Président de la République .II7

Le retour du présidentialisme est associé à la problématique de l'effectivité de la constitution en Afrique. De facto, si aujourd'hui on s'interroge sur le respect de la constitution, c'est par ce que dans la quasi-totalité des pays où le débat se pose, c'est d'abord le chef de l'Etat, dans son statut ou ses prérogatives, qui est en cause. L'on peut même être plus précis ou direct : si depuis à peu-près une décennie l'effectivité des constitutions est discutée, c'est souvent à l'occasion des « manipulations constitutionnelles relatives au mandat du Président de la République, à celui-ci en termes de nombre.

Or, d'un point de vue psychologique et symbolique, le présidentialisme n'est pas favorable à l'essor du constitutionnalisme. Par ce que les systèmes mis en place assurent une surpuissance du Président de la République ; une concentration du pouvoir qui est en principe contraire à l'esprit du constitutionnalisme.

En pure logique, le lien ne va pas de soi, mais en fait, et dans le contexte particulier de l'Afrique, les manquements à la constitution, ou la désinvolture manifestée à l'égard d'elle ont presque toujours eu un rapport avec le statut du Président de la République. De sorte que la prépondérance présidentielle est associée à la faiblesse de l'emprise constitutionnelle .II8 La constitution, il convient de s'en souvenir, est d'abord un instrument de limitation du pouvoir politique. Lorsque l'un des rouages de ce pouvoir connait une hypertrophie ou cause un déséquilibre dans le système, il contribue à

II6ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme : Contraintes pratiques et perspectives, Thèse de doctorat en Droit public, Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), 2009, p . 204 .

II7 Centre pour la gouvernance démocratique du Burkina-Faso (CGD), « Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina-Faso et du Sénégal »,0p. cit

II8 Idem.

42

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

installer l'idée que la constitution « ne sert à rien » . Et de ce fait, chaque fois qu'un des pouvoirs dans l'Etat jouit d'une position hégémonique, la constitution est mise en veilleuse ou en sommeil.

Ces comportements des dirigeants politiques africains ont une origine traditionnelle. On croyait en finir, mais le type de pouvoir traditionnel continue à hanter les dirigeants africains. En mémoire, le chef traditionnel devait conserver son pouvoir jusqu'à son décès, afin de le transmettre par la procédure dynastique ou héréditaire à un des membres de la famille royale. Cette pratique presque déjà bannie revient sous une autre facette.

Cependant, deux aspects entrent en corrélation dans cette partie d'une révision interminable dans l'Etat africain, il s'agit bel et bien du nombre et de la durée du mandat présidentiel.

1*1* Limitation de la durée et le nombre de mandat présidentiel

Un pouvoir politique qui ne circule pas et ne change pas de mains a tendance à s'identifier à la personne qui l'exerce. Il est indispensable de l'encadrer par la sa limitation. Même si le droit constitutionnel classique ne semble pas encore offrir une théorie générale sur la limitation du mandat du chef de l'Etat, I'observation indique que l'idée d'assurer l'inéligibilité du Président de la République est tout de même ancienne. Elle a été en vogue en Europe et en Amérique vers la fin du I8ème siècle .II9

Selon le professeur Jean-Louis ESAMBO, la question qui mérite d'être posée est de connaître la manière dont la doctrine s'y est prise. Il semble que la règle tire sa source de la pratique constitutionnelle américaine. En effet, rééligible indéfiniment, le Président américain a vu son mandat limité à quatre ans renouvelables une fois. C'est une règle coutumière que l'on rattache à un précédent historique lié à la personne de Georges Washington. Ce président a, avec le poids de l'âge, refusé d'exercer un troisième mandat consécutif.I20

L'idée n'a pas emporté le désir de Franklin Roosevelt. Elu quatre fois de suite (I932, I936, I940 et I944), Roosevelt est mort le I2 avril I945 pendant qu'il venait de commencer un quatrième mandat .I2I La crainte de voir un Président exercer un

II9 ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve ..., Op. cit, p . 204 I20 Idem.

I2I CHAMPETIER, R . cité par ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du I8 février 2006 ..., Op. cit. p . 205

43

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

pouvoir à vie et sans partage a justifié l'adoption, en I95I, du vingt-deuxième amendement de la Constitution. Cet amendement consacre la limitation à quatre ans renouvelables une fois le mandat du président des Etats-Unis d'Amérique. Il a inspiré plusieurs Constitutions africaines.

Ce principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels a pour corollaire la rotation des postes, autrement dit l'obligation pour le détenteur d'un poste de le quitter après une certaine période .I22 Ceci puisque, le prestige qui découle de l'exercice de ce mandat est tellement grand que le risque d'en abuser par quelque folie des grandeurs inhérente à la nature humaine est élevée. En effet, il n'est plus à démontrer que quiconque détient une parcelle de pouvoir à quelque niveau que ce soit, est tenté d'en déborder les limites. Aussi, est-il impératif de diligenter tous les mécanismes démocratiques contre ce risque. Cet auteur renchérit que ces mécanismes permettent d'aboutir à l'institutionnalisation des pratiques républiques de poids et contrepoids généralement garanties par la séparation nette et claire ainsi que par le partage équilibré des trois pouvoirs classiques, pratiques assorties des possibilités de contrôle rigoureux de la part du souverain primaire. Car, qu'on le veuille ou pas le pouvoir du peuple limite le pouvoir des mandataires publics. I23

Bien sûr, ce principe a été théorisé et pratiqué par les démocraties antiques, et revisité par les pères fondateurs de la démocratie représentative moderne. La notion de rotation aux postes, dont le pendant moderne est la limitation du nombre de mandats électifs, est profondément enracinée dans la pensée politique républicaine classique. Par exemple, à Athènes la plupart des fonctions que n'exerçaient pas l'Assemblée du peuple étaient confiées à des citoyens de plus de trente ans, candidats, tirés au sort pour un mandat d'un an renouvelable une seule fois. Cette rotation a été pratiquée à Rome et dans les citées Etats de Venise et de la renaissance .I24(Sic) .

Actuellement, le mandat présidentiel se tourne autour de cinq ans, sept ans, voire quatre ans renouvelable. In specia casu, la majorité des constitutions ont un mandat de cinq ans renouvelable. Mais la question est de savoir, pourquoi le limite-t-on à ce nombre ? A cette préoccupation, Alioune TINEI25 clarifie que ce qu'on ne peut pas faire en huit ou dix ans de pouvoir, on ne peut non plus le faire en vingt ou plus.

I22 MANIN, B ., Principe du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, I996, p . 23 .

I23 BONANE MUSHI, S ., Le réveil du souverain primaire, CEDI, Kinshasa, I998, pp . 92-93

I24 MANIN, B ., Op. cit, p . 23 .

I25 ALIOUNE TINE, Op. cit

44

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Il semble bien que dans l'esprit des constitutions des années I990 en Afrique, on entendait se démarquer de la conception de leurs devancières par une tournure libérale et démocratique. De façon générale, dans les Etats africains, des dispositions constitutionnelles initiales organisant le statut du président de la République prévoyaient par exemple une limitation du nombre des mandats.

Nous pensons que cette option prise par les constituants des années I990, qui n'est pas la plus fréquemment observée ailleurs dans le monde, avait un objectif assez évident : il s'agissait, face à des chefs d'Etat installés depuis plusieurs décennies, de provoquer, au besoin en la forçant, une alternance du pouvoir. L'ordre politique voulu par ces constituants africains devait sans doute être dominé par l'alternance et le renouvellement régulier des élites au pouvoir. Assurément, ce choix effectué par les lesdits constituants résultait des leçons tirées de l'expérience de plusieurs décennies de présidentialisme négro-africain .I26

C'est pourquoi les clauses de limitation des mandats présidentiels constituent dans les régimes présidentiels, notamment en Afrique, un enjeu majeur pour ceux qui font de l'alternance démocratique l'essence même de la démocratie. A ce titre, les clauses de limitation semblent devoir s'imposer non pas simplement comme les normes, mais aussi et surtout comme des ensembles de contraintes liées au principe du constitutionnalisme démocratique. Et de ce fait, elles énoncent un certain nombre de principes, entendus comme des propositions devant servir de fondement à la société. Par ailleurs, si l'on considère que toute constitution est aussi une forme de discours politique, un moyen d'exprimer de façon particulière solennelle, une philosophie politique, on peut légitimement penser que l'institution de la limitation du nombre de mandats présidentiels procède d'une idée du pouvoir voulu par le nouveau constitutionnalisme africain.

Constitutionnalisée, l'absence de limitation du nombre de mandats présidentiels est désormais utilisée en Afrique comme un frein au mécanisme d'alternance au pouvoir. La réformation de la constitution devient une technique juridique jugée adéquate pour légitimer la difficulté d'une alternance politique même s'il est vrai que dans les pays africains où l'alternance démocratique s'est produite, celle-ci n'a pas été la conséquence directe de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Ce sont plutôt les conditions de pluralisme, de transparence, la crédibilité des institutions

I26 GICQUEL, J ., « Essai sur le présidentialisme négro-africain, l'exemple camerounais », in Mélanges en l'honneur de Georges BURDEAU, I977, p .I07 .

45

46

47

48

49

50

5I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

électorales et le fair-play des acteurs qui semblent avoir été des facteurs décisifs dans cette alternance.

Dès lors, la solution peut éloigner l'espoir d'alternance politique autrement que par des changements anticonstitutionnels ou via le système du dauphin constitutionnel, assez peu démocratique. Cela s'opère à travers le mode de dévolution du pouvoir en Afrique qui est le corolaire du retour des dynasties, "un détournement de la volonté du peuple". Selon le professeur El hadji Mbodji, c'est un constat qui fait froid au dos des jeunes démocraties du Continent, qui laisse subodorer le pire pour l'Afrique : à l'instar des monarchies du Golfe, certains pays africains s'ouvrent à une subite tendance, celle de transmission du pouvoir de père en fils. Aujourd'hui, le destin présidentiel des individus en Afrique semble presque lié à l'Adn et non plus au mode de dévolution classique du pouvoir consacré par les différentes Constitutions .I27

Forts de leur «sang présidentiel», les futurs ou actuels Présidents du continent, ceux de la troisième génération de dirigeants africains, sont installés sur le trône de leur papa ou piaffent de le faire. Candidats déclarés, pressentis ou héritiers consacrés, ils se nomment Faure Eyadema (Togo), Joseph Kabila (RD Congo), Karim Wade (Sénégal), Saïf Al-Islam Kadhafi (Libye), Gamal Moubarak (Egypte), Ali Ben Bongo (Gabon), Theodorin Obiang Nguema (Guinée Equatoriale). Particulièrement bien nés, bien formés et très tôt moulés aux vicissitudes du pouvoir, ils ambitionnent, avec la bénédiction de leur papa, pour la plupart de monarques républicains, d'ouvrir une nouvelle ère politique sur le continent : le temps des «pouvoirs héréditaires», le retour des dynasties. Au Togo, en RDC, en Libye, en Egypte, au Gabon et, bien sûr, au Sénégal, la question suscite beaucoup de controverses .I28

Cependant, on observe que la constitution est par la suite révisée dans le sens de la suppression de ces dispositions. La formule retenue est celle d'un Président de la République à vie, comme au Burkina Faso, en Ouganda, au Cameroun et récemment au Yémen où ALI Abdallah SALEH au pouvoir depuis plus de 23 ans...I29 C'est pourquoi les clauses de limitation des mandats présidentiels constituent dans les régimes présidentiels ou présidentialistes, notamment en Afrique, un enjeu majeur pour ceux qui font de l'alternance démocratique l'essence même de la démocratie. A ce titre, elles semblent devoir s'imposer non pas simplement comme des normes, mais aussi et

I27 El Hadj MBODJ, « le mode de dévolution du pouvoir en Afrique : le retour des dynasties, un détournement de la volonté du peuple » http://elhadjmbodj, (Consulté le samedi 08 janvier 20II) .

I28 Idem.

I29 Information donnée sur RFI du Ier janvier 20II, édition de 06h00'

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

surtout comme un ensemble de contraintes liées au principe du constitutionnalisme démocratique. Et de facto, elles énoncent un certain nombre de principes, entendus comme des propositions devant servir de fondement à la société.

Le principe de la limitation du nombre de mandats électifs fait cependant l'objet de beaucoup de controverses quant à son bien fondé. Pour certains auteurs, ce principe trouve sa justification dans le cadre de régime parlementaire ou présidentialiste où il trouve une application mécanique .I30 Cette limitation favorise l'alternance au pouvoir et également évite ou endigue l'usure du pouvoir.

Mais il est navrant de constater que les dirigeants africains se sont illustrés et s'illustrent à modifier le nombre et la durée du mandat tel que prévu dans leurs constitutions. Cette pratique fait d'eux des « chefs coutumiers au sommet de leurs Etats », et ceci bloque l'éclosion de la démocratie et met en difficulté l'alternance au pouvoir.

Par ce mécanisme et par boulimie ou par amour du pouvoir, les chefs d'Etats africains s'éternisent au pouvoir en assurant une « gestion patrimoniale de leur trône »I3I en vue d'accomplir leurs desseins. Cet état de chose porte atteinte à la démocratie qui est en recul considérable en Afrique.

Il est à noter que la limitation des mandats présidentiels se heurte toutefois à des objections théoriques et pratiques. Ceux qui y sont hostiles font valoir que c'est au peuple lui-même, dans une démocratie, qu'il appartient de décider s'il veut ou non conserver le chef d'Etat déjà en fonction et que l'on ne voit pas une disposition constitutionnelle qui pourrait lui interdire de lui renouveler sa confiance à plusieurs reprises. Mais l'argument le plus évoqué, notamment par les chefs d'Etats eux-mêmes en Afrique, est celui de la stabilité .I32 Cette justification au nom de la stabilité n'a aucun fondement, cela débouche toujours à de crise politique générale. Ce fantôme stabilité amène le pays à un chaos total. Certes, la stabilité véritable d'un régime politique n'a rien à voir avec la conservation sans délais ni limité du pouvoir par le chef de l'Etat. Cette limitation est en quelque sorte une solution préventive opportune. Ainsi donc, l'Etat moderne a besoin des institutions fortes et non faibles au service des animateurs forts.

I30 BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., 'La nouvelle constitution de la RDC : sources et innovations', Annales de la Faculté de droit, S . Vol., Décembre 2007, PUK, Kinshasa, 2007, pp .2I5-259 .

I3I BAOUNA, B ., « Constitution, un mot vide de sens en Afrique », Op. cit.

I32CONNAC, G ., « Quelques réflexions sur le nouveau constitutionnalisme africain », http://www .la-constitution-en-afrique .org, (Consulté, le mardi I9 avril 20II) .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Ainsi, cette analyse peut être appuyée de manière succincte par quelques cas d'illustration de révisions portant sur le mandat présidentiel en Afrique.

1*2* Quelques cas d'application

Il est impérieux de mettre en lumière certains cas de pays africains qui ont déjà modifié leurs constitutions pour répondre à des besoins dont ils sont seuls à connaitre les motivations ou les mobiles. Que ce soit en Afrique du Nord, de l'Est, du Centre ou de l'Ouest, ces pays ont tous un seul dénominateur commun : modifier la constitution pour laisser s'éterniser au pouvoir le Chef de l'Etat en fonction.

En Guinée-Conakry, par exemple, la constitution a été modifiée en 2002 dans l'intention d'autoriser le feu Président Lansana Conté à se présenter à la fin de son second et dernier mandat présidentiel aux élections présidentielles. Au Tchad, la constitution a été modifiée en 2005 et a permis à Idriss DEBY ITNO à se maintenir au pouvoir depuis son coup d'Etat de I990 . En Mauritanie, la modification de la Constitution en I99I a permis à Ould TAYA de rester au pouvoir jusqu'à son renversement par un coup d'Etat en Août 2005 . Au Burkina Faso, par un subtil jeu de levée de limitation de mandat en I997, puis de restauration de cette limitation en 2000, Blaise Compaoré est au pouvoir depuis son coup d'Etat de I987 . Actuellement, il tente de modifier l'article 37 de la constitution pour se faire élire indéfiniment.

En Tunisie, la constitution a été modifiée également en 2002 pour permettre au Président Zine BEN ALI de se présenter à l'élection présidentielle de 2004 qu'il avait remporté pour un quatrième mandat. Pourtant, lorsqu'il avait destitué en I987 le premier Président tunisien malade, Habib BOURGUIBA, 84 ans, il avait promis de mettre fin à la présidence à vie. En tout état de cause, il venait de quitter le pouvoir suite à une révolution populaire au début de l'an 20II .I33

Au TogoI34, la constitution a été modifiée en 2003 et a permis à feu NYASSINGBE EYADEMA de se faire réélire pour un troisième mandat de cinq ans, au terme de 36 années de pouvoir jusqu'à sa mort en 2005 et remplacé par son dauphin fils Faure EYADEMA .

Mais ce que l'on peut plus retenir est que, dans l'histoire des révisions constitutionnelles en Afrique, on ne peut s'empêcher de penser à l'exemple togolais qui

I33 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage par les kleptocrates », Op. cit.

I34 GERMAIN NAMA, B ., « Révisions constitutionnelles en Afrique trouve un antidote aux révisions régressives », Op. cit.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

constitue l'un des plus grotesques viols de l'esprit de la constitution dont ce pays s'était doté en I992 .

En effet, à la recherche d'une légitimation du pouvoir qu'il avait usurpé au lendemain de la mort de son père en 2005, et avec la bénédiction de la plus haute hiérarchie militaire qui s'était dépêchée de lui faire allégeance, Faure Gnassingbé n'avait pas hésité à signer l'une des forfaitures qui demeure mémorable.

Alors que la constitution interdisait formellement toute révision constitutionnelle en période d'intérim et de vacance au niveau de l'institution présidentielle, Faure n'hésita pas le moins du monde à balayer les articles 65 et I44 de la constitution portant sur la procédure de dévolution du pouvoir. L'article 65 stipule en effet qu'"en cas de vacance de la présidence de la République, par décès, démission ou empêchement définitif, la fonction présidentielle est provisoirement exercée par le président de l'Assemblée nationale .I35

La vacance est constatée par la Cour constitutionnelle saisie par le gouvernement. Le gouvernement saisit le corps électoral dans les soixante jours de l'ouverture de la vacance pour l'élection d'un nouveau Président de la République." Le tour de passe a consisté ici à faire sauter le mot provisoirement pour permettre au président de l'Assemblée nationale de bénéficier de l'article 65 nouveau : "le nouveau Président de la République exerce ses fonctions jusqu'au terme du mandat de son prédécesseur".

Ce n'était là qu'une étape dans la chevauchée de Eyadéma fils vers le fauteuil présidentiel. Le bénéfice de l'intérim ne pouvant profiter qu'au président de l'Assemblée nationale, Faure fera engager une autre révision, cette fois au niveau du code électoral. C'est l'article 203 qui sera revu pour lui permettre de reprendre son poste de député qu'il avait cédé à son suppléant au profit d'un poste de ministre. Une fois député, c'est le président de l'Assemblée nationale qui va être destitué pour les besoins de la cause .I36

Et voilà comment le jeune Faure a repris le contrôle de l'institution parlementaire, au moyen d'un artifice légal, après l'avoir momentanément quitté. Comment cela aurait pu être possible si la juridiction constitutionnelle avait joué son rôle ? Ce qui s'est passé au Togo, c'est un coup d'Etat constitutionnel, opéré avec la

I35 GERMAIN NAMA, B ., « Révisions constitutionnelles en Afrique trouve un antidote aux révisions régressives », Op. cit.

I36 Idem.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

complicité du juge constitutionnel. Il faut rappeler que ce forfait est intervenu après le coup d'Etat militaire qui avait précipitamment placé Monsieur Faure à la tête de l'Etat .

D'autres pays avaient précédé le Togo dans les révisions constitutionnelles, au point que d'aucuns ont parlé d'une cascade de révisions. Mais ce qui est en cause, c'est moins le principe de la révision que l'objet sur lequel celle-ci porte. On aura remarqué que l'essentiel des révisions constitutionnelles tourne autour du statut du chef de l'Etat et plus précisément sur la remise en cause de la limitation du nombre de mandats.

En Ouganda, la modification en 2005 maintient Yoweri MUSEVENI au pouvoir depuis sa victoire militaire contre le régime précédent en I986 .

Au Cameroun, la constitution camerounaise du 20 mai I972 a été révisée en I996 puis en 2008 tout simplement pour modifier la limitation de mandat présidentiel. En effet, le Président Paul BIYA au pouvoir depuis I989 avait procédé à réviser pour la seconde fois la constitution afin de pouvoir se présenter aux élections présidentielles de 20II . L'article 6 de la constitution du Cameroun dispose : « le Président de la République est élu pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois » . Mais en I996, le principe de la limitation de mandat a été acquis au terme d'une bataille et dont ceci a fait que le mandat passe du quinquennat au septennat. Ainsi, le nouvel article six a consacré le septennat sans limite .I37

En Angola, les députés angolais ont rassuré au début du mois de janvier 20I0 à leur Président Edouardo Dos Santos, qu'il pouvait rester au pouvoir jusqu'en 2022, et désormais, la constitution angolaise le lui permet.

Au Congo-Brazzaville, cette pratique serait de ronger la constitution pour être révisée et permettre au Président Dénis Sassou NGUESSO de se présenter en 20I6, car sept ans seraient trop peu pour mettre en oeuvre son projet de société « le chemin d'avenir » .I38

Au Niger, Mamadou TANDJA Président à son temps avait procédé à la modification de la constitution de I999 pour briguer le troisième mandat. Tout est commencé, quand il a dissout le 26 mai 2009, l'Assemblée nationale qui s'opposait à

I37 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage par les kleptocrates »,Op. cif.

I38 BAOUNA, B ., « Constitution, un mot vide de sens en Afrique », Op. cif.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

ladite révision. Et 24 heures seulement après un avisI39 défavorable de la Cour constitutionnelle qui s'opposait également à son projet de référendum visant à prolonger son mandat présidentiel qui devait arriver à terme à la fin de l'année 2009 .

En revanche, Mamadou TANDJA va dissoudre par la suite la Cour constitutionnelle. Malgré ce déboire, le « gangster politique » Mamadou TANDJA ne s'est pas limité à ce niveau, il a en outre, imposé la révision de la constitution par voie référendaire à ses concitoyens. Ledit référendum a eu lieu le 4 août 2009 . Ainsi, la 6ème République est désormais née au Niger par la nouvelle constitution de Mamadou TANDJA, promulguée le I8 août 2009 .I40

Mais après avoir gagné son pari, Mamadou TANDJA sera curieusement évincé du pouvoir par un coup d'Etat militaire du jeudi I8 février 20I0 sous la conduite du Général SALOU DJIBO .I4I

§2 . REVISIONS PORTANT SUR LA RESTRICTION DES LIBERTES DE L'OPPOSITION

En principe, les révisions constitutionnelles permettent de moderniser le texte constitutionnel, de l'adapter aux évolutions de la société. Elles permettent ainsi d'assurer la longévité d'une constitution .I42 A contrario, les révisions constitutionnelles sont souvent dénoncées par l'opposition africaine comme un stratagème politique qui vise à renforcer le pouvoir d'un homme, et d'une majorité.

Cependant, il faudrait savoir que si hier, la classification des régimes se fondait sur la théorie de séparation des pouvoirs, ou encore sur les systèmes des partis, aujourd'hui c'est la relation entre une majorité qui gouverne et une opposition ou minorité qui critique et propose une alternative ou des alternatives qui déterminent la typologie des régimes politiques .I43 C'est ainsi que Georges Burdeau estime que l'existence d'une

I39 L'avis n° 02 du 25 Mai 2009 déclarant anticonstitutionnel le projet de référendum par Cour Constitutionnelle du Niger.

Voir Anne SIMONE, « Déclaration du Front pour la Défense de la Démocratie (FDD) », http://www .africaintelligence .fr/c, (Consulté, le lundi 25 juillet 20II) .

I40 INYUKI, « Mamadou Tandja, gangster politique préféré de la France », http://www .aeud .fr/Mamadou-Tandja-gangsterb politique.html, (Consulté le lundi 25 juillet 20II) .

I4I BOISBOUVIER, C ., « Niger, TANDJA, la chute, renversé le I8 février, l'ex-président paie le prix de son acharnement à demeurer au pouvoir », Jeune-Afrique l'intelligent, 50ème année, n°2563, du 2I au 27 février 20I0, pp . I4-I7 .

I42 ARDANT, Ph ., Institutions politiques et droit constitutionnel, I7ème éd ., LGDJ, Paris, 2005, p . 73 .

I43 DJOLI ESENG'EKELI, J ., « Problématique de l'Opposition politique en Afrique noire post-coloniale. Cas de la République Démocratique du Congo : Mythe ou Réalité », in BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., MBATA BETUKUMESU MANGU, A . et KIENGE KIENGE INTUDI, R . (Dir .), Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

opposition libre, agissante est aujourd'hui tenue pour le critérium d'une démocratie véritable .I44Maurice Duverger renchérit que le critère fondamental de la démocratie libérale se trouve dans la reconnaissance de l'opposition, la proclamation et l'application du droit à l'hétérodoxie lorsque, dans un pays, ceux qui professent des idées contraires à celles des hommes au pouvoir peuvent crier ces idées sur les tribunes des réunions, les imprimer dans les journaux, créer et distribuer sans entrave, fonder des associations pour leur défense et leur diffusion, les enseigner à leurs enfants soit d'eux-mêmes, par l'intermédiaire des maîtres d'écoles librement choisis, à se présenter aux suffrages des citoyens concurremment avec les candidats du Gouvernement (et sans que ceux-ci bénéficient d'avantages de quelque nature que ce soit) afin de conquérir le pouvoir et d'y appliquer enfin les idées qu'ils n'ont cessé de défendre, alors que ce pays peut être qualifié de démocratie libérale .I45

Ainsi, d'une manière particulière et pratique en Afrique, l'opposition politique africaine fait l'objet d'attaques de tout bord : arrestations, tortures, stigmatisation de la part du pouvoir en place. Cette opposition ne peut pas évoluer puisqu'elle est fragilisée ad nutum par le régime en place. Quand bien même que le statut de l'opposition serait institutionnalisé dans certains pays africains, tels que : le Burkina FasoI46, le BeninI47, la RDCI48, la MauritanieI49, le MaliI50, le NigerI5I..., celle-ci s'épanouit difficilement sur un terrain parsemé d'embuches placées par ceux qui sont au pouvoir.

Il est vrai que la reconnaissance juridique de l'opposition avec l'instauration d'un chef de file ou d'un porte parole de l'opposition jouissant des droits, est à même de favoriser l'effectivité démocratique dans nos pays avec la possibilité offerte à ce dernier d'accéder au pouvoir par le jeu d'alternance et laisser la position ou la place à un autre leader en cas de défaite électorale. Ceci explique qu'en Afrique, rares sont les partis

démocratique en République Démocratique du Congo, (Actes des Journées scientifiques de la Faculté de Droit de l'UNIKIN I8-I9 juin 2007), PUK, Kinshasa, 2007, p . 84 .

I44 BURDEAU, G ., Traité de Science politique, Tome IV, LGDJ, Paris, I987, p . 6I2 .

I45 DUVERGER, M ., « Démocratie libérale et démocratie totalitaire », Vie intellectuelle, juillet I948, p .57-58 .

I46 La loi n°007-97 du 25 avril 2000 portant statut de l'opposition (J .O n°30-2000), voir http://blog .multipol.org, (Consulté le dimanche 8 mai 20II) .

I47 La loi n°200I-3I du I4 octobre 2002 portant statut de l'opposition. http://blog.multipol.org, Idem.

I48 La loi n°07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l'opposition politique, in JORDC, n° spécial, 48ème année, Kinshasa, I0 décembre 2007 .

I49 L'ordonnance n°2007-024 portant statut de l'opposition. http://blog .multipol.org, consulté le dimanche 8 mai 20II .

I50 La loi n°95-073 du I5 septembre I995 portant statut des partis de l'opposition. http://blog.multipol.org, (Consulté le dimanche 8 mai 20II) .

I5I L'Ordonnance n°99-60 du 20 novembre 2000 portant statut de l'opposition. http://blog.multipol.org, (Consulté le dimanche 8 mai 20II) .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

d'opposition qui ont connu une alternance interne. Ainsi, des opposants restent à la suite d'un échec aux élections, qu'ils démissionnent .I52

En plus de certaines restrictions observées quant à l'effectivité de l'opposition au sein de classes politiques africaines, il y a également le problème de mandat présidentiel illimité, de grande envergure qui ne laisse pas l'opportunité à l'opposition ou à un leader de l'opposition en Afrique d'être aux commandes de l'Etat ; dans le sens que ce dernier demeure ou taille sa vie politique uniquement dans l'opposition, puisque celui qui est au pouvoir se tape le luxe de la dérive monarchique se manifestant par la révision constitutionnelle avec la suppression pur et simple de la limitation des mandats présidentiels et une « présidence devenue une affaire de la famille avec le phénomène de fils remplaçant le père décédé ou pas de manière dynastique et qui prend de l'ampleur en Afrique », laissant le leader de l'opposition toujours dans son carcan.

Certes, les révisions constitutionnelles visant la suppression de la limitation des mandats présidentiels seraient un mécanisme destiné à figer les leaders de l'opposition africaine à demeurer toujours dans l'opposition sans rêver d'être chefs d'Etat. Ce serait également une restriction ne pouvant permettre à l'opposition d'être au pouvoir. A moins qu'une autre voie soit envisagée ou entamée en vue d'arracher le pouvoir.

52

I52 KOMI TSAKADI, « Quel statut de l'opposition pour prévenir les conflits en Afrique ? », http://blog .multipol.org, (Consulté le dimanche 8 mai 20II) .

53

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

SECTION II. FACTEURS ET CONSEQUENCES DES REVISIONS

CONSTITUTIONNELLES SUR LE CONSTITUTIONNALISME ET LA DEMOCRATIE

Généralement, la réflexion juridique se perd en conjectures dès qu'elle sort de sa sphère pour s'orienter vers le terrain glissant de l'opportunité. Il ne saurait en être autrement, car dans ce domaine, les risques de subjectivisme sont nombreux et se joignent à la difficulté de justifier ou condamner un choix politique. Celui-ci consistant à modifier de façon récurrente les constitutions expose le juriste aux mêmes risques. Si donc, la multiplication des révisions constitutionnelles, quelles qu'en soient les raisons, est interprétée comme une forme d'atteinte à la rigidité constitutionnelle, alors les constitutions africaines sont plutôt souples dans leur pratique et même très instables. Il en résulte certains facteurs ou éléments déclencheurs d'une révision constitutionnelle (§I), lesquels facteurs amènent des conséquences fâcheuses ou néfaste sur le constitutionnalisme et la démocratie (§2) .

§1 . FACTEURS DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES

De manière générale, les facteurs qui débouchent à des révisions constitutionnelles sont de deux ordres : les facteurs dits techniques ou endogènes et ceux dits politiques ou exogènes.

1*1* FACTEURS TECHNIQUES OU ENDOGENES

Théoriquement, nous l'avons dit tantôt, toutes matières prévues dans toutes constitutions peuvent faire l'objet d'une révision, sauf certaines d'entre elles expressément énumérées par le constituant lui-même.

A cet effet, lorsque certaines des dispositions constitutionnelles sont désuètes ou s'il y a incohérence entre ses dispositions et la pratique politique, cela peut entrainer une modification constitutionnelle ; en plus, s'il y a des lacunes à combler, on peut toujours procéder par l'amendement en vue de sa réadaptation ; à ce moment, la modification peut être adaptatrice ou créatrice. Ces facteurs techniques sont autrement appelés cause endogènes .I53

I53NDAYA N'DAMYA FULBOB, A ., La problématique de la révision constitutionnele dans la constitution de 18 février 2006 en RDC , Travail de fin de cycle, Faculté de Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2009, p . 42 .

54

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Ces facteurs dits techniques, s'appliquent également dans le cadre d'un traité ou accord international contraire à la constitution. Cela se fait par des mécanismes constitutionnels, une obligation posée dans certaines constitutions, de réviser afin de ratifier les actes internationaux inconstitutionnels .I54

Ainsi, l'article 2I6 de la constitution de 2006 telle que révisée dispose : « si la Cour constitutionnelle consultée par le Président de la République, par le premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat, par un dixième des députés ou un dixième des sénateurs, déclare qu'un traité ou accord international comporte une clause contraire à la constitution, la ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après la révision de la constitution » . C'est le même esprit de l'article I3I de la constitution nigérienne du 9 Août I999 telle que remplacée à ce jour par la nouvelle constitution nigérienne.

Ce deuxième volet des facteurs techniques pose parfois de problème comme le souligne J . Chevalier que cette production du droit semble être désormais, moins régie par une logique déductive, procédant par voie de concrétisation croissante, que résulter d'initiatives désordonnées, prises par des auteurs multiples et dont l'harmonisation est problématique .I55

Le premier volet de ces facteurs vise tout simplement le comblement de lacunes ou les correctifs et l'adaptation de texte constitutionnel aux évolutions sociales et politiques. Alors que le deuxième s'applique dans le cadre de l'exigence juridique internationale, c'est-à-dire, le traité contraire à la constitution, impose son incorporation dans l'arsenal juridique national.

En plus des facteurs techniques ou endogènes qui peuvent occasionner une révision, il y a également des mobiles d'origine externe, c'est-à-dire des facteurs dits exogènes qui entrainent plus les réformes de la constitution. Ce sont des facteurs purement politiques.

1*2* FACTEURS POLITIQUES OU EXOGENES

Les révisions constitutionnelles répondent souvent aux aspirations politiques ou à la volonté politique, dit-on. Mais, cette volonté ne devait pas aller au-delà de l'objectif même d'une révision constitution .I56 Mais hélas, les facteurs politiques ont

I54 CHAMPLEIL DESPLATS, V ., Les grandes questions du droit constitutionnel, L'Etudiant, Paris, 2003, p . 3I

I55 CHEVALIER, J ., L'Etat post-moderne, 2ème éd ., LGDJ, Paris, 2004, p . 9I .

I56 NDAYA N'DAMYA FULBOB, A ., Op. cit , p . 42 .

55

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

pris le dessus sur les facteurs techniques dans la modification de la plupart des constitutions africaines. Ces facteurs se glissent très rapidement dans les pratiques de ce que certains constitutionnalistes les qualifient de fraude à la constitution, voire le coup d'Etat constitutionnel.

Ces facteurs que nous les qualifions des « politiques » sont nombreux,

entre autre :

Envie de s'éterniser au pouvoir ;

Envie de renforcer son pouvoir ;

Envie de préparer une succession favorable au Président ;

Envie de restreindre les possibilités de l'opposition d'accéder au pouvoir.

En dépit des ces facteurs, nous voyons également que les constitutions sont toujours marquées par la concrétisation officielle d'une philosophie politique dans le sens que la constitution est révélatrice de la volonté des constituants de définir un ordre social plutôt qu'un autre, traduisant ainsi les compromis entre les forces politiques en présence. Une des fonctions de la constitution est précisément de préserver l'équilibre qui a été obtenu lors de l'élaboration de la constitution.

Il y a aussi l'organisation du pouvoir africain comme facteur. Cette organisation est révélatrice des rapports de forces. Les années de transition démocratique en Afrique étaient marquées par un rapport de force défavorable aux pouvoirs exécutifs, lesquels ont donc cédé un certain nombre de points.

En effet, aux débuts des années I990, le rapport de forces était plutôt favorable aux coalitions démocratiques montantes qui, portées par la vague de démocratisation, ont cherché à pousser à la retraite des chefs d'Etat inamovibles ou à prévenir l'émergence d'une nouvelle génération de chefs d'Etat inamovibles. Les pouvoirs en place se sont alors résignés à accepter la clause de limitation des mandats en attendant des jours meilleurs. A ce titre, on peut considérer que les dispositions constitutionnelles des 90 ont été prises dans un contexte de crise des régimes et souvent dans l'urgence. Revenus à la situation normale, ces dispositions apparaissent soudain trop rigides. Ainsi, une fois que ce rapport leur est devenu favorable, les régimes en place n'hésitent pas à reconquérir le terrain perdu, à revenir sur les concessions d'hier. La plupart des réformes constitutionnelles africaines ont été initiées par les chefs d'Etats, qui font tout pour aménager leur concession. Dictées par des considérations

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

politiques, ces révisions sont présentées comme des corrections nécessaires à apporter à des textes qui sont apparus à l'usage, imparfaits, incomplets et inadaptés .I57

Certes, tous ces facteurs occasionnant toute une panoplie ou myriade des révisions constitutionnelles aboutissant à des conséquences fâcheuses, voire dangereuses en rapport avec la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique.

§2 . CONSEQUENCES DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES

Sous d'autres cieux, les révisions constitutionnelles contribuent à l'émergence du constitutionnalisme et de la démocratie, c'est-à-dire à l'approfondissement des mécanismes démocratiques et constitutionnels, voire au renforcement des droits des citoyens. Mais tel n'est pas le cas en Afrique. Les révisions constitutionnelles africaines sont sujettes à des crises de tout bord. D'une part, des conséquences d'ordre juridique et institutionnel marquées par un affaissement sensible des principes constitutionnels et des mécanismes qui les garantissent, affaissement dont il faut identifier les causes véritables. D'autre part, de conséquences d'ordre politique.

2*1* CONSEQUENCES D'ORDRE JURIDIQUE OU INSTITUTIONNEL

Elles sont de deux manières : dans le sens qu'elles provoquent d'une part de crise constitutionnelle et institutionnelle, et d'autre part celle de la justice constitutionnelle.

1° Crise constitutionnelle et institutionnelle

La constitution en tant que norme suprême d'un Etat doit être respectée d'abord par les gouvernants et ensuite par les gouvernés. Et à défaut d'obtempérer ce principe, la constitution perd sa valeur d'être une norme au-dessus de toutes les normes et au-dessus de tout le monde. Ceci amène également des conflits au sein des institutions, c'est-à-dire certaines révisions peuvent susciter de tensions au sein des institutions, si elles ne sont pas toutes d'accord de cette réforme. Le cas du Niger est très éloquent' lorsque l'Assemblée nationale Nigérienne ainsi que la cour constitutionnelle n'étaient pas d'accord avec l'initiative présidentielle de la réforme constitutionnelle, qui finalement s'est abouti par la dissolution de l'Assemblée nationale

56

I57 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cit

57

58

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

et après par la révocation pure et simple de membres de la cour constitutionnelle par le Président Mamadou TANDJA .

Le questionnement sur la crise du constitutionnalisme en Afrique doit être replacé dans un contexte plus global d'adéquation de la norme constitutionnelle aux sociétés qu'elle est censée réguler. La question intéresse le droit de façon générale. Posée plus directement, elle interroge la problématique de la légitimité de cette institution qu'est la constitution. On peut en effet se demander si la remise en cause des principaux consensus des années 90, l'inefficacité des oppositions politiques et citoyennes aux révisions unilatérales, ne sont pas fondamentalement liées à ce sentiment que la constitution apparaît comme un corps étranger à la société .I58

On le sait, au moment de leur accession à l'indépendance, la plupart des Etats africains, encore marqués par une grande fragilité, ont cherché à unifier leur système juridique, le droit étant dans une certaine mesure considéré comme une des pièces maîtresses de l'édification d'Etats-Nations stables. Deux tendances majeures caractérisent ces systèmes juridiques. D'une part, ils sont généralement monistes dans le sens où seul le droit étatique, dit droit « moderne », est reconnu comme producteur de normes juridiques. Dans la plupart des pays, on a procédé au pire des cas, par suppression de toutes les coutumes et au meilleur des cas par intégration de certaines normes et institutions coutumières au droit officiel, la source légale unique demeurant en toute hypothèse l'Etat. D'autre part, l'édification des droits dits modernes se caractérise par l'importation des systèmes et normes juridiques des anciens colonisateurs. Cette greffe résultant du mimétisme s'est traduite aussi en matière constitutionnelle .I59

Beaucoup d'observateurs s'interrogent pourtant sur l'efficacité de la greffe et sur ses conséquences sur la supériorité que le droit positif attribue à la norme constitutionnelle. L'interrogation est difficile, presque tabou. En effet si la constitution n'est pas respectée et si le constitutionnalisme moderne ne rayonne pas, n'est-ce pas en partie en raison des valeurs qu'ils véhiculent et qui les fondent ? Autrement dit, n'aurait-on pas, sous le couvert du principe d'universalité, importé dans les constitutions des valeurs inadaptées aux sociétés africaines et subséquemment des procédés de légitimation du pouvoir, qui ne correspondent pas avec leur substrat historique, social et culturel ? Et parce que les valeurs prônées par les constitutions seraient la marque d'une greffe qui n'aurait pas pris, on expliquerait ainsi que non seulement les constitutions

I58 ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.

I59 Idem.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

soient trop souvent et sciemment violées par ceux dont elles limitent le pouvoir mais aussi qu'elles ne soient pas défendues par la société elle-même et précisément par les citoyens; s'ils ne défendent pas les constitutions et leurs valeurs, n'est-ce pas parce qu'ils n'ont pas le sentiment d'en être les gardiens ? Le devoir d'obéissance, « naturelle » et « spontanée », à la norme et la reconnaissance de sa supériorité, « transcendantale », ne dépendraient pas exclusivement des mécanismes techniques et procéduraux qui en garantissent le respect. Il y aurait une bonne dose de mythe, de mystique constitutionnelle, de représentation morale et éthique qui constituent le soubassement d'un acte qui institue, constitue un Etat. La recherche de ces « mythes fondateurs » devient une problématique essentielle voire existentielle pour des Etats dont le socle commun se perd à la faveur des divisions partisanes, ethniques, tribales, confrériques ou religieuses .I60

En second lieu, l'interrogation sur la légitimité des valeurs se double d'un questionnement sur la légitimité des procédés techniques, formels, d'adoption et de révision des constitutions. On l'évoquera plus tard sous l'angle de la démocratie représentative. On peut le rappeler sous l'angle de la crise de la norme constitutionnelle elle-même. De la même manière que la légitimation des dirigeants par l'élection suscite l'interrogation, les procédés d'élaboration, d'adoption et de révision des constitutions affectent leur légitimité. La diversité des techniques d'élaboration est séduisante mais leur résultat laisse sceptique. Il n'est alors pas exclu de s'interroger surtout sur de nouvelles modalités d'élaboration des constitutions. La participation de « tous » à la définition et à la modification des règles du vivre ensemble constitue une garantie essentielle de l'adéquation des valeurs qu'elles véhiculent et de leur défense collective.

2° Crise de la justice constitutionnelle

Le constitutionnalisme se développe lorsque les mécanismes qui assurent la supériorité de la norme constitutionnelle fonctionnent. La situation de la justice constitutionnelle est un marqueur essentiel du rayonnement d'une constitution. De ce point de vue, des progrès indéniables ont été accomplis en Afrique de l'Ouest. Les Etats ont formellement mis en place des organes de contrôle, défini leurs compétences et un statut qui, sur le plan des textes, leur assure une certaine indépendance. Bien que certaines juridictions nationales, à l'instar de la cour constitutionnelle du Bénin, jouissent d'une réputation d'indépendance, le pouvoir judiciaire en général, les juridictions

I60 ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.

59

60

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

constitutionnelles en particulier, constituent l'un des maillons faibles du constitutionnalisme pour différentes raisons .I6I

La première tient au juge lui-même et à la manière dont il conçoit et accomplit sa mission. Lorsqu'il a tendance à s'autolimiter, à interpréter littéralement et restrictivement ses compétences et à se prononcer quasi systématiquement sur des questions de régularité formelle et non de fond, il donne le sentiment qu'il n'est pas le recours indiqué contre les atteintes à la constitution et surtout il ne nourrit pas le débat nécessaire à l'enrichissement de la constitution par voie d'interprétation .I62

La deuxième raison est liée à la posture du juge dans le cadre du contentieux constitutionnel, posture il est vrai complexe dans la mesure où il lui est davantage demandé, en termes quantitatifs, d'arbitrer des contentieux politiques que de se prononcer sur les droits subjectifs que la constitution reconnaît aux citoyens. Ses décisions sont ainsi systématiquement contestées quel que soit leur sens, parfois pour des raisons de stratégie politique, et surtout lorsqu'ils sont plus souvent à l'avantage du parti politique dominant. Aussi la posture du juge est d'autant plus complexe que ses décisions sont susceptibles d'être analysés sous l'angle de la légitimité. En effet, appelé à se prononcer sur des actes pris par des organes issus du suffrage citoyen, il court le risque de se voir reprocher la tentation du gouvernement des juges et d'aller à l'encontre de la volonté populaire exprimée par les décisions des élus .I63

Enfin la crise de la justice constitutionnelle est en partie liée aux conditions de sa saisine. Généralement le droit de saisir le juge constitutionnel est restreint et n'est pas reconnu aux citoyens et même lorsqu'il est ouvert plus largement, le rendement des juridictions constitutionnelles est faible en raison d'un faible taux de saisine qui lui-même s'explique à la fois par l'attitude des citoyens à l'égard du droit, leur préférence pour des modes de résolution non contentieuse des litiges et, parfois, par leur perception négative de l'indépendance et de l'impartialité des juges.

En résumé, la crise de la justice constitutionnelle est due à la passivité du juge constitutionnel face à la violation ou à des révisions opérées d'une manière inconstitutionnelle. Le juge constitutionnel en tant que gardien de la constitution doit à tout prix prendre une position quant à une réforme constitutionnelle qui serait entachée

I6I ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.

I62 Idem.

I63 Ibidem.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

d'inconstitutionnalité, malheureusement ce dernier n'intervient pas généralement dans le cas, lui s'intéresse plus des résoudre les problèmes politiques que juridiques.

Ceci amène également, une perte de la crédibilité du juge constitutionnel, puisqu'il n'intervient pas dans de matières qu'il est censé surveiller, il devient un faux protecteur de la constitution. On voit que le peuple n'a plus confiance à ce juge qui est le véritable protecteur de cette loi fondamentale qui régit tout un peuple.

La récente réforme constitutionnelle qui a eu lieu en République Démocratique du Congo était entachée de beaucoup d'irrégularités, dans le sens que certaines matières étaient réputées inconstitutionnelles, mais la Cour suprême de justice qui est en tant que protectrice de cet instrument du constitutionnalisme n'avait rien donné son avis malgré les agitations de tout bord.

Certes, tout ceci influe négativement sur le constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique en générale et en RDC en particulier. Donc, le dénombrement de quelques cas des réformes constitutionnelles qui ont eu lieu en Afrique, ont un impact très néfaste sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie du continent.

2*2* CONSEQUENCES D'ORDRE POLITIQUE

Si les révisions constitutionnelles entrainent des conséquences d'ordre juridique et institutionnel, elles se font également sentir sur l'étendue du territoire national. Elles amènent le pays dans un chaos ou dans un recul total sur les institutions tant politiques que sociales.

Les révisions constitutionnelles africaines seraient sources des tensions politiques, sociales, économiques et culturelles. Elles entrainent aussi de fois des révolutions populaires, des rébellions, voire de coup d'Etat. Ces crises ont souvent été malheureusement accompagnées de bain de sang et de massacre des populations. Nombreux sont encore ces pays qui payent et continuent encore de payer le prix de la discorde politique très souvent née des « tripatouillages constitutionnels » .I64

1° Crise de la démocratie et violences politiques

On ne peut échapper à la tentation d'établir un lien entre le constitutionnalisme et la démocratie. En Afrique de l'ouest, la contemporanéité entre les avancées démocratiques et l'essor du constitutionnalisme est manifeste. Celui-ci se

I64 BEDEL BAOUNA, « Constitution, un mot vide de sens en Afrique », Op. cif

6I

62

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

nourrit des progrès de celles-là et les traduit formellement dans son contenu. Inversement, il est évident que les reculs démocratiques affectent le constitutionnalisme et affaiblissent la croyance dans la supériorité de la norme constitutionnelle et dans sa fonction d'organisation durable du système politique et de limitation du pouvoir.

Or, si ce lien existe, au moins indirectement, il ne faut pas s'étonner que la crise des modèles constitutionnels soit un aspect de la crise du modèle démocratique et plus particulièrement de la démocratie représentative. Celle-ci est essentiellement formelle et procédurale et vidée en quelque sorte de sa substance (gouvernement du peuple par le peuple, quoique par l'intermédiaire des représentants). On peut le constater à un triple point de vue pour ce qui concerne la constitution .I65

Tout d'abord, la crise de la démocratie touche le pouvoir constituant originaire dans la mesure où, en dehors de la parenthèse des conférences nationales, les procédés qui permettent d'associer le peuple à l'élaboration des constitutions sont caricaturaux. Très souvent, le contenu de la constitution n'est mis en débat que dans des cercles restreints et généralement de façon techniciste. La caution populaire n'intervient que dans la phase d'adoption par référendum, les citoyens étant davantage appelés à se prononcer sur un « prêt-à-porter » qu'à effectuer un choix éclairé sur des changements voulus et dont ils comprennent les enjeux. De plus, appelés à voter au moment de l'adoption des constitutions, la consultation des citoyens est systématiquement exclue dès lors qu'il s'agit de les réviser et quelle que soit l'importance de la modification entreprise .I66

Ensuite, la crise affecte le pouvoir constituant dérivé. Cette crise qui est celle de la représentation nationale en soi, notamment des parlements, traduit le mieux l'influence que la démocratie représentative peut avoir sur le constitutionnalisme. Le fait majoritaire et les pratiques politiques qu'il induit ainsi que l'hypertrophie présidentielle affaiblissent les principes et garanties constitutionnels. Il est navrant d'observer la facilité avec laquelle des révisions constitutionnelles d'une légitimité douteuse sont adoptées au sein des parlements par la seule volonté du parti au pouvoir et de celui qui l'incarne .I67

Enfin, la démocratie représentative s'exerce à travers le choix des dirigeants et ce choix résulte notamment de l'élection. Or l'élection, ou tout au moins les conditions dans lesquelles elle se déroule, est pourvoyeuse d'instabilité politique mais

I65 ASSANE MBAYE, « Alternatives pour l'effectivité des constitutions en Afrique de l'Ouest »,0p. cif.

I66 Idem.

I67 Ibidem.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

aussi constitutionnelle. Elle entraîne parfois des réformes constitutionnelles conjoncturelles qui ne résolvent que passagèrement et non durablement des problèmes politiques profonds.

On constate qu'aucune élection ne se passe dans la sérénité, le mieux où les « élections tronquées »I68 et gagnées d'avance et sources de conflits .I69 Le mieux serait qu'on décrète les pouvoirs à vie, les Présidents dynastiques ; rien ne sert de gesticuler c'est que vit l'Afrique. Il n'y a que les sourds-muets et les idéalistes qui récusent cette réalité, l'image qu'elle dégage ces temps-ci est pitoyable pour l'Afrique.

C'est dans cette même optique que le professeur Sayeman BULA BULA explique dans le sens que, lorsqu'il y a atteintes insidieuses à la norme fondamentale bien antérieurement à l'organisation des élections générales ou présidentielles. On pense à cette tendance, soit de proroger le terme du mandat présidentiel originel, soit de renouveler à souhait le mandat initialement limité à deux, lorsque même le chef de l'Etat a été élu au suffrage universel direct. Les révisions constitutionnelles envisagées dans ce sens divisent profondément les organisations politiques nationales. Et si, le chef de l'Etat en poste se présente, après une révision « sur mesure » de cette dernière aux élections et les remporte, il y aurait un changement anticonstitutionnel insidieux de gouvernement. A moins que la révision constitutionnelle soit adoptée de manière libre et transparente par voie référendaire .I70

Nous savons que la démocratie se mesure par l'alternance au pouvoir. Or, c'est l'alternance et les conditions (modes de scrutin) véritables de son émergence qui posent problème en Afrique. A cette absence, certaines personnes ambitieuses cherchent d'être aux commandes de l'Etat. Ainsi, celles-ci tenteront de tous les moyens permettant d'être au pouvoir. Cela amènera soit une rébellion, soit un coup de l'Etat en vue de mettre un terme au pouvoir de chef d'Etat coutumier. Ceci fait qu'il ait une crise généralisée sur l'étendue du territoire national.

C'est ainsi que dans la majorité de révision constitutionnelle qui octroie la présidence à vie aux chefs d'Etat africains ont été le théâtre des crises de tout bord, des révolutions populaires d'une part et des coups d'Etat d'autre part. Sur ce, toute une panoplie de cas récents en Afrique dont en voici quelques illustrations.

I68BULA BULA, S ., « Mise hors -- la -- loi ou mise en quarantaine des gouvernements anticonstitutionnels », African yearbook for international law, n°9, 2005, pp . 52-53 .

I69 BEDEL BAOUNA, « Constitution, un mot vide de sens en Afrique », Op. cit.

I70 BULA BULA, S ., Op. cit, p . 77 .

63

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

En Tunisie, il y a eu de soulèvement populaire au début de l'an 20II et qui a débouché par l'éviction forcée du Président Zine BEN ALI qui a mis longtemps au pouvoir. Le même drame s'est produit en Egypte avec la défection du Président Hosni MOUBARAK au pouvoir. Pour aller plus loin dans cette illustration, au Yémen avec le Président ALI ABDALLAH SALEH au pouvoir depuis 23 ans, et quand il a tenté de modifier la constitution yéménite pouvant lui permettre de briguer un autre mandat présidentiel, comme conséquence, il y a une crise généralisée qui poursuit son cours normal au Yémen dont il n'arrive pas à la maîtriser jusqu'à ce jour .I7I

Dans les deux dernières années, on a pu enregistrer de coups d'Etats à travers l'Afrique en Général. En Guinée-Conakry, où Lansana Conté a été renversé par un coup d'Etat par le lieutenant Dadis CAMARA dont la suite a amené à une élection présidentielle remportée par l'éternel opposant depuis quarante ans, Monsieur Alpha KONDE, en Mauritanie avec le Président Ould TAYA victime également d'un coup d'Etat .I72 Et le cas récent est lui du Niger, où le jeudi du I8 février 20I0, MAMADOU TANDJAI73 lors d'un conseil des ministres important qu'il présidait a été surpris avec ses collaborateurs par les assaillants et dont l'acte fut consommé par quelques officiers généraux sous le commandement de SALOU DJIBO. Ce dernier en prenant le pouvoir, a organisé une élection présidentielle après son coup d'Etat, laquelle élection fut remportée par MAMADOU YOUSSOUF, actuel Chef d'Etat nigérien, ancien opposant de l'ex-président déchu MAMADOU TANDJA .I74

Donc, la crise de la démocratie et les violences politiques se manifeste lorsqu'on touche de manière inattendue ou inavouée à la constitution, à ce moment l'ordre démocratique est touché et cela amène des tensions institutionnelles, sociales, qui à la fin du compte prend plusieurs connotations : la rébellion, la révolution, le coup d'Etat..., puisque l'ordre constitutionnel ou démocratique est entamé par une réforme constitutionnelle tout à fait frauduleuse.

2° Perte de confiance aux institutions

Lorsque les institutions issues des élections se livrent à des pratiques qui sont vraiment contre la volonté du peuple, à ce moment ce dernier se sent négliger par

I7I Information donnée sur Radio France internationale, du I8 mai 20II, édition de 05h00'.

I72 THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage par les kleptocrates »,Op. cif.

I73 BOISBOUVIER, C ., « Niger, TANDJA, la chute, renversé le I8 février, l'ex-président paie le prix de son acharnement à demeurer au pouvoir », Op cif,

I74 Information donnée sur RFI du 28 avril 20II, édition de 05h30'.

64

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

les représentants des différentes institutions politiques, et à ce niveau les gouvernés peuvent prendre distance de ces institutions, quand bien même que ces institutions sont représentées ou existent par sa volonté.

Cette perte de confiance est due également par le fait de mettre le peuple à l'écart par les autorités politiques dans leurs initiatives ou leurs consensus politiques. On remarque que ces souverains africains ne sont pas vraiment associés dans des grands enjeux politiques. Tel est le cas de la récente révision constitutionnelle qui a eu lieu en République Démocratique du Congo. On voit que la population n'était pas associée à prendre part à un débat ou à un consensus en vue d'élaborer une loi qui devait être respectée par l'ensemble de la communauté nationale.

Le second chapitre de la première partie de cette étude s'est essentiellement évertué sur les constitutions et les révisions constitutionnelles en Afrique. Le passage dans ce chapitre sur le continent africain était riche en spectacle de voir les considérations du concept « constitution africaine » et « les révisions constitutionnelles » qui sont devenues un défi, un fléau pour l'Afrique. Ce mécanisme constitutionnel pose problème du constitutionnalisme et de la démocratie. Force est de constater que le pouvoir n'est pas suffisamment constitutionnalisé, bien sûr que la démocratie n'est pas liée à l'existence d'une constitution, puisque même les dictatures ont une constitution. Cette pathologie du révisionnisme constitutionnel en Afrique par l'absence d'une appropriation populaire de la charte fondamentale qui doit constituer la clé de voute des institutions d'un pays, l'idée de constitution n'est pas sociabilisée. Tout ceci explique la personnalisation à outrance du pouvoir dans les pays africains où tout est centré sur la seule personne du Président. Ce mécanisme constitutionnel amène des conséquences très fâcheuses vis-à-vis des institutions politiques et vis-à-vis du pays concerné.

Ainsi donc, si les révisions constitutionnelles ont eu des impacts très dangereux sur le constitutionnalisme et la démocratie en Afrique de manière générale, la République Démocratique du Congo de manière particulière n'est pas spectatrice mais elle est également actrice en la matière. C'est ainsi que la seconde partie de notre étude sera focalisée singulièrement sur les révisions constitutionnelles et du constitutionnalisme dans l'histoire constitutionnelle et politique de la RDC .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

DEUXIEME PARTIE

REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET CONSTITUTIONNALISME DANS
L'HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE ET POLITIQUE DE LA RDC

Cette partie essentielement pratique, casuistique et contextualisée à la RDC. Ele passe en revue l'histoire tant constitutionnele que politique de la République Démocratique du Congo, laquele histoire est émailée de nombreuses réformes des textes fondamentaux qu'a connu le pays. Ces réformes ont certes eu un impact soit positif soit négatif sur le constitutionnalisme et de la démocratie. Peut-être la RDC, comme un des pays africains pourrait faire exception.

C'est pourquoi cette partie aborde successivement les différentes révisions constitutionnelles intervenues pendant la première et la deuxième République (Chap. I), avant de s'atteler sur la récente révision de la constitution dite de troisième République (Chap. II).

67

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

CHAPITRE PREMIER

REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA PREMIERE ET DEUXIEME

REPUBLIQUE

Pour arriver à comprendre l'impact réel des révisions constitutionnelles sur le constitutionnalisme et la démocratie en RDC, il va falloir analyser les révisions qui ont intervenues sous la Première République (Sect. I), ainsi que celles qui ont accompagnés la Deuxième République, période caractérisée par l'instabilité constitutionnelle (Sect. II).

SECTION I : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA PREMIERE REPUBLIQUE

Cette première République qui commence au lendemain de l'accession à la souveraineté nationale et internationale par la RDC, était d'abord régie par la Loi Fondamentale du I9 mai I960, ensuite par la constitution du Ier Août I964 dite de « Luluabourg » .

Pour confirmer également l'hypothèse selon laquelle la révision constitutionnelle est liée à l'histoire de la République Démocratique du Congo, il suffit de constater avec nous qu'à trois mois d'existence de l'Etat congolais, intervenait la toute première révision, qui consacrait en fait l'anéantissement de la Loi Fondamentale du I9 mai I960 .

En effet, les modifications subséquentes du texte originel de la loi fondamentale sont matière à réflexion. D'abord, il sied de noter que le texte de la loi fondamentale du I9 mai I960 ne mentionne aucun titre relatif à la révision constitutionnelle. Cependant, il y a lieu de dissiper cette lacune par un raisonnement par analogie. Cas de l'article 4 dispose que le chef de l'Etat et les deux chambres composent le pouvoir constituant. Ils sont les organes habilités à élaborer la constitution. S'ils sont habilités à élaborer la constitution, ils ne peuvent qu'être compétents à modifier aussi le texte par eux élaboré et ce, en vertu du principe de parallélisme de forme et de compétence et de la théorie de l'acte contraire. De ce point de vue, la loi fondamentale devait être modifiée par ces autorités agissant en concours .I75

66

I75 PUNGA KUMAKINGA, P ., Op.cit, pp . I06-I07

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

En clair, la loi fondamentale n'avait jamais été révisée, mais elle n'a été que victime de regrettables violations ou anéantissements, voire suspension, pendant toute son existence. Il y a eu deux décret-loi constitutionnels qui ont été pris dans des circonstances exceptionnelles, mais curieusement, ces textes n'avaient pas pris le soin de suspendre la loi fondamentale, ils ont tout simplement guidé une période où au même moment la loi fondamentale était toujours en vigueur. Alors cette pratique d'après nous était considérée comme une forme de révision de la loi fondamentale.

§1 . SOUS LE REGIME DES COMMISSAIRES GENERAUX

Il convient de rappeler que dès l'indépendance la RDC était régie par la Loi fondamentale du I9 mai I960 relative aux structures du Congo. NKULU KILOMBO signale que cette loi est issue des Résolutions de la Table Ronde de Bruxelles à laquelle avait participé les représentants du peuple congolais. Aussi, cette loi demeurait techniquement un Acte du législateur belge appelé à donner une base juridique aux structures politiques du Congo en attendant que celui-ci élabore sa propre constitution .I76 D'où, son caractère purement provisoire.

1*1* Contexte politique et changement constitutionnel

Pour mémoire, après les sécessions du Katanga (II juillet I960) et du Sud-Kasaï (Août I960) puis la révocation du Premier Ministre Lumumba (05 septembre I960), l'atteinte est portée à l'encontre de la loi fondamentale par la création du Collège des Commissaires Généraux. Bien que la révocation du Premier Ministre soit sujette à plusieurs contestations sérieuses au regard des traditions propres au régime parlementaire, aucun élément objectif n'a pu justifier la création du collège des Commissaires Généraux pratiquement une semaine après la démission forcée du Gouvernement Lumumba. Le chef de l'Etat ayant désigné Monsieur ILEO comme formateur, celui-ci, conformément aux usages, allait procéder aux consultations des principaux groupes et personnalités politiques en vue de réunir une équipe ministérielle apte à obtenir la confiance du Parlement. Mais comme la majorité parlementaire était favorable à Lumumba, Monsieur ILEO allait au devant d'un échec certain. Le défaut d'investiture parlementaire aurait contraint le chef de l'Etat à la négociation avec les forces politiques qui soutenaient Lumumba, puisqu'à deux reprises au cours d'une semaine, le Parlement avait renouvelé sa confiance à Lumumba .I77

I76NKULU KILOMBO, Congo-Zaïre de la charte coloniale à la constitution de la troisième République, éd . SECCO, Kinshasa, I99I, p . 46 .

I77 ibid., p . 74 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Dès lors, on constate que cette révision entreprise par le chef de l'Etat Joseph KASA VUBU mettait déjà en mal d'une part le principe de la séparation des pouvoirs et la classe politique congolaise d'autre part. Partant de celle-ci, tous les pouvoirs étaient concentrés entre la main d'un seul organe qui est le Conseil des Commissaires Généraux, celui-ci conduisait la politique générale de la nation. Tous les trois pouvoirs classiques étaient unifiés ou exercés par ce dernier.

Cela est même l'esprit de ce décret qui disposait que jusqu'à l'accomplissement de la mission du Conseil des Commissaires Généraux, les chambres législatives étaient ajournées, que le pouvoir législatif dévolu aux chambres par la loi fondamentale était désormais exercé par le conseil des commissaires généraux sous forme de décret-loi contresigné par le Président du conseil et le commissaire général intéressé et que le pouvoir exécutif dévolu au Premier Ministre et aux ministres était exercé respectivement par le Président du Collège et par les commissaires généraux .I78

Nous disons qu'il y a eu dans ce régime, une confusion des pouvoirs suite à l'existence du décret-loi constitutionnel du 29 septembre I960 qui consacrait de manière officielle la confusion des pouvoirs au profit d'une institution. Car, désormais, les pouvoirs législatif, et exécutif étaient confondus dans le chef de la même institution, à l'occurrence le collège des commissaires généraux, organe à la fois exécutif et législatif.

1*2* Impact sur constitutionnalisme et de la démocratie

Dans ce cas, quelques éléments du constitutionnalisme posaient problème sur terrain. Comme le confirme KABUYA LUMUNA, il est vrai qu'à ce moment-là, KASA VUBU avait instauré un régime de type dictatorial au profit d'un comité appelé « Conseil des commissaires généraux, cela après avoir suspendu la loi fondamentale et promulgué à la place le fameux Décret-loi constitutionnel du 29 septembre I960 .I79

En cette période, il y a eu déséquilibre des pouvoirs institutionnels, y compris confusion des pouvoirs dans le chef de commissaires généraux qui foulaient au pied le principe de la séparation des pouvoirs, un des éléments du constitutionnalisme .

Ainsi, la création du collège des commissaires a été un frein au jeu démocratique et a constitué un blocage du fonctionnement normal des institutions politiques .I80 Cette amalgame au sommet de l'Etat ne pouvait favoriser guère la bonne

I78 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . 7I .

I79 KABUYA LUMUNA, Op. cit, p . 204

68

I80 NKULU KILOMBO, Op cit, p . 75 .

7I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

démocratisation ou les valeurs démocratiques, telles que la tolérance, l'alternance au pouvoir et l'esprit d'écoute.

Certes, l'histoire a, par la suite, démontré que la crise gouvernementale congolaise ne pouvait être réglée que par le recours au Parlement qui devait investir le Gouvernement de sa confiance. C'est ce qui a été fait pour le gouvernement Adoula en Août I96I . C'est l'investiture parlementaire qui a donné au gouvernement Adoula, issu du conclave de Lovanium une assise, une légitimité populaire et une crédibilité devant les instances nationales et internationales, qualités qui faisaient défaut au collège des Commissaires Généraux et au gouvernement ILEO. La légitimité du Gouvernement ADOULA recouvrée à la suite de l'investiture parlementaire lui a permis de restaurer l'unité nationale d'abord par la dissolution du "Gouvernement Central " de Kisangani dirigé par Antoine GIZENGA qui se réclamait de la légitimité constitutionnelle en tant qu'héritier de LUMUMBA, et ensuite par la liquidation de la sécession Katangaise .

§2 . SOUS LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE JOSEPH ILEO

Ce gouvernement est intervenu ou s'est formé à la suite de la conférence de Léopoldville. En quête de la légitimité républicaine et à la recherche de l'unité nationale perturbée par la sécession du Katanga, le chef de l'Etat convoqua une conférence nationale, dite « Table Ronde de Léopoldville » en janvier-février I96I en vue de réformer les structures politiques du Congo.

2*1* Contexte politique et changement constitutionnel

Comme l'indique NKULU KILOMBO, cette Table Ronde qui s'est tenue à Léopoldville exactement une année après celle de Bruxelles, a recommandé la libération des détenus politiques, la constitution d'un gouvernement provisoire, la réouverture du Parlement et le maintien de l'unité du Congo dans ses structures fédérales .I8I C'est ainsi qu'à l'issu de cette conférence, le chef de l'Etat Joseph KASA VUBU prit, le 9 février I96I, un décret-loi constitutionnel qui mit fin à la mission du collège des Commissaires Généraux et décida la constitution d'un gouvernement provisoire. Ce décret-loi disposait que jusqu'à la date, à fixer par le chef de l'Etat, où les chambres législatives seraient en mesure de se réunir en comprenant les parlementaires de chaque province, le Gouvernement serait dénommé Gouvernement Provisoire. Ce Gouvernement exercerait le pouvoir législatif sous forme de décrets-lois contresignés par le Premier Ministre et les

69

I8I NKULU KILOMBO, Op cit, p . 77

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

ministres intéressés. C'est dans ces circonstances que naquit le deuxième gouvernement ILEO en février I96I, le premier qui a prétendu succéder à Lumumba n'ayant pas pu fonctionner en raison de la création du collège des commissaires généraux .I82

Rappelons que ce deuxième décret-loi constitutionnel confia le pouvoir législatif au gouvernement provisoire dirigé par J . ILEO. Celui-ci se retrouva être à la fois Premier Ministre, ministre de la Défense et ministre de la Justice, responsable donc, de l'Exécutif et du Législatif. Rappelons également, pour la petite histoire, que c'est le même ILEO qui se trouva à la tête de la conférence Nationale aux côtés de Mgr Laurent MONSENGWO (actuellement Cardinal de la RDC) . Il était alors président de sa formation politique, le PDSC (Parti Démocrate et Social Chrétien) .I83

Nous avons vite remarqué qu'à cette période, le chef de l'Etat Joseph KASA VUBU prenait des décisions anticonstitutionnelles ou en violation de constitution ; lesquelles décisions étaient en grande partie contestées. En septembre I960, puis de nouveau septembre I963 et septembre I965, on a envie de parler de KASA VUBU comme étant l'homme des « septembres tragiques », comme le journaliste François MISSER l'a souligné. La nomination de Monsieur ILEO, sans aucun respect de la majorité parlementaire et la mise en congé du Parlement pendant un an, jusqu'au conclave de Lovanium organisé sous la pression internationale, en juillet-Août I96I .

Le 29 septembre I96I, il prit carrément la décision de congédier le Parlement, en prenant le risque de précipiter les Lumumbistes dans les mouvements d'opposition armés qui ensanglantèrent le pays. Il nomma alors, en novembre I963, une commission constitutionnelle dirigée par ILEO et LIHAU, qui ne comportait aucun membre des chambres dissoutes et à laquelle confia la mission de préparer un projet de constitution à soumettre au référendum (janvier-avril I964) . Il avait superbement ignoré les chambres en leur qualité de constituant car, la loi fondamentale avait prévu que la constitution définitive de la République du Congo devait émaner des chambres élues. Mais, il est vrai que le Parlement en crise depuis l'affaiblissement de la majorité lumumbiste s'était illustré par des dissensions et des lenteurs, qui ne lui avaient pas permis de présenter valablement un projet de constitution définitive conformément au voeu de la loi fondamentale.

I82 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . 78 .

70

I83 KABUYA LUMUNA, Op. cit, p . 220

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

2*2* Impact sur le constitutionnalisme et de la démocratie

Tout ceci explique comment le chef de l'Etat s'était illustré à la violation grave de la loi fondamentale : par son anéantissement, sa suspension et sa mauvaise interprétation dont ces comportements ont abouti à des crises qui avaient tant perduré sur l'étendue du territoire congolais. En conséquence, le constitutionnalisme et la démocratie étaient entièrement pris en otage par une seule institution politique, c'est-à-dire le gouvernement provisoire de Joseph Iléo qui faisait la volonté du chef de l'Etat. Il n'y avait pas un terrain propice pour l'émergence du constitutionnalisme et de la démocratie en RDC. Ces derniers étaient coincés par la seule volonté du grand dictateur où ce régime suivait son cours normal dans une confusion totale des pouvoirs.

Si la première République a été entachée de confusion de pouvoirs, de monopolisation des pouvoirs entre la main d'un seul organe par tous les déboires constitutionnels enregistrés, lesquels n'ont pas facilité une éclosion du constitutionnalisme et de la démocratie, c'est-à-dire que ceci a eu des impacts très néfastes sur la promotion du constitutionnalisme ainsi que la démocratie en RDC. Mais qu'en est-il de la deuxième République sous le règne du Maréchal MOBUTU ?

SECTION II. REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA DEUXIEME REPUBLIQUE

La deuxième République fut régie par la constitution du 24 juin I967 . Mais son initiateur Joseph Désiré MOBUTU fut à la tête de l'Etat congolais le 24 novembre I965 suite à un coup d'Etat. Sous cette République, le Zaïre a connu deux périodes : du règne du régime monolithique et celle des instabilités politiques qui ont abouti à des transitions de ce pays.

§1 . PRINCIPALES REVISIONS SOUS LE REGIME DU MONOPARTISME

La constitution du 24 juin I967 qui régissait la deuxième République avait fait l'objet des révisions de tout bord, qui ont amené le pays à un certain moment dans un gouffre total.

Mais, comment cette constitution fut-elle élaborée ? Pour rappel, la constitution du 24 juin I967 a été l'oeuvre d'une commission constitutionnelle composée des juristes congolais du premier gouvernement issu du coup d'Etat. Il faut néanmoins préciser que cette commission n'était pas assez représentative comme celle de I964,

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

car elle n'était qu'une commission gouvernementale. Les experts commis à cet effet, étaient issus du milieu du pouvoir, la société civile n'ayant pas été associée. Il y a donc lieu d'affirmer qu'au stade de la rédaction du texte constitutionnel, le peuple était mis en l'écart étant entendu que la commission politique du gouvernement qui l'élabora était fermée aux forces vives de la nation .I84

Cette constitution a été proposée au peuple qui l'adopta à l'issue du référendum organisé du 4 au 24 juin I967 . Cependant, l'adoption du texte constitutionnel par le peuple ne garantit pas sa stabilité. Si tel était le cas, cette constitution n'aurait pas été victime des dix-sept révisions unilatéralement initiées par les pouvoirs publics qui n'associèrent en aucune fois le souverain primaire. C'est autant dire que cette constitution aura été l'une des plus instables qu'ait connu la RDC.

La révision constitutionnelle, pour être régulière, doit tout d'abord rentrer dans l'intérêt général du peuple et de la République, la préservation de la démocratie ; ensuite elle doit respecter la procédure prévue par le constituant quant à ce . Mais les révisions constitutionnelles en RDC ont pour un but de renforcer le pouvoir purement personnel des dirigeants.

En effet, les révisions intervenues au Zaïre (RDC), outre qu'elles violaient les dispositions des articles 74, 75 et 28 de la constitution du 24 juin I967, ont eu pour effet de renforcer certaines institutions au détriment des autres, provoquant d'une part une concentration des pouvoirs entre les mains d'une institution « la présidence » et d'autre part un déséquilibre institutionnel qui a amené les observateurs à dire que le Zaïre était une République monarchique.

Les révisions de la constitution du 24 juin n'ont pas respecté le principe selon lequel la constitution est une loi suprême et fondamentale qui s'impose à tous : gouvernants et gouvernés. Le constitutionnalisme et la démocratie n'émergent guère dans une telle instabilité constitutionnelle dûment entretenue.

Cette constitution qualifiée de révolutionnaire par le nouveau régime a été marquée par de multiples changements aux fins, disait-on chaque fois, de changement aux réalités du moment. Elle a connu de nombreuses révisions dont certaines ont même donné à penser qu'il s'agissait finalement des nouvelles constitutions, tellement les

72

I84 NKULU KILOMBO, Op. cif, p .I35

73

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

philosophies qui sous-tendaient ces révisions ainsi que l'agencement des structures et des organes appelés à exercer le pouvoir étaient différentes, parfois contradictoires .I85

1*1* Loi constitutionnelle n°70-001 du 23 décembre 1970

A* Circonstance politique et changement constitutionnel

En juin I967, la constitution avait limité les partis politiques à deux. L'article 4 alinéa 2 de cette constitution disposait : "il ne peut-être créé plus de deux partis politiques dans la République. Ces partis s'organisent et exercent leurs activités librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et les lois de la République- .I86

En mai I967, Mobutu avait officiellement présenté au public son parti politique, le Mouvement Populaire de la Révolution, avec la publication du Manifeste de la N'sele, le 20 mai I967 . Pendant ce moment, il y a eu une tentative d'Antoine KIWEWA qui consistait à créer un second parti d'obédience lumumbiste lui valurent de sérieux ennuis avec le pouvoir en place.

Ainsi, depuis sa création en I967, le MPR a été conçu non pas comme un parti politique classique devant lutter pour conquérir le pouvoir mais plutôt comme une courroie de transmission entre le pouvoir et les masses populaires .I87

Pour que ce parti atteigne cet objectif, son créateur l'érigea en institution suprême de l'Etat. C'est pourquoi, aux termes de l'article 2 de la Loi n°70-00I du 23 décembre I970, les principales institutions de la République sont :

I . Le Mouvement Populaire de la Révolution ;

2 . Le Président de la République, Président du parti et chef du gouvernement ;

3 . L'Assemblée nationale ;

4 . Le Gouvernement ;

5 . La Cour Constitutionnelle ;

6 . Les cours et tribunaux .I88

I85 NKULU KILOMBO, Op. cit, p .I3I .

I86 IYELEZA MOJU MBEY et alii, Recueil des Textes constitutionnels de la République du Zaïre. Du 19 mai 1960 au 28 mai 1991, éd . Ise consult, Kinshasa, I99I, p . 85 .

I87 VUNDUAWE te PEMAKO, F ., A l'ombre du Léopard. Vérités sur le régime de Mobutu Sese Seko, TomeI, éd . Zaïre Libre, Bruxelles, 2000, pp . I64-I65 .

I88 IYELEZA MOJU MBEY et alii, Recueil...Op. cit , p . 94 .

74

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Comme on le voit, cette Loi consacra le Mouvement Populaire de la Révolution comme institution suprême de la République, toutes les autres institutions lui étant subordonnées et fonctionnant sous son contrôle .I89

B* Effet sur le constitutionnalisme et de la démocratie

Lorsqu'un parti politique est crée, c'est dans un cadre d'abord privé et qui par la suite évolue dans la vie politique. Cela est le même avec le Mouvement Populaire de la Révolution qui était au départ une organisation privée mais après cette réforme constitutionnelle, il devient une institution politique.

Ceci amène l'étatisation du parti MPR et par conséquent, on assiste à un déséquilibre total des institutions de l'Etat. En effet, les pouvoirs étaient presque concentré au niveau du parti et toutes institutions classiques devenaient désormais ses organes dont le constitutionnalisme était battu en brèche sous cette loi-constitutionnelle. Il n'existait pas une séparation des pouvoirs comme l'esprit de Montesquieu.

En ce qui concerne la théorie de la séparation des pouvoirs, il faut savoir qu'un pouvoir politique non étatique ne peut assujettir le pouvoir politique. C'est ainsi qu'en érigeant le Mouvement Populaire de la Révolution en institution première de la République, cela dénote d'une confusion du pouvoir qui est là consacré au sommet de l'Etat Zaïrois.

De ce fait, la séparation et conséquemment la limitation des pouvoirs n'était plus concevable au Zaïre, le Président ayant confisqué tous les pouvoirs en sa qualité de Président de l'institution suprême de l'Etat. Pire, l'article 9 de cette loi avait même pris soin de préciser que ..lorsqu'un député se rend coupable de manquement grave à la discipline du parti, il perd son mandat à l'Assemblée et y est remplacé par un suppléant.. .I90 Par cela, le pouvoir législatif était assujetti par le pouvoir exécutif incarné par le Chef de l'Etat, chef du gouvernement et chef du parti.

En effet, le Président du MPR fut lui-même Président de la République, chef du parti et chef du gouvernement. De ce point de vue, il allait de soi qu'il devait confondre ses prérogatives de chef du parti d'avec ses fonctions de chef de l'Etat et de chef du gouvernement. Donc, par l'institutionnalisation du MPR, c'est la suprématie présidentielle qui était indirectement consacrée.

I89 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I44 .

I90 Art. 9 de la Loi n°70-00I du 23 décembre I970 portant révision de la constitution, Recueil..., p . 95

75

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Quant aux droits et libertés fondamentaux, sous la constitution originelle ainsi que sous constitutions subséquentes dites de révisions de la constitution du 24 juin I967, les droits et libertés fondamentaux ont connu une période des vaches maigres bien qu'ils aient été souvent mentionnés dans les différents textes constitutionnels. Ceci étant, les pratiques violentes marquent la plupart des régimes où l'arbitraire, le non respect du droit, la violation des droits de l'homme sont quotidiens. Elles dénotent également la confusion entretenue délibérément entre la res publica et la chose privée.

Cette réforme constitutionnelle n'envisageait aucunement l'esprit démocratique. La plupart des gouvernants étaient nommés par le seul chef, le chairman du MPR qui était inamovible. Il n'avait pas de la tolérance, c'est-à-dires les valeurs démocratiques dans l'au-delà.

1*2* Loi constitutionnelle n°74-020 du 15 Août 1974

Cette loi a institué le Mobutisme en consacrant la plénitude de l'exercice du pouvoir par le Président de la République.

A* Circonstance politique et changement constitutionnel

L'objet de la constitution révisée du I5 Août I974 était de sanctionner par un acte juridique global toutes les conséquences pratiques qui avaient été tirées de l'institutionnalisation et de la suprématisation du Mouvement Populaire de la Révolution.

Cette loi consacra le monisme intégral au Congo devenu Zaïre. Le MPR qui était la première des institutions en I970 est désormais devenu l'unique institution de l'Etat, voire l'Etat lui-même. Car, entre l'Etat et le MPR il n'y avait plus de séparation à envisager. D'ailleurs, l'article 29 de cette constitution définit le MPR en ces termes : "le Mouvement Populaire de la Révolution est la Nation zaïroise organisée politiquement".

Puisque le Mouvement Populaire de la Révolution avait absorbé toutes les institutions, s'étant confondu à l'Etat, son Président était de droit chef de l'Etat. Aux termes de l'article 9 alinéa Ier, le pouvoir émanait du peuple qui l'exerce par le Président du Mouvement Populaire de la Révolution qui est de droit Président de la République avec le concours des organes du Mouvement Populaire de la Révolution .I9I

Le Président Mobutu incarnait le Mouvement Populaire de la Révolution et détenait la plénitude de l'exercice du pouvoir politique au Zaïre. Ceci illustre bien la confusion du MPR et les organes de l'Etat étaient par voie de conséquence confondus.

I9I Art. 9 al. Ier de la Loi n°74-20 du I5 Août I974 portant révision de la constitution, Recueil, p . I0I

76

77

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Les organes du Mouvement Populaire de la Révolution sont désormais : le Bureau politique, le Congrès, le Conseil législatif, le Conseil exécutif et le Conseil judiciaire .I92

S'étant d'office placé au dessus de ces organes, le Président Mobutu les présidait tous. Autrement dit, il présidait le Bureau politique, le Congrès, le Conseil législatif, le Conseil exécutif et le Conseil judiciaire. C'est lui qui exerce la totalité des fonctions classiques de l'Etat, avec le concours des organes du MPR qui agissaient par délégation .I93

Même l'article 3I qui limitait le mandat présidentiel à cinq ans renouvelables une seule fois n'avait pas un contenu réel, car ces restrictions ne concernaient pas le Fondateur du MPR à qui il était demandé d'assurer la continuité de l'oeuvre salvatrice qu'il avait entreprise .I94

B* Effet sur le constitutionnalisme et de la démocratie

Sous l'empire de la constitution du I5 Août I974, il n'existait pas de séparation des pouvoirs, pas de limitation des pouvoirs du Président du MPR, Président de la République, pas d'alternance au pouvoir, la démocratie n'était pas au rendez-vous. La confusion des pouvoirs était constitutionnellement consacrée, toutes les barrières juridiques ayant été consciemment écartées au profit du Président Fondateur.

De ce qui précède, nous pensons à notre humble avis que cette révision avait donc renforcé le rôle dirigeant du parti. Les bavures politiques s'amplifiaient. Pour cette constitution, rien au Zaïre ne pouvait être en dehors du Mouvement Populaire de la Révolution : la primauté des pouvoirs appartenaient désormais au parti Etat au Chef de l'Etat sur l'Etat. Autrement dit, les organes du Mouvement Populaire de la Révolution étaient supérieurs aux organes de l'Etat .I95

1*3* Loi constitutionnelle n°78-010 du 15 février 1978

La révision de I978 voulait tout simplement libéraliser le régime ou libéraliser l'exercice du pouvoir au sein du MPR. Ceci était dû suite à la guerre de 77 de Shaba.

I92 Art. 43 de la Loi n°74-20 du I5 Août I974 portant révision de la constitution, Recueil, p . I04 .

I93 VUNDUAWE te PEMAKO, F ., Op. cit, p . I82 .

I94 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I47 .

I95 MOUNGALA ASSINDIE cité par DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel congolais, Notes du cours polycopiées, 2ème Graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 2007-2008, p . I25 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

A* Contexte politique et changement constitutionnel

La révision constitutionnelle du I5 août I974 avait conduit à une concentration à outrance des pouvoirs du Président du Mouvement Populaire de la Révolution, Président de la République. On remarque ici que même dans l'élaboration de la constitution, on parle du Président de la République tout court quand on veut parler du Président de la République. La loi constitutionnelle du I5 février I978 fait suite au discours du Président fondateur du MPR, Président de la République en date du Ier juillet I977 . Dans ce discours, le Chef de l'Etat dénonce le malaise crée par cette concentration des pouvoirs entre les mains d'une seule personne .I96

Il a souvent été dit en doctrine que la réforme intervenue en cette date du I5 février I978 était inspirée par le souci de libéraliser le régime, c'est-à-dire démocratiser le Zaïre et de rendre responsables tous les organes de l'Etat en procédant à un partage effectif du pouvoir entre le Président et ces organes .I97 Mais, ce n'était qu'une réforme apparente ou plutôt éphémère. Car, nonobstant le partage du pouvoir avec les autres organes de l'Etat, le Président du Parti conservait l'initiative des lois et de la révision constitutionnelle concurremment avec le Conseil législatif. En outre, il légiférait par voie d'ordonnance-loi en dehors des sessions du Conseil législatif et cela sans aucune quelconque habilitation . I98

B* Impact sur constitutionnalisme et de la démocratie

La confusion dans le fonctionnement et l'exercice du pouvoir était toujours une réalité permanente. L'exécutif dont le Président était jusqu'ici le chef avait sans cesse confisqué le pouvoir du Conseil législatif. Fondamentalement, rien n'avait changé. D'ailleurs, avec cette constitution, " le mandat du Président fut fixé à sept ans et la limitation du droit au renouvellement du mandat présidentiel fut abandonné- .I99

Deux années plus tard, en février d'abord puis en novembre I980 ensuite, le régime fut de nouveau endurci avec la création du Comité central, nouvel organe de conception, d'inspiration, d'orientation et de décision du MPR. A ce titre, le Comité central allait prendre une place considérable dans la vie nationale enjoignant par

I96 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, pp . I25-I26

I97 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I50 .

I98 Ibid., p .I50 .

I99 Idem.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

décisions d'Etat au Conseil législatif et au Conseil exécutif de prendre les mesures qui lui semblaient utiles .200

Après le Président Fondateur, le Comité central devenait la cheville ouvrière ou la plaque tournante du régime zaïrois de cette époque. C'est ainsi que la révision constitutionnelle redéfinit la hiérarchie et le fonctionnement des organes du Mouvement Populaire de la Révolution.

Il y a lieu de noter que l'expression "Parti-Etat" ne fut jamais inscrite dans la constitution. Elle fut introduite dans le langage politique par la Décision d'Etat n°32/CC/83 du Comité central prise le Ier avril I983 qui disposa que le Mouvement Populaire de la Révolution était un Parti-Etat et que, en tant que tel, il était l'unique source de pouvoir et de légitimité au Zaïre .20I La conséquence de ce modèle de gouvernance est l'institutionnalisation d'un pouvoir à la fois personnel, personnalisé et individualisé. Il y a disparition de l'Etat en tant qu'institution politique étant donné que le pouvoir est totalement intégré dans la personne du chef de l'Etat .

Ce système politique dans son ensemble posait le problème de légitimité à travers ses organes. On a remarqué quand même un grand effort de démocratisation de la part des pouvoirs mais dans celui de séparation des pouvoirs au sein des organes du Mouvement Populaire de la Révolution.

Si le Comité central pouvait enjoindre le Conseil législatif (Parlement) et le Conseil exécutif (Gouvernement) à prendre les décisions dans le sens qu'il souhaitait, il est évident que leurs pouvoirs étaient en réalité exercés par lui, leur rôle n'était que cérémonial, il faisait que l'acte de présence. De cette manière, le constitutionnalisme ne pouvait être envisageable dans un tel contexte.

Les élections doivent conduire au rajeunissement de la classe politique ; elles doivent favoriser l'alternance au pouvoir, la limitation des mandats des gouvernants. Cela est même leur rôle primordial dans une démocratie constitutionnelle. Pourtant, les élections organisées au Zaïre depuis I970 jusqu'aux dernières en I987, ne postulaient que la réélection à l'infini du candidat Joseph Désiré MOBUTU, étant entendu que ce dernier avait, semble-t-il, reçu mission de parachever l'oeuvre salvatrice qu'il avait commencée. Certes, pendant ce moment la démocratie avait du mal pour prendre effet au Zaïre, malgré les voies se levaient de partout, les différentes modifications constitutionnelles ne prenaient pas soin d'instaurer la démocratie dans ce pays.

78

200 NKULU KILOMBO, Op. cif, pp . I55-I56 20I Ibid., p .I57 .

79

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

1*4* La loi constitutionnelle n°80-007 du 19 février 1980

Depuis I978, le Président MOBUTU entre en conflit ouvert avec le parlement issu de sa tentative de libération du régime. Vite, il a renoué avec son système monolithique. Pour y arriver, la constitution était révisée en I980 afin d'affirmer simplement le rôle primordial du parti et son chef.

A* Contexte politique et changement constitutionnel

A la suite des interpellations qui ont jeté une limite négative sur le Conseil législatif, le Président de la République, par cette révision, revient sur la libération enclavée par la révision de I978 . Ainsi, il réaffirme son pouvoir de dissolution du Conseil législatif, de même il s'octroi les pouvoirs de nomination des membres du bureau politique qui ne seraient pas élus.

Par ailleurs, le Mouvement Populaire de la Révolution prend la définition qu'on donne classiquement à l'Etat, c'est l'esprit de l'article 29 de ladite loi. Le Président de la République est avant tout le Président du Mouvement Populaire de la Révolution.

De ce qui précède, il s'agissait d'un régime politique déséquilibré accordant une réelle préséance au Chef de l'Etat, Chef de l'Exécutif et ce, au mépris de la limitation des pouvoirs poursuivie par le constitutionnalisme. Toutes ces révisions visaient tout simplement à accroitre les pouvoirs de gouvernants, il y avait l'inexistence de l'Etat de droit, l'alternance continuait à poser problème, les droits et libertés fondamentales garantis n'étaient applicables, donc la liberté d'expression n'était effective. Comme conséquences de tous ces déboires politiques, on a assisté à des périodes tumultueuses, c'est-à-dire de moment d'instabilités politiques, lesquelles instabilités ont amené une autre donne politique à travers le Zaïre (RDC) . Cette période était également émaillée des multiples lois constitutionnelles.

§2 . REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET INSTABILITE POLITIQUE

Pendant la période de 90, le monde avait connu des bouleversements de grande envergure. On a vite remarqué qu'à la fin des années I980, l'humanité avait connu des bouleversements, lesquels étaient appelés « sismique » . A la suite de l'éclatement de l'URSS et de la chute du mur de Berlin, les pays de l'Est ont été contraints sous la pression sociale à transformer leur régime. On a alors parlé de la

80

8I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Perestroïka : une réorganisation du système socio-économique et mondialisation des mentalités dans le sens de l'efficacité et d'une meilleure circulation de l'information .202

Ce vent de l'Est va traverser la méditerranée et souffler sur le continent Africain. Les modèles de gouvernance adoptés les Etats africains à savoir la dictature composite ou chauve-souris n'ont pas permis aux Etats africains de décoller. C'est ainsi que l'Afrique avait saisi l'opportunité pour aménager son environnement politique. Comme nous l'avons dit dans la partie introductive de cette étude, le continent noir va connaitre une nouvelle donne politique, entre autre la démocratisation des Etats africains, comme conséquences : la transition, les conférences nationales, les gouvernements d'union nationale.

Sur ce, le Zaïre n'était resté en dehors de la réalité du moment, par le biais de son Président, Mobutu va initier une série des consultations populaires dès le mois de janvier I990 . Lesquelles vont aboutir à la démocratisation ouvrant la voie au multipartisme bâti sur un Etat de droit et de la réhabilitation du constitutionnalisme occidental.

Selon le professeur Jacques DJOLI203, cette période dite de transition est répartie en phases, à savoir : la transition emphatique ou euphorique, celle instinctive ou autoritaire, celle partagée.

Mais qu'est-ce que nous pouvons retenir de la transition, sur ce, le professeur Félix VUNDUAWE préfère le concept « d'interrègne constitutionnel » .204 Mais, le concept de transition est défini comme « le processus de transformation qui fait passer d'une phase vers une autre avec comme but de changer la condition des hommes » .205

Ce concept comme l'a analysé le professeur Jean-Louis ESAMBO206, parle d'une part de transition démocratique et d'autre part celle politique, dont d'après lui, ces deux concepts ont été donnés pour synonymes.

La transition démocratique selon Patrick Quintin est une période allant du lancement du processus de dissolution d'un régime autoritaire jusqu'à l'élection des nouvelles autorités selon une procédure d'élections multipartites .207 L'auteur considère la

202 Cette idée est paraphrasée, DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I29 .

203 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I34 .

204 VUNDUAWE te PEMAKO, Op. cit, p . I24 .

205 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit,, p . I32 .

206 ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve...Op. cit, p . I2

207 QUINTIN Patrick cité par ESAMBO KANGASHE, J .L ., Op. cit ., p . I2 .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

transition démocratique comme une période allant du déclenchement du processus de libéralisation politique à la mise en place des institutions transitoires vers un régime démocratique. Les élections libres et transparentes constituent d'après Gérard CONAC, le seul moyen d'expression de la volonté populaire et la source de la légitimité du pouvoir .208

Alors que la transition politique est constituée de la transformation de la société politique africaine par le passage d'un régime à parti unique vers le multipartisme,209 la transition démocratique est considérée comme l'aboutissement d'une transition politique, celle-ci étant constituée par un mouvement de transformation institutionnelle entre deux périodes, transformation dictée par le dysfonctionnement d'un système politique et la nécessité de son remplacement par un autre plus adapté .2I0

2*1* Loi constitutionnelle n°90-022 du 05 juillet 1990

La loi constitutionnelle du 05 juillet est en réalité la seizième révision de la constitution du 24 juin I967 . Elle est l'application, mieux la conséquence logique de l'exécution des décisions prises par le Président de la République dans son discours du 24 avril I990, consécutivement aux consultations populaire qu'il avait initiées sur le fonctionnement des institutions .2II

A* Contexte politique et changement constitutionnel

Le 24 avril I990, à l'issue d'une longue consultation populaire sur le fonctionnement des institutions politiques, le Président Mobutu annonça au peuple zaïrois ses graves décisions qu'il avait seul arrêtées :l'introduction au Zaïre du multipartisme à trois et du pluralisme syndical ; l'abolition de l'institutionnalisation du impliquant de ce fait la réhabilitation des trois pouvoirs traditionnels que sont le Mouvement Populaire de la Révolution législatif, l'exécutif et le judiciaire comme les seules institutions.

A dater du 5 juillet I990, date de la promulgation de la nouvelle constitution, les institutions de la République sont le Président de la République, l'Assemblée Nationale, le Gouvernement et les Cours et Tribunaux .2I2 Cette réforme institutionnelle était certes fondamentale et historique mais dans la pratique le chef de

208 CONAC Gérard cité également par ESAMBO KANGASHE, J .L ., Idem.

209 BRETON J .M cité par ESAMBO KANGASHE, J .L ., Op. cit ., p . I3 . 2I0 Idem.

2II DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit,, p . I35 . 2I2 Art. 34 de la Loi n°90-022 du 5 juillet I990, Recueil, p . I35 .

82

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

l'Etat a conservé sa mainmise sur toutes les institutions. Dans les rapports de l'Exécutif avec le Législatif, il a gardé le droit de dissoudre le Parlement et de prendre des ordonnance-lois sans délégation du Parlement .2I3

Tirant toutes les conséquences de ce discours, la révision constitutionnelle du 05 juillet I990, outre qu'elle change intrinsèquement la philosophie des pouvoirs publics, annule expressément l'article I9 bis de la constitution du 24 juin I967 telle que révisée en I970 : « le Mouvement Populaire de la Révolution est l'institution suprême de la République. Il est représenté par son Président. Toutes les autres institutions lui sont subordonnées et fonctionnent sous son contrôle » ; ainsi que l'article 32 de la même constitution telle que révisée par la loi constitutionnelle du I5 août I974 : « le Mouvement Populaire de la Révolution est la nation Zaïroise organisée politiquement. Sa doctrine est le Mobutisme. Tout Zaïrois est membre du Mouvement Populaire de la Révolution » .2I4

Selon feu le professeur SAMBA KAPUTO, la suppression du monopartisme par un simple discours était une démarche anticonstitutionnelle dangereuse aussi bien pour celui-là même qui l'avait initié et pour le peuple Zaïrois qui allait en subir les fâcheuses conséquences. En effet, en décidant de s'aborder d'auteur le Mouvement Populaire de la Révolution, parti Etat, le Président MOBUTU semblait oublier que, d'après la constitution en vigueur jusqu'au 24 avril I990, la qualité du Chef de l'Etat était indissociable avec celle du Président du MPR que le Chef devenait automatiquement Président de la République. En d'autres termes, en perdant sa qualité du Président du MPR, il cessait d'être Chef de l'Etat et perdait par la même occasion la légitimité qui aurait pu lui permettre de conduire avec quelque chance de succès le délicat processus de démocratisation .2I5

B* Contexte politique et changement constitutionnel

Les mesures partielles de libéralisation du régime n'avaient pas suffit à rendre démocratique l'Etat. Il a fallu, pour annoncer une transition vers la démocratie, repenser l'ensemble du système. Dans plusieurs pays d'Afrique francophone, la démocratisation a été introduite par les conférences nationales regroupant toutes les forces vives de la nation. Mais fort malheureusement, le régime zaïrois a tenté cette

2I3 NKULU KILOMBO, Op. cit, p . I76 .

2I4 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I36 .

2I5 SAMBA KAPUTO cité par DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I37

83

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

expérience en organisant la conférence nationale débutée en août I99I dont les acquis ne seront pas mis en oeuvre à cause de l'absence du processus d'apprentissage.

Dans un régime semi-parlementaire comme celui adopté par cette réforme constitutionnelle, l'équilibre entre les institutions politiques était envisageable si au pouvoir du chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée nationale, il y avait un contre-pouvoir réel détenu par l'Assemblée nationale à l'encontre du Gouvernement. Or, nous savons que la responsabilité politique du Gouvernement dont fait mention l'article 97 de la Loi constitutionnelle du 5 juillet I990, était une responsabilité politique sans véritable conséquence. En effet, comme nous l'avons dit ci-haut, le Gouvernement était encore nommé et révoqué par le Président de la République ; il ne devait pas obtenir un vote confiance de l'assemblée nationale avant son entrée en fonction et il n'était pas soumis tout au long de son existence à une procédure de défiance ou de censure que l'Assemblée ouvrirait contre lui.2I6

2*2* Acte constitutionnel harmonisé du 02 Avril 1993

A* Circonstance politique et changement constitutionnel

Le processus de transition entamé le 24 avril I990 a connu une crise quasi congénitale. Les congolais semblaient n'être pas préparés pour accepter ou cautionner ce revirement qui, selon toute logique leur était favorable. En plus, la malice de la classe dirigeante consistant à donner par la main droite, et retirer par la main gauche fut à la base d'un effondrement sans précédent .2I7 Face à la gravité de la situation économique, sociale, de nouvelles négociations sont engagées à N'Sele entre l'opposition radicale et le pouvoir pour dégager un compromis politique global, lequel sera conclu le 3I juillet I992 . Les deux parties ont consenti à l'équilibre des pouvoirs pendant la transition entre le chef de l'Etat en fonction et le premier ministre devant être issu de l'opposition sur base d'une élection à la Conférence Nationale Souveraine.

Cependant, le Président Mobutu va s'employer à empêcher l'aboutissement d'un acte constitutionnel issu de la Conférence Nationale Souveraine. Après multiples pressions exercées par le pouvoir sur le bureau de la CNS, celle-ci va clôturer ses travaux le I4 septembre I992 dans une ambiance très tumultueuse, sans avoir finalisé l'Acte constitutionnel.

2I6 NKULU KILOMBO, Op. cit ., p . I85 .

2I7 DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I4I

84

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Le nouveau Premier Ministre est privé d'un instrument juridique important pour partager le pouvoir avec le Président Mobutu. Celui-ci va démettre celui-là de ses fonctions le Ier décembre I992, et cette décision sera maintenue malgré le refus de la Conférence Nationale Souveraine de cautionner la destruction de TSHISEKEDI.2I8

Pour se trouver un cadre institutionnel plus légal, la Conférence Nationale Souveraine mettra précipitamment en place le I6 décembre I992, un Haut Conseil de la République, en sigle HCR, avec près de 453 délégués désignés par ses différentes composantes. On assiste au dédoublement institutionnel qui s'installe au somme de l'Etat. D'un côté, le gouvernement TSHISEKEDI et le Haut Conseil de la République avec la majorité des membres de l'opposition, et de l'autre côté, le Chef de l'Exécutif Mobutu et l'Assemblée nationale avec la majorité des membres issus des partis politiques de la mouvance présidentielle. Avec le dédoublement institutionnel, la Conférence Nationale Souveraine aura ainsi raté tous les objectifs majeurs qui ont été assignés.

En effet, à la place de la réconciliation nationale comme premier objectif de la Conférence Nationale Souveraine se plante le dédoublement institutionnel marquant la division non seulement de deux camps politiques, mais aussi de deux ordres institutionnel, gouvernementaux, parlementaires distincts. Au lieu d'un seul acte constitutionnel issu de la Conférence Nationale Souveraine, le pays se retrouve avec deux constitutions, chose grave et confuse au sommet de l'Etat, dont l'une est reconnue par la famille politique de Mobutu, et l'autre issue de la CNS est soutenue par des formations politiques de l'opposition radicale .2I9

L'exposé des motifs précise qu'il fallait trouver une solution à la situation confuse née notamment de l'existence concomitante dans notre pays, au lendemain de la clôture de la Conférence Nationale Souveraine de trois textes dont l'harmonisation s'est avérée opportune. Il s'agit des textes ci-après :

v La constitution du 24 juin I967 telle que modifiée à ces jours ;

v L'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition élaboré par la Conférence Nationale Souveraine et non promulgué par le Président de la République ;

v Du compromis politique global du 3I juillet I992 .

2I8ILUNGA NGOY, Dans le sens de l'histoire et de l'analyse sociopolitique : Etienne TSHISEKEDI, un homme symbole, un destin, éd . Steve BUKA, Kinshasa, I999, p . 32 .

2I9 MATANGILA MUSANGILA, L . cité par DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, p . I42 .

85

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Ce régime ne parviendra pas à faire fonctionner les institutions. Le Président Mobutu va préférer Monsieur Faustin BIRINDWA comme Premier ministre en lieu et place de TSHISEKEDI Etienne, à l'issue du conclave de Kinshasa. Ce gouvernement ne saura évoluer car, fort combattu aussi bien au plan interne par l'opposition radicale qu'au plan externe par la troïka qui va refuser toute coopération. Des nouvelles négociations vont s'engager et vont aboutir au troisième moment de cette première transition, l'Acte constitutionnel de la Transition du 04 Avril I994 .

2*3* Acte constitutionnel de la Transition du 09 Avril 1994

Le I4 janvier I994, le Chef de l'Etat déclare démissionnaire le gouvernement BIRINDWA, totalement dépassé par les pressions internes et internationales, il convoque le Haut Conseil en session extraordinaire et le I9 Janvier I994, le nouveau Parlement se réunit en session extraordinaire et des négociations sont entamées pour dégager un nouveau cadre constitutionnel. Ces négociations ont tourné autour de l'article 76 relatif au mode de désignation du Premier ministre et l'article 90 se rapportant à l'inviolabilité du Président de la République.

L'acte constitutionnel de transition du 09 Avril I994 qui avait mis en place un régime parlementaire est la réponse de la classe politique à la suite des concertations politiques du Palais du Peuple en vue de mettre fin au dédoublement des institutions de la transition et des textes constitutionnels au lendemain de la clôture des travaux de la Conférence Nationale Souveraine.

L'exposé des motifs de cet acte constitutionnel précise que depuis le déclenchement du processus de démocratisation le 24 Avril I990, notre pays traverse une crise aiguë et multiforme ayant pour origine essentielle les divergences de vues de la classe politique sur l'ordre institutionnel de la transition vers la troisième république.

Se fondant sur le compromis politique global du 3I juillet I992, la Conférence Nationale Souveraine regroupant les forces vives de la nation, a établi un ordre institutionnel de la transition reposant sur l'acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de transition, afin de mettre fin à la crise politique et institutionnelle. Les divergences de vue de la classe politique au sujet de cet ordre institutionnel ont aggravé la crise et conduit à la tenue de conclave politique de Kinshasa. Celui-ci, par la loi n°93-00I Avril I993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition, a établi un autre cadre institutionnel de la transition.

86

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Cette situation a occasionné le dédoublement institutionnel et la multiplicité des textes constitutionnels pour la période de transition et provoqué la confusion et le blocage du fonctionnement de l'Etat, avec des conséquences regrettables sur le plan social et économique pour notre peuple. Ainsi, en vue de redonner de l'espoir au peuple Zaïrois et de trouver des solutions durables et définitives à cette situation, les concertations politiques du Palais du Peuple, initiées par Monsieur le Président du Haut Conseil de la République, avec l'accord du Chef de l'Etat, ont été sanctionnées par un protocole d'accord qui donne des orientations précises pour la fin du dédoublement des institutions de transition et des textes constitutionnels de la transition .220

Au regard des différentes analyses abordées dans le cadre de ce chapitre, nous avons vite remarqué la souffrance qu'a connue le constitutionnalisme et la démocratie sous la Première et la Deuxième République du Congo-Zaïre à l'époque. Cela n'a pas permis ou favorisé un environnement propice pour l'émergence du constitutionnalisme et de démocratie.

Cette situation politique chaotique n'a pas permis aux partis politiques de jouer pleinement leur rôle d'encadrer le pouvoir afin de le limiter dans ses tentatives d'excès et de déviation. L'environnement conflictuel était très favorable aux abus et aux excès dans l'exercice du pouvoir politique. C'est ce qui permit la confusion dans le fonctionnement des institutions, situation hostile à l'émergence du constitutionnalisme et de démocratie.

En tout état de cause, le diagnostic de la situation constitutionnelle et politique que nous venons de passer en revue, relève que le constitutionnalisme et la démocratie n'ont pas trouvé un environnement favorable à leur avènement.

L'analyse de l'ordre constitutionnel et institutionnel a indiqué que les institutions relativement équilibrées dans les textes constitutionnels fonctionnaient néanmoins dans un déséquilibre prononcé tant l'exécutif s'emparait chaque fois des pouvoirs étatiques à son profit.

Dans le cas du Congo, l'exécutif a toujours eu tendance à s'approprier aussi cette importante prérogative législative. On l'a vu deux fois sous le règne du Président KASA VUBU. Une fois, dans le cas du Conseil des Commissaires Généraux qui avait cumulé le pouvoir exécutif et législatif (29 septembre I960) . Une deuxième fois dans le cas du Gouvernement Provisoire, dirigé par Joseph ILEO et qui fut formé en

220 Extrait tiré de l'exposé des motifs de l'Acte Constitutionnel de la Transition du 09 Avril I994 (cfr . DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel ...Op. cit, pp . I44-I45) .

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

attendant la convocation des chambres (9 février I96I) . On a vu aussi sous le règne du Président MOBUTU qui était devenu Chef de l'exécutif et du législatif sans pourtant avoir jamais fusionné l'exécutif et le législatif en une seule institution, mais en usant et en abusant seulement de droit qu'il avait de promulguer des ordonnances-lois pendant les vacances parlementaires.

Cette confusion des pouvoirs entrainait logiquement l'arbitraire dans l'action du pouvoir de l'Etat avec de fâcheuses conséquences sur les droits et libertés fondamentaux de la personne, sur l'émergence d'un Etat de droit, sur la stabilité de la loi fondamentale et suprême et bien sûr, sur l'indépendance du juge en général et du juge constitutionnel en particulier. D'ailleurs, l'absence sur terrain de ce dernier non seulement a rendu impossible le contrôle de constitutionnalité mais surtout a constitué un véritable frein à l'émergence du constitutionnalisme congolais sous la première République. La situation de celle-ci ne sera pas très différente de celle de la deuxième République.

L'analyse a démontré quatre régimes de dictature, lesquels ont marqué des ruptures avec les constitutions en vigueur. Une première fois, de septembre I960 à février I96I, au profit d'un comité baptisé « Conseil des Commissaires généraux », installé par le Colonel Mobutu, puis par le Président Kasa Vubu. Ce Conseil a centré sur lui les pouvoirs exécutif et législatif en agissant sous l'empire d'un Décret-loi constitutionnel promulgué par le Chef de l'Etat. Une deuxième fois, quand ce Conseil a cédé la place et les mêmes pouvoirs au Gouvernement Provisoire présidé par Joseph ILEO de février en août I96I . Une troisième fois encore, au profit du Haut commandement militaire, qui a fini par céder la place au seul Général Mobutu. Une quatrième fois encore, au profit de l'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre), qui a fini par céder la place au seul Président LD KABILA .22I Mais comme dans les autres régimes connus, la personnalisation a toujours été plus forte que l'institutionnalisation des organes de l'Etat. C'est donc davantage un phénomène de personnalisation poussée qui se dégage des pratiques observées au Congo-Zaïre. Chaque dirigeant gère la durée de son pouvoir sans se soucier d'organiser l'Etat et les conditions de sa continuité.

De tout ce qui précède, l'analyse du premier chapitre a démontré qu'il y avait absence de la promotion du constitutionnalisme et même de la démocratie. Les pratiques constitutionnelles de ces périodes ont finalement débouché par des instabilités

87

22I KABUYA LUMUNA, Op. cit, p . 225

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

politiques, y compris les diverses réformes constitutionnelles, lesquelles ont eu des impacts très négatifs sur le constitutionnalisme et regardés loin ce concept démocratie. L'instrument qui sous-tend l'idée du constitutionnalisme était ad nutum secoué par la seule volonté chef de l'Etat. Mais quand est-il de la constitution dite de troisième République à l'épreuve du constitutionnalisme et de la démocratie en RDC sous la loi-constitutionnelle n°II/002 du 20 janvier 20II222 ? Le deuxième chapitre de cette dernière partie nous fixera bientôt.

88

222 Loi n° II/002 du 20 janvier 20II portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du I8 février 2006, JORDC, n°3 , Kinshasa, du Ier février 20II .

89

90

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

CHAPITRE DEUXIEME

REVISION CONSTITUTIONNELLE SOUS LA TROISIEME REPUBLIQUE

Il est à retenir que la période post-transitoire est régie par la constitution du I8 février 2006 dite de la Troisième République. Celle-ci était vue une réponse aux précédentes crises tant constitutionnelles que politiques. En effet, par consensus, des délégués de la classe politique et de la société civile, réunis au Dialogue Inter Congolais (DIC) ont convenu dans l'Accord Global et Inclusif (A .G .I) signé à Pretoria en Afrique du Sud, le I7 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une nouvelle constitution démocratique sur base de laquelle le peuple congolais devait choisir souverainement ses dirigeants par la voie des urnes.

Dans ce second chapitre de la dernière partie, nous analyserons d'abord essentiellement le cadre de la révision de cette constitution (Sect. I), ensuite, interviendra le point crucial consacré à l'épreuve de la révision du 20 janvier 20II (Sect. II) .

SECTION I. LA CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006 ET LE CADRE DE SA REVISION

Adoptée par référendum de I8 et I9 décembre 2005 et promulguée le I8 février 2006, cette constitution n'est pas hostile à sa propre modification. Le constituant a tracé le cadre de sa révision en vue d'éviter le recours aux moyens extra constitutionnels, il a prévu la procédure de révision à l'article 2I8 .

Ceci nous fait affirmer qu'il n'y a pas un délai endéans lequel la constitution peut-être ou non révisée. Autrement dit, il n'y a pas de délai imparti aux organes détenteurs de l'initiative de révision de la constitution pour soumettre leurs projets ou propositions. Seulement, tout doit se faire suivant l'opportunité, mais tout en veillant à la procédure prévue par la constitution elle-même.

Ce qui voudrait dire que, le constituant congolais de 2006 a laissé une fenêtre ouverte pour la révision de la constitution (§I), tout en prenant soins d'énumérer des matières, voire certaines dispositions qui ne peuvent faire l'objet de la révision (§2) .

§1 . DISPOSITIONS REVISABLES

Etant donné que les constitutions sont des matières vivantes, elles naissent, vivent, subissent des déformations de la vie politique, elles sont l'objet de

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

révisions plus ou moins importantes et peuvent disparaitre. La production constitutionnelle congolaise traduit de manière la plus éloquente cette réalité .223

Comme l'avons dit tantôt, en principe toutes matières ou dispositions d'une constitution peuvent faire l'objet d'une modification, sauf certaines d'entre elles expressément énumérées par le constituant dans le but de protéger son oeuvre. C'est-à-dire que les constituants eux-mêmes ont eu la sagesse de le prévoir et insérer dans leur oeuvre les procédures qui permettront de réparer des imperfections liées à l'usure du temps. Paradoxalement, c'est la possibilité de révision qui assure la longévité d'une constitution .224

En commençant du Ier article jusqu'au 229ème article, toutes les dispositions sont révisables, excepté certaines matières qui sont énumérées expresis verbis dans l'article 220 de ladite constitution. Mais, la révision des articles précités est acceptable dans le cadre de l'intérêt général de la nation, c'est-à-dire en respectant la ligne du constitutionnalisme et de la démocratie.

La révision constitutionnelle dans le cas d'espèce implique une modification des dispositions dites révisables sans changement de la nature de l'ordre constitutionnel.225

Les causes intrinsèques ou endogènes de révision interviennent dans le sens que ces dispositions sont d'une part désuètes et d'autre part lacunaires et ne facilitent pas le bon fonctionnement des institutions, suscitant ainsi l'opportunité d'une révisitation en vue de la réactualisation ou de la réadaptation de la constitution aux aspirations politiques de l'Etat. En revanche, les causes extrinsèques ou exogènes viennent de l'ordre juridique international, c'est-à-dire les traités et les accords internationaux qui sont contraires à la constitution exigeant que celle-ci soit révisée en vue de régulariser sa conformité. C'est l'esprit de l'article 2I6 de la constitution qui dispose : « si la Cour constitutionnelle consultée par le Président de la République, par le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou par le Président du Sénat, par un dixième des députés ou un dixième des sénateurs, déclare qu'un traité ou accord international comporte une clause contraire à la constitution, la ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après la révision de la constitution » .226

223TOENGAHO LOKUNDO, F ., Les constitution de la République Démocratique du Congo. De Joseph KASA VUBU à Joseph KABILA, PUK, Kinshasa, 2008, p . 8 .

224 ARDANT, Ph ., Droit constitutionnel et institutions politiques, I5ème éd ., LGDJ, Paris, 2004, p . 75 .

225 MATTHIEU, B . et VERPEAUX, M ., Droit constitutionnel, PUF, Paris, 2004, p . 22I .

226 Art. 2I6 de la Constitution du I8 février 2006, JORDC, 47ème année, n° spécial, Kinshasa, I8 février 2006 .

9I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Donc, la plupart des dispositions peuvent faire l'objet d'une révision constitutionnelle, excepté celles dont les matières sont limitativement énumérées par le constituant de 2006 .

La révision de dispositions qui protègent ces matières peut entrainer une crise du constitutionnalisme et de la démocratie. C'est ce que le professeur Edouard MPONGO veut expliquer, lorsqu'il écrit que pour la stabilité des institutions, il ne conviendrait pas de modifier à tout moment et trop fréquemment .227 En plus, le risque en cas des révisions trop fréquentes, est de « désacraliser la norme suprême » et donc, en définitive, de lui faire perdre une part de son efficacité .228

Mais pour que, ces dispositions soient révisées, elles doivent être prévues par la constitution elle-même. A ce niveau, l'initiateur de cette réforme va s'appuyer ou se référer à la dite disposition constitutionnelle, laquelle constitue le fondement même de sa démarche ; et c'est en vertu de cette disposition consacrée à la révision logée dans la constitution que sa démarche pourra prendre effet.

Ainsi donc, les 229 articles que compte la constitution de 2006, peuvent voir leur révision d'être entamée sur base de l'article 2I8 du titre VI, consacrée à la révision constitution. A défaut de cette disposition constitutionnelle, la loi fondamentale ne pouvait faire l'objet d'une modification. A contrario, malgré les dispositions donnant lieu à la modification constitutionnelle, certaines dispositions parmi les 229 articles ne peuvent faire l'objet d'aucune révision.

§2 . DISPOSITIONS NON REVISABLES

La constitution peut exclure certaines de ses dispositions ou certains de ses principes fondamentaux de la possibilité de révision. On parle alors de l'immutabilité ou de l'intangibilité de la constitution. La limitation de la révision quant à l'objet se conçoit dans les dispositions non révisables, laquelle limitation a, entre autres, pour but d'éviter l'altération de l'esprit de la constitution ou mieux de prévenir la fraude à la constitution. Ce but apparaît plus évident pour les constitutions qui s'adoptent dans les pays post-conflit. C'est exactement le cas de la Constitution de la République Démocratique du Congo, adoptée après une longue période de guerre.

Et si le pouvoir constituant de 2006 a pensé verrouiller certaines matières dans la constitution dite de la troisième République, c'est pour lutter contre l'esprit

227 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Op. cit, p . 99 .

228 ROUVILLOIS, Fr ., Droit constitutionnel, 2ème éd ., Flammarion, Paris, 2005, p . I33

92

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

révisionniste. Cela est même l'esprit du point quatre de l'exposé des motifs, consacré à la révision constitutionnelle, qui dit : « pour préserver les principes contenus dans la présente constitution contre les aléas de la vie politique et les révisions intempestives, les dispositions relatives à la forme républicaine de l'Etat, au principe du suffrage universel, à la forme représentative du Gouvernement, au nombre et à la durée des mandats du Président de la République, à l'indépendance du pouvoir judiciaire, au pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l'objet d'aucune révision constitutionnelle » .229

Aux termes de l'article 220 de la constitution, « la forme républicaine de l'Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l'indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l'objet d'aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour l'objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des pouvoirs des provinces et des entités territoriales décentralisées » .

Cette disposition constitutionnelle constitue le socle de la protection de la constitution de la RDC. Elle résume en son sein l'esprit du constitutionnalisme démocratique qui postule la stabilité de la constitution, parce que norme suprême de l'Etat. Dans le sens que la modification de cette disposition restrictive, comme l'indique Peter HABERLE230, conduit à ce que la constitution perd son identité réelle, sa quintessence et devient alors une constitution dénaturée, défigurée, désacralisée.

SECTION II. CONSTITUTION DU 18 FEVRIER 2006 A L'EPREUVE DE LA LOI

CONSTITUTIONNELLE n°11/002 DU 20 JANVIER 2011231

Après plus de quatre décennies de dictature, une nouvelle constitution voulue démocratique et censée mettre en place un nouvel ordre politique au Congo fut promulguée le I8 février 2006 . Pendant la transition, la question de légitimité des institutions et de leurs animateurs devint centrale, donnant lieu à un processus irréversible. Le consensus issu du Dialogue Inter Congolais générateur de l'Accord Global et Inclusif fait constitutionnel fait que ce document obtint un nombre maximal de supports au sein de la population congolaise lors du référendum organisé à cet effet. D'aucun succombent, aujourd'hui, au vertige du mouvement révisionniste alors que

229 Extrait de l'exposé des motifs de la Constitution du I8 février 2006, Op. cit. p . 8 .

230 HABERLE, P ., Op. cit, p . I2I .

231 Loi-constitutionnelle n° II/002 du 20 janvier 20II portant révision de certains articles. ...Op. cit.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

celui-ci contribue à faire installer l'idée que la norme constitutionnelle serait devenue ineffective ou inefficace.

En réalité, la soumission du révisionnisme aux contingences politiques et électorales fait apparaitre sur le fond toute la difficulté d'un enracinement de l'exercice démocratique et équilibré du pouvoir et accentue le soupçon de fraude ou d'instrumentalisation de la constitution.

Les amendements constitutionnels qui ont eu lieu n'avaient pas tous recueilli l'assentiment d'un bon nombre de citoyens, du moins, les motifs officiellement avancés. La plus controversée de ces réformes étant, sans doute, celle relative au mode de scrutin présidentiel. Pour beaucoup, du fait que cet amendement met en évidence un personnage précis, le Président de la République, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une manipulation constitutionnelle dont le but est d'assurer la conservation du pouvoir par Monsieur KABILA .232 Ceci confirme également notre hypothèse selon laquelle cette pratique est devenue un souffle de vie pour les dirigeants politiques africains. Ce mécanisme constitutionnel serait pour la plupart des Etats africains un moyen pour la conservation éternelle du pouvoir.

Cet instrument juridique par le biais son pouvoir constituant qui a tenté de mettre en place un mécanisme très spécial en vue de contrer toute tendance révisionniste de la constitution par le pouvoir qui autrefois, a amené le pays dans des régimes autoritaires et a finalement cédé à des crises généralisées dont les séquelles demeurent jusqu'à ce jour. Fort malheureusement cette leçon historique n'a rien intéressé le régime actuel. Ce dernier a jugé selon lui l'opportunité de réviser certaines dispositions de la loi fondamentale. Malgré la pertinence de cette réforme, certaines matières intangibles y sont touchées d'une manière indirecte voire astucieuse.

Grande fut la déception de nombre d'observateurs lorsque dès 2007, cette constitution devait subir le premier choc du mouvement révisionniste avec la tentative avortée, avant que la majorité au pouvoir ne franchisse le Rubicon en janvier 20II et ce, de la manière la plus cavalière qui soit.

En effet, jusqu'en 20I0, avant le retour au pays de l'opposant historique Etienne Tshisekedi, on parlait allègrement de la victoire au premier tour de Joseph Kabila. L'engouement et la liesse suscités par le retour de ce leader qui venait ainsi brouiller les calculs de la majorité ont déterminé les éminences grises à réfléchir

93

232 DIKEBELAYI, J .M ., Op. cit,

94

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

autrement, notamment à entreprendre les tractations visant à modifier la constitution. Mais courir leur forfaiture, il eut fallu réviser plusieurs dispositions outre celle relative au mode de scrutin qu'ils tenaient mordicus à changer.

Pour apprécier objectivement l'oeuvre révisionniste ainsi accomplie, il convient de passe en revue les enjeux de cette réforme (§I), ensuite les implications y afférentes seront effleurées (§2) .

§1 . ENJEUX DE LA DERNIERE REVISION CONSTITUTIONNELLE

Les enjeux de la récente réforme constitutionnelle qu'a eu lieu en République Démocratique du Congo s'analysent de deux en volets, d'une part les mobiles de cette révision et d'autre part les matières faisant l'objet de la révision.

1*1* MOBILES DE CETTE REVISION

L'analyse se penche sur les mobiles qui ont poussé à ce que certaines dispositions de la constitution du I8 février 2006 soient révisées. Ces mobiles sont de deux ordres, à savoir le mobile technique et le mobile politique ou électoraliste.

1*1*1* Mobile technique

Celui-ci est envisagé lorsque certaines dispositions de la constitution sont en contradiction avec les institutions ou avec la prévision constitutionnelle, et par conséquent, elles demeurent de manière inconstitutionnelle au sein même de la constitution au cas où sa modification n'intervient pas au moment opportun.

C'est ainsi que le besoin technique s'est fait sentir que l'article 226 de la constitution était pleinement entré dans l'inconstitutionnalité s'est vu réviser en vue de sa réadaptation au niveau des institutions de l'Etat congolais.

1*1*2* Mobile politique ou électoraliste

Si le mobile technique facilite la réadaptation de certains articles au sein de la constitution, il n'en est pas le cas pour le mobile politique ou électoraliste. Ceci se montre à travers la révision du 20 janvier 20II, qui autour cette réforme constitutionnelle a caché sa vraie raison. Mais nous estimons que c'était l'ambition politique ou électoraliste qui a poussé la majorité présidentielle à revoir la constitution afin que leur autorité morale ait la chance de briguer le second mandat. Certes, l'enjeu électoral a réellement provoqué ladite révision.

95

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

1*2* MATIERES REVISEES

En dépit des mobiles qui ont poussé à la modification constitutionnelle, ceux-ci ont provoqué certaines matières d'être revues. Ces enjeux étaient essentiellement fondés sur le mode du scrutin présidentiel prévu à l'article 7I al. Ier, soumission des magistrats du parquet sous l'autorité du ministère de la justice avec comme conséquence l'atteinte à « l'indépendance » du pouvoir judiciaire dans la constitution, la récupération du siège par un parlementaire après avoir assumé une fonction politique. En outre, la révocation d'un gouverneur provincial ainsi que la dissolution de l'Assemblée provinciale par le Chef de l'Etat en cas d'une crise persistante. Tous ces enjeux ont un but ou une finalité d'abord, de donner la chance à l'actuel Chef de l'Etat aux prochaines élections présidentielles, ensuite au renforcement du pouvoir personnel du Président de la République sur les provinces qui d'ores et déjà jouissaient d'une personnalité juridique et d'une autonomie de gestion.

Ainsi, quelques enjeux majeurs de cette première réforme constitutionnelle seront analysés d'une manière singulière dans cette étude.

1*2*1* Mode de scrutin présidentiel

Selon l'ancienne disposition de l'article 7I al. Ier, « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour » .233

Au regard de cette disposition, nous remarquons que le constituant de 2006 n'a pas prévu de manière expresse les élections présidentielles à deux tours. Il a au moins prévu une possibilité au cas où l'un des candidats aux élections n'atteint pas une majorité absolue des suffrages exprimés, c'est-à-dire 5I% des voix, c'est à ce moment que le deuxième tour s'impose. En plus, si le constituant de I8 février 2006 a voulu une majorité absolue, c'est pour répondre au problème de la légitimité totale du pouvoir du Président de la République par la grande partie de la population.

Mais, le régime Kabila justifie la modification de cet article sur base d'un mobile financier. Or, en réalité, tout le monde sait que la vraie raison est le fait de passer leur candidat à l'issue de cet unique tour, en prévoyant tout simplement que : « le Président de la République est élu à la majorité simple des suffrages exprimés » .

233 Article 7I al. Ier de la Constitution de la RDC du I8 février 2006, Op. cif. p . 27

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Cette réforme entraine l'éventualité d'avoir un Chef de l'Etat peu légitime, c'est-à-dire moins populaire, comme le pense le professeur Auguste MAMPUYA qu'écrit que cette majorité est paradoxalement tout heureuse de nous offrir, sans états d'âme, un président de la République minimal, dévalué .234

Sur le plan politique, nous pouvons néanmoins constater la rupture d'un certain équilibre qui prévalait parmi les acteurs politiques autour de la Constitution et cette situation pourrait constituer une fuite en avant pour les contestations éventuelles des résultats électoraux à venir de la part de la classe politique marginalisée dans cette procédure au cas où les verdicts des urnes ne seraient pas favorables à cette dernière. La principale clé de lecture de cette révision demeure l'élection du Président de la République au scrutin à un seul tour et c'est cette modification du scrutin qui attire toute l'attention sur la révision constitutionnelle du 20 janvier 20II .

Ceci entraine un risque énorme que le Chef de l'Etat peut être à tout moment contesté par la grande partie de la population. Si dans la plupart d'Etats à travers le monde, le mode de scrutin est envisagé de manière expresse en deux, c'est pour donner plus de légitimité au Chef de l'Etat qui est appelé à diriger son Etat ou son peuple. Mêmes les Etats qui ont d'énormes problèmes financiers le maintiennent. Cela ne veut pas dire que la démocratie est un luxe pour les Africains, ni encore qu'il faille détricoter une constitution pour gagner les élections. Comme dise le Romain : « alea jacta est !» le sort de la RDC est de nouveau jeté à travers cette réforme, c'est à l'avenir de juger.

1*2*2* Indépendance du pouvoir judiciaire égratignée

L'article I49 de la constitution du I8 février 2006 était rédigé dans une logique implacable dans l'alinéa Ier où il affirmait l'indépendance du pouvoir judiciaire; dans l'alinéa 2, sans doute pour la première fois dans l'histoire constitutionnelle, il définissait avec bonheur ce pouvoir judiciaire comme comprenant « les cours et tribunaux : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions » .235

D'abord, la révision supprime le pouvoir judiciaire comme corps, notamment dans la disposition de l'alinéa 2 de l'article I49 d'où disparaît l'heureuse

234 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement violée », http//www .lepost .com, (Consulté, le mardi I5 février 20II) .

96

235 Idem

97

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

définition du pouvoir judiciaire. De même, disparaît l'alinéa Ier qui dit que : « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif», donc l'énoncé essentiel même du principe de l'indépendance judiciaire .236

L'alinéa 2 de cet article était ainsi une forte avancée de l'Etat de droit, en incluant les parquets dans le pouvoir judiciaire et en les faisant bénéficier de l'indépendance de leur corps. On pouvait alors chez nous résoudre une question que même les vieilles démocraties débattent aujourd'hui : celui d'un ministère public indépendant ; nous étions en avance.

Poursuivant ses analyses, le professeur Mampuya écrit : « quand les auteurs de la proposition disent qu'il convient de réaffirmer, à cet effet la règle classique selon laquelle le parquet exerce son ministère sous l'autorité du ministre de la Justice » « dont il est le bras séculier », ils oublient que l'option prise par le constituant de 2006 n'était pas une erreur ou un oubli mais le choix délibéré d'abandonner cette soi-disant «règle classique » en faveur de la conception moderne, que l'on trouve dans les pays anglo-saxons et que la France que nous aimons bien copier quand il s'agit de mauvais choix, est en train de mettre en place, sous le coup de condamnations répétées des instances internationales refusant de considérer ses procureurs comme «autorités judiciaires » et les considérant comme des organes non indépendants .237

Le constituant de 2006 avait fait un pas de géant en avant. C'est vrai que ce choix rendait en quelque sorte inutile un ministère de la Justice, devenu seulement gestionnaire du personnel de son administration et du personnel pénitentiaire; tout le drame est là . Depuis, des ministres de la Justice ont manifesté leur désarroi et leur hostilité à cet alinéa 2 de l'article I49 et c'est la raison pour laquelle cette proposition est, en réalité, l'oeuvre du ministère de la Justice; on fait deux pas en arrière.

En sortant une partie de la composition du pouvoir judiciaire comme pouvoir indépendant, la proposition méconnaît et viole incontestablement l'indépendance de ce troisième pouvoir et en fait un appendice de l'exécutif. A moins d'avoir du droit une lecture purement formaliste et primaire. De fait, l'action judiciaire commence par la mise en accusation, celle-ci ne peut être séparée de la fonction judiciaire. En quoi, dès lors, le pouvoir judiciaire sera-t-il indépendant si les poursuites sont ordonnées ou ne peuvent être actionnées que par l'exécutif si la plénitude de l'action publique n'est plus au parquet général mais au ministère de la Justice, si l'exécutif peut dire qui on poursuit et qui on ne

236 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement...Op. cit.

237 Idem.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

poursuit pas ? Nous ne parlons pas de cas fréquents où des jugements sont dictés ou rendus inopérants par des ingérences inadmissibles de l'exécutif, comme c'est le cas lorsque l'exécution de nombre de jugements dépend souvent de la décision du ministre, illégalement ? Dans la conception moderne, l'indépendance du pouvoir judiciaire concerne également le ministère public ; en tout état de cause, ce fut l'option, innovante et révolutionnaire, du constituant congolais au regard de ce que les auteurs appellent « règle classique » et qui ne l'est plus dans bien des pays ; réviser cette disposition, va bien à l'encontre de la lettre et de l'esprit de la Constitution en son article I49 sur l'indépendance de la justice, contrairement à l'interdiction de l'article 220 .238

1*2*3* Provinces qui ne sont plus autonomes

De notre point de vue, la révision du 20 janvier 20II viole l'interdiction de l'article 220 en modifiant les articles I97 et I98 de la constitution. En effet, l'article 220 dit clairement que « Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités décentralisées » . Il s'agit ici de la substance même de l'autonomie des provinces.

En effet, cette autonomie se manifeste, en particulier, par le statut des institutions provinciales : elles sont élues localement et leur sort ne dépend pas du pouvoir central. Autrement dit, celui-ci n'a pas le droit de nommer les autorités provinciales ni de les révoquer, ce serait, bien évidemment attenter à leur autonomie et à leurs prérogatives. Les auteurs de la proposition la justifient avec une légèreté déconcertante et avec un raisonnement spécieux qui n'a rien de juridique.

D'abord, ils constatent un « fonctionnement laborieux » des institutions provinciales. Par « fonctionnement laborieux», ils entendent certainement le fait qu'il y ait eu des motions de défiance çà et là . Le professeur Auguste MAMPUYA239 rappelle que, les motions de défiance expriment la fonction constitutionnelle de contrôle attribuée à l'assemblée provinciale, leur usage même répété ne saurait logiquement être traité de disfonctionnement. La difficulté est apparue dès le moment où, ignorant le droit, la Cour suprême de justice s'est crue juridiquement fondée à mettre à bas une motion votée par une assemblée et à anéantir ainsi une prérogative constitutionnelle de l'assemblée parlementaire, ce qui est une ingérence inadmissible non seulement dans le fonctionnement mais aussi dans les attributions constitutionnelles d'une autre institution ;

238 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement...Op. cit.

98

239 Idem.

99

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

cela pourrait inspirer un Premier ministre frappé par une motion de censure pour refuser sa sanction et saisir la Cour ou un président de l'assemblée provinciale de solliciter le secours d'un organe judiciaire, dénaturant complètement l'esprit du régime du contrôle parlementaire.

Les auteurs disent également, pour modifier l'article I97, que, comme le président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », il doit pouvoir « dissoudre une assemblée provinciale » « par une ordonnance délibérée en Conseil des ministres et après avis des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat», «lorsque des circonstances politiques graves menacent d'interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales » . De même, dans les mêmes « circonstances politiques graves », le président de la République peut relever de ses fonctions le gouverneur d'une province, modifiant ainsi l'article I98 .240

Nous constatons d'abord que le président a un pouvoir discrétionnaire aussi bien d'apprécier les « circonstances politiques graves » que le moment où le « fonctionnement régulier des institutions provinciales est « menacé », alors que si la consultation des bureaux des deux Chambres est prévue, l'avis qui en émane n'est pas obligatoire, donc la décision du président est totalement discrétionnaire au risque d'être arbitraire et contestable. L'expérience nous enseigne qu'avec un président politiquement teinté et inséré dans une famille politique, la neutralité et l'objectivité de l'institution deviennent problématiques.

Mais, surtout, que devient l'autonomie des provinces si le statut et mandat de leurs institutions élues peuvent dorénavant dépendre du bon vouloir du président de la République ? Dans la forme de l'Etat qui est la nôtre, un Etat quasi fédéral, l'autonomie et la dépendance des institutions provinciales uniquement de leur élection par les populations locales est la caractéristique essentielle, avec la répartition par la constitution des affaires et des compétences entre l'Etat et les provinces. Sauf tricherie ou formalisme fétichiste, dire que faire révoquer par le pouvoir central les autorités des provinces autonomes ne porte pas atteinte à l'autonomie des provinces est un mensonge. Le professeur Mampuya a eu à rédiger cet article 220 selon, il en connaît et la lettre et l'esprit. C'est ainsi qu'en révisant ces dispositions des articles I97 et I98, la proposition viole l'article 220 qui l'interdit. L'article 220 ne dit nulle part qu'une exception peut être faite pour impliquer une extension des attributions d'arbitre du président de la

240 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement...Op. cit.

I00

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

République. Cela serait vrai même s'il s'agissait d'établir un parallèle avec la situation de l'Assemblée nationale alors même que dans ce dernier cas, le président de la République n'a pas le droit de révoquer les membres du gouvernement.

§2 . IMPLICATIONS DE CETTE REVISION

Quand la constitution est changée selon le bon vouloir d'un camp politique, celui au pouvoir et qui s'appuie sur des majorités mécaniques dans des chambres d'enregistrement, il s'agit de l'instrumentalisation pure et simple du pouvoir législatif. Plus le contexte parlementaire est favorable, plus on aura tendance à réviser la constitution. Cela est inquiétant car, la constitution n'est pas seulement politique ou juridique, elle est aussi sociale. On ne saurait la réduire à un agencement plus ou moins ingénieux des relations entre pouvoirs, à une simple technique, elle est aussi le reflet d'un consensus communautaire.

Ces dimensions sociale et consensuelle de la constitution veulent que la réforme constitutionnelle tienne compte de certains paramètres entre autres la culture constitutionnelle, la culture démocratique et aussi la morale politique. Ceci doit guider d'abord les législateurs ou les dirigeants africains en général et ceux de la RDC en particulier. Ensuite, cet esprit doit également habiter les peuples africains en vue d'asseoir un Etat vraiment constitutionnel et démocratique.

En effet, si la constitution s'analyse en un contrat social, et sa révision en serait une sorte de renouvellement du pacte social,24Il'importance de la proclamation des clauses dans une forme particulièrement solennelle n'en est que plus probante afin que chaque partie du contrat connaisse ses droits et obligations un peu comme dans le droit des contrats. Dans le domaine du droit des contrats précisément, même si le principe du consensualisme demeure, la quasi-totalité des rapports contractuels suppose l'établissement d'un écrit. Ce caractère est souvent exigé pour les nombreux avantages qu'il présente sur le plan de la sécurité, de la rapidité des négociations et de la publicité .242

A contrario, à défaut d'observance requise, cette réforme constitutionnelle peut avoir des implications sociales sur le régime politique, c'est-à-dire que des réactions sociales ou l'opinion peuvent bouleverser le calcul politicien des dirigeants.

24I BURDEAU, G ., Droit constitutionnel et institutions politiques, I4ème éd ., LGDJ, Paris, I969, p . 57 242 STARCK, B ., ROLAND, H et BOYER, L ., Obligations, 4ème éd . Litec, Paris, I993, p . II .

I0I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Ainsi, la récente réforme a connu des implications qui sont liées au constitutionnalisme d'une part, et celles liées à la démocratie.

2*1* IMPLICATIONS LIEES AU CONSTITUTIONNALISME

La violation de certaines dispositions constitutionnelles, l'atteinte à la morale du constitutionnalisme ainsi que la rupture du consensus autour du pacte social qu'est la constitution sont autant des conséquences de la révision du 20 février 20II sur le constitutionnalisme congolais.

2*1*1* Violation de certaines dispositions constitutionnelles

Lorsque le constituant de 2006 a interdit formellement la révision de l'article 220, puisque certaines matières y contiennent de certaines valeurs ou principes républicains, entre autres : forme républicaine de l'Etat, l'indépendance du pouvoir judiciaire, le principe du suffrage universel...Mais curieusement, cet article s'est vu touché d'une manière indirecte ou astucieuse par la récente réforme.

Cette révision a violé exceptionnellement le principe de l'indépendance du pouvoir, y compris la suppression intentionnelle de l'autonomie des provinces. Quand la révision du 20 janvier 20II octroie au Chef de l'Etat le droit de révoquer un gouverneur de province élu, et aussi dissoudre une assemblée provinciale qui est l'une des institutions provinciales constitue une fatale violation portant atteinte à un instrument du constitutionnalisme .

2*1*2* Atteinte à la morale du constitutionnalisme

La révision constitutionnelle doit toujours viser l'intérêt général et non le contraire, même n'importe comment le législateur est tenu d'avoir en esprit la morale du constitutionnalisme. Qui veut même s'il y a opportunité d'une quelconque modification constitutionnelle, les valeurs de l'Etat ou la morale doit avant tout guider les pouvoirs habilités à réviser la constitution.

Mais il n'en était pas le cas avec les parlementaires congolais qui ont bu leur honte, et dont certains seraient d'après cette analyse des conspirateurs qui nuisent l'Etat ou le peuple congolais.

Malheureusement, le constituant dérivé (les deux chambres réunies en congrès) n'a pas tenu compte de l'orientation du Jean de Bois de GAUDUSSON, qui estime qu'en démocratie, il y a morale du constitutionnalisme qui fait qu'on ne peut pas

I02

I03

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

utiliser, même régulièrement, tous les mécanismes constitutionnels pour atteindre n'importe quel objectif. C'est le principe du constitutionnalisme démocratique de poser un certain nombre de limites, pas forcément d'ailleurs inscrites dans la constitution .243

Or, la majorité des parlementaires, n'ont rien pris en compte dans leur entreprise révisionniste. Ils sont passés en force, pour avaliser ce que leur hiérarchie politique avait conçu, avant de commencer à moraliser après coup la population congolaise en vue de se l'approprier, c'est-à-dire accepter la nouvelle réforme constitutionnelle intervenue.

Donc, on ne les croyait pas capables d'aller jusque là, de franchir la ligne rouge. Eh bien, ils sont capables de tout et la ligne rouge a été franchie. 350 conspirateurs contre les valeurs de la République et contre l'esprit républicain ont bu toute leur honte et franchi le Rubicon, une révision fourre-tout.244

2*1*3* Rupture du consensus

Toute constitution est élaborée en tenant compte de contextes politiques et sociaux bien déterminés. Ces éléments peuvent constituer le fondement d'une constitution. Or, si le législateur passe outre, sans tenir compte des aspects ci-haut, alors sachez que cette réforme risquerait d'embraser le pays.

Dans ce cas précis, la procédure de révision intervenue le I5 janvier 20II, en dépit de sa célérité, se conforme aux prescrits de la Constitution de référence, mais pèche, du point de vue politique, par la rupture de l'équilibre et du consensus diffus autour de la Constitution, car la rigidité de cette Constitution procède de l'essence de la sauvegarde de ce consensus diffus prohibant qu'une majorité présidentielle ou parlementaire forte puisse, selon les aléas de la vie politique, disposer de la Constitution au grand dam de la minorité. De ce point de vue la révision s'est avérée inopportune.

L'on doit dépasser l'approche simplement formaliste ou positiviste des révisions constitutionnelles, celle qui s'attache uniquement à considérer leur conformité à des principes généraux ou à des procédures spécifiées. La vocation même d'une constitution, sa vocation sociale invite à élargir la perspective et à s'interroger sur l'enracinement sociologique de celle-ci tant il est vrai que la qualité d'une constitution (et d'une révision constitutionnelle) s'apprécie aussi à l'aune du consensus réalisé autour

243 PERRET Th ., Op. cit, p . I .

244 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement...Op. cit.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

d'elle. C'est pourquoi la quête du consensus devrait davantage préoccuper les initiateurs des réformes.

Le secret de longévité et stabilité d'une constitution se fait par son caractère plus ou moins inclusif et plus ou moins consensuel de toute entreprise des réformes: tel est le cas de la constitution Béninoise.

Une révision constitutionnelle ne doit pas ignorer les divergences auxquelles les réformes donneront lieu, elle doit rechercher un consensus national. Le consensus introduit dans le jeu une ambiance de sérénité, de pondération et de stabilité, caractéristique de l'ère de maturité. Plus une constitution suscite une adhésion, plus elle devient difficile à modifier ou à instrumentaliser .

Le Congo doit éviter de sombrer dans des errements que beaucoup de pays n'ont ou su éviter à cause d'expérience constitutionnelle très peu consensuelle. Le caractère plus ou moins consensuel et inclusif du processus ayant conduit à l'élaboration de la constitution de 2006 a été favorablement accueilli par la majorité de la population congolaise parce que le dialogue inter congolais était équitable, et personne ne pouvait favoriser sa condition particulière. La commission technique chargée de l'élaboration du texte constitutionnel n'a fait que récolter les avis des participants à ce dialogue.

Ceux-ci avaient préparé le terrain et prévu des dispositions considérées comme fondamentales et qui devaient obligatoirement se retrouver dans la constitution.

Les propositions de la Commission constitutionnelle elles-mêmes avaient fait l'objet des débats dans la population, du moins au niveau des élites urbaines.

Le désir de recueillir le maximum de consensus, de faire de la constitution l'affaire de tous a été claire. Et ce consensus s'était notamment dégagé autour du refus de tout accaparement du pouvoir par des personnes ou groupes des personnes, l'érigeant même en principe à valeur constitutionnelle. Si on se penche sur l'histoire récente en Afrique, au moins un exemple-modèle ne manque pas.

Dans le cas du Bénin, par exemple, où la constitution n'a jamais été révisée depuis la démocratisation des institutions du pays en I990, l'effort accompli pour réaliser le consensus autour de la loi fondamentale est remarquable. Dans les faits comme dans la jurisprudence, dans son élaboration comme dans sa pratique, la constitution du Bénin est marquée du sceau du consensus. Ainsi, dans sa décision rendue en 2006, faisant échec à la révision souhaitée par les députés, la Cour

I04

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

constitutionnelle béninoise s'était fondée sur le consensus dégagé par la conférence nationale autour du refus de tout accaparement du pouvoir par des personnes ou groupes des personnes.

Un autre fait qui doit relever, c'est la mobilisation à laquelle a donné lieu la volonté réelle ou supposée du pouvoir politique de susciter une révision supprimant la limitation du mandat présidentiel. Au cours de l'année 2006, la société civile béninoise s'est mobilisée et levée comme un seul homme pour s'opposer à une telle révision, prêtée à tort ou à raison, aux autorités en place. Trente trois associations et réseaux d'associations de défense des droits humains, de lutte contre la corruption, des prévention des conflits, de promotion de la paix et d'éducation civique, ainsi que des personnalités civiles et universitaires s'étaient joints à l'ONG « ELAN » pour créer en janvier 2005 le Front des organisations de la société civile pour les élections transparentes et démocratiques.

Il a fallu, devant cette levée de boucliers, que le Président en exercice indique, en fin juillet 2005 qu'il ne souhaitait nullement se présenter à nouveau en 2006 . Cette mobilisation remarquable des béninois prouve qu'un large consensus réalisé autour de la Loi Fondamentale rend difficile toute révision particulariste de celle-ci, révision particulariste qu'il faut bien se garder de confondre avec ce qu'il convient d'appeler en démocratie une révision consolidante, visant à renforcer celle-ci, élargir les libertés des citoyens, et promouvoir le bien commun. Une telle révision est une matière classique du droit constitutionnel et obéît a' certains principes pour mériter ses lettres de noblesse.

L'implication du consensus dans certaines réformes constitutionnelles d'épargner le régime en place et faciliter une bonne cohésion nationale ; puisque le dialogue entre les couches sociales sur les grandes décisions qui engagent le pays devaient aplanir ou assainir l'environnement politique.

2*2* IMPLICATIONS LIEES A LA DEMOCRATIE

L'entreprise de cette révision était émaillée de beaucoup de pratiques, il y a eu dictas de la majorité présidentielle sur la minorité, mais on n'est pas resté à niveau, il y a eu également la corruption qui a remblayé ou aplani le terrain de cette réforme au sein du parlement congolais.

I05

I06

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

2*2*1* Révision par coup de force

Cette révision à proprement parler ne pouvait pas intervenir à ce moment là, mais vu l'approche des échéances électorales de 20II, la majorité parlementaire s'est mobilisée très rapidement pour entreprendre cette réforme. C'est un coup de force, parce que la majorité n'a pas pu écouter les suggestions de la minorité parlementaire, moins encore du mécontentement de la population pour surseoir cette démarche.

C'était plutôt une dictature de la majorité parlementaire qui a entrainé la révision précipitée de la constitution du I8 février 2006, c'est-à-dire la majorité présidentielle était en amont de l'initiative et aussi en aval de l'adoption de cette loi constitutionnelle. La minorité parlementaire (opposition) n'a pas activement pris part.

Nous pouvons dire que dans toutes les circonstances démocratiques, la consultation populaire est impérieuse parce que le peuple incarne le pouvoir et toutes les institutions politiques existent par sa volonté. Le manque de cette consultation peut donner lieu parfois à de désintéressement vis-à-vis des gouvernants.

Puis que, "plus un peuple est éclairé, plus ses suffrages sont difficiles à surprendre [ ...] même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave."245, donc, ce dernier a le droit d'être associé au processus visant les réformes constitutionnelles de son Etat.

Une révision constitutionnelle peut parfaitement s'effectuer dans la droite ligne de la légalité la plus normale et se révéler illégitime. Cette légitimité doit être prise ici dans le sens de la conscience du moment. Il semble bien que les dernières révisions constitutionnelles en Afrique soient perçues comme telles, c'est-à-dire purement conjoncturelles, destinées à porter atteinte à l'alternance et surtout de nature à modifier l'équilibre politique. De tels procédés sont constitutifs de ce que la doctrine désigne par « la fraude à la constitution » . Sur ce point, un risque supposé ou réel de retour à l'autoritarisme existe et ces révisions apparaissent désormais comme illégitimes .246

Il en est ainsi de la révision du 20 janvier 20II, pour laquelle le peuple congolais n'était pas associé d'une manière directe par les gouvernants pour donner son point de vue. Mais, selon une certaine opinion, cette révision n'était pas opportune, elle était favorable tout simplement au pouvoir en exercice en vue de préparer sa victoire

245 CONDORCET « - I743-I794 - Cinq Mémoires sur l'instruction publique - I79I-I792 », http://www . toupie.org/Citations/Constitution.htm, (Consulté, le vendredi 08 avril 20II) .

246 ATANGANA AMOUGOU, J .L ., Op.cit.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

électorale. Et si cette réforme constitutionnelle dépendait du peuple congolais, elle serait censurée.

Le tollé que la révision avait créé dans l'opinion nationale et timidement à l'extérieure du pays, prouve qu'elle a été mal envisagée et qu'on n'en tirerait pas nécessairement profit. Au contraire, elle nous mènerait tout droit à une nouvelle instabilité alors que le moment était propice pour la consolidation de la jeune démocratie congolaise, conquise au prix du plus grand sacrifice, soit près de cinq millions de morts, un pillage éhonté des ressources naturelles, une spoliation sans pareille du patrimoine national, une hypothèque irréversible de l'avenir de nos enfants pour au moins deux générations...247

Certaines ONG congolaises étaient montées au créneau pour dénoncer le caractère anticonstitutionnel du projet de révision. Elles avaient tenté d'initier une pétition pour empêcher cette réforme constitutionnelle, mais fort malheureusement, elle n'avait pas abouti à cause des intimidations de la part du pouvoir. Il y aurait même eu de cas d'arrestations pour ce sujet qui faisait couler d'encres et salives au sein de la classe politique congolaise.

Finalement avec la fréquence des révisions, on assiste à une dévalorisation de la constitution et par voie de conséquence à une banalisation des institutions. Celles-ci restent aussi marquées par une forte instabilité. Il en résulte des risques d'instabilité comme en témoigne l'agitation de l'opinion publique lors de l'annonce d'une révision.

2*2*2* Révision corruptrice de la démocratie

La réussite effective de cette réforme constitutionnelle a eu lieu grâce à la circulation des monnaies. Il y a eu achat des voix des certains parlementaires congolais. L'argent a vraiment circulé au sein du palais du peuple pour que cette révision passe.

Les observateurs ont constaté que cette révision était obtenue au prix de l'argent, et cela démontre la mauvaise gouvernance, y compris l'atteinte aux valeurs démocratiques. Le vote ne peut pas faire l'objet d'une vente au sein de la politique en RDC .

247TSHIBUABUA-KAPY'A KALUBI, B-J ., « La révision constitutionnelle votée le I5 janvier 20II : Une manipulation malhonnête, contre productive et dangereuse de la Loi fondamentale » . http://www .afriqueredaction .com/article-revision-constitutionnelle-une-manipulation-malhonnete-de-la-loi-fondamental, (Consulté le mardi 3I mai 20II) .

I07

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Objectivement, sans argent ladite réforme ne devait pas se passer dans une ambiance telle qu'on a vu au niveau parlement congolais lors du vote. Cette réforme est passée avec toute légèreté.

Certes, la procédure n'était pas vraiment démocratique, car il n'y avait pas eu large débat public autour de certains points qui avaient fait l'objet de la révision. Or, selon l'esprit du constitutionnalisme, il a fallu privilégier l'intérêt du peuple qui est l'auteur de la constitution. Mais, force est de constater que ce dernier n'était pas associé, c'est seulement le coup de force des parlementaires de la majorité qui se sont permis de passer outre l'esprit du constitutionnalisme tel que avancé par Jean du Bois de GAUDUSSON, c'est-à-dire que le constitutionnalisme oblige de vous réserver de faire quelque chose pourvu que l'intérêt supérieur de la nation soit préservé.

I08

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

CONCLUSION

La révision constitutionnelle est un mécanisme envisagé par toute constitution d'un Etat en vue de l'adapter aux aspirations sociales et politiques de l'Etat . Elle peut intervenir pour corriger certaines dispositions désuètes et lacunaires dans la constitution.

Ce mécanisme constitutionnel doit en principe tenir compte de l'esprit du constitutionnalisme et de la démocratie qui veut que dans la démarche de la réadaptation de la constitution, la séparation des pouvoirs, les droits et libertés de l'homme ainsi que l'alternance au pouvoir de l'Etat soient préservés.

Mais, les réformes constitutionnelles en Afrique et plus singulièrement en RDC sont vraiment perçues comme une technique d'établissement de la monopolisation du pouvoir qui est un frein pour l'émergence du constitutionnalisme. Elles sont devenues comme un instrument de pérennisation du système politique qui paralyse l'accroissement de la démocratie et fragilise la constitution elle-même. Dans ce sens qu'au lieu de réviser certaines dispositions désuètes et difficilement applicables, les pouvoirs institués peuvent dépasser les limites en vue de réaliser leurs ambitions politiciennes.

Bien qu'il s'est avéré que la révision constitutionnelle répond souvent à une volonté politique, laquelle volonté ne doit pas être détournée ou visée l'intérêt partisan ni politicien, mais qu'elle vise plutôt l'intérêt supérieur de la nation qui dans plupart de cas fait avancer le pays.

Les facteurs politiques de la révision constitutionnelle ont pris le dessus sur les facteurs techniques dans la modification de la plupart des constitutions africaines. Ces facteurs se glissent très rapidement dans les pratiques de ce que certains constitutionnalistes les qualifient de fraude à la constitution, voire le coup d'Etat constitutionnel.

Cet esprit du constitutionnalisme et de la démocratie fait à ce que la constitution reste avant tout un instrument sacré, un guide phare de la société auquel on doit se soumettre ou se plier sans cesse.

I09

II0

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Cependant, la révision constitutionnelle n'est pas une voie à travers laquelle le pouvoir constituant dérivé ou originaire peut faire n'importe quoi ou tripatouiller le texte fondamental ; qui serait une atteinte à la constitution d'un Etat.

Bien sûr que l'existentiel de la constitution ne date pas d'aujourd'hui, y compris le mécanisme de la révision constitutionnel. Ce sont des notions très anciennes pouvant faciliter le bon fonctionnement des pouvoirs public. Cette révision constitutionnelle était mise en place en vue de faciliter également le réaménagement du texte constitutionnel pour ne pas être assujetti aux générations futures. Et si chaque Etat à travers le monde avait jugé bon d'insérer cette disposition dans sa constitution. Les Etats africains, en l'occurrence la République Démocratique du Congo l'avait inséré dans ses lois fondamentales qu'elle a connues depuis son accession à l'indépendance.

Aujourd'hui, la révision constitutionnelle est prévue dans toutes les constitutions à travers les Etats du globe. Mais, ce mécanisme constitutionnel est envisagé ad nutum par les gouvernants. Il est devenu une porte pouvant faciliter la destruction ou la désacralisation de la loi fondamentale.

En Afrique, les dirigeants politiques l'ont fait un mécanisme de la conquête, de conservation, voire de confiscation du pouvoir politique. Comme on peut le constater, un certain nombre d'incertitudes pèsent sur le climat juridique actuel de la constitution en Afrique. Ce d'autant plus que si la rigidité constitutionnelle apparait comme une notion essentiellement juridique, elle ne saurait cependant être prise en considération en dehors de toute référence à la notion voisine de stabilité constitutionnelle qui relève de la science politique. La souplesse dont font montre les constitutions africaines serait donc due, non pas à l'absence de procédures particulières de révision, mais à l'excessive fréquence des révisions.

Les révisions constitutionnelles en Afrique ne sont pas favorables au constitutionnalisme, moins encore à l'éclosion de la démocratie. Elles sont mêmes contraires au principe du constitutionnalisme. Elles essayent de dissiper d'une manière indirecte l'alternance démocratique constitutionnelle, à travers la pratique de la suppression du nombre et de la durée des mandats présidentiels dans la constitution. Par conséquent, les constitutions africaines pour la grande majorité sont en elles-mêmes désacralisées et banalisées ; la démocratie prise en piège par le pouvoir en place ; et qui finalement se débouchent par des coups d'Etat, par des révolutions, des tensions politiques.

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Certes, les réformes constitutionnelles en Afrique ont un impact lourdement néfaste sur le constitutionnalisme et la démocratie. On remarque qu'en dépit de la rigidité procédurale consacrée, s'installe curieusement une inflation révisionniste. Cette dernière traduit en effet la permanence d'une grande instabilité constitutionnelle en Afrique. Elles contribuent à l'instabilité politique et à la régression économique.

En République Démocratique du Congo, les réformes qui ont intervenues sous les deux dernières républiques n'ont pas permis au constitutionnalisme d'émerger, ni à la démocratie de s'épanouir sur la scène politique. Elles ont poussé la RDC dans un recul énorme sur tous plans.

Des révisions peuvent donc survenir dans la vie d'un texte. Le caractère d'une constitution c'est, certes, sa capacité à suivre le temps, à s'adapter afin d'éviter le sclérose et la stagnation. En effet, ceux qui ossifient les structures et procédures peinent à les réviser quand bien-même la nécessité s'en fait sentir. Une révision qui offre la garantie que les amendements proposés renforcent la démocratie, élargissent les droits et libertés des citoyens et contribuent à promouvoir l'intérêt général est même utile. Cet objectif peut être opérationnalisé à travers un certain nombre de principes. Un processus de révision constitutionnelle de qualité doit être transparent, s'étendre sur une période raisonnable, offrir la garantie que les amendements constitutionnels proposés reflètent réellement l'intérêt général et la volonté du peuple, être nécessaire, pertinente et tenir compte de l'environnement politique et social du moment, éviter que les animateurs des institutions qui interviennent dans ledit processus ou qui exercent leurs fonctions pendant ce processus bénéficient des amendements effectués.

Pour éviter que naissent des suspicions sur le processus, celui-ci doit être transparent. Un autre avantage que présente la transparence du processus de révision constitutionnelle est qu'elle ouvre la possibilité à des acteurs non représentés dans le cadre institutionnel formel, dans le cas où un tel cadre aurait été mis en place pour conduire une partie du processus, d'apporter leur contribution s'ils le désirent, de façon à pouvoir améliorer le projet. La transparence du processus permet de rassurer tout le monde.

L'obligation de prévoir un délai minimal incompressible pour la durée du processus de révision constitutionnelle. La prévision d'un délai minimal incompressible permet d'accorder à la révision de la constitution le degré de gravité, voire de solennité qui sied à toute modification d'un document aussi fondamental. Elle permet aussi d'ouvrir à un plus grand nombre d'acteurs la possibilité d'exprimer leurs sentiments sur l'initiative,

III

II2

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

d'éviter les décisions précipitées, inspirées par les circonstances ou les majorités passagères et de circonstance qui ne représentent pas la volonté réelle du peuple ou l'expression des problèmes réels. Le délai minimum incompressible permet aussi à des groupes des citoyens qui ont des préoccupations spécifiques de s'organiser pour apporter leurs contributions au processus de révision constitutionnelle.

La mise en oeuvre des révisions constitutionnelles qui ne reflètent pas la volonté du peuple ou qui vont carrément à l'encontre de ses intérêts ne peut que saper bases de la démocratie elle-même. Il convient de faire la différence entre a volonté du peuple et celle de ses représentants, en général élus. Dans le pays comme le Congo, il arrive souvent que ces deux volontés ne se rencontrent pas ou que les révisions constitutionnelles reflètent les intérêts d'une partie des élus. Il est aussi nécessaire de s'assurer que la révision constitutionnelle ne donnera lieu à aucun recul sur le plan de la protection des droits fondamentaux et des libertés publiques déjà acquis par les citoyens. Bien au contraire la promotion, l'approfondissement des droits individuels et collectifs devrait être un souci permanent lors de l'initiative de toute révision constitutionnelle.

Toute révision constitutionnelle doit être nécessaire, pertinente et tenir compte de l'environnement politique et social du moment Administrer la preuve de la nécessité d'une révision constitutionnelle constitue un minimum indispensable. En effet, l'on doit décrire la gravité de la situation qui justifie la révision et montrer pourquoi c'est le statu quo constitutionnel qui en est, ne serai-ce que partiellement la cause. Ceci contribue également à éviter d'entreprendre un processus de révision de la constitution qui serait finalement inutile. Une révision constitutionnelle est pertinente si et seulement si ses propositions constituent des solutions effectives aux problèmes ou faiblesses identifiés qui ont justifié l'initiative du processus de révision.

Quant à la nécessité de faire attention à l'environnement politique et social du moment, il est principalement question de faire attention à l'opportunité de toute initiative en matière de révision constitutionnelle. A défaut de pouvoir prévoir le moment exact où une initiative de révision constitutionnelle pourrait déboucher sur des contestations, voire des contestations violentes, il est cependant possible de savoir si l'environnement y est favorable ou non. Toute période de tensions politiques et de divergences relativement profondes entre les acteurs-clés du moment, quelles qu'en soient les raisons, peut être considérée comme un indice d'inopportunité pour entreprendre un processus de révision constitutionnelle. En effet, dans un contexte donné il serait hasardeux de réaliser la légitimité nécessaire et d'espérer que chaque

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

institution-clé du cadre institutionnel national joue sa partition de manière objective et pertinente. De la même manière, selon le moment, certains sujets peuvent être délicats à aborder.

Toute révision constitutionnelle doit absolument éviter que les animateurs des institutions de l'Etat qui interviennent dans ledit processus ou qui exercent leurs fonctions pendant ce processus bénéfices des amendements effectués. La préoccupation primordiale ici est non seulement d'éviter que le peuple ait le sentiment que ses élus peuvent amender la loi fondamentale à leur guise pour leurs intérêts personnels, mais encore d'éviter que ces acteurs puissent se le permettre en étant juge et partie profitant d'une conjoncture politique favorable, par exemple une très large majorité au parlement.

L'étude a démontré que la plupart des révisions constitutionnelles qui ont intervenues en Afrique et particulièrement en République Démocratique du Congo n'ont pas facilitées une bonne promotion du constitutionnalisme et de la démocratie. Ce mécanisme constitutionnel pratiqué en Afrique a toujours cherché à dénaturer ou à dévaloriser l'instrument du constitutionnalisme. Il lutte de manière cavalière contre les principes du constitutionnalisme et de la démocratie : la séparation des pouvoirs, la garantie des droits et libertés publiques du peuple ainsi que l'alternance démocratique de pouvoir public.

La révision du 20 janvier 20II avait essentiellement des enjeux politiques ou électoralistes qui ont été à la base de cette réforme. Et par conséquent, il y a eu d'une part, des implications liées au constitutionnalisme, par la violation de certaines dispositions constitutionnelle (article 220), l'atteinte à la morale du constitutionnalisme, y compris la rupture du consensus autour du pacte social qu'est la constitution. D'autre part, des implications liées à la démocratie, cette révision a était obtenue par coup de force ou par une dictature de la majorité parlementaire et par une corruption de la démocratie, dans le sens que cette réforme s'est réalisée grâce à l'argent. Certaines voix étaient achetées en vue de faire passer cette révision.

Certes, les tensions politiques, sociales, les révolutions, voire les coups d'Etat et les rébellions enregistrées les deux dernières décennies sont dues à une cause lointaine qui est le tripatouillage constitutionnel, c'est-à-dire les révisions constitutionnelles qui figent l'alternance au pouvoir politique des dirigeants africains et détruisent la constitution qui est un outil indispensable pour chaque Etat.

II3

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Ainsi donc, pour remédier à la récurrence des révisions constitutionnelles, une solution pourrait consister à rendre beaucoup plus rigide la procédure de révision. Autrement dit, il faudrait que toute révision passe obligatoirement par la voie référendaire pour qu'elle soit approuvée. Cela permettrait à l'institution issue de la révision d'avoir la légitimité nécessaire qui puisse assurer sa pérennité. Cela permettrait également au peuple de sanctionner les initiatives manifestement inopportunes des politiques. Mettre en place un code de bonne conduite comme le cas de la CEDAO avec une juridiction panafricaine spécialement pour les matières de la révision constitutionnelle. Ensuite, chercher à créer une association qui peut regrouper toutes les cours constitutionnelles des Etats membres de l'Union Africaine « UA » en vue de la moralisation et de l'encadrement juridique des juges constitutionnels quant à ce . Enfin, que les dirigeants politiques, les élites intellectuelles, pouvoir constituant lui-même, devraient prendre conscience et s'abstenir de tout excès dans la voie de la révision, développer ainsi une bonne culture constitutionnelle qui pourra favoriser l'émergence de grande échelle du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique et particulièrement en République démocratique du Congo.

II4

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~ Cas de la République démocratique du Congo"

BIBLIOGRAPHIE

A . OUVRAGES

1 . ACQUAVIVA, JC ., Droit constitutionnel et institutions politiques, 8ème éd ., Gualino, Paris, 2005 .

2 . AMOUGOU, T ., Membres du code, chercheur, coordonateur de territoire, développement et mondialisation, éd . Syllepse, Paris, 2008 .

3 . ARDANT, Ph ., Droit constitutionnel et institutions politiques, I5ème éd ., LGDJ, Paris, 2004 .

4 . ARDANT, Ph ., Institutions politiques et droit constitutionnel, I7ème éd ., LGDJ, Paris, 2005 .

5 . ARON, R ., Démocratie et totalitarisme, Gallimard, Paris, 200I .

6 . BEAUD, O ., (Dir .), « Constitution et constitutionnalisme », in REYNAUD, Ph . et RIALS, S (Dir .), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, Paris, I996 .

7 . BONANE MUSHI, S ., Le réveil du souverain primaire, CEDI, Kinshasa, I998 .

8 . BULA-BULA, S ., (Dir .), Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise, (Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau), Bruylant - PUK, Bruxelles-Kinshasa, 2006 .

9 . BURDEAU, G ., Droit constitutionnel et institutions politiques, I4ème éd ., LGDJ, Paris, I969 .

10 . BURDEAU, G ., Traité de Science politique, Tome IV, LGDJ, Paris, I987 .

11 . CHAMPLEIL DESPLATS, V ., Les grandes questions du droit constitutionnel, L'Etudiant, Paris, 2003 .

12 . CHEVALIER, J ., L'Etat post-moderne, 2ème éd ., LGDJ, Paris, 2004 .

13 . COHENDET, M .A ., Méthode de travail de droit public, 3ème éd ., Montchrestien, Paris, I998 .

14 . DESCARTES, R ., Discours de la méthode, Hachette, Paris, I937 .

15 . De TOCQUEVILLE, A ., De la démocratie en Amérique, Tome I, Garnier-Flammarion, Paris, I98I .

16 . DUVERGER, M ., Méthode des sciences sociales, PUF, Paris, I964 .

17 . GICQUEL, J ., « Essai sur le présidentialisme négro-africain, l'exemple camerounais », in Mélanges en l'honneur de Georges BURDEAU, LGDJ, Paris, I977 .

18 . GICQUEL, J ., Droit constitutionnel et institutions politiques, 20ème éd ., Montchrestien, Paris, 2005 .

II5

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~ Cas de la République démocratique du Congo"

19 . GONIDEC, P-F ., Les systèmes politiques, LGDJ, Paris, I974 .

20 . GRAWITZ, M ., Méthode en sciences sociales, Vol.8, éd . Dalloz, Paris, I996 .

21 . HABERLE, P ., L'Etat constitutionnel, Economica, Paris, 2004 .

22 . ILUNGA NGOY, Dans le sens de l'histoire et de l'analyse sociopolitique : Etienne TSHISEKEDI, un homme symbole, un destin, éd . Steve BUKA, Kinshasa, I999 .

23 . IYELEZA MOJU MBEY et alii, Recueil des Textes constitutionnels de la République du Zaïre. Du 19 mai 1960 au 28 mai 1991, éd . Ise consult, Kinshasa, I99I .

24 . KABUYA LUMUNA, C ., Histoire du Congo. Les quatre premiers présidents, éd . SECCO-CEDI, Kinshasa, 2002 .

25 . LIBOIS, G . et Van LIERDE (Dir .), Congo 1965, éd . CRISP et INEP, Bruxelles - Kinshasa, (s .d) .

26 . LOCKE, J ., Traité du gouvernement civil, Garnier-Flammarion, Paris, I992 .

27 . MANIN, B ., Principe du gouvernement représentatif, Flammarion, Paris, I996 .

28 . MATTHIEU, B . et VERPEAUX, M ., Droit constitutionnel, PUF, Paris, 2004 .

29 . MORANGE, J ., Les libertés publiques, LGDJ, Paris, I986 .

30 . MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Perspectives du constitutionnalisme et de la démocratie en République Démocratique du Congo sous l'empire de la constitution du I8 février 2006 », in SAYEMAN BULA-BULA, (Dir .), Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise, (Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau), Bruylant-PUK, Bruxelles-Kinshasa, 2006, pp .I85-224 .

31 . MBOKO DJ'ANDIMA, Principes et usages en matière de rédaction d'un travail universitaire, éditions CADICEC- UNIAPAC, Kinshasa, 2004 .

32 . MUKUBI KIBALI KAMANGO, Constitution de la Transition : ses questions essentielles, édition ITONGOA, Kinshasa, 2003 .

33 . MULUMA MUNANGA, Le guide du chercheur en sciences sociales et humaines, éd . Sogedes, Kinshasa, 2003 .

34 . MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, E ., Institutions politiques et droit constitutionnel, Tome 1 : Théorie générale des institutions politiques de l'Etat, E .U .A, Kinshasa, 200I .

35 . NKULU KILOMBO, Congo-Zaïre. De la charte coloniale à la constitution de la troisième République, éd . SECCO, Kinshasa, I99I .

36 . NTUMBA LUABA LUMU, A ., Droit constitutionnel général, éd ., EUA, Kinshasa, 2005 .

37 . OLIVA, E ., Droit constitutionnel, 4ème éd ., Dalloz, Paris, 2004 .

II6

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~ Cas de la République démocratique du Congo"

38 . PACTET, P ., Institutions politiques et droit constitutionnel, 20ème éd ., Armand-colin, Paris, 200I .

39 . RAYNAUD, Ph ., "Constitutionnalisme-, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, Paris, 2003 .

40 . REYNAUD, Ph ., et RIALS, S ., (Dir .), Dictionnaire de philosophie politique, PUF, Paris, I996 .

41 . ROUVILLOIS, Fr ., Droit constitutionnel, 2ème éd ., Flammarion, Paris, 2005 .

42 . SEGNI SEGUI, R ., Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : théories et réalités, Imprimab, Abidjan, I998 .

43 . SHOMBA KINYAMBA, Méthodologie de la recherche scientifique, éd . M .E .S, Kinshasa, 2006 .

44 . STARCK, B ., ROLAND, H et BOYER, L ., Obligations, 4ème éd ., Litec, Paris, I993 .

45 . TOENGAHO LOKUNDO, F ., Les constitution de la République Démocratique du

Congo. De Joseph KASA VUBU à Joseph KABILA, PUK, Kinshasa, 2008 .

46 . VUNDUAWE te PEMAKO, F ., A l'ombre du Léopard. Vérités sur le régime de Mobutu Sese Seko, TomeI, éd . Zaïre Libre, Bruxelles, 2000 .

47 . VUNDUAWE te PEMAKO, F ., Traité de droit administratif, Larcier - Afrique éditions, Bruxelles, 2007 .

48 . WOLFANG, E ., Le droit, l'Etat et la constitution, LGDJ, Paris, 2000 .

49 . ZOLLER, E ., Droit constitutionnel, 2ème éd ., PUF, Paris, I999 .

B . ARTICLES

1 . BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., "La nouvelle constitution de la RDC : sources et innovations", Annales de la Faculté de droit, S . Vol., Décembre 2007, PUK, Kinshasa, 2007, pp .2I5-259 .

2 . BOISBOUVIER, C ., « Niger, TANDJA, la chute, renversé le I8 février, l'ex-président paie le prix de son acharnement à demeurer au pouvoir », Jeune-Afrique l'intelligent, 50ème année, n°2563, du 2I au 27 février 20I0, pp . I4-I7 .

3 . BULA BULA, S ., « Mise hors - la - loi ou mise en quarantaine des gouvernements anticonstitutionnels », African yearbook for international law, n°9, 2005 .

4 . CHERIF OUAZANI, « La constitution au coeur des débats en Afrique », Jeune-Afrique l'intelligent, 48ème année, n°2466, du I3 au I9 avril 2008 .

5 . DJOLI ESENG'EKELI, J ., « Problématique de l'Opposition politique en Afrique noire post-coloniale. Cas de la République Démocratique du Congo : Mythe ou

II7

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

Réalité », in BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., MBATA BETUKUMESU MANGU, A . et KIENGE KIENGE INTUDI, R . (Dir .), Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence démocratique en République Démocratique du Congo, (Actes des Journées scientifiques de la Faculté de Droit de l'UNIKIN I8-I9 juin 2007), PUK, Kinshasa, 2007, pp . 83-I02 .

6 . DUVERGER, M ., « Démocratie libérale et démocratie totalitaire », Vie intellectuelle, juillet I948 .

7 . MEDARD, J . F ., « L'Etat clientéliste transcendé », Politique africaine, n°0I, octobre, I996 .

8 . MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., " Suprématie de la constitution, indépendance du pouvoir judiciaire et gouvernance démocratique en RDC", in BAKANDEJA wa MPUNGU, G ., MBATA BETUKUMESU MANGU, A . et KIENGE KIENGE INTUDI, R . (Dir .), Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence démocratique en République Démocratique du Congo, (Actes des Journées scientifiques de la Faculté de Droit de l'UNIKIN I8-I9 juin 2007), PUK, Kinshasa, 2007, pp . 394-406 .

9 . QUERMONNE, J .L ., « Le projet constitutionnel à l'épreuve du référendum », Revue de l'action populaire, I958 .

C . THESES, MEMOIRES, TFC ET COMMUNICATION

1 . ESAMBO KANGASHE, J .L ., La constitution congolaise du 18 février 2006 à l'épreuve du constitutionnalisme : Contraintes pratiques et perspectives, Thèse de doctorat en Droit public, Université de Paris I, Panthéon, Sorbonne, 2009 .

2 . KAMUKUNI MUKINAY, A ., Contribution à l'étude de la fraude en droit constitutionnel congolais, Thèse de doctorat en Droit public, Université de Kinshasa, 2007 .

3 . NDAYA N'DAMYA FULBOB, A., La problématique de la révision constitutionnelle dans la constitution de 18 février 2006 en RDC , Travail de fin de cycle, Faculté de Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2009 .

4 . PIERRE, S ., Processus démocratique en Afrique : impact et perspectives, Actes du colloque national, Cotonou, II avril, I994 .

5 . PUNGA KUMAKINGA, P ., Constitutions et constitutionnalisme en Afrique. Cas de la RDC, Mémoire de Licence, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 2005 .

II8

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

D . DICTIONNAIRES SPECIALISES

1 . CABRILLAC, (Dir .), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, Paris, 2004 .

2 . De VILLIERS, M ., Dictionnaire du droit constitutionnel, 5ème éd ., Armand-Colin-Dalloz, Paris, 2005 .

E . DOCUMENTS OFFICIELS

1 . Constitution du I8 février 2006, JORDC, 47ème année, n° spécial, du I8 février 2006 .

2 . Loi-constitutionnelle n° II/002 du 20 janvier 20II portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du I8 février 2006, JORDC, 52ème année, n°3 , du Ier février 20II .

3 . La loi n°07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l'opposition politique, JORDC, 48ème année, n° spécial, du I0 décembre 2007 .

F . SITES INTERNET

1 . ALFA TOGA, B ., « L'Afrique et l'internationalisation du constitutionnalisme : Actrice ou Spectatrice ? », http ://www .droitconstitutionenafrique .org, (Consulté le 20 novembre 20I0) .

2 . ASSANE MBAYE, «Alternatives pour l'effectivité des constitutions en Afrique de l'Ouest », http ://www.base.-afrique gouvernance .net/fr/corpus, (Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .

3 . AMOUGOU, T ., «Afrique-l'inflation de la révision constitutionnelle : La nouvelle pathologie politique africaine », http :// www .camerounmonpays .over-blog .com, (Consulté le mardi I4 décembre 20I0) .

4 . ATANGANA AMOUGOU, J .L ., « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau

constitutionnalisme africain », http ://www .droitconstitutionnelenafrique .org,
(Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .

5 . ALIOUNE TINE, « Toucher aux constitutions est un crime de haute trahison », http://www.Africatime com/niger/nouvelle.asp, consulté le mardi 25 janvier 20II .

6 . BAOUNA, B ., « Constitution, un mot vide de sens en Afrique », http://www.afrik.com/article, (Consulté le dimanche I3 février 20II) .

7 . BENGALY, A ., « Droit constitutionnel », http :// www .efccnigeria .org, (Consulté mardi le I4 décembre 20I0) .

8 . BLAUSTEIN, A ., « La constitution des USA »,
http ://
www.america.gov/st/usg.../html, (Consulté lundi le 03 janvier 20II) .

II9

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

9 . Centre pour la gouvernance démocratique du Burkina-Faso (CGD), « Constitutionnalisme et révisions constitutionnelles en Afrique de l'Ouest : le cas du Benin, du Burkina-Faso et du Sénégal », http :// www .cgd .org, (Consulté le samedi I8 décembre 20I0) .

10 . COHEN TANUGI, L ., « Démocratie et constitutionnalisme »,
http://www .oboulo .com/constitutionnalisme-democratie, (Consulté le mardi I9 Avril 20II) .

11 . CONDORCET « - I743-I794 - Cinq Mémoires sur l'instruction publique - I79I-I792 », http://www .toupie .org/Citations/Constitution .htm, (Consulté, le vendredi 08 avril 20II) .

12 . CONNAC, G ., « Quelques réflexions sur le nouveau constitutionnalisme africain », http://www.la-constitution-en-afrique.org, (Consulté, le mardi I9 avril 20II) .

13 . Charte des Nations Unies, http://www .wikipedia .chartenationsunies .org, (Consulté le mardi I4 décembre 20I0) .

14 . DENQUIN, JM ., « Situation du constitutionnalisme. Quelques réflexions sur l'idée de démocratie par le droit, http://www.juspoliticum.com/Jean-Marie-Denquin-Situation.html, (Consulté le mardi I9 avril 20II) .

15 . DIKEBELAYI, J .M ., « Tentative de révision constitutionnelle à quelques mois des scrutins : un test crucial sur le fondement moral de la démocratie », http :// www .congolex, (Consulté le dimanche, 30 janvier 20II) .

16 . DOSSOU, R ., « L'inflation révisionniste », http:// www .facebook .com/topic .php, (Consulté le dimanche I3 février 20II) .

17 . DJOUNFOUNE, A ., « Constitutions en Afrique : Silence, on révise », http://www.camerounmonpays.over-blog.com, (Consulté le mardi I4 décembre 20I0) .

18 . Droit constitutionnel, http://fr .wikipedia .org/wiki/droit_constitutionnel, (Consulté le vendredi 25 février 20II).

19 . El Hadj MBODJ, « Le mode de dévolution du pouvoir en Afrique : le retour des dynasties, un détournement de la volonté du peuple » http://elhadjmbodj, (Consulté le samedi 08 janvier 20II) .

20 . GERMAIN NAMA, B ., « Révisions constitutionnelles en Afrique trouve un antidote aux révisions régressives », http:// www .evenement .bf .net, (Consulté le jeudi 28 janvier 20II) .

21 . INYUKI, «Mamadou Tandja, gangster politique préféré de la France », http://www.aeud.fr/Mamadou-Tandja-gangsterb politique .html, (Consulté le lundi 25 juillet 20II) .

I20

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

22 . KOMI TSAKADI, « Quel statut de l'opposition pour prévenir les conflits en Afrique ? », http://blog .multipol.org, (Consulté le dimanche 8 mai 20II) .

23 . MAMADOU KONATE, « Les dirigeants africains et les constitutions : Tous des « violeurs », http :// www .altervive .com/cameroun/po/rev .htm, (Consulté mardi le I4 décembre 20I0) .

24 . MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., «RDC : La Constitution littéralement violée », http//www .lepost .com, (Consulté, le mardi I5 février 20II) .

25 . MBATA BETUKUMESU MANGU, A ., « Responsabilité sociale des intellectuels du Congo et de la sous-région : constitutionnalisme, démocratie en Afrique centrale et renaissance africaine », http://www .afrique .kongotime .info « RDC », (Consulté le jeudi 02 décembre 20I0) .

26 . MOUSTAFA, E ., « A qui profitent les révisions ? », http ://www .amis .monde-diplomatique .fr, (Consulté le dimanche I3 février 20II) .

27 . MURIEL ROUYER, « Constitutionnalisme, comparaison, complexité : les défis de

l'Union Européenne entre transition, élargissement, globalisation »,
http ://www.Caim.info/publications-de-Rouyer-Muriel, (Consulté le vendredi 08 avril 20II) .

28 . MWAYILA TSHIYEMBE, « Constitutionnalisme et démocratie en Afrique centrale et dans les pays des Grands Lacs », http://www .oboulo .com/constitutionnalisme-democratie-html, (Consulté, le mardi I9 avril 20II) .

29 . NGAPI, R . et ETINGA, S ., « RDC : Evariste BOSHAB : la révision

constitutionnelle n'est pas un tabou », http ://
www.afrique.kongotime.info/rdc/parlement, (Consulté le dimanche 30 janvier 20II) .

30 . ROUSSEAU, D ., « Constitutionnalisme et démocratie », http ://www .lavie-decidee:fr/constitut-et-dem .htm, (Consulté le vendredi, 08 avril 20II) .

31 . SIMONE, A ., « Déclaration du Front pour la Défense de la Démocratie (FDD) », http://www.africaintelligence.fr/c, (Consulté, le lundi 25 juillet 20II) .

32 . THIAMEL NDIADE, « Quand l'Etat est pris en otage par les kleptocrates », http://www .couleursdafrique .eu/Afrique-les-revisions-constitutionnelles .html, (Consulté le mardi I8 avril 20II) .

33 . TSHIBUABUA-KAPY'A KALUBI, B-J ., « La révision constitutionnelle votée le I5 janvier 20II : Une manipulation malhonnête, contre productive et dangereuse de la Loi fondamentale », http://www .afriqueredaction .com/article-revisionconstitutionnelle-une-manipulation-malhonnete-de-la-loi-fondamental, (Consulté le mardi 3I mai 20II) .

I2I

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

34 . WETSH'OKONDA KOSO SENGA, M ., « L'échec de l'initiative de révision constitutionnelle du 5 novembre 2007 », http://www .constitutionenafrique .org, (Consulté le mardi 2I décembre 20I0) .

G . NOTES DE COURS POLYCOPIEES

I . BIBOMBE MUAMBA, B ., Droit constitutionnel et institutions politiques, Premier Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIS, Kisangani, 2005-2006 .

2 . BIBOMBE MUAMBA, B ., Introduction à la science politique, Premier Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIN, Kinshasa, 2007 .

3 . DJOLI ESENG'EKELI, J ., Droit constitutionnel congolais, 2ème Graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 2007-2008 .

4 . KABUYA LUMUNA, Sociologie politique, Première Licence, Relations Internationales, FSSAP, UNIKIN, 20II .

5 . KAMUKUNI MUKINAY, A ., Institutions politiques de l'Afrique contemporaine, Troisième Graduat Droit, Faculté de Droit, UNIKIN, 2008-2009 .

I22

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

TABLE DES MATIERES

EPIGRAPHE....................................................................................................................................i DEDICACE................................................................................. .................................................... .ii REMERCIEMENTS........................................................................................................................ ..iii LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES.......................................................................................v

AVANT-PROPOS........................................................................ ....................................................vii

INTRODUCTION..................................................................... ......................... ...................................I

I. PRESENTATION DU SUJET...................................................................................................... ..2

II. PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE.................................................................. ..4

III. HYPOTHESES.............................................................................. ...........................................8 IV . INTERET ET OBJECTIFS DU TRAVAIL.................................................................................... ..II

V. METHODOLOGIE................................................................................. ..................................I3

VI. REVUE DE LITTERATURE................................................................................................... ...I5

VII. DELIMITATION DU SUJET................................................................................................... ...I8

VIII. PLAN SOMMAIRE................................................................................. ............................... .I8

PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE SUR LA CONSTITUTION, LA DEMOCRATIE ET LE CONSTITUTIONNALISME..................................................................... ...........................................I9

CHAPITRE PREMIER : CONSTITUTION, CONSTITUTIONNALISME ET DEMOCRATIE............ .....................20 SECTION I. DEFINITION DES CONCEPTS......................................................... ......................... ....20 §I . CONSTITUTION ET CONSTITUTIONNALISME ....................................................................................20 I.I . CONSTITUTION ................................................................................................................................20 I .2 . CONSTITUTIONNALISME ................................................................................................................ 22 §2 . DEMOCRATIE ........................................................................................................................................26 2 .I . Conceptions minimalistes ..................................................................................................................27 2 .2 . Conceptions maximalistes .................................................................................................................27

SECTION II. RAPPORT ENTRE CONSTITUTION, CONSTITUTIONNALISME ET DEMOCRATIE............ ...28 §I . CONSTITUTION ET CONSTITUTIONNALISME.....................................................................28

I .I . Conception descriptive de la constitution ...........................................................................................29

I .2 . Conception normative de la constitution ............................................................................................30

I .3 . Lien entre la conception normative de la constitution et le constitutionnalisme........................ ....3I §2 . DEMOCRATIE ET CONSTITUTIONNALISME .....................................................................................33 CHAPITRE DEUXIEME : CONSTITUTIONS ET REVISIONS CONSTITUTIONNELLES EN AFRIQUE............ .37 SECTION I. CARACTERISTIQUES DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES AFRICAINES ..................40 §I . REVISIONS PORTANT SUR LE MANDAT PRESIDENTIEL ..................................................................40 I .I . Limitation de la durée et le nombre de mandat présidentiel ..............................................................42 I .2 . Quelques cas d'application ................................................................................................................47 §2 . REVISIONS PORTANT SUR LA RESTRICTION DES LIBERTES DE L'OPPOSITION ........................50

I23

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

SECTION II. FACTEURS ET CONSEQUENCES DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SUR LE CONSTITUTIONNALISME ET LA DEMOCRATIE........................................................................53

§I . FACTEURS DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ......................................................................53 I .I . FACTEURS TECHNIQUES OU ENDOGENES .................................................................................53 I .2 . FACTEURS POLITIQUES OU EXOGENES ......................................................................................54

§2 . CONSEQUENCES DES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ........................................................... 56 2 .I . CONSEQUENCES D'ORDRE JURIDIQUE OU INSTITUTIONNEL ..................................................56 2 .2 . CONSEQUENCES D'ORDRE POLITIQUE .......................................................................................60

DEUXIEME PARTIE : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET CONSTITUTIONNALISME DANS L'HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE ET POLITIQUE DE LA RDC ...........................................................................................65

CHAPITRE PREMIER : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA PREMIERE ET DEUXIEME

REPUBLIQUE.............................................................................................................................. ..66

SECTION I : REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA PREMIERE REPUBLIQUE..................... ..66 §I . SOUS LE REGIME DES COMMISSAIRES GENERAUX .....................................................................67 I .I . Contexte politique et changement constitutionnel ............................................................................. 67 I .2 . Impact sur constitutionnalisme et de la démocratie ........................................................................... 68 §2 . SOUS LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE JOSEPH ILEO ...........................................................69 2 .I . Contexte politique et changement constitutionnel ............................................................................. 69 2 .2 . Impact sur le constitutionnalisme et de la démocratie ....................................................................... 7I SECTION II. REVISIONS CONSTITUTIONNELLES SOUS LA DEUXIEME REPUBLIQUE... ................ ......7I §I . PRINCIPALES REVISIONS SOUS LE REGIME DU MONOPARTISME ................................................7I I .I . Loi constitutionnelle n°70-00I du 23 décembre I970 ........................................................................73

A . Circonstance politique et changement constitutionnel .........................................................................73

B . Effet sur le constitutionnalisme et de la démocratie ............................................................................. 74

I .2 . Loi constitutionnelle n°74-020 du I5 Août I974 ................................................................................75

A . Circonstance politique et changement constitutionnel .........................................................................75

B . Effet sur le constitutionnalisme et de la démocratie ............................................................................. 76

I .3 . Loi constitutionnelle n°78-0I0 du I5 février I978 ..............................................................................76

A . Contexte politique et changement constitutionnel ................................................................................ 77

B . Impact sur constitutionnalisme et de la démocratie .............................................................................. 77

I .4 . Loi constitutionnelle n°80-007 du I9 février I980 ..............................................................................79 A . Contexte politique et changement constitutionnel ................................................................................ 79 §2 . REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ET INSTABILITE POLITIQUE ...................................................79 2 .I . Loi constitutionnelle n°90-022 du 05 juillet I990 ...............................................................................8I

A . Contexte politique et changement constitutionnel ................................................................................ 8I

B . Contexte politique et changement constitutionnel ................................................................................ 82 2 .2 . Acte constitutionnel harmonisé du 02 Avril I993 ...............................................................................83 A . Circonstance politique et changement constitutionnel ......................................................................... 83 2 .3 . Acte constitutionnel de la Transition du 09 Avril I994 .......................................................................85

I24

" Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique ~
Cas de la République démocratique du Congo"

CHAPITRE DEUXIEME : REVISION CONSTITUTIONNELLE SOUS LA TROISIEME REPUBLIQUE............89 SECTION I. CONSTITUTION DU I8 FEVRIER 2006 ET LE CADRE DE SA REVISION........................ .....89

§I . DISPOSITIONS REVISABLES ............................................................................................................... 89

§2 . DISPOSITIONS NON REVISABLES ......................................................................................................9I SECTION II. CONSTITUTION DU I8 FEVRIER 2006 A L'EPREUVE DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE

n°II/002 DU 20 JANVIER 20II................................................................................. ............ ...92

§I . ENJEUX DE LA DERNIERE REVISION CONSTITUTIONNELLE ..........................................................94 I .I . MOBILES DE CETTE REVISION ......................................................................................................94 I.I .I . Mobile technique .............................................................................................................................94 I .I .2 . Mobile politique ou électoraliste ......................................................................................................94 I.2 . MATIERES REVISEES ......................................................................................................................95 I .2 .I . Mode de scrutin présidentiel ...........................................................................................................95 I .2 .2 . Indépendance du pouvoir judiciaire égratignée ..............................................................................96 I .2 .3 . Provinces qui ne sont plus autonomes ........................................................................................... 98

§2 . IMPLICATIONS DE CETTE REVISION ................................................................................................I00 2 .I . IMPLICATIONS LIEES AU CONSTITUTIONNALISME ...................................................................I0I 2 .I .I . Violation de certaines dispositions constitutionnelles ...................................................................I0I 2 .I .2 . Atteinte à la morale du constitutionnalisme ..................................................................................I0I 2 .I .3 . Rupture du consensus ..................................................................................................................I02 2 .2 . IMPLICATIONS LIEES A LA DEMOCRATIE ...................................................................................I04 2 .2 .I . Révision par coup de force ...........................................................................................................I05 2 .2 .2 . Révision corruptrice de la démocratie ...........................................................................................I06

CONCLUSION.....................................................................................................................................................I08

BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................................II4

TABLEDES MATIERES ......................................................................................................................................I22






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite