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Révisions constitutionnelles et leur impact sur la promotion du constitutionnalisme et de la démocratie en Afrique: cas de la RDC

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par Aimé NDAYA N'DAMYA FULBOB
Université de Kinshasa RDC - en vue de l'obtention d'une licence en droit public 2011
  

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1*2* MATIERES REVISEES

En dépit des mobiles qui ont poussé à la modification constitutionnelle, ceux-ci ont provoqué certaines matières d'être revues. Ces enjeux étaient essentiellement fondés sur le mode du scrutin présidentiel prévu à l'article 7I al. Ier, soumission des magistrats du parquet sous l'autorité du ministère de la justice avec comme conséquence l'atteinte à « l'indépendance » du pouvoir judiciaire dans la constitution, la récupération du siège par un parlementaire après avoir assumé une fonction politique. En outre, la révocation d'un gouverneur provincial ainsi que la dissolution de l'Assemblée provinciale par le Chef de l'Etat en cas d'une crise persistante. Tous ces enjeux ont un but ou une finalité d'abord, de donner la chance à l'actuel Chef de l'Etat aux prochaines élections présidentielles, ensuite au renforcement du pouvoir personnel du Président de la République sur les provinces qui d'ores et déjà jouissaient d'une personnalité juridique et d'une autonomie de gestion.

Ainsi, quelques enjeux majeurs de cette première réforme constitutionnelle seront analysés d'une manière singulière dans cette étude.

1*2*1* Mode de scrutin présidentiel

Selon l'ancienne disposition de l'article 7I al. Ier, « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas obtenue au premier tour du scrutin, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour » .233

Au regard de cette disposition, nous remarquons que le constituant de 2006 n'a pas prévu de manière expresse les élections présidentielles à deux tours. Il a au moins prévu une possibilité au cas où l'un des candidats aux élections n'atteint pas une majorité absolue des suffrages exprimés, c'est-à-dire 5I% des voix, c'est à ce moment que le deuxième tour s'impose. En plus, si le constituant de I8 février 2006 a voulu une majorité absolue, c'est pour répondre au problème de la légitimité totale du pouvoir du Président de la République par la grande partie de la population.

Mais, le régime Kabila justifie la modification de cet article sur base d'un mobile financier. Or, en réalité, tout le monde sait que la vraie raison est le fait de passer leur candidat à l'issue de cet unique tour, en prévoyant tout simplement que : « le Président de la République est élu à la majorité simple des suffrages exprimés » .

233 Article 7I al. Ier de la Constitution de la RDC du I8 février 2006, Op. cif. p . 27

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Cas de la République démocratique du Congo"

Cette réforme entraine l'éventualité d'avoir un Chef de l'Etat peu légitime, c'est-à-dire moins populaire, comme le pense le professeur Auguste MAMPUYA qu'écrit que cette majorité est paradoxalement tout heureuse de nous offrir, sans états d'âme, un président de la République minimal, dévalué .234

Sur le plan politique, nous pouvons néanmoins constater la rupture d'un certain équilibre qui prévalait parmi les acteurs politiques autour de la Constitution et cette situation pourrait constituer une fuite en avant pour les contestations éventuelles des résultats électoraux à venir de la part de la classe politique marginalisée dans cette procédure au cas où les verdicts des urnes ne seraient pas favorables à cette dernière. La principale clé de lecture de cette révision demeure l'élection du Président de la République au scrutin à un seul tour et c'est cette modification du scrutin qui attire toute l'attention sur la révision constitutionnelle du 20 janvier 20II .

Ceci entraine un risque énorme que le Chef de l'Etat peut être à tout moment contesté par la grande partie de la population. Si dans la plupart d'Etats à travers le monde, le mode de scrutin est envisagé de manière expresse en deux, c'est pour donner plus de légitimité au Chef de l'Etat qui est appelé à diriger son Etat ou son peuple. Mêmes les Etats qui ont d'énormes problèmes financiers le maintiennent. Cela ne veut pas dire que la démocratie est un luxe pour les Africains, ni encore qu'il faille détricoter une constitution pour gagner les élections. Comme dise le Romain : « alea jacta est !» le sort de la RDC est de nouveau jeté à travers cette réforme, c'est à l'avenir de juger.

1*2*2* Indépendance du pouvoir judiciaire égratignée

L'article I49 de la constitution du I8 février 2006 était rédigé dans une logique implacable dans l'alinéa Ier où il affirmait l'indépendance du pouvoir judiciaire; dans l'alinéa 2, sans doute pour la première fois dans l'histoire constitutionnelle, il définissait avec bonheur ce pouvoir judiciaire comme comprenant « les cours et tribunaux : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions » .235

D'abord, la révision supprime le pouvoir judiciaire comme corps, notamment dans la disposition de l'alinéa 2 de l'article I49 d'où disparaît l'heureuse

234 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement violée », http//www .lepost .com, (Consulté, le mardi I5 février 20II) .

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235 Idem

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définition du pouvoir judiciaire. De même, disparaît l'alinéa Ier qui dit que : « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif», donc l'énoncé essentiel même du principe de l'indépendance judiciaire .236

L'alinéa 2 de cet article était ainsi une forte avancée de l'Etat de droit, en incluant les parquets dans le pouvoir judiciaire et en les faisant bénéficier de l'indépendance de leur corps. On pouvait alors chez nous résoudre une question que même les vieilles démocraties débattent aujourd'hui : celui d'un ministère public indépendant ; nous étions en avance.

Poursuivant ses analyses, le professeur Mampuya écrit : « quand les auteurs de la proposition disent qu'il convient de réaffirmer, à cet effet la règle classique selon laquelle le parquet exerce son ministère sous l'autorité du ministre de la Justice » « dont il est le bras séculier », ils oublient que l'option prise par le constituant de 2006 n'était pas une erreur ou un oubli mais le choix délibéré d'abandonner cette soi-disant «règle classique » en faveur de la conception moderne, que l'on trouve dans les pays anglo-saxons et que la France que nous aimons bien copier quand il s'agit de mauvais choix, est en train de mettre en place, sous le coup de condamnations répétées des instances internationales refusant de considérer ses procureurs comme «autorités judiciaires » et les considérant comme des organes non indépendants .237

Le constituant de 2006 avait fait un pas de géant en avant. C'est vrai que ce choix rendait en quelque sorte inutile un ministère de la Justice, devenu seulement gestionnaire du personnel de son administration et du personnel pénitentiaire; tout le drame est là . Depuis, des ministres de la Justice ont manifesté leur désarroi et leur hostilité à cet alinéa 2 de l'article I49 et c'est la raison pour laquelle cette proposition est, en réalité, l'oeuvre du ministère de la Justice; on fait deux pas en arrière.

En sortant une partie de la composition du pouvoir judiciaire comme pouvoir indépendant, la proposition méconnaît et viole incontestablement l'indépendance de ce troisième pouvoir et en fait un appendice de l'exécutif. A moins d'avoir du droit une lecture purement formaliste et primaire. De fait, l'action judiciaire commence par la mise en accusation, celle-ci ne peut être séparée de la fonction judiciaire. En quoi, dès lors, le pouvoir judiciaire sera-t-il indépendant si les poursuites sont ordonnées ou ne peuvent être actionnées que par l'exécutif si la plénitude de l'action publique n'est plus au parquet général mais au ministère de la Justice, si l'exécutif peut dire qui on poursuit et qui on ne

236 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement...Op. cit.

237 Idem.

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poursuit pas ? Nous ne parlons pas de cas fréquents où des jugements sont dictés ou rendus inopérants par des ingérences inadmissibles de l'exécutif, comme c'est le cas lorsque l'exécution de nombre de jugements dépend souvent de la décision du ministre, illégalement ? Dans la conception moderne, l'indépendance du pouvoir judiciaire concerne également le ministère public ; en tout état de cause, ce fut l'option, innovante et révolutionnaire, du constituant congolais au regard de ce que les auteurs appellent « règle classique » et qui ne l'est plus dans bien des pays ; réviser cette disposition, va bien à l'encontre de la lettre et de l'esprit de la Constitution en son article I49 sur l'indépendance de la justice, contrairement à l'interdiction de l'article 220 .238

1*2*3* Provinces qui ne sont plus autonomes

De notre point de vue, la révision du 20 janvier 20II viole l'interdiction de l'article 220 en modifiant les articles I97 et I98 de la constitution. En effet, l'article 220 dit clairement que « Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités décentralisées » . Il s'agit ici de la substance même de l'autonomie des provinces.

En effet, cette autonomie se manifeste, en particulier, par le statut des institutions provinciales : elles sont élues localement et leur sort ne dépend pas du pouvoir central. Autrement dit, celui-ci n'a pas le droit de nommer les autorités provinciales ni de les révoquer, ce serait, bien évidemment attenter à leur autonomie et à leurs prérogatives. Les auteurs de la proposition la justifient avec une légèreté déconcertante et avec un raisonnement spécieux qui n'a rien de juridique.

D'abord, ils constatent un « fonctionnement laborieux » des institutions provinciales. Par « fonctionnement laborieux», ils entendent certainement le fait qu'il y ait eu des motions de défiance çà et là . Le professeur Auguste MAMPUYA239 rappelle que, les motions de défiance expriment la fonction constitutionnelle de contrôle attribuée à l'assemblée provinciale, leur usage même répété ne saurait logiquement être traité de disfonctionnement. La difficulté est apparue dès le moment où, ignorant le droit, la Cour suprême de justice s'est crue juridiquement fondée à mettre à bas une motion votée par une assemblée et à anéantir ainsi une prérogative constitutionnelle de l'assemblée parlementaire, ce qui est une ingérence inadmissible non seulement dans le fonctionnement mais aussi dans les attributions constitutionnelles d'une autre institution ;

238 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement...Op. cit.

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239 Idem.

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cela pourrait inspirer un Premier ministre frappé par une motion de censure pour refuser sa sanction et saisir la Cour ou un président de l'assemblée provinciale de solliciter le secours d'un organe judiciaire, dénaturant complètement l'esprit du régime du contrôle parlementaire.

Les auteurs disent également, pour modifier l'article I97, que, comme le président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », il doit pouvoir « dissoudre une assemblée provinciale » « par une ordonnance délibérée en Conseil des ministres et après avis des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat», «lorsque des circonstances politiques graves menacent d'interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales » . De même, dans les mêmes « circonstances politiques graves », le président de la République peut relever de ses fonctions le gouverneur d'une province, modifiant ainsi l'article I98 .240

Nous constatons d'abord que le président a un pouvoir discrétionnaire aussi bien d'apprécier les « circonstances politiques graves » que le moment où le « fonctionnement régulier des institutions provinciales est « menacé », alors que si la consultation des bureaux des deux Chambres est prévue, l'avis qui en émane n'est pas obligatoire, donc la décision du président est totalement discrétionnaire au risque d'être arbitraire et contestable. L'expérience nous enseigne qu'avec un président politiquement teinté et inséré dans une famille politique, la neutralité et l'objectivité de l'institution deviennent problématiques.

Mais, surtout, que devient l'autonomie des provinces si le statut et mandat de leurs institutions élues peuvent dorénavant dépendre du bon vouloir du président de la République ? Dans la forme de l'Etat qui est la nôtre, un Etat quasi fédéral, l'autonomie et la dépendance des institutions provinciales uniquement de leur élection par les populations locales est la caractéristique essentielle, avec la répartition par la constitution des affaires et des compétences entre l'Etat et les provinces. Sauf tricherie ou formalisme fétichiste, dire que faire révoquer par le pouvoir central les autorités des provinces autonomes ne porte pas atteinte à l'autonomie des provinces est un mensonge. Le professeur Mampuya a eu à rédiger cet article 220 selon, il en connaît et la lettre et l'esprit. C'est ainsi qu'en révisant ces dispositions des articles I97 et I98, la proposition viole l'article 220 qui l'interdit. L'article 220 ne dit nulle part qu'une exception peut être faite pour impliquer une extension des attributions d'arbitre du président de la

240 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, A ., « RDC : La Constitution littéralement...Op. cit.

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République. Cela serait vrai même s'il s'agissait d'établir un parallèle avec la situation de l'Assemblée nationale alors même que dans ce dernier cas, le président de la République n'a pas le droit de révoquer les membres du gouvernement.

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