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L'assurance sociale et le droit à  la santé

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par Iheb Trabelsi
Université de Sfax  - Mastère en droit social 2007
  

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B. Distinction de la conception professionnelle des autres conceptions

La conception professionnelle de sécurité sociale se distingue essentiellement de la conception universelle (1) et de la conception mixte (2).

1. La conception universelle

La conception universelle ou alimentaire de sécurité sociale présente une évolution de taille dans le droit de la sécurité sociale. Elle repose essentiellement sur la notion du besoin et vise à mettre tout homme à l'abri du besoin. Par cette conception la sécurité sociale a pour mission de garantir un minimum de base visant à réaliser l'intégration de tous les nombres de la collectivité nationale.

« Ainsi conformément aux principes formulés par W. BEVERIDGE1, l'égalité devant le besoin implique automatiquement une identité dans la protection de base »2.

La mission de la sécurité sociale serait ainsi la garantie d'un minimum de base indépendamment du statut socioprofessionnel de l'individu et indépendamment de ses capacités contributives. L'Etat doit assurer à chacun la satisfaction des besoins irréductibles dont notamment le besoin de protéger sa santé en cas de maladie ou en cas d'un risque professionnel.

Cette conception universelle reconnaît un droit à un minimum de prestations indépendamment de l'existence d'un gain antérieur, elle vise à protéger l'individu qui réside sur le territoire du pays, sans exiger l'exercice d'une activité professionnelle3. Ceci est une garantie d'une protection équitable « considérée comme critère essentiel de succès de tout régime visant à traduire dans les faits des normes sociales minima définies dans la Convention »4 de l'O.I.T. n° 102 de 1952 relative à la norme minimale de sécurité sociale.

1 V. Lawrence et H. Thompson, « Avantages et inconvénients des différentes stratégies de protection sociale », R.I.S.S. n° 39-4.1995, p.108.

2 A. MOUELHI, Droit de la sécurité sociale (introduction au droit de la sécurité sociale), cours polycopié pour les étudiants de la 3ème Année Droit privé de la Faculté de Droit de Sousse, 2003-2004.

3 La conception universelle est consacrée dans les pays Anglo-saxon (G.B, Canada, Australie, Nouvelle Zélande ...) par contre la conception professionnelle née en Allemagne se trouve appliquée dans les pays de l'Europe et dans plusieurs pays en voie de développement notamment les pays Arabes.

4 A. OTTINO, « Les normes internationales du travail », R.I.T.

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En France, la loi du 27 juillet 1999 relative à la couverture maladie universelle1 vise d'une part à généraliser de manière effective la couverture sociale de base et d'autre part à assurer une couverture complémentaire aux individus à faible revenu2. Cette couverture en vertu de l'article 1er de ladite loi « est instaurée une couverture maladie universelle qui garantit à tous une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie, et aux personnes dont les revenues sont les plus faibles le droit à une protection complémentaire et à la dispense d'avance de frais »3.

Par cette loi, la généralisation de la couverture sociale s'est faite par l'admission, à côté des critères professionnels de certains critères sociaux qui vont permettre à des personnes, ne remplissant pas la condition d'exercice d'une activité professionnelle, d'être couvertes socialement.

La couverture maladie universelle permet « d'assurer une réelle égalité devant les soins grâce à une harmonisation des droits et d'organiser un accès automatique à la couverture maladie pour toute personne âgée de plus de 18 ans, résidant sur le territoire français, quelle que soit son activité ».4

C'est dans la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions que la loi de 1999 trouve son fondement par une volonté de « garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines ... de la protection de la santé »5. Ainsi, « l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies constitue un objectif prioritaire de la politique de santé »6.

« C'est à dire qu'en décidant de mettre un terme au processus de généralisation engagé depuis plusieurs années, la loi de 1999 marque sans conteste " une reforme fondamentale " devant se saisir comme " une avancée sociale majeure" »7

1 Alain JUPPE dénommait le projet de loi "projet universel d'assurance maladie". y. à ce propos : « Le plan Juppé I », Dr. Soc. n° spécial, 1996.

- V. aussi, C. ZAIDMAN, "Le régime universel : les objectifs et les difficultés de sa mise en place", Dr. Soc. 1996, p333.

2 R. MARIE, « La couverture maladie universelle », Dr. Soc. n°1,2000, p7 et s.

3 « Mais l'objectif d'universalité de la protection ne signifie pas universalité du régime. La recherche d'une protection pour tous s'établit en réalité par l'établissement d'un régime spécifique pour les exclus de la couverture de droit commun ». Par R. LAFORE, « La couverture maladie universelle : un îlot dans l'archipel de l'assurance maladie », Dr. Soc. n°1,2000, p23.

4 R. LAFORE, Ibid.

5 Art. 1er de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

6 Art. 67 de la même loi.

7 M. BORGETTO, « Brèves réflexions sur les apports et les limites de la loi créant la couverture maladie universelle », Dr. Soc., n° 1, 2000, p31.

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L'universalité tient à ce que tout individu du seul fait de sa naissance et / ou de sa présence sur le territoire de l'Etat bénéficie d'une couverture sociale suffisante pour lui protéger sa santé1.

Le Droit français dans un souci de généralisation de plus en plus avancée de la couverture sociale, 2 notamment en matière d'assurance maladie,3 a adopté la loi n° 2004-810 du 13 Août 2004 venant modifier et compléter le code de la sécurité sociale4. Dans l'exposé des motifs de cette loi, « l'égalité d'accès aux soins ... doit être garantie à tous nos concitoyens, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire national et quels que soient leurs revenus. Elle suppose l'existence d'un système d'assurance maladie public et universel ».5

Ainsi, la divergence des deux conceptions universelle et professionnelle va faire apparaître une troisième conception dite mixte tendant à corriger les insuffisances desdites conceptions. « Les deux courants nés de la même source tendant à se superposer dans les pays les plus développés »6.

2. La conception mixte

Le souci de généralisation de la couverture sociale qui a animé le législateur tunisien pour étendre la couverture au profit de nouvelles catégories socioprofessionnelles, et a animé aussi le législateur Français pour adopter la couverture maladie universelle est en même temps la raison d'être de la conception mixte.7

1 Sur la naissance et le développement des assurances sociales en France depuis les lois de 1928-1930 jusqu'à l'adoption de la loi de 1999 V. J-J. DUPEYROUX et X. PRETOT, Sécurité sociale, Op. cit. p14-29.

2 « Dopée par le contexte de croissance économique et le plein emploi, la protection s'est ainsi élargie jusqu'à laisser penser à une possible efficacité d'une logique bismarkienne, aménagée pour être mise au service d'un objectif béveridgien ». Par R. LAFORE, Art. préc. p21.

3 Cf. BEAU, « Assurance maladie, un simple plan ou une vraie réforme ? » Dr. Soc. n° 4, 2004, p. 415 et s.

4 Art. L11-2-1 du code de sécurité sociale en France tel que modifié et complété par la loi n° 2004-810 du 13 Août 2004 relative à l'assurance maladie prévoit que : « La nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de l'assurance maladie.

Indépendamment de son âge et de son état de santé, chaque assuré social bénéficie, contre le risque et les conséquences de la maladie, d'une protection qu'il finance selon ses ressources.

L'état, qui définit l'objectif de la politique de santé publique, garantit l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire.

En partenariat avec les professionnels de santé, les régimes d'assurance maladie veillent à la continuité, à la coordination et à la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu'à la répartition territoriale homogène de cette offre. Ils concourent à la réalisation des objectifs de la politique de santé publique définis par l'Etat.

Chacun contribue, pour sa part, au bon usage des ressources consacrées par la nation à l'assurance maladie ».

5 Cf. D. LENOIR, « Le système de santé, la reforme de l'assurance maladie », Cahier français n° 324 ,2005, La documentation française, p. 46-52.

V- aussi à ce propos, dossier ; « Santé : quelles réformes ? » Sociétal n° 36- 2ème trimestre 2002, p. 49 et s.

6 J-J. DUPEYROUX, Droit de la sécurité sociale, Op. cit. p81.

7 Cf. R. MARIE, « La couverture maladie universelle », Dr. Soc., n° 1, 2000, p. 7 et s.

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La conception mixte de la sécurité sociale est née d'une combinaison des deux conceptions professionnelle et universelle. Cette combinaison s'est faite de différentes manières dans plusieurs pays selon le niveau de développement économique, le développement de la société, et le contexte politique et social de chaque Etat.

Ainsi, dans les pays de la conception professionnelle, une tendance vers la garantie d'un minimum de sécurité sociale s'est affirmée en faveur de certaines catégories de la population dans le but de leur garantir un minimum vital1. Le droit d'accès aux soins de santé pour les vieillards, les enfants, les chômeurs ... va se présenter comme un droit créance de ces catégories contre la société et de ce fait, le droit aux soins médicaux ne serait pas conditionné par l'exercice d'une activité professionnelle ou par l'acquisition de la qualité d'assuré social.

Le renouvellement des systèmes, ayant adopté la conception professionnelle, va donc se faire, dans plusieurs pays, dans un souci de généraliser la protection sociale au profit de ceux qui sont restés longtemps dépourvus d'un droit d'accès aux soins de santé.2

Pour les systèmes ayant adopté la conception universelle, la garantie d'un minimum légal pour tous et de la même façon va se heurter avec le besoin de certaines personnes protégées d'avoir une protection complémentaire à la protection de base dont ils ont légalement droit3.

Cette protection complémentaire est prévue par des Conventions et non par la loi, elle permet d'assurer, à ceux qui souhaitent, une protection en harmonie avec la protection de base et qui lui est supplémentaire. Pour en avoir droit, l'assuré social doit verser des cotisations supplémentaires qui vont lui permettre de « disposer

1 « Dans les pays ou la tendance commutative s'était nettement affirmée, on constate néanmoins une irrésistible tendance à compléter les régimes professionnels par l'institution de prestations destinées à garantir un minimum vital : prestations familiales, minima de vieillesse, soins médicaux ». Par J-J. Dupeyroux, Droit de la sécurité sociale, Op. cit., p. 81.

2 Cf. B. MAQUART, « L'assurance maladie : le temps des rapports », Dr. Soc. n° 2, 1995, p. 119 et s. -Cf. A-M. BROCAS, « Pour une régulation du système de santé », Dr. Soc. n° 6, p. 608 et s.

3 "En grande Bretagne, les prestations minimales sont améliorées par des prestations personnalisées en fonction du besoin de sécurité". Par A.MOUELHI, Droit de la sécurité sociale, Op. cit., p. 9.

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pendant les périodes d'inactivité, de revenus compatibles à ceux obtenus pendant les périodes d'activité »1.

D'autant plus, la protection prévue par ces régimes Conventionnels complémentaires permet de combler les insuffisances de la protection légale notamment en matière de santé et d'acquisition des soins nécessaires par l'état de santé de l'assuré social.

Toutefois, la tendance de généralisation de la couverture sociale qui anime encore le législateur Tunisien ne doit pas nier la sélectivité de l'assurance sociale et surtout la sélectivité de la conception professionnelle qu'il a adoptée.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault