1. Le statut des
gouvernants
Jean-Paul JACQUE relève que « c'est ici la
fonction la plus évidente de la constitution et une simple lecture
permet de s'en rendre compte. La constitution institue les pouvoirs publics,
fixe leurs compétences et règle leurs rapports. C'est donc en
fonction de ces règles que l'on appréciera la
légalité de l'action des pouvoirs publics »43(*).
Ainsi, précise Bernard CHANTEBOUT, « le but
premier des constitutions est d'organiser l'exercice du pouvoir. Etant le
statut de l'Etat - personne morale, la constitution a pour rôle de
déterminer qui aura qualité pour vouloir et pour agir en son nom,
et l'engager valablement »44(*).
A ce titre, renchérit MPONGO BOKAKO :
« elles (constitutions) répondent à leur
finalité première : encadrer l'activité de la
puissance publique, soumettre la compétition politique à une
règle de jeu. C'est donc un vrai code des pouvoirs
publics »45(*).
Il en résulte, de par cette surveillance, ne serait-ce
que déjà formelle, que les abus des gouvernants sont
limités, si pas contraints, ce qui conduit à plus de
liberté pour les gouvernés.
2. Le statut des
gouvernés
La constitution règle aussi la question du statut des
gouvernés auxquels elle reconnaît certains droits,
« cela constitue à vrai dire une charte de
libertés »46(*).
En effet, la plupart des constituants font d'abord
précéder le code des pouvoirs publics des déclarations des
droits qui sont des exposés à caractère philosophique sur
une protection globale des droits et libertés fondamentaux. Et ensuite,
ils insèrent dans le corps même des constitutions les
différents droits et libertés reconnus et aménagés
afin d'assurer la protection des gouvernés.
Ainsi, l'énonciation des droits et libertés
fondamentaux de l'homme dans le texte constitutionnel leur assure
l'autorité des normes constitutionnelles dont le respect s'impose aussi
bien aux individus qu'aux autorités étatiques. Ces droits sont
dits libertés publiques.
§2. Rapports entre droits
de l'homme et libertés publiques
Nous analyserons d'abord brièvement la notion de
libertés publiques avant d'en établir les rapports avec la notion
même de droits de l'homme.
I. Notion de libertés
publiques
Il importe pour mieux appréhender la notion de
« libertés publiques » de la distinguer de la notion
de « liberté ».
1. La liberté
Si pour le philosophe la liberté est avant tout
intérieure et spirituelle, « le juriste, en ce qui le
concerne, n'a pas accès au mode de la vie intérieure dès
l'instant que le droit est une règle de contrainte sociale, donc
extérieure. Il considérera seulement la liberté dans son
sens matériel, comme « le maximum de facultés et de
choix laissés aux individus »47(*). Ainsi, la liberté peut être naturelle
ou juridique.
La liberté naturelle est la qualité de ce qui
n'est pas soumis à une contrainte (physique, psychologie ou
morale)48(*). C'est ainsi
que Jacques ROBERT en déduit que « elle se confond donc
avec la garantie d'une sphère privée où chacun est
maître de lui-même »49(*). Et, des siècles bien avant, parlant de
liberté, EPICTETE emploie le mot
« eleutheria » qui signifie aller où l'on
veut »50(*),
pour justement souligner ce libre mouvement qui est la résultante d'une
absence de contrainte de qui que ce soit. Et, René CAPITANT de conclure
en disant : « la liberté d'un être, c'est
l'autodétermination de cet être »51(*).
Dans une seconde acception, être libre d'agir c'est
avoir le « droit » ou le pouvoir d'accomplir tel ou tel
acte. Le mot « libre » est synonyme de
« licite » ou de « permis ». Ce qui est
libre n'est ni obligatoire ni interdit52(*). Il s'agit ici de la liberté juridique qui est
normative.
Il importe, par ailleurs, de préciser que le fait que
cette liberté soit protégée implique une obligation, non
point à la charge de celui qui est libre, mais à la charge des
tiers. Elle peut de ce fait s'analyser comme une créance sur tous les
membres de la collectivité53(*). Ceci donne lieu à parler des libertés
publiques.
* 43 JACQUE (Jean-Paul),
Droit constitutionnel et institutions politiques, 2ème
Edition, Dalloz, Paris, 1996, p. 47.
* 44 CHANTEBOUT (Bernard),
Droit constitutionnel et sciences politiques, 8ème
Edition, Ed, Armand Colin, Paris, 1982, p. 41.
* 45 MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA (Edouard), Cours polycopié de Droit constitutionnel et
institutions politiques, Première année de Graduat Droit,
UNIKIN, 1996-1997, p. 73.
* 46MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA (Edouard), Cours polycopié de Droit constitutionnel et
institutions politiques, Première année de Graduat Droit,
UNIKIN, 1996-1997, p. 73.
* 47 ROBERT (Jacques),
Libertés publiques et droits de l'homme, 4ème
Edition, Montchrestien, Paris, 1988, p. 11.
* 48 HAYEK (F.A.), La
Route de la servitude, cité par ROBERT (Jacques), op. cit.,
p. 11.
* 49 ROBERT (Jacques),
Idem.
* 50 EPICTETE,
Entretiens, cité in Liberté de l'individu en
droit, op. cit., p. 43.
* 51 CAPITANT
(René), cité par ROBERT (Jacques), op. cit., p. 11.
* 52 ROBERT (Jacques),
op.cit., p. 11.
* 53 Idem, p. 12.
|