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Initiatives d'assainissement local des déchets solides urbains et persistance de l'insalubrité dans le sixième arrondissement de Cotonou ( Bénin ): jeux d'acteurs et logique d'orientation stratégique de la mairie.

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par Emmanuel AMOUZOUN
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Maà®trise (Bac+4) sociologie-anthropologie 2009
  

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3. REVUE DOCUMENTAIRE ET ETAT DES CONNAISSANCES SUR LES DECHETS

La problématique de l'insalubrité des espaces urbains africains en général, et du Bénin en particulier, liée notamment à la gestion sociale des déchets solides urbains a été analysée sous plusieurs angles par différents auteurs, qui l'ont successivement abordée, en insistant chacun sur l'aspect qui lui paraissait pertinent.

Ceci étant, le rapport de la 11ème assemblée générale du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) tenue à Maputo (Mozambique), du 6 au 10 Décembre 2005 et dont le thème central est, Accumulation d'ordures ménagères et dégradation de l'environnement urbain. Quelques pistes pour une viabilité environnementale dans le processus de développement africain, fait observer qu'avec l'accroissement rapide de la population urbaine et l'extension démesurée de l'espace urbain, dus à une urbanisation non contrôlée et non maîtrisée de l'Afrique, le ramassage et l'élimination de déchets solides (DS) posent de graves problèmes, non seulement aux responsables municipaux et aux pouvoirs centraux, mais aussi et surtout aux populations démunies.

En effet, le problème de l'accumulation des ordures sur des dépotoirs spontanés et sauvages lié, entre autres, à la faiblesse du taux de ramassage par les services qui en sont chargés est source de plusieurs maladies hydriques et endémiques. « Ces taux sont compris entre 20 et 50 % dans le meilleur des cas, suivant les possibilités en ressources humaines et financières et en moyens techniques des municipalités » (CODESRIA 2005, pp.2-3)10(*). Ainsi, l'accumulation des déchets dans les ménages (maisons), et en dehors de ceux-ci (sur les trottoirs et ce qui sert de chaussée, au bord des ruisseaux ou lagunes, dans les caniveaux) et les difficultés de leur gestion par les acteurs municipaux sont liées aux raisons qu'on comprend aisément.

La première est l'augmentation de la population urbaine qui produit plus de déchets. Cette population occupe également plus d'espace.

Pour ONIBOKUN (2002), les changements sociaux et économiques qu'ont subis la plupart des pays africains depuis les années 1960 ont également entraîné une hausse de la production de déchets par personne.

Toutefois, le même auteur souligne que « ce n'est pas la quantité de déchets qui pose problème, mais plutôt l'incapacité des gouvernements et des sociétés d'élimination des déchets de s'en débarrasser ». Par là, il attire l'attention sur un autre problème aussi important, celui de la question de financement du secteur de l'assainissement en général, et celui des DS en particulier.

En effet, selon TOSSOUNON (2008), « l'investissement dans le secteur reste médiocre, l'engagement des autorités est insuffisant ». Ce que confirme le rapport sur le Projet de recherche sur l'approche AECM dans le quartier Agla de Cotonou réalisé par CREPA (2006), lorsqu'il montre que le rythme de développement des services urbains de base ne suivant pas celui de l'urbanisation, les populations démunies ou vivant dans les quartiers populaires sont les plus touchées par l'absence de services d'assainissement. Les faibles moyens financiers dont elles disposent, rendent difficile leur accès à des services adéquats d'assainissement.

Or, la question de l'accès aux services adéquats d'assainissement représente l'une des priorités de la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP 2007-2009) et même de l'Etat qui, s'inscrivant dans l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), a décidé de réduire de moitié de 2002 à l'horizon 2015, la proportion de la population n'ayant pas accès à l'eau potable et aux services adéquats d'assainissement. Cela devrait se traduire, d'après les résultats de la troisième Enquête Démographique de Santé (EDS III) réalisée en 2006, à accroître le taux de couverture en ouvrages d'assainissement de 37,2 % en 2006 à 69,0 % en 2015.

Pour le milieu urbain, il faut accroître de 10 % le taux de couverture en ouvrages d'assainissement de base et augmenter de 20 % le taux de pré-collecte des déchets solides.

Face à ces engagements pris et dont la mise en oeuvre conduirait à faire un pas significatif en avant dans un secteur longtemps resté parent pauvre, la traversée est parsemée d'embûches. Et le véritable obstacle reste et demeure le financement. L'investissement dans le secteur est largement en deçà des attentes. Aujourd'hui, même avec le relèvement du budget consacré à l'assainissement pour 2008, il ne représente que 2 % de celui du Ministère de la santé qui dépasse les 71 milliards et moins de 0,2 % du budget général de l'Etat. Un faible investissement que le rapport national sur l'état de l'assainissement au Bénin présenté à la conférence africaine sur l'assainissement et l'hygiène (Africasan) qui s'est tenue en 2008, du 18 au 29 février à Durban en Afrique du sud, a également mis en relief en invitant le gouvernement et les partenaires techniques et financiers à « faire preuve d'un engagement plus concret ».

De tout ce qui précède, nous retiendrons que la concentration des populations en ville exacerbe les besoins (en infrastructures, en services d'assainissement), et aussi les problèmes collectifs (hygiène publique, environnement).

En dehors du faible investissement dans le secteur, le comportement des populations reste un problème. Aussi, selon TINI (2003), « l'histoire de l'évolution des déchets trouve son origine dans l'évolution de nos modes de vie et de nos comportements vis-à-vis des déchets, des institutions et des systèmes d'élimination ». En effet, pour la plupart des citadins vivant dans l'espace urbain africain « le problème des déchets doit être pour l'essentiel résolu par les pouvoirs publics ». Et le rapport national du sommet Africasan de soutenir que « l'assainissement n'est pas encore une priorité pour les populations ». Ce que confirme, par ailleurs, ZOA (1995) en écrivant que, « mues par l'idée que la rue et les espaces publics n'appartiennent à personne, les populations n'hésitent pas à jeter les objets n'importe où ».

Abondant dans le même sens, WAAS (1990), considère que « l'effort «rural» de propreté à l'intérieur de la maison et de l'espace considéré comme privé est maintenu en milieu urbain. La perception de l'espace collectif ou public, en revanche, change considérablement. La responsabilité de son maintien incombe aux autorités locales. Très peu d'attention est généralement portée à cet espace public ». Ce qui conduit à la création de dépotoirs sauvages de déchets solides à des endroits inappropriés.

Dans ce contexte, et compte tenu de ce qui précède il faut s'interroger non seulement sur les pratiques, mais aussi, les dynamiques sociales dont les déchets sont objet en milieu urbain de Cotonou.

Dans cette perspective, le Rapport sur l'état de l'assainissement à Cotonou : enquête auprès des ONG de pré-collecte des déchets solides ménagers, coréalisé par COGEDA et OXFAM QUEBEC (2001), révèle que « l'état de l'assainissement à Cotonou et la libéralisation de ce secteur a suscité l'émergence des coopératives et des associations de gestion des ordures ménagères ». En effet, d'après NDIAYE (2005), le « système conventionnel »11(*) de gestion des ordures, n'a pu combler les attentes en termes d'efficacité et d'efficience dans un contexte de crise des finances publiques. En outre, son orientation centralisée et techniciste demeure porteuse d'une ségrégation spatiale voire sociale dans l'accès aux services publics locaux tout en favorisant la déresponsabilisation et l'attentisme des populations dans l'amélioration de leur cadre de vie. Selon ATTAHI (2002), l'arrivée de nouveaux acteurs que constituent les ONG de pré-collecte et autres organismes sociaux complique l'organisation de la gestion des déchets. « Les problèmes d'environnement urbain deviennent alors un lieu privilégié d'où surgit une nouvelle forme d'organisation sociale de la vie urbaine dans la mesure où l'assainissement est l'affaire des citadins eux-mêmes qui prennent en charge la promotion de ce droit à l'environnement » (ZOA, p.182).

Aussi, il existe aujourd'hui deux systèmes de gestion des déchets qui cohabitent : le système moderne ou conventionnel pris en charge par la municipalité dans le contexte de la décentralisation et le « système communautaire ou non conventionnel »12(*) caractérisé par une logique de « participation populaire » (TINI, p.10).

NDIAYE (2005) met aussi l'accent sur l'impact positif du système non conventionnel de gestion des déchets solides et démontre par là que le problème de la gestion urbaine ne se limite pas seulement à des questions financières. Il intègre aussi une problématique managériale tout en interrogeant la capacité et/ou la volonté des différents acteurs, au préalable les collectivités locales urbaines à reconstruire de manière concertée, à travers une coopération conflictuelle, de nouvelles stratégies de développement et de gouvernance. Cependant, l'auteur souligne que malgré leur l'ampleur, de tels associations et organismes communautaires ont été incapables de structurer une proposition alternative durable de gestion sociale des ordures, au regard des défaillances constatées au niveau du système conventionnel. Ce qui démontre que les initiatives populaires ne peuvent pas et ne devraient pas se substituer aux institutions publiques : « Leurs initiatives et réalisations doivent plutôt être considérées comme des pistes, de stratégies alternatives qui doivent être évaluées, et le cas échéant, validées pour être relayées sur le terrain par l'action des services de l'Etat et des municipalités » (Soumaré cité par NDIAYE, 2005).

En définitive, on comprend donc, à la suite de la Commission des Communautés Européennes (1999), que « la vitalité associative n'était pas toujours synonyme de capacités opérationnelles pour prendre en charge de façon pérenne des fonctions socioéconomiques liées à l'amélioration des conditions de vie des populations » en général, et celui de la gestion des déchets solides urbains en particulier.

Compte tenu de tout ce qui précède, et eu égard aux différentes problématiques soulevées, nous retenons que la gestion des déchets n'est pas un problème isolé du reste de la réalité urbaine. L'action d'évacuer les déchets embrasse en même temps des moments réglementaires, sanitaires, urbanistiques, sociaux, économiques, culturels et institutionnels ; moments qui constituent des réalités quotidiennes et permanentes de la vie urbaine (TONON, 1990, pp.90-91).

L'étude du cas concret du sixième arrondissement de Cotonou incite à revoir la manière d'aborder la problématique des déchets. Jusqu'à présent, dans la plupart des études consacrées aux villes des pays en voie de développement, l'approche technocratique et économique soutenue par la perspective causale a été de mise. Le choix des solutions est fait à partir d'un ensemble de critères de référence s'appuyant sur des modèles a priori, auxquels devrait être adaptée la réalité. En fait, dans l'état actuel des études sur les déchets urbains, toute l'attention semble se concentrer sur le compostage au moment où les contraintes techniques et financières auxquelles sont confrontées les communes nécessitent d'autres solutions à l'élimination anarchique des déchets.

Sans méconnaître l'importance de ces aspects, nous croyons nécessaire d'ouvrir des perspectives plus larges qui resituent les projets de pré-collecte et de valorisation des ordures dans « l'axe des rapports déchets- culture et société » (ZOA, p.25). En effet, les problèmes de gestion des déchets sont posés au corps social urbain par certains mécanismes qui l'ont généré et qui l'entretiennent. Rechercher les causes de ces problèmes revient, en termes simples, à comprendre l'intelligence de ces mécanismes qui les produits et les constituent comme problèmes. Car, comme l'écrit TINI (2003) « il ne faut pas perdre de vue que l'environnement est avant tout, une question de comportement ». C'est ce "poids du social" qu'il convient de mettre en relief à partir des perceptions et des réactions que l'on observe autour des déchets. Ce qui sous entend que, quels que soient les dispositifs techniques proposés, il n'est pas possible de résoudre les problèmes posés par les déchets dans la ville de Cotonou et plus particulièrement dans le sixième arrondissement sans tenir compte des enjeux sociologiques qui influent sur l'efficacité des différentes approches de solution jusque-là mises en oeuvres. « Considérer les ordures comme un champ d'étude sociologique » (ZOA, p.13), c'est assurément, ouvrir de nouvelles pistes à l'analyse des problèmes d'environnement ; lequel devient aujourd'hui le problème de développement le plus préoccupant auquel les décideurs politique et économique tentent de répondre. Dans cette perspective, en resituant le cycle des déchets dans la vie des acteurs sociaux qui occupent l'espace urbain, il va s'agir de mettre en évidence les enjeux, les rapports, les logiques et stratégies entre différents acteurs du système de gestion sociale des déchets solides urbains (DSU) dans le sixième arrondissement. De ce point de vue l'approche socio-anthropologique apparaît - elle comme un cadre général d'analyse pertinent pour l'étude.

* 10 A titre d'illustration, voici quelques taux : Cotonou : 30 % ; Lomé : entre 20 et 30 %.

* 11 Pris en charge des ordures par les acteurs municipaux et centraux.

* 12 Participation de la population locale elle-même à la gestion des déchets solides, à travers diverses associations ou groupes de jeunes ou de femmes.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote