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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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B. Le singulier retour de la fonction substitutive de l'article 1382

131. Étonnamment, on remarque que certaines décisions semblent vouloir aller encore plus loin dans la perspective de résurrection de la responsabilité civile de droit commun. En effet, comme si la fonction complétive de l'article 1382 du Code civil ne suffisait pas, c'est une fonction substitutive que certains juges semblent vouloir lui conférer. Comme d'antan, la victime aurait la possibilité de se prévaloir de l'article 1382 du Code civil, quand bien même l'on serait en présence de faits correspondant à l'élément matériel d'une infraction de presse.

132. Pour exemples, deux jurisprudences récentes289 ont été mises en avant par le spécialiste du droit de la presse Emmanuel Dreyer, attestant du fait que le recours au droit commun pour sanctionner des propos litigieux avait été opéré au détriment de l'application de l'article 29 de la loi spéciale de 1881. Pourtant, selon ce dernier, les propos étaient constitutifs du délit pénal de diffamation, et non du délit civil de dénigrement290.

286 Civ. 2e, 20 mai 2010 n°09-14.111, inédit.

287 TGI Paris, 19 mai 2010 : Légipresse 2010. 290, note F. Masure.

288 Crim. 19 janv. 2010 : CCE 2010, n°39, obs. A. Lepage.

289 Com., 18 oct. 2011, n°10-24.808, non publié au bulletin et Civ. 1e, 22 sept. 2011, n°05-10.156, inédit.

290 E. Dreyer, « Panorama droit de la presse et droit de la personnalité », Recueil Dalloz, 22 mars 2012, n°15.

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Sans se pencher sur la véracité de son analyse, il convient toutefois de relativiser ces jurisprudences qui nous semblent avant tout être révélatrices des difficultés que peuvent susciter les espèces en terme de qualification. En effet, nous ne pensons pas que par ces arrêts, la Cour ait eu pour dessein de revenir au temps où l'article 1382 du Code civil pouvait servir de fondement alternatif au texte spécial sans provoquer quelconque émulation.

D'ailleurs, n'en déplaise au professeur Dreyer, nous estimons qu'il serait parfaitement malvenu de revenir à une telle pratique291. Non seulement d'un point de vue juridique, car cela reviendrait à coup sûr à priver le texte de 1881 de toute sa substance et constituerait une violation totale de la maxime specialia generalibus derogant, mais aussi, d'un point de vue pratique. En effet, les incriminations spéciales ont pour avantage non négligeable d'assurer une certaine prévisibilité au journaliste pour évaluer si tel ou tel propos est ou non abusif au sens de la loi. De plus, la généralité de la lettre de l'article 1382 risquerait très probablement de conduire le juge à devoir s'en référer à un stéréotype du « bon professionnel prudent et diligent » agissant en « bon père de famille ». S'agit-il franchement des qualités requises pour être un bon journaliste ? On peut en douter. Nous ne voulons pas d'une presse consensuelle se fondant dans la complaisance en vue de satisfaire aux critères changeants façonnés par les juges.

133. Alors bien entendu, comme le proposent de nombreux auteurs292et comme l'eurent tenté certains juges293, on pourrait ne retenir comme fautifs que les propos révélateurs d'une faute qualifiée. Mais n'y a t'il pas là encore un fort risque d'arbitraire ? C'est la raison pour laquelle, la précision des délits de presse tels qu'envisagés par le législateur de 1881 semble en tout état de cause, incarner un vrai gage de sécurité pour les organes de presse mais aussi, pour la sauvegarde de la liberté d'expression.

Il résulte de ce chapitre que le domaine de compétence de l'article 1382 du Code civil, bien que résiduel, demeure, et ce malgré le pouvoir d'attraction exercé par la loi de

291 Pour son plaidoyer en faveur d'une restauration de la responsabilité civile de droit commun en matière de presse :V. E. Dreyer, Responsabilités civile et pénale des médias, LexisNexis, 3e éd., 2011, n°25, p. 22.

292 V. par exemple en ce sens : G. Viney, note sous Civ. 2e, 24 janv. 1996, JCP G, 1996. I. 3985 ; N. Droin, Les limites à la liberté d'expression dans la loi sur la presse du 29 juillet 1881, Disparition, permanence et résurgence du délit d'opinion, LGDJ, 2011, p. 74 ; E. Dreyer, op. cit. p. 23.

293 V Supra n°92 et s.

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1881. Selon la nature de l'intérêt lésé, la marge d'expression de la responsabilité pour faute varie, au grès des espèces, sans certitudes, sans véritables repères.

Mais une chose est sûre : son domaine d'intervention ne peut pas - en principe - empiéter sur celui de la loi sur la liberté de la presse. La même observation peut d'ailleurs être faite pour ce qui est des atteintes à certains droits subjectifs apparus plus récemment et spécialement protégés par la loi. Il s'agit en effet de ces « nouveaux droits de la personnalité » que constituent essentiellement, le droit au respect de la vie privée, de la présomption d'innocence et de l'image et qui contribuent largement à ce phénomène de rejet de l'article 1382 du domaine de la presse.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon