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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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Paragraphe 2 : Les règles de fond encadrant la substance de la réponse

202. En sus de la loi, la jurisprudence, dès la fin du XIXème siècle, a été amenée à déloger le droit de réponse du cadre strict dans lequel la loi l'avait inséré, pour le soumettre à d'autres exigences destinées à déceler les abus substantiels473. En effet, à l'instar de tout droit subjectif, le droit de réponse est emprunt à l'excès, au détournement et donc, à l'hypothèse qu'en soit fait un usage abusif. Dans ce cas précis, les juges admettront systématiquement le refus d'insertion opposé par le directeur de publication.

203. C'est ainsi que l'exercice du droit de réponse - pour ne pas être constitutif d'un abus de droit de nature à constituer un motif légitime de refus d'insertion de la réponse - devra non seulement être conforme aux lois et aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers et à l'honneur du journaliste, mais aussi, devra avoir un lien direct avec le message litigieux. Quatre critères donc - applicables quel que soit le support de presse considéré - qu'il convient de passer brièvement en revue474.

Eu égard à la limite que constitue la conformité aux lois et aux bonnes moeurs tout d'abord, il semblerait que celle-ci découle naturellement des nécessités d'ordre public. C'est d'ailleurs au regard de ce critère que l'homme politique Bruno Gollnisch s'est récemment vu débouté en sa demande d'insertion de réponse par la Cour d'appel de Paris.

472 L. Josserand, note ss. Civ. 21 mai 1924 : DP 1924,1.97.

473 Y. Mayaud, « L'abus de droit en matière de droit de réponse », in Liberté de la presse et droits de la personne, Dalloz, 1997, p. 7.

474 Les jurisprudences ayant repris ces quatre critères sont nombreuses et éparses : V. not. Crim. 17 juin 1898 : DP. 1899, 1. 289 ; Crim. 10 mars 1938 : Bull. crim. n°71 ; Crim. 1er juil. 1954 : D. 1954. 665 ; Crim. 16 janv. 1969 : Bull. crim. n°36 ; CA Grenoble, 3 oct. 1995 : JCP 1996. IV. 715 ;

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En effet, les juges du fond, estimant que la réponse contenait des « considérations heurtant l'ordre public » 475, ont légitimé le refus d'insertion de la réponse.

Ensuite, concernant les critères visant à ménager l'intérêt des tiers et l'honneur du journaliste, ceux-ci semblent - conformément à l'esprit des droits subjectifs 476 - promouvoir l'idée selon laquelle l'exercice du droit de réponse ne peut empiéter sur les droits d'autrui. C'est pourquoi par exemple, la jurisprudence a pu sans hésitation refuser la diffusion d'une réponse reprochant à un tiers d'être un « âne savant »477, ou accusant un journaliste d'avoir écrit un « tissu de mensonges »478.

Enfin, s'agissant du critère de corrélation entre la réponse et le message litigieux, il semblerait que l'idée soit essentiellement de lutter contre les réponses détournées en « tribunes libres » et destinées à promouvoir ses propres théories479. Un arrêt récent, rendu par la Cour d'appel de Douai, illustre parfaitement cette volonté en rappelant que « la riposte doit nécessairement présenter une corrélation avec la mise en cause, et ne doit pas être détourné en tribune libre permettant de promouvoir les thèses d'un parti politique ou d'une personne investie d'une représentation à caractère politique »480. S'il s'agissait ici d'empêcher la publication d'une riposte érigée à des fins politiques, nul doute que le critère vaut pour toutes les réponses dénuées de lien avec le message litigieux, quelques soient les idées promues.

204. Ce recours au critère de l'abus de droit aux fins de justification du refus d'insertion de la réponse appelle nécessairement une observation. En effet, il semblerait que le critère permettant de qualifier d'abusif l'usage du droit de réponse varie d'une jurisprudence à l'autre en fonction des limites retenues par les juges.

Lorsque le refus d'insertion est fondé sur la limite que constitue la sauvegarde de l'intérêt légitime d'un tiers ou l'honneur du journaliste, l'abus semble clairement résider dans la faute telle qu'envisagée dans les articles 1382 et 1383 du Code civil. C'est parce

475 Jugeant que la réponse contenait des « considérations heurtant l'ordre public » : CA Paris, 11 janv. 2008, n°07/11318.

476 Les droits subjectifs sont les prérogatives reconnues aux sujets de droit par le droit objectif (donc, par les règles de droit) et sanctionnés par lui. Ils se divisent entre droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux : T. Debard et S. Guinchard, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 19e éd. 2012.

477 CA Paris, 29 mars 2006 : Comm. com. électr. 2008, comm. 96, obs. A. Lepage.

478 Crim. 14 juin 1972 : Bull. crim. n°205.

479 J. Mazars, « La liberté d'expression, la loi et le juge », in Rapp. C. Cass. 2001, La Documentation française, 2002, p. 180.

480 CA Douai, 30 décembre 2011, n°11-07288 ; V. dans le même sens, Crim. 14 oct. 2008 : Dr. Pénal, 2009, comm. n°2, obs. M. Véron ; TGI Paris, 19 janv. 1994 : Légipresse n°113-III, p. 98 ; CA Paris, 17 avr. 1996, Légipresse n° 133-III, p. 91, obs. B. Ader ; CA Paris, 24 mai 1994 : D. 1995, somm. p. 271, obs. C. Bigot.

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que l'usage du droit de réponse nuit à autrui qu'il est constitutif d'un abus de droit. Donc, n'en déplaise aux doyens Ripert et Josserand, c'est ici l'approche moderne de la théorie de l'abus de droit qui permet de caractériser la faute dans l'exercice du droit de réponse481.

En revanche, lorsque le refus d'insertion est fondé sur l'absence de lien entre la réponse et le message litigieux, l'abus semble ici résulter du fait que - conformément à la théorie de Josserand482 - l'usage de la réponse soit détourné de sa finalité sociale. En effet, rappelons que la finalité du droit de réponse est de permettre à toute personne nommée ou désignée, de répondre aux propos ayant conduit à sa mise en cause483. Elle ne doit en aucun cas être détournée de cette finalité et donc, ne doit pas être perçue comme un outil permettant d'exprimer ses propres idées auquel cas l'abus sera caractérisé.

Face à une liberté d'expression quasi-hégémonique, le droit de réponse semble donc constituer un subtil instrument de résistance et de prolongement des droits de la personnalité484. Il n'est cependant pas sans soulever certaines discordes. Considéré pour certains comme un ingénieux contre-pouvoir de presse, il constitue pour d'autres une intolérable entrave aux principes de liberté d'information et de propriété des organes de presse485. Il nous semble que le droit de réponse possède pourtant une vertu essentielle et primordiale : il permet d'assurer le pluralisme. Pluralisme qui rappelons-le, intègre le tryptique des valeurs fondamentales du journalisme486 et participe pleinement au droit dont dispose tout un chacun de se faire sa propre opinion sur l'information qu'il reçoit487.

En définitive, comme nous avons pu l'évoquer en début de chapitre et plus généralement tout au long de ce mémoire, nous estimons que face aux difficultés - de

481 V. Supra n°69.

482 V. Supra n°68.

483 Un arrêt quelque peu isolé de 1968 avait déjà très justement fait état de cette finalité sociale dont été investi le droit de réponse en rappelant que « si le droit de réponse est général et absolu (É) encore faut-il que celui-ci soit utile et s'exerce dans l'intérêt légitime d'une défense à une mise en cause déterminée, ainsi que dans le cadre de cette défense » (CA Paris, 29 mai 1968 : JCP 1969, II, n°15705, note Blin).

438 C. Bigot, « Pouvoir d'appréciation du directeur de publication et abus du droit de réponse », Dalloz, 1996, p. 462.

484 H. Blin, note ss. CA Paris, 29 mai 1968 : JCP 1969. II, n°15705 ; Ph. Bilger, note ss. TGI Paris, 12 févr. 1991 : Gaz. Pal. 1991, 1, jurisp. p. 229.

485 C. Bigot, ibid.

486 V. sur ce point : M-F. Bernier, « L'idéal journalistique : comment des prescripteurs définissent le « bon » message journalistique » in Les cahiers du journalisme n°16, automne 2006.

487 Il n'est pas vain de rappeler que la liberté d'opinion est consacrée au sein de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Elle offre à tout individu la liberté de penser comme il l'entend et de faire valoir ses opinions contraires par quelque moyen d'expression que ce soit (J-J. Gandini, Les droits de l'Homme, Anthologie, Librio, 1998, p. 120).

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forme comme de fond - que connaissent les victimes d'abus de la liberté d'expression pour obtenir réparation de leurs préjudices, le droit de réponse apparaît, comme un sursaut de justice et de démocratie.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus