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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

( Télécharger le fichier original )
par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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L'ASSEMBLEE NATIONALE COMME POUVOIR CONSTITUANT DERIVE AU CAMEROUN ENTRE 1990 ET 2008

Thèse en vue de l'obtention du Master Recherche

Option : Droit public

Rédigée et soutenue publiquement par

TAMO Jules Bertrand

Sous la direction de

Dr SIETCHOUA DJUITCHOKO Célestin

Habilité à Diriger les Recherches

Chargé de cours de Droit public

ANNEE ACADEMIQUE 2008-2009

AVERTISSEMENT

L'Université de Dschang n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Celles-ci doivent être considérées comme propres à leurs auteurs qui en répondent.

PRINCIPALES ABREVIATIONS

AFSJP/UD  :

Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Douala

AFSJP/UDS  :

Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang

CENA  :

Commission Electorale Nationale Autonome

Cf.  :

Confère

CODESRIA  :

Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique

DIC  :

Démocratie Intégrale du Cameroun

dir.  :

sous la direction de

éd.  :

Edition

LGDJ  :

Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

MDR  :

Mouvement pour la Défense de la République

MLJC  :

Mouvement pour la Libération de la Jeunesse Camerounaise

MP  :

Mouvement Progressiste

NAA-RFSJP  :

Nouvelles Annales Africaines - Revue de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques

p.  :

Page

PRPC  :

Parti Républicain du Peuple Camerounais

PUA  :

Presses Universitaires d'Afrique

PUCAC  :

Presses de l'Université Catholique d'Afrique Centrale

PUF  :

Presses Universitaires de France

RADH  :

Revue Africaine des Droits de l'Homme

RASJ  :

Revue Africaine des Sciences Juridiques

RCDSP  :

Revue Camerounaise de Droit et de Sciences Politiques

RDP  :

Revue de Droit Public et de sciences politiques en France et à l'étranger

RDPC  :

Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais

RFDC  :

Revue Française de Droit Constitutionnel

RJA  :

Revue Juridique Africaine

RJPIC  :

Revue Juridique et Politique Indépendance et Coopération

RRJ  :

Revue de la Recherche Juridique, Droit Prospectif

SDF  :

Social Democratic Front

UDC  :

Union Démocratique Camerounaise

UFDC  :

Union des Forces Démocratiques du Cameroun

UNC :

Union Nationale Camerounaise

UNDP :

Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès

UPC :

Union des Populations du Cameroun

V. :

Voir

Vol. :

Volume

SOMMAIRE

DEDICACE ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

REMERCIEMENTS III

PRINCIPALES ABREVIATIONS IV

SOMMAIRE VI

RESUME vii

INTRODUCTION GENERALE 1

Première Partie : 23

LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1996 23

CHAPITRE 1 : LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1991, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE 25

CHAPITRE 2 : LE TOURNANT DE 1996 83

LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE 83

Seconde Partie : 143

LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1996 A 2008 143

CHAPITRE 1 : LE RENFORCEMENT DE LA STRUCTURE ORGANIQUE DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ENTRE AFFIRMATION JURIDIQUE ET INEFFECTIVITE PRATIQUE 145

CHAPITRE 2 :L'AFFIRMATION A REBOURS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DEPUIS 1996 184

CONCLUSION GENERALE 218

ANNEXES 222

RESUME

Le constituant camerounais s'est toujours représenté la Constitution comme une oeuvre durable destinée à braver le temps sans toutefois en prescrire l'immutabilité. Ainsi, de tous les mécanismes prévus pour assurer la pérennité et la suprématie de la Constitution, l'institution d'un pouvoir constituant dérivé est le plus ingénieux pour concilier ces deux exigences apparemment contradictoires que sont le souci de pérenniser la volonté du constituant et l'exigence d'adaptation du contenu de la Loi fondamentale à l'évolution de la société.

Il est apparu indispensable de se demander, en particulier, si le pouvoir constituant dérivé a résisté à l'évolution des normes constitutionnelles édictées à la suite des processus de transition démocratique des années 1990.

L'analyse révèle à cet égard que le pouvoir constituant dérivé au Cameroun a connu de nombreuses mutations qui se concrétisent par paliers successifs. C'est ainsi qu'il est passé d'un pouvoir constituant dérivé à caractère monolithique d'un Parlement monocaméral à un pouvoir constituant dérivé d'une Assemblée parlementaire pluraliste entre 1990 et 1996. Puis, au sortir de l'importante révision constitutionnelle de 1996, on a assisté à l'apparition d'une nouvelle figure du pouvoir constituant dérivé : le Congrès de révision de la Constitution.

Parallèlement à ce renforcement de la structure organique de l'organe révisionniste, s'est opérée une véritable révolution dans sa manière de fonctionner ainsi que l'attestent le recours fréquent au droit d'amendement des projets de révision et surtout les multiples propositions de révision constitutionnelle, chose rarissime dans le constitutionnalisme autoritaire monopartiste (1966-1990).

Toutefois, la rénovation du pouvoir constituant dérivé observée reste une entreprise inachevée parce que le Sénat, seconde entité composante du Congrès de révision à côté de l'Assemblée nationale, n'est pas encore effectif - et on se demande pour combien de temps encore ?

INTRODUCTION GENERALE

L'expérience a montré que quel que soit le soin apporté par ses auteurs et leur goût pour le détail et la précision, une Constitution ne peut tout envisager ni tout prévoir. C'est ce qu'affirmait en son temps Benjamin CONSTANT : « Il est impossible de tout régler, de tout écrire, de faire de la vie et des relations des hommes entre eux un procès-verbal rédigé d'avance où les noms seuls restent en blanc. Quoi qu'on fasse, il reste toujours dans les affaires humaines quelque chose de discrétionnaire »1(*). Cette impossibilité constatée pèse sur l'élaboration de la Constitution. D'où ce conseil de Benjamin CONSTANT : « Ne faites que ce qui est indispensable, laisser de l'espace au temps et à l'expérience, pour que ces deux puissances réformatrices dirigent vos pouvoirs déjà constitués, dans l'amélioration de ce qui est fait et dans l'achèvement de ce qui reste à faire »2(*). Des adaptations sont donc nécessaires. Le constituant camerounais le savait et a prévu des procédures à cet effet. La révision de la Constitution sera entreprise en suivant les règles et procédures prévues par la Constitution en vigueur, celle-ci sera modifiée par la mise en oeuvre de la procédure en la matière. Il ne s'agit donc pas ici de la manifestation du pouvoir constituant originaire mais de la mise en oeuvre du pouvoir constituant dérivé.

En effet, norme fondamentale de l'Etat, la Constitution, au regard de son objet et pour ce qui est de son auteur, est réputée se situer au sommet de la hiérarchie des normes dans l'Etat, occupe la première place dans l'ordonnancement juridique ; elle doit par conséquent l'emporter sur toutes les autres règles juridiques édictées par les organes constitués, législatifs ou réglementaires. Aussi, est-il logiquement compréhensible que soit institué un pouvoir constituant dérivé spécialement destiné à apporter des retouches, des compléments au texte constitutionnel.

Il convient dès cette introduction et en vue de la clarté des propos qui seront développés dans ce travail, de mettre d'abord l'accent sur les considérations générales sur le sujet (I), de cerner ensuite la problématique, l'actualité ainsi que l'intérêt qui s'y rattachent (II) et, enfin, de préciser la méthodologie utilisée (III).

I - CONSIDERATIONS GENERALES SUR L'ASSEMBLEE NATIONALE COMME POUVOIR CONSTITUANT DERIVE

L'on s'attardera tour à tour sur quelques précisions terminologiques relatives au sujet (A), la distinction du pouvoir constituant dérivé des autres pouvoirs (B) et enfin sur un aperçu historique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun (C).

A - Précisions terminologiques

Il convient ici de donner une définition claire à chacun des termes clés du sujet que sont l'Assemblée nationale (1) d'une part, et le pouvoir constituant dérivé (2) d'autre part.

1 - L'Assemblée nationale

L'expression « Assemblée nationale » qui apparaît dans le constitutionnalisme camerounais avec l'adoption de la Constitution du 4 mars 1960 renvoie à la première chambre du Parlement, élue au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (5) ans3(*). Délaissée pendant la période fédérale (1961-1972) au profit de celle d' « Assemblée nationale fédérale »4(*), elle sera reprise en 1972 et maintenue en 1996.

L'Assemblée nationale exerce (seule avant 1996, et depuis lors avec le Sénat) le pouvoir législatif et financier : elle contrôle le Gouvernement dont elle peut mettre en jeu la responsabilité politique, soit spontanément (motion de censure) soit sur question de confiance posée par le Gouvernement5(*). Il est donc commode voire de bon ton que la doctrine camerounaise de droit public n'ait jusqu'ici consacré l'essentiel des études sur l'Assemblée nationale que sur ce chef de compétence.

Mais, ce n'est pas sous cet aspect que nous l'envisagerons dans le cadre de cette étude. Il ne s'agit cependant pas de dénier, loin s'en faut, l'apport d'une telle approche ; mais plutôt de constater que le thème de l'Assemblée nationale envisagée comme pouvoir constituant dérivé, demeure un parent pauvre, traité incidemment, du moins en ce qui concerne le Cameroun.

Pourtant, l'Assemblée nationale n'intervient pas seulement en tant que pouvoir législatif ordinaire, car la Constitution lui reconnaît aussi une autre compétence lui permettant d'agir aussi comme pouvoir constituant dérivé. Il apparaît donc scientifiquement correct de s'appesantir sur ce second aspect de l'Assemblée nationale6(*).

2 - Le pouvoir constituant dérivé

Le pouvoir constituant dérivé est une notion qui s'inscrit dans une autre plus large et dont elle ne constitue qu'un aspect à savoir le pouvoir constituant entendu comme le pouvoir qualifié pour établir ou modifier la Constitution. Cette définition permet ainsi de mettre en exergue la distinction qu'il y a à faire entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé.

Le pouvoir constituant originaire est « celui qui s'exerce d'une manière inconditionnée pour doter d'une Constitution un Etat qui n'en a pas (nouvel Etat) ou n'en a plus (après une révolution) »7(*). Ainsi compris, le pouvoir constituant originaire est l'auteur de la Constitution. Quant au pouvoir constituant dérivé, il est défini comme « l'autorité désignée par la Constitution elle-même pour modifier éventuellement le texte constitutionnel »8(*); il s'agit donc d'un organe de l'Etat9(*) et à ce titre, il est conceptuellement distinct du pouvoir constituant originaire.

B - La distinction du pouvoir constituant dérivé des autres pouvoirs

Pour bien comprendre les termes de cette distinction, il faut au préalable avoir égard à l'origine du concept même de pouvoir constituant dérivé (1). Par la suite, la distinction proprement dite du pouvoir constituant dérivé des autres pouvoirs se fera en étapes à savoir d'abord la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé (2) et ensuite le rapport entre ce dernier et les autres pouvoirs constitués (3).

1 - Origine du concept de pouvoir constituant dérivé http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn1 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn2 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn3 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn4 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn5 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn6

http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn11Le concept de pouvoir constituant dérivé, qui ne date que du 20è siècle, a une origine doctrinale. En effet, le concept de pouvoir constituant dérivé apparaît dans les travaux de trois auteurs publicistes. Ainsi http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn12, nous trouvons pour la première fois chez CARRE de MALBERG, une distinction claire entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé10(*).

D'abord, CARRE de MALBERG fait une distinction entre le pouvoir constituant dans l'établissement de la première Constitution de l'Etat et le pouvoir constituant dans l'Etat une fois formé . Selon lui, la question du pouvoir constituant dans l'établissement de la première Constitution de l'Etat n'est pas une question d'ordre juridique : « la formation initiale de l'Etat, comme aussi sa première organisation, ne peuvent être considérées que comme un pur fait, qui n'est susceptible d'être classé dans aucune catégorie juridique, car ce fait n'est point gouverné par des principes de droit »11(*) . En revanche selon CARRE de MALBERG, le pouvoir constituant dans l'Etat une fois formé est un pouvoir d'ordre juridique et il peut être étudié comme un organe de l'Etat.

Ensuite, CARRE de MALBERG divise le pouvoir constituant en deux, selon les circonstances dans lesquelles le pouvoir constituant est appelé à s'exercer , à savoir le pouvoir constituant exercé dans les circonstances révolutionnaires  et le pouvoir constituant exercé dans les circonstances paisibles, régulières et juridiques . Le premier type de pouvoir constituant s'exerce en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur . Car, à la suite d'un bouleversement politique résultant d'une révolution ou d'un coup d'Etat, il n'y a plus ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles : on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force. « Dans toutes ces circonstances, affirme-t-il, la Constitution nouvelle ne sera point confectionnée selon la procédure, le mode constituant et les formes, qui avaient été prévus et prescrits pas sa devancière. Celle-ci ayant été radicalement détruite par l'effet même du coup d'Etat ou de la révolution, il ne reste plus rien d'elle ; et par suite, elle ne peut plus fournir d'organes pour la confection de la Constitution future... Ainsi, entre la Constitution ancienne, dont il a été fait table rase, et la Constitution nouvelle, qui reste à faire de toutes pièces, il n'existe pas de lien juridique ; mais il y a, au contraire, entre elles une solution de continuité, un interrègne constitutionnel, un intervalle de crise » 12(*) .

En revanche, d'après CARRE de MALBERG, dans les circonstances paisibles , la situation est toute autre. En effet, si l'on fait abstraction des révolutions et des coups d'Etat , la révision constitutionnelle devra s'opérer suivant les règles fixées par la Constitution . Selon lui, quand il y aura lieu de réviser la Constitution, il ne sera nullement nécessaire de procéder à une révolution ; mais il suffira de faire intervenir les organes que la Constitution elle-même a fixés à cet effet . Ainsi, CARRE de MALBERG conclut que cet exercice du pouvoir constituant rentre purement et simplement dans le cadre de la théorie générale et normale de l'organe d'Etat 13(*). Toutefois, même si CARRE de MALBERG est le principal explorateur de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé, il ne lui appartient pas la dénomination de ces deux pouvoirs constituants. En effet, on ne voit pas chez CARRE de MALBERG d'effort pour donner des noms différents à ces deux pouvoirs constituants14(*).

Georges BURDEAU , disciple de CARRE de MALBERG, dans sa thèse de doctorat soutenue en 1930, avait souligné qu'il faut établir une distinction entre ces deux pouvoirs constituants . Georges BURDEAU constate que la doctrine traditionnelle, sous le terme unique de pouvoir constituant, englobe deux notions tout à fait différentes . Il les appelle le pouvoir constituant stricto sensu et le pouvoir de révision . Le pouvoir constituant stricto sensu est « celui qui établit la première Constitution »15(*) . Selon cet auteur, c'est un pouvoir de fait qui, par conséquent, est extérieur au droit . Il existe après tous les mouvements révolutionnaires . Par contre, selon lui, le pouvoir de révision est le pouvoir dont un organe est statutairement investi pour modifier ou remplacer la règle fondamentale qui est au sommet du système des normes étatiques . Comme CARRE de MALBERG, Georges BURDEAU affirme aussi que l'examen du pouvoir constituant stricto sensu échappe totalement à l'analyse juridique .

Pourtant, si comme on le voit, Georges BURDEAU a exprimé de la façon la plus claire la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé, il n'est pas le parrain des ces appellations. C'est en effet à Roger BONNARD qu'appartient la dénomination de ces deux pouvoirs constituants. Dans un article publié dans la Revue du droit public en 1942 , il a consacré la distinction entre ces deux pouvoirs constituants sous la double appellation de pouvoir constituant originaire et de pouvoir constituant institué16(*) . Selon l'auteur, le pouvoir constituant originaire est « un pouvoir existant en dehors de toute habilitation constitutionnelle »17(*) . Par contre, le pouvoir constituant institué est celui qui existe « en vertu d'une Constitution et qui a été établi pour venir, le cas échéant »18(*) . Ainsi le pouvoir constituant institué suppose une Constitution en vigueur, à la différence du pouvoir constituant originaire qui existe en dehors de toute Constitution . Cette distinction est reprise d'abord par Guy HERAUD dans sa thèse de doctorat soutenue en 1945 . Cependant il appelle le pouvoir constituant originaire directement le « pouvoir originaire »19(*) .

Reprenant cette distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant institué, Georges VEDEL préfère le qualificatif « dérivé » à la place de celui d'« institué » et parle même plus de «  pouvoir dérivé »20(*) .

2 - Distinction entre le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant originaire

Il découle des précisions ci-dessus relevées que les auteurs positivistes opposent le pouvoir constituant originaire au pouvoir constituant dérivé sur différents points : les circonstances de leur exercice, leur nature, leur titulaire, leur forme, etc. Selon les auteurs formalistes, le pouvoir constituant originaire s'exerce dans le vide juridique. Il peut exister, selon eux, deux types de vide juridique : le vide juridique déjà existant et le vide juridique créé.

Le vide juridique déjà existant se produit dans les circonstances de naissance d'un nouvel Etat . Dans ce cas, le pouvoir constituant originaire, pour fonder un nouvel Etat, pour établir une nouvelle Constitution, ne détruit pas un Etat, n'abroge pas une Constitution ; il construit seulement. Dans une telle situation, le pouvoir constituant originaire comble le vide juridique en faisant une nouvelle Constitution, en fondant un nouvel Etat. L'Etat qu'il fonde ainsi est un Etat tout neuf qui n'existait pas avant ; la Constitution qu'il établit est aussi la toute première Constitution de l'Etat. Ils notent qu'un tel vide juridique peut se produire dans les circonstances telles que la guerre, la décolonisation, la guerre d'indépendance, la fédération des Etats indépendants, le démembrement d'un Etat, etc . Il est évident que dans une telle situation, le pouvoir constituant originaire ne peut pas être de nature juridique. Il n'est qu'un pur fait, non susceptible de qualification juridique. Car, puisqu'il n'y a jamais eu de Constitution, l'établissement de la première Constitution du pays ne peut être régi par aucun texte. C'est-à-dire que l'acte de l'établissement de la première Constitution ne repose sur aucune règle juridique préalable. Dans cette hypothèse, le pouvoir constituant originaire tire sa validité de lui-même, non pas d'une règle juridique préalable.

Le deuxième type de vide juridique, c'est-à-dire le vide juridique créé, apparaît dans les circonstances de changement du régime dans un Etat déjà existant. Dans ce cas, il existe déjà un ordre juridique en vigueur. Le pouvoir constituant originaire, d'abord en abrogeant la Constitution existante, crée un vide juridique, et après, en en faisant une nouvelle, il le comble. En d'autres termes, le pouvoir constituant originaire détruit d'abord, reconstruit ensuite. L'établissement de cette nouvelle Constitution n'est pas réglementé par l'ancienne Constitution. De même, selon les auteurs formalistes, le titulaire du pouvoir constituant originaire se détermine par les circonstances de force. Comme l'indique CARRE de MALBERG, « les mouvements révolutionnaires et les coups d'Etat offrent ceci de commun que les uns et les autres constituent des actes de violence et s'opèrent, par conséquent, en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur. Dès lors il serait puéril de se demander, en pareil cas, à qui appartiendra l'exercice légitime du pouvoir constituant. A la suite d'un bouleversement politique résultant de tels événements, il n'y a plus, ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles : on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force. Le pouvoir constituant tombera aux mains du plus fort »21(*) .

En revanche, le titulaire du pouvoir constituant dérivé est déterminé par les Constitutions. En d'autres termes, pour savoir à qui appartient le droit de réviser la Constitution, il suffit de se reporter à la Constitution elle-même. C'est la Constitution qui prévoit l'autorité qui va la réviser . Les Constitutions attribuent en général ce pouvoir à l'un des organes qu'elles ont établis, par exemple au Parlement ou bien elles le partagent entre les organes qu'elles ont fondés, par exemple entre le Parlement et le Chef de l'Etat. Par ailleurs, il y a des Constitutions qui prévoient l'intervention du peuple par les voies référendaires22(*).

Le pouvoir constituant originaire est un pouvoir illimité. Car lorsque le pouvoir constituant originaire élabore une Constitution, il ne rencontre aucune règle qui va le limiter. Puisqu'il n'y a pas ou qu'il n'y a plus de Constitution en vigueur, on se trouve dans une situation de vide juridique, c'est-à-dire qu'il n'existe plus de règle supérieure à la volonté du pouvoir constituant originaire. C'est pourquoi le pouvoir constituant originaire est un pouvoir initial, autonome et inconditionné. En revanche, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir limité au moins par les conditions de procédure dans lesquelles il s'exerce23(*).

Enfin, selon les auteurs positivistes, les modes suivant lesquels le pouvoir constituant originaire établit une nouvelle Constitution ne peuvent pas être juridiquement déterminés. En d'autres termes, les modes d'établissement des Constitutions sont des  modes purs, non susceptibles de qualification juridique. Puisque le pouvoir constituant originaire est inconditionné, il n'est subordonné à aucune procédure. Il est libre de prononcer sa volonté selon les modalités qu'il fixe lui-même . Par contre, les modes suivant lesquels le pouvoir constituant dérivé révise une Constitution en vigueur, sont des modes juridiques24(*).

On peut, au regard de ce qui précède, penser qu'entre pouvoir constituant originaire et pouvoir constituant dérivé il n'existe aucun point commun. Ceci n'est vrai qu'en partie car, il y a entre ces deux pouvoirs un certain lien qui peut être appréhendé sous l'angle de leur fonction. En effet, du point de vue de leur fonction, il n'existe aucune différence entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé. Ils exercent la même fonction  : édicter des normes constitutionnelles. De ce point de vue, le pouvoir constituant dérivé est l' « équivalent » du pouvoir constituant originaire. Il n'y a aucune différence de force juridique entre la règle initialement posée par le pouvoir constituant originaire et celle ultérieurement édictée par le pouvoir constituant dérivé. Toutes les deux sont de même valeur juridique en tant que règles se trouvant dans la même Constitution. En d'autres termes, le pouvoir constituant dérivé qui est créé par le pouvoir constituant originaire, exerce la même fonction que celle qu'exerce son créateur. Ceci est la conséquence logique de la théorie selon laquelle il n'existe pas de hiérarchie entre les normes d'une Constitution25(*).

La distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé selon la conception matérielle est privilégiée par les auteurs non positivistes. Cette distinction a été préparée par Carl SCHMITT puis reprise récemment par Olivier BEAUD. En effet, selon Carl SCHMITT, il n'y a qu'un pouvoir constituant, c'est celui qu'il appelle le pouvoir constituant tout court et le pouvoir de révision constitutionnelle n'est pas un pouvoir constituant. Il l'écrit clairement : « Le pouvoir constituant est un et indivisible... »26(*) . Selon lui, le pouvoir constituant s'exerce dans l'acte de la décision politique fondatrice et il peut même exister « un pouvoir légiconstitutionnel de ``modification'' ou ``révision'' des lois constitutionnelles ». Mais, il faut en distinguer le pouvoir constituant lui-même . En effet, Carl SCHMITT définit le pouvoir constituant comme « la volonté politique dont le pouvoir ou l'autorité sont en mesure de prendre la décision globale concrète sur la forme et le genre de l'existence politique propre, autrement dit déterminer l'existence de l'unité politique dans son ensemble » 27(*) . Il distingue le pouvoir constituant et le pouvoir de révision constitutionnelle par leur objet. L'objet du premier est la « Constitution » (Verfassung) et l'objet du second est les « lois constitutionnelles » (Verfassungsgesetz) . Le pouvoir constituant serait donc le pouvoir de donner une nouvelle Constitution , alors que le pouvoir de révision constitutionnelle ne serait que le pouvoir de modifier le « texte des  lois constitutionnelles en vigueur jusqu'alors »28(*) . En d'autres termes, Carl SCHMITT fonde la distinction entre le pouvoir constituant et le pouvoir de révision constitutionnelle sur sa distinction entre la Constitution et les lois constitutionnelles29(*).

L'importance pratique de la distinction entre la Constitution et les lois constitutionnelles apparaît du point de vue de leur révision. Selon Carl SCHMITT , la « Constitution », c'est-à-dire les décisions politiques fondamentales, ne peut pas être modifiée par la procédure de révision constitutionnelle . En effet, l'auteur définit la révision de la Constitution comme la « modification du texte des lois constitutionnelles en vigueur jusqu'alors »30(*) , et non pas comme la modification de la « Constitution », c'est-à-dire des décisions politiques fondamentales qui constituent la substance de la Constitution .

Dans le même ordre d'idées, et s'inspirant de la théorie de Carl SCHMITT, le Professeur Olivier BEAUD, affirme que l'acte constituant et l'acte de révision sont, ainsi que les pouvoirs qui s'y rattachent, fondamentalement distincts et opposés31(*) . Il les dénomme de manière différente : « l'acte qui édicte la Constitution s'appellera ici l'acte constituant et l'acte qui révise la Constitution s'appellera ici l'acte de révision, de même l'autorité qui prend le premier se nommera le ``pouvoir constituant'' tout court (à la place du pouvoir constituant originaire) et le second le pouvoir de révision ou le pouvoir de révision constitutionnelle (à la place du pouvoir constituant dérivé) »32(*) . En effet, pour le Professeur Olivier BEAUD, il n'y a qu'un pouvoir constituant, c'est celui que nous appelons le pouvoir constituant originaire. Le pouvoir de révision n'est jamais un pouvoir constituant, il n'est qu'un pouvoir constitué. Selon lui, les matières touchant à la souveraineté nationale du peuple relèvent de la compétence du pouvoir constituant et celles qui ne la concernent pas relèvent du pouvoir de révision . Car, d'après lui, seul le pouvoir constituant et jamais le pouvoir de révision peut remettre en cause la souveraineté nationale du peuple . Ainsi, lorsque le pouvoir constituant intervient, pour déterminer son type (originaire ou dérivé), selon le Professeur Olivier BEAUD, il faut d'abord rechercher si l'objet de sa décision porte sur des dispositions fondamentales (sur des matières de souveraineté) ou sur des objets secondaires . Alors, s'il porte sur des « matières de souveraineté », il est le pouvoir constituant originaire ; s'il porte sur des « objets secondaires », il est le pouvoir de révision constitutionnelle.

3 - Le rapport entre pouvoir constituant dérivé et les autres pouvoirs constitués

Quel est le rapport du pouvoir constituant dérivé avec les autres pouvoirs constitués, tels les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ? Ce rapport aussi peut être déterminé de deux points de vue différents : du  point de vue de leur organisation et du point de vue de leur fonction. Du point de vue de leur organisation, le pouvoir constituant dérivé et les autres pouvoirs constitués (pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) se trouvent sur un pied d'égalité. En effet, du point de vue de son organisation, comme on vient de l'expliquer, le pouvoir constituant dérivé est un pouvoir constitué, car il a été institué par le pouvoir constituant originaire. A cet égard, il est exactement comme les autres pouvoirs constitués, c'est-à-dire que son organisation et son fonctionnement sont définis dans la Constitution par le pouvoir constituant originaire. Il se trouve juridiquement sur le même plan que les autres organes constitués. Ils procèdent tous de la Constitution et tiennent d'elle leur compétence.

Cependant, du point de vue de leur fonction, il y a un rapport hiérarchique entre le pouvoir constituant dérivé et les autres pouvoirs constitués. Le pouvoir constituant dérivé, bien qu'il soit lui-même un pouvoir  constitué, est supérieur aux autres pouvoirs constitués, car le pouvoir constituant dérivé exerce une fonction constituante sur les autres pouvoirs constitués. En modifiant les dispositions de la Constitution qui les concernent, il peut déterminer leur destin. Par exemple, le pouvoir constituant dérivé peut à tout moment redéfinir l'organisation et le fonctionnement du pouvoir législatif ordinaire, parce que la règle posée par le pouvoir constituant dérivé occupe un rang supérieur à celle posée par le pouvoir législatif ordinaire. En d'autres termes, l'inégalité de puissance entre législateur constituant et législateur ordinaire est la traduction de la différence des rangs occupés par les règles qu'ils posent dans la hiérarchie des normes .

C - Historique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun

L'historique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun commence avec sa consécration juridique dès 1960 (1), mais son exercice est controversé en doctrine (2).

1 - La consécration juridique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun

La consécration juridique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun est également contemporaine à cette systématisation théorique de la distinction entre ce pouvoir et le pouvoir constituant originaire.

En effet, ce n'est qu'en 1960 lorsqu'il accède à la souveraineté internationale que le Cameroun adopte pour la première fois une Constitution au sens formel du terme, promulguée le 4 mars de la même année. Le titre XI de cette Constitution traite exclusivement de la révision de la Constitution, à l'instar du titre XIV de la Constitution française du 4 octobre 195833(*). Il ne pouvait en être autrement, en raison des liens qui l'unissaient à la Grande-Bretagne et, surtout, à la France dont la plupart des textes ont été repris à cette époque dans le système juridique camerounais34(*). Depuis lors, le pouvoir constituant dérivé figure parmi les organes institués par les Constitutions du Cameroun.

On peut ainsi constater qu'il est maintenu aussi bien dans la « Loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution actuelle aux nécessités du Cameroun unifié »35(*) où il occupera de 1961 à 1972 le titre X, que dans la Constitution du 2 juin 1972 et la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 où il occupe respectivement le titre IX et le titre XI36(*).

2 - L'exercice controversé du pouvoir constituant dérivé depuis 1961

Le pouvoir constituant dérivé est également constamment mis en oeuvre. De 1961 à 1972, il est exercé deux fois. La première mise en oeuvre intervient le 10 novembre 1969 par la voie référendaire, avec la loi n° 69/LF/14 modifiant et complétant certaines dispositions des articles 10, 11, 15, 16, 24, 39 et 44 de la Constitution du 1er septembre 196137(*). La seconde est intervenue le 4 mai 1970 par la voie parlementaire, avec la loi n° 70/LF/1 complétant le troisième alinéa de l'article 9 de la Constitution du 1er septembre 196138(*).

Mais c'est de 1972 à nos jours que le pouvoir constituant dérivé, essentiellement le Parlement, va être sollicité le plus grand nombre de fois. En 1975 en effet, c'est-à-dire trois ans à peine après son adoption par voie référendaire, comme du reste sa devancière de 1960, la Constitution du 2 juin 1972 faisait l'objet de sa première retouche avec la loi n° 75/01 du 9 mai 1975 qui en modifiait, en plus de l'article 5 instituant un poste de premier ministre dans la structure de l'Exécutif, les articles 7, 8, 26, 32, 34, la dénomination et le contenu du titre X, celui-ci passant de « Dispositions transitoires » à « Dispositions finales ». Cette importante réforme sera confirmée voire consolidée avec la loi n° 79/02 du 12 juin 1979, laquelle érige le premier ministre au rang de dauphin constitutionnel39(*). A la suite de la démission du président Ahmadou AHIDJO le 4 novembre 198240(*), cette dernière loi constitutionnelle connaîtra sa mise en application concrète et le Cameroun, la première transition politique à la tête de l'Etat le 6 novembre 1982.

A partir de l'année 1982 cependant, le Cameroun entre dans une période de crises politiques nées du conflit survenu entre le nouveau président, Paul BIYA, et son prédécesseur, Ahmadou AHIDJO, postérieurement au départ de ce dernier du pouvoir. Celui-ci avait en effet, en démissionnant de ses fonctions de président de la République, eu le réflexe de conserver la présidence du parti unique qu'il entendait continuer à exercer41(*). C'est dans l'optique de consolider son pouvoir et surtout de mettre un terme à ce bicéphalisme de fait, que le nouveau président de la République va fréquemment initier des projets de révisions qui seront tous adoptés par l'Assemblée nationale et promulgués par lui-même en 1983, 1984 et 1988. C'est ainsi que dès le 21 juillet 1983, la loi n° 83/10 portant modification de l'article 12 de la Constitution de 1972 va faire passer le nombre de députés de l'Assemblée nationale de 120 à 150. Le 29 novembre de la même année, la loi n° 83/26 modifiant l'article 7 de la Constitution permettait au premier ministre investi des fonctions de président de la République dans les conditions prévues par la réforme de 1979, de décider, s'il le juge utile, de la tenue d'élections présidentielles anticipées. Puis intervenait la révision constitutionnelle du 4 février 1984 qui modifiait les articles 1, 5, 7, 8, 26 et 34 de la Constitution. Par cette loi, la dénomination du Cameroun mutait de « République Unie du Cameroun » à « République du Cameroun » tout court42(*) pendant que le poste de premier ministre disparaissait de la structure du pouvoir exécutif43(*). Les révisions opérées le 17 mars 1988 quant à elles apportaient deux nouvelles innovations : la nouvelle version de l'article 7 réintroduisait la possibilité pour le président de la République d'organiser une élection présidentielle anticipée (loi constitutionnelle n° 88/030), reprenant ainsi purement et simplement la formule utilisée dans la loi de révision du 29 novembre ci-dessus citée supprimée par la révision de février 1984, tandis que celle de l'article 12 de la Constitution portait le nombre des députés à l'Assemblée nationale de 150 à 180 (loi constitutionnelle n° 88/032).

En plus, au début des années 1990, le Cameroun, à l'instar de beaucoup de pays africains, notamment ceux au sud du Sahara, entre dans une période de turbulences sociopolitiques qui menacent sérieusement la stabilité voire la survie du régime en place. Des demandes pressantes pour la tenue d'une Conférence nationale souveraine en vue de refonder l'Etat au Cameroun par la mise sur pied de nouvelles institutions politiques et administratives sont formulées. En réaction à ces exigences populaires, associatives et politiques, le pouvoir soumet à l'Assemblée nationale plusieurs projets de loi portant modification de la Constitution du 2 juin 1972 au détriment de la voie référendaire préconisée par une frange de la population. Ces projets seront adoptés par l'Assemblée nationale et les lois de révisions correspondantes promulguées par le président de la République respectivement en 1991, 1996 et en 2008. Ces révisions ont transformé les institutions consacrées par la Constitution. La révision constitutionnelle du 23 avril 1991 consacre un changement de régime politique, car elle introduit voire réintroduit les éléments essentiels du régime parlementaire dans l'ordre constitutionnel camerounais44(*). Cette nouvelle donne constitutionnelle a été maintenue, voire renforcée avec la réforme constitutionnelle du 18 janvier 199645(*).

Au demeurant, la notion de pouvoir constituant dérivé relativement bien définie en doctrine constitutionnelle française, juridiquement consacrée en droit positif camerounais est constamment mise en oeuvre dans notre ordre juridique.

Pourtant, l'analyse qui consiste à considérer que tous les actes du pouvoir constituant dérivé sont des actes de révision n'est pas constante au regard de la doctrine camerounaise du droit constitutionnel. Selon certains auteurs en effet, le pouvoir constituant dérivé au Cameroun aurait, notamment en 1961 et en 1996 procédé, non pas à la révision des Constitutions en vigueur, mais plutôt à l'établissement de nouvelles sous prétexte de réviser celles en vigueur au moment où l'opération est enclenchée. De ce point de vue, la distinction ci-dessus opérée entre le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant originaire qui l'a instituée, est relativement floue, au plan doctrinal. Ainsi, depuis la promulgation de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996, le Professeur Maurice KAMTO soutient que « Comme en 1961, la `'révision'' de 1996 est une fraude à la procédure ou pour être plus précis, un détournement de procédure dans la mesure où dans un cas comme dans l'autre, on a mis en oeuvre la procédure de révision constitutionnelle pour établir des Constitutions totalement nouvelles du point de vue substantiel »46(*). Dans le même sens, le Professeur Magloire ONDOA défend l'idée selon laquelle la loi du 18 janvier 1996 apporte des changements qui ne sauraient s'intégrer dans la logique d'une simple révision47(*). Et le fait pour l'auteur de parler quelques années plus tard, s'agissant de la Constitution du 2 juin 1972 de « la survie de l'ancienne Constitution » et, s'agissant de la loi constitutionnelle de 1996 de « l'inertie de la  nouvelle Constitution »48(*), rend l'identification au Cameroun d'un pouvoir constituant dérivé distinct du pouvoir constituant originaire fort subtile.

Cette interprétation de la loi constitutionnelle de 1996 est mise en doute par le Professeur François Xavier MBOME et combattue par le Professeur Alain-Didier OLINGA. Pour le premier en effet, « si on affirme que la Constitution du 18 janvier 1996 est une Constitution nouvelle (...) il y aurait lieu de se demander s'il n'y a plus de différence entre un pouvoir constituant originaire et un pouvoir constituant institué ou dérivé... »49(*). Pour le second, il n'y a pas eu en 1996 une nouvelle Constitution tout comme il n'existe pas deux Constitutions au Cameroun. Pour cet auteur, dès lors que l'on parle juridiquement de Constitution, il ne peut logiquement en exister qu'une seule à un moment donnée de la vie d'une collectivité étatique50(*).

C'est dire qu'après celle de sa devancière de 1961, l'ampleur de la révision constitutionnelle de 1996 a remis à l'ordre du jour la question du pouvoir constituant dérivé qui n'a cessé de retenir l'attention de la doctrine camerounaise au lendemain de la promulgation de la loi constitutionnelle de 1996. En réalité, c'est dans le prolongement direct de cette controverse doctrinale autour de cet organe de l'Etat que s'inscrit la présente étude sur le pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008. Toutefois, il n'est pas question ici de l'aborder d'un point de vue procédural, ni de se limiter aux innovations qu'il a introduites dans la Constitution, encore moins de trancher la controverse ci-dessus évoquée ; mais plutôt de se borner à sa nature même d'organe constitué situé à un moment donné de l'évolution des normes constitutionnelles au Cameroun, en l'occurrence depuis 1990. D'où la nécessité d'un fil directeur, c'est-à-dire d'une problématique.

II - PROBLEMATIQUE, ACTUALITE ET INTERET DU SUJET

A la suite de la formulation de la problématique (A), nous présenterons l'actualité (B) ainsi que l'intérêt de ce sujet de recherche (C).

A - Problématique

Les années 90 marquent incontestablement l'avènement d'une nouvelle ère caractérisée par une évolution sans précédent dans la recherche d'un certain équilibre institutionnel au sein du régime politique institué par la Constitution de 197251(*).

De ce constat se dégage une question essentielle, celle de savoir si le pouvoir constituant dérivé est resté en marge de cette évolution constitutionnelle. En d'autres termes, le pouvoir constituant dérivé a-t-il résisté aux transformations que subissent les organes de l'Etat en cette période de transition démocratique ?

La réponse à cette question nous permettra de jeter un regard neuf sur le pouvoir constituant dérivé dans le nouveau constitutionalisme camerounais en nous appuyant sur l'actualité de ce thème.

B - Actualité du sujet

L'actualité du sujet est attestée par l'adoption parlementaire suivie de la promulgation par le président de la République de trois textes qui sont incontestablement en rapport avec le pouvoir constituant dérivé. Il s'agit, suivant l'ordre chronologique de leur promulgation, de la loi n° 2006/005 du 14 juillet 2006 fixant les conditions d'élection des sénateurs et de la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, laquelle a apporté des retouches aux dispositions relatives à la mise en place du Sénat. Cette actualité est davantage marquée par la promulgation par le président de la République de la loi n° 2010/003 du 13 avril 2010 fixant les procédures du référendum au Cameroun qui vient abroger « toutes les dispositions contraires, notamment celles de l'ordonnance n° 72/10 du 26 août 1972 fixant la procédure du référendum »52(*). Cette problématique est davantage aiguillonnée par l'intérêt qui en résulte.

C - Intérêt du sujet

Une réflexion axée sur l'organe révisionniste, surtout dans un contexte de transition vers le pluralisme politique, est toujours une entreprise digne d'intérêt. Celui-ci peut être perçu à la fois sur le plan politique et juridique.

Politiquement, l'intérêt de cette étude résulte de la primauté du pouvoir de révision sur les autres organes de l'Etat ; car si juridiquement en tant qu'organe (de l'Etat), l'autorité investie de la compétence révisionniste se trouve sur le même plan que les autres organes de l'Etat, il n'en demeure pas moins que politiquement, la nature de sa fonction lui assure une prépondérance marquée. Cet intérêt sur le plan politique a été démontré par Georges BURDEAU qui écrivait que « toutes les autorités, dans l'Etat, dépendent d'elle puisque, aussi bien quant à leur existence que quant à l'étendue de leurs attributions ou à l'énergie de leurs prérogatives, elles sont à la merci d'une révision constitutionnelle »53(*). C'est cette observation qui, en fait, est déterminante car si la Constitution du 2 juin 1972 est encore en vigueur, il est aisé de constater qu'elle n'est plus tout à fait celle des origines : le pouvoir exécutif est devenu bicéphale, le Parlement formellement bicaméral, le pouvoir judiciaire a remplacé l'autorité judicaire et on note l'apparition du Conseil constitutionnel dont les attributions sont transitoirement exercées par la Cour Suprême, etc. C'est assez souligner l'intérêt juridique d'une étude exclusive du pouvoir constituant dérivé.

Sur le plan juridique, cette évolution du contenu de la Loi fondamentale camerounaise, qu'elle ait ou non atteint l'organe révisionniste lui-même, ne saurait se faire dans l'anarchie ; d'où la nécessité d'examiner, suivant une méthodologie appropriée, l'organe compétent pour lui apporter des retouches.

III - METHODOLOGIE

L'utilité de la méthode dans tout travail scientifique n'est plus à démontrer. En effet, comme le souligne le Professeur Maurice KAMTO, « le problème de la méthode est au coeur de toute oeuvre scientifique », « tant il est vrai que la méthode éclaire les hypothèses et détermine les conclusions »54(*). La méthode peut être définie comme « la démarche ordonnée que doit suivre l'esprit pour arriver à son but »55(*). Elle est ainsi constituée par l'ensemble des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à déterminer la vérité qu'elle poursuit, la démontre, la vérifie .

Dans le cadre de ce travail, nous avons combiné deux méthodes. Le constitutionnaliste utilise, en effet, désormais deux méthodes profondément différentes, à savoir la méthode juridique et la méthode de la science politique56(*). La première consiste à analyser et à exposer le droit positif mais aussi à confronter le fait et le droit. Cette recherche de conformité constitue la démarche la plus fréquente du juriste qu'il soit professeur, magistrat ou avocat. La méthode juridique a pour but de résoudre un problème de dogmatique ou de casuistique juridique57(*). La seconde méthode à savoir la méthode de la science politique, s'apparente beaucoup plus à la méthode des sciences de la nature qu'à la méthode juridique58(*). Là où celle-ci recourt au raisonnement, à la déduction, celle-là fait appel à la constatation, à l'observation pure et simple ; là où la méthode juridique obéit à un système rationnel et logique, la méthode de la science politique est tributaire des faits et se préoccupe moins de les apprécier que de les expliquer. La première envisage les phénomènes sous l'angle de leur conformité, la seconde sous l'angle de leur causalité. Ainsi, et pour reprendre le Professeur Joseph OWONA, l'apport sociologique utilisé de façon positiviste permet de donner une portée effective et objective aux règles de droit constitutionnel59(*).

Appliquée au pouvoir constituant dérivé, la combinaison de ces deux méthodes conduit à démontrer l'hypothèse suivante : les transformations que subissent les organes de l'Etat au Cameroun depuis les années quatre-vingt-dix ont également atteint le pouvoir constituant dérivé. L'intitulé du thème en impose l'approche : elle sera diachronique. Les mutations du pouvoir constituant dérivé ne se sont pas en effet opérées d'un seul coup. Bien au contraire ; on peut même affirmer hic et nunc qu'elles sont inachevées.

Il convient dès lors de démontrer cette thèse à travers un raisonnement à double détente, c'est-à-dire, en dissociant les mutations du pouvoir constituant dérivé n'ayant pas nécessité une retouche de la Constitution qui vont de 1990 à 1996 où on est passé d'un Parlement monolithique à un Parlement pluraliste d'une part (Première Partie) des mutations observées depuis l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 d'autre part (Seconde Partie).

Première Partie :

LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1996

L'observation de la réalité de la structure du pouvoir constituant dérivé au Cameroun de 1990 à 1996 nous amène à constater qu'à l'instar des pouvoirs exécutif et législatif, ce pouvoir a connu des mutations. Le terme mutation est susceptible de plusieurs acceptions. En droit civil comme en droit commercial, le terme mutation signifie le « Transfert d'un bien d'un patrimoine dans un autre (mutation à titre particulier) ou substitution d'une personne à une autre à la tête d'un patrimoine (mutation à titre universel) »60(*). En droit du travail, il traduit la « Modification de la situation d'un salarié résultant de son affectation à un autre poste ou à une autre fonction, ou dans un autre service ou établissement de la même entreprise »61(*). Ces clarifications faites, précisons que la notion de mutation telle qu'envisagée dans le cadre de cette étude relève du littéraire. Il apparaît ce faisant logique d'interroger le dictionnaire qui indique qu'il s'agit là d'un vocable latin, « mutatio » en l'occurrence, et se traduisant, en langue française, par le mot changement62(*).

De cette équivalence terminologique, on retiendra, qu'une mutation est la résultante d'une chose ou d'un fait qui connaît, à un moment donné, quelque transformation. Appliquée au cadre de notre étude, cette notion renvoie au fait qu'entre 1990 et 1996, et même après cette date, le pouvoir constituant dérivé ne présente plus la même physionomie ni ne fonctionne de la même manière qu'avant cette période.

Démontrer cette thèse nécessite que l'on s'attarde d'une part sur la réalité du pouvoir constituant dérivé de 1990 à 1991 qui est l'Assemblée nationale monolithique (Chapitre 1) et d'autre part sur celle du pouvoir constituant dérivé en 1996 qui est l'Assemblée nationale pluraliste (Chapitre 2).

Chapitre 1 : LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1991, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE

Comme dans bon nombre d'Etats africains, le pouvoir constituant dérivé au Cameroun en 1991 est une Assemblée nationale monolithique. En effet, il s'agit d'une Assemblée nationale constituée des députés issus d'un seul parti politique : d'où l'adjectif qualificatif monolithique pour rendre compte de cet état de chose qui était par ailleurs en contradiction avec le caractère démocratique de la République. Pourtant, une partie de la doctrine des publicistes met à son actif d'importantes innovations inscrites dans la Constitution de 1972 à l'instar de la réintroduction, en 1991, d'un poste de premier ministre dans la structure de l'Exécutif. Mais avant d'en venir à ses innovations apportées à la Constitution à la faveur des révisions constitutionnelles de 1991 (Section 2), il convient d'analyser au préalable l'organe qui les a apportées à savoir l'Assemblée nationale monolithique (Section 1).

Section 1 : L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE

Le caractère monolithique de l'Assemblée nationale est amplement reflété par sa structure (§1). Mais en tant qu'organe institué par la Constitution, l'Assemblée nationale tient de cette dernière les pouvoirs d'y apporter des modifications, c'est-à-dire de la réviser (§2).

§1 : LA STRUCTURE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE

Toute personne curieuse de comprendre ce que recouvre l'Assemblée nationale est vouée à aller à la découverte de sa structure. En d'autres termes, analyser la présentation de l'Assemblée nationale, organe révisionniste, suppose que l'on décrive ses principaux pensionnaires que sont les députés, d'une part (A), et les cadres institutionnels chargés d'encadrer ceux-ci, à savoir les organes de l'Assemblée nationale, d'autre part (B).

A - Les députés de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale est animée par certains citoyens représentant le peuple et qui sont appelés « députés »63(*). Cette qualification constitutionnelle de ceux qui reçoivent mandat du peuple est reprise par l'article 1er du règlement de l'Assemblée nationale64(*) qui dispose clairement que ses « membres (...) portent le titre de député ». Cependant, le législateur ne se contente guère de dire qui possède la qualité de parlementaire (1) mais il aménage également des mécanismes destinés à la protection du mandat parlementaire (2).

1 - La qualité de parlementaire

L'acquisition de la qualité de parlementaire est soumise à des conditions d'éligibilité déterminées par la loi. Toutefois, cette qualité n'est jamais définitivement acquise car son titulaire peut la perdre de façon plus ou moins volontaire. Il est question de s'appesantir sur ces deux aspects de la qualité de parlementaire et surtout de mettre en exergue le fait qu'avant 1992, seuls les militants du parti unique de fait, à savoir l'UNC devenu RDPC en 1985, pouvaient y prétendre.

Les conditions d'éligibilité sont prévues par la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 modifiée et complétée par la loi n° 97/013 du 19 mars 1997 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale. De l'article 17 de cette loi, il ressort que peut être inscrit sur une liste de candidats aux élections à l'Assemblée nationale tout citoyen camerounais remplissant un certains nombre de conditions limitativement énumérées. C'est ainsi qu'il doit être de nationalité camerounaise sans distinction de sexe, ou avoir acquis cette nationalité par voie de naturalisation ; jouir du droit de vote ; être inscrit sur une liste électorale ; avoir 23 ans révolus à la date du scrutin ; savoir lire et écrire le français ou l'anglais  ; verser au Trésor public un cautionnement d'un montant de 50.000 francs et être investi par un parti politique légalisé.

Ces conditions d'éligibilité, qui sont assez libérales, exception faite de l'obligation d'être investi par un parti politique, doivent continuellement être remplies par le candidat, qu'il soit titulaire ou suppléant, même après son élection effective.

Cependant, de telles conditions n'ont été mises en oeuvre que dans une période relativement récente, car du fait de l'existence au Cameroun entre septembre 1966 et décembre 1990 d'un monopartisme de fait, les citoyens ne pouvaient être investis par un parti politique autre que le parti unique au pouvoir. En effet, contrairement à plusieurs Etats africains qui avaient donné une base constitutionnelle au parti unique65(*), le passage au Cameroun du multipartisme au monopartisme n'exigea pas le changement ni de la Constitution, ni de la loi de 1967 sur les associations. La Constitution de 1972 dans les mêmes termes que sa devancière de 1960 a toujours reconnu le pluripartisme. Mais elle était tout simplement, dans les faits, rendue ineffective dans ses dispositions par l'émergence d'un parti unique de fait. Et, jusqu'aux lois libérales intervenues en décembre 1990 dont l'une est relative aux partis politiques, qui se serait enhardi à créer un parti se serait attiré les foudres du pouvoir ou se serait vu entré dans l'oeil du cyclone pour emprunter une formule du Professeur Maurice KAMTO. Dans ce contexte, les électeurs n'avaient d'autre choix que de ratifier ou de rejeter la liste de candidats choisis par le parti. En effet, sous le règne du parti unique, les parlementaires étaient soit nommés à l'intérieur des instances du parti, soit élus sur une liste dressée par le président du parti, liste qui était parfois plébiscitée en même temps que le candidat à la présidence de la République66(*).

Dépourvu de tout fondement juridique, l'avènement du monopartisme au Cameroun trouvait toutefois sa source dans l'option idéologique prise par les pouvoirs en place dans plusieurs pays d'Afrique depuis 1960 pour la plupart. Aux lendemains des indépendances africaines, ceux-ci ont en effet avancé de nombreux arguments pour justifier le parti unique : pratique, la nécessité de l'union et du développement, les risques d'affrontements ethniques ; historique : l'unanimisme (présumé) des sociétés africaines traditionnelles et idéologique : la construction d'une société sans classe67(*).

Mais, le monopartisme ne fut une réalité au Parlement camerounais qu'avec les premières élections législatives organisées après l'avènement de l'Etat unitaire. En effet, le 18 mai 1973, est élue l'Assemblée nationale du Cameroun alors composée uniquement des députés militants de l'UNC 68(*). Après le remplacement de cette dernière par le RDPC en 1985, le renouvellement de tous les organes de base dudit parti et les législatives de 1987 qui suivront, se feront certes avec une pluralité de candidatures, mais toutes investies par ce nouveau parti unique69(*).

La Constitution fixe elle-même la durée du mandat du parlementaire : celle-ci dure cinq ans. La durée du mandat soulève la question de savoir quand débute ce mandat et à quel instant précis prend-il fin. Le premier volet de cette question permet de déterminer le moment à partir duquel la qualité de parlementaire est acquise. Est-ce immédiatement après l'investiture populaire ou bien lors de l'ouverture de la session initiale qui annonce la législature ? Cette question invite à faire la distinction entre la nomination et l'entrée en fonction.

Le titre juridique de l'élu ou la qualité de parlementaire était constituée par la proclamation des résultats des élections par la Commission nationale de recensement général des votes en application de l'article 47 alinéa 2 (d) de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée70(*). Mais, depuis la révision constitutionnelle de 1996, cette qualité est acquise à partir de la proclamation, par le Conseil constitutionnel, des résultats des élections71(*). L'entrée en fonction n'intervient qu'au moment où cessent les pouvoirs des élus sortants. Ceci ressort de l'article 1er alinéa 5 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée qui indique que le mandat des députés à l'Assemblée nationale « commence le jour de l'investiture de la session ordinaire qui suit le scrutin ». Il s'agit de la session ordinaire de plein droit qui s'ouvre le deuxième mardi après la proclamation des résultats par la Cour Suprême ou par le Conseil constitutionnel respectivement avant ou après l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle de 1996. Et c'est au cours de cette séance que l'Assemblée nationale procède à la validation des mandats des députés72(*).

En clair donc, la qualité de parlementaire n'est pas acquise dès la nomination, c'est-à-dire, la proclamation officielle des résultats électoraux, mais plutôt au moment de la prise de fonction qui correspond à l'ouverture de la session parlementaire à laquelle ne siège plus les ex-députés.

La qualité de parlementaire ne dure qu'autant que dure la législature. Cette cessation normale du mandat parlementaire correspond à l'échéance de la législature, c'est-à-dire à l'épuisement de la durée normale de cinq ans pour laquelle est élu tout député. Mais, la perte de la qualité de parlementaire peut exceptionnellement être différée, car l'article 12 alinéa 2 de la Constitution originaire de 1972 et l'article 15 alinéa 1er de la loi constitutionnelle de 1996 reconnaissent tous au président de la République la faculté de demander à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger son mandat. Dans ce cas de figure, la perte de la qualité de parlementaire interviendra au terme de la conjonction de la période normale de cinq ans et celle de l'allonge intervenue. La perte de la qualité de parlementaire peut aussi intervenir lorsque l'échéance normale du mandat a été écourtée ou précipitée. Il en est ainsi notamment lorsqu'il y a dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République73(*) ou lorsque celle-là, à la demande de celui-ci, décide par une loi, d'abréger son mandat74(*). La perte de sa qualité de député par l'élu peut enfin être précipitée par un évènement affectant son mandat tels que la démission volontaire du député titulaire, le décès75(*), l'acceptation d'une fonction incompatible avec le mandat, la déchéance prononcée par le Bureau de l'Assemblée nationale suite à la découverte d'une inéligibilité76(*). Dès cet instant, le député ne bénéficie plus pleinement de la protection que lui assure la qualité de mandataire.

2 - La protection du mandat parlementaire

En principe, le parlementaire camerounais est protégé même de la pression de ses électeurs puisqu'en vertu de l'article 15 alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996, sa fonction étant purement représentative, « tout mandat représentatif est nul ». Pareillement, le député ou le sénateur77(*) est protégé, au moins théoriquement, contre son parti puisque les éventuelles démissions en blanc qu'il aurait pu remettre à celui-ci sont tenues pour nulles dès lors qu'elles ne sont pas confirmées verbalement par le parlementaire concerné78(*). Mais, c'est surtout contre les pressions du Gouvernement et des intérêts privés que le parlementaire doit être protégé. Il l'est traditionnellement par un triple système constitué des incompatibilités (a), des immunités et des indemnités parlementaires (b).

a - Les incompatibilités parlementaires

A la différence des inéligibilités qui tendent à garantir l'indépendance des électeurs contre les pressions dont ils pourraient faire l'objet de la part des candidats, les incompatibilités tendent à protéger le Parlement contre l'influence que le Gouvernement ou les intérêts privés pourraient exercer sur lui à travers ses membres. Les incompatibilités ne font donc pas obstacle à l'élection : elles obligent seulement le candidat élu à choisir entre son activité professionnelle incompatible et son mandat parlementaire. Le régime des incompatibilités entre le mandat parlementaire et les autres fonctions est fixé par la loi n° 91/020 précitée. La portée de l'immunité varie suivant que les fonctions visées sont publiques ou privées.

L'idée qui commande ces incompatibilités est celle selon laquelle le parlementaire ne peut exercer simultanément la fonction parlementaire et une autre fonction soit parce qu'il ne pourra pas consacrer de ce fait tout son temps à la première, soit parce que la fonction publique qu'il exerce pourra avoir des conséquences dommageables sur l'exercice de sa fonction parlementaire. La fonction publique peut être élective ou non élective.

Mais, il n'y a pas d'unanimité sur cette catégorie d'incompatibilités. Ici en effet, les discussions sur des dispositions régissant les incompatibilités sont les plus vives. Deux logiques s'opposent : d'un côté, il paraît non démocratique d'interdire à un individu de cumuler plus d'une fonction élective. C'est le peuple souverain qui, en la matière, doit être seul juge s'il lui plait de confier plusieurs mandats à une personne ; nul ne saurait l'empêcher. D'un autre côté, on fait valoir tout aussi justement qu'il n'est sans doute pas sain pour la démocratie qu'une même personne cumule plusieurs mandats électifs car elle ne peut ainsi exercer convenablement aucun. La doctrine y voit même une tare majeure du fait de ses conséquences négatives en France. Il est reproché au cumul des mandats de réduire numériquement la classe politique à quelques centaines de personnalités qui s'en remettent à des technocrates pour l'examen des dossiers. Il engendre l'absentéisme et favorise la corruption79(*).

Ces critiques pouvaient être transposées au Cameroun où, pendant longtemps, a prévalu la première thèse : on pouvait à la fois être maire et député80(*). Le cumul des fonctions publiques électives, et spécialement du mandat parlementaire avec des fonctions dans les exécutifs locaux, était une pratique courante. Après les élections législatives du 30 juin 2002 par exemple, on a noté que certains députés étaient à la fois maire ou adjoint au maire et membre influent au niveau des organes de direction du parti ou président d'une section ou sous-section à l'échelon local du parti81(*).

Mais actuellement l'interdiction du cumul des mandats est la règle. Celle-ci est expressément consacrée par la loi constitutionnelle de 1996 dont l'article 14 alinéa 5 précise de manière significative que nul ne peut appartenir à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ce cumul serait en effet illogique car contradictoire avec le bicaméralisme. En tout état de cause, dans l'état actuel de la législation, la qualité de parlementaire est désormais incompatible avec les fonctions de maire, de président du Conseil régional et de délégué du gouvernement auprès d'une communauté urbaine.

Le cumul du mandat parlementaire avec une fonction publique non élective et rétribuée sur les fonds de l'Etat est également interdit. La règle qui prévaut ici est celle de l'impossibilité d'une détention simultanée. Ainsi, le mandat parlementaire est incompatible avec les fonctions de membre du gouvernement ou assimilés et de membre du Conseil économique et social82(*). De même, le mandat parlementaire est incompatible avec les fonctions de président du Conseil d'Administration ou le statut de salarié dans un établissement public ou parapublic83(*). D'une manière générale, le mandat parlementaire est incompatible avec la qualité de fonctionnaire et d'agent de l'Etat relevant du code du travail. En conséquence, un fonctionnaire qui devient parlementaire est placé d'office en position de détachement auprès du Parlement tandis que l'agent de l'Etat relevant du code du travail voit son contrat suspendu. Les parlementaires (députés ou sénateurs) nommés au Conseil constitutionnel sont présumés avoir opté pour cette dernière s'ils n'ont pas exprimé au président de la République une volonté contraire dans les huit (8) jours suivant la publication de leur nomination. Au demeurant, l'accession d'un parlementaire à l'une des fonctions incompatibles avec son mandat entraîne la vacance de siège et le remplacement de l'élu par son suppléant.

Les parlementaires peuvent en principe cumuler leurs fonctions avec des fonctions privées. Toutefois, un certain nombre d'incompatibilités ont été édictées en vue d'éviter que l'exercice de certaines responsabilités au sein d'entreprises privées n'amène les parlementaires à mettre leur influence politique au service de ces entreprises. Le traitement des incompatibilités éventuelles entre le mandat parlementaire et l'exercice des activités privées pose des difficultés particulières ne serait-ce qu'en raison de la diversité des activités susceptibles d'être concernées et de la difficulté à établir dans bon nombre de cas des frontières claires de surcroit dans un contexte économique et social par définition évolutif. C'est peut être la raison pour laquelle le législateur camerounais se montre relativement tolérant à l'égard des fonctions privées. En effet, il ne consacre explicitement aucune incompatibilité entre ces dernières et le mandat parlementaire. Il se borne seulement à interdire à tout député de faire ou de laisser suivre son nom de l'indication de sa qualité dans toute publicité relative à une entreprise financière, industrielle ou commerciale84(*). Plus largement, le règlement de l'Assemblée nationale interdit à tout député d'user ou de laisser user de sa qualité dans des entreprises financières, industrielles ou commerciales ou dans l'exercice des fonctions libérales ou autres et de façon générale d'user son titre pour d'autres motifs que l'exercice de son mandat.

b - Les immunités et indemnités parlementaires

Traditionnellement, les parlementaires sont protégés par ce qu'il convient d'appeler les immunités parlementaires. Ces dernières peuvent être définies comme des qualités attachées au mandat des parlementaires pour les prémunir contre des poursuites engagées délibérément par le pouvoir ou des groupes dans le but de les intimider, de faire pression sur eux85(*). Les immunités constituent donc en principe une protection générale du parlementaire contre toutes formes de menaces, d'intimidations ou d'arrestations orchestrées par les citoyens ou les pouvoirs publics. Il s'agit d'une protection fonctionnelle et personnelle instituée non dans l'intérêt du parlementaire, mais dans celui du mandat. Elle présente de ce fait un caractère objectif. Le régime des immunités des députés de l'Assemblée nationale camerounaise est fixé par l'ordonnance n° 72/12 du 26 août 1972. Il recouvre deux types d'immunités parlementaires : l'irresponsabilité et l'inviolabilité.

L'irresponsabilité s'analyse en une immunité de fond qui protège le député en sa qualité d'élu en raison des actes accomplis dans le cadre de son mandat. Elle est traduite à l'article 1er de l'ordonnance n° 72/12 précité qui prévoit qu'aucun député à l'Assemblée nationale ne peut être poursuivi, recherché, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Tel qu'elle est formulée, cette irresponsabilité met le parlementaire à l'abri de toute poursuite, d'où qu'elle vienne, en raison des opinions ou des actes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Elle s'étend également aux journaux qui rapportent exactement et de bonne foi les propos émis par les parlementaires dans le cadre de leurs fonctions. Elle est perpétuelle en ce qu'elle survit à la fin du mandat. Elle est aussi absolue en ce qu'elle couvre tous les actes accomplis par l'élu dans l'exercice de son mandat législatif (propos, votes, rapports, etc.), tant du point de vue de la responsabilité pénale et civile que politique.

L'irresponsabilité parlementaire n'empêche pas des sanctions internes : le règlement de l'Assemblée nationale frappe de censure les parlementaires qui, après rappel à l'ordre du président, se livreraient à des attaques personnelles ou créeraient du désordre, et de censure avec exclusion temporaire, ceux qui feraient publiquement appel ou se rendraient coupables d'injures ou de menaces contre les autorités constitutionnelles86(*). Précisons toutefois que ledit règlement réserve le prononcé du rappel à l'ordre au seul président de l'Assemblée nationale tandis qu'il revient à celle-ci de prononcer soit la censure simple, soit la censure avec exclusion temporaire du palais de l'Assemblée nationale.

L'inviolabilité protège les parlementaires des poursuites pénales dont ils pourraient arbitrairement être l'objet. Elle est une immunité de procédure garantissant le parlementaire contre les poursuites pénales abusives ou vexatoires pour crimes ou délits qui pourraient être intentées contre lui en raison des faits autres que ceux concernant l'exercice de sa fonction, c'est-à-dire étrangers à celle-ci. Il s'agit d'éviter que le parlementaire pris en sa qualité d'individu ne puisse être l'objet d'intimidations ou d'arrestations injustifiées de la part du gouvernement ou de ses partisans. A cette fin, l'article 2 de l'ordonnance n° 72/12 ci-dessus précise  que « Sauf en cas de flagrant délit ou de crime et délit contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat tels qu'ils sont fixés par le Code pénal, aucun député ne peut être poursuivi en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale pendant les sessions ou l'autorisation du bureau hors session ».

Il résulte de cette disposition qu'à la différence de l'irresponsabilité qui a un double caractère absolu et perpétuel, l'inviolabilité est une protection provisoire et limitée. Son objectif n'est pas de soustraire le parlementaire de l'application de la loi, ni de supprimer l'infraction, mais de retarder le moment de la poursuite. Elle ne dure qu'autant le mandat lui-même.

Relativement à son domaine, l'inviolabilité est une garantie uniquement pénale en ce qu'elle ne joue qu'en matière criminelle et correctionnelle. Elle ne s'oppose pas aux poursuites en matière contraventionnelle ni à une éventuelle mise en jeu de la responsabilité civile du parlementaire. Par ailleurs, la mise en jeu des poursuites est possible avec l'autorisation de l'Assemblée nationale pendant les sessions ou celle de son bureau hors session. Cette autorisation des poursuites porte le nom de levée de l'immunité parlementaire87(*).

Le législateur formule une double exception à l'exigence de l'autorisation des poursuites par l'Assemblée nationale ou son bureau. D'une part, celle-ci disparaît lorsqu'il y a flagrant délit. Ainsi, lorsque le parlementaire camerounais est pris en flagrant délit, il n'est plus couvert par l'inviolabilité : il est considéré en cette circonstance comme un citoyen ordinaire. Si cette solution est constante en droit positif camerounais, il n'en a pas toujours été ainsi en France surtout sous la IIIè République. En effet, la pratique voulait que, même en cas de flagrant délit, il n'y eut pas de jugement avant que l'Assemblée intéressée n'ait donné l'autorisation. Ce n'est qu'en 1950, à la suite d'une interpellation du gouvernement que l'Assemblée a voté un ordre du jour invitant le gouvernement à appliquer les textes88(*). D'autre part, l'autorisation n'est pas exigée pour déclencher des poursuites relatives aux crimes et délits commis contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat tels que définis aux articles 102 à 117 du Code pénal. Il s'agit de l'hostilité contre la République, l'atteinte à l'intégrité du territoire, la tentative par la violence de modifier les lois constitutionnelles ou encore la tentative de renverser les autorités légalement établies ou de les mettre dans l'impossibilité d'exercer leurs pouvoirs.

Il est à préciser qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance n° 72/12 précitée, la détention et la poursuite ou l'une et l'autre sont suspendues de plein droit sur réquisition de l'Assemblée nationale ou, hors session, de son bureau par le parquet compétent, par le ministre des forces armées en cas de compétence des juridictions militaires. En tout état de cause, la condamnation ultérieure de l'élu entraîne sa déchéance et le cas échéant son remplacement par son suppléant qui, seul, bénéficiera des indemnités.

En France, le mandat parlementaire a été gratuit jusqu'en 184889(*). La IIè République attribue aux parlementaires une indemnité de 25 F par jour90(*). Au Cameroun en revanche, une des garanties offertes au député à l'Assemblée nationale consiste à lui verser une indemnité pour le mettre à l'abri des besoins et, éventuellement, des tentations. Elle est indispensable à partir du moment où le suffrage universel étant institué, les citoyens issus des classes défavorisées de la nation sont susceptibles d'être élus. « Bien qu'elle donne lieu à démagogie facile, l'indemnité parlementaire apparaît ainsi comme une des conditions nécessaires du fonctionnement démocratique des institutions, en ce qu'elle permet à des personnalités même dépourvues de fortune d'exercer le mandat de représentant du peuple »91(*). C'est pour répondre à cette exigence que le règlement de l'Assemblée nationale précise que les députés perçoivent mensuellement une indemnité de service de base et une indemnité dite indemnité pour frais de mandat. Tous les députés perçoivent désormais une indemnité dite de session, des primes non remboursables pour achat de véhicules ainsi qu'une allocation annuelle de fonds pour les micro-projets.

Divers autres avantages et facilités sont de moins en moins communs aux députés et plutôt réservés à ceux qui exercent des fonctions dans les structures collégiales tels que les frais de représentation et de missions. En outre, le président, les vice-présidents et les questeurs ont droit à un hôtel de fonctions, aux moyens de transport et à de personnel domestique dont le nombre est fixé par arrêté du bureau de l'Assemblée nationale qui joue par ailleurs un rôle indispensable au sein des organes du Parlement.

B - Les organes de l'Assemblée nationale

En application du principe de la séparation des pouvoirs, la Constitution du 2 juin 1972 dans sa version antérieure à la révision constitutionnelle de 1996 dispose en son article 16 que l'Assemblée nationale fixe elle-même ses règles d'organisation et de fonctionnement sous forme de loi portant règlement intérieur92(*). Les règles juridiques qui régissent l'Assemblée nationale décrivent distinctement ses structures aussi bien dans les prescriptions constitutionnelles que dans les dispositions complémentaires contenues dans son règlement intérieur. Il s'agit des organes directeurs, des organes de travail et des services administratifs. Toutefois, sans méconnaître l'importance que revêt cette dernière catégorie d'organes dans le fonctionnement normal de l'Assemblée nationale, seuls les organes directeurs (1) et les organes de travail (2) retiendront notre attention dans cette étude.

1 - Les organes directeurs

Les organes directeurs sont ceux chargés de diriger l'activité parlementaire. Ils sont constitués respectivement par le Bureau de l'Assemblée nationale (a) et la Conférence des présidents (b).

a - Le Bureau de l'Assemblée nationale

Le Bureau de l'Assemblée nationale est l'organe collectif qui assure la direction des travaux parlementaires. Il faut distinguer la structure ad hoc appelée le «bureau d'âge » pilotée par le Doyen d'âge à l'Assemblée nationale, qui a pour charge de présider à chaque début de législature la séance inaugurale93(*), du Bureau définitif appelé à conduire durablement l'ensemble des députés jusqu'à son renouvellement.

Le bureau d'âge a un caractère essentiellement transitoire. Composé du membre le plus âgé présent de la Chambre et de deux jeunes députés, il est constitué au début de la législature ainsi qu'à l'ouverture de la première session ordinaire de l'année législative et reste en fonction jusqu'à l'élection du Bureau définitif. Au cours de cette brève période, aucun débat ni vote ne peuvent avoir lieu sous la présidence du Doyen d'âge, à l'exception des débats de vérification de mandat en début ou en cours de législature. Toutefois, si l'Assemblée nationale est amenée à débattre d'un point touchant à son règlement intérieur, il est créé une Commission spéciale94(*). Les propositions de cette Commission sont soumises directement à l'Assemblée pour adoption sous forme de loi à la majorité de ses membres en exercice.

Relativement au Bureau définitif de l'Assemblée nationale, on examinera d'un côté sa composition et de l'autre ses attributions.

Le Bureau de l'Assemblée nationale est une instance collégiale comprenant vingt quatre membres, à savoir un président, un premier vice-président, cinq vice-présidents, quatre questeurs, douze secrétaires et le secrétaire général de l'Assemblée nationale. En dehors de ce membre ex-officio du Bureau qui est nommé par arrêté de ce dernier et qui n'est pas député, tous les autres tiennent leurs pouvoirs des suffrages de leurs pairs. Cette élection a lieu à l'ouverture de la première session ordinaire de chaque année législative. Le président de l'Assemblée nationale et le premier vice-président sont élus au scrutin uninominal, à la majorité absolue des suffrages valablement exprimés. A défaut de majorité absolue au premier tour, il est procédé à un second tour pour lequel la majorité relative suffit. Les vice-présidents hormis le premier, les secrétaires et les questeurs sont élus en même temps, au cours de la même séance plénière, au scrutin secret, à la majorité des suffrages valablement exprimés sur une liste commune présentée par les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale95(*). L'élection de ces derniers a lieu en s'efforçant de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de l'Assemblée nationale sauf le refus de certains partis politiques de participer au Bureau96(*). Elus pour un mandat d'un an, les membres du Bureau sont rééligibles.

Il convient, en ce qui concerne les attributions du Bureau, de distinguer les fonctions communes exercées en bloc dans le cadre collégial du Bureau des attributions dévolues à chacune des composantes individuelles dudit Bureau.

Sur le premier point, il échoit à la collégialité du Bureau de présider aux délibérations et d'organiser tous les services de l'Assemblée. Le Bureau assure la fonction de représentation de la Chambre dans les cérémonies publiques97(*). Diverses autres attributions sont collectivement exercées par le Bureau. Elles tiennent, limitativement, au contrôle des incompatibilités et des immunités des députés, à la recevabilité des projets et propositions de lois et même au contrôle des services administratifs et financiers de l'Assemblée nationale ainsi que la définition du statut des fonctionnaires de la Chambre98(*). Désormais, c'est le même Bureau qui présidera les débats parlementaires lorsque l'Assemblée nationale et le Sénat se réuniront en congrès99(*). Le Bureau joue également un rôle consultatif, notamment en cas de recours à la dissolution de l'Assemblée nationale, en cas de demande de prorogation ou d'abrègement du mandat des députés et en cas de désignation des membres du Conseil constitutionnel.

Sur le second point, relevons qu'au sein du Bureau s'impose l'autorité du président qui est appelé à assumer d'importantes responsabilités et à exercer un pouvoir de conseil et d'influence. Ces pouvoirs sont tirés des dispositions constitutionnelles et législatives. Au plan constitutionnel, il émet son avis lorsqu'en application de l'article 36 alinéa 1er de la Constitution, le président de la République décide de soumettre au référendum tout projet de réforme. Il peut aussi, après expiration du délai de promulgation d'une loi et après avoir constaté la carence du président de la République, se substituer à celui-ci pour exercer cette compétence100(*). Au plan législatif, dans le cadre du règlement de l'Assemblée nationale, il préside à la fois le Bureau et la Conférence des présidents et dirige les débats en séance plénière. Il est l'ordonnateur du budget de l'Assemblée nationale.

Quant aux attributions des autres membres du Bureau il résulte de l'article 14 du règlement de l'Assemblé nationale que le premier vice-président et les vice-présidents suppléent aux fonctions de président en cas d'empêchement ou d'absence de celui-ci pour quelque cause que ce soit. Les secrétaires ont pour fonction la surveillance de la rédaction des procès-verbaux et d'en donner lecture si elle est demandée. Ils inscrivent les députés qui demandent la parole, contrôlent les votes et dépouillent les scrutins. Les questeurs assurent le contrôle des services administratifs et financiers de l'Assemblé nationale sous la haute direction du Bureau. Ils élaborent le projet de budget de l'Assemblé nationale qui est entériné par la Commission des finances et du budget.

b - La Conférence des présidents

La Conférence des présidents est le second organe directeur de l'Assemblée. Elle est plus orientée vers les rapports entre le Gouvernement et le Bureau. Cette structure trouve son expression constitutionnelle à l'article 18 alinéa 1er qui précise sa composition et son rôle. Le deuxième alinéa en fixe la composition en indiquant que la Conférence des présidents est constituée des présidents des groupes parlementaires, des présidents des Commissions et des membres du Bureau de l'Assemblé nationale. Un membre du Gouvernement est autorisé à participer aux travaux de la Conférence des présidents. Le règlement de l'Assemblée nationale reprend aux dispositions de son article 27 alinéa 2 (nouveau) cette structuration organique dictée par la Constitution avec cependant deux particularités notables.

D'une part, il associe à ladite Conférence seulement les présidents des Commissions générales alors que la Constitution postule clairement des présidents de Commissions. Il exclut donc les présidents des Commissions spéciales qui peuvent être créées par l'Assemblée.

D'autre part, il précise à ce même alinéa in fine que le président de l'Assemblée nationale préside la Conférence des présidents.

Le rôle principal de la Conférence des présidents concerne la fixation de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il résulte en effet de l'alinéa 1er de l'article 18 précité que l'ordre du jour de l'Assemblé nationale est fixé par la Conférence des présidents. Au delà de la fixation de l'ordre du jour, la Conférence des présidents se prononce aussi sur la recevabilité des projets et des propositions de lois soumises à l'Assemblée nationale, confie ces textes aux Commissions compétentes et fixe la date des séances plénières. En somme, la Conférence des présidents joue un rôle important dans l'organisation des travaux à l'Assemblée.

2 - Les Commissions de travail

Les Commissions de travail sont les formations intérieures de l'Assemblée nationale affectées à la préparation des décisions qui seront prises par le pouvoir délibérant en séance plénière. Deux éléments essentiels les caractérisent : elles sont partielles, en ce sens qu'elles ne comprennent qu'une partie des membres de l'Assemblée ; elles sont fermées, car sauf dérogation prévue par le règlement, leurs réunions ne sont pas publiques.

Ces formations intérieures en qui se résume l'activité parlementaire, ont un objet essentiellement technique. Elles informent, rapportent et proposent pour faciliter la prise de décision qui appartient à l'Assemblée.

En fonction de leur finalité, on distingue deux types de Commissions qui trouvent leurs fondements dans la Constitution ou le règlement de l'Assemblée nationale : les Commissions à objet législatif et les Commissions d'enquêtes. Mais, seule la première catégorie retiendra pour longtemps notre attention et surtout la Commission des lois constitutionnelles, des droits de l'homme et des libertés, de la justice, de la législation et du règlement de l'Administration101(*).

En effet, une organisation logique du travail dans le cadre d'une Assemblée parlementaire siégeant en vue d'une éventuelle révision de la Constitution exige que les projets de textes de révision ne viennent pas immédiatement en séance plénière. Il est souhaitable qu'ils soient d'abord étudiés et discutés dans les formations limitées aux seins desquelles se rassemblent éventuellement des spécialistes. L'institution des Commissions répond à cette nécessité parallèlement au besoin de recueillir l'information.

A l'instar des autres Commissions générales de l'Assemblée nationale, la Commission des lois constitutionnelles est constituée chaque année après l'élection du Bureau de l'Assemblée nationale pour l'étude des questions qui leurs seront soumises tout au long de la législature. Comme chacune des autres Commissions, elle est composée de vingt (20) membres. Les sièges afférents à ce nombre sont repartis proportionnellement entre les groupes parlementaires constitués selon la règle de la plus forte moyenne. Les sièges restés vacants sont attribués par le président de l'Assemblée nationale aux députés n'appartenant à aucun groupe. L'appartenance d'un député à plus de deux Commissions générales est proscrite.

Le règlement de l'Assemblée nationale dans son article 20 prévoit la possibilité pour un député non membre d'une Commission d'assister aux travaux de cette Commission sur simple autorisation du président de ladite Commission. Les membres du Gouvernement ont accès aux Commissions lors de l'étude des textes relevant de la compétence de leurs départements ministériels. Ils doivent être entendus s'ils le demandent et peuvent être accompagnés ou assistés de leurs collaborateurs.

Comme toutes les autres Commissions générales, la Commission des lois constitutionnelles élit au scrutin uninominal son bureau qui comprend : un président, un vice-président et deux secrétaires.

Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 22 du règlement de l'Assemblée nationale, les décisions des Commissions sont prises à la majorité simple des suffrages exprimés. Les rapports et les avis des Commissions doivent être approuvés en Commission avant leur dépôt devant le Bureau de l'Assemblée nationale.

§2 : LES POUVOIRS DE L'ASSEMBLEE NATIONALE

« Un pouvoir, pour le juriste, s'adosse toujours à une compétence : sa nature, son étendue et les modalités de son exercice sont déterminées par une règle antérieure, de telle sorte que l'on peut le considérer comme une force domestiquée par le droit et, par conséquent, docile à l'analyse juridique »102(*). Et la Constitution détermine en même temps que l'autorité chargée de la révision à savoir l'Assemblée nationale ou le peuple intervenant par voie référendaire, l'étendue de ses pouvoirs en ce domaine. C'est ainsi que la compétence pour réviser la Constitution est strictement définie par le Titre IX de la Constitution du 2 juin 1972103(*). Il y ressort que le constituant fait une distinction entre le pouvoir d'initiative (A) et le pouvoir d'adoption définitive de la révision (B).

A - Le pouvoir d'initiative

A la différence du pouvoir d'adoption qui, exception faite de la voie référendaire de révision, revient exclusivement aux parlementaires seuls d'exercer, ces derniers n'ont pas le monopole de l'initiative en matière de révision constitutionnelle. En effet, le pouvoir de proposer une révision de la Constitution est partagé entre le président de la République et les parlementaires. A cette limitation relative aux autorités titulaires du pouvoir d'initiative de la révision constitutionnelle (1), s'ajoutent deux autres non moins importantes tenant au moment (2) et à l'objet de la révision (3).

1 - Les titulaires du droit d'initiative

L'article 36 de la Constitution du 2 juin 1972 dispose clairement que « L'initiative de la révision de la présente Constitution appartient concurremment au président de la République et à l'Assemblée nationale... ». Il en résulte que le constituant a réservé le droit de proposer une révision constitutionnelle à deux catégories de personnes à savoir le président de la République (a) et les membres de l'Assemblée nationale (b).

a - Le président de la République

A l'instar de sa devancière du 4 mars 1960 amplement révisée par la loi constitutionnelle de 1961, la Constitution de 1972 reconnaît au président de la République le droit d'initiative en matière de révision constitutionnelle. Mais contrairement à celle-ci, la Constitution de 1960 subordonnait l'initiative présidentielle à une formalité particulière relative à l'avis du Conseil des ministres. C'est le sens de l'article 49 qui disposait que « L'initiative de la révision de la présente Constitution appartient concurremment au président de la République, le Conseil des ministres entendu... ». Cette exigence sera supprimée par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 ainsi que par la Constitution de 1972, laissant ainsi au président de la République la latitude de déclencher une procédure de révision constitutionnelle sans avoir à procéder à la demande d'un quelconque avis.

Cette compétence reconnue au président de la République est également légitimée par la doctrine. Le Professeur Philippe ARDENT justifie aisément cette confiance dont jouit le président de la République en cette matière lorsqu'il écrit : « N'a-t-il pas une vue d'ensemble sur le fonctionnement des institutions et n'est-il pas ainsi le plus en mesure d'être à l'origine des améliorations nécessaires ?»104(*). Cette solution se justifie davantage par la place prépondérante du président de la République dans le système politique camerounais et surtout par son rôle de garant de la Constitution.

La tradition constitutionnelle camerounaise est ainsi très favorable à l'initiative présidentielle en matière de révision constitutionnelle et toutes ses initiatives en ce domaine ont été adoptées tantôt par le peuple par voie référendaire105(*), tantôt par l'Assemblée nationale. En réalité, ce succès des projets de révision dû au monopole de fait du président de la République en matière constitutionnelle, était en plus favorisé par l'instauration, dès 1966 au Cameroun, d'un monopartisme de fait. Il en résultait en pratique que le président de la République pouvait sans crainte majeure soumettre ses projets de révision à l'Assemblée nationale dans laquelle siégeaient exclusivement les députés partageant les mêmes opinions politiques que lui.

b - Les députés à l'Assemblée nationale

Les députés à l'Assemblée nationale, représentants de la nation, détiennent eux aussi l'initiative de la révision. Et lorsque l'initiative émane d'un parlementaire, il s'agit d'une proposition de révision. Mais, contrairement au projet de révision à l'égard duquel le constituant ne formule aucune exigence particulière en dehors du bon vouloir présidentiel, une exigence de majorité est requise des parlementaires pour demander une révision constitutionnelle. Aux termes de l'article 36 alinéa 2 de la Constitution, toute proposition de révision doit être signée par un tiers au moins des membres composant l'Assemblée nationale. Cette exigence particulière relative à l'initiative parlementaire en matière de révision constitutionnelle peut apparaître sous un autre aspect comme avantageuse. En effet, mises en parallèle avec les majorités requises pour l'adoption définitive des textes de révision par les Assemblées constituantes, ces majorités sont raisonnables au regard de l'efficacité normative ; il est en effet logique qu'une proposition présentée au sein d'Assemblée normative par un nombre relativement élevé de membres de cette Assemblée ait des chances accrues d'être consacrée juridiquement106(*).

Mais, le pouvoir d'initiative du Parlement demeure plus théorique que réel, les exemples de révisions constitutionnelles réussies entreprises à la suite d'une initiative parlementaire étant inexistants au Cameroun. Pourtant, la reconnaissance aux parlementaires du droit de proposer une révision de la Constitution est traditionnelle en droit constitutionnel camerounais et satisfait au principe selon lequel les membres du Parlement sont les représentants de la souveraineté nationale. C'est sans doute la raison pour laquelle aucune condition particulière de majorité n'est exigée de leurs homologues français pour l'initiative de la révision. Mais, dans l'un et l'autre cas, au-delà des différences liées aux prescriptions constitutionnelles relatives à la plus ou moins grande facilité de mise en oeuvre du droit d'initiative de la révision constitutionnelle, force est de noter avec le Professeur Gérard CONAC que « dans la pratique constitutionnelle, le président dispose d'un monopole de fait. Seul le Chef de l'Etat peut prendre l'initiative de la révision et aucune procédure ne pourrait aboutir si dès le départ elle n'avait pas été souhaitée par lui et obtenu son accord »107(*).

Quoiqu'il en soit, tous les titulaires du droit d'initiative de révision doivent respecter des limitations posées par la Constitution du fait même qu'ils agissent en l'occurrence en tant que pouvoirs constitués. Les unes sont relatives au moment de la révision et les autres concernent l'objet de la révision.

2 - Le moment de la révision

En principe, la révision constitutionnelle peut intervenir à tout moment. Cependant, il n'en reste pas moins qu'une liberté totale dans le choix du moment de la révision serait une source d'instabilité voire d'incertitude institutionnelle. D'où la fixation par la Constitution des limitations relatives au moment de la révision. Le but de ces limitations est d'interdire la révision à certaines époques en raison des circonstances, afin d'éviter toute révision sous la pression des événements. Mais, le constituant n'est pas très explicite sur le moment pendant lequel aucune révision constitutionnelle ne peut être entreprise de telle sorte que la seule question y relative pouvant être considérée comme tranchée concerne l'intérim du président de la République (a). Reste donc en suspens la question de savoir si une révision constitutionnelle peut être entreprise alors que l'article 11 de la Constitution est en application (b).

a - L'intérim du président de la République

En droit constitutionnel tout comme en droit administratif, l'intérim peut être défini comme « le temps pendant lequel une fonction est remplie par un autre que son titulaire »108(*). En droit constitutionnel en particulier, l'intérim du président de la République correspond à la période de temps pendant laquelle le président de l'Assemblée nationale109(*) ou celui du Sénat110(*) assure la fonction présidentielle.

L'intérim ainsi entendu se distingue de la vacance qui correspond plutôt au « temps pendant lequel une fonction reste sans titulaire »111(*). L'article 7 alinéa b de la Constitution de 1972 dans sa mouture initiale disposait qu'en cas de vacance de la présidence de la République par décès ou par incapacité physique permanente constatée par la Cour Suprême, les pouvoirs du président sont exercés de plein droit par le président de l'Assemblée nationale jusqu'à l'élection du nouveau président. Mais il ne peut exercer toutes les prérogatives de celui dont il assure l'intérim. C'est ainsi que le président de la République par intérim ne peut modifier ni la Constitution, ni la composition du gouvernement. Cette limitation circonstancielle résulte du fait que la révision de la Constitution est un acte d'une grande importance politique et que l'urgence d'y procéder n'est pas telle qu'il faille en accorder l'exercice à un président de la République par intérim qui n'exerce ses foncions que pendant un temps relativement court. Agir autrement serait contraire au fait que c'est l'élection au suffrage du président de la République et l'importance de la charge qu'il assume qui justifient que la Constitution lui reconnaisse le droit de faire des propositions de révision de la Constitution.

A ce fondement juridique s'ajoute un autre de nature politique. Sur ce dernier aspect, il est question d'éviter que le président intérimaire ne profite de sa situation temporaire pour consulter le peuple camerounais alors qu'une élection présidentielle est en train de se dérouler. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la même interdiction, introduite dans la Constitution française du 4 octobre 1958 par la loi constitutionnelle du 6 novembre 1962 portant élection du président de la République au suffrage universel direct, reste en vigueur jusqu'à présent. Car elle ne visait pas à l'origine à empêcher au président intérimaire de modifier le texte constitutionnel en vigueur afin notamment de s'y maintenir. Mais elle tendait plutôt à éviter que pendant l'intérim, le Parlement n'en profite pour revenir sur une réforme à laquelle il était opposé en rétablissant l'ancien mode d'élection112(*). Toutefois, la position du constituant camerounais de 1972 n'est pas constante à cet égard et les multiples révisions de son article 7 l'attestent amplement. Trois exemples suffisent pour illustrer notre propos.

Le premier concerne la révision constitutionnelle du 9 juin 1979 qui faisait du premier ministre le dauphin constitutionnel du Chef de l'Etat. Elle faisait du premier ministre non pas le président de la République par intérim mais plutôt elle l'élevait purement et simplement au rang et à la dignité de président de la République pour la période du mandat présidentiel en cours.

Le deuxième exemple est fourni par la révision constitutionnelle de 1983 qui complète la précédente révision relativement aux prérogatives du président de la République par intérim. En effet, elle donnait au premier ministre investi des fonctions de président de la République dans les conditions prévues par la révision constitutionnelle du 9 juin 1979 le pouvoir d'organiser, s'il le jugeait nécessaire, la tenue d'élections présidentielles anticipées. Ces dispositions permettaient ainsi au nouveau président de la République de ne pas seulement tenir ses pouvoirs des dispositions constitutionnelles mais de rechercher s'il le jugeait utile, à asseoir sa légitimité et son autorité sur sa vocation populaire car selon l'article 2 de la Constitution les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d'élection au suffrage universel direct ou indirect.

Le dernier exemple est celui de la loi constitutionnelle du 4 février 1984 qui interdisait au président de la République par intérim non seulement de procéder à la modification de la Constitution et de recourir au référendum, mais aussi de se porter candidat aux élections organisées pour la présidence de la République.

b - La révision de la Constitution peut-elle avoir lieu lorsque son article 11 est en application ?

La Constitution n'est pas explicite sur cette question. Mais, il y a lieu de répondre par la négative. L'argument qui permet de justifier cette position peut être tiré de l'article 11 alinéa 2 de la Constitution initiale de 1972 qui dispose, entre autres, qu'en cas de péril grave menaçant l'intégrité du territoire, la vie, l'indépendance ou les institutions de la nation, le président de la République peut proclamer par décret l'état d'exception et prendre toutes les mesures qu'il juge nécessaires113(*). Il s'agit d'une réponse exceptionnelle à une circonstance présentant une gravité d'une rare ampleur pour le pays.

On est donc en droit d'affirmer que si les pouvoirs exceptionnels doivent être orientés vers la volonté d'assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et ce dans les moindres délais possibles, ces pouvoirs exceptionnels ne peuvent être utilisés pour modifier la Constitution. Les mesures prises en vertu de ces pouvoirs doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels et dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leurs fonctions. Les utiliser pour modifier la Constitution serait contraire à la volonté de maintien de celle-ci qui justifie les dispositions attribuant des pouvoirs exceptionnels au président de la République. Cette solution du Conseil constitutionnel français dans l'une de ses décisions relatives au Traité sur Union Européenne114(*), nous semble logique et partant transposable au Cameroun.

En conséquence, si le président de la République déposait en cette période un projet de révision constitutionnelle devant le Parlement, celui-ci devrait refuser de le voter. En revanche, si le Parlement adoptait un texte de révision constitutionnelle alors que le territoire est occupé, le président de la République ne devrait pas le promulguer sans pour autant violer la Loi fondamentale dont il est l'un des garants. Cette interprétation qui ne résulte pas de la lettre de la Constitution est néanmoins tout à fait conforme à son esprit.

3 - L'objet de la révision

Tous les articles de la Constitution de 1972 ne peuvent être révisés. La Constitution exclut en effet expressément du domaine de la révision certaines de ses dispositions. Ainsi, l'article 37 qui consacre cette limitation interdit toute révision qui porte atteinte à la forme républicaine, à l'unité et à l'intégrité de l'Etat et aux principes démocratiques régissant la République. Cette limitation à la compétence du pouvoir constituant dérivé est traditionnelle au Cameroun et figurait même déjà dans la Constitution du 4 mars 1960115(*). Elle a été maintenue par le constituant de 1972.

L'interdiction de réviser la forme républicaine de l'Etat peut s'entendre dans deux sens dont l'un étroit et l'autre étendu. Il s'agit de définir une certaine manière de désigner le Chef de l'Etat. Celui-ci doit l'être par la voie élective par opposition à la voie héréditaire. Synonyme d'Etat, l'expression République désigne toute organisation politique basée sur des règles bien précises et dépassant la personne même du président de la République116(*). Tout citoyen remplissant les conditions prescrites par la loi électorale peut accéder à la magistrature suprême du pays. Dans un sens étendu, la forme républicaine de l'Etat aurait un contenu comprenant un certain nombre de principes connus tels la laïcité de l'Etat, l'Etat de droit, l'égalité en droit et en devoirs, la liberté de culte et le libre exercice de sa pratique, le droit d'user, de jouir et de disposer des biens garantis à chacun, etc117(*). Seul le juge constitutionnel, en réalité, peut déterminer l'étendue précise du contenu de « la forme républicaine de l'Etat ».

On s'est interrogé sur la portée juridique de cette prohibition. Sur cette question, la doctrine est divisée. Certains auteurs soutiennent qu'elle n'a aucune valeur juridique et ne devrait être considérée que comme une prise de position politique, car rien n'interdit au pouvoir constituant dérivé de réviser les dispositions posant l'interdiction de sa révision avant de procéder à celle-ci. Dans la doctrine constitutionnelle française on range parmi les défenseurs de cette thèse les auteurs comme Léon DUGUIT118(*) qui ne voit en cette interdiction rien d'autre qu'une manifestation, un simple voeu dépourvu de valeur juridique. Dans la doctrine constitutionnelle camerounaise on relève également les partisans de cette thèse, notamment le Docteur Joseph KANKEU pour qui la valeur juridique d'une telle proposition est nulle, puisqu'à tout moment la Constitution peut être abrogée de manière révolutionnaire119(*). D'autres auteurs en revanche, défendent la valeur juridique de l'interdiction de réviser la forme républicaine de l'Etat. Un ardent défenseur de cette thèse est le Professeur Olivier BEAUD. Comme nous l'avons déjà noté à l'introduction de ce travail, selon cet auteur, le pouvoir constituant originaire est toujours illimité et le pouvoir constituant dérivé est toujours limité. En d'autres termes, comme Carl SCHMITT, il tire la valeur juridique de la limitation du pouvoir de révision directement de sa distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir de révision constitutionnelle120(*).

L'insertion de l'interdiction de réviser la forme unitaire de l'Etat apparaît dans le constitutionnalisme camerounais avec la loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution de 1960 aux nécessités du Cameroun unifié121(*). En revanche, l'interdiction relative à l'intégrité du territoire de l'Etat remonte à la Constitution de 1960. L'interdiction de remettre en cause l'unité et l'intégrité de l'Etat vise à éviter, dans un Etat pluriculturel comme le Cameroun, toute tentative de division. Il convient, pour saisir l'intérêt qui s'attache à cette interdiction, de la situer dans le contexte historique dans lequel elle est consacrée. La loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 crée la République Fédérale du Cameroun née de la « réunification » entre la République du Cameroun indépendant le 1er janvier 1960 et le Southern Cameroon qui avait choisi, à l'issue du plébiscite onusien de 1961, son rattachement à la République du Cameroun et non au Nigeria comme le choix lui en était offert.

Il apparut donc opportun de faire en sorte que tous les citoyens de la fédération aient à l'esprit ces facteurs minimaux de solidarité et d'homogénéité que sont l'unité nationale et l'unité du territoire122(*). Mais, l'unité et l'intégrité du territoire ne signifient pas uniformité dans la mesure où la culture juridique anglaise est largement partagée au sein du groupe culturel anglophone du pays tout comme la culture française l'est dans l'ex-Cameroun oriental.

Qu'en est-il des principes démocratiques également exclus du domaine d'action du pouvoir constituant dérivé ? La consécration constitutionnelle de l'intangibilité des principes démocratiques est une exigence constante des sociétés modernes. Il n'est donc pas étonnant de constater que les Constitutions successives du Cameroun ont toujours exclu les principes démocratiques des dispositions susceptibles de révision, leur but étant à terme l'enracinement de la démocratie dans le pays. Cette protection évite le retour à l'époque de la dissidence politique. Il met par conséquent tout citoyen camerounais à l'abri de l'arbitraire, du moins formellement. On en déduit qu'aucun citoyen camerounais ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique. Ainsi se trouvent garanties certaines libertés comme la liberté d'expression, la liberté de presse, la liberté de réunion, la liberté d'association, la liberté syndicale ainsi que le droit de grève. Même les partis politiques bénéficient de cette protection des principes démocratiques qu'ils doivent en contrepartie contribuer à promouvoir. L'article 3 de la Constitution dispose à cet égard que les partis et formations politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités conformément à la loi. Ils doivent respecter les principes de la démocratie. Dans la pratique cependant, il a fallu attendre la session de décembre 1990 dite des libertés pour voir le législateur se plier à cette exigence de la démocratie.

De ce qui précède donc, on peut constater que la liberté est la pierre angulaire de la démocratie et, à ce titre, elle est située au coeur des principes démocratiques tout comme l'égalité ou le suffrage123(*). On pourra y ajouter l'organisation des élections libres et discutées124(*).

Notons toutefois pour terminer qu'en l'absence d'une liste, même indicative de ces principes démocratiques établie par le constituant ou par le législateur ordinaire, seul le juge constitutionnel pourra donner un contenu à l'expression « principes démocratiques qui régissent la République »125(*).

B - Le pouvoir d'adoption

Le pouvoir d'adoption définitive du texte de révision est le plus important dans la procédure de révision constitutionnelle, car c'est lui qui donne naissance à l'acte de révision constitutionnelle. Ainsi, un projet de révision ou une proposition de révision ne peut devenir une loi constitutionnelle que grâce à cette compétence reconnue au Parlement de les examiner (1) et de les voter (2).

1 - L'examen des projets et propositions de révision constitutionnelle

Avant leur adoption définitive, les projets de textes soumis au Parlement doivent faire l'objet de discussions ou de débats. Ceux-ci se déroulent tant lors de leur examen en Commission des lois constitutionnelles (a) qu'en Assemblée plénière (b).

a - En Commission des lois constitutionnelles

L'examen d'un projet ou d'une proposition de révision en Commission des lois constitutionnelles constitue le début de l'oeuvre constituante. C'est la Conférence des présidents qui est compétente pour soumettre un projet ou une proposition de révision à l'examen de la Commission des lois constitutionnelles126(*). Elle le fera après avoir décidé de sa recevabilité, notamment si le projet ou la proposition de révision est conforme à l'article 37 de la Constitution ci-dessus analysé.

Dans l'examen au fond, la Commission est compétente pour étudier, critiquer et amender le texte à elle soumis. Les travaux en Commission donnent lieu aux débats qui se déroulent en trois périodes. La première période est celle de la lecture des motifs du texte et de la discussion générale sur ce texte. Pendant cette période, la discussion ne porte que sur l'opportunité du texte, et éventuellement la politique générale de la matière sur laquelle il porte. La deuxième période est celle de l'examen des dispositions internes du texte. A ce stade, des corrections et amendements peuvent être proposés. Enfin, la discussion du texte se poursuit pendant l'adoption du texte par la Commission. En Commission, le texte est adopté à la majorité simple des suffrages exprimés127(*). A ce stade, le rapporteur désigné par la Commission résume les discussions auxquelles a donné lieu l'examen du texte. C'est ce rapporteur qui va conclure soit au rejet, soit à l'existence d'amendement, soit à la proposition d'adoption du texte examiné.

Les projets et les propositions de révision étudiés en Commission et jugés recevables sont ensuite communiqués à l'Assemblée nationale au cours d'une séance plénière.

b - En Assemblée plénière

En Assemblée plénière, les textes faisant l'objet des débats sont ceux qui n'ont pas été rejetés, c'est-à-dire ceux qui ont reçu un avis favorable de la Commission des lois constitutionnelles et ont été inscrits à l'ordre du jour.

La satisfaction de cette double condition entraîne l'ouverture des discussions publiques. A ce niveau, des exemplaires du texte sont distribués à tous les députés en français et en anglais. Le travail se fait de façon méthodique sous la supervision du président de l'Assemblée nationale qui est en même temps le modérateur et président de séance. Il dirige les débats avec rigueur et doit éviter tout dépassement du temps de parole accordé aux députés.

L'étude d'un texte en Assemblée plénière commence par la discussion générale et se termine par la discussion sur les articles du texte. La discussion générale est organisée avec rigueur afin d'éviter les débordements du temps de parole par les députés et autres intervenants dans l'hémicycle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le temps de parole est strictement encadré par le règlement de l'Assemblée nationale.

En dehors du président de séance, il existe d'autres catégories d'intervenants à savoir le représentant du Gouvernement, ceux des groupes parlementaires, les rapporteurs et les non apparentés128(*). En Assemblée plénière, l'intervention gouvernementale vise à éclairer les parlementaires sur les raisons qui ont conduit à l'élaboration du texte en discussion. Le Gouvernement va donc défendre son projet de révision en discussion devant les représentants de la nation.

La Commission est ensuite appelée à donner lecture de son rapport en plénière. Les représentants de groupes parlementaires peuvent intervenir à ce niveau, à leur demande, pour donner leur point de vue sur le texte en discussion. Ces nombreuses interventions pourraient être interminables s'il n'y avait pas dans l'hémicycle un président de séance modérateur. C'est dans cette perspective que l'article 34 du règlement de l'Assemblée nationale dispose : « Le président ouvre la séance, dirige les débats, fait observer le Règlement et maintient l'ordre (...) ». Fort de ces attributions, le président de l'Assemblée nationale doit éviter que les débats ne s'enlisent ou ne deviennent ennuyeux et que certains orateurs n'utilisent leur temps de parole de manière dilatoire. Dans tous les cas, il appartient au président de la Chambre de diriger les débats et de faire régner la discipline. Cette phase est suivie des débats sur le texte article par article.

La discussion du texte article par article commence après l'audition du gouvernement, de la lecture du rapport de la Commission des lois constitutionnelles et l'enregistrement des réactions suscitées des divers orateurs. C'est un travail très éprouvant, car le texte doit être étudié de manière détaillée.  Certains textes contiennent un nombre impressionnant d'articles. Le président de séance doit s'arrêter et s'enquérir des réactions des députés sur chaque article du texte en discussion. Ce travail rigoureux des parlementaires en séance plénière se prolonge très souvent dans la nuit et s'achève parfois à l'aube le lendemain129(*).

De ce qui précède, on peut penser qu'un projet de texte de révision constitutionnelle comme d'ailleurs tout projet de texte ordinaire, ne peut faire l'objet d'un examen sérieux et approfondi que s'il n'est pas déposé de manière tardive sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Tel n'est pourtant pas toujours le cas dans la pratique, car le Gouvernement procède souvent au dépôt tardif des projets de loi sur le Bureau de l'Assemblée nationale, parfois même à quelques jours de la fin de la session130(*) alors que la Chambre ne dispose que d'un mois pour les adopter.

2 - Le vote du texte de révision

C'est l'adoption d'un texte de révision par l'Assemblée nationale qui donne naissance à la loi constitutionnelle. Toute difficulté découlant soit des amendements, soit d'un aspect précis du texte doit préalablement trouver une solution de consensus. Or, il est rare qu'un texte bénéficie d'un tel consensus ; d'où l'intervention du vote.

Le vote d'une loi constitutionnelle est régi par la Constitution du 2 juin 1972 dont l'article 36 alinéa 3 dispose que la révision, lorsqu'elle est présentée devant l'Assemblée nationale à l'initiative des députés ou du président de la République, est « votée à la majorité des membres composant l'Assemblée nationale ».

Cette disposition mérite d'être analysée attentivement car elle recèle des lacunes. Elle frappe d'abord par son imprécision relativement à la majorité requise pour qu'un projet ou une proposition de révision soit adoptée par l'Assemblée nationale. En effet, l'alinéa 3 de l'article 36 précité indique vaguement que la révision est votée à la majorité des membres composant l'Assemblée nationale. De quelle majorité s'agit-il en réalité ? L'importance de cette question est attestée par le fait qu'il est admis en doctrine constitutionnelle que c'est surtout dans les majorités requises à l'Assemblée de révision pour voter le texte de révision que cet organe se démarque du Parlement siégeant ès qualité. Rappelons qu'en matière constitutionnelle, on distingue trois types de majorité. D'abord, la majorité absolue qui exige du texte soumis au vote plus de la moitié des voix pour son adoption. Ensuite, la majorité qualifiée qui est celle exigeant des conditions plus difficiles à réunir que la majorité absolue à l'instar de la majorité des deux tiers. Enfin, la majorité relative ou simple qui conditionne l'adoption du texte à la seule exigence que ses défendeurs réunissent plus de voix que n'en ont obtenu ses détracteurs.

Au regard de ce qui précède, on pourrait conclure que la majorité exigée par la Constitution pour sa révision par voie parlementaire est la majorité simple. Telle n'est cependant pas l'interprétation qu'en fait une partie de la doctrine pour qui il s'agirait vraisemblablement de la majorité absolue131(*). S'agissait-il d'une erreur de rédaction ou d'une volonté du constituant de 1972 de faciliter le vote du texte de révision en première lecture ? La question est restée sans réponse notamment en raison du fait que l'Assemblée dans le cadre de la sa législation tant en matière législative que de révision constitutionnelle a pendant longtemps brillé par sa promptitude à adopter les projets de texte initiés par le président de la République132(*).

En revanche, le constituant est plus explicite en ce qui concerne la majorité requise pour l'adoption du texte de révision lorsqu'une seconde lecture de ce dernier est demandée par le président de la République. En effet, il ressort clairement de l'article 36 alinéa 4 de la Constitution que dans ce cas, « la révision est votée à la majorité des deux tiers des membres composant l'Assemblée nationale ».

En tout état de cause, le vote du texte de révision connaît plusieurs modalités. Il peut se faire soit à main levée, soit au bulletin secret ; il peut également être personnel ou s'opérer par procuration.

Au terme du vote, deux situations sont susceptibles de se présenter. La première est celle où le Parlement rejette le texte de révision par un vote négatif. Bien qu'elle n'ait jamais existé dans la pratique des révisions constitutionnelles au Cameroun, cette hypothèse appelle la curiosité relativement aux pouvoirs du président de la République en cas de défaut d'adoption. La question théorique qu'elle suscite est en effet la suivante : ayant choisi de soumettre un projet ou une proposition de révision au Parlement et la révision ayant été rejetée, le président de la République peut-il recourir s'agissant du même projet ou de la même proposition de révision, à l'autre mode d'adoption qu'est la voie référendaire ?

La Constitution de 1972 n'a pas explicitement envisagé cette hypothèse. Elle ne permet pas expressément au Chef de l'Etat de recourir au référendum si l'Assemblée nationale a refusé d'adopter le texte de révision à elle soumise ou de recourir à l'Assemblée nationale si le référendum a échoué. La doctrine constitutionnelle, française notamment, est divisée sur la question, étant entendu que cette dernière n'a également reçu aucune réponse de la Constitution du 4 octobre 1958. Pour le Professeur Dmitri Georges LAVROFF, le président de la République n'aurait certainement pas la possibilité de soumettre au référendum une proposition de révision de la Constitution rejetée par le congrès. Ce serait pour l'auteur, opposer le peuple souverain à ses représentants élus au Parlement, ce qui n'est pas conforme à l'idée du mandat représentatif133(*). Cette position est remise en cause par le président Philippe ARDENT qui pense que le blocage résultant de l'opposition du congrès pourrait être surmonté par le recours au peuple. Ce serait donc une sorte de procédure d'appel à l'arbitrage populaire après que les Assemblées se soient prononcées134(*). Mais, on voit mal un président de la République jouant successivement le Parlement contre le peuple ou, inversement, le peuple contre le Parlement. En outre, il existe une impossibilité juridique à un tel jeu, car le projet ou la proposition de révision rejetée par le Parlement ou le peuple deviennent caducs.

Au Cameroun en tout cas, la Constitution ne semble pas avoir écarté cette faculté pour le président de la République de recourir au peuple par voie référendaire lorsque le Parlement n'a pas pu adopter la révision ou alors à celui-ci lorsque la révision a été rejetée par celui-là. Cette interprétation découle du dernier alinéa de l'article 36 de la Constitution du 2 juin 1972 qui indique que le président de la République peut décider de soumettre toute révision au référendum populaire. Ainsi, bien que politiquement délicat pour le président de la République qui peut se trouver doublement désavoué, il est juridiquement possible pour lui de recourir au peuple pour trancher une question constitutionnelle. Ce point était pourtant réglé de manière à éviter au président de la République ce risque sur le plan politique par l'article 49 de la Constitution du 4 mars 1960 qui disposait clairement : « Au cas où la loi, sans avoir été adoptée par la majorité qualifiée ci-dessus, aura cependant été votée à la majorité composant l'Assemblée, elle est soumise au référendum populaire ».

La seconde situation est celle où le texte est adopté par l'auguste Chambre. Elle met alors un terme à la phase parlementaire dans la procédure de révision constitutionnelle. Car la procédure de révision de la Constitution ne s'arrête pas dès l'adoption du texte de révision par l'Assemblée nationale. Techniquement en effet, un certain nombre d'actes juridiques sont nécessaires pour que le texte auquel elle a abouti soit considéré comme juridiquement parfait, à savoir la promulgation et la publication des dispositions constitutionnelles dans leur version révisée.

Ces deux mécanismes qui consacrent l'aboutissement du processus d'élaboration de la loi ne doivent pas être confondus. La promulgation est l'acte par lequel le Chef de l'Etat constate officiellement l'existence d'une loi et la rend exécutoire alors que la publication est l'insertion au Journal Officiel de la loi. La promulgation précède et conditionne la publication des lois. Elle est une prérogative du Chef de l'Etat. Il doit l'exercer dans un délai de 15 jours à compter de la transmission de ces dernières s'il ne formule aucune demande de seconde lecture ou s'il n'en saisit le Conseil constitutionnel135(*). Cependant, l'article 31 alinéa 2 de la loi constitutionnelle de 1996 précise qu'à l'issu de ce délai, et après avoir constaté sa carence, le président de l'Assemblée nationale peut se substituer au président de la République. La date de la promulgation est celle de la signature du texte par le président de la République.

Au total, l'Assemblée nationale malgré son caractère antidémocratique tient sa compétence révisionniste de la Constitution. Des imprécisions caractérisent, certes, jusqu'aujourd'hui les pouvoirs du président de la République surtout dans l'hypothèse où elle aurait rejeté un projet voire une proposition de révision. Mais, on peut penser qu'elles ont jusqu'à présent un caractère théorique comme l'attestent les révisions constitutionnelles intervenues avant ou après 1991 au Cameroun.

Section 2 : LES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE

La révision constitutionnelle peut être définie comme « une réformation juridique de la Constitution opérée par le pouvoir constituant selon les formes et des conditions particulières en tout cas inusitées dans la production des normes infra-constitutionnelles, afin de tenir compte d'exigences nouvelles tout en s'assurant de la continuité du régime »136(*). Il ressort de cette définition que l'opération de révision constitutionnelle répond à deux nécessités. D'une part, l'adaptation du statut de l'Etat qui ne saurait prétendre à une immutabilité absolue, aux besoins nécessairement changeants de la société. D'autre part, la stabilité des institutions qu'il ne conviendrait pas de modifier à tout propos et trop fréquemment.

Deux révisions constitutionnelles sont intervenues au Cameroun au cours de l'année 1991. Elles resteront dans l'histoire constitutionnelle de ce pays comme les dernières modifications de la Constitution de 1972 opérées par une Assemblée nationale monolithique. Par ailleurs, ces révisions interviennent à une époque charnière de la vie politique nationale et internationale caractérisée dans le premier cas par la contestation de la légitimité des dirigeants en place par une opinion publique lasse d'être résignée et, dans le second cas, par les événements tels la chute du mur de Berlin, l'effondrement du régime politique soviétique, l'introduction de la conditionnalité démocratique dans les relations Nord-Sud, etc.

Ces considérations sont d'une importance non négligeable dans l'étude des révisions constitutionnelles opérées en 1991. La révision du 23 avril 1991 consacre de ce point de vue une évolution sans précédent du régime politique camerounais depuis 1972 et justifie l'attention particulière de la doctrine à son égard contrairement à celle intervenue au mois de décembre de la même année.

Il convient dès lors d'examiner successivement ces deux révisions, à savoir la révision constitutionnelle du 23 avril 1991 (§1) et celle du 16 décembre de la même année (§2).

§1 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 23 AVRIL 1991

Au regard de ce qui précède, une étude de la révision constitutionnelle du 23 avril 1991 se fera au prisme d'une double interrogation. La première est classique et concerne la procédure de révision adoptée par les pouvoirs constitués compétents (A). La seconde, tout aussi classique, renvoie aux innovations apportées par la loi de révision. A cet égard, ces dernières s'analysent d'emblée en une réponse des pouvoirs publics aux demandes de démocratisation du régime politique institué au Cameroun par la Constitution de 1972 (B).

A - La procédure de révision

La procédure d'élaboration de la loi constitutionnelle promulguée le 23 avril 1991 est originale. En effet, elle avait été initiée dans des circonstances particulières qui ont conduit le président de la République à annoncer son intention de la mettre en oeuvre (1). A ce titre, l'adoption du texte de révision proprement dite apparaissait incontestablement comme la concrétisation d'une promesse politique (2).

1 - L'initiative présidentielle de la révision

L'annonce présidentielle d'initier une révision de la Constitution a été faite au cours d'un entretien télévisé du 11 avril 1991 pendant lequel le Chef de l'Etat informe le peuple camerounais de son intention de procéder à une réforme des institutions en place afin d'y introduire un poste de premier ministre, Chef du Gouvernement. Intéressante apparaît alors la question de savoir ce qui justifie cette intention délibérée du président de la République du Cameroun de rompre avec le monocéphalisme de l'Exécutif qu'il avait paradoxalement contribué à instaurer dès les premières années de son accession à la magistrature suprême du pays.

La doctrine a eu à répondre à cette préoccupation. A ce sujet, le Professeur Maurice KAMTO écrit que « cette révision apparaît comme un acte de sauvetage d'un régime au bord de l'effondrement »137(*). Cette thèse est corroborée par l'analyse des événements qui précèdent cette annonce, lesquels ressortent clairement des travaux de cet auteur. Trois de ces événements sont particulièrement éclairants et méritent à ce titre de retenir l'attention. D'abord, le procès YONDO et les autres est souvent cité au premier chef. Le 19 février 1990, la police effectue une perquisition à l'étude de Maître YONDO, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats du Cameroun, prétextant y saisir les statuts d'un parti politique que ce dernier serait en train de créer, ainsi que l'exposé de politique générale dont il serait l'auteur. La perquisition s'avère infructueuse. C'est finalement à son domicile que Maître YONDO remet aux mains de la police un document intitulé « Coordination nationale pour la démocratie et le multipartisme » et affirme ne détenir de statuts d'un quelconque parti politique138(*). Il sera quand même appréhendé par la police. Son arrestation fut suivie par celle de neuf autres personnes présumées complices 139(*). Le 13 mars 1990, ils sont accusés par le Gouvernement de « tenue de réunions clandestines », «confection et diffusion de tracts hostiles au régime, outrageants à l'endroit du président de la République et incitant à la révolte ».

Ainsi débute l'affaire YONDO et autres au cours de laquelle le Barreau va se révéler extrêmement critique à l'égard du pouvoir. L'opinion publique nationale et internationale en est informée. Le verdict du procès de Maître YONDO et de ses co-accusés qui s'ouvre le 30 mars devant une juridiction d'exception, le Tribunal militaire de Yaoundé, tombe le 5 avril de la même année et les condamnations retenues n'ont rien à voir avec le multipartisme, lequel était paradoxalement la cause de leur arrestation140(*).

Ensuite, tirant parti de la déclaration du Gouvernement selon laquelle Maître YONDO et les autres n'avaient pas été arrêtés pour avoir voulu créer un parti politique, Monsieur John FRU NDI dépose, le 16 mars 1990 auprès des autorités administratives de la province du Nord-Ouest, une demande de légalisation d'un parti qu'il venait de créer et annonce que si au bout de deux mois son parti n'était pas légalisé, il n'hésiterait pas à lancer ses activités. Et de fait, devant le silence de l'Administration, ce politicien convoqua pour le 26 mai 1990 un meeting constitutif à Bamenda. Passant outre les mises en garde des autorités administratives déclarant cette réunion publique illégale, le SDF tint son meeting à la date prévue. Le meeting est suivi de violents affrontements avec les forces de l'ordre141(*).

Puis, l'Assemblée nationale adopte le 19 décembre 1990 une série de lois parmi lesquelles la loi relative aux partis politiques. On assiste alors à la création des partis politiques qui vont rapidement se regrouper au sein d'une Coordination de l'opposition. Leur première revendication est l'organisation d'une Conférence nationale souveraine à laquelle le Chef de l'Etat oppose un refus sans appel. L'opposition descend dans la rue pour protester ; l'armée et les autres forces de sécurité interviennent durement. La violence s'installe.

Enfin, survient l'affaire MONGA-NJAWE. En effet, dans sa livraison du 27 décembre 1990, le journal Le Messager, dont le directeur de publication est Pius NJAWE, publie une « Lettre à Paul Biya » rédigée par Monsieur Célestin MONGA et intitulée « La démocratie brusquée ». Le contenu de cette lettre recèle des termes particulièrement cinglants vis-à-vis des autorités chargées de diriger l'Etat : il ne ménage en effet ni la Justice camerounaise « à la botte du pouvoir exécutif » et « qui condamne en priorité ceux qui n'ont pas su corrompre le tribunal », ni l'Assemblée nationale où « des députés illettrés votent clandestinement, sans publicité, des lois qui engagent l'avenir de tout un peuple »142(*). Et le 7 janvier 1991, Messieurs Célestin MONGA et Pius NJAWE et Le Messager font l'objet d'une citation directe du procureur de la République sur les chefs d'accusations suivants : « outrage au président de la République, aux Cours et tribunaux et à l'Assemblée nationale »143(*). Le procès ainsi amorcé connaît un écho sans précédent dans le pays. Le verdict rendu à l'issue de ce procès déclare les prévenus non coupables d'outrage au président de la République et ordonne leur relaxe pour défaut d'élément légal de l'infraction, mais déclare leur culpabilité en ce qui concerne l'outrage aux Cours et tribunaux144(*).

Au début du mois d'avril 1991, les étudiants entrent dans l'action et soutiennent ouvertement les principales thèses de l'opposition, notamment la revendication de la Conférence nationale souveraine145(*).

Ce fut dans ce contexte de crises politiques caractérisées par la violence que le président de la République soumit à l'examen de l'Assemblée nationale le projet de révision visant, entre autres innovations, la restauration du poste de premier ministre.

2 - L'adoption du texte de révision

L'adoption du texte de révision promulgué le 23 avril 1991 porte les signes avant coureurs d'une rupture sans précédent dans l'histoire parlementaire du Cameroun monopartiste. Quelle en est la manifestation ?

Un point majeur témoigne de cette rupture : la mise en oeuvre, pour la première fois, du droit d'amendement des députés. En effet, longtemps considérée comme une «Chambre d'enregistrement » des projets de texte soumis à son examen, l'Assemblée nationale s'est montrée au cours de la session extraordinaire d'avril 1991, comme étant la « puissance légiférante »146(*). Car lors de cette session, les députés ont, pour la première fois dans l'histoire constitutionnelle du Cameroun monopartiste, proposé des amendements de fond au projet de révision à eux soumis.

Certes, l'unanimité avait prévalu relativement à l'idée de l'institution d'un premier ministre, Chef du gouvernement. Mais, les députés souhaitaient aussi introduire dans ce projet de révision la limitation du mandat présidentiel à deux ou à trois147(*). Bien plus, ils entendaient y supprimer la disposition reconnaissant au président de la République le pouvoir discrétionnaire de dissoudre l'Assemblée nationale148(*).

Ces propositions d'amendements, approuvées lors des débats de la Commission des lois constitutionnelles, auraient été supprimées du rapport de ladite Commission avant sa présentation en séance plénière149(*). Toutefois, en dépit de cette infortune des propositions parlementaires d'amendement, elles constituaient incontestablement, une rupture dans la pratique camerounaise des révisions constitutionnelles. D'autant qu'elles intervenaient dans un contexte où prévalait la logique du monolithisme.

Ainsi, après la manifestation par la société civile de son intention d'oeuvrer à l'avènement d'un ordre juridique plus propice à l'exercice des libertés, la session extraordinaire du 23 avril 1991 devait donner l'occasion au Parlement de dévoiler sa volonté de rompre avec ses anciennes habitudes. La révision constitutionnelle du 23 avril 1991 lui fournissait alors, à la fois, le cadre et le moment de l'exprimer même si les propositions d'amendements formulées à l'occasion ne furent pas retenues. Que retenir alors du texte issu de cette révision promulgué le 23 avril de la même année ?

B - La loi de révision

La loi constitutionnelle ainsi adoptée et promulguée introduit d'importantes innovations dans la Constitution en vigueur. Son examen révèle une déconcentration de l'Exécutif (1) ainsi qu'une rénovation du Parlement (2).

1 - La déconcentration de l'Exécutif

L'Exécutif issu de l'acte de révision constitutionnelle n'est plus monocratique, c'est-à-dire qu'il n'est plus confié à un seul homme, en l'occurrence le président de la République comme c'était le cas jusque-là. Il comprend désormais un poste de premier ministre sans qu'il ne s'agisse d'un véritable bicéphalisme du pouvoir exécutif. Il s'ensuit a priori un bicéphalisme (a) qui est en réalité un monocéphalisme (b).

a - L'apparence du bicéphalisme

Une première lecture de la loi constitutionnelle du 23 avril 1991, inscrite dans le contexte du multipartisme, peut conduire à interpréter la création d'un poste de premier ministre comme valant institution d'un Exécutif bicéphale. Dans ce sens, deux arguments peuvent être invoqués : l'un tenant au rôle de cet organe et l'autre à son pouvoir.

Relativement à son rôle, le premier ministre, en tant qu'autorité distincte du Chef de l'Etat est, aux termes de l'article 9 de la loi constitutionnelle de 1991 qui l'institue, « Chef du gouvernement ». Il dépouille le président de la République d'un de ses titres et de plusieurs de ses rôles. Ainsi, le président de la République demeure seulement Chef de l'Etat tandis que le premier ministre est chargé de diriger l'action du Gouvernement. Le premier ministre dispose en outre d'un pouvoir d'initiative en matière de nomination des autres membres du Gouvernement, c'est-à-dire celui de choisir les membres composant celui-ci pour les proposer ensuite à la nomination du président de la République. Aussi était-on en droit de penser de ce qui précède que le premier ministre a également compétence pour proposer au président de la République la révocation d'un ministre, quel qu'il soit. Bien que la loi constitutionnelle ne consacre pas expressément cette solution, il n'en demeure moins qu'elle est parfaitement conforme au principe du parallélisme des formes et des procédures. De la sorte, elle reste théoriquement envisageable.

Le premier ministre est également chargé de l'exercice d'autres attributions jusqu'ici réservées au Chef de l'Etat. C'est ainsi qu'il est chargé de l'exécution des lois ; exerce le pouvoir réglementaire ; nomme aux emplois civils et dirige tous les services administratifs nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Il peut aussi déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres, secrétaires d'Etat et à des hauts responsables de l'administration de l'Etat150(*). S'y ajoute son droit d'accès à l'Assemblée nationale où il peut, s'il le souhaite, participer aux débats151(*).

Le premier ministre, Chef du gouvernement, partage ainsi avec le président de la République, Chef de Etat, le pouvoir de nomination, ce qui confère à celui-là un statut particulier permettant de le distinguer des autres ministres l'ayant précédé à ce poste. En effet, le rôle et le pouvoir de nomination confiés au premier ministre par la loi constitutionnelle de 1991 le distinguent des autres premiers ministres qui l'ont précédé depuis 1975 : ces derniers n'étaient ni Chefs du gouvernement, ni n'avaient de pouvoirs autonomes de nomination. Ces rôles et pouvoirs étaient tous conférés au Chef de l'Etat. Et les multiples révisions constitutionnelles opérées depuis 1975 n'avaient jamais remis en cause ce monopole de jure du Chef de l'Etat.

Comme on le voit, la déconcentration du présidentialisme camerounais ainsi réalisée est, à la différence des précédentes, plus poussée. Il s'agit cependant d'une différence quantitative, de degré qui cache mal la réalité du monocéphalisme.

b - La réalité du monocéphalisme

Une seconde lecture plus approfondie de la loi constitutionnelle du 23 avril 1991 conduit à une interprétation différente de la précédente. L'Exécutif y demeure dans une large mesure monocéphale. A l'appui de cette thèse, on peut invoquer au moins quatre raisons.

La première est qu'à la simple lecture du texte de révision, le premier ministre ne semble pas être un organe autonome. Comme ses devancières, la révision de la Constitution de 1991 ne lui réservait pas une place spéciale en lui consacrant un titre particulier comme c'est le cas pour les autres organes principaux de l'Etat. Il est simplement logé au titre II intitulé « Du président de la République », ce qui révèle déjà sa dépendance à l'égard de ce dernier.

La deuxième est précisément cette dépendance étroite dans laquelle il se trouve vis-à-vis du président de la République. En effet, nommé par celui-ci, le premier ministre est également responsable devant lui, qui peut, sinon le révoquer ad nutum, à tout le moins le forcer à présenter la démission de son gouvernement. Cette position institutionnelle en fait déjà un simple organe déconcentré.

La troisième raison est que la loi constitutionnelle ne précise pas dans certaines matières l'étendue des compétences du premier ministre de sorte qu'on peut conclure que celui-ci n'y détient qu'une marge de manoeuvre sinon théorique, du moins résiduelle.

Enfin, la quatrième raison, qui est la principale, et vient confirmer les autres est tirée de la pratique institutionnelle postérieurement à ce retour de l'institution primo-ministérielle. A cet égard, on peut dire que l'Exécutif n'est pas partagé entre le Chef de l'Etat et le Chef du gouvernement. La réforme visait manifestement à instaurer un poste de premier ministre conçu pour jouer le rôle de « servant »152(*) sans pour autant que soit portée atteinte à la centralité du président de la République au sein du pouvoir exécutif. A preuve, après sa nomination au poste de premier ministre le 25 avril 1991, Monsieur Sadou AYATOU ne put ni former le gouvernement de large ouverture et fortement rajeuni qu'il avait promis, ni mener effectivement la politique de réconciliation qu'il avait annoncée ; il apprit la composition du nouveau gouvernement dont il était sensé être le Chef presque à la radio comme le commun des citoyens153(*). Dans le même ordre d'idées, Monsieur Simon ACHIDI ACHU qui lui a succédé à la primature était confiné aux cérémonies folkloriques avec les Chefs traditionnels154(*). Il n'avait ni l'initiative politique, ni même l'autorité sur les membres de son gouvernement, la quasi-totalité des ministres se réclamant directement du président de la République. Ce qui atteste qu'il ne s'agissait que d'une simple déconcentration de l'Exécutif dans lequel le premier ministre n'était, par rapport aux autres membres du Gouvernement, qu'un primus inter pares.

Un tel régime ne peut cependant fonctionner normalement que s'il y a coïncidence entre majorité présidentielle et majorité parlementaire ou si le président de la République est capable de se composer une majorité à l'Assemblée nationale afin de désigner un premier ministre qui s'appuierait sur ladite majorité. Mais, qu'adviendrait-il alors en cas d'opposition entre majorité présidentielle et majorité parlementaire ? Le président de la République serait-il tenu de choisir le premier ministre dans les rangs du parti ou des partis majoritaires à l'Assemblée nationale selon une pratique républicaine fort établie dans la plupart des vieilles démocraties, ou aurait-il la latitude de le choisir même dans les rangs d'un parti numériquement minoritaire au Parlement ? Et surtout, comment pourrait se gérer la cohabitation au regard de la loi constitutionnelle analysée ?

Il serait assurément difficile d'envisager une cohabitation à la française dans la mesure où la Constitution révisée ainsi que les moeurs politiques camerounaises n'en créent pas les conditions ; elles ne permettent pas à un président de la République et un premier ministre issus de majorités opposées de gouverner ensemble sans trop de heurts tout en conservant chacun son identité politique. Une situation de cohabitation obligerait simplement le premier ministre à appliquer une politique qui n'est pas celle sur laquelle la majorité parlementaire qu'il représente a été élue155(*).

En définitive, le système mis en place par la révision du 23 avril 1991 était extrêmement rigide et ne laissait le choix qu'entre l'assimilation du premier ministre à la majorité présidentielle et sa démission. Pour cette raison, elle était potentiellement source de crises politiques dans un régime où le Parlement tend à se revigorer et essaie, bien difficilement il est vrai, de jouer son rôle de contrôle de l'Exécutif.

2 - L'extension des compétences du Parlement

Pour la première fois dans le droit constitutionnel camerounais de la seconde République156(*), le Parlement était doté des pouvoirs reconnus depuis belle lurette à ses homologues des régimes parlementaires à l'instar du Royaume-Uni, pour ne retenir que cet exemple classique. Le Parlement pouvait désormais contrôler et sanctionner le gouvernement en plus de sa compétence législative classique (a) même si l'innovation reste limitée à cause de redoutables pouvoirs que le président de la République pouvait exercer sur lui (b).

a - Le pouvoir de contrôle et de sanction politiques du Gouvernement

A sa lecture, force est de noter que la révision constitutionnelle de 1991 avait consacré au profit du Parlement camerounais, une compétence qu'il ne disposait pas jusque-là, à savoir le pouvoir de contrôler et de sanctionner le Gouvernement. Avant cette révision en effet, le Parlement ne disposait dans la meilleure hypothèse que de la faculté de s'informer sur l'activité gouvernementale, bien entendu à côté de sa compétence législative. Il n'avait aucun pouvoir de contrôle et de sanction de l'activité gouvernementale. Ainsi, il ne pouvait, sans porter atteinte à la Constitution, s'immiscer dans les affaires du Gouvernement. L'article 28 de la Constitution disposait significativement que l'Assemblée nationale « peut s'informer sur l'activité gouvernementale... ». Il en résultait une limitation critiquable de ses compétences surtout en cette période de démocratisation où on assistait, un peu partout à travers le continent africain, sauf exception rare, à une entrée massive des partis politiques d'opposition dans des Parlements jadis monolithiques. De ce point de vue, le Parlement camerounais ne pouvait normalement jouer les rôles d'un Parlement en régime démocratique.

Après la révision constitutionnelle d'avril 1991, cette époque où le contrôle parlementaire de l'activité gouvernementale se résumait à une simple information sur cette dernière pouvait valablement être considérée comme dépassée. A preuve, celle-ci dote l'Assemblée nationale d'un nouveau pouvoir en matière de contrôle et de sanction politiques du gouvernement. Fort de ce pouvoir, l'Assemblée nationale pouvait désormais renverser le gouvernement soit en adoptant une motion de censure, soit en lui refusant la confiance157(*).

Toutefois, si cette compétence a été maintenue jusqu'ici, force est de constater que les contrôles exercés par le Parlement n'ont pas encore abouti au renversement du Gouvernement. Est-ce peut-être la raison pour laquelle il n'a encore lui-même été l'objet d'une dissolution présidentielle qui reste également possible ? La réponse doit être nuancée.

b - Le maintien de la prééminence de l'Exécutif sur le Parlement

On constate ce maintien malgré le rééquilibrage, au profit du Parlement, opéré par la révision du 23 avril 1991. Le Parlement n'est pas maître de son ordre du jour. La fixation de l'ordre du jour prioritaire, qui est l'apanage du Gouvernement fait que ce dernier reste jusqu'ici, et pour reprendre une formule chère à Pierre MONTBEYRIE, un pouvoir sans contre-pouvoir158(*). En plus, toutes initiatives des parlementaires sont susceptibles de ne jamais être retenues si elles ne satisfont pas le Gouvernement qui peut toujours s'abriter derrière l'irrecevabilité financière pour les rejeter sans appel. C'est du moins ce qui ressort de l'article 27 nouveau de la Constitution : « Les propositions de loi ou amendements qui auraient pour effet, s'ils sont adoptés, soit une diminution des ressources publiques, soit l'aggravation des charges publiques sans réduction à concurrence d'autres dépenses ou création de recettes nouvelles d'égale importance, sont irrecevables ».

En outre, le Gouvernement dispose d'autres moyens lui permettant de canaliser le déroulement des discussions. Il peut limiter le débat sur tout texte soumis à la délibération de l'Assemblée nationale en faisant application de la règle selon laquelle l'urgence est de droit lorsqu'elle est demandée par le Gouvernement. Et quand bien même le gouvernement se serait abstenu de mettre en exécution cette panoplie de moyens lui permettant d'avoir la mainmise sur l'organisation et le déroulement des débats au Parlement, celui-ci demeure à la merci d'une dissolution présidentielle. En effet, planait sur la tête de l'Assemblée Nationale une véritable épée de Damoclès consistant en un pouvoir discrétionnaire de dissolution dévolu au président de la République. Celui-ci peut, en cas de nécessité, et après consultation du gouvernement et du Bureau de l'Assemblée nationale, procéder à sa dissolution. Précisons tout de suite qu'il résulte de la lettre du texte de révision que le pouvoir de dissolution n'est pas, comme dans la théorie et la pratique des régimes parlementaires classiques, un pendant naturel du pouvoir de l'Assemblée nationale de renverser le Gouvernement. Il est une prérogative propre au président de la République dont la mise en oeuvre dépend de sa seule analyse de la situation. Ce n'est donc pas une arme de dissuasion ou un moyen de représailles contre le Parlement, mais une véritable « arme nucléaire » dont il est le seul à pouvoir décider de l'utilisation et du moment de la dissolution159(*). S'il est tenu de consulter le Gouvernement et le Bureau de l'Assemblée nationale, il n'est nullement obligé de tenir compte de leurs avis, car il ne s'agit pas d'avis conformes.

Ainsi apparaît la nouvelle présentation des pouvoirs exécutif et législatif au lendemain de la révision constitutionnelle de 1991. Elle révèle d'importantes innovations dans la répartition des compétences sans toutefois aménager les conditions permettant d'atténuer l'influence du président de la République tant à l'égard du premier ministre que du Parlement. Cette prééminence du président de la République ne fera plus l'objet des préoccupations du pouvoir constituant dérivé le 16 décembre 1991, date à laquelle il a revu à la baisse l'âge de la majorité électorale.

§2 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 16 DECEMBRE 1991

Quelques mois seulement après la révision constitutionnelle du 23 avril 1991, l'Assemblée nationale va être à nouveau amenée à siéger. Convoquée en session extraordinaire en décembre 1991, l'Assemblée nationale avait en réalité adopté plusieurs textes qui seront tous promulgués par le président de la République le 16 décembre de la même année160(*). Un seul relève de sa compétence révisionniste, à savoir la loi n° 91/021 portant modification de l'article 2 de la Constitution. Ce dernier texte, qui nous intéresse ici, est important à plusieurs égards. Il intervient dans un contexte sociopolitique de libéralisation et de démocratisation progressive de la vie nationale qu'il tend à consolider. En plus, la loi n° 91/021 du 16 décembre est juridiquement intéressante en ce qu'elle porte sur une matière très sensible dans la vie juridique de tout Etat, à savoir l'expression de sa souveraineté.

Dès lors, deux points seront examinés ici : le premier est relatif à la procédure de révision constitutionnelle ayant abouti à la loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 (A) tandis que le second concerne sa consistance (B).

A - La procédure de révision

A l'instar des textes de nature législative promulgués le 16 décembre 1991 par le président de la République, la loi constitutionnelle promulguée le même jour résultait d'une initiative présidentielle (1). De même, comme la révision du 23 avril précédemment analysée, celle du 16 décembre 1991 a été opérée par l'Assemblée nationale monolithique (2).

1 - L'initiative présidentielle

Comme nous l'avons noté ci-dessus, la révision constitutionnelle d'avril 1991 et celle du 16 décembre de la même année résultaient chacune d'une initiative du président de la République. Mais là s'arrête la similitude entre ces deux révisions. En effet, la loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 est la concrétisation juridique de l'une des exigences de l'opposition politique camerounaise dans le cadre de la Tripartite. Il s'agissait d'une rencontre tripartite proposée par le président Paul BIYA comme substitut à l'idée d'une Conférence nationale souveraine et qui avait eu lieu du 30 octobre au 17 novembre 1991 sous la présidence du premier ministre, Monsieur Sadou AYATOU, en présence de représentants du Gouvernement, des partis politiques et quelques représentants de la société civile161(*). C'est au cours de cette réunion que fut posée la question de l'abaissement de l'âge de la majorité électorale. Aux arguments des partisans du statu quo s'opposaient les revendications pressantes de ceux qui militaient pour une réduction considérable de l'âge électoral à dix-huit (18) ans162(*). Considéré, à tort ou à raison, comme plus progressiste et généralement porteuse d'une forte aspiration au changement, à l'alternance voire à la subversion, la classe des moins jeunes étaient redoutée par les uns et courtisée par les autres, en raison de son orientation idéologique présumée moins conservatrice .

Il y eut donc initialement marchandage institutionnel au sujet de l'abaissement de l'âge électoral163(*). Ainsi, l'initiative de la révision du 16 décembre 1991, tout comme celle précédemment analysée, était en réalité, à quelques nuances près, provoquée par les représentants de la société civile et des partis politiques. Mais, il s'agissait d'une démarche qui ne s'imposait pas. Juridiquement en effet, le Chef de l'Etat n'était pas contraint de provoquer un tel marchandage avant de soumettre son projet de révision au pouvoir constituant dérivé (c'est-à-dire au Parlement ou au peuple par la voie référendaire). En plus, il revenait à l'Assemblée nationale d'adopter ou non la réforme projetée.

2 - L'adoption du texte de révision

Comme nous l'avons mentionné précédemment, c'est au cours d'une session extraordinaire de décembre 1991 que l'Assemblée nationale va adopter le projet de révision dont l'objet est la réduction de l'âge électoral de vingt et un (21) à vingt (20) ans. L'option pour vingt ans, arrêtée par le Gouvernement, sera donc confirmée.

Mais cette adaptation, dans le sens du rajeunissement du corps électoral avait été critiquée par certains auteurs du fait qu'elle était, selon eux, en déphasage avec la pratique en matière électorale. Il en est ainsi par exemple de Monsieur MONFON YOUTCHAWOU TOGNE qui, après le maintien de cette disposition de l'article 2 par la loi constitutionnelle de 1996 écrivait : « pour une application stricte et rigoureuse dudit article constitutionnel, tout citoyen âgé de dix-sept (17) ans ne possède aucun droit de vote conformément aux dispositions juridiques de l'Acte Fondamental sus-évoqué. Mais le drame est que plusieurs concitoyens ayant dix-sept (17) ans profitent de manoeuvres électorales illicites et non conformes à la législation électorale en vigueur au Cameroun et la complicité des Autorités républicaines en charge des élections municipales, législatives et présidentielles pour aller aux urnes voter ou plébisciter pour le compte du régime politique en place. Ledit article du Texte constitutionnel de 1996 mérite une modification intégrale et complète puisqu'il n'a jamais été respecté par les Autorités en charge des élections nationales. Il faut une disposition pouvant mettre fin à toutes ces manoeuvres électorales »164(*).

C'est dire que la consistance de la loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 tout comme celle de sa devancière d'avril 1991 n'a pas été exempte de critique.

B - La consistance de la loi constitutionnelle du 16 décembre 1991

La consistance de loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 révèle incontestablement qu'il s'agissait d'une réforme dans l'air du temps. Elle faisait logiquement suite à une série de lois ordinaires promulguées depuis le second semestre de l'année 1990 par le président de la République pour tenter de décrisper l'atmosphère politique. A cet égard, elle était importante à deux titres. Elle réalisait un abaissement de l'âge de la majorité électorale (2). Toutefois, le propre des réformes n'étant pas nécessairement de faire table rase du passé, l'article 2 (nouveau) avait sauvegardé tous les autres aspects de la souveraineté qu'il convient de clarifier au préalable (1).

1 - Les aspects statiques de la souveraineté

La souveraineté est l'expression par laquelle on désigne dans la terminologie française un pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne relève d'aucun autre165(*). Appliquée à l'Etat, la souveraineté revêt deux aspects. C'est d'abord la souveraineté de l'Etat : l'Etat souverain est celui qui conduit les relations internationales, le plus souvent, il en a le monopole, car il admet difficilement que l'une de ses composantes, qu'il s'agisse des régions ou même d'Etat membre d'un Etat fédéral, y participe. C'est ensuite la souveraineté dans l'Etat, c'est un pouvoir illimité de commandement mais qui ne s'exerce qu'à l'intérieur des frontières de l'Etat. Ceci dit, l'article 2 nouveau est resté tel quel sur trois points majeurs : le titulaire de la souveraineté (a), les caractéristiques du vote et le suffrage universel (b).

a - Le titulaire de la souveraineté

L'article 2 nouveau de la Constitution stipule que la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l'exerce, soit par l'intermédiaire du président de la République et des députés à l'Assemblée nationale, soit par voie de référendum. Comme les constituants de 1960, ceux de 1972 n'ont pas franchement opté en faveur d'un principe, la souveraineté nationale ou la souveraineté populaire, mais ont choisi de faire un compromis. Mais tel qu'elle est reprise par l'article 2 ainsi révisé, la formulation du compromis entre la souveraineté nationale et la souveraineté populaire apparaissait ambiguë.

En effet, si le système constitutionnel repose sur le principe de la souveraineté nationale, seule la nation est souveraine ; elle peut seule exercer cette souveraineté, et ne peut donc le faire que par le biais de ses représentants166(*). A aucun moment, on ne peut consulter la nation par référendum, puisqu'il est impossible de faire voter les morts et ceux qui ne sont pas encore nés. Or, la nation se compose aussi des morts et de ceux qui ne sont pas encore nés. En revanche, il est dans la logique de ce principe que l'alinéa 2 reprenne la célèbre disposition contenue dans la Constitution des 3-14 septembre 1791. Dès lors, si la souveraineté est attribuée au peuple, alors la référence à la nation est superfétatoire.

En réalité, on retrouve dans cet article la tentative de conciliation opérée en 1972 entre les deux types de souveraineté. Cette conciliation s'exprime non seulement en matière constitutionnelle, mais aussi en matière législative. C'est là la traduction de la pensée du général De Gaulle : « ...or si j'étais convaincu que la souveraineté appartient au peuple dès lors qu'il s'exprime directement et dans son ensemble, je n'admettais pas qu'elle put être morcelée... »167(*). Cet article réaffirme, en réalité, le principe traditionnel en droit public de la souveraineté nationale avec ses conséquences : continuité de la Nation, solidarité des générations, permanence des générations, régime représentatif, prohibition du mandat impératif, indivisibilité de la souveraineté. Mais en même temps, elle élargit les modes d'expression de la souveraineté. Celle-ci s'exprime non seulement par la voie des représentants de la Nation mais aussi par la voix du peuple. Le maintien de cette extension des modes d'expression de la souveraineté ne fait que confirmer le caractère démocratique de la République168(*). En conférant au peuple, outre son rôle électoral, un pouvoir direct de décision, la Constitution démocratise le régime représentatif en confirmant par là même le mot de SIEYES selon lequel si les citoyens dictaient leurs volontés, ce ne serait plus un Etat représentatif, ce serait un Etat démocratique169(*). Cependant, il faut relever que selon le Conseil constitutionnel français, dans cette combinaison, l'élément « souveraineté nationale » est prépondérant. En effet, il affirmait dans l'une de ses décisions en date de 1976 que «  ...la souveraineté qui est définie à l'article 3 de la Constitution ne peut être que nationale... »170(*). Le peuple auquel est attribuée la souveraineté nationale est nettement délimité. Comme l'écrit Georges BURDEAU, « ce que la démocratie aussi bien dans sa théorie que dans ses applications pratiques désigne sous le nom de peuple, ce n'est jamais le peuple réel, le peuple au sens physique du mot constitué de tous les individus qui composent actuellement le groupe, c'est un concept de peuple, c'est-à-dire une systématisation abstraite de certains éléments empruntés au réel et à partir duquel on élabore la notion de peuple »171(*).

Ainsi compris, le peuple n'est donc pas la masse mais uniquement les individus auxquels la Constitution confère la qualité d'électeur. A cette conception normative du peuple s'oppose conception réaliste. D'après cette seconde thèse défendue par Maurice HAURIOU et Carl SCHMITT, on ne peut pas séparer le peuple comme opinion publique du peuple comme ensemble d'électeurs. Ce dernier auteur par exemple soutient que la minorité agissante représente le peuple et que le consentement de celui-ci peut être seulement tacite. Le peuple est identifié alors d'un côté, à la foule ou la masse (qui s'oppose au peuple comme corps électoral) et de l'autre côté, à la minorité active révolutionnaire (exemple le Parti léniniste) qui agit au nom du peuple. Le peuple est donc ici dédoublé, mais il cesse d'être identifié à la somme des électeurs172(*).

b - Les caractéristiques du vote et le suffrage universel

De même, les dispositions relatives aux caractéristiques du vote sont maintenues. Le vote peut être défini comme l' « acte par lequel un citoyen participe, en se prononçant dans un sens déterminé, au choix de ses représentants ou à la prise d'une décision »173(*). L'alinéa 2 de l'article 2 qui le consacre lui reconnaît explicitement deux caractéristiques : le vote est égal et secret. Le vote égal est celui qui confère à chaque électeur le même poids électoral : c'est la traduction de l'adage un homme, une voix. On parle de vote secret lorsqu'il est organisé de manière que le choix de chacun soit ignoré des autres électeurs. C'est pour garantir le secret du vote que celui-ci a lieu sous enveloppes préparées dans un isoloir. A cela s'ajoute l'interdiction des signes sur les bulletins. Le secret du vote constitue de ce point de vue une garantie de son indépendance. Parce qu'il est secret, ce type de vote s'oppose au vote public dans lequel le sens du vote émis par chacun est connu de tous. Aujourd'hui, le vote secret est toujours respecté. On peut noter qu'il comporte tout de même une exception : le vote par procuration déroge en effet au principe du vote secret ainsi qu'au caractère personnel du vote.

Le suffrage universel comme source du pouvoir des gouvernants a également été maintenu. Selon le Doyen Georges VEDEL, le suffrage universel désigne « l'ensemble des procédés par lesquels le corps électoral fait connaît ses décisions »174(*). Le suffrage est dit universel parce qu'il interdit toute discrimination dans la reconnaissance du droit de vote. L'universalité du suffrage s'exprime dans des pays de tradition anglo-américaine par l'adage one person, one vote. L'article 2 pose clairement le suffrage universel comme source du pouvoir et par conséquent de la légitimité des gouvernants. A sa lecture en effet, il est ressort que les autorités chargées de diriger l'Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d'élections au suffrage universel direct ou indirect. Ainsi les institutions représentatives élues au suffrage universel peuvent, selon la Constitution, l'être indifféremment de matière directe ou indirecte. Une telle thèse est conforme à la théorie de la souveraineté nationale, dans laquelle la représentation peut s'effectuer selon des modalités diverses pourvu que la Nation soit à la source du pouvoir. En conséquence, nul ne peut prétendre représenter le peuple s'il n'est investi comme tel par ce dernier175(*).

Au plan local, il est d'usage que les assemblées délibérantes soient élues directement (conseils municipaux) même si l'exécutif de ces collectivités (maire) est désigné par l'assemblée correspondante, donc seulement de façon indirecte par le peuple.

2 - L'abaissement de l'âge de la majorité électorale

Dans tous les Etats, le critère de la majorité électorale est l'une des restrictions fondamentales au droit de suffrage. Certes, nul ne peut être électeur s'il n'a atteint un âge de référence minimum déterminé soit par la Constitution, soit par la loi. Mais, une tendance se dégage un peu partout de la volonté des constituants ou des législateurs selon les cas d'étendre progressivement le droit de vote à tous leurs citoyens. A cet égard, l'abaissement de l'âge de la majorité électorale constitue incontestablement la seule innovation qu'apporte la révision constitutionnelle du 16 décembre 1991 dans la démocratisation du régime politique camerounais. Cette innovation constitue, peut-on l'affirmer, la dernière conquête du suffrage universel au Cameroun. En effet, longtemps fixé à vingt et un ans, l'âge à partir duquel on est admis à voter a été ramené à vingt ans. Valable pour tous les scrutins, cet âge se situe donc désormais au-dessus de la majorité pénale (dix-huit ans) et en deçà de celle civile (vingt et un ans).

L'adaptation de l'âge de la majorité électorale dans le sens du rajeunissement, même limité, provoque en principe un accroissement quantitatif du volume et de l'assiette du corps électoral, et ce d'autant plus qu'il n'y a pas d'âge maximum pour les votants. Cependant, dès lors qu'il n'y a pas d'étalon universel en matière de majorité électorale, les comparaisons sont possibles. Analogue à celle des Etats comme la Suisse, le Japon et la Norvège, ce léger abaissement de l'âge électoral demeure en retrait par rapport à celle réalisée dans la plupart des Etats qui ont progressivement abaissé l'âge de la majorité électorale à dix-huit ans. Ce sont les démocraties populaires qui ont ouvert la voie en ce domaine. En effet, le droit de vote à dix-huit ans figure dans la Constitution soviétique de 1936176(*). Le mouvement s'est ensuite étendu aux démocraties libérales dans les années 1970 : aux Etats-Unis par exemple, le XXVIè amendement à la Constitution intervenu en 1971 crée quatre millions d'électeurs nouveaux177(*). En France, c'est à la faveur de la loi du 5 juillet 1974 que l'abaissement à dix-huit ans sera consacré178(*). Faisant bonne mesure, le Parlement en a même profité pour abaisser à dix-huit ans l'âge de la majorité civile et fixer à seize ans celui de l'émancipation. Enfin, l'option camerounaise est moins généreuse que celle de nombreux pays africains à l'instar du Bénin, du Congo de la Côte d'Ivoire, du Niger, de la République Centrafricaine, du Sénégal, du Tchad, du Togo, qui ont retenu la norme de dix-huit (18) ans179(*).

En revanche, l'option camerounaise pour vingt ans apparaît désormais plus généreuse que celle de la Turquie ou de l'Islande où la majorité électorale est encore de vingt et un ans. Quoiqu'il en soit, l'on peut remarquer comme l'ont fait certains auteurs qu'il n'y a pas de corrélation absolue entre le caractère démocratique d'un régime et le niveau plus ou moins bas de la majorité électorale180(*). Il est néanmoins admis que peu élevé, l'âge de la majorité électorale témoigne d'une volonté forte d'élargir la base sociale de l'électorat par une ouverture à la participation des plus jeunes. Notons par ailleurs qu'au Cameroun, l'âge de la majorité électorale est dans tous les cas, inférieur à celui requis pour l'éligibilité aux différentes fonctions politiques. L'accès des jeunes aux fonctions publiques électives se fait d'autant plus tardivement qu'ils passent de la condition de simple électeur à celle d'éligible.

L'exigence de la majorité électorale est une condition ferme : elle s'apprécie non par rapport au jour du vote, mais par rapport à la date d'inscription sur les listes électorales. Elle a une portée absolue dès lors qu'aucune dérogation ou exception n'est envisagée par le constituant et le législateur.

CONCUSION DU CHAPITRE 1

Au regard de sa structure monolithique, de l'étiquette de « Caisse de résonance » qu'on lui collait du fait de sa propension à avaliser sans amendement de fond les projets de l'Exécutif, et du contexte de crise sociopolitique dans lequel elle intervient au début des années 1990, on peut affirmer que l'Assemblée nationale avait pris à temps conscience du rôle qui était le sien dans une période de transition démocratique. Et les institutions par elle consacrées dans l'optique d'une démocratisation progressive du régime politique camerounais connaissent actuellement un essor perceptible : un Exécutif bicéphale, un Parlement qui contrôle et sanctionne le cas échéant l'activité gouvernementale, élargissement du corps électoral, etc.

Toutefois, beaucoup restaient encore à faire pour arrimer la Constitution à la nouvelle donne démocratique qui caractérisait le pays. C'est pourquoi l'Assemblée nationale en tant que pouvoir constituant dérivé sera une fois de plus sollicitée mais cette fois en décembre 1995.

Chapitre 2 : LE TOURNANT DE 1996

LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE

L'exercice du pouvoir constituant dérivé au Cameroun en 1996 présente trois caractères. Tout d'abord, il est original. La tradition camerounaise sous la seconde République voulait que le pouvoir constituant dérivé soit exercé par une Assemblée nationale monolithique. Or, tel n'a été le cas lors de l'élaboration de la loi constitutionnelle de 1996. En outre, les difficultés rencontrées pendant l'élaboration de la loi constitutionnelle de 1996 expliquent que depuis sa promulgation le 18 janvier de la même année, la doctrine l'entoure de commentaires équivoques.

D'où l'intérêt, dans ce chapitre, d'étudier amplement d'une part les circonstances de l'institution d'une Assemblée nationale pluraliste (Section 1) et, d'autre part la révision constitutionnelle par elle opérée le 18 janvier 1996 (Section 2).

Section 1 : LES CIRCONSTANCES DE L'INSTITUTION D'UNE ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE

On ne peut objectivement rendre compte de l'institution d'un Parlement pluraliste en lieu et place d'un Parlement monolithique sans faire référence aux circonstances ayant permis et même favorisé son émergence. A priori, le terme circonstance peut être considéré comme inadéquat ici du fait notamment de sa non appartenance au vocabulaire juridique. Mais, il n'en demeure pas moins qu'il nous semble opératoire dans l'étude du pouvoir constituant dérivé tel qu'il se présente en 1996. Aussi, c'est dans le dictionnaire qu'on peut découvrir le sens de ce terme. A sa lecture, il apparaît que le mot circonstance renvoie à la « particularité qui accompagne un fait, un événement, une situation »181(*).

A cet égard, deux paramètres sont déterminants dans la mise en place d'un Parlement pluraliste : l'un est constitué de la réforme juridique de tendance libérale (§1) et l'autre, qui est sans doute le plus important, est constitué par la mise en oeuvre concrète de cette réforme (§2).

§1 : LA REFORME JURIDIQUE

La mise en place d'un Parlement pluraliste procède d'une réforme juridique d'envergure amorcée depuis 1990 par les pouvoirs publics, notamment le président de la République et le Parlement monolithique. Cette réforme juridique s'était matérialisée par la refonte des libertés publiques (A) dont les conséquences n'ont pas tardé à apparaître (B).

A - La refonte des libertés publiques

La refonte des libertés publiques résultait d'une démarche à deux étapes. La première était constituée par la création, par le président de la République, d'une Commission de révision de la législation sur les libertés publiques (1). La seconde étape était constituée par l'adoption des projets de texte y relatifs par l'Assemblée nationale (2).

1 - La création d'une Commission de révision de la législation sur les libertés publiques

Il convient, avant d'aborder la question de la mise en place de cette Commission (b), de s'attarder quelque peu sur les conditions historiques de son avènement (a).

a - Les conditions historiques de la création de la Commission de révision de la législation sur les libertés publiques

La création de la Commission de révision de la législation sur les libertés publiques intervient dans des circonstances particulières. Mise en place à la suite des engagements pris par le Chef de l'Etat au terme du premier congrès ordinaire du RDPC, alors parti unique, cette Commission apparut en effet comme une concession du pouvoir en place au besoin de liberté et à une revendication du multipartisme par une société civile lasse d'être résignée. En attestent les événements qui précédèrent cette décision présidentielle. Certes, une intention démocratique anime le président Paul BIYA dès son accession à la magistrature suprême en 1982182(*), intention qu'on peut repérer dans la plupart de ses discours et autres interventions publiques. Ce fut notamment le cas moins d'un an après son accession à la magistrature suprême du pays au cours d'une interview réalisée dans le cadre du Club de la presse de Radio France Internationale et reproduite le 18 juin 1983 dans le quotidien national Cameroon Tribune : « S'agissant du multipartisme (...), déclare-t-il, nous ne pouvons pas dire que, dans le cours de son histoire à venir, le Cameroun restera nécessairement dans le cadre du parti unifié. Une ouverture est toujours possible (...)»183(*).

Cette intention devait être réaffirmée par la suite, à travers notamment la thématique de la démocratie au sein du parti unique. C'est ainsi qu'à l'occasion du IVè congrès de l'UNC tenu à Bamenda en mars 1985 où le président de la République, qui était en cette occurrence le président national de ce parti, déclarait dans son discours de politique générale : « Aussi, ne revendiquons-nous aucun monopole, ni celui de la parole, ni celui de la raison, ni celui du coeur, ni celui du patriotisme (...). Il n'est pas nécessaire pour exprimer ses opinions de prendre le maquis, de vivre en exil ou de quitter sa famille»184(*). Ce fut formellement l'acte de décès du monisme idéologique ou doctrinal mais non encore du monisme partisan, note le Professeur Maurice KAMTO185(*).

La volonté du président de la République de rompre avec le passé fut confirmée par la publication d'un ouvrage qu'il signa en 1987 sous le titre Pour le libéralisme communautaire. L'auteur y réitère sa foi en la liberté et trace les lignes d'un vaste programme de décentralisation de l'Etat et des juridictions administratives, de l'Administration, de la démocratie locale, de la charte des libertés publiques, etc. La pratique idéologique relève, par contre, d'un autre débat.

Sur le terrain en effet, la pratique du pouvoir devait refléter une toute autre réalité, à savoir la persistance du régime autoritaire qu'avait instauré le président Ahmadou AHIDJO. En d'autres termes, et pour reprendre le Professeur Maurice KAMTO, une lecture purement discursive ou sémiologique du processus de démocratisation au Cameroun conduit nécessairement à une surdétermination du rôle du président de la République dans les transformations en cours. Cette approche occulte le rôle joué par une société civile subitement délivrée de sa torpeur dans le processus de démocratisation encore inachevé de la vie politique camerounaise. A cet égard, l'avènement du multipartisme au Cameroun fut le fruit d'une lutte quotidienne et acharnée d'une société civile recréée en partie par l'intelligentsia et surtout la presse privée locale.

Le signal de départ allait être déclenché par le procès YONDO et autres186(*). On sait qu'aux plaidoiries des avocats du barreau camerounais, puissamment mobilisés en cette circonstance pour la défense de leur ex-bâtonnier, répondirent en écho les meetings et les marches de soutien au régime et d'opposition au multipartisme organisés du 28 mars au 10 avril 1990 par le RDPC, alors parti unique, à travers l'ensemble du pays187(*). C'est pourquoi le procès YONDO et autres fut considéré par la doctrine comme ayant été d'abord celui du multipartisme.

Tirant les leçons de ces folles journées, le président de la République, maître incontesté du RDPC, allait répondre à ses militants en ces termes : « Je vous ai compris (...). Le Cameroun aujourd'hui a un problème majeur, la crise économique. Le reste n'est que manoeuvre de diversion, d'intoxication et de déstabilisation » avant d'en rappeler à la vigilance de ces hommes et femmes qui avaient selon lui « rejeté sans équivoque les modèles et formules importés de l'étranger » tout en renouvelant solennellement leur conviction que son parti demeure le creuset de l'unité nationale en même temps que l'école par excellence de la démocratie camerounaise188(*). Vraisemblablement, le multipartisme semblait reporté sine die à l'écoute des propos du président de la République. A la vérité, ces propos ne pouvaient surprendre que les personnes peu avisées car dans son ouvrage intitulé Pour le libéralisme communautaire, l'auteur écrivait déjà que : « l'étape actuelle de l'histoire du Cameroun ne permettait pas l'instauration du multipartisme »189(*).

Cette propension du président de la République à minimiser la soif de liberté qui caractérisait les populations africaines en général et camerounaises en particulier n'allait cependant pas altérer la « lame de fond démocratique » qui travaillait ces dernières. Car les événements allaient se précipiter et, très vite, obliger le régime à concéder le multipartisme ou mieux le pluralisme politique. Il en fut ainsi, notamment, de la création et du lancement des activités du SDF à Bamenda qui s'appuyaient non seulement sur la Constitution et la loi de 1967 sur les associations, mais surtout sur la déclaration du gouvernement selon laquelle l'ex-bâtonnier YONDO et autres n'avaient pas été arrêtés pour avoir tenté de créer un parti politique. Cette entrée du SDF sur la scène politique nationale sans attendre le coup du starter que tardaient à donner les autorités administratives lui valut la répression sanglante des manifestations marquant le lancement de ses activités. Cette répression sanglante des manifestations du lancement des activités de ce parti à Bamenda et à l'Université de Yaoundé190(*) le 26 mai 1990 devait ainsi apporter un cinglant démenti à la volonté d'ouverture politique du président Paul BIYA et de son régime, et, à la même occasion, lever un pan du voile sur la nature véritablement despotique et totalitaire de ce dernier.

Cela explique d'autres manifestations de désapprobation à l'égard du pouvoir. Il y eut d'abord la lettre pastorale des évêques du Cameroun rédigée le 17 mai 1990 lors de la Conférence épiscopale nationale, suivie d'une interview très critique du Cardinal Christian TUMI, dénonçant vivement, entre autres, l'arbitraire, les violations flagrantes des droits de l'homme, les crimes crapuleux, la terreur instaurée par les forces de l'ordre191(*). Ensuite, la démission du premier vice-président du RDPC, Monsieur John NGU FONCHA, ancien premier ministre du Cameroun occidental et principal artisan de la réunification du Cameroun, démission qui devait révéler l'ampleur de la cassure entre l'élite anglophone et le pouvoir en même temps qu'elle remettait à l'ordre du jour du débat politique, la question anglophone. Tous ces événements furent amplifiés par une presse privée jouant un rôle d'avant-garde dans la mobilisation de l'opinion en faveur du multipartisme et de la démocratie, et ce, malgré une censure sauvage du Gouvernement qui n'éprouve aucune gêne à prendre une mesure en tout point illégale pour contrer la « guérilla de la presse privée »192(*).

Ces pressions convergentes sur le pouvoir produisent les effets escomptés par ses initiateurs : ils devaient amener le président de la République à capituler. Ainsi, lors des travaux du premier congrès ordinaire du RDPC qui s'ouvre à Yaoundé le 27 juin 1990, le Chef de l'Etat devait annoncer des mesures tendant à promouvoir les libertés publiques, à garantir la protection des droits de l'homme et à libéraliser la vie économique et sociale. De même, devait-il à la même occasion inviter les militants de son parti à « se préparer à une éventuelle concurrence»193(*).

Ceci laissait incontestablement entrevoir l'avènement du multipartisme au Cameroun. Même si le discours présidentiel n'est pas très explicite à cet égard, il n'est pas douteux que eu égard au contexte politique du moment, il paraissait suffisant.

b - La mise sur pied de la Commission

Reprenant ainsi l'initiative du processus de démocratisation de la société camerounaise, le Chef de l'Etat entreprit de transcrire en normes juridiques la libéralisation annoncée au congrès du RDPC. C'est pourquoi il créa une Commission de révision de la législation sur les libertés publiques en vue de la préparation dudit travail.

Créée par arrêté présidentiel n° 416/CAB/PR du 20 juillet 1990, cette Commission ad hoc, composée de onze membres, tous désignés discrétionnairement par le Chef de l'Etat194(*), disposait d'un délai de trois mois pour lui faire des propositions concrètes en vue d'une réforme de la législation sur les libertés publiques. Mais, il fallait attendre le 21 juillet 1990 pour être fixé sur la position du président de la République en ce qui concerne le multipartisme. C'est en effet au cours d'une interview accordée à Radio Monté Carlo depuis la France qu'il envisageait le pluralisme en dehors du parti unique en ces termes : « Nous avons commencé par faire le pluralisme au sein du parti. Maintenant on va vers le pluralisme dans le pays, dans la cité (...). Mais avant d'y parvenir, évidemment, il faut un aménagement des conditions juridiques, des lois, pour permettre d'accéder plus pleinement à une démocratie intégrale (...). Pour le moment, nous avons mis sur pied une Commission qui est à pied d'oeuvre (...) pour créer les conditions d'une telle démocratie. Alors dans le cadre de ces lois qui vont être soumises à l'Assemblée dans les prochains mois, les camerounais seront libres de faire ce qu'ils veulent ; s'ils veulent créer des partis politiques, ils le feront ! »195(*).

Les résultats des travaux de cette Commission furent remis au président de la République en octobre 1990 et leur exploitation devait permettre au gouvernement de soumettre à l'Assemblée nationale, siégeant en session ordinaire, une série de projets de lois portant entre autres sur les libertés publiques, la démocratisation de la société, bref sur l'aménagement de l'Etat de droit au Cameroun.

2 - Les textes relatifs aux libertés publiques adoptés par l'Assemblée nationale

La volonté du Gouvernement en faveur de la démocratisation de la société camerounaise ne pouvait suffire tant que le Parlement n'avait pas transformé les projets de textes à lui soumis en lois. C'est que le régime des libertés publiques relevait, en application de l'article 20 de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa mouture initiale ou de son article 26 dans sa révision de 1996, du domaine de la loi. C'est sur ce fondement que tous les projets de loi soumis à l'Assemblée nationale seront adoptés par les députés du parti unique et promulgués le 19 décembre 1990 par le président de la République. Avec l'édiction de ces textes196(*), se mettait en place l'infrastructure juridique du multipartisme au Cameroun.

D'une manière générale, le législateur du 19 décembre 1990 se révéla beaucoup plus libérale que ses prédécesseurs. Il procéda, en effet, à une remise en cause de la législation d'exception alors en vigueur.

Au nombre des textes relatifs aux libertés publiques adoptés par l'Assemblée nationale, et promulgués par le président de la République le 19 décembre 1990, la loi n° 90/46 portant abrogation de l'ordonnance n° 62/OF/18 du 12 mars 1962 relative à la répression de la subversion doit être mentionnée au premier chef. Et pour cause, elle marque la fin du délit d'opinion et partant celle d'une époque qui vit « tant de camerounais finir leur existence dans les camps de la mort (Tcholiré,Yoko, Mantoum) sans jugement aucun»197(*). De façon générale, c'est toute la législation sur le maintien de l'ordre qui subit un réaménagement important au regard des assouplissements introduits par les textes nouveaux. Ainsi, la loi n° 90/47 modifie l'ordonnance n° 72/13 du 26 août 1972 sur l'état d'urgence, ordonnance qui constituait l'un des principaux piliers du système policier mis en place dès l'indépendance. Certes, la loi n° 90/47 reprend pour l'essentiel les principales dispositions de l'ordonnance qu'elle modifie. Mais elle améliore considérablement cette législation d'exception devenue en pratique la législation de droit commun dans certaines parties du pays. Elle prévoit notamment que le décret de proclamation de l'état d'urgence devra désormais préciser sa durée, qui est ramenée à trois mois renouvelables une fois contre six mois dans l'ancien texte. Par ailleurs, la nouvelle loi en son article 3 (b) soumet la prorogation de ce délai à l'approbation de l'Assemblée nationale qui doit être obligatoirement consultée à cet effet.

Ainsi fut mis un terme à la pratique des reconductions tacites, indéfinies et illimitées, dans le temps et dans l'espace national, de l'état d'urgence.

Bien plus, la loi n° 90/47 abroge les dispositions de la même ordonnance qui conféraient aux autorités administratives des parties du territoire non soumises à l'état d'urgence les mêmes prérogatives que celles des régions du pays soumises à ce régime, écartant ainsi formellement les risques d'abus d'autorité injustifiés dans ces régions. En outre, toutes les mesures individuelles prises au cours de cette période (éloignement du lieu de résidence, assignation à résidence, interdiction de séjour, etc.) devaient cesser en même temps que l'état d'urgence. Enfin, toutes les mesures prises par les autorités administratives, dans le cadre de l'état d'urgence doivent être communiquées au Comité National des Droits de l'Homme et des Libertés en application de l'article 8 de la nouvelle loi.

Toujours dans le cadre de la remise en cause de la légalité d'exception, on mentionnera comme acquis notable la modification de certaines dispositions du Code pénal de 1974 par la loi n° 90/061 visant à y supprimer toute référence au caractère politique de l'infraction. L'article 18 nouveau dudit Code supprime en effet la peine de détention qui sanctionnait les infractions entrant dans cette catégorie. Toutefois, le législateur devait laisser intact l'article 153 du Code pénal punissant d'une peine de détention l'outrage au président de la République. Le Tribunal de grande instance de Douala dut s'en mordre les doigts lorsqu'il dut débouter le président de la République de sa demande en dommages-intérêts et déclarer les prévenus Célestin MONGA et Pius NJAWE non coupables d'outrage au président de la République, dans l'affaire « MONGA-NJAWE-Le messager » qui défraya la chronique judiciaire au Cameroun en 1991198(*).

La législation sur les libertés publiques du 19 décembre 1990, en procédant à la systématisation de la déclaration préalable, confirma sa tournure nettement libérale. La nouvelle législation renverse en effet la perspective ancienne en substituant le régime préventif dominé par l'autorisation préalable qui avait prévalu jusqu'alors par un régime libéral s'articulant sur la systématisation de la déclaration préalable. Cette substitution marqua du point de vue des principes un progrès considérable dès lors que l'Administration se trouvait dépouillée d'un pouvoir discrétionnaire dont elle usait et abusait en cette occurrence. Etaient ainsi soumises à la procédure de la déclaration préalable, la création des journaux (article 7 de la loi n° 90/052 relative à la communication sociale), la création des associations (article 5 de la loi n° 90/053 portant liberté d'association), exception faite des associations religieuses ou étrangères soumises au régime de l'autorisation préalable (articles 16 et 23 de la loi sus-évoquée), l'organisation des réunions et des manifestations publiques (articles 3 alinéa 2 et 6 alinéa 1 de la loi n° 90/055 portant régime des réunions et des manifestations publiques).

La situation des partis politiques apparut sans doute comme une véritable entorse à ce régime libéral. Désormais soumise au régime de l'autorisation préalable en application de l'article 7 alinéa 1er de la loi n° 90/056 sur les partis politiques, la création des partis politiques marque une nette régression par rapport à la loi n° 67/LF/19 du 12 juin 1967 sur la liberté d'association qui prévoyait le régime de la déclaration préalable pour la création de toutes formes d'associations, y compris les partis politiques et les syndicats. Et le fait que la nouvelle loi sur les partis politiques, en son article 7 alinéa 2, substitue à la règle du rejet implicite énoncé par l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour suprême, celle de l'approbation tacite en cas de silence de l'Administration au terme du délai de trois mois à compter de la date de dépôt du dossier de demande d'autorisation du parti, atténue très modérément le caractère répressif du régime des partis politiques. La substitution de la règle du rejet implicite par celle de l'approbation tacite apparut comme une innovation de taille de la nouvelle législation sur les libertés publiques au Cameroun. Ainsi, au terme de l'article 7 alinéa 2 de la loi n° 90/056 sur les partis politiques, en cas de silence de l'Administration trois mois à compter de la date de dépôt du dossier de demande d'autorisation du parti auprès des services du gouverneur territorialement compétent, le parti en question est réputé exister.

L'action réformatrice des députés du parti unique n'est cependant pas à négliger en cette occurrence qui donnera lieu à une session parlementaire « à tous points de vue historique », selon Pierre MOUKOKO MBONDJO199(*). Car, bien que conservant son caractère monolithique, le Parlement avait joué un rôle sans précédent dans la mutation normative indispensable à l'instauration de la démocratie pluraliste au Cameroun. Plusieurs éléments permettent en effet de soutenir un tel point de vue. Le premier est sans doute le nombre élevé de projets de loi, une trentaine, déposés par le Gouvernement sur le Bureau de l'Assemblée nationale. En plus de l'importance de sa production normative, la session parlementaire de novembre à décembre 1990 fut une occasion de rupture dans la pratique du travail parlementaire depuis l'avènement du parti unique au Cameroun. Les conséquences de la réforme législative du nouvel cadre juridique d'exercice des libertés n'avaient cessé de confirmer la lente mais irréversible consolidation des avancées libérales du régime politique camerounais depuis 1991.

B - Les conséquences de la réforme juridique

Deux conséquences particulièrement significatives s'attachent à la réforme juridique ainsi opérée. Il s'agit d'une part de la création des partis politiques (1) et d'autre part de l'adoption d'une nouvelle réglementation relative à la compétition électorale (2).

1 - La création des partis politiques

A la faveur de la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relatives aux partis politiques, on assiste à l'émergence de nombreux partis politiques dont le nombre est depuis lors resté croissant.

Début janvier 1991, deux partis politiques à savoir l'UPC et la DIC introduisent leur demande d'autorisation auprès des autorités administratives de Douala. Le 12 février 1991, c'est-à-dire un mois après, un arrêté du ministre de l'Administration territoriale légalisait ces deux nouveaux partis. Le 1er mars, trois autres partis sont reconnus : il s'agissait de l'UFDC, du PRPC et du SDF200(*).

En 1991, cinquante huit partis politiques étaient autorisés201(*). Cette année va révéler la mobilité revendicative de l'opposition politique. En effet, après avoir obtenu du régime la nouvelle législation sur les partis politiques, le thème du multipartisme sera déclassé, entre autres, par la revendication d'une loi électorale plus apte à régir la compétition électorale.

2 - L'adoption d'une nouvelle réglementation relative à la compétition électorale

La procédure mise en place par le président de la République avec l'appui du parti unique en vue de la création du nouveau cadre juridique d'exercice des droits et des libertés donna lieu à des contestations si vives de la part des partis politiques d'opposition que s'imposa, très vite, la nécessité d'un renouvellement de la légitimité des gouvernants. La pression de la rue se fit en effet très forte, animée par une opposition de mieux en mieux organisée en vue de la convocation d'une Conférence nationale souveraine dans laquelle seraient définies des règles équitables du jeu démocratique. Mais, prenant à contre-pied le courant populaire, le président de la République décida l'élaboration d'une loi électorale en vue de l'adaptation de la représentation nationale aux réalités nouvelles de la société que traduisait un pluralisme partisan en pleine floraison.

C'est ainsi qu'à l'initiative du Chef de l'Etat se tient à Yaoundé du 30 octobre au 17 novembre 1991, sous la présidence du premier ministre, une réunion de deux cents personnalités représentant respectivement les partis politiques, les pouvoirs publics et la société civile. Convoquée dans la perspective des législatives alors programmées pour la fin de l'année 1991, cette réunion eut un seul point à son ordre du jour officiel : il s'agissait d'examiner essentiellement la question du code électoral et celle de l'accès des partis politiques aux médias de service public.

Le Comité technique de rédaction de l'avant-projet de loi portant code électoral comprend les représentants des partis politiques, des pouvoirs publics et les personnalités dites indépendantes202(*). De même, la composition du Comité technique de rédaction de l'avant-projet de décret portant accès des partis politiques aux médias audiovisuels publics est ternaire203(*).

Après moult tractations et concertations, un projet de loi électorale relative aux élections législatives fut soumis au vote de l'Assemblée nationale dont le caractère monolithique n'avait pourtant cessé d'être décrié par l'opposition.

S'agissant de l'unilatéralité de l'élaboration de la loi électorale, sans doute objectera-t-on qu'elle était injustifiée au regard des concertations et des accords qui eurent lieu dans le cadre de la Tripartite au terme de laquelle furent recueillis les avis des partis d'opposition et des représentants de la société civile convoqués à l'occasion. Mais les engagements pris à cet effet, outre qu'ils ne furent pas toujours respectés, ne liaient aucunement l'Assemblée nationale d'un point de vue strictement juridique, qui se réserva du reste le droit d'amender en toute souveraineté le projet qui devait aboutir à la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale.

Aussi n'est-il pas excessif d'avancer l'idée d'un processus quasi-unilatéral en désapprobation duquel une partie de l'opposition avait boycotté les élections législatives de mars 1992204(*). Cette attitude révélait la contestation du monopole des pouvoirs publics non seulement dans la définition des règles en matière électorale, mais également dans leur mise en oeuvre.

§2 : LA MISE EN OEUVRE DE LA REFORME

Après l'adoption de la loi sur les partis politiques et d'une nouvelle loi électorale, s'est posé le problème de leur mise en oeuvre. Ce d'autant plus que la représentation nationale devenait anachronique, car elle ne reflétait plus fidèlement la réalité du nouveau paysage politique caractérisé par la reconnaissance légale de l'opposition. C'est ainsi que, profitant de l'accalmie observée et la paix retrouvée intervenues à la suite de la Tripartite, le président de la République convoqua pour le début de l'année 1992 le corps électoral afin de permettre au Cameroun de se doter d'une Assemblée nationale pluraliste (A). A l'issue des élections législatives anticipées, on a assisté à une recomposition pluraliste du Parlement (B).

A - Les élections législatives anticipées de 1992

L'étude des élections législatives anticipées de 1992 est intéressante à un triple point de vue. D'abord, elles constituent les premières élections pluralistes organisées sous la seconde République. Ensuite, elles interviennent dans un contexte de crise politique où la légitimité des pouvoirs publics est contestée. C'est ce qui avait poussé le président de la République à demander l'abrègement du mandat des députés à l'Assemblée nationale monopartiste (1). Enfin, l'organisation des élections législatives proprement dites de 1992 inclut des acteurs nouveaux à tous les niveaux notamment les représentants des partis d'opposition (2).

1 - L'abrègement du mandat des députés à l'Assemblé nationale monopartiste

Ce fut le 16 décembre 1991 que le président de la République promulgua la loi n° 91/019 abrégeant le mandat des députés à l'Assemblée nationale. Par cette loi, le mandat de l'Assemblée nationale qui devait prendre fin au cours du mois d'avril 1993, fut écourté.

Abréger le mandat de l'Assemblée nationale est un acte grave mais qui trouve son fondement juridique dans la Loi fondamentale elle-même (a). Cependant, le contexte dans lequel cet abrègement intervint démontre l'insuffisance des justifications d'ordre juridique, lesquelles doivent être complétées par d'autres qui sont plutôt d'ordre théorique (b).

a - Les justifications d'ordre juridique

L'article 12 alinéa 2 de la Constitution de 1972 dans sa mouture d'avant 1996 donne en effet au président de la République compétence pour demander, s'il le souhaite, à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat. Ainsi, rien en principe n'obligeait le président de la République à initier une telle loi. Du côté de l'Assemblée nationale aussi, rien n'obligeait les députés à adopter une loi mettant un terme à leur mandat. En plus, le contexte concurrentiel dans lequel devaient se dérouler les élections législatives anticipées ne pouvait les rassurer du renouvellement de ce dernier. C'est que les députés avaient pris conscience de l'effritement de leur légitimité qui n'avait plus qu'un caractère formel.

Dans le contexte monolithique en effet, les députés sont d'abord choisis et investis (voire révoqués205(*)) par le parti unique avant d'être présentés au peuple seulement pour approbation ; les parlementaires étaient tout sauf des véritables représentants du peuple qui ne les choisissait qu'au second degré. L'article 23 par exemple des statuts de l'UNC dispose : « Le Comité central (...) accorde les investitures du parti à l'occasion des consultations populaires »206(*).

Dès lors, en décidant par une loi d'abréger le mandat reçu au terme des élections sans choix véritable, les députés avaient pris conscience de l'effritement de la légitimité de leur pouvoir qui n'avait pas un caractère démocratique car non fondée sur l'investiture populaire. Il s'agissait donc pour eux de mettre fin à une représentation subie et non pas voulue par le peuple qui est, en principe, la source de la légitimité dans un Etat démocratique.

b - Les justifications d'ordre théorique

Au plan théorique, l'abrègement du mandat des députés du parti unique se justifiait par la perte de légitimité sociologique qui les caractérisait en ces premières années de la décennie quatre-vingt-dix. En effet, la doctrine oppose traditionnellement la légitimité juridique ou formelle à la légitimité sociologique ou matérielle.

D'après la première conception, un régime n'est considéré comme légitime que si la pratique constitutionnelle est conforme au type de souveraineté affirmée par la Constitution207(*). Cela signifie par exemple qu'un régime non issu d'élections libres alors que la Constitution avait opté pour la souveraineté populaire ne peut se prétendre légitime. En conséquence, un Gouvernement qui s'écarte du type de souveraineté prévu par la Constitution ne saurait être légitime, et l'illégitimité autorise la désobéissance et l'insoumission, voire l'insurrection. On cite généralement à ce propos l'exemple du Chili sous le général PINOCHET de 1973 à 1987208(*). Dans le même ordre d'idées, on peut dans la mesure où l'on considère que les élections menées sous l'égide d'un parti unique ne sont jamais libres, en inférer de même pour les pays tels le Cameroun qui avait eu à expérimenter un monopartisme fort dans lequel les dirigeants avaient souvent exercé leur autorité au mépris des règles prévues par la Constitution et les lois de l'Etat.

Cette conception est susceptible de critique : en effet, il n'y a rien à redire lorsque la pratique est conforme au type de souveraineté affirmée dans la Constitution et à plus forte raison lorsque ce type de souveraineté traduit la volonté profonde des gouvernés. Il en va de même lorsque les gouvernés ne se reconnaissent plus dans la règle constitutionnelle en vigueur. Vouloir à tout prix faire prévaloir la thèse juridique dans cette hypothèse serait illogique, vu le divorce qui existe entre la volonté profonde des gouvernés et la règle appliquée.

C'est ce risque que veut éviter la conception matérielle de la légitimité. Selon cette seconde thèse, la légitimité résulte de la confrontation du mode de souveraineté mis en oeuvre par les gouvernants et de celui ressenti par la majorité des gouvernés209(*). Autrement dit, pour que des institutions soient considérées comme légitimes, il faut un accord entre leur fondement tel qu'il est affirmé par les gouvernants, la pratique politique mise en oeuvre et l'idée de droit dominante qui prévaut dans l'opinion publique. En conséquence, si dans une nation donnée, il y a distorsion entre les voeux de la majeure partie de la population et la réalité des institutions, s'il y a divergence entre les aspirations du peuple et les objectifs du pouvoir, l'autorité devient sociologiquement illégitime. Cette conception qui fait de la légitimité un concept de sociologie politique plutôt que juridique est la porte ouverte à toutes les velléités de mise en cause continuelle du droit. Elle fait en effet une large place au subjectivisme ; ce qui occasionne souvent des divergences d'interprétation. Elle est cependant plus favorable aux courants d'idée prônant l'adaptation des règles de droit à l'évolution des moeurs de la société qu'elle encadre.

Cette dernière thèse a guidée les participants aux Conférences nationales africaines en général et les représentants des partis politiques d'opposition au Cameroun en particulier. Ils ont reproché aux dirigeants d'avoir contourné la légitimité démocratique qui correspondait aux voeux des gouvernés et que renfermaient les Constitutions. Dès lors est-on en droit de se demander par quels moyens ?

Ils l'ont fait en imposant par l'intermédiaire du parti unique, des candidatures uniques à toutes les élections alors que les Constitutions affirmaient clairement le principe du suffrage universel, égal et secret. Ils l'ont également contourné en confisquant la souveraineté du peuple ou de ses représentants (élus à l'issue d'élections non libres) au profit d'un petit groupe d'hommes (les cadres du parti unique) et, le plus souvent d'un seul homme, le Chef de l'Etat qui était devenu en fait le seul détenteur de la souveraineté210(*).

Pour toutes ces raisons, les oppositions et les conférenciers se sont efforcés de contester la légitimité des dirigeants issus du système de parti unique de fait ; légitimité que, selon eux, le peuple avait retirée : les contestations violentes, les manifestations de rue, les grèves générales, la contestation des symboles du pouvoir et les affrontements avec les forces de l'ordre et l'armée étaient là pour le prouver. Le peuple, et plus précisément une partie de celui-ci, en suivant les mots d'ordre de l'opposition, avait manifesté clairement son intention d'en tenir les leaders pour les autorités légitimes.

A cet égard et selon M. APOLOO, « la légitimité a changé de camp (dans notre pays); elle est aujourd'hui représentée par l'opposition démocratique, qui est porteuse du nouveau concept de rapports politiques prédominants »211(*). L'auteur poursuit sa démonstration pour l'expliciter davantage : « l'obéissance du peuple à ceux qui lui proposent un nouveau contrat social confirme la perte de légitimité du Gouvernement actuel. Le pouvoir légitime étant celui qui incarne le concept politique prédominant, on ne doit légitimes que les gouvernants qui en sont effectivement les agents d'exercice »212(*).

La thèse sociologique de la légitimité, favorable aux aspirations modernes des peuples au changement vers plus de liberté, comporte néanmoins une incertitude : qui est chargé de prendre la mesure du nouveau concept qu'on dit dominant, comment et à partir de quel moment il le devient ?

Il n'y a aucun problème lorsque c'est le peuple dans son ensemble, hypothèse rarissime, qui se lève pour réclamer un nouvel ordre politique. Mais, lorsque ce n'est pas le cas, lorsque c'est une fraction du peuple, fut-elle significative qui se soulève et cherche, par des actes spectaculaires ou de violence, à imposer ses points de vue politiques, il n'y a pas de doute que cela pose problème. L'histoire contemporaine nous a légué quelques exemples : on se rappelle les journées révolutionnaires organisées par les partis communistes d'Europe sous la pression des bolcheviks au début des années 1920, ou les grandes grèves de 1947 orchestrées en France par le parti communiste et la confédération générale des travailleurs (CGT) en vue de déstabiliser le régime213(*). En Afrique, on a assisté dans certains pays à des retournements de situation. Il en a été ainsi notamment lorsque les régimes contestés ont réussi à mobiliser leurs partisans et à les faire sortir dans la rue pour s'opposer à ceux de leurs adversaires politiques. Ce fut le cas au Togo, au Burkina Faso, au Congo, au Zaïre et au Cameroun.

Il est donc difficile de vouloir faire triompher exclusivement la conception formelle ou la conception matérielle. La première, favorable à la stabilité gouvernementale, peut être taxée de conservatrice. Elle est néanmoins plus sécurisante que la seconde qui, dynamique et au service du changement, ouvre la voie aux aventures politiques en tout genre, et donc susceptible d'être une source continuelle d'insécurité. Il n'empêche que les conférenciers ont, dans leur ensemble, privilégié la conception matérielle de la légitimité voire de la souveraineté, traduisant ainsi leur désir de changement des régimes en place. C'est pour contrer ce raccourci antidémocratique de conquête du pouvoir que furent organisées au Cameroun les élections législatives de 1992.

2 - Les élections législatives de 1992

La loi n° 91/019 abrégeant le mandat de l'Assemblée nationale avait une portée limitée dans le temps. Il ressort en effet de l'article 1er de cette loi que ce mandat devait prendre fin le deuxième lundi après le jour du scrutin relatif aux élections législatives anticipées. Il sera question ici de s'appesantir d'une part sur la présentation des acteurs et des résultats des premières législatives pluralistes au Cameroun depuis 1972. Ces élections avaient connu la participation de plusieurs acteurs composés essentiellement des acteurs politiques tels le président de la République et les partis politiques. Ces acteurs politiques (a) doivent être distingués des acteurs institutionnels (b).

a - Les acteurs politiques

S'agissant des acteurs politiques, il faut observer que le président de la République du Cameroun domine de toute sa stature la scène électorale. Les pouvoirs qu'il exerce en matière électorale tirent leur fondement de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale. Mais, on ne peut pas parler d'exclusivité présidentielle du seul fait que les articles 4, 67, 68 et 69 de la loi précitée renvoient tous à un décret, aucune disposition ne mentionnant expressément le président de la République. Toujours est-il que c'est lui qui, dans la pratique, convoque les élections, en fixe la date et quelques principes relatifs à leur déroulement. Le pouvoir de convocation des électeurs résulte de l'article 67 de la loi électorale qui précise que les électeurs sont convoqués par décret et que l'intervalle entre la publication du décret y afférent et le jour du scrutin est de 45 jours au maximum. Le scrutin a lieu un dimanche, un jour férié ou un jour déclaré férié et chômé. Le scrutin ne dure qu'un jour. Enfin, le décret de convocation des électeurs précise les heures d'ouverture et de fermeture des bureaux de vote. Ainsi, le président de la République joue un rôle important dans le processus électoral où se battent les partis politiques en vue de conquérir le suffrage du corps électoral.

On définit généralement un parti politique comme un « groupement d'hommes qui partagent les mêmes idées sur l'organisation et la gestion de la société et qui cherche à les faire triompher en accédant au pouvoir »214(*). Ainsi entendus, les partis politiques sont des acteurs incontournables du processus électoral. Ceci d'autant plus que l'ex-parti unique va faire face à une concurrence de la part des nouveaux partis politiques. Longtemps en effet, celui-là était seul admis et détenait la réalité du pouvoir en contradiction flagrante avec les dispositions textuelles en vigueur. En outre, ni la Constitution, ni la loi électorale précitée n'admettaient les candidatures indépendantes, c'est-à-dire concrètement que, tout citoyen désireux de briguer un siège au Parlement ne pouvait l'obtenir que par le biais d'une investiture du parti. Le parti dispose en effet du monopole d'investiture des candidats aux élections législatives. Désormais, les partis politiques sont des acteurs incontournables du processus électoral.

Demeurait cependant maintenue, l'exclusion des candidatures indépendantes. Ceci résulte de l'article 70 de la loi n° 91/020 précitée dont l'alinéa 2 précise, entre autres, que la déclaration de candidature est également accompagnée d'une attestation par laquelle le parti politique investit l'intéressé en qualité de candidat.

Quoi qu'il en soit, le législateur camerounais avait depuis le 19 décembre 1990 instauré un multipartisme intégral obligeant les autorités administratives compétentes à légaliser tous les partis politiques qui leur en font une demande expresse.

D'autres restrictions étaient cependant imposées à ceux-ci dans leur fonctionnement. Certaines sont posées par la Constitution elle-même qui dispose en son article 3 que les partis et formations politiques doivent respecter les principes de la démocratie, de la souveraineté et de l'unité nationale. Elle renvoie à la loi le soin d'encadrer l'exercice de leurs activités. C'est d'ailleurs sur cette base juridique que l'Assemblée nationale devait adopter la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques sur laquelle les leaders de l'opposition se sont appuyés pour donner une existence légale à leurs mouvements.

C'est ainsi qu'à la veille des élections législatives du 1er mars 1992, 68 partis politiques se disputaient la scène politique. Mais, seulement 30 d'entre eux avaient présenté des candidatures à la députation dans les 49 circonscriptions du pays215(*). Ils avaient au total présenté 751 candidats lors des législatives de 1992 pendant lesquelles ils avaient en plus le droit de désigner leurs représentants au sein des instances chargées des opérations électorales.

b - Les acteurs institutionnels

Avec la loi électorale de 1991, le ministère de l'Administration territoriale va perdre le monopole dans l'organisation et la conduite de l'ensemble du processus électoral. La nouvelle loi en la matière confiait l'organisation, la conduite et la supervision des opérations électorales à des Commissions mixtes au sein desquelles l'Administration tout comme les partis politiques étaient appelés à designer leurs représentants. C'est que, sortant d'un système de parti unique où l'Administration avait le monopole de tout le processus électoral, les leaders des nouveaux partis politiques doutaient de la neutralité du ministère de l'Administration territoriale d'autant plus que tous les cadres de l'Administration étaient suspectés d'avoir une logique de gestion fondée sur le clientélisme. C'est justement conscient de cet état des choses que le législateur de 1991 marqua sa préférence pour la création des Commissions mixtes où tous les protagonistes de la compétition électorale auront, à travers leurs représentants, le droit de contrôler le processus électoral. Ces Commissions trouvent leur fondement à l'article 26 de la loi électorale qui crée des Commissions électorales mixtes chargées respectivement des opérations préparatoires aux élections, de l'organisation et de la supervision des opérations électorales, des opérations de vote et du recensement général des votes.

S'agissant d'abord des Commissions chargées des opérations préparatoires, il en existe deux types, à savoir les Commissions de révision des listes électorales216(*) et les Commissions de contrôle de l'établissement et de la distribution des cartes électorales217(*). S'agissant ensuite de l'organisation et de la supervision des opérations électorales, des opérations de vote et du recensement général des votes, on distingue trois catégories de Commissions créées respectivement au niveau local, départemental et national. Au niveau local, il est créé pour chaque bureau de vote une Commission locale de vote218(*). Au niveau départemental, il est créé une Commission départementale de supervision chargée de veiller à la régularité, à l'impartialité et à l'objectivité des élections dans le département219(*). Enfin, au niveau national, est créée une Commission nationale de recensement général des votes. Cette dernière se distingue des Commissions suscitées sur quelques points. C'est la loi électorale elle-même qui précise la qualité de certains de ses membres. Il en est ainsi du président de la Commission qui doit être désigné par le président de la Cour Suprême parmi les magistrats de ladite Cour. Relativement aux membres de cette Commission, il est également prévu la désignation de deux d'entre eux par le même président et toujours parmi les magistrats de l'ordre judiciaire. Le reste des membres de la Commission était composé ainsi qu'il suit : dix représentants de l'Administration désignés par le ministre chargé de l'Administration Territoriale et dix représentants des candidats désignés par les partis politiques ayant pris part au scrutin. Le recensement général des votes se fait en public au siège de la Cour Suprême.

Comme on le voit, en dehors de la présence des personnalités dites indépendantes au sein de la Commission départementale de supervision220(*), il se dégage une constance dans la composition des Commissions. Ainsi retrouve-t-on dans chaque Commission la trilogie constituée des représentants de l'Administration, des représentants des partis politiques et des juges. A ces acteurs politiques et institutionnels s'ajoutent les électeurs.

Au terme des élections législatives de mars 1992, seuls quatre partis politiques sur la trentaine de départ vont se partager les 180 sièges en compétition. Il s'agit du RDPC qui vient en tête avec 88 sièges, suivi de l'UNDP qui obtient 68 sièges, puis de l'UPC qui va glaner 18 sièges et enfin le MDR se contentera des 6 sièges restant.

Ces résultats électoraux allaient donner au Parlement une configuration pluraliste.

B - La configuration pluraliste du Parlement

Parler de la configuration pluraliste du Parlement revient à examiner deux points caractéristiques du tout premier Parlement démocratique du Cameroun de la décennie 90 : il s'agit de la majorité (1) et de l'opposition parlementaires (2).

1 - La majorité

La majorité peut être entendue comme « Parti ou coalition de partis détenant la majorité des sièges du Parlement et servant d'appui au Gouvernement en régime parlementaire »221(*). Ainsi comprise, la majorité renvoie aux partis voire à un ensemble de partis qui partagent les mêmes vues que le Gouvernement. A l'issue des élections législatives de 1992, le RDPC est le parti politique ayant obtenu le plus de sièges à l'Assemblée nationale sans qu'il ne s'agisse cependant de la majorité absolue. Avec 88 sièges seulement sur les 180 sièges prévus, il se situait à trois sièges de la majorité absolue qui lui aurait permis de garder un pouvoir de dernier mot dans la procédure législative ou de révision constitutionnelle. Certains auteurs ont perçu ce scrutin comme un vote-sanction, arguant que les partis qui s'étaient présentés sous la bannière de l'opposition avaient obtenu ensemble plus de sièges que le parti du Chef de l'Etat222(*). Et n'eut été le refus du MDR de coaliser avec les autres partis d'opposition présents au Parlement, le RDPC aurait eu tous les problèmes du monde à former un Gouvernement.

Pourtant, rien ne prédestinait ce jeune parti politique à jouer un rôle déterminant de nature à bouleverser les équilibres sortis directement des urnes. En effet, ne disposant que 6 députés dans un Parlement qui en compte 180, d'aucuns diraient que sa moisson n'était pas abondante. Mais, c'est négliger le rôle d'arbitre que devait jouer ce parti dans les tractations qui alimentent la vie de tout Parlement pluraliste. C'est ainsi que grâce à l'appui du MDR, le RDPC au pouvoir avait pu former un Gouvernement le 9 avril 1992, coiffant ainsi au poteau ses suivants immédiats l'UNDP et l'UPC. Est-il besoin de rappeler que les 88 sièges remportés par l'ex-parti unique ne lui permettaient pas d'avoir la majorité absolue, c'est-à-dire d'avoir au moins 91 députés sur les 180 que compte l'Assemblée nationale ? La formation d'un Gouvernement apparaissait alors comme un véritable casse-tête. En acceptant de faire partie de la majorité présidentielle, le MDR avait tiré le RDPC de l'embarras223(*). Bien avant la formation du Gouvernement, le MDR était entré en force au Bureau de l'Assemblée où il obtint un poste de vice-président, un secrétaire et un questeur224(*). Le MDR et le RDPC avaient constitué à eux deux le premier Bureau de l'Assemblée nationale pluraliste.

Comme on le voit, la formation politique au pouvoir était, dès les premières élections de l'ère du pluralisme politique, bousculée dans sa position de monopole exclusif qu'elle avait occupé jusque-là tant sur l'échiquier politique national qu'à l'Assemblée nationale. Le RDPC payait certes le prix électoral des difficultés économiques et sociales éprouvées par les déflatés des programmes d'ajustement structurel. Mais au-delà de ce constat classique qui s'applique à tous les partis défendant un bilan gouvernemental, s'ajoutait un phénomène, tout aussi classique d'essoufflement. Aux affaires depuis 1973, l'ex-parti unique souffre d'un déficit d'image, de discours et de crises internes. Ce dernier n'a pas su changer profondément la culture politique d'un parti naguère solitaire et qui, désormais est sommé de s'adapter au nouveau contexte pluraliste et donc concurrentiel. Le thème de la « démocratisation interne du parti » brandi par le président Paul BIYA et président national de ce parti ne s'est pas accompagné d'un appel d'air qui aurait, entre autres, attiré vers le parti davantage de représentants de la société civile.

Parallèlement à ce succès en demi-teinte de l'ex-parti unique, les partis d'opposition font une entrée triomphale à l'Assemblée nationale.

2 - L'opposition

De manière générale, l'opposition peut être définie comme « le ou les partis politiques qui s'opposent à l'équipe au pouvoir en exerçant une fonction de surveillance et de critique, en informant l'opinion, voire en préparant une équipe gouvernementale de rechange »225(*). Ainsi entendue, l'opposition renvoie à l'ensemble des formations politiques qui se dressent contre le Gouvernement en place aussi bien dans les Assemblées parlementaires qu'en dehors de celles-ci. Dans le second cas, l'opposition est dite extra parlementaire et regroupe les partis ou coalitions de partis politiques qui, après la compétition électorale, ne disposent pas de représentation au Parlement. Elle constitue d'ailleurs incontestablement la plus importante opposition politique au Cameroun, notamment sur le plan numérique. Dans le premier cas en revanche, l'opposition est assurée par les partis qui s'opposent au Gouvernement en place mais plutôt dans l'enceinte parlementaire. En effet, la démocratie représentative fait du Parlement le principal cadre organisationnel de l'expression de la souveraineté du peuple, le lieu d'affrontement et de confrontation des représentants choisis par les citoyens pour prendre part à la détermination de la volonté nationale. C'est donc au Parlement que les droits de la minorité doivent être protégés . Mais il n'en a pas toujours été ainsi au Cameroun.

Longtemps diabolisée par les pouvoirs publics, l'opposition politique jusqu'en 1990 n'avait aucun moyen institutionnel pour jouer le rôle qu'on lui reconnaît dans toute démocratie pluraliste. Le contexte de « parti unifié » de fait caractérisé par « le règne de l'UNC » (avant 1985)226(*) et du RDPC (entre 1985 et 1990) ne lui donnait en effet aucun pouvoir d'ingérence sur la manière dont les affaires publiques étaient conduites. L'opposition était considérée comme une anomalie pour le développement du pays et le bon fonctionnement des institutions. A défaut de chanter eux aussi « les louanges du parti unique », les leaders des partis politiques de l'opposition, tout comme les militants du parti unique désireux de changer d'opinion227(*), n'avaient qu'une option : choisir entre l'exil et la prison voire entre « l'exil ou la guerre »228(*).

Toutefois, le renouveau du parlementarisme pluraliste va tenter de combler ces lacunes, étant donné que la reconnaissance de l'opposition et la place plus ou moins grande qui lui est accordée dans la vie politique sont devenues les critères décisifs dans la détermination de la réalité de l'ouverture démocratique d'un pays. Ainsi, comme dans le Parlement camerounais des premières années de l'indépendance, le pluralisme politique va à nouveau s'exprimer à l'Assemblée nationale en ce début de la décennie 90.

Parmi les partis politiques d'opposition qui figurent au Parlement, on a l'UNDP, l'UPC et le MDR. Ces habits neufs229(*) du Parlement ont respectivement obtenus 68, 18 et 6 députés à l'issue des législatives de mars 1992. Du coup, l'UNDP se positionne comme la deuxième force politique du Cameroun après le RDPC. Elle se présente comme un parti jouissant d'un large soutien de la population. Ceci s'illustre par le raz de marée de ce parti dans les trois provinces septentrionales du pays où il a obtenu 31 des 50 sièges en compétition. De même, hors de son fief, l'UNDP a obtenu 37 sièges, ce qui porte son total à 68 députés dans une Assemblée nationale qui en compte 180.

Avec ses 18 députés, l'UPC occupe la troisième place à l'Assemblée nationale même si en réalité elle est l'aînée des formations politiques en activité dans le pays.

Le MDR qui a également conquis sa place à l'Assemblée nationale où il dispose de 6 sièges, ferme la liste des partis d'opposition les plus représentatifs.

L'irruption des partis d'opposition au Parlement n'a pas eu pour conséquence un simple bouleversement de la configuration politique en son sein, elle y a aussi contribué à accentuer le débat contradictoire. En effet, l'opposition parlementaire exerce une fonction tribunitienne de critique de la politique déterminée par la majorité gouvernementale, une fonction de modération et de surveillance qui lui permet d'influer sur le destin des textes débattus au Parlement. A ce titre, les membres de l'opposition parlementaire disposent du droit de prendre la parole, le droit de proposition des lois ainsi que du droit de proposer des amendements aux textes soumis à la délibération du Parlement. Ils doivent aussi disposer d'un temps de parole suffisant pour formuler leurs critiques à l'encontre de la politique gouvernementale en général et du texte à adopter en particulier. Un tel travail améliore la qualité de la législation, car une longue discussion qui précède l'adoption de la loi garantit que tout ou presque tout a été dit pour ou contre la mesure adoptée. Il en résulte une grande crédibilité des textes adoptés. L'avènement d'une opposition parlementaire était donc de nature à enrichir l'activité normative du Parlement de même que le contrôle parlementaire de l'Exécutif.

Toutefois, ses fonctions méritent d'être fortement relativisées. Si l'opposition participe aux délibérations du Parlement, elle se trouve marginalisée et ses initiatives reçoivent très souvent peu d'écho favorable au sein du parti au pouvoir même lorsqu'elles paraissent pertinentes230(*). Qui plus est, l'activité de contrôle reste en général sans influence sur l'attitude du Gouvernement.

En somme, au Parlement, les députés de l'opposition risquent d'être dans l'impossibilité de s'exprimer clairement et pleinement si leurs initiatives ne sont pas prises en considération par le Gouvernement qui dispose par ailleurs du pouvoir de dernier mot sur les points à inscrire à l'ordre du jour, pouvoir qui a été maintenu par toutes les révisions constitutionnelles y comprise celle de 1996231(*).

Section 2 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 18 JANVIER 1996

La révision constitutionnelle de 1996 présente des traits quelque peu différents qui la démarquent de toutes les révisions de la Constitution du 2 juin 1972. D'une part, le monopole jadis incontesté du président de la République en matière constitutionnelle est remis en cause par les nouveaux acteurs de la vie politique que sont les partis d'opposition. Ceux-ci réclament le démantèlement du régime institué au Cameroun depuis 1972 par l'élaboration d'une nouvelle Loi fondamentale plus conforme à la nouvelle donne libérale en cours sur le continent. Mais, un usage simultané de ses prérogatives constitutionnelles et de sa place dans le système politique camerounais va permettre au président de la République d'avoir une maîtrise quasi totale du processus de révision (§1).

D'autre part, la loi constitutionnelle à laquelle ce processus a abouti constitue de par son étendue, une réforme jamais opérée par l'Assemblée nationale. Pour cette raison, sa nature est controversée, surtout au plan doctrinal (§2).

§1 : LE PROCESSUS DE REVISION CONSTITUTONNELLE MAITRISE PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Si la Constitution du 2 juin 1972 est encore en vigueur, ce n'est incontestablement pas de son initiateur Ahmadou AHIDJO qu'elle doit cette longévité. Celle-ci est en revanche due à l'action de son successeur constitutionnel : Monsieur Paul BIYA. Toutes les tentatives des partis d'opposition tendant à la rupture d'avec l'ordre constitutionnel en vigueur ont subi la censure de ce dernier qui contrôle toutes les étapes du processus de réforme constitutionnelle. Il contrôle la phase d'initiative (A) et détermine seul l'organe devant procéder à l'adoption définitive de la révision à savoir l'Assemblée nationale (B).

A - Le contrôle présidentiel de la phase d'initiative

Contrairement à nombre de ses homologues des autres Etats africains qui ont été contraints par l'opposition naissante à procéder à l'établissement d'une nouvelle Constitution232(*), le président de la République du Cameroun, s'appuyant sur la règle constitutionnelle, est resté le principal artisan du processus de démocratisation du régime politique camerounais. C'est ainsi qu'il allait reprendre habilement une initiative qui avait pourtant failli l'échapper en faisant prévaloir ses « propositions » de révision de la Constitution (2) sur l'avant-projet de Constitution inspiré par la Tripartite et rendu public le 18 mai 1993 (1).

1 - L'avant-projet de Constitution du 18 mai 1993

Une précision s'impose ici relativement à la nature de la Tripartite car elle est indispensable pour comprendre l'attitude ultérieure du président de la République jusqu'en 1996. A cet égard, précisons tout de suite que la Tripartite n'est pas une conférence nationale comme celle qui avait eu lieu dans certains Etats du continent africain à cette époque. En plus, la question constitutionnelle ne figure pas initialement à son ordre du jour, l'instance ayant été réunie dans la perspective des législatives alors programmées pour la fin de l'année 1991 à l'effet d'examiner essentiellement la question du code électoral et celle de l'accès des partis politiques aux médias de service public. En d'autres termes, la Tripartite n'était pas dans sa philosophie constitutive, différente de la Commission mise en place par le Gouvernement en 1990 pour reprofiler l'armature législative des libertés publiques au Cameroun, faire des propositions en ce sens au Gouvernement, lequel préparerait des projets de textes à soumettre au législateur. Ainsi, pour le Gouvernement, elle procédait d'une démarche consultative, de concertation dans un souci de consensus politique sur la règle électorale. Et aucune question d'ordre constitutionnelle n'est initialement inscrite à son ordre du jour. Dès lors, plusieurs questions viennent à l'esprit : pourquoi et comment la réforme constitutionnelle sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour de la Tripartite ? Quelle a été la procédure d'élaboration de l'avant-projet de Constitution du 18 mai 1993 (a) ? Qu'est-ce qui explique son infortune postérieure et son remplacement corrélatif par un projet de révision dont le président de la République sera le seul initiateur (b) ?

a - La genèse de l'avant-projet de Constitution

La réponse à la première question ci-dessus posée découle de la conception large qu'avaient les partis politiques d'opposition de l'ordre du jour de la rencontre. En effet, pour les partis politiques d'opposition, qui militaient unanimement pour une Conférence nationale souveraine, l'espoir caressé était de faire de ce forum une Conférence nationale. Ils demandèrent alors l'inscription de la réforme constitutionnelle à l'ordre du jour des travaux de la Tripartite. Dans un premier temps, le Gouvernement refuse de modifier l'ordre du jour de ladite réunion. Face à ce refus, 40 des partis d'opposition annoncent la suspension de leur participation aux travaux233(*). C'est devant cette annonce et surtout eu égard au contexte éruptif d'alors que le Gouvernement devait concéder à l'opposition une réforme constitutionnelle.

La résolution d'engager une réforme constitutionnelle fut prise le 17 novembre 1991. C'est à cette date en effet que la Tripartite signe une Déclaration, c'est-à-dire une sorte d'Accord politique prévoyant, entre autres exigences, l'inscription à l'ordre du jour d'un deuxième point portant sur la réforme constitutionnelle. Le troisième point de ces exigences était ainsi conçu :

« 3 - Sur la réforme constitutionnelle

a - Inscription de ce point à l'ordre du jour.

b - Création d'une 3ème Commission chargée de débattre des problèmes constitutionnels.

c - Mise sur pied par la Commission d'un Comité Technique Tripartite chargé de préparer les propositions relatives à cette réforme et à une programmation dans le temps des travaux y relatifs.

d - Organisation d'une nouvelle rencontre Tripartite constituée d'accord parties pour adopter les propositions du Comité Technique Tripartite. Cette rencontre aurait lieu avant les élections législatives »234(*).

En application de cette mesure, il fut créé au sein de la Tripartite une Commission chargée des problèmes constitutionnels. Cette Commission créa à son tour un Comité Technique Tripartite chargé d'élaborer un avant-projet de Constitution et un Comité de rédaction sur les questions constitutionnelles de onze membres dont dix juristes et un sociologue235(*). Le rôle de ce dernier organe est donc d'assurer la rédaction juridique de l'avant-projet de Constitution.

Les travaux de ce Comité se déroulaient en deux étapes, à savoir en Commissions spéciales et en Assemblée plénière. La composition de Commissions spéciales n'obéissait à aucun critère déterminé d'avance. En effet, deux ou trois membres s'entendaient volontairement pour travailler sur un chapitre déterminé de la future Constitution et rédigeaient à la fin de leurs discussions un rapport général bilingue qui était par la suite discuté en Assemblée plénière236(*). A cette instance, s'ouvrait une discussion générale sur la philosophie du chapitre et sur les points précis de ce dernier. A la fin était adopté le texte définitif du chapitre, quitte aux secrétaires à en arranger une structure lisible par articles, par paragraphes voire par sections.

Cependant, l'unanimité n'avait pas prévalu sur certains points. Les membres du Comité de culture anglophone voulaient particulièrement une structure de l'Etat de tendance fédérale, ce que contestaient les membres de culture francophone qui tenaient au respect strict du mandat de la Tripartite et portant sur un Etat unitaire largement décentralisé, pour ne pas dire régionalisé237(*). Le Comité travailla pendant dix-huit mois entre le 27 novembre 1991 et le 17 mai 1993, date à laquelle le texte de l'avant-projet de Constitution par lui élaboré sera rendu public.

Mais, alors qu'on pouvait s'attendre à ce que la Tripartite soit à nouveau convoquée pour examiner le travail de son Comité de rédaction sur les questions constitutionnelles, le président de la République créa plutôt par arrêté du 17 mai 1993, un Comité technique chargé du projet de révision de la Constitution. Composé de vingt-neuf membres238(*), y compris les onze membres du Comité de rédaction précédent, le nouveau Comité avait pour tâche de finaliser l'avant-projet de Constitution en tenant plus ou moins compte des suggestions résultant du large débat avec l'opinion nationale tel que souhaité par le Chef de l'Etat. En fait, le large débat qui devait permettre de dégager les principales orientations du nouveau texte était censé tenir compte de la position des camerounais sur la réforme constitutionnelle. Ceux-ci devaient communiquer leurs voeux par voie de courrier postal, de téléphone, de fax ou à travers la télévision et les journaux, etc. Le nombre élevé des suggestions recueillies dans le cadre du large débat témoigne s'il était encore besoin, la détermination du peuple camerounais à participer à l'élaboration de la nouvelle Loi fondamentale. A preuve, des milliers et des centaines de milliers de documents parvinrent aux membres du Comité technique, documents que, en vérité, peu d'entre eux n'eurent pas le temps et la volonté de lire, en raison parfois du caractère farfelu des propositions, du peu de temps accordé aux membres pour clore leurs travaux (soit deux semaines maximum) et aussi du caractère technique de la chose constitutionnelle239(*).

En l'absence de publication officielle intégrale et en raison du caractère subjectif et incomplet des écrits publiés par certains auteurs ou participants, il est difficile de savoir quel a été précisément le rôle des diverses contributions individuelles dans l'élaboration de la loi constitutionnelle de 1996. Il est en revanche possible de déterminer grosso modo les raisons de la confiscation ou mieux de « l'enterrement de l'avant-projet de Constitution de mai 1993 »240(*) par le Chef de l'Etat.

b - Le rejet de l'avant-projet de Constitution

Plusieurs raisons permettent de mieux comprendre ce changement de cap. Certaines sont d'ordre politique tandis que d'autres relèvent du droit positif.

Politiquement, on avance que l'avant-projet de Constitution avait été abandonné parce que les positions des membres de la Tripartite avaient évolué en faveur du président de la République. En effet, le contexte politique national avait subi de profonds bouleversements en 1992, lesquels avaient notamment disloqué le pôle de l'opposition et modifié les positions des uns et des autres par rapport à la question constitutionnelle. D'une part, des élections législatives anticipées de 1992, boycottées par une partie de l'opposition, avaient émergé de nouvelles forces politiques à côté de l'ex-parti unique telles l'UNDP, l'UPC et le MDR. Ces deux derniers partis étaient rentrés dans une alliance gouvernementale avec le RDPC. D'autre part, les élections présidentielles avaient eu lieu en octobre de la même année, une élection aux résultats contestés par le SDF et son candidat, Monsieur John FRU NDI. Ainsi, 1992 est une année marquée par la conquête des pouvoirs législatif et exécutif et la question constitutionnelle n'est manifestement pas une priorité politique. Ensuite, du discours du Chef de l'Etat à l'occasion de l'installation des membres du Comité Consultatif constitutionnel, ressortent des éléments traduisant son désaccord par rapport au contenu de l'avant-projet de Constitution. « Ce que nous cherchons depuis plus de dix ans, avec persévérance et méthode, affirme-t-il, c'est adapter et intégrer un système de valeurs universelles à un contexte camerounais qui a ses réalités, ses particularités et même ses impératifs conjoncturels (...). Nous ne voulons pas transposer chez nous, aveuglement, sans discernement, des recettes étrangères toutes faites, des modèles d'emprunt, eussent-ils réussi ailleurs, car le Cameroun--je l'ai dit en d'autres circonstances--a son identité propre (...). Une bonne Constitution doit pouvoir condenser et refléter les aspirations communes d'un peuple dans le présent, anticiper sur celles du futur, et résister aux aléas du temps, pour mériter d'être le gage de la pérennité de l'Etat et de la Nation »241(*).

Le chef de l'Etat utilise également un argument d'une évidente solidité tirée cette fois de la Constitution pour justifier la prééminence de ses vues sur celles de ses adversaires, en particulier le défaut de titre juridique sans lequel ceux-ci ne pouvaient parler au nom du peuple : « A quel titre une poignée de gens sans mandat du peuple s'arrogerait-elle le droit de parler en son nom, de mettre à l'écart les institutions existantes, de légiférer et de décider de l'avenir de la nation ? »242(*), se demandait déjà le président Paul BIYA dans son discours du 27 juin 1991 devant l'Assemblée nationale. Bien que prononcé longtemps avant l'établissement de l'avant-projet de Constitution, il n'en demeure pas moins que ce discours résumait à suffisance la position de son auteur tout au long du processus ayant abouti à la révision de 1996 et mérite une attention particulière, tant elle éclaire sur sa démarche ultérieure. Monsieur BIGOMBE LOGO et Madame MENTHONG ont donc raison d'écrire que : « le pouvoir en place fonde sa position sur une lecture intéressée de la Constitution qui consacre le monopole de la représentation nationale et l'action des pouvoirs élus. La Constitution du 2 juin 1972 ne permet pas la mise entre parenthèses des institutions publiques, la conférence nationale souveraine n'est donc pas légale »243(*). Il en résulte que seules les initiatives du président de la République semblaient conformes au droit positif.

2 - Les « propositions du président de la République pour la révision de la Constitution »

Avec la publication des propositions du président de la République, la procédure arrêtée par la Tripartite était dorénavant et définitivement renvoyée aux calendes grecques. Et le fait que le président de la République parle de «  propositions » ne doit pas conduire à penser qu'il s'agissait d'une contribution présidentielle au large débat sur la future Constitution camerounaise. Il s'agissait plutôt, à l'évidence, d'un changement de stratégie du président de la République consistant en un recul par rapport aux orientations initiales données à la réforme constitutionnelle au Cameroun. Elle apparaissait comme une reprise d'initiative par le président de la République qui opta ainsi purement et simplement pour une révision de la Constitution de 1972, d'où l'appel à un nouvel organe consultatif : le Comité consultatif pour la révision de la Constitution.

En effet, par décret n° 94/234 en date du 14 décembre 1994, le président de la République institue un Comité consultatif pour la révision de la Constitution dont la tâche est de « donner avis sur les propositions de révision de la Constitution à lui soumises par le président de la République ». Ce Comité comptait cinquante sept personnalités représentant respectivement les partis politiques, les personnalités (anciens hommes politiques, chefs traditionnels, etc.), les autorités religieuses, les personnalités compétentes et les pouvoirs publics244(*). Il était présidé par le premier ministre, Monsieur Simon ACHIDI ACHU et avait pour rapporteur Monsieur Pierre MOUKOKO MBONJO.

Il ressort du décret de création de ce Comité installé le 15 décembre 1994, que ce dernier devait travailler « jusqu'au 22 décembre au plus tard »245(*). Soit huit jours en tout ! La conséquence en est que l'avis du Comité consultatif constitutionnel reste, pour l'essentiel, un mystère. En tout état de cause, et comme le relève à juste titre le Professeur Alain-Didier OLINGA, le choix de la confidentialité, en matière de sédimentation constitutionnelle, ne participe pas de la logique démocratique, faite de transparence. En effet, tout au long du processus, le pouvoir a feint la transparence tout en étant secret, il a feint de jouer la consultation et le consensus tout en demeurant dans l'unilatéralisme.

Comme on le voit, dans la phase d'initiative de la révision constitutionnelle de 1996, le malentendu avait été total : les dirigeants voulaient faire de la Tripartite une sorte d'Etats généraux chargés d'examiner l'état de la société et de faire des propositions en vue de sortir de la crise ; l'opposition en avait fait une instance investie du pouvoir d'exercer le commandement suprême. Les voies et arguments utilisés pour y parvenir étaient cependant juridiquement contestables, car les membres de l'opposition ne pouvaient ni se prévaloir de la qualité de représentants du peuple, ni se prétendre investis par ce peuple d'un quelconque mandat.

B - L'intervention de l'Assemblée nationale

L'option du président de la République pour la voie parlementaire de révision au détriment de celle référendaire mérite une explication, car celle-ci semblait privilégiée par rapport à celle-là. D'où la nécessité de s'appesantir sur les justifications du recours à l'Assemblée nationale au détriment du peuple (1) en vue de l'adoption de la loi de révision constitutionnelle de 1996 (2).

1 - Les justifications du recours à l'Assemblée nationale

Certes, à l'époque du monopartisme triomphant, il était courant pour le président de la République de recourir au Parlement pour l'adoption des projets de révision constitutionnelle. Cependant, la révision constitutionnelle de 1996 intervenait dans des circonstances où le parti unique pouvait valablement être considéré comme ayant vécu. Dans ce contexte, le recours au Parlement pour l'adoption du texte de révision de 1996 avait sans doute été dicté par des considérations diverses. Celles-ci sont de deux ordres : juridique (a) et extra juridique (b).

a - Au plan juridique

Au plan juridique, le choix de la voie parlementaire de révision trouve son fondement dans la Constitution elle-même. En effet, la Constitution reconnaît au président de la République une liberté totale dans le choix de l'organe compétent pour voter un texte portant révision de la Loi fondamentale. L'article 36 de la Constitution originaire de 1972 qui lui réserve cette faculté est non équivoque. Il dispose en effet que « la révision lorsqu'elle est présentée devant l'Assemblée nationale à l'initiative des députés ou du président de la République est votée à la majorité des membres composant l'Assemblée nationale » et que « le président de la République peut décider de soumettre toute révision au référendum populaire ».

Ces dispositions laissent clairement entendre que s'il existe deux voies de révision constitutionnelle, à savoir la voie référendaire et la voie parlementaire, le président de la République est seul juge de l'option définitive à privilégier pour la révision. De ce point de vue, le constituant camerounais n'a pas jugé opportun de restreindre la liberté du président de la République relativement au choix de l'organe révisionniste contrairement à son homologue français qui impose au président de la République la voie référendaire de révision lorsque l'initiative émane du Parlement246(*). En l'absence d'une telle précision de la part du constituant camerounais, le président de la République peut soumettre au Parlement toute proposition de révision et tout projet de révision et ce, quelque soit par ailleurs leur étendue. Autrement dit, il n'existe en l'état actuel du droit constitutionnel positif camerounais rien permettant de définir les cas dans lesquels le peuple devra intervenir directement, ceux dans lesquels ses représentants doivent agir seuls, encore moins les hypothèses où ces derniers et le peuple seraient amenés à collaborer247(*).

b - Au plan extra juridique

Relativement aux justifications extra juridiques, plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer le choix par le président de la République de la voie parlementaire au détriment de celle référendaire. Ainsi, pour le Professeur Alain-Didier OLINGA, ce choix s'explique par plusieurs raisons qu'il résume parfaitement en ces termes : « le peuple aux yeux du pouvoir avait déjà eu le loisir de `'participer'', dans le cadre du large débat, à la réflexion constitutionnelle ; l'Assemblée nationale avait été renouvelée et, bien que certains partis d'envergure tels que le SDF et l'UDC fussent absents de l'hémicycle, elle était relativement représentative des forces politiques du pays, et sa légitimité à faire oeuvre constituante n'était pas juridiquement contestable ; les forces politiques de la nation avaient été associée à toutes les étapes du processus, depuis la Tripartite jusqu'au Comité consultatif constitutionnel »248(*).

Un argument de taille reste cependant le fait que le référendum était une option périlleuse malgré la relative accalmie observée dans le pays depuis les élections présidentielles d'octobre 1992 dont les résultats étaient contestés par le parti SDF. En effet, il aurait été transformé en une nouvelle campagne contre la légitimité du président de la République difficilement élu en 1992 et des institutions, en une occasion de démonstration de force pour les autonomistes, fédéralistes voire sécessionnistes et les contestataires de tous bords, etc. Dans un tel contexte, tous les éléments d'un débat confus, portant davantage sur autre chose que sur le projet de révision en question, étaient réunis249(*). Enfin, l'obstacle financier qui pouvait objectivement amener les pouvoirs publics à faire l'économie de la voie référendaire de révision n'était pas à négliger. On sait en effet que la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 a été adoptée dans un contexte de crise économique aiguë qui avait conduit le Gouvernement à accepter la dévaluation du franc CFA de 50% et à baisser drastiquement les salaires des fonctionnaires d'environ deux tiers250(*).

A la vérité, ces arguments ne sont pas dénués de pertinence d'autant plus qu'elles éclairent les contours de l'option pour la voie parlementaire de révision. Mais, elles le sont moins quant il faut expliquer le sort heureux du projet de révision, car les députés avaient à examiner et à voter librement les textes à eux soumis.

2 - Le vote du texte de révision

Déposé le 24 novembre 1995 devant le Bureau de l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 590/PJL/AN portant révision de la Constitution est déclaré recevable par la Conférence des présidents le 27 novembre 1995. Son examen s'est déroulé à partir du 30 novembre au 23 décembre de la même année, date à laquelle il sera voté et adopté.

La discussion générale de la Chambre entière a duré cinq jours, du 30 novembre au 4 décembre 1995. A la Chambre entière comme en Commission des lois constitutionnelles, le projet était défendu par le premier ministre, le vice-premier ministre chargé de l'Administration Territoriale, le ministre d'Etat chargé de la Communication, le Secrétaire général de la présidence de la République, le directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, le ministre de la Justice et le ministre de l'Enseignement supérieur en présence du ministre délégué chargé des relations avec les Assemblées.

Le projet de révision soumis par le président de la République à l'examen des députés comportait soixante articles, mais il est sorti fort enrichi de l'examen en Commission des lois constitutionnelles.

L'examen en Commission avait débuté le 5 décembre et s'était poursuivi jusqu'au 17 décembre 1995, soit environ deux semaines de travail. Tout a été examiné en détail, du Préambule à la disposition finale. Le consensus était recherché dans la mesure du possible, mais le vote s'était avéré indispensable pour départager les points de vue. La discussion portait notamment sur la dénomination de l'Etat, la nature du régime politique, le mandat présidentiel (le projet gouvernemental prévoyait cinq ans renouvelable une fois ; c'est en Commission que le mandat est passé à sept ans après un vote de dix-huit contre onze), l'élection présidentielle anticipée (la discussion a dû être suspendue faute de consensus), le fait que le président de la République puisse être Chef de parti (l'interdiction proposée n'a pas été retenue), la désignation du premier ministre, de la désignation des membres du Gouvernement parmi les élus parlementaires (amendement rejeté par dix-neuf voix contre huit et trois abstentions), la désignation de 20% et non 30% des sénateurs par le président de la République (amendement rejeté par dix-huit voix contre douze), la présidence du Conseil régional par une personnalité autochtone de la région dont on proposait la suppression (amendement rejeté par quinze voix contre treize et deux abstentions), la création des régions seulement par la loi et non par le président de la République (amendement rejeté par dix-sept contre douze et une abstention), le calendrier de mise en place des institutions, lesquelles devaient l'être selon l'amendement proposé avant la fin du mandat en cours du président de la République (amendement rejeté par dix-huit voix contre douze), entre autres points abordés.

C'est également en Commission que fut proposé l'amendement relatif à la déclaration des biens, lequel est devenu l'article 66 de la Constitution251(*). La question relative à la position du Gouvernement sur cet amendement est controversée. C'est ainsi que l'honorable Faustin ETOUE WAM, président de la Commission des lois constitutionnelles de l'époque affirmait que sur ce point précis « le Gouvernement n'était pas d'accord »252(*) ; ce qui est en contradiction avec le Rapport du député Hilarion ETONG qui révèle plutôt le soutien du Gouvernement à cette idée, pourvu que la Constitution en fixe simplement le principe, les conditions et les modalités de déclaration étant laissées à la loi253(*). Au moment où la Commission remet son Rapport à la Chambre entière, le projet de révision avait subi d'importants réajustements. Sur les régions par exemple, « nous avons tout réécrit », s'extasiait le député Faustin ETOUE WAM254(*). Ces amendements seront pour l'essentiel entérinés par la Chambre entière.

La plénière d'adoption du projet de loi constitutionnelle s'était tenue les jeudi 21, vendredi 22 et samedi 23 décembre 1995. Après présentation par le député Hilarion ETONG du Rapport de la Commission des lois constitutionnelles avait suivi le débat général sur le Rapport, débat animé par 170 députés au lieu de 180 qui composent normalement la Chambre. La séance ouverte à 17 heures 30 minutes ne déboucha sur aucun vote. Celui-ci n'interviendra que pendant la deuxième séance où la discussion ayant débouché sur un vote était déclenchée par une intervention du député UNDP de la Mémé, l'honorable SONA ELONGE au sujet de la dénomination du Cameroun. Pour lui, le maintien de l'appellation « République du Cameroun » au lieu de « République unie du Cameroun » était un argument pour les séparatistes anglophones qui y voyaient un élément de méconnaissance et de mépris. Au vote, 107 députés avaient voté pour le maintien de la dénomination « République du Cameroun », 61 s'y opposaient et un député s'abstint255(*).

La seconde discussion eut lieu à propos du mode d'élection du président de la République, l'UNDP par la voix de l'honorable EGBE BASSONG proposant un vote à la majorité absolue et non à la majorité simple. Cet amendement sera rejeté par 106 sur les 170 voix présentes. Le samedi matin, le MDR proposa l'élection du président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois; par 104 voix sur 170 l'amendement fut rejeté par les députés. Un peu plus tard, sur la proposition de l'UNDP d'élargir les pouvoirs de l'Assemblée nationale sur le contrôle de l'action gouvernementale, l'argument du régime semi-présidentiel conduisit au rejet de l'amendement. C'est l'UPC qui, vers 7 heures 30 minutes le samedi matin, déposa un amendement tendant à éliminer le fait que la présidence du Conseil régional soit réservée à un autochtone de la région. Après d'âpres débats que suscita cette question, l'amendement était soutenu par 40 députés, 105 s'y opposaient tandis que 25 s'abstenaient. Finalement, le projet de révision de la Constitution est adopté par 160 voix pour, 2 voix contre et 8 abstentions.

Le débat constitutionnel prend ainsi fin, du moins au niveau de la Chambre, en attendant la promulgation par le président de la République, du texte de révision. Et depuis sa promulgation le 18 janvier 1996, ce texte n'a cessé d'être exploré.

§2 : LA NATURE ET LE CONTENU DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1996

Deux points essentiels permettent de comprendre la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996. Le premier est relatif à la question de la nature de cette loi constitutionnelle qui, plus de dix (10) ans après sa promulgation, reste controversée (A). Quant au second point, il porte sur son contenu et requiert une attention particulière eu égard aux multiples innovations qu'il renferme (B).

A - La nature controversée de la loi constitutionnelle de 1996

On pouvait, à la simple lecture de l'intitulé de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, penser que tout observateur se précipiterait plutôt à découvrir son contenu. Tel n'a pourtant pas été le cas. A cet égard, deux thèses s'affrontent sur la question de savoir quelle est la véritable nature de cette loi constitutionnelle. La première est celle selon laquelle la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 constitue une nouvelle Constitution (1). La seconde, au contraire défend l'idée selon laquelle il s'agit plutôt de la Constitution du 2 juin 1972 révisée (2).

1 - La thèse selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 est une nouvelle Constitution

La thèse selon laquelle la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 constitue une nouvelle Constitution a été défendue dès mars 1996. Dans un article publié dans Lex Lata256(*), le Professeur Maurice KAMTO affirme que la loi constitutionnelle de 1996 est bel et bien une nouvelle Constitution. Au soutien de cette thèse, l'auteur déploie une série d'arguments. Le premier est tiré du contexte dans lequel a été élaborée et adoptée la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, contexte qui, selon lui, s'inscrivait indubitablement dans la logique de l'établissement d'une nouvelle Constitution. A l'instar de beaucoup d'autres auteurs qui défendent la même thèse, il se fonde sur la terminologie utilisée par le président de la République qui, dans plusieurs de ses discours à cette époque, utilisait les expressions telles « nouvelle Constitution » ou « changement de Constitution »257(*). A cet argument de nature politique s'ajoutent d'autres tirés de la procédure suivie lors de l'adoption de la loi constitutionnelle de 1996 au sein de l'Assemblée nationale. D'abord, le projet de loi de révision constitutionnelle introduit à l'Assemblée nationale le 17 novembre 1995 n'indiquait pas les dispositions de la Constitution de 1972 qui faisaient l'objet de la révision. Ensuite, poursuit-il, pratiquement toutes les dispositions de la Constitution de 1972 étaient plus ou moins concernées par la « révision », sans compter que l'ancienne Constitution s'était considérablement enrichie de nouvelles dispositions à commencer par le Préambule, passant de trente neuf articles à soixante neuf, presque du simple au double. Enfin, l'auteur relève que la façon dont le ``projet de loi de révision'' avait été examiné à l'Assemblée nationale écarte l'idée d'une simple révision constitutionnelle et confirme que la révision avait été dévoyée ou détournée en écriture d'une nouvelle Constitution. Ainsi donc, conclut-il, par la forme de sa présentation, le contenu du texte et la procédure suivie pour son examen à l'Assemblée nationale, la loi constitutionnelle promulguée le 18 janvier 1996 établie une Constitution nouvelle plutôt qu'elle n'introduit une simple révision de la Constitution de 1972258(*).

La même thèse a été défendue par le Professeur Magloire ONDOA qui, dépassant le formalisme positiviste de la procédure de révision, écrit lui aussi dans l'un de ses articles qu' «... à l'analyse du contenu de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996, il apparaît que celle-ci apporte des changements qui ne sauraient s'intégrer dans la logique d'une simple révision »259(*).

La thèse selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 est une nouvelle Constitution est également défendue par le Professeur Célestin KEUTCHA TCHAPNGA. L'argument avancé par celui-ci est tiré de la première décision de la Cour Suprême statuant comme Conseil constitutionnel rendue le 28 novembre 2002 et relative à la constitutionnalité de la dernière révision du règlement de l'Assemblée nationale. Selon l'auteur, et sans qu'il ne soit question ici de faire état de la controverse doctrinale sur la nature même de cette décision260(*), le juge de la constitutionnalité des lois aurait, à l'occasion, tranché le débat sur la nature de la loi constitutionnelle de 1996. En effet, commentant ladite décision, il relève que : « Un détail de rédaction, qui ne saurait être l'effet du hasard, apparaît à cet égard très révélateur. En se référant, aussi bien dans ses motifs que dans son dispositif, à la `'Constitution du 18 janvier 1996 (loi n° 96/06 du 18 janvier)'', la décision rapportée ci-dessus a tranché de façon explicite la controverse »261(*).

Ces quelques auteurs qui viennent d'être cités ne constituent pas une liste exhaustive des défendeurs de la thèse selon laquelle la loi n° 96/06 sous étude est bel et bien une nouvelle Constitution262(*). Ils permettent seulement de se faire une idée sur les principaux arguments qui résument quelque peu la thèse de l'écriture d'une nouvelle Constitution. Mais la thèse de la Constitution de 1972 révisée a aussi des adeptes.

2 - La thèse selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 est la Constitution du 2 juin 1972 révisée

Certes, les tenants de cette thèse ne remettent pas eux aussi en cause l'idée selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 se démarque, notamment par son étendue et son relent novateur, de toutes ses devancières. Cependant, cette relative unanimité disparaît lorsqu'est posée la question relative à sa nature. En effet, contrairement aux défenseurs de la thèse ci-dessus analysée, nombre d'auteurs, suivant en cela la volonté explicitement affirmée du pouvoir constituant dérivé de demeurer dans les limites de sa compétence révisionniste, affirment que la loi constitutionnelle de 1996 ne serait que la dixième révision de la Constitution du 2 juin 1972. Aussi avancent-ils plusieurs arguments à cet égard.

Mentionnons de prime abord cet argument du Professeur Marcelin NGUELE ABADA selon lequel « En dépit des innovations majeures, notamment sur le plan normatif et institutionnel, la nouvelle version du texte de 1972 ne constitue pas un changement de système. Elle renforce plutôt le primat présidentiel, l'alpha et l'oméga de la vie politique et juridique »263(*). Pour l'auteur, la rupture dans la dynamique constitutionnelle n'aurait eu de chance d'être objectivée qu'avec la mutation du statut du président de la République, clé de voûte du système politique. Or, de son point de vue, toutes les innovations apportées par la réforme de 1996 n'ont en aucune manière remis en cause cette orientation profonde du régime politique camerounais.

Ce point de vue est d'une pertinence incontestable, écrira Alain-Didier OLINGA quelques années plus tard avant de mobiliser à son tour son propre argumentaire à l'appui de la même thèse. Le premier argument qu'il avance est constitué par le fait que le pouvoir de révision est resté dans les limites de ses compétences telles qu'elles ressortent de la Constitution en vigueur. Il part de la question suivante : la Constitution de 1972 originelle prescrivait-elle la marge de novation et d'enrichissement que ne pouvait franchir le pouvoir de révision, au-delà des clauses de l'ancien article 37, lesquelles n'ont pas été remises en cause en 1996 ? Question à laquelle il répond par la négative264(*). De ce point de vue, le bon ou le mauvais usage de la procédure de révision ne pouvait juridiquement s'apprécier qu'à l'aune des modifications ou non des éléments substantiels évoqués à l'article 37. « Si ces éléments n'ont pas été atteints par la révision ou, mieux, si certains d'entre eux ont été plutôt confortés et consolidés, alors la notion de détournement ou de fraude est dénuée de pertinence »265(*). L'auteur conforte son argumentation par les éléments relevant de la pratique subséquente à la promulgation de la loi constitutionnelle de 1996. Partant de l'affirmation du général de Gaulle selon laquelle « une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique », il écrit à juste titre que « l'observation de la pratique décennale de la réforme de 1996 impose un constat : 1996 n'a pas constitué un changement de Constitution, une césure dans le cours constitutionnel, mais une simple continuité méliorative. La logique présidentialiste a prévalu dans le fonctionnement de la structure exécutive et dans la relation entre l'Exécutif et le Législatif. Parce que c'est dans la pratique institutionnelle que s'objective le sens donné par les pouvoirs institués aux dispositions constitutionnelles, la conclusion qui s'impose à l'évidence est celle d'une continuité et d'une stabilité de l'ordre constitutionnel »266(*). Cet auteur relève enfin, en plus de l'intitulée de la loi constitutionnelle de 1996 qui porte « révision de la Constitution du 2 juin 1972 »267(*), un argument issu du dispositif même de celle-ci, à savoir le fait que d'une part, son article 1er renvoie pour la dénomination de l'Etat à la loi constitutionnelle de février 1984 et d'autre part, le fait que « l'article 68 de la même loi renvoie à la législation résultant des textes fédéraux »268(*).

L'analyse objective de l'acte de révision de 1996 par François Xavier MBOME apporte elle aussi un argument de taille à la thèse de la révision de la Constitution de 1972 et non de son remplacement sous le prétexte de la réviser comme l'affirme les partisans de la thèse contraire. Son analyse mérite une attention particulière parce qu'il avait personnellement participé à l'une des phases ayant marqué le processus d'édiction de la loi constitutionnelle controversée, notamment au sein de la Tripartite aux travaux de laquelle il avait personnellement pris part. Certes, l'auteur est tout disposé à admettre que la loi constitutionnelle de 1996 a donné naissance à une nouvelle Constitution. Toutefois, il évoque trois éléments qui de son avis, devraient conduire à relativiser la radicalité d'un tel point de vue ou d'une telle conclusion269(*).

Le premier élément vient du fait que si l'on affirme que la Constitution du 18 janvier 1996 est une Constitution nouvelle parce que toutes les dispositions de l'ancienne ont été révisées, alors il y aurait lieu de se demander s'il n'y a plus de différence entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant institué ou dérivé, surtout que, toutes choses étant égales par ailleurs, l'on ne relève depuis 1960 au Cameroun aucune disposition réglementaire, législative, a fortiori constitutionnelle, faisant de l'Assemblée nationale en fonction un organe habilité à voter une nouvelle Constitution, en plus de sa compétence classique de révision. Ensuite, ajoute-t-il, affirmer que la Constitution fédérale de 1961 n'était formellement et officiellement qu'une loi de révision de la Constitution de 1960, alors qu'elle instituait un régime politique nouveau, et radicalement différent de son devancier, créait des institutions totalement nouvelles, et faisant tomber en désuétude le Texte de 1960, comme le Texte de 1996 pour celui de 1972, semble sous toute réserve faire fi des circonstances d'intervention des deux Constitutions mises en parallèle. La Constitution fédérale de 1961 « modifiait » celle de 1960 parce que l'on passait de l'Etat unitaire à l'Etat fédéral avec de nouveaux aménagements des pouvoirs publics, alors que le Texte de 1996 intervient dans le cadre de la même forme d'Etat unitaire. En troisième lieu, autant les institutions de 1960 tombèrent en désuétude, autant celles de 1972 semblent encore avoir (sauf preuve contraire) longue vie après le Texte de 1996, dans la mesure où l'article 67 paragraphes 1 et 2 dispose clairement : « Les nouvelles institutions de la République prévues par la présente Constitution seront progressivement mises en place, et jusqu'à cette mise en place, les institutions de la République actuelles demeurent et continuent de fonctionner ». Enfin, et toujours selon MBOME, la Constitution de 1961 semblait nouvelle par rapport à celle modifiée de 1960 parce qu'elle créait un régime politique nouveau. L'on ne saurait de plano comparer cette situation à celle de 1996. De fait, on passait en ce temps-là d'un régime parlementaire rationalisé en 1960 à un régime présidentiel au niveau fédéral en 1961, alors qu'en 1996, on demeure sous le même régime, ni présidentiel pur, mode américain, ni parlementaire pur, mode britannique, mais comme le qualifient certains constitutionnalistes, semi-présidentiel270(*).

Comme on peut le constater, l'intitulé de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 n'a pas suffi à faire taire toute discussion doctrinale sur sa nature. Mais, puisqu'en dépit des observations de la doctrine, cette loi a été promulguée, il y a lieu maintenant d'en cerner le contenu.

B - Le contenu de la loi constitutionnelle de 1996

La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 apporte de nombreuses innovations dans la Constitution de 1972. Pour mieux rendre compte de ces apports, il convient de dissocier ceux contenus dans le Préambule (1) de ceux qui concernent des nouvelles structures consacrées par le dispositif de la loi constitutionnelle de 1996 (2).

1 - Le Préambule

La loi constitutionnelle de 1996 innove dans le domaine des droits et libertés, car elle ne se limite pas, comme par le passé, à une énumération préambulaire desdits droits. Bien au contraire, elle contient en son sein non seulement les droits nouveaux (a) mais elle consacre aussi le statut constitutionnel longtemps controversé desdits droits (b).

a - La création de nouveaux droits et devoirs

Le Préambule de la loi constitutionnelle de 1996 consacre de nouveaux droits en même temps qu'il énonce des devoirs à la charge des citoyens. Les droits consacrés par le Préambule de la Constitution de 1972 révisée rentrent dans les trois catégories classiques des droits de l'homme que sont les droits de la première génération, les droits de la deuxième génération et ceux de la troisième génération même si on y rencontre aussi des droits plus ou moins originaux qui expriment la spécificité camerounaise.

Les droits classiques énumérés dans le Préambule de la loi constitutionnelle révèlent la confirmation par le pouvoir constituant dérivé de son attachement à un certain nombre de principes : l'égalité, la sûreté personnelle, l'inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance, la non-rétroactivité de la loi, l'accès à la justice, la liberté de conscience et de culte, le droit au travail, le droit de propriété, la liberté d'expression et de presse, la laïcité de l'Etat.

A ces droits classiques s'ajoutent de nouveaux, à savoir la présomption d'innocence liée à la due process of law d'origine anglo-saxonne. En effet, en plus des droits suscités, le Préambule contient un nouveau droit consacré en ces termes : « Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense ».

De même, se trouvent consacrés le droit à la vie et ses implications. Il ressort en effet du Préambule que toute personne a droit à la vie et à l'intégrité physique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Force est cependant de remarquer que les conditions d'arrestation et le contenu des articles 12 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui mettent la force publique au service de la garantie des droits de l'homme et du citoyen et affirment le droit de la société de demander compte à tout agent public de son Administration ont été ignorés.

Parmi les droits sociaux retenus dans l'acte de révision de 1996, il y a, à coté de la liberté syndicale, la liberté de communication et le droit de grève. Ce faisant, le constituant camerounais a prudemment évité les droits-créances qui, de l'avis du Professeur James MOUANGUE KOBILA, lui est présentement impossible de satisfaire à l'instar de la gratuité de l'enseignement, du droit à la santé, au repos, aux loisirs et à une vieillesse heureuse271(*).

La même prudence « réaliste » se remarque dans la proclamation des droits de la troisième génération. Ainsi, le seul droit consacré à cet égard est le droit à un environnement sain. La protection de l'environnement est du reste érigé « en devoir pour tous », même si le premier rôle revient à l'Etat.

Plus spécifiquement, on n'est frappé par le fait que tout le Préambule ne mentionne ni le droit au développement, ni le droit à la paix, encore moins le droit à la propriété sur le patrimoine commun de l'humanité. Est-ce pour la raison ci-dessus évoquée ou parce que leur qualité de droits est contestée ? En effet, Robert PELLOUX écrit sur ce point qu' « Il paraît chimérique d'espérer que ces droits puissent, dans un avenir relativement proche, bénéficier d'une protection juridique »272(*).

L'Etat se trouve également chargé d'assurer aux camerounais la jouissance des droits originaux qui tranchent radicalement avec le mimétisme juridique souvent dénoncé. Aux termes de la nouvelle version du Préambule, l'Etat est chargé d'assurer la protection des minorités et de préserver les droits des populations autochtones. Ceci s'inscrit en droite ligne du réalisme dont a dû faire preuve le constituant. En effet, conformément à la maxime ubi societas ibi jus, la Constitution d'un pays doit toujours tenir du peuple et du milieu dans lequel elle est appelée à s'appliquer ; la Constitution ne pouvait ne pas refléter les ressorts politiques et psychologiques du pays. D'autant plus que l'existence de ces catégories de populations et les concepts même de « minorité » et « d'autochtone » sont familiers du vocabulaire politique camerounais.

Pourtant, il s'agit là des concepts qui sont souvent incompris, contestés voire controversés. La véritable difficulté que rencontre le juriste ici est que la notion d'autochtone par exemple est loin d'être une notion juridique. En tout état de cause, le constituant ne consacre aucun critère de l'autochtone et le problème de sa définition ne trouve pour l'instant aucune réponse scientifiquement stable. Est-ce l'histoire, c'est-à-dire l'antériorité dans l'occupation d'un territoire ? Et dans ce cas, jusqu'où faudra-t-il remonter dans l'histoire ? Est-ce la tribu ou l'ethnie fondée sur la parenté linguistique et culturelle ?

A la vérité, la consécration juridique de ces notions doit être analysée plus comme un couronnement qu'une innovation. En effet, la solennisation de la protection des minorités et des populations autochtones dans le Préambule de la Constitution n'est que la cristallisation d'une pratique politique connue sous le nom pudique de ``consensus'' depuis le renouvellement des organes du parti unique en 1985273(*). Et les différentes lois électorales du pays conditionnent l'acceptation de toute liste de candidats à la prise en compte de la composition sociologique de la circonscription. Une seule d'entre elles en rapport étroit avec notre thématique l'atteste à suffisance. Il s'agit de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale dont l'article 5 alinéa 4 dispose que l'établissement de chaque liste doit tenir compte de la composition sociologique de la circonscription.

Mais, en consacrant la protection des minorités et les droits des populations autochtones, il y a lieu de craindre que le constituant ait attisé les conflits sociaux et ouvert la voie à des situations incontrôlées, alors même que son intention était plutôt de mettre fin aux oppositions entre majorités et minorités, autochtones et allogènes voire de prévenir leur exacerbation. En donnant l'impression d'arbitrer en faveur des seuls minorités et autochtones sans toutefois rassurer concomitamment les majorités et les allogènes, le pouvoir a provoqué un grief de lèse-majorité et de lèse-allogène d'autant plus douloureusement ressenti que cette consécration constitutionnelle rime à contre-courant de l'ambition démocratique perceptible à travers la lecture du Préambule, du dispositif de la Constitution et du sens même de l'histoire274(*).

Quoiqu'il en soit, l'introduction de ces concepts dans la Loi fondamentale sans leur donner un contenu précis n'a cessé de susciter des incertitudes tant au sein de la doctrine que de la classe politique nationale.

Pour équilibrer le pacte social garantissant les droits des gouvernés en leur reconnaissant un espace séparé des gouvernants, le Préambule de la Constitution met quelques devoirs à la charge du citoyen. C'est ainsi qu'en plus du devoir de travailler et de protéger l'environnement, le Préambule consacre deux devoirs peu agréables pour le citoyen. Ce dernier doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges publiques. De même, tous les citoyens contribuent à la défense de la patrie. Ce dernier devoir, dont la consécration expresse peut a priori être considérée comme superflue, se comprend davantage si l'on fait état des relations qui prévalaient en 1996 entre le Cameroun et l'un de ses voisins : le Nigeria. A cet égard, l'introduction de ce devoir du citoyen dans la Constitution n'est certainement pas sans lien avec l'affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria qui avait été à l'origine de plusieurs incidents frontaliers d'intensité croissante et dont la Cour Internationale de Justice avait été saisie, à l'initiative du Cameroun, par requête du 29 mars 1994275(*). Malgré le fait que le renvoi à la loi n'ait pas été opéré comme c'est le cas avec certains droits énoncés, il va de soi que ces devoirs ne pourront être assurés que dans le cadre des actes législatifs et réglementaires pris à cet effet, sous réserve des précisions éventuelles de la jurisprudence.

A ces droits s'ajoutent d'autres, car il convient de se remémorer que le Préambule de la Constitution fait référence à certains textes internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il en est ainsi de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et la Charte des Nations Unies. A côté de ces deux références normatives assez classiques, la nouvelle version du Préambule ajoute la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 21 octobre 1986276(*) et toutes les conventions internationales relatives aux libertés fondamentales et ratifiées par le Cameroun. Ces nouvelles références participent certainement du souci de conformer l'énonciation constitutionnelle des droits avec les engagements conventionnels du Cameroun en la matière. Toutefois, les textes auxquels renvoie le Préambule n'ont pas valeur supra-législative que le constituant entend donner aux accords et traités internationaux de droit commun dans l'article 45. Ils sont de fait incorporés au Préambule de la Constitution et ont désormais la même valeur que celle-ci.

b - L'affirmation de la valeur constitutionnelle du Préambule

Une longue controverse avait opposé les auteurs sur la force juridique du Préambule de la Constitution et indirectement sur celle des droits et libertés qu'il renferme. La controverse était d'autant plus justifiée qu'en dépit du silence des Constitutions successives du Cameroun de 1960, de 1961 et de 1972 (dans sa mouture initiale), la jurisprudence était loin d'apporter une solution même approximative à cet égard. En intégrant le Préambule à la Constitution, le constituant de 1996 a donc tranché la controverse. Au vrai, quels en étaient les termes ?

La doctrine était en effet divisée entre deux positions. La thèse de la force contraignante des droits énoncés dans le Préambule de la Constitution et la thèse de l'incertitude de la valeur juridique du Préambule.

La première thèse était défendue par les auteurs tels qu'Eric BOEHLER qui voyait dans certains arrêts de la Cour fédérale de justice la reconnaissance jurisprudentielle de la valeur juridique des droits énoncés dans le Préambule. L'affirmation de la force juridique du Préambule de la Constitution du 2 juin 1972 était aussi défendue par Monsieur François Xavier MBOUYOM qui prenait appui sur les arrêts n° 41 du 14 janvier 1964 relatif à la reconnaissance d'enfant et n° 67 du 11 juin 1963 déclarant « contraire à la Constitution une coutume excluant les filles de la succession pour les motifs fondés sur le sexe »277(*).

La seconde thèse, c'est-à-dire celle de l'incertitude de la valeur juridique du Préambule, était défendue par les Professeurs Paul Gérard POUGOUE et Maurice KAMTO qui  écrivaient qu'« on peut légitimement contester la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution du 2 juin 1972 »278(*).

Mais, depuis la promulgation de la loi constitutionnelle de 1996, cette controverse peut valablement être considérée comme ayant vécu et n'a plus qu'un intérêt historique. Deux raisons tirées du dispositif de cette loi peuvent être avancées à ce sujet. La première résulte de son article 65 qui dispose de façon non équivoque que le Préambule fait partie intégrante de la Constitution. La seconde raison tient au fait qu'aucune disposition du titre VII qui organise le contrôle de constitutionnalité, n'en exempte le Préambule. Dès lors, à la différence du Préambule de la Constitution originaire de 1972, sa version actuelle ne sert pas uniquement l'élégance du texte. En conséquence, le Conseil constitutionnel peut sanctionner la non-conformité d'une loi au Préambule de la Constitution. Son rôle en ce domaine est d'autant plus attendu que lui seul pourra préciser le contenu de certains droits énumérés dans le Préambule de la Constitution.

Le doute sur le contenu de ces droits résulte principalement du caractère assez flou de leur titulaire et de leur débiteur voire de leur objet. Et c'est précisément ce flou qui fait hésiter sur leur caractère normatif. C'est le cas de la disposition du Préambule où il est affirmé que « la nation protège et en courage la famille (...). Elle protège la femme, les jeunes, les personnes âgées et les personnes handicapées ». Cette disposition s'apparente à ce que les Professeurs Pierre AVRIL et Jean GICQUEL qualifient de « déclarations d'intention dépourvues de contenu normatif »279(*). Les dispositions énonçant que l'Etat assure à l'enfant le droit à l'instruction, tout homme a le droit et le devoir de travailler, sont sans doute à classer dans le même registre. Tout comme reste posée la question de savoir si les droits contenus dans les affirmations : « Toute personne a droit à un environnement sain »; « La protection de l'environnement est un devoir pour tous »; « l'Etat veille à la défense et à la promotion de l'environnement », relèvent des droits immédiatement quérables. Georges BURDEAU parlant par exemple du droit au travail dit qu' « il n'est pas directement opposable aux gouvernants (...) »280(*). Il en résulte que selon lui, le droit au travail n'est pas immédiatement exigible et ne saurait donc être juridiquement sanctionné.

En toute hypothèse, tant par son contenu que par sa valeur juridique désormais constitutionnellement affirmée, le Préambule de la Constitution dans sa version du 18 janvier 1996 réalise une avancée significative dans la voie de la construction d'un Etat de droit au Cameroun. Cette impression empreinte d'optimisme est confortée en plus par la configuration des nouvelles structures qu'elle consacre.

2 - Les nouvelles structures

La loi constitutionnelle de 1996 transforme la physionomie initiale des institutions de la Constitution du 2 juin 1996, notamment dans le sens de leur renforcement. Ainsi, le pouvoir exécutif est devenu formellement bicéphale, car contrairement à la révision de 1991 qui ne faisait pas du gouvernement un organe autonome, celle de 1996 lui réserve le chapitre II en lui faisant passer d'un organe déconcentré de l'Exécutif à un véritable organe distinct du président de la République. En plus, la révision de 1996 contient comme institutions nouvelles, un Parlement bicaméral avec la création d'une nouvelle Chambre, le Sénat281(*).

Font également leur apparition dans la nouvelle structure des pouvoirs, un Conseil constitutionnel (a) et une Chambre des comptes au sein de la Cour Suprême qui trône au sommet « Du Pouvoir judiciaire » (b), expression qui remplace désormais celle classique « De l'Autorité judiciaire ».

a - Le Conseil constitutionnel

La Constitution originaire de 1972 avait fait de la Cour Suprême une juridiction polyvalente dont l'hypertrophie des attributions était la principale caractéristique. Mais la loi constitutionnelle de 1996 vient l'amputer de sa qualité de juge constitutionnel282(*).

En effet, à l'allure d'une mutation qui se veut profonde, l'acte de révision de 1996 opère un passage de l'expérience tenant à la séparation des litiges dans « l'un juridictionnel » à l'instauration d'une manifeste distinction limitative des contentieux par suite de dislocation juridictionnelle. C'est ainsi que le contentieux constitutionnel a été extirpé du « joug de la Cour suprême »283(*) pour être confié conformément au nouveau titre VII du texte constitutionnel, à un organe spécial, en l'occurrence le Conseil constitutionnel. Le sentier d'un ordre juridictionnel nouveau est désormais tracé, signant ainsi formellement la fin d'une époque : celle du monopole contentieux jusqu'alors détenu par la Cour Suprême ainsi que d'une impression : celle selon laquelle le système juridique camerounais avait embrassé l'option d'unité de juridiction.

Incontestablement inspiré par le modèle français de justice constitutionnelle dont l'institution tenait du souci du constituant de ce pays de contenir un Parlement parfois trop entreprenant face à la branche gouvernementale de l'Exécutif, le constituant camerounais de 1996 a créé un Conseil constitutionnel affecté de plusieurs charges. Ainsi, selon l'article 47 alinéa 1er de la loi constitutionnelle de 1996, le Conseil constitutionnel statue souverainement sur : la constitutionnalité des lois, des traités et accords internationaux ; les règlements intérieurs de l'Assemblée nationale et du Sénat avant leur mise en application quant à leur conformité à la Constitution; les conflits d'attribution : entre les institutions de l'Etat ; entre l'Etat et les régions ; entre régions.

L'article 48 le charge également de veiller à la régularité des élections présidentielles, législatives et des consultations référendaires dont il est par ailleurs appelé à en proclamer les résultats.

En plus de ces attributions de nature contentieuse, le Conseil exerce une fonction de nature consultative. Mais les avis donnés par le Conseil ne peuvent l'être que sur les matières qui relèvent de sa compétence284(*).

Cette double activité (contentieuse et consultative) sera pareillement exercée par onze membres désignés pour un mandat de neuf (9) ans non renouvelable et par un nombre indéterminé de membres de droit que sont les anciens présidents de la République. Mais, les critères du choix des sages restent vagues et floues. En effet, lorsque la Constitution dispose laconiquement que les membres du Conseil sont choisis parmi les personnalités de réputation professionnelle établie et jouissant d'une grande intégrité morale et d'une compétence reconnue, on est immédiatement amener à se poser la question de savoir de quelles profession et compétence s'agit-il. Manifestement, les techniciens du droit au rang desquels figurent les enseignants d'universités, ne peuvent vigoureusement se prévaloir de telles dispositions, sujettes à interprétation, pour assurer les fonctions de conseiller constitutionnel285(*). Il est cependant à remarquer que la désignation des sages reste empreinte d'une forte dose de discrétion reconnue aux autorités compétentes. Aux termes de l'article 51 alinéa 2 de la Constitution, ils sont nommés par le président de la République et désignés de la manière suivante : trois, dont le président du Conseil, par le président de la République ; trois par le président de l'Assemblée nationale après avis du Bureau ; trois par le président du Sénat après avis du Bureau et deux par le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Les membres du Conseil constitutionnel prêtent serment devant le Parlement réuni en congrès dans les formes fixées par la loi. Leurs fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement, du Parlement ou de la Cour Suprême, l'acte de révision ayant reconnu au législateur compétence pour fixer les autres éléments du statut des juges constitutionnels tels les incompatibilités, les obligations, les immunités et les privilèges. De même, l'organisation et le fonctionnement, les modalités de saisine ainsi que la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel sont fixés par la loi286(*).

Le droit de saisine du Conseil est limitativement attribué aux personnalités de l'Etat telles que le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs et les présidents des exécutifs régionaux lorsque les intérêts de leurs régions sont en cause. Mais en cas de contestation sur la régularité de l'une des élections prévues à l'alinéa 1er de l'article 48 précité, le Conseil constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l'élection dans la circonscription concernée ou toute personne ayant qualité d'agent du Gouvernement pour cette élection. En cas de contestation sur la régularité d'une consultation référendaire, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs.

Que reste-t-il finalement à la Cour Suprême privée de sa qualité de juge constitutionnel ?

b - La nouvelle configuration du pouvoir judiciaire

Aux termes des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la Constitution, « le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour Suprême, les Cours d'Appel, les Tribunaux. (...) ».

Une Cour Suprême a donc été reconduite en1996, pour ainsi dire qu'il y a eu, à certains égards, un statu quo juridictionnel. Mais la similitude par rapport aux données juridiques antérieures s'arrête là, la Cour ayant subi une amputation de sa compétence ratione materiae tenant notamment à la justice constitutionnelle. Autrement dit, si l'institution a été maintenue, il reste que l'étendue de ses compétences a été revue dans le sens de son allègement. D'où la question de savoir quelles sont les matières qui restent dévolues à la Cour Suprême. L'article 38 alinéa 1 de la Constitution répond à cette préoccupation en ces termes : « La Cour Suprême est la plus haute juridiction de l'Etat en matière judiciaire, administrative et de jugement des comptes ».

La Cour suprême conserve d'abord ses attributions traditionnelles relevant des questions civiles et pénales. Celles-ci s'exercent par le biais d'une Chambre judiciaire créée à l'article 38 alinéa 2 et qui, conformément à l'article 39, statue souverainement sur les recours en cassation admis par la loi contre les décisions rendues en dernier ressort par les Cours et Tribunaux qui lui sont subjugués.

Ensuite, la Cour Suprême réformée a conservé ses compétences en matière de contentieux administratif avec cependant une importante innovation. Maintenue à l'article 38 alinéa 2 de la Constitution tout comme la précédente Chambre judiciaire, « la Chambre Administrative » actuelle, en application de l'article 40 de la Constitution, joue désormais le rôle de formation contentieuse d'appel jadis confié à l'Assemblée plénière287(*).

A la question de savoir quelle est l'instance inférieure qui se substitue à l'ex-Chambre Administrative en vue de pérenniser le double degré de juridiction voulu par le constituant, l'article 40 de la Constitution de 1972 révisée qui parle vaguement de « juridictions inférieures en matière de contentieux administratif », trouve sa précision nécessaire à l'article 42 alinéa 2 qui postule explicitement des Tribunaux administratifs. Ces derniers illustrent, par conséquent, une importante innovation dans l'organisation de la justice administrative. Les Tribunaux administratifs sont désormais organiquement déconnectés de la Cour Suprême que ne l'étaient les deux formations contentieuses ou que ne l'est l'actuelle instance d'appel qu'est la Chambre Administrative.

Enfin, dans le souci de sécuriser davantage les finances publiques, le constituant de 1996 a juridictionnalisé leur contrôle par la création au sein de la Cour Suprême d'une Chambre des comptes. L'institution d'un contrôle juridictionnel des finances publiques était d'autant plus attendue que dans l'avant-projet de Constitution issu des travaux du Comité technique chargé des questions constitutionnelles mis sur pied par la Tripartite, figurait déjà une Cour des comptes détachée de la Cour Suprême. Il en résulte que l'acte de révision de 1996 s'est montré moins ambitieux que cet avant-projet de Constitution en ce qui concerne le contrôle des finances publiques, ce qui contraste avec l'exigence de plus de transparence dans la gestion des finances publiques observée au Cameroun depuis les années 1990.

Il est en revanche incontestable que la Chambre des comptes doit exercer les attributions qu'on pouvait attendre d'une juridiction organiquement autonome en matière des comptes publics. A la suite de l'article 38 alinéa 2 de la loi constitutionnelle qui l'institue, l'article 41 décline les matières sur lesquelles la Chambre des comptes doit exercer son contrôle ou statuer le cas échéant. Aux termes de cet article en effet, la Chambre des comptes est compétente pour contrôler et statuer sur les comptes publics et ceux des entreprises publiques et parapubliques. Elle est érigée en juridiction d'appel en matière des comptes. C'est ce qui ressort de l'alinéa 2 de l'article précité qui dispose qu'elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures des comptes. Mais la Constitution donne au législateur compétence pour étendre les attributions de la Chambre des comptes, car l'article 41 in fine dispose qu'elle connaît de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi. De même, l'organisation, le fonctionnement, la composition, les conditions de saisine et la procédure suivie devant elle tout comme devant les juridictions inférieures des comptes sont fixés par la loi.

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

Au regard du cheminement de l'idée de procéder à une réforme de la Constitution du 2 juin 1972 d'octobre 1991 jusqu'au 24 novembre 1995, compte tenu des circonstances à tout point de vue historiques d'institution d'une Assemblée nationale pluraliste qui devait la concrétiser et l'extraordinaire capacité de novation institutionnelle dont cette dernière a fait montre, l'on peut affirmer que la mise en oeuvre du pouvoir constituant dérivé en 1996 a constitué un tournant majeur dans le droit constitutionnel de la seconde République du Cameroun. Les innovations introduites dans la Constitution depuis lors connaissent actuellement un essor perceptible.

Toutefois, la nature du texte qui les porte, à savoir la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, reste controversée en doctrine.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

L'observation de la réalité du pouvoir constituant dérivé au Cameroun de 1990 à 1996 au travers de sa physionomie et des modalités de son fonctionnement entre 1990 et 1991 d'une part et entre 1992 et 1996 d'autre part, a permis d'apprécier l'évolution qu'a connu cet organe de l'Etat. Cette évolution révèle que l'Assemblée nationale, organe révisionniste, est passée d'une structure monolithique, et par conséquent antidémocratique, à une structure pluraliste. On a également noté une évolution dans ses modalités de fonctionnement du fait des amendements apportés par les députés au projet de révision ayant donné naissance à la loi constitutionnelle de 1996. A travers l'exercice du droit d'amendement, le débat politique s'en trouve non seulement amélioré, mais rendu fructueux. C'est l'Assemblée nationale qui confirme davantage son rôle, celui d'organe appelé à adapter la Loi fondamentale aux exigences démocratiques de la société camerounaise.

A cet effet, quelques efforts étaient encore à faire dans le sens du renforcement du pouvoir constituant dérivé. Les mutations de ce dernier depuis 1996 ont dans une large mesure tenu compte de cette nécessité.

Seconde Partie :

LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1996 A 2008

L'on se doit de revenir sur la question de savoir si le pouvoir constituant dérivé a vraiment changé en enregistrant et en reflétant dans la réalité les mutations qu'il a connues entre 1990 et 1996 parmi lesquelles celles relatives au renforcement de sa structure organique ?

Certes, la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 a été d'une ampleur sans précédent et a consacré de nouvelles institutions dont, en raison du contexte économique difficile qui a présidé à leur avènement, la mise en oeuvre se devait naturellement d'être inscrite dans la durée, progressive. Mais, en prenant lui-même le soin de prescrire formellement cette exigence de bon sens dans la mise en oeuvre des nouvelles structures au rang desquelles figure le Sénat sans aucune indication particulière notamment en termes de délai, le pouvoir constituant dérivé ne semble-t-il pas avoir donné un fondement juridique à leur ineffectivité au regard du retard excessif observé par les pouvoirs publics pour les concrétiser dans les faits ?

L'examen des mutations du pouvoir constituant dérivé depuis 1996 met en lumière ces limites qui font que cet organe vacille entre le renforcement de sa structure et son ineffectivité pratique (Chapitre 1). D'autre part, l'affirmation à rebours qui le caractérise aujourd'hui témoigne de l'incomplétude des mutations attendues depuis 1996 (Chapitre 2).

Chapitre 1 : LE RENFORCEMENT DE LA STRUCTURE ORGANIQUE DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ENTRE AFFIRMATION JURIDIQUE ET INEFFECTIVITE PRATIQUE

Avant la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996, le pouvoir constituant dérivé était un Parlement monocaméral. Même à l'époque du fédéralisme, c'est-à-dire de 1961 à 1972, le constituant camerounais n'avait point institué le bicaméralisme. Celui-ci n'est consacré que depuis 1996 à la faveur de la promulgation de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 qui crée une seconde Chambre au sein du Parlement.

Mais, si le bicaméralisme ainsi consacré est déjà fonctionnel dans nombre d'Etats africains ayant opté à la même époque pour cette forme d'organisation du Parlement, force est de constater que le Cameroun tarde à franchir le pas288(*). C'est pourquoi le bicaméralisme camerounais reste en retrait du mouvement de démocratisation en cours sur le continent depuis la décennie 1990.

Il est question de mettre en relief cette dichotomie entre la consécration juridique du bicaméralisme par loi constitutionnelle de 1996 (Section 1) et son ineffectivité pratique jusqu'à nos jours (Section 2).

Section 1 : LA CONSECRATION CONSTITUTIONNELLE DU BICAMERALISME

En disposant en son article 14 alinéa 1er que le pouvoir législatif est exercé par le Parlement qui comprend deux Chambres, à savoir l'Assemblée nationale et le Sénat, la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 consacre la rupture avec la tradition du monocamérisme qui jusque-là avait caractérisé le Parlement camerounais. Mais l'importance de cette disposition ne tient pas seulement au fait qu'elle vient renforcer le pouvoir législatif. Il vient également renforcer la structure organique du pouvoir constituant dérivé, car l'article 63 qui organise la procédure de révision fait expressément référence au Parlement comme organe compétent pour adopter une loi de révision constitutionnelle mais ce dernier est, en cette circonstance, distinct du pouvoir législatif.

On est là en présence d'une des conséquences du bicaméralisme (§2). Mais avant de les examiner, il convient au préalable de cerner la consistance même du bicaméralisme camerounais (§1).

§1 : LE BICAMERALISME CAMEROUNAIS

Le bicaméralisme se définit comme le « système d'organisation du Parlement consistant dans sa division en deux Chambres »289(*). Il a toujours un caractère modérateur en ce qu'il a essentiellement pour objet de corriger les excès éventuels de la loi du nombre qu'incarne l'Assemblée nationale qui a la base populaire la plus large, justifiée le recours au suffrage universel direct en vue de l'élection de ses membres. On peut distinguer deux formes de bicaméralisme à savoir le bicaméralisme fédéral et le bicaméralisme des Etats unitaires ou politique. Le bicaméralisme fédéral, en vigueur dans les Etats fédéraux comme les Etats-Unis d'Amérique, est lié à la structure composite de l'Etat qui comporte une double catégorie d'organes gouvernementaux, les uns propres aux Etats membres, les autres propres à l'Etat fédéral. Ce type de bicaméralisme répond donc à la nécessité d'une représentation particulière des Etats membres de l'Etat fédéral au sein du Parlement de l'Etat fédéral. D'où la dualité de la représentation au niveau du Parlement fédéral par l'existence de deux Chambres dont l'une représente l'ensemble de la population de la fédération tandis que l'autre représente chaque Etat en tant que tel et dans son autonomie.

On ne saurait donc concevoir de fédéralisme sans le bicaméralisme. Le bicaméralisme, dans les Etats unitaires, n'est pas indispensable. Il est ici une question d'opportunité et d'ingéniosité politiques. Dans ce contexte, le rôle assigné à la seconde Chambre est d'ordre politique. Il s'agit de faire contre poids à la Chambre basse et de freiner son action.

De ce qui précède, on est fondé à nous interroger sur les raisons ayant motivé l'institutionnalisation récente voire tardive du bicaméralisme au Cameroun (A) avant d'examiner sa consistance (B).

A - Les raisons de la consécration récente du bicaméralisme au Cameroun

Si les constituants camerounais n'ont pas en général cédé à la tentation bicamériste à laquelle les exposaient pourtant les modèles européens dès les premières années de l'indépendance, c'est parce que le pouvoir avait manifesté une certaine méfiance vis-à-vis de sa consécration jusque dans les années 1996 (1). Depuis lors cependant, il en va autrement et la tendance s'était même inversée bien avant car dès 1990, les facteurs de la consécration d'une seconde Chambre étaient devenus prééminents (2).

1 - La méfiance du pouvoir vis-à-vis du bicaméralisme jusqu'en 1996

Il convient d'emblée de préciser que la méfiance du pouvoir à l'égard du bicaméralisme envisagée ici concerne l'institution du bicaméralisme en rapport avec la République du Cameroun. En effet, pendant la période fédérale (1961-1972), elle avait conservé le monocaméralisme mais seulement au niveau fédéral. Car dans l'Etat fédéré du Cameroun occidental (anglophone), la Constitution de cet Etat fédéré adoptée le 26 octobre 1961 instituait un Parlement bicaméral. Il comprenait une Chambre législative de 37 membres et une Assemblée des chefs traditionnels de 18 à 22 membres qui pouvait exercer certaines compétences législatives290(*). Quant au Parlement fédéral, il était constitué d'une seule Chambre alors que l'on aurait pu s'attendre à ce que l'avènement de la fédération s'accompagnât d'une représentation politique des entités fédérées. Or, tel ne fut pas le cas.

C'est qu'en fait, chaque fois que l'idée de la création d'une seconde Chambre était évoquée, les adversaires du bicaméralisme avançaient des raisons budgétaires pour l'écarter même si une raison plus vraisemblable serait à chercher dans la volonté de centralisation des premiers exécutifs africains291(*). Ainsi par exemple, à la conférence constitutionnelle de Foumban où se négociaient les termes de l'instauration d'une fédération entre les deux parties francophone et anglophone du territoire292(*), la délégation de la Southern Cameroon avait formulé plusieurs exigences dont le remplacement de l'expression « Assemblée nationale » contenue dans l'avant-projet soumis par la délégation du Cameroun francophone par celle de « Parlement fédéral consistant en une Assemblée législative fédérale et un Sénat fédéral »293(*). C'est du reste ce qu'écrit Victor Julius NGOH : « The words ``The Federal Assembly'' in Article 4 should be deleted and substituted with ``The Federal legislative consisting of a ``Federal legislative Assembly'' and a ``Federal Senate'' »294(*). Le président AHIDJO avança alors la raison de surcharge budgétaire que constituerait selon lui l'entretien de plusieurs Assemblées tant au niveau fédéral qu'au niveau des Etats fédérés pour soutenir l'inopportunité d'un bicaméralisme dans la fédération295(*). En réalité, comme l'on devait s'en rendre compte plus tard, son option pour le monocaméralisme tenait surtout à son projet alors secret d'instaurer un fédéralisme très centralisé. Certains auteurs ont pu y voir un corollaire de l'option des constituants africains pour la forme unitaire de l'Etat296(*).

L'Etat postcolonial a en effet fait sienne la thèse de l'incompatibilité entre le bicaméralisme et la théorie de la souveraineté nationale réputée indivisible. Cette explication devait pourtant essuyer au plan doctrinal une critique sévère. Pour Georges BURDEAU par exemple, « l'idée de lier l'unité de l'Assemblée à l'unité et à l'indivisibilité de la souveraineté procède d'une confusion intellectuelle difficilement défendable ; la division du Parlement en deux Chambres n'implique nullement le morcellement de la souveraineté. La structure bipartite de l'organe représentatif n'influe pas plus sur l'unité d'expression de la volonté populaire que la pluralité des membres d'une assemblée unique »297(*). L'auteur en conclut que le bicamérisme se recommande du point de vue rationnel.

Par ailleurs, d'autres auteurs avaient constaté que le monocaméralisme en Europe se rencontrait surtout dans les Etats de petite dimension territoriale ou démographique qui facilite la réalisation et la conservation d'une stabilité et d'un équilibre politiques (Finlande, Suède, Danemark, etc.). Une deuxième Chambre parlementaire dans ce contexte n'a pas grande utilité. CARRE de MALBERG pouvait donc en conclure, et quoi qu'en pensait Georges BURDEAU, que « le système français de deux Chambres n'est (...) pas imposé par des nécessités d'ordre juridique. Il a été établi seulement en raison de ses avantages politiques »298(*). Le cri de Michel DEBRE devant le conseil d'Etat français le 27 août 1958 confirme cette thèse : « Ah ! Si nous avions la possibilité de faire surgir demain une majorité nette et constante, il ne serait pas nécessaire de prévoir un Sénat dont le rôle principal est de soutenir, le cas échéant, un Gouvernement contre une assemblée trop envahissante et trop divisée »299(*).

Ces raisons politiques dont parle CARRE de MALBERG expliquent-elles a contrario pourquoi l'instabilité politique chronique de certains Etats africains durant les premières décennies des indépendances n'a pas suggéré l'instauration du bicaméralisme parlementaire ? On sait que la seconde Chambre, depuis ses origines, n'a pas été instituée pour limiter l'hégémonie d'un pouvoir exécutif, mais bien pour atténuer la montée en puissance du Parlement lui-même avec la consécration de la loi comme seule manifestation de la volonté populaire. En effet, le Parlement issu de la révolution française de 1789 manifeste le suffrage universel direct secret et surtout égalitaire. Il célèbre ainsi les obsèques des privilèges nobiliaires. Aussi, le Baron de Montesquieu qui avait toujours regardé d'un oeil soupçonneux les avancées de la révolution, voyait dans l'institution de l'Assemblée nationale un grand danger pour la cohésion de l'Etat : « il y a toujours dans l'Etat, écrivait-il, des gens distingués par la naissance, la richesse ou les honneurs ; mais s'ils étaient confondus avec le peuple et s'ils n'y avaient qu'une voix comme les autres, la liberté commune serait leur esclavage (...). Aussi, la puissance législative sera confiée et au corps des nobles, et au corps qui sera choisi pour représenter le peuple, et qui auront chacun leurs assemblées et leurs délibérations à part, et les intérêts séparés »300(*). Il fallait donc contrebalancer la puissance du peuple représenté par l'Assemblée nationale par l'instauration d'une seconde Chambre concurrente : le Sénat.

Le Cameroun postcolonial n'ayant pas connu de Parlement fort, il ne s'est donc pas posé la question d'affaiblir le pouvoir législatif devant un pouvoir exécutif turgescent.

Comment s'explique alors cette option bicamériste dans un contexte de transition qui ne consacre pas expressément une montée en puissance de la Chambre unique existante ?

2 - La prééminence des facteurs favorables au bicaméralisme depuis 1990

Dans un Etat unitaire comme le Cameroun, bien que le nombre de sénateurs nommés par le président de la République contenu dans les propositions du président de la République pour la révision de la Constitution soumises à l'examen du Comité consultatif constitutionnel a été réduit301(*), puis juridiquement consacré par la révision constitutionnelle de 1996, l'institution du bicaméralisme suscite encore des discussions.

Pour les tenants de l'inopportunité d'une seconde Chambre, la création de celle-ci ne peut que compliquer la procédure d'adoption des lois. La seconde Chambre ne fera qu'alourdir le fonctionnement du Parlement déjà suffisamment inadapté au rythme d'un travail législatif moderne. Ainsi, l'existence de cette seconde Chambre alourdirait tout simplement la procédure législative déjà lente dans l'actuelle Chambre basse dont un simple aménagement améliorerait les résultats.

A cet argument technique s'ajoutent d'autres de nature politique. En effet, les tenants de l'inopportunité du bicamérisme pensent également que le Sénat tel que préconisé, par les inégalités de représentation qu'il consacre, constitue plutôt un obstacle, un frein à l'évolution et donne avantage aux éléments statistiques au détriment des forces de progrès. S'il est admissible que le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées303(*) et que les sénateurs soient élus au suffrage universel indirect comme l'admet l'article 2 de la Constitution, il est peu admissible que 30% d'entre eux soient nommés de manière discrétionnaire par le président de la République. Par ailleurs, poursuivent-ils, le Cameroun connaît une grave crise économique qui ne peut lui permettre de créer des sources de dépenses superflues. Ce d'autant plus que l'institution d'une seconde Chambre n'a pas entraîné la suppression d'une autre institution, le Conseil économique et social, budgétivore à souhait et dont le fonctionnement est bloqué depuis plus d'une décennie304(*).

Pour les tenants de l'institution du bicamérisme, cette institution viendrait améliorer les défauts de représentation au niveau du Parlement. Tel que préconisé au Cameroun, le bicamérisme permet d'avoir au Parlement toutes les nuances de l'opinion publique, empêche les brusques changements de majorité, car la seconde Chambre n'est pas élue selon le même mode de scrutin que la Chambre basse et, probablement ni en même temps305(*). En outre, la seconde Chambre empêche le « despotisme éventuel d'une Chambre unique », permet un meilleur travail législatif, la seconde Chambre jouant un rôle de pondération, même au prix d'un ralentissement de la procédure législative306(*). Bien plus, elle facilite la représentation des collectivités territoriales locales et les protège ainsi contre les empiètements du pouvoir central. En fait, l'originalité des secondes Chambres africaines réside dans la prise en compte des composantes sociologiques et la nécessité de rétablir l'égalité par des mesures spécifiques et pratiques différentielles dans des pays affectés par des grands déséquilibres ethniques, linguistiques, culturels ou régionaux307(*). La seconde Chambre apparaît comme étant indispensable pour assurer la représentation des intérêts qui seraient méconnus par le suffrage universel direct. Par ailleurs, la consécration des secondes Chambres par de nombreux constituants africains de la décennie 90 est souvent perçue comme une mesure constitutionnelle de prévention des conflits politiques. Ainsi par exemple, en dessinant une configuration de la seconde Chambre conforme aux spécificités ethniques ou régionales de chaque Etat, le constituant a contribué à apaiser les tensions politiques308(*). Enfin, les tenants du bicaméralisme considèrent le Sénat comme une Chambre modératrice nécessaire dans une démocratie camerounaise naissante. Selon cette optique, le bicaméralisme est « un facteur de rectitude juridique et rempart pour la démocratie »309(*).

Comme on peut le constater, la question relative à l'institution du bicaméralisme dans un Etat unitaire comme le Cameroun a toujours été différemment perçue tant au sein de la classe politique que de la doctrine. Mais contrairement à la méfiance observée à l'égard de cette institution par les constituants de 1960, 1961 et de 1972, l'organe révisionniste de 1996 a opté pour la consécration d'une seconde Chambre au sein du Parlement qui passe de ce fait d'une seule Assemblée à deux.

B - Les deux Chambres du Parlement

Le Parlement issu de la révision constitutionnelle de 1996 est composé de deux Chambres. En quoi consistent-elles ? Répondre à cette question nécessite une distinction entre l'ex-Chambre unique qu'est l'Assemblée nationale (1) et la nouvelle Chambre qu'est le Sénat dont le régime de la composition va mettre en doute la capacité du pouvoir constituant dérivé à contribuer à la consolidation du processus démocratique en cours (2).

1 - L'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale est la première Chambre du Parlement. En d'autres termes, l'Assemblée nationale est une institution distincte du Parlement. En effet, une lecture diachronique de la Constitution de 1972, donne à la question de savoir ce qu'on entend par Assemblée nationale, deux réponses différentes. D'où l'importance de la distinction désormais formellement consacrée entre l'Assemblée nationale et ce qu'est le Parlement.

En effet, jusqu'en 1996 l'expression « Assemblée nationale » était considérée comme synonyme du Parlement national camerounais. Cette confusion entre l'institution qu'est le Parlement et la Chambre qui la compose trouvait son origine dans la Constitution. D'une part, au niveau de l'énoncé constitutionnel qui, en lieu et place du pouvoir législatif, parlait, entre le 2 juin 1972 et le 18 janvier 1996, plutôt de l'Assemblée nationale. Il en était ainsi notamment de l'article 4 de la Constitution qui consacrait le président de la République et l'Assemblée nationale comme les organes chargés d'exercer l'autorité de l'Etat. D'autre part, au niveau du Parlement qui était monocaméral, c'est-à-dire composé d'une seule Chambre qui portait justement la dénomination « Assemblée nationale ».

Aujourd'hui, et à la faveur de la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996, il est possible de distinguer plus nettement l'institution de sa composition ou, si l'on préfère, le contenant du contenu. Cette innovation procède donc de toute évidence des modifications relatives aux dispositions constitutionnelles susmentionnées. La nouvelle version de l'article 4 souligne que l'autorité de l'Etat est exercée par le président de la République et le Parlement. Et le titre III de la Constitution qui, dans la sa version initiale de 1972 était consacré à l'Assemblée nationale, est depuis 1996 intitulé « Du pouvoir législatif ». En clair, l'Assemblée nationale est l'une des deux Chambres qui composent le Parlement camerounais.

Ces précisions faites, il convient d'analyser la composition de l'Assemblée Nationale qui, elle, n'a subi aucune évolution, surtout au plan numérique. L'Assemblée est composée de cent quatre-vingts députés élus au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq ans310(*). Ce nombre n'est pas immuable car l'article 15 alinéa 1er in fine da la Constitution permet sa modification par le législateur ordinaire par le biais d'une loi. Chaque député représente l'ensemble de la nation.

La durée du mandat de l'Assemblée nationale peut également faire l'objet de modification à l'initiative du président de la République. D'une part, le président de la République peut utiliser la prérogative de dissolution prévue par l'article 8 de la Constitution. Son dernier alinéa dispose en effet que le président de la République peut, en cas de nécessité et après consultation du Gouvernement, des Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. D'autre part, il ressort de l'article 15 alinéa 4 de la Constitution qu'en cas de crise grave, le président de la République peut, après consultation du président du Conseil constitutionnel et des Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, demander à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat.

Cette possibilité reconnue à l'Assemblée nationale est contraire aux principes démocratiques de la représentation populaire. L'Assemblée nationale est composée d'élus de la Nation dont ils sont les mandataires pour une durée prédéterminée. Ni l'Assemblée nationale elle-même, ni le président de République, Chef de l'Exécutif, ne sauraient raccourcir et encore moins proroger ce mandat sans qu'il y ait usurpation de mandat ; et en tout état de cause, il y aurait confusion des pouvoirs. Dans les deux cas, l'élection d'une nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours au moins et soixante (60) jours au plus après l'expiration du délai de prorogation ou d'abrègement de mandat.

Ces prérogatives du président de la République ne peuvent être exercées à l'encontre du Sénat sans que celui-ci soit pour autant à l'abri des influences présidentielles. Loin s'en faut ! A l'égard du Sénat en effet, ces influences sont mêmes telles qu'elles atténuent considérablement son indépendance et partant celle du Parlement.

2 - Le Sénat

Le Sénat est désormais la seconde Chambre du Parlement camerounais. L'expression «  seconde Chambre » est traditionnellement utilisée pour désigner, au sein des Parlements bicaméraux, celle des deux Chambres qui n'assure pas une représentation égalitaire et directe de la population311(*). Elle reçoit cependant des appellations diverses selon les pays : le Sénat (France, Etats-Unis), House of Lords (Royaume-Uni), Bundesrat (République fédérale d'Allemagne), Chambre des représentants (Burkina Faso)312(*), etc. Sa position seconde peut se justifier au plan chronologique par son arrivée tardive dans le dispositif institutionnel parlementaire. On parle aussi de Chambre haute pour la désigner. Ce qui est une curiosité terminologique où la deuxième est plus haute que la première, alors même qu'en général, celle-ci a plus de pouvoirs que celle-là. Même en tenant compte de l'âge généralement avancé des sénateurs et par suite de la sagesse dont ils sont crédités de la part de certains auteurs313(*), cette classification ne se justifie pas d'elle-même.

Aux termes de l'article 20 alinéa 1er de la Constitution, le Sénat représente les collectivités territoriales décentralisées. C'est ainsi que chaque région y est représentée par dix (10) sénateurs dont sept (7) sont élus au suffrage universel indirect sur la base régionale et trois (3) nommés par le président de la République, pour une durée de cinq ans. Cet article confirme aussi bien la concentration des pouvoirs par le président de la République que leur confusion ci-dessus évoquée. Certes, il est admis que la composition de la seconde Chambre n'obéisse pas aux mécanismes de la démocratie directe. Ses membres sont généralement élus au suffrage universel indirect. Car, élire les sénateurs au suffrage universel direct ferait du Sénat une Assemblée nationale bis, le suffrage universel indirect n'étant qu'un mécanisme de différentiation et non pas le résultat d'une volonté expresse de limiter le caractère démocratique de cette institution. Pourtant, c'est pour cette dernière solution que penche le pouvoir constituant dérivé camerounais en consacrant une prérogative pour le président de la République à l'effet de nommer une partie des sénateurs. En effet, en permettant que 30 des 100 sénateurs soient nommés par le président de la République, la Constitution confère à ce dernier le pouvoir de disposer du législateur dans la mesure où, en principe, le Sénat participe à l'élaboration des lois sur un pied d'égalité avec l'Assemblée nationale. Comme le suggérait Jean GRANGE, la composition d'une assemblée influe sur ses pouvoirs314(*). Or, comment la loi peut-elle être l'oeuvre à la fois de la représentation nationale (députés) et de la « représentation présidentielle » (sénateurs nommés) et exprimer la volonté générale que seule représente, dans la théorie constitutionnelle, une ou des Assemblées élues ?, se demande à juste titre le Professeur Maurice KAMTO. Dans le système actuel de recrutement des sénateurs camerounais, la nomination fait de l'oeuvre législative une coproduction à laquelle participe l'Exécutif au-delà de sa tâche traditionnelle de préparation et de présentation des projets de loi ordinaire ou de révision de la Constitution, selon le cas. Au niveau local, la démocratie est davantage encore dévoyée lorsque, en plus de son report du fait de la suspension dont les régions font l'objet en application de l'article 67 alinéa 5 de la Constitution315(*), bon nombre de collectivités territoriales décentralisées qu'est censé représenter le Sénat, sont dirigées par des exécutifs non pas élus au suffrage universel, mais eux aussi nommés discrétionnairement par le président de la République316(*).

Par ailleurs, nulle part n'est fait l'effort de dire ce qui rend nécessaire ce droit reconnu au président de la République, ni même pourquoi lui et pas une autre institution. Dans le cas de la Côte d'Ivoire, ce sont les arguments du quotidien gouvernemental même en faveur de la création du Sénat qui ont davantage rendu suspecte la nouvelle Chambre parlementaire. Pour Fraternité Matin, la démocratie locale serait ainsi renforcée parce que « seul 1/3 des sénateurs sera choisi par le président de la République »317(*).

Sans réponse claire et satisfaisante reste ainsi posée la question de savoir comment le fait pour le président de la République de nommer certains membres du pouvoir législatif d'une part et certains membres des organes dirigeants des collectivités territoriales décentralisées d'autre part, en lieu et place du peuple et des populations locales respectivement, contribuerait à renforcer la démocratie. Dans tous les cas, la nomination des sénateurs est en tout point contraire au principe de la séparation des pouvoirs politiques dans l'Etat. Un exécutif et un législatif indépendant l'un de l'autre quoique disposant selon des modalités diverses de moyens d'influences réciproques exclut la possibilité pour l'un de disposer a priori de l'autre sans la médiation du suffrage universel. Il faut néanmoins se réjouir que les données actuelles soient une revue à la baisse des propositions faites sur ce point tout au long de l'élaboration de loi constitutionnelle de 1996.

En effet, dans l'avant-projet n° 1 de Constitution élaboré par le Comité technique chargé des questions constitutionnelles et publié en mai 1993, seuls les 3/5e de l'effectif sénatorial étaient élus au suffrage universel indirect. Le reste devait l'être dans des conditions qu'il devait revenir à une loi de fixer. Dans tous les cas, les sénateurs devaient être élus même si une certaine incertitude planait sur le mode d'élection de cette seconde catégorie. Cette proposition ne sera pas retenue pour la suite. Dans le projet de révision constitutionnelle que le président de la République soumet finalement à l'examen de l'Assemblée nationale, le quota régional des sénateurs est certes maintenu à dix, mais une nouveauté est introduite dans les modalités de leur désignation. Le président de la République reçoit la prérogative de nommer jusqu'à cinq des dix sénateurs de chaque région, soit une proportion de 50 % de l'effectif sénatorial national. En outre, une troisième catégorie de sénateurs est introduite : les anciens Chefs d'Etat, les membres de droit318(*). C'est durant la phase parlementaire de la révision que la proportion de sénateurs non élus avait été réduite à 30% comme c'est le cas actuellement. Quant à la catégorie des membres de droit, elle est purement et simplement supprimée. Selon les témoignages de certains députés ayant participé à cette session, il leur avait été impossible d'obtenir un consensus sur la suppression totale de la catégorie des sénateurs nommés319(*).

Quoiqu'il en soit, le constituant a clairement opté pour un système de suffrage mixte ou partiel : il combine un mode de désignation au suffrage universel indirect avec un pouvoir de nomination reconnu au président de la République. En tout état de cause, les candidats à la fonction de sénateur ainsi que les personnalités nommées à ladite fonction par le président de la République, doivent avoir quarante (40) ans révolus à la date de l'élection ou de la nomination320(*) et la durée de leur mandat est de cinq ans321(*). Rappelons à toute fin utile que cette durée est inférieure à ce que prévoyait l'avant-projet de Constitution de 1993. En effet, elle y était fixée à sept (7) ans. La périodicité de renouvellement était fixée à trois (3) ans et la proportion renouvelable à un tiers. Le texte promulgué le 18 janvier 1996 a donc fait simple en fixant le renouvellement intégral à la fin du mandat ramené à cinq ans.

Comme on peut aisément le constater, le régime de la composition du Sénat camerounais vient mettre en doute la capacité du constituant à contribuer à la consolidation du processus démocratique en cours.

§2 : LES CONSEQUENCES DE LA CONSECRATION DU BICAMERALISME

La consécration du bicamérisme n'a pas eu des conséquences seulement au niveau du pouvoir législatif ordinaire. Elle a également déteint sur le Parlement agissant en tant que pouvoir constituant dérivé, ce qui est loin de surprendre, les Sénats étant fréquemment conçus comme des stabilisateurs institutionnels322(*). De fait, ils jouent un grand rôle en ce domaine et, de deux façons : en premier lieu, la loi constitutionnelle de 1996 a réalisé une extension du pouvoir d'initier une révision constitutionnelle aux membres du Sénat (A). En second lieu, l'accord sénatorial est requis pour qu'une révision aille à son terme. Mais, en cette circonstance le Sénat doit, en raison de l'absence de navette dans la procédure de révision comme l'exige la procédure législative ordinaire, se joindre à l'Assemblée nationale lors du vote de la loi de révision. On dit alors que le Parlement est réuni en congrès (B).

A - L'extension de l'initiative de la révision constitutionnelle aux sénateurs

Après avoir conservé le pouvoir de proposer une révision constitutionnelle qu'elle avait confié exclusivement au président de la République et aux membres de l'Assemblée nationale, la Constitution de 1972 dans sa version du 18 janvier 1996 a opéré une extension du droit d'initier une révision constitutionnelle au profit des membres de la seconde Chambre du Parlement. Ceci permet par exemple qu'une révision constitutionnelle ne puisse aboutir sans que le Sénat ait exprimé ses nuances. De ce point de vue, l'acte de révision de 1996 a innové en réalisant un élargissement sans précédent du droit d'initiative de la révision au bénéfice des Sénateurs.

Jusque-là en effet, seuls le président de la République et les députés à l'Assemblée nationale pouvaient déclencher la procédure de révision de la Constitution. Mais une double précision doit être faite ici.

D'une part, la loi constitutionnelle de 1996 ne reconnaît pas le droit d'initier une procédure de révision aux sénateurs pris individuellement. En effet, ainsi qu'il ressort des dispositions de l'article 63 alinéa 2 de la loi constitutionnelle de 1996, « Toute proposition de révision émanant des membres du Parlement doit être signée par un tiers au moins des membres de l'une ou de l'autre Chambre ». Dans cette optique, aucune distinction n'est faite selon que l'initiative de la révision vient ou non des présidents des Chambres du Parlement comme c'est par exemple le cas en matière de saisine du Conseil constitutionnel. On sait en effet, qu'en ce domaine la loi constitutionnelle de 1996 confère au président de l'une ou l'autre Chambre un droit propre de saisir le Conseil constitutionnel dans des hypothèses déterminées323(*), le nombre minimum d'un tiers de signatures n'étant requis que des autres députés ou sénateurs selon le cas.

D'autre part, si l'exigence de ce seuil minimum de signatures a l'inconvénient de rendre la Constitution trop rigide, du moins formellement, il n'en demeure pas moins qu'elle est un facteur d'égalité entre les deux Chambres du Parlement en matière d'initiative de la révision de la Constitution. Cette exigence est en effet autant rigoureuse à l'égard du Sénat que vis-à-vis de l'Assemblée nationale. Ainsi, un tiers des députés représente 33,33% des membres de l'Assemblée nationale. Appliquée au Sénat, la même exigence correspond à 33,33% de ses membres. Sous ce rapport, la Constitution constitue une source d'égalité entre les deux Chambres du Parlement comme c'est d'ailleurs le cas dans la procédure législative ordinaire à la seule nuance que tout député ou tout sénateur peut soumettre une proposition de loi à la Conférence des présidents de la chambre parlementaire à laquelle il appartient sans être obligé de solliciter les signatures de ses pairs. Cependant, cette égalité n'est plus strictement recherchée au cas où le désaccord persiste entre les deux Chambres sur un texte en discussion devant elles et ce en dépit de la mise en place d'une Commission mixte paritaire, le président de la République pouvant soit demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement, soit déclarer caduc le projet ou la proposition de loi en discussion324(*).

Cette inégalité entre les deux Chambres du Parlement ne dépend plus du président de la République dans la procédure de révision mais plutôt des majorités imposées au congrès pour l'adoption définitive du texte de révision, surtout en première lecture.

B - L'exigence de la réunion du Parlement en congrès pour se prononcer sur un projet de texte de révision constitutionnelle

La collaboration des deux Chambres du Parlement dans l'exercice du pouvoir de révision est tout à la fois normale et hautement désirable dans un Parlement bicaméral. Ceci est d'autant plus désirable que les sénateurs, qui sont numériquement inférieurs aux députés siégeant à l'Assemblée nationale, ne seraient pas protégés si une révision constitutionnelle pouvait aboutir sans leur accord. De la sorte, aucune révision dirigée contre l'une des Chambres ne saurait, dans la meilleure hypothèse, aboutir sans son accord. Ceci étant dit, précisons que la collaboration des deux Chambres en matière de révision constitutionnelle diffère de celle qui existe entre elles dans la procédure législative ordinaire où le bicaméralisme est plus ou moins réel selon la volonté du pouvoir exécutif.

Il sera donc question de démontrer cette thèse à travers la spécialité du congrès de révision (1). Toutefois, cette spécialité du pouvoir constituant dérivé par rapport à l'organe législatif ordinaire n'exclut pas que des points de convergence demeurent entre les deux organes de l'Etat. C'est dire que la spécialité du congrès de révision par rapport au pouvoir législatif doit être relativisée (2).

1 - La spécialité du congrès de révision par rapport au pouvoir législatif ordinaire

Les procédures de révision constitutionnelle reposant sur le pur principe représentatif se ramènent à deux types principaux. D'une part, la révision est opérée par une assemblée spécialement élue à cet effet qui n'exerce pas, en principe, d'autres fonctions : c'est ce qu'on appelle une Assemblée constituante ou, en Amérique, une Convention. Ce système paraît le plus rationnel, puisque, par ce procédé, la question de la révision a été principalement portée devant les électeurs, débarrassée de préoccupations étrangères ; par là même, c'est celui qui se prête le moins à la pratique de la révision partielle et limitée qui paraît triompher aujourd'hui325(*). D'autre part, c'est le pouvoir législatif lui-même qui, après avoir constaté la nécessité de la révision, est chargé de l'opérer. Mais alors fonctionnant comme pouvoir constituant dérivé, en raison de cette mission importante, il reçoit souvent dans son organisation certaines modifications temporaires qui font sa spécificité en la circonstance.

C'est à ce second système que se rattache nettement la loi constitutionnelle camerounaise du 18 janvier 1996. Le Parlement chargé d'opérer la révision est bien composé des éléments qui constituent les deux Chambres législatives, mais celles-ci forment à l'occasion un corps distinct en droit et portant le titre légal de congrès.

Que recouvre cette expression qui fait ainsi son entrée en droit constitutionnel positif camerounais ? Pour bien comprendre ce qu'est le congrès en droit constitutionnel camerounais, il convient d'avoir une idée de ce qu'il signifie ailleurs ou dans d'autres branche du droit public. Ainsi, aux Etats-Unis, le terme congrès est le nom donné au Parlement de ce pays. En droit constitutionnel français, le congrès c'est « la réunion temporaire, et seulement en vue de la révision constitutionnelle, de l'Assemblée nationale et du Sénat, en une Assemblée unique dont le Bureau est celui de l'Assemblée nationale et qui, pour des raisons de places disponibles, siège dans une grande salle du Palais de Versailles (d'où l'expression `'aller à Versailles'' pour décider d'une révision) »326(*). Il en résulte que, le recours au congrès a lieu uniquement pour les projets de loi portant révision de la Constitution à l'initiative du président de la République. Il apparaît donc qu'en France, on ne parle du congrès que lorsqu'il est question de donner suite à un projet de révision constitutionnelle déclenchée par le président de la République.

Par ailleurs, la notion de congrès en matière de révision constitutionnelle doit être distinguée des autres réunions qui portent également la dénomination de congrès. D'une part, le congrès de révision se distingue de la réunion périodique des délégués d'un parti politique en vue de décider des programmes et des questions politiques et pour renouveler les organes dirigeants327(*). D'autre part, il ne saurait être confondu au congrès tel qu'il est entendu en droit international public où il renvoie à la réunion de Chefs d'Etats, de ministres des Affaires étrangères ou de plénipotentiaires en vue du règlement de questions politiques importantes328(*).

En droit constitutionnel camerounais, la notion de congrès révèle quelques nuances. D'un côté, la notion de congrès y est largement entendue contrairement à la France où le congrès du Parlement ne peut être convoqué que lorsqu'il est question de donner suite à un projet de révision de la Constitution. Au Cameroun en effet, le Parlement se réunit en congrès, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la Constitution329(*). D'un autre côté, la Constitution distingue deux sortes de congrès, à savoir, d'une part, un congrès dont la convocation oblige les deux Chambres à se réunir sous peine de violer la Constitution. Il en est ainsi notamment du congrès de l'article 63 alinéa 3 qui dispose clairement : « Le Parlement se réunit en congrès, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la Constitution ». D'autre part, le congrès auquel les deux Chambres n'ont que la latitude d'y siéger tel que les cas prévus par l'article 14 alinéa 4 de la Constitution. En effet, aux termes de cette disposition, les deux Chambres du Parlement peuvent se réunir en congrès, à la demande du président de la République soit pour entendre une communication ou recevoir un message du président de la République, soit pour recevoir le serment des membres du Conseil constitutionnel, soit enfin pour se prononcer sur un projet ou une proposition de révision constitutionnelle. Enfin, le congrès de révision ne saurait être confondu à celui de l'article 32 de la Constitution aux termes duquel le président de République peut, sur sa demande, être entendu par « (...) les deux Chambres réunies en congrès ».

Ce faisant, la Constitution laisse sans réponse la question des rapports entre la révision constitutionnelle dont il s'agit ici et le titre XI de la Constitution en général et l'alinéa 3 de son article 63 en particulier. Il y a lieu de penser que l'absence de renvoi entre ces deux dispositions, traduit l'expression du caractère facultatif du congrès de révision convoqué sur la base de l'article 14 alinéa 4.

En outre, la Constitution camerounaise ne limite pas le pouvoir du congrès en ce qui concerne l'examen du projet ou de la proposition de révision soumis à son examen, contrairement à la Constitution française de 1958. Celle-ci limite en effet strictement les pouvoirs du congrès : il ne peut qu'adopter ou rejeter le texte même qui à été adopté séparément par l'une ou l'autre Chambre, il ne peut pas le modifier. Ces précisions faites, il faut dire hic et nunc que la spécialité du congrès par rapport au pouvoir législatif telle qu'elle ressort de la Constitution camerounaise tient à deux aspects essentiels qui peuvent être perçus tant au plan organique que fonctionnel.

Sur le premier plan en effet, lorsqu'elles sont réunies en congrès, les deux Chambres du Parlement perdent momentanément leur individualité ou plutôt les sénateurs et les députés prennent momentanément une qualité nouvelle et complémentaire, celle de membre du congrès. Cette combinaison a paru préférable à celle d'une révision opérée par les deux Chambres statuant séparément, comme pour une loi ordinaire. En effet, lorsque la révision a été ouverte, il faut, pour la tranquillité et la sécurité du pays, qu'elle aboutisse sûrement et promptement, et cela n'est possible qu'avec une Assemblée unique. Certes, la Constitution belge a adopté le système contraire : elle ne réunit pas en un seul corps les deux Chambres chargées d'opérer la révision, lesquelles continuent à délibérer séparément. Mais, on a vu les conséquences pratiques d'une telle solution dans la révision opérée dans ce pays vers la fin du 19è siècle. Les deux Chambres renouvelées à cet effet ont commencé la discussion le 12 juillet 1892, et elle ne s'est terminée par le dernier vote du Sénat qu'au mois de septembre 1893 ; la loi de révision a été sanctionnée par le roi le 7 du même mois330(*). N'y a-t-il pas une grande imprudence à laisser ainsi, pendant de longs mois, une Nation comme le Cameroun, excitée par des débats d'une importance vitale et nécessairement passionnés ? La loi constitutionnelle de 1996 statue ainsi dans son article 63 alinéa 3 : « Le Parlement se réunit en congrès lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la Constitution. (...) ».

Sur le second plan, le congrès chargé d'opérer la révision s'écarte sur trois points des règles qui déterminent le fonctionnement de nos deux Chambres législatives. Premièrement, il n'élit pas lui-même son Bureau. L'article 14 alinéa 4 in fine de la Constitution lui en impose un d'autorité qui est le Bureau de l'Assemblée nationale. Deuxièmement, c'est dans les majorités requises au congrès pour voter le texte de révision que cet organe se démarque du Parlement siégeant ès qualité. C'est ainsi qu'il ne peut, en première lecture, prendre des délibérations qu'« à la majorité absolue des membres le composant ». En prenant les termes au pied de la lettre, le chiffre sur lequel doit être calculée cette majorité est fourni par le nombre additionné des sièges, que comprennent d'un côté, le Sénat et de l'autre l'Assemblée nationale (aujourd'hui 100 d'une part, et 180, d'autre part), sans qu'on défalque les sièges vacants, les absents, les abstentions, les bulletins blancs et nuls. Il ne s'agit plus cette fois d'une majorité quelconque des votants comme le laissait penser l'ancienne formulation de l'article 36 de la Constitution.

Toutefois, la formulation actuelle est critiquable. En particulier, on ne comprend pas comment les absents, les décédés non remplacés pourraient rendre impossible une révision votée par la majorité des membres présents conformément au règlement du congrès (probablement à venir). La même critique peut être dirigée contre le congrès lorsqu'il est appelé par le président de la République à se prononcer en seconde lecture. Cette solution est néanmoins plus rigidifiante et surtout s'avère extrêmement importante pour le Sénat dans la mesure où la majorité exigée dans cette hypothèse veut qu'aucune révision n'aboutisse en dépit du vote unanime des sénateurs à son égard comme ce peut être le cas en première lecture, la majorité absolue exigée ici pouvant être atteinte même au cas où tous les sénateurs auraient voté contre le projet de texte de révision soumis au congrès331(*). En effet, la majorité des deux tiers ne pourra être atteinte et le texte de révision adopté que si sept (7) sénateurs au moins lui sont favorables.

Toutefois, cette spécialité du Parlement réuni en congrès par rapport au pouvoir législatif ordinaire connaît des limites.

2 - La relativité de la distinction entre le Parlement réuni en congrès et le pouvoir législatif ordinaire

Il est admis en doctrine que le bicaméralisme procédait de la volonté de rendre « complexe » l'organe législatif et la révision des Constitutions332(*). Mais, même exercé par les deux Chambres du Parlement réunies en congrès et votant aux majorités désormais contraignantes ci-dessus, le pouvoir constituant dérivé entretient à maints égards des rapports avec l'organe législatif ordinaire. Car, même en réunissant ses deux Chambres en congrès dans l'exercice de sa fonction constituante, le Parlement, organe de représentation ordinaire, est formé de représentants ordinaires de la Nation. De ce fait, la séparation organique entre le pouvoir constituant dérivé et l'organe législatif est « plus théorique et nominale que réelle », selon une formule de CARRE de MALBERG333(*).

Des arguments politiques et juridiques peuvent être invoqués à cet égard. Au plan politique, c'est la volonté des représentants ordinaires de la Nation qui s'exprime à l'intérieur du pouvoir constituant dérivé. On rejoint là l'objection qui se présente naturellement à l'exercice du pouvoir de révision par le Parlement, à savoir celle selon laquelle les membres du corps législatif n'ont pas été élus en vue de la révision, et n'ont pas, en fait, reçu des électeurs une direction à cet effet. Mais, elle disparaît cependant dans la Constitution belge d'après laquelle les deux Chambres doivent être préalablement renouvelées par l'élection avant de procéder à la révision334(*). Cette solution se justifie probablement sans doute par la volonté du constituant belge de mettre son oeuvre à l'abri des majorités passagères ou de distinguer la volonté populaire « des clameurs de faction »335(*).

Au plan juridique, c'est la qualité de membre des Chambres et plus précisément d'une des Chambres336(*) qui confère aux députés le droit d'entrée et de vote au congrès de révision. La perte de cette qualité conduit nécessairement à l'exclusion du parlementaire concerné dudit organe. Qui plus est, la Constitution n'apporte pas une solution à la question de savoir si le droit de dissolution peut être exercé à l'encontre de l'Assemblée nationale, composante du Parlement siégeant en congrès en vue d'une révision constitutionnelle. Or, bien que cette hypothèse reste théorique, elle ne peut être écartée. Dans ce cas, la décision de dissolution a-t-elle pour effet la dislocation de l'Assemblée de révision ? A l'opposé de DUGUIT, CARRE de MALBERG considère que si la dislocation du Parlement reste possible, elle ne saurait concerner l'Assemblée de révision. Il semble cependant que la révocation collective prive les députés du droit d'accès au congrès et prenne par conséquent les allures d'une révocation individuelle337(*).

Au-delà des apparences donc, la spécialité organique et fonctionnelle du pouvoir constituant dérivé en tant qu'il est exercé par le congrès cache mal ses rapports avec l'organe législatif. On peut néanmoins observer que la révision de la Constitution par la voie parlementaire présente en pratique l'avantage d'être simple et souvent expéditive. Cette rapidité est même présumée au Cameroun d'autant plus que le système de révision retenu par la loi constitutionnelle de 1996 semble écarter l'hypothèse d'un vote séparé des deux Chambres du Parlement avant leur réunion en congrès qui, jusqu'à présent, ne peut siéger en raison de l'ineffectivité du bicaméralisme.

Section 2 : L'INEFFECTIVITE PRATIQUE DU BICAMERALISME

La règle de droit est dite effective lorsqu'elle produit un effet, lorsqu'elle se traduit par des actes ou des comportements tangibles. La référence à l'effectivité sous-entend un écart entre le droit tel qu'il est écrit et le droit tel qu'il est appliqué. Parler de l'ineffectivité du bicaméralisme sous-entend un écart entre le bicaméralisme tel qu'il est consacré par la Constitution et le bicaméralisme tel qu'il est pratiqué. La question de la translation du droit dans les faits préoccupe de nombreux juristes, sociologues, hommes politiques338(*). Quels que soient les ordres juridiques (interne, international ou communautaire) et les domaines dans lesquels on se situe, il est légitime de s'interroger sur l'application effective des règles de droit qui sont créées pour être appliquées plutôt que pour sommeiller dans des recueils officiels. En termes moins prosaïques, le droit doit être appliqué afin de réaliser son objet qui, selon une doctrine unanime, consiste en l'organisation de l'ordre social. A cet égard, on peut penser par exemple que le bicaméralisme serait qualifié d'efficace si l'examen de son application apportait la preuve qu'il contribue réellement à l'amélioration de la qualité du travail législatif et à la réalisation des seules révisions des articles de la Constitution dont l'expérience aurait laisser apparaître les insuffisances, tout en préservant ceux qui sont considérés comme des acquis institutionnels.

Phénomène aussi général, complexe et multiforme que le droit lui-même, l'ineffectivité du bicaméralisme ne se laisse pas aisément appréhender. Il convient dès lors, pour une meilleure compréhension des conséquences de l'ineffectivité du bicaméralisme camerounais (§2), d'en préciser les facteurs (§1).

§1 : LES FACTEURS DE L'INEFFECTIVITE DU BICAMERALISME

Le processus juridique est habituellement découpé en quatre phases : l'adoption d'une règle, sa mise en oeuvre, son application et le contrôle de son application. L'adoption correspond à la création d'une règle de droit par les autorités compétentes ; la mise en oeuvre à l'élaboration des mesures d'application ; l'application à la mise en conformité des comportements individuels à la règle (au besoin grâce à l'adoption des mesures administratives particulières) et le contrôle à l'ensemble des mesures (incitations administratives, recours juridictionnels, sanctions) destinées à en assurer le respect. La question de l'effectivité se pose naturellement après la création de la règle. Ses effets peuvent donc être mesurés à chacune des trois étapes suivantes. Mais cette distinction tend à masquer les liens entre les quatre étapes, une même autorité pouvant prendre part à plusieurs d'entre elles. Ainsi, le Gouvernement participe à l'élaboration de la loi puis est chargé de sa mise en oeuvre. Aussi, en dépit des différences que nous avons mentionnées, nous nous référerons indifféremment à l'une et à l'autre étape.

De manière générale, le terme facteur renvoie à chacun des éléments contribuant à un résultat. Appliqué au bicaméralisme camerounais, il nous amène à dépasser le constat de l'ineffectivité du bicaméralisme due aux dispositions transitoires de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 pour aller à la recherche d'autres éléments expliquant ce divorce entre le bicaméralisme posé et le bicaméralisme tel qu'il est vécu. Autrement dit, une analyse objective conduit nécessairement à distinguer les facteurs tirés de la Constitution elle-même (A) de ceux qui lui sont extérieurs (B).

A - Les facteurs tirés de la Constitution

Deux éléments tirés de la lettre même de la Loi fondamentale permettent de se faire une première idée sur l'ineffectivité du bicaméralisme camerounais. Il s'agit d'une part, de la consécration par cette dernière elle-même d'un principe surprenant, à savoir celui de la progressivité dans la mise en place des nouvelles institutions qu'elle consacre (1). Il s'agit d'autre part, de l'absence d'un échéancier pour la mise en place de ces dernières et surtout du silence quant aux mesures de contrôle de la mise en place des nouvelles institutions (2).

1 - La consécration constitutionnelle du principe de progressivité dans la mise en place des nouvelles institutions

La consécration constitutionnelle du principe de progressivité dans la mise en place des nouvelles institutions est le premier élément explicatif de l'ineffectivité du bicaméralisme. Le bicaméralisme est en effet atteint par le principe de progressivité dans la mise en place des nouvelles institutions parmi lesquelles se trouve incontestablement le Sénat. C'est du reste ce qui ressort de l'article 67 alinéa 1er de la Constitution qui dispose : « Les nouvelles institutions de la République prévues par la présente Constitution seront progressivement mises en place ».

A priori, cet énoncé semble ne pas poser de problème d'interprétation particulier, tant il frappe par son évidence. A l'analyse cependant, et compte tenu de sa formulation en des termes extrêmement vagues, il apparaît qu'il soulève deux problèmes à savoir le problème de sa justification et celui de sa nature.

Sur le premier point, il faut distinguer les aspects objectif et politique de la proclamation du principe de progressivité. L'aspect objectif réside dans la charge financière que devait entraîner la mise en place des nouvelles institutions étant donné le contexte de crise économique d'alors. On se souvient à cet égard que dans son discours de présentation du projet de révision devant les députés, le président de la République avait clairement averti que « toute réforme a un prix » et que « la mise en place de nos nouvelles institutions se traduira pour l'Etat par des charges supplémentaires »339(*). Si cet élément objectif est incontestable, il reste que l'article 67 alinéa 1er opère une rétention opportuniste à des fins politiciennes de situations objectives créées par la Constitution. Car, tout est agencé dans le sens d'une gestion politique de la mise en place des nouvelles structures, de matière à faire croire, chaque fois qu'une institution sera mise en état effectif de fonctionnement, à une concession magnanime des pouvoirs publics alors qu'il s'agit bien de l'accomplissement d'une sujétion constitutionnelle340(*).

Sur le second point, l'alinéa 1er de l'article 67 pose le problème de sa nature. On se demande en particulier si la mise en place du Sénat constitue une faculté ou une obligation pour les organes investis des pouvoirs pour le faire ? En d'autres termes, cet alinéa rappelle-t-il une sorte de progressivité naturelle dans l'aménagement fonctionnel des nouvelles institutions (parmi lesquelles le Sénat), une progressivité qui n'a point besoin de texte, ou alors oblige-t-il les pouvoirs publics à ne pas mettre en état de fonctionnement, simultanément, toutes les nouvelles institutions ? Dans le second cas, le souci serait celui d'une digestion adéquate des nouvelles institutions, de manière à éviter toute indigestion institutionnelle341(*). Il y aurait ainsi le devoir de concrétiser par paliers successifs la Constitution. C'est cette interprétation que semblent privilégier les organes chargés de la mise en place du Sénat au regard de l'adoption progressive des textes indispensables à sa mise en place. Il s'agit d'une part de la loi n° 2006/011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d'« Elections Cameroon » (ELECAM), de la loi n° 2006/005 du 14 juillet 2006 fixant les conditions d'élection des sénateurs et de la loi n° 2006/004 de la même date fixant les conditions d'élection des conseillers régionaux. Mais de l'avis du Professeur Alain-Didier OLINGA, il semble que c'est la première voie qui devrait être retenue. Car selon lui, « l'agencement institutionnel prévu dans la Constitution a été prévu pour fonctionner suivant un équilibre précis qui suppose le fonctionnement effectif de toutes les institutions »342(*). Est donc exceptionnel et insusceptible d'être considéré comme une prescription, le principe de mise en place progressive. Loin s'en faut. Si toutes les nouvelles structures venaient à être mises en place simultanément, il n'y aurait à cela aucune anomalie.

Cette interprétation a l'avantage d'éviter que l'article 67 ne soit un moyen constitutionnel de justifier, sinon l'inertie institutionnelle, du moins la pérennisation de la phase transitoire. L'idéal serait, dans cette optique, de disposer des moyens de lutter contre l'inaction volontaire des organes chargés de mettre en état de fonctionnement les nouvelles institutions. L'enjeu est important, car des acquis constitutionnels ne sauraient demeurer, pendant un temps indéfini, de pures abstractions, objet de spéculations des chercheurs.

2 - L'absence d'un échéancier pour la mise en place des nouvelles institutions et de mécanismes juridiques de contrôle de cette mise en place

Le deuxième facteur de l'ineffectivité du bicaméralisme tiré directement du texte constitutionnel tient à l'absence d'un échéancier pour la mise en place des nouvelles institutions. On relève à cet égard que la Constitution camerounaise n'indique pas l'intervalle de temps pendant lequel les pouvoirs publics doivent procéder à la mise en place des nouvelles structures, y compris le Sénat, comme l'avait fait la Constitution française de 1958. Pourtant, cette démarche du constituant français avait prouvé son efficacité. On sait en effet que l'alinéa 1er de l'article 91 de la Constitution française du 4 octobre 1958 avait fixé à quatre (4) mois le délai pendant lequel le Gouvernement devait mettre en place les institutions qu'elle consacrait à compter de la promulgation de la Constitution343(*). Durant cette période qui s'achevait le 4 février 1959 à minuit, le Gouvernement était autorisé, en vertu de l'article 92, à prendre toutes les mesures législatives nécessaires à l'application de la Constitution et au fonctionnement des pouvoirs publics, à fixer le régime électoral des Assemblées, à édicter en toutes matières les dispositions qu'il jugera nécessaires à la vie de la nation, à la protection des citoyens et à la sauvegarde des libertés, etc. Obéissant à ses obligations constitutionnelles, le Gouvernement avait pris 296 ordonnances dont certaines étaient indispensables, telles les ordonnances portant lois organiques prises en application de la Constitution et régissant les principaux pouvoirs publics, mais dont beaucoup n'étaient même pas « immédiatement utiles »344(*).

Tel n'est pas le cas au Cameroun où la Constitution opte clairement, mais vaguement, pour le principe de la progressivité dans la mise en place des nouvelles institutions parmi lesquelles le Sénat, évitant par là même la limitation temporelle de la période de mise en place des nouvelles institutions.

Pourtant, la question relative à la définition d'un échéancier pour la mise en place des nouvelles institutions avait fait l'objet d'âpres débats dans l'Assemblée de révision en 1996. Deux positions s'étaient affrontées sur les termes de l'article 67. Certains députés soutenaient que les nouvelles institutions créées devaient être mises en état de fonctionnement avant la fin du mandat alors en cours du président de la République, afin de conjurer le risque de voir le Gouvernement retarder cette mise en place pour des raisons politiques345(*). D'autres députés, qui partageaient la position du Gouvernement, rétorquaient qu'« il n'était pas réaliste de fixer une date butoir qui obligerait le président de la République à accélérer le processus de cette mise en place »346(*), en soulignant que la procédure de mise en place des nouvelles institutions passe obligatoirement par l'adoption de lois d'application de la Constitution et par d'importants investissements dans un contexte marqué par la rareté des ressources financières indispensables au bon fonctionnement des nouvelles institutions347(*).

Cet argument d'ordre financier du Gouvernement était suivi d'un autre de nature juridique. Selon le Gouvernement en effet, il n'y avait pas d'urgence à mettre en place les nouvelles institutions dans la mesure où « certaines de ces institutions fonctionnaient déjà de facto, en l'occurrence le Sénat dont l'Assemblée nationale exerce les compétences jusqu'à sa mise en place effective »348(*). Cet argument apparaît peu convaincant au regard des fonctions spécifiques incombant au Sénat. Les fonctions spécifiques de représentation catégorielle de caractère politique et les fonctions législatives à caractère technique qui incombent aux secondes Chambres des Parlements, ne sauraient en effet être exercées dans le cadre d'un cumul des attributions des deux Chambres par l'Assemblée nationale.

A cela s'ajoute l'absence de mécanismes juridiques de contrôle d'application du principe de progressivité. L'article 67 de la Constitution est muet en ce qui concerne la question du contrôle du rythme de la mise en place des nouvelles institutions. Son alinéa 1er présume la bonne volonté des pouvoirs publics pour mettre en place les nouvelles structures créées en 1996. Dès lors, l'application de l'article 67 est un problème politique. Il suffit par conséquent de la mauvaise foi, du manque de volonté politique des autorités chargées par la Constitution de mettre en place ces nouvelles institutions pour que cette dernière demeure déséquilibrée349(*). On touche là les facteurs extérieurs à la Constitution.

B - Les facteurs extérieurs à la Constitution

« Et dire que pour que tout devienne viable, chez nous, il suffit simplement d'appliquer la loi », s'écriait un jour un universitaire tunisien350(*). Le constat est donc là : la loi n'est pas appliquée. Mais ce constat amer n'est pas le lot des seuls tunisiens ; loin s'en faut ! Il peut également être celui de nombreux citoyens au Cameroun où les règles constitutionnelles relatives au bicaméralisme ne sont pas appliquées surtout à cause des facteurs extérieurs à la Constitution. Les facteurs extérieurs à la Constitution qui expliquent l'ineffectivité du bicaméralisme tiennent pour l'essentiel à l'ineffectivité des textes infra-constitutionnels relatifs à la mise en place du Sénat (1) et à l'inaction des pouvoirs publics relativement aux opérations matérielles indispensables au fonctionnement concret du Sénat (2).

1 - L'ineffectivité des textes infra-constitutionnels relatifs à la mise en place du Sénat

L'ineffectivité des textes infra-constitutionnels relatifs aux institutions d'accompagnement relève du fait que la Constitution a chargé certains organes institués de la mise en place progressive des nouvelles institutions en général et du Sénat en particulier. Ces organes ou autorités n'ont pas jusqu'ici exécuté leurs différentes obligations à cet égard. Or, celles-ci sont pourtant relativement bien réparties entre les autorités concernées.

Il s'agit d'abord du législateur dans la mesure où il appartient à la loi de déterminer des règles indispensables à la mise en place et au fonctionnement du Sénat. On pourrait donc penser que la mise en place du Sénat dépend étroitement de la mise en place des régions qui font partie à titre principal des collectivités territoriales décentralisées que la Sénat est censé représenter. A cet égard, il revient au législateur, en vertu de l'article 14 alinéa 6 de la Constitution, de fixer le régime des élections au Sénat ainsi que le régime des immunités, des inéligibilités, des incompatibilités, des indemnités et des privilèges de ses membres351(*). Il en est de même du régime des élections aux assemblées régionales352(*), sous réserves des dispositions de l'article 67 alinéa 6 (nouveau) de la loi constitutionnelle de 2008. Ce dernier alinéa dispose en effet qu' « Au cas où la mise en place du Sénat intervient avant celle des régions, le collège électoral pour l'élection des sénateurs est composé exclusivement des conseillers municipaux ».

Ensuite, la mise en place du Sénat ne peut s'effectuer sans le recours aux textes pris par voie réglementaire. Par voie réglementaire, nous n'envisageons pas les éventuels règlements d'application des lois à venir ; nous voulons mettre en exergue notamment, le pouvoir de nomination par le président de la République de trente des cent membres du Sénat. L'acte de nomination, pris ici par le président de la République, est bien un acte réglementaire susceptible en principe de faire l'objet d'un recours contentieux, notamment si un sénateur nommé n'a pas quarante (40) ans, la question de savoir si les sénateurs nommés pour représenter la région doivent être originaires, comme les sénateurs élus, des régions qu'ils représentent n'étant pas résolue.

Enfin, le peuple, mais de manière indirecte, peut intervenir par voie référendaire dans la mise en place du Sénat. Cette possibilité résulte de l'article 36 de la Constitution selon lequel le président de la République, après consultation du président du Conseil constitutionnel, du président de l'Assemblée nationale et du président du Sénat, peut soumettre au référendum tout projet de réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi, serait susceptible d'avoir des répercussions profondes sur l'avenir de la nation et les institutions nationales. Les textes relatifs au Sénat et aux régions peuvent ainsi être soumis au référendum qui, législatif du point de vue formel, serait en réalité constituant, car prolongeant l'oeuvre constituante, au sens prégnant du terme, engagée en décembre 1995353(*).

Comment se manifeste l'inaction des pouvoirs publics relativement aux opérations matérielles de mise en place du Sénat ?

2 - L'inaction des pouvoirs publics quant aux opérations matérielles indispensables au fonctionnement concret du Sénat

L'ineffectivité du bicaméralisme ne tient pas seulement à l'ineffectivité des opérations juridiques incombant aux autorités chargées de la mise en place progressive du Sénat, mais aussi et surtout à l'inaction voire au silence des mêmes autorités en ce qui concernent les opérations matérielles indispensables au fonctionnement concret du Sénat. En effet, plus d'une décennie après la promulgation de la loi constitutionnelle de 1996 instituant le bicaméralisme au Cameroun, le Sénat n'a reçu l'existence physique qui conditionne son fonctionnement réel. Pourtant il ne fait aucun doute que, comme l'Assemblée nationale, le Sénat lui-même nécessite pour ses activités une installation physique par l'affectation ou la construction de locaux, la mise à sa disposition du matériel, ou pour le cas spécifique des régions, l'organisation des consultations électorales destinées à les pourvoir en personnels.

Sur tous ces aspects matériels, aucun début d'exécution n'est perceptible, tant le silence à leur égard est complet. La mise en place du Sénat tout comme les autres nouvelles institutions créées par la Constitution devient incertaine et les explications oscillent entre les difficultés d'exécution et la mauvaise foi des autorités. Cette dernière est d'autant plus présumée que la Constitution en cause est porteuse de principes démocratiques qui leur auraient été imposés et auxquels ils résisteraient encore au moyen de l'inaction354(*).

On sait en effet que c'est grâce aux effets conjugués de la conditionnalité de l'aide financière par les bailleurs de fonds internationaux355(*) et les revendications populaires en faveur de l'instauration d'un régime libéral et démocratique que les pouvoirs publics camerounais avaient entrepris de démanteler le dispositif législatif ultra répressif en vigueur jusqu'en 1990.

Les opérations juridiques (législative et réglementaire) et matérielles des pouvoirs publics chargés de la mise en place du Sénat viendront donc parfaire l'oeuvre de novation institutionnelle engagée par le pouvoir constituant dérivé en 1996. Mais, les autorités impliquées dans cette entreprise de mise en place effective du bicaméralisme sont jusqu'ici caractérisées par une lenteur dans l'accomplissement de leur sujétion constitutionnelle, lenteur dont les conséquences sur le pouvoir constituant dérivé méritent d'être analysées.

§2 : LES CONSEQUENCES DE L'INEFFECTIVITE DU BICAMERALISME

Le bicaméralisme voulu par le constituant ne pouvait être mis en état de fonctionnement d'un seul coup. En attendant son fonctionnement normal et effectif, il fallait organiser la période transitoire. C'est l'objet de l'article 67 alinéa 3 de la Constitution qui tire deux conséquences du principe de progressivité posé à l'alinéa 1er . L'une est positive et concerne le retour à l'Assemblée nationale en tant qu'organe compétent pour réviser la Constitution (A). L'autre est négative et non expressément exprimée par le constituant lui-même, à savoir la suspension du Sénat dans la procédure de révision pendant la phase transitoire (B).

A - Le retour à l'Assemblée nationale en tant qu'organe compétent pour réviser la Constitution

L'Assemblée nationale actuelle, en plus de ses compétences propres, se voit attribuer les prérogatives reconnues au Sénat nouvellement créé. En effet, l'alinéa 3 de l'article 67 précité dispose à cet égard que « l'Assemblée nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif et jouit de l'ensemble des prérogatives reconnues au Parlement jusqu'à la mise en place du Sénat ».

Ce dédoublement fonctionnel de l'Assemblée nationale pose deux problèmes distincts : l'identification des prérogatives qui s'ajoutent à celles propres de l'Assemblée nationale et la vérification de la prédisposition de l'Assemblée nationale à exercer convenablement les attributions qui lui sont ainsi provisoirement confiées. Il ne serait pas inintéressant de se pencher sur la question de la portée potentielle de cet exercice provisoire des attributions du Sénat.

Sur le premier point, il résulte de l'alinéa 3 de l'article 67 précité que l'Assemblée nationale doit, quoique Chambre unique, fonctionner comme un Parlement bicaméral ou à tout le moins offrir un produit législatif ou un acte de révision proche de celui qu'on aurait obtenu par l'application des règles de la procédure législative ordinaire ou de révision constitutionnelle dans un Parlement bicaméral. Cependant, cette disposition telle que libellée, ne résout pas clairement le problème de la délimitation des compétences ainsi provisoirement dévolues à l'Assemblée nationale.

Mais, il convient de relever qu'exercer la plénitude du pouvoir législatif renvoie à trois ordres de compétence. C'est d'abord disposer de l'initiative législative des lois, les discuter, les amender, les voter. C'est ensuite contrôler le Gouvernement au moyen des questions écrites ou orales, et de Commissions d'enquêtes. C'est enfin pouvoir censurer le Gouvernement.

Agissant comme l'ensemble du Parlement, l'Assemblée nationale peut autoriser le président de la République à prendre des ordonnances en application de l'article 28 de la Constitution ; elle peut initier une proposition de révision constitutionnelle ; elle peut tenir lieu de congrès dans le cas d'adoption d'une loi constitutionnelle, etc. Jusque-là, nous sommes en présence d'attributions traditionnelles de l'ancienne Assemblée nationale. Le dédoublement est donc plus formel que réel. Jusque-là également, s'arrêtent les compétences du Sénat susceptibles d'être exercées par l'ex-Chambre unique. Car, si celle-ci exerce le pouvoir législatif et fait office de Parlement, elle ne peut pas jouir des prérogatives attribuées en propre au Sénat. Il en est ainsi à un double point de vue.

D'un coté, seul le président du Sénat est compétent pour la désignation de trois (3) des onze (11) membres du Conseil constitutionnel après avis du bureau du Sénat. De l'autre côté, la fonction de président de la République par intérim qu'assure en propre le président du Sénat ou son suppléant suivant l'ordre de préséance au Sénat ne saurait être exercée par celui de l'Assemblée nationale356(*). A ce niveau, le dédoublement souhaité est simplement impossible.

Cette interprétation que fait le professeur Alain-Didier OLINGA357(*) de l'alinéa 3 de l'article 67 de la Constitution, est remise en cause par le Professeur James MOUANGUE KOBILA surtout en ce qui concerne l'incompétence du président de l'Assemblée nationale à procéder à la désignation de trois des onze membres du Conseil constitutionnel en lieu et place du président du Sénat. Dénonçant le cumul des prérogatives du Sénat et des siennes propres par l'Assemblée nationale, l'auteur écrit : « L'on pourrait ajouter que le cumul des fonctions des deux Chambres par l'Assemblée nationale serait pareillement impuissant à satisfaire à la conception de la séparation des pouvoirs prévalant aux 17è et 18è siècles, qui supposait que le pouvoir législatif ne fut pas concentré entre les mains d'une seule Assemblée et de maintenir l'équilibre des pouvoirs, la balance penchant un peu trop en faveur du président de l'Assemblée nationale au détriment du président de la République, notamment dans le domaine de la désignation des membres du Conseil constitutionnel, avant la mise en place effective du Sénat »358(*).

Sur le second point, on peut douter de la prédisposition de l'Assemblée nationale à exercer convenablement les attributions du Sénat. L'argument du Gouvernement selon lequel il n'y aurait pas urgence à mettre en place les nouvelles institutions dans la mesure où certaines de ces institutions fonctionnaient déjà de facto, en l'occurrence le Sénat dont l'Assemblée nationale exerce les compétences jusqu'à sa mise en place effective, n'est pas pertinent. Les fonctions spécifiques de représentation catégorielle de caractère politique et les fonctions législatives à caractère technique qui incombent aux deux Chambres du Parlement ne sauraient en effet être exercées dans le cadre d'un cumul, même provisoire, des attributions de celles-ci par l'Assemblée nationale tant en ce qui concerne la législation ordinaire de l'article 26 que la législation constitutionnelle de l'article 63 de la Constitution. Une Assemblée nationale cumulant ses attributions propres avec celles du Sénat ne saurait, à l'évidence, ni garantir le double examen de tout projet ou de toute proposition de loi, ni jouer le rôle de contre-pouvoir dévolu au Sénat face à l'Assemblée nationale et face à l'Exécutif, ni a fortiori agir avec la même liberté qu'une Chambre haute à l'abri du pouvoir de dissolution de l'Exécutif, ni même « susciter les compromis qui permettent de faire oeuvre harmonieuse ou conciliatrice »359(*) dans le cadre de la fonction « régulatrice, pondératrice, stabilisante de la Chambre haute »360(*).

On peut même penser qu'un tel cumul serait dangereux pour l'existence même du Sénat en tant qu'organe. En effet, il est à craindre que l'Assemblée nationale dans son dédoublement fonctionnel ne procède à des réformes directement dirigées contre le Sénat, ce d'autant plus que ce dernier est fréquemment perçu comme une Chambre concurrente qui peut en plus s'opposer aux initiatives tant de la Chambre basse que du président de la République. L'exemple français constitue, de ce point vue une illustration éclatante dans la mesure où la Constitution ne permet pas, exception faite du recours au référendum comme ce fut le cas en 1969361(*), qu'une révision constitutionnelle puisse aboutir sans le consentement du Sénat. Il résulte de son article 89 alinéa 2 que le projet de révision doit être voté par les deux Chambres en termes identiques, la révision n'étant définitive qu'après avoir été approuvée par référendum.

Enfin, au-delà de ces appréhensions, il convient de mesurer la portée d'un dédoublement fonctionnel réussi. Certes, ce dédoublement fonctionnel peut être regardé comme traduisant une hésitation sérieuse pour certains organes en général et le Sénat en particulier quant à leur opportunité même d'exister. Mais, dans l'hypothèse où le dédoublement fonctionnel provisoire est réussi, jugé satisfaisant, il peut définitivement retarder à défaut de la rendre inutile, la mise en place du Sénat. Et c'est le lieu de dire que la modification d'une Constitution, l'institution de nouveaux organes de l'Etat sont une réponse à une demande constitutionnelle identifiable. Comme l'a relevé de la façon la plus indiscutable qui soit le Professeur Alain-Didier OLINGA, « le Cameroun avait besoin d'une Constitution venant ratifier le cours démocratique engagé depuis 1990 »361(*). Comment expliquer qu'en dépit de cette ratification on puisse différer la vie concrète de ces structures ? De deux choses l'une en effet : ou ces institutions étaient nécessaires et il faut les mettre en état de fonctionner, ou elles ne l'étaient pas et il fallait en faire l'économie.

Quoiqu'il en soit, le Sénat demeure une étape négligeable dans la procédure de révision constitutionnelle au Cameroun, du moins pendant la période transitoire.

B - La suspension du Sénat dans la procédure de révision de la Constitution

La suspension dont il est question ici ne doit guère être considérée dans son acception civiliste ou pénale. Il est emprunté au droit administratif où il désigne l'action par laquelle les autorités administratives diffèrent temporairement l'exécution d'un acte juridique pris par une autre autorité, ou privent provisoirement de leurs fonctions certains agents ou autorités362(*). Ainsi comprise, la suspension du Sénat résulte de la combinaison des dispositions constitutionnelles et de l'attitude des pouvoirs institués qui n'ont pas jusqu'ici déféré à leurs obligations constitutionnelles du fait de l'absence de contrôle juridiquement organisé de mise en place des nouvelles institutions.

Les fondements et les mécanismes de cette suspension du Sénat ayant déjà été analysés, il est question ici de présenter les solutions proposées par la doctrine en rapport avec la détermination de la durée de la période transitoire mais surtout pour amener les pouvoirs publics à mettre en place les nouvelles institutions au premier rang desquelles figure le Sénat.

Deux auteurs ont fait des propositions en ce sens : le Professeur Alain-Didier OLINGA qui, après avoir relevé les difficultés qu'il y a à engager la responsabilité des organes chargés de la mise en place des institutions nouvellement créées, opte pour des mesures politiques d'incitation et le Professeur Magloire ONDOA pour qui il existe des pistes juridiques d'une responsabilité présidentielle.

Selon le Professeur Alain-Didier OLINGA, si la loi est l'instrument privilégié de la mise en place progressive des institutions nouvelles, les détenteurs de l'initiative législative engagent leur responsabilité constitutionnelle en ne déposant pas ou en ne discutant et n'adoptant pas les textes législatifs exigés par la Constitution. Certes, dit-il, l'on ne reconnaît guère en droit camerounais de responsabilité pour non-dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi. Toutefois, il existe selon l'auteur une obligation constitutionnelle de mise en situation d'effectivité les normes ayant créé une attente légitime des citoyens. En l'absence d'une théorie générale du délai raisonnable en matière constitutionnelle, l'auteur a essayé de fixer le terme raisonnable de la période transitoire. Selon lui, ce terme doit être aligné sur le terme du mandat des institutions électrices fonctionnant actuellement le plus éloigné dans le temps, à savoir le mandat du président de la République, c'est-à-dire, s'il n'est point besoin de recourir à l'article 6 alinéa 4, de la Constitution, en octobre 1997, soit pratiquement deux ans de transition. Toutefois, partant du fait que la politique a ses raisons que la logique juridique est loin de toujours maîtriser, l'auteur indique qu'il vaut mieux concevoir des mécanismes d'incitation permanente à la mise en place des institutions nouvelles.

En quoi consistent ces mécanismes ? L'auteur en donne deux. D'une part, l'opinion publique devrait se mobiliser, dans les médias ou à l'occasion des campagnes électorales. « Un chantage électoral serait bienvenu à cet égard »363(*), martèle-t-il. D'autre part, l'auteur note qu'on pourrait tout aussi inciter les institutions auxquelles sont dévolues les compétences des institutions à mettre en place à une sorte de résistance constitutionnelle constructive, de manière à provoquer la mise en place des nouvelles structures.

Pour le Professeur Magloire ONDOA, en revanche, il existe des pistes de mise en jeu de la responsabilité présidentielle. Après avoir relevé que le concept de responsabilité présidentielle ne serait nulle part constitutionnellement organisé, ni mis en oeuvre en dehors de l'hypothèse de haute trahison, l'auteur affirme que le silence ne traduit pas nécessairement la carence. Pour lui en effet, si l'on considère que la responsabilité est, de façon générale, le corollaire du manquement à une obligation, l'idée de l'appliquer au président de la République, dans l'hypothèse en cause, prend immédiatement forme. Dès lors en effet qu'il est chargé de veiller « au respect » de la Constitution qu'il « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » et est le « garant... de la continuité de l'Etat », sa responsabilité peut être engagée pour violation des «devoirs de sa charge »364(*).

La conséquence de la suspension du Sénat est double. D'une part, les sénateurs n'existant pas, les droits qui leur sont reconnus le sont également notamment le droit d'initier une révision constitutionnelle. D'autre part, toutes les révisions constitutionnelles opérées pendant la période transitoire, même celles dirigées contre le Sénat, pourraient aboutir sans que les sénateurs aient exprimé leurs nuances. Cette conséquence est d'autant plus redoutable pour le Sénat que la Constitution n'a pas expressément exclu des révisions constitutionnelles pouvant intervenir pendant la période transitoire celles relatives à la Chambre haute.

CONCLUSION DU CHAPITRE 1

Le pouvoir constituant dérivé a, à l'instar des autres organes de l'Etat depuis les années 1990, subi des aménagements destinés à renforcer sa structure organique. Il est passé d'un Parlement monocaméral à un Parlement bicaméral en raison de la consécration constitutionnelle d'une seconde Chambre législative qui détient également des pouvoirs dans l'opération de révision constitutionnelle.

Toutefois, le bicaméralisme ainsi consacré voit sa mise en place retardée en raison de l'ineffectivité du Sénat, même s'il est aisé de constater que s'effectue progressivement l'édiction des textes y relatifs.

Malgré cette ineffectivité du bicaméralisme et en attendant son fonctionnement normal, il fallait organiser la période transitoire. Ce faisant, la Constitution laisse une totale liberté aux pouvoirs publics dans la détermination de la durée de cette période ainsi que le rythme même de cette mise en place. Et parce qu'elle laisse ces derniers à la fois maîtres du temps et juges du moment, c'est-à-dire finalement de l'opportunité de mettre en place les nouvelles institutions, elle s'est exposée à « une critique imparable »365(*).

Chapitre 2 :L'AFFIRMATION A REBOURS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DEPUIS 1996

Commençons par préciser la signification du titre de ce chapitre : l'affirmation à rebours du pouvoir constituant dérivé depuis 1996. Il signifie que contrairement aux révisions constitutionnelles opérées par ses devanciers de 1991 et de 1996 qui étaient tous orientés vers la limitation du pouvoir exécutif, notamment à travers « une atteinte délibérée à l'absolutisme présidentiel »366(*), le pouvoir constituant dérivé depuis lors et spécialement en 2008, s'affirme plutôt dans un sens opposé au constitutionnalisme tel qu'il ressort de la théorie du droit constitutionnel367(*). Ce faisant, il s'inscrit en droite ligne d'un mouvement quasi général observé dans nombre d'Etats africains où on assiste à la recrudescence des révisions constitutionnelles touchant à ce que l'on croyait définitivement devenu une tradition, un acquis constitutionnel d'organisation léguée par les transitions démocratiques des années 1990, frappée d'immutabilité puis élevée au rang de principe fondamental de l'Etat, à savoir la limitation du nombre de mandats présidentiels368(*).

Cependant, une évolution en ce qui concerne la mise en oeuvre du pouvoir constituant dérivé est observée depuis 1996. Ceci vient du fait que les parlementaires, n'ont depuis lors cessé de multiplier les initiatives de révisions constitutionnelles. Sans succès. En effet, seules les initiatives présidentielles en ce domaine, qui sont toutes orientées vers le renforcement de la primauté du pouvoir exécutif sur les autres organes de l'Etat, continuent d'avoir un écho favorable auprès de la majorité des députés.

Il s'agit ici d'envisager l'affirmation du pouvoir constituant dérivé depuis 1996 sous ce double aspect apparemment contradictoire. Pour y parvenir, on examinera d'abord cette multiplication des initiatives de révision constitutionnelle (Section 1), avant d'analyser le contenu de l'ultime révision constitutionnelle de 2008 qui inaugure le retour aux révisions ayant pour seule finalité le renforcement de l'Exécutif (Section 2).

Section 1 : LA MULTIPLICATION DES INITIATIVES DE REVISION CONSTITUTIONNELLE

Depuis le retour du nouveau parlementarisme pluraliste à la faveur des élections législatives de 1992, les députés, notamment ceux de l'opposition, se sont engagés à faire aboutir des propositions de révision des dispositions du texte constitutionnel. Il s'agit selon eux d'actualiser la Constitution actuelle afin de tirer toutes les conséquences de la démocratisation du régime politique camerounais. Le contenu des propositions de révision constitutionnelle qu'ils ont formulées depuis 1996 l'atteste (§1). Mais, comme par le passé, seuls les projets de révision constitutionnelle continuent de recueillir un vote positif des députés ainsi qu'on peut le constater en examinant l'ultime projet de révision d'avril 2008 (§2).

§1 : LES PROPOSITIONS DE REVISION CONSTITUTIONNELLE

Les propositions les plus récentes ayant trait aux perspectives de révision de la Constitution se caractérisent par leur multiplicité et leur diversité. Toutefois, il est possible de les examiner successivement en distinguant les propositions de révision relatives à l'élection du président de la République au scrutin majoritaire à deux tours qui semblent faire l'unanimité au sein de l'opposition (A) des autres propositions de révision de la Loi fondamentale (B).

A - La proposition de révision relative à l'élection du président de la République au scrutin majoritaire à deux tours

L'élection du président de la République au scrutin majoritaire à deux tours est une revendication constante de l'opposition camerounaise depuis les années 1990. Cette revendication est en effet exprimée à l'Assemblée nationale chaque fois que celle-ci est appelée à se prononcer sur un texte y relatif tant lorsqu'elle siège ès qualité qu'en tant qu'organe révisionniste.

L'idée d'instaurer un scrutin majoritaire à deux tours pour l'élection présidentielle avait été émise et défendue à l'Assemblée nationale par l'UNDP et le MDR dès 1992 lors de l'adoption de la loi régissant les élections présidentielles369(*), sans succès. Au cours des discussions générales à la Chambre entière sur le projet de loi portant révision de la Constitution en décembre 1995, les députés de l'opposition ont souligné la nécessité de prévoir l'élection du président de la République à la majorité absolue dans un souci de plus grande démocratie et de renforcement des bases de sa légitimité. Ce à quoi le premier ministre avait répondu que « le Gouvernement soutient le scrutin majoritaire à un tour qui oblige les électeurs à voter utile et évite ainsi toutes les velléités d'alliances contre nature qui interviennent au deuxième tour au détriment des intérêts du citoyen »370(*).

En 1997, renouant avec la critique du scrutin majoritaire à un tour, l'opposition continua à décrédibiliser le système électoral à travers la mise en forme d'une proposition de loi portant révision de la Constitution. C'est ainsi qu'au cours de la session extraordinaire de l'Assemblée nationale du 16 août 1997, elle déposa sur le Bureau de cette dernière, trois propositions de révision de la Constitution dont l'une portait sur son article 6 qui prévoit le mode de scrutin pour l'élection du président de la République. La proposition des députés de l'opposition tendait à instaurer un second tour de scrutin dans l'hypothèse où aucun candidat n'obtiendrait la majorité absolue dès le premier tour371(*).

Ces propositions seront toutes rejetées par la Conférence des présidents pour cause de blocage de l'ordre du jour des sessions extraordinaires. En effet, l'ordre du jour de la session extraordinaire ouverte le 16 août 1997 prévoyait limitativement l'examen de deux projets de loi initiés par le Gouvernement, l'un relatif à l'élection présidentielle, l'autre aux activités privées de gardiennage372(*).

En août-septembre 1997, à la faveur de la modification de la loi régissant l'élection présidentielle, l'opposition parlementaire composée du SDF, de l'UNDP et de l'UDC relança en vain le débat pour un scrutin à deux tours ; face à l'écrasante majorité de l'ex-parti unique qui dispose de 116 sièges à l'Assemblée nationale, elle déserta l'hémicycle au moment du vote de la loi, en guise de protestation.

En plus du député du MLJC, les députés du SDF, de l'UNDP et de l'UDC réclameront sans succès la convocation d'une session extraordinaire de l'Assemblée nationale devant porter sur la révision de la Constitution afin d'y introduire notamment un scrutin à deux tours373(*).

Pourtant, l'introduction de ce mode de scrutin est présentée par ses auteurs comme un garant de la légitimité du président de la République. L'exposé des motifs précise en effet que l'élection du président de la République au scrutin majoritaire à deux tours évitera d'avoir un Chef de l'Etat élu par exemple avec 23 % de suffrages exprimés contre 77% de camerounais qui se seraient prononcés contre lui ou se seraient abstenus tout court de l'élection. Il est présenté en plus comme permettant d'éviter les grandes fractures grâce au jeu des alliances et en conséquence de l'harmonisation des programmes du gouvernement avant et non après l'élection374(*).

Cette remise en cause du système d'élection du président de la République à un scrutin majoritaire à un tour est également perceptible au sein de la doctrine où il est considéré comme plus favorable au président de la République en fonction au détriment de l'opposition. Ainsi que l'observent les Professeurs André CABANIS et Michel Louis MARTIN par exemple, « la possibilité d'être élu au premier tour à l'issue d'un vote unique favorise le président sortant en lui permettant de l'emporter sur une pluralité de candidats de l'opposition pourtant capable de rassembler, en additionnant leurs voix, une majorité absolue des suffrages regroupant tous les mécontents »375(*). C'est effectivement grâce au scrutin à un tour que le président BIYA a dû son maintien au pouvoir à l'issue de la présidentielle d'octobre 1992 avec un score officiel de 39% contre 36% pour son challenger Monsieur John FRU NDI.

Le maintien de l'élection présidentielle au scrutin majoritaire à un tour ne doit pas cependant oblitérer la constance de la revendication par l'opposition d'un scrutin présidentiel à deux tours comme en atteste l'amendement introduit par elle lors de la révision constitutionnelle de 2008, mais toujours sans succès. Nous y reviendrons.

Comme on le voit, bien que présenté par certains auteurs comme un dispositif de maintien du Cameroun en retrait du mouvement constitutionnel des années 1990, ce mode de scrutin, qui n'a en soi rien d'antidémocratique, a de nouveau obtenu l'adhésion de la majorité des parlementaires lors de cette ultime révision constitutionnelle. Qu'en est-il des autres propositions de révision de la Constitution initiées avant 2008 ?

B - Les autres propositions de révision constitutionnelle

Les autres propositions de révision constitutionnelle initiées par les députés membres des partis politiques de l'opposition sont relatives au mode de scrutin devant régir l'élection de tous les sénateurs, des conseillers régionaux et chefs des régions au suffrage universel direct, d'une part (1) et à l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel suivi de la création d'une CENA, d'autre part (2).

1 - La proposition de révision relative à l'élection de tous les sénateurs, des conseillers régionaux et chefs des régions au suffrage universel direct

La proposition de révision relative à l'élection de tous les sénateurs, des conseillers régionaux ainsi que des chefs des régions au suffrage universel direct avait été initiée par les députés SDF qui, dans sa « proposition pour une élection libre et transparente au Cameroun » soumise le 8 janvier 1998 au Comité technique mis sur pied par le RDPC et lui, préconisait « un amendement minimal de la Constitution de la République »376(*).

Selon les parlementaires de ce parti politique, en ce qui concerne les élections de tous les sénateurs, des conseillers régionaux et des chefs des régions, les articles 20 et 57 de la Constitution devaient être modifiés en vue de permettre leur élection au suffrage universel direct.

La proposition de révision de l'article 20 qui préconise l'élection de tous les sénateurs au suffrage universel direct était présentée comme la voie la plus efficace pour le choix des représentants par le peuple377(*). Au vrai, il s'agissait pour les initiateurs de cette proposition de révision, de retirer au président de la République le droit de nommer discrétionnairement 30% des sénateurs comme le lui permet l'actuelle version de l'article 20.

En ce qui concerne l'article 57, et toujours selon les parlementaires SDF, celui-ci doit être amendé pour être conforme aux dispositions de l'article 55 de la Constitution mais aussi pour permettre l'élection des conseillers régionaux et des responsables des régions au suffrage universel direct. La révision de l'article 57 dont souhaitaient les parlementaires SDF ne vise donc en réalité que les alinéas 2 et 3. L'alinéa 2 dispose, entres autres, que les conseillers régionaux sont les délégués des départements élus au suffrage universel indirect et les représentants du commandement traditionnel élus par leurs pairs et que le Conseil régional doit refléter les différentes composantes sociologiques de la région. Quant à l'alinéa 3, il précise que le Conseil régional est présidé par une personnalité autochtone de la région élue en son sein pour la durée du mandat du Conseil et que le Bureau du Conseil régional doit refléter la composition sociologique de la région.

2 - Les propositions de révision relatives à l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel et à la création de la CENA

Les propositions de révision relatives à l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel et à la création d'une Commission électorale nationale autonome (CENA) avaient également été initiées par l'opposition parlementaire. Elles avaient été formulées en même temps pour la première fois lors de la session extraordinaire de l'Assemblée nationale du 16 août 1996. Mais, sur le plan chronologique, la proposition relative à la création d'une CENA avait précédé celle de l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel. A cet égard, quelques éléments du cheminement de la proposition de révision constitutionnelle en vue de la création de la CENA méritent d'être précisés.

Le 1er juillet 1995, le président du groupe parlementaire UNDP saisissait le président de l'Assemblée nationale de la proposition de loi relative à la création de la CENA, proposition initiée avec le soutien du MDR378(*). Celui-ci s'abstient de soumettre le texte à la Conférence des présidents. Le 12 octobre 1995, le président du groupe parlementaire UNDP prie à nouveau le président de l'Assemblée nationale de saisir la Conférence des présidents ; pour réponse, ce dernier demande l'exposé des motifs du texte proposé, exposé qui lui est remis le 31 octobre de la même année. Le 6 juin 1996, le président du groupe parlementaire UNDP prie encore le président de l'Assemblée nationale « de bien vouloir inscrire ladite proposition à l'ordre du jour des textes de la présente session » (juin 1996), sans succès. Le 5 novembre 1996, le président du groupe parlementaire UNDP rappelle au président de l'Assemblée nationale les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 18 de la Constitution, dispositions en vertu desquelles « Lorsque, à l'issue de deux sessions ordinaires, une proposition de loi n'a pu être examinée, celle-ci est de plein droit examinée au cours de la session ordinaire suivante »379(*). Le président de l'Assemblée nationale décide plutôt de soumettre le texte de la proposition de loi à la Conférence des présidents le 21 novembre 1996 mais la séance s'achève sans décision sur la recevabilité du texte380(*). Contre toute attente, l'examen de cette proposition de loi sera une fois de plus rejeté381(*).

Après le rejet de sa proposition de loi à la session ordinaire de novembre 1996, l'UNDP saisira vainement la Cour Suprême qui exerce transitoirement les attributions du Conseil constitutionnel le 2 décembre de la même année, pour tenter de faire invalider les trois griefs retenus par la Conférence des présidents contre le texte visant la création de la CENA382(*). La Conférence des présidents avait en effet retenu trois motifs d'irrecevabilité de la proposition de l'UNDP. Selon le premier, la proposition de l'UNDP était irrecevable parce que la CENA n'est pas prévue par la Constitution. Selon le deuxième motif, la proposition de création de la CENA était inconstitutionnelle, car elle crée de nouvelles charges sans réduction à due concurrence d'autres dépenses ou création de recettes nouvelles d'égale importance383(*). Enfin, la proposition de l'UNDP était irrecevable parce que les compétences que l'honorable Maïgari BELLO BOUBA voulait faire attribuer à la CENA étaient déjà dévolues au Conseil constitutionnel. Ce dernier motif était particulièrement fondé sur l'alinéa 1er de l'article 48 qui consacre le Conseil constitutionnel comme instance supérieure en matière d'élection des membres du Parlement, du président de la République et des consultations référendaires. C'est pourquoi, dans le cadre de la sixième législature, les partis d'opposition coalisés384(*) vont soumettre à l'Assemblée nationale des propositions de loi portant révision de certaines dispositions de la Constitution dont l'article 48. Les députés entendaient, dans l'hypothèse où leur initiative recevait un écho favorable auprès des députés de la majorité, élargir la compétence du Conseil constitutionnel en matière de contentieux électoral à toutes les élections.

Il s'agissait également pour eux de réviser la Constitution par la création de la Commission nationale électorale autonome qui devait être chargée de l'organisation des élections des conseillers municipaux et régionaux, de l'élection des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat, de l'élection du président de la République et des consultations référendaires et de la proclamation des résultats de ces différentes élections. Il en résulte que cette proposition de révision entendait conférer à un organisme unique la responsabilité de l'organisation, du déroulement et de la proclamation des résultats de toutes les élections à caractère local et national ainsi que des consultations référendaires.

C'est également ce qui ressort de la proposition du SDF intitulée « Pour une élection transparente et libre au Cameroun » précitée même si les députés de ce parti parlent de la « Commission électorale nationale » tout court. Selon les députés SDF, l'article 48 de la Constitution doit être amendé pour tenir compte de la création de la Commission électorale nationale avec compétence en matière de contentieux électoral. Les décisions prises par la Commission électorale nationale sont définitives et ne sont sujets d'un recours devant le Conseil constitutionnel qu'en cas de violation de la loi. Ainsi, il est question selon le SDF d'amender le titre VII de la Constitution en vue de donner une assise constitutionnelle à Commission électorale nationale, mais surtout d'aménager les rapports entre ces deux institutions en matière électorale. La nouvelle formulation du titre VII qui passerait alors « Du Conseil constitutionnel » à « Du Conseil constitutionnel et de la Commission électorale nationale »385(*), l'atteste.

Dans le même ordre d'idées, les auteurs de la proposition de révision souhaitaient voir l'article 48 de la Constitution ainsi rédigé :

« Article 48 (1) : Le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des actes de la Commission électorale nationale dans le cadre de ses activités. Il connaît du contentieux électoral.

(2) : a. Il est créé une Commission électorale nationale chargée de diriger, superviser et contrôler de manière juste, libre et transparente, tous les processus électoraux et la réalisation des référendums au Cameroun. Elle en proclame les résultats.

b. Son organisation, son fonctionnement et sa composition, sont fixés par la loi ».

Cette constance de la revendication par l'opposition de la création d'un organe autonome chargé de toutes les opérations électorales et des consultations référendaires distinct de l'Administration est liée à la nécessité de garantir la transparence et toute l'objectivité du processus électoral.

Malgré leur insuccès, il reste que ces propositions de révision constitutionnelle surtout celles relatives à la création d'une Commission électorale autonome interviennent dans un contexte de polarisation particulière du champ politique, polarisation marquée par les multiples et diverses prises de position des partis politiques de l'opposition, des leaders d'opinion et de la hiérarchie ecclésiastique en faveur d'une institution autonome chargée de gérer l'ensemble des opérations électorales avec davantage de transparence que, à leurs yeux, ne le fait le ministère de l'Administration Territoriale386(*). Sur ce point l'opposition parlementaire est en phase avec la conférence épiscopale de l'église catholique. Selon le Cardinal Christian TUMI par exemple, « l'électorat camerounais a perdu toute confiance au ministère de l'Administration Territoriale »387(*).

En tout état de cause, il s'agissait d'une question sur laquelle le pouvoir en place et l'opposition étaient diamétralement opposés. Toutefois, le pouvoir en place semble progressivement plus réceptif aux propositions de l'opposition parlementaire comme l'attestent respectivement la loi du 19 décembre 2000 portant création d'un Observatoire national des élections et la loi du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de « Elections Cameroon » (ELECAM). Ce qui est loin de surprendre car il y allait de sa crédibilité et de sa légitimité. Mais, l'effort du pouvoir en place reste en deçà des attentes de l'opposition qui n'a cessé de revendiquer la création d'un organisme impartial de gestion des élections politiques au Cameroun.

§2 : LE PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE D'AVRIL 2008

Plus de dix ans après l'adoption de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, le président de la République renoue avec les projets de révision constitutionnelle. Au regard de la pratique camerounaise des révisions constitutionnelles, cette durée peut être considérée comme très longue. En effet, jamais auparavant une telle durée n'a séparé deux révisions constitutionnelles successives. C'est dire que cette reprise de l'initiative présidentielle en matière de révision constitutionnelle suscite la curiosité.

A cet égard, il est nécessaire d'examiner tous les éléments ayant favorisé voire provoqué la révision constitutionnelle de 2008. Cette investigation révèle l'existence des conditions juridiques et politiques favorables tant au projet présidentiel de révision (A) qu'à son adoption par l'Assemblée nationale (B).

A - Les conditions juridiques et politiques de la révision constitutionnelle

La Constitution camerounaise est rigide. Elle impose en effet au pouvoir constituant dérivé le respect d'une procédure particulière plus solennelle et plus difficile à mettre en oeuvre que la procédure législative ordinaire à travers ses articles 63 et 64. Mais, la rigidité de la Constitution n'est pas absolue ; elle ne fait pas obstacle à l'adaptation du statut de l'Etat à l'évolution de la société et des aspirations de ses membres. Il en résulte que la moindre révision doit s'y inscrire. Force est cependant de constater qu'au Cameroun, la rigidité du texte constitutionnel est battue en brèche par la volonté d'un homme et dans la pratique, la Constitution devient souple car au Cameroun « plus que partout ailleurs, la Constitution est liée à la personne du Chef de l'Etat qui donne vie aux institutions qui sont son outil, les instruments de sa stratégie politique »388(*). Cette emprise du président de la République sur la Constitution n'aurait pas été rendue possible sans un contexte politique (2) et surtout juridique caractérisé pour le premier par la prégnance du clientélisme et pour le second par des pouvoirs constitutionnels extrêmement étendus reconnus au Chef de l'Etat corrélativement à la faiblesse des contre pouvoirs constitutionnels (1).

1 - Les conditions juridiques

Sur le plan du droit, une lecture même cursive de la Loi fondamentale camerounaise de 1972 amplement révisée en 1996 révèle que le constituant, probablement pour limiter le risque de cohabitation conflictuelle, a donné au Chef de l'Etat, le droit de recourir au référendum ainsi que des pouvoirs importants dans le domaine législatif, plus précisément le droit d'initiative des lois ordinaires (article 25) et surtout de révision de la Constitution (article 63) contrairement aux démocraties occidentales à l'exemple des Etats-Unis d'Amérique. Pris dans certains de ses aspects comme le modérateur ou comme une instance de réflexion législative, le Sénat est apparu dès son institution comme un instrument de la hiérarchie des pouvoirs et de la suprématie de l'Exécutif et beaucoup moins comme un contre-pouvoir, étant donné ses prérogatives et ses modes d'organisation. Au Cameroun en effet, le président de la République a la charge de nommer un nombre non négligeable de sénateurs amenés à siéger au sein d'une institution qui par définition concoure à l'expression de la souveraineté nationale.

Dans cette perspective, la marge de manoeuvre du président de la République est variable selon les contextes, mais réelle. Devant lui s'ouvre en effet une alternative : le président de la République peut choisir la voie parlementaire en cas de présidentialisme majoritaire ou de l'existence d'une majorité présidentielle même de circonstance mais cohérente et/ou monocolore389(*). Son choix, en 1996, de l'option parlementaire de révision au détriment de celle référendaire pourtant prescrite par la Tripartite constitue de ce point de vue un exemple éclatant. Il peut également choisir la voie référendaire de révision. Cependant, bien que constamment consacrée par les constituants camerounais, la voie référendaire de révision n'a jamais été utilisée au Cameroun depuis 1972. Même lorsqu'elle est privilégiée par le président de la République, l'option référendaire de révision est souvent analysée non comme destinée à conférer plus d'autorité à la réforme entreprise, ce qui est en droit et politiquement son objectif originelle ou véritable, mais plus comme une procédure de contournement du Parlement ou de détournement du suffrage universel. Contournement du Parlement en ce qu'il s'agit de surmonter une opposition parlementaire forte nourrissant une hostilité au projet de révision390(*). Détournement du suffrage universel en ce que l'élection est dévoyée, transformant ainsi la consultation en plébiscite.

2 - Le contexte politique

Sur le plan politique, l'initiative présidentielle de révision intervient dans un contexte qui lui est favorable. On peut même affirmer que l'initiative juridique de la révision constitutionnelle de 2008 avait été précédée d'une initiative politique. A preuve, les multiples demandes formulées par les militants du RDPC, parti au pouvoir, en faveur de la révision de l'article 6 alinéa 2 de la Constitution en vue de permettre au Chef de l'Etat de se représenter comme « candidat naturel » de cette formation politique aux élections présidentielles attendues en 2011. Ceci-ci s'explique par plusieurs facteurs convergents. Au-delà de la crainte de la perte de privilèges liés à la position autour du détenteur du pouvoir, le soutien du projet présidentiel de révision tenait de la rétribution escomptée par les uns ; et pour les autres, de la crainte révérencielle vis-à-vis du leader, de l'intériorisation de la violence symbolique391(*), ou de la crainte des représailles392(*). Autant d'éléments qui avaient fini par engendrer une coopération unanimiste au sein de la majorité présidentielle.

C'est dans ce contexte que le Parlement à forte collaboration présidentielle a adopté sans résistance le projet de révision de certains articles de la Constitution. Mais ainsi que l'a démontré la doctrine publiciste depuis longtemps, ce sont beaucoup plus l'origine ou le point de départ de la révision (projet), les raisons avancées pour réviser (celles avancées par l'entourage présidentielle), le moment choisi (inopportun et en fin de second mandat) et ses effets contre-productifs qui étaient en cause plutôt que le principe même de la révision393(*).

B - L'adoption du texte de révision constitutionnelle

En dépit de la réticence d'une frange importante de la population camerounaise, c'est le Parlement qui fut appelé à se prononcer sur le projet de révision de la Constitution. Comme cette dernière lui en donne le droit, le président de la République allait déposer au Parlement, le 4 avril 2008, le projet de révision constitutionnelle n° 819/PJL/AN modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n? 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972394(*). Le projet avait été jugé recevable. Mais, avant son vote, le texte soumis à l'Assemblée nationale (2) avait fait l'objet de nombreuses tentatives d'amendement lors de son examen en Commission des lois constitutionnelles (1).

1 - L'examen du projet de révision

L'examen du projet de révision en Commission des lois constitutionnelles de l'Assemblée nationale était caractérisé par la multiplicité des propositions d'amendement. Certaines ont été présentées par le Gouvernement et d'autres par les députés de l'opposition.

Les amendements proposés par le Gouvernement concernent la formulation des dispositions du projet initial. Deux articles du projet de révision sont visés. Ainsi, le Gouvernement souhaitait voir la formulation de l'article 14 alinéa 3 (a) du projet de révision passer de :

« Article 14

(3) a (nouveau) : Les Chambres du Parlement se réunissent aux mêmes dates :

En sessions ordinaires chaque année aux mois de mars, juin et novembre sur convocation des Bureaux de l'Assemblée Nationale et du Sénat, après consultation du président de la République » à :

« Article 14 (3) nouveau : Les chambres du Parlement se réunissent aux mêmes dates :

a (nouveau) en sessions ordinaires chaque année aux mois de mars, juin et novembre sur convocation des Bureaux de l'Assemblée Nationale et du Sénat, après consultation du président de la République »395(*).

Le gouvernement souhaitait également que l'article 51 alinéa 1er du projet de révision initial soit modifié, mais seulement en ce qui concerne sa formulation. Il s'agissait de reprendre cet article en y insérant uniquement la modification souhaitée. Cette formulation est ainsi conçue :

« Article 51 (1) nouveau :

Le Conseil constitutionnel comprend onze membres désignés pour un mandat de six (6) ans non renouvelable.

Les membres du Conseil constitutionnel sont choisis parmi les personnalités de réputation professionnelle établie.

Il doivent jouir d'une grande intégrité morale et d'une compétence reconnue »396(*).

Il ressort du projet de révision que cette réduction du mandat des conseillers de 9 à 6 ans non renouvelables doit permettre d'harmoniser le mandat des membres du Conseil constitutionnel avec ceux des autres organes élus ou désignés de l'Etat.

Les amendements proposés par les députés étaient de loin les plus nombreux et concernaient plus le fond du projet que sa forme.

Ainsi, trois amendements portant sur l'article 6 alinéa 2 nouveau visaient, entre autres, à ramener à 5 ans renouvelable une fois la durée du mandat du président de la République qui serait rééligible une seule fois. Un quatrième amendement portant sur les mêmes dispositions de l'article 6 alinéa 2 tendait à maintenir à 7 ans le mandat du président de la République qui serait rééligible une seule fois. Le cinquième amendement portant sur l'article 6 alinéa 4 nouveau tendait à ramener à 90 jours la tenue du scrutin pour l'élection du nouveau président de la République. Le sixième amendement de l'article 6 alinéa 4 (a) et (b) concernait l'intérim du président de la République qui est exercé de plein droit jusqu'à l'élection du nouveau président de la République par le président du Sénat et si ce dernier est à son tour empêché, par son suppléant suivant l'ordre de préséance. Deux amendements portant sur la suppression pure et simple du paragraphe c de l'article 6 alinéa 4 qui visait à permettre au président de la République par intérim en cas de nécessité liée à l'organisation de l'élection présidentielle, de modifier la composition du Gouvernement après consultation du Conseil constitutionnel, n'avaient pas été acceptés. Un troisième amendement portant sur le même paragraphe (c) tendant à subordonner la modification de la composition du Gouvernement à l'accord du Parlement et du Conseil constitutionnel n'avait pas été retenu non plus.

Un amendement tendant à supprimer l'article 15 alinéa 4 nouveau, n'avait pas été retenu. Deux amendements portant sur l'article 51 nouveau, l'un tendant au maintien des dispositions de l'alinéa 1er en vigueur et l'autre visant entre autres, à renouveler tous les trois ans par tiers le Conseil constitutionnel, dont le mandat des conseillers sera non renouvelable, avaient été rejetés. Trois autres amendements portaient sur l'article 53 nouveau relatif à la Haute Cour de Justice compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par le président de la République en cas de haute trahison, le premier ministre, les autres membres du Gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'Administration ayant reçu délégation de pouvoir en application des articles 10 et 12 ci-dessus, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat. Ils ont été rejetés.

Enfin, le même sort fut réservé à deux amendements portant sur la suppression pure et simple des dispositions de l'article 67 alinéa 6 (nouveau) de la Constitution397(*).

2- Le vote définitif du texte de révision

En principe, le vote du texte définitif de révision constitutionnelle était depuis 1996 une prérogative reconnue au Parlement réuni en congrès. Mais compte tenu de l'ineffectivité du Sénat et en application de l'article 67 alinéa 3 de la Constitution, seule l'Assemblée nationale avait adopté le projet de révision soumis à la délibération du Parlement le 4 avril 2008. Cette précision faite, il faut relever qu'en séance plénière, le vote s'est déroulé en trois étapes.

La première étape fut provoquée par le groupe parlementaire SDF notamment par un de ses députés, l'honorable Joseph LUKONG BANADZEM, qui avait posé une question préalable juste après la lecture du rapport de la Commission des lois constitutionnelles. La question préalable avait pour objet de faire décider par l'Assemblée nationale qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur le sujet inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée. En effet, le président du groupe parlementaire SDF estimait que le ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation avait violé le règlement de l'Assemblée en présentant une version du projet de loi en Commission différente de celle qui avait été réceptionnée le 4 avril en plénière398(*). Pour départager les uns et les autres, un vote à main levée est organisé. Au vote 150 députés se prononcent contre la question préalable, 13 députés (essentiellement du SDF) se prononcent pour la question préalable . Immédiatement après ce rejet de la question préalable, le groupe parlementaire du SDF sort de l'hémicycle pendant que s'ouvrait la discussion générale en présence de tous les autres députés à savoir les députés UNDP, UDC, MP et les 150 députés du RDPC.

On pouvait alors passer au vote pour l'adoption de l'article 1er du projet de révision. Les 150 députés du RDPC votent pour, suivis dans leur démarche par ceux de l'UNDP qui votent également pour. Les 4 députés de l'UDC et celui du MP votent contre. Seuls manquent à l'appel les 15 députés du SDF et le député RDPC de la Manyu, l'honorable AYAH Paul Abine. Mais au moment de voter pour l'article 2, le président de l'Assemblée nationale suggère, conformément aux dispositions du règlement de l'Assemblée, de passer directement au vote de l'ensemble du texte du projet de révision, aucune observation particulière n'ayant été faite à l'hémicycle. C'est à cet instant même que le Secrétaire général de l'Assemblée nationale souligne qu'il y a eu des procurations, information qui est souvent donnée au début de la plénière. On apprend ainsi que l'honorable AYAH Paul Abine qui n'a pas été appelé au premier tour du vote, avait donné une procuration à l'honorable Emilia MOJOWA LIFAKA, député RDPC du Fako. Celle-ci votera pour l'adoption du projet en débat en son nom. Un acte que l'intéressé s'était empressé de dénoncer399(*).

En définitive, le projet de loi portant modification de la Constitution sera adopté par 157 voix pour (les députés du RDPC et ceux de l'UNDP) et 5 voix contre (les députés de l'UDC et celui du MP).

Section 2 : L'ULTIME REVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2008

Comme sa devancière de 1996, la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 a fait l'objet de critiques notamment quant à la constitutionnalité de la procédure suivie par les pouvoirs publics compétents pour modifier certaines dispositions la Loi fondamentale. Aussi est-il question d'y revenir avant un examen approfondi de l'état de droit révisé. Nous examinerons donc le débat sur la procédure de révision constitutionnelle du 14 avril 2008 (§1), préalablement aux aspects de la loi constitutionnelle elle-même (§2).

§1 : LA PROCEDURE DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 14 AVRIL 2008 EN DEBAT

La question de la régularité de la procédure de la révision constitutionnelle de 2008 divise la doctrine. Deux thèses s'affrontent ici, à savoir la thèse de l'inconstitutionnalité de la procédure de révision constitutionnelle de 2008, d'une part (A) et celle de sa constitutionnalité, d'autre part (B).

A - La thèse de la constitutionnalité de la révision constitutionnelle de 2008

Comme il fallait s'y attendre, la thèse de la constitutionnalité de la révision constitutionnelle d'avril 2008 est défendue par le président de la République lui-même, auteur du projet de révision. Mais cette thèse va également connaître un autre défenseur dans la doctrine de droit constitutionnel.

Selon le président de la République, le projet de révision soumis à l'Assemblée nationale était conforme à la Constitution. C'est ce qui ressort de l'exposé des motifs contenus dans le projet. On peut en effet y lire ce qui suit : « La présente réforme qui ne déroge ni à la forme républicaine de l'Etat, ni aux principes démocratiques, de l'unité ou de l'intégrité du territoire national (...) »400(*). Allusion à peine voilée à l'article 64 de la Constitution aux termes duquel aucune procédure de révision ne peut être retenue si elle porte atteinte à la forme républicaine, à l'unité et à l'intégrité territoriale de l'Etat et aux principes démocratiques qui régissent la République.

Dans la doctrine de droit constitutionnel, l'un des auteurs ayant ardemment défendu la thèse de la constitutionnalité de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 au Cameroun est incontestablement Stéphane BOLLE. Selon lui en effet, la révision constitutionnelle envisagée et réalisée au Cameroun est effectivement conforme aux dispositions constitutionnelles en vigueur. Après avoir fait remarquer que la Constitution dans la plupart des pays africains et singulièrement au Cameroun est assez facilement révisable, l'auteur déploie un certain nombre d'arguments non sans tenir compte de ceux qu'on pourrait opposer aux siens. Ainsi, écrit-il : « Certains objecteront qu'en l'absence du Sénat, qui n'a toujours pas été installé, l'Assemblée nationale ne saurait constituer à elle seule un congrès de révision. Seulement, l'objection tombe à la lecture de l'article 67 alinéa 3 : "l'Assemblée nationale jouit de l'ensemble des prérogatives reconnues au Parlement jusqu'à la mise en place du Sénat" »401(*). A la vérité, cet argument n'est pas nouveau, l'hypothèse de procéder à une révision constitutionnelle sur le fondement de l'article 67 de la Constitution ayant été envisagée par la doctrine il y a quelques années déjà.

En effet, une telle lecture de l'article 67 alinéa 3 de la Constitution avait été faite bien avant la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 par le Professeur Alain-Didier OLINGA. Dans son article intitulé « L'article 67 de la Constitution » précité, il reconnaissait la compétence de l'Assemblée nationale en matière de révision constitutionnelle en ces termes : « Agissant comme l'ensemble du Parlement, l'Assemblée nationale (...) peut tenir lieu de congrès dans le cas d'une révision constitutionnelle, etc. »402(*). Mais, il y a lieu de constater que la position de cet auteur a évolué, car après la révision constitutionnelle de 2008 par l'Assemblée nationale, il va plutôt soutenir la thèse inverse.

B - La thèse de l'inconstitutionnalité de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008

Les tenants de l'inconstitutionnalité de la révision constitutionnelle de 2008 avaient mis en avant une série d'arguments tendant à dénier le bien fondé de la révision opérée. Mais, à l'analyse ils tournent tous à établir l'incompétence de l'organe saisi du projet de révision, l'Assemblée nationale. Deux auteurs ont particulièrement défendu cette thèse à savoir Alain-Didier OLINGA et Mathias Eric OWONA NGUINI.

Selon le Professeur Alain-Didier OLINGA, la compétence de l'instance saisie du projet de révision est discutable au regard de la Loi fondamentale en vigueur. En effet, rappelle-t-il, l'article 63 alinéa 3 de la Constitution énonce : « Le Parlement se réunit en congrès, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet ou une proposition de révision de la Constitution ». Il se trouve que dans l'exposé des motifs du projet de révision de la Constitution, il était indiqué : « Tel est l'économie du présent projet de loi soumis à l'examen de l'Assemblée nationale ». Il s'agit là, selon l'auteur, d'une méconnaissance de la lettre de la Loi fondamentale. Car, depuis la révision de janvier 1996, le pouvoir constituant dérivé qu'est le pouvoir de révision est organiquement et formellement distinct de la législature, avec l'avènement de la figure organique du congrès, lequel est, à côté du peuple saisi par voie référendaire, l'instance compétente en matière de révision de la Constitution403(*). Donc, la formule de l'article 63 au présent de l'indicatif (``se réunit''), doublée du fait qu'elle se situe dans le chapitre traitant spécialement de la révision de la Constitution, doit l'emporter sur celle de l'article 14 alinéa 4 suivant laquelle « Les deux Chambres du Parlement peuvent se réunir en congrès, à la demande du président de la République (...) pour se prononcer sur un projet ou une proposition de révision constitutionnelle ». Autrement dit, selon le Professeur Alain-Didier OLINGA, l'Assemblée nationale, convoquée régulièrement en session ordinaire à partir du 12 mars 2008, ne pouvait brusquement sans convocation spécifique aux fins de l'examen d'un projet de révision, siéger tacitement comme congrès à partir du 4 avril, par le seul fait de la transmission du projet de révision pour examen et adoption par la Chambre.

En conséquence, d'un point de vue du strict formalisme juridique, le président de la République n'aurait pas dû transmettre le projet de révision à l'Assemblée nationale, et la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale n'aurait pas dû se prononcer favorablement sur la recevabilité du texte déposé par le président de la République. L'auteur conclut sur ce point en ces termes : « En théorie pure, on pourrait dire que les institutions qui méconnaissent si ouvertement la Constitution en vigueur ne peuvent prétendre faire oeuvre constitutionnelle légitime. L'intervention d'une instance incompétente pour accomplir une tâche clairement normée, devrait en principe, être frappée de nullité »404(*). Mais, le droit constitutionnel est un droit marqué profondément de considérations politiques qu'il est difficile de soumettre au test judiciaire, notamment dans un contexte où la saisine de la juridiction constitutionnelle demeure limitativement attribuée. Une fois que la loi constitutionnelle est promulguée, il n'y a plus de recours possible au plan interne, le texte étant dès sa promulgation réputé régulièrement entré dans l'ordonnancement normatif de l'Etat.

Le Docteur Mathias Eric OWONA NGUINI rejette lui aussi l'évocation de l'article 67 alinéa 3 de la Constitution pour justifier la constitutionnalité de la révision de 2008. En écho à la position de Stéphane BOLLE qui défend la constitutionnalité du recours à l'Assemblée nationale pour la révision de 2008 en se fondant sur les dispositions transitoires de l'article 67 alinéa 3 de la Constitution, l'auteur affirme que « cette argumentation donne à voir les limites de la lecture de la Constitution opérée par l'analyste ». La procédure de révision envisagée au Cameroun ne peut selon cet auteur être envisagée dans une vision en termes d'exceptionnalisme. Peut-on se suffire de justifier et de fonder en droit la démarche de révision constitutionnelle envisagée au Cameroun, en passant allègrement de l'article 63 alinéa 3 (règle de principe en matière de révision par la voie parlementaire) à l'article 67 alinéa 3 (règle prévue dans le cadre du dispositif de transition constitutionnelle et institutionnelle) ? Quelle est finalement la règle qui fonde vraiment l'opération de révision envisagée ?

Dans le même ordre d'idées, Monsieur Noé NDJEBET MASSOUSSI allègue que « Le président de la République n'a pas respecté toutes les conditionnalités d'une révision de la Constitution que lui impose la Constitution »405(*). Il dénonce lui aussi la non-convocation du congrès par le président de la République ; il apporte également un argument nouveau tiré de l'article 18 alinéa 3 de la Loi fondamentale. Pour lui en effet, l'article 18 alinéa 3 liste les textes qui peuvent être inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale réunie en session ordinaire comme c'est le cas. La révision constitutionnelle n'y figure pas. Ce qui confirme, selon lui, le caractère illégal de la voie de révision empruntée par le président de la République406(*).

En somme, on relève que la question relative à la constitutionnalité de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 ne fait pas l'unanimité. Mais au-delà de ce constat, il y a lieu de cerner les innovations qu'apporte la loi constitutionnelle issue de cette révision controversée.

§2 : LES ASPECTS DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 14 AVRIL 2008

La loi constitutionnelle du 14 avril 2008 possède quatre principaux aspects dont l'analyse révèle qu'ils ont une même finalité, à savoir renforcer le pouvoir du président de la République. Ces aspects sont, respectivement, le raffermissement des pouvoirs du président de la République (A), la suppression de la limitation des mandats présidentiels (B), la justiciabilité du président de la République devant la Haute Cour de justice (C) et la redéfinition des règles relatives à la vacance du pouvoir (D).

A - Le raffermissement des pouvoirs du président de la République

De prime abord, précisons que la primauté du président de la République au sein de l'exécutif n'a fait l'objet, dans la révision constitutionnelle d'avril 2008, d'aucune atteinte ou atténuation. En effet, un déséquilibre manifeste continue de présider aux relations entre le président de la République et le Gouvernement, y compris le premier ministre407(*). D'un autre côté, les prérogatives du président de la République en rapport avec les autres pouvoirs ont été plutôt renforcées. Et on est même en droit de dire que les acquis constitutionnels de 1996 ont été tous remis en cause dans la mesure où le président de la République dispose les moyens supplémentaires pour exercer une influence tant sur le Parlement (1) que sur le Conseil constitutionnel (2).

1 - Le renforcement des moyens d'influence du président de la République sur le Parlement

Outre l'influence politique que le président de la République peut exercer sur le Parlement à travers la majorité, même conjoncturelle, qu'il peut y avoir et surtout le droit de dissolution du Parlement, la loi constitutionnelle de 2008 offre au président de la République une autre arme lui permettant de neutraliser autant que faire se peut le Parlement lorsque « les circonstances »408(*) l'exigent. Deux remarques sont à faire ici.

D'une part, les questions relatives au mandat des députés à l'Assemblée nationale tout comme celles relatives à celui des membres du Conseil constitutionnel n'étaient pas spécialement attendues au cours de cette procédure de révision de la Constitution où l'attention des observateurs était focalisée sur les articles à enjeux directs autour du mandat du président de la République ou de son intérimaire en cas de vacance de pouvoir409(*).

D'autre part, la nouvelle disposition apporte deux éléments nouveaux : la création d'une circonstance pouvant justifier la démarche du président de la République pour raccourcir ou rallonger le mandat des députés (``lorsque les circonstances l'exigent''), et les délais d'organisation de nouvelles élections qui passent de 40 jours au moins et 120 jours au plus (en lieu et place des 40 jours au moins et 60 jours au plus selon l'article 15 alinéa 4 de la loi constitutionnelle de 1996).

Si les nouveaux délais n'appellent fondamentalement pas de débats particuliers, il n'en reste pas moins que de réels motifs de questionnement demeurent autour de la locution « quand les circonstances l'exigent ». Certes, et en comparaison, la loi de 1996 prévoyait déjà une telle démarche, mais uniquement en cas de crise grave. Une notion un peu plus précise, le fait d'une crise grave n'étant pas banal et pouvant être observable, au contraire de la locution actuelle qui élargit la marge d'appréciation du président de la République en la ramenant pratiquement à la situation de l'article 12 de la version originelle de la Constitution du 2 juin 1972. En d'autres termes, la crise n'étant pas un phénomène de tous les jours, l'on a voulu introduire dans la Constitution une base juridique pour prendre selon les besoins des ingénieurs politiques des décisions purement opportunistes vis-à-vis de l'Assemblée nationale dans une logique instrumentale410(*). N'est-ce pas la même logique qui avait inspiré les concepteurs de la modification constitutionnelle sur son aspect relatif au mandat des membres du Conseil constitutionnel ?

2 - Les moyens d'influence du président de la République sur le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel fait partie des services publics qui ne peuvent s'acquitter convenablement de leurs missions que si leurs agents jouissent d'une indépendance leur permettant d'être à l'abri des influences extérieures. Et dans cet ordre d'idées, ses membres ont besoin d'une nécessaire « autonomie » afin de statuer en toute sérénité, condition absolument indispensable au fonctionnement d'une bonne justice constitutionnelle. De ce point de vue, et en dépit des obstacles à l'indépendance des juges constitutionnels411(*), une relative unanimité régnait jusqu'en 2008 sur l'innovation que constituait la consécration d'un Conseil constitutionnel par la loi constitutionnelle de 1996. Son statut marqué notamment par la relative longévité du mandat de ses membres était salué comme une condition de l'indépendance du juge constitutionnel.

Cependant, l'espoir placé dans la cette auguste institution semble s'évanouir depuis la promulgation, par le président de la République, de la loi constitutionnelle de 2008. L'article 51 (nouveau) opère en effet une altération de la garantie d'indépendance du Conseil constitutionnel que constituait l'aménagement au bénéfice de ses membres d'un mandat de 9 ans. Ce mandat est en effet passé de 9 ans non renouvelable à 6 ans « éventuellement renouvelable ». Cette nouvelle formulation n'est pas heureuse en particulier pour une structure qui n'est pas une institution politique, qui est en dehors du commerce institutionnel classique et ne joue que le rôle de régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics412(*). D'autant que la raison avancée par le président de la République pour justifier l'altération de la dimension temporelle de l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel n'est pas suffisamment éclairante. Il ressort de l'exposé des motifs du projet de révision que la nouvelle version de l'article 51 alinéa 1er vise à harmoniser le mandat des membres du Conseil constitutionnel avec ceux des autres organes élus ou désignés de l'Etat.

Quoiqu'il en soit, la révision de cet article politise la perception d'une institution qui devrait précisément être à l'abri des considérations politiciennes. La formulation du nouveau mandat des membres du Conseil constitutionnel est pire que celle contenue dans le projet de révision qui ne prévoyait pas l'éventualité d'un renouvellement413(*). Un mandat de 6 ans non renouvelable met les membres du Conseil constitutionnel dans une situation d'indépendance psychologique par rapport à un mandat de 6 ans éventuellement renouvelable, lequel incite le conseiller désireux d'être éventuellement renouvelé à une certaine « sagesse »414(*). Cette lecture est d'autant logique qu'il n'existe pas un âge maximum pour être nommer conseiller.

B - La suppression de la clause de limitation du mandat du président de la République

La loi constitutionnelle du 14 avril 2008 avait pour objectif principal de faire sauter la clause constitutionnelle relative à la limitation du nombre de mandat que peut briguer le président de la République. Le point relatif à la suppression de la limitation du nombre de mandat présidentiel est de très loin le plus long et le plus argumenté de l'exposé des motifs qui accompagne le projet de loi n° 819/PJL/AN modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996. Ceci nous amène à préciser les motifs relatifs à cette suppression avant d'en déceler les limites et lacunes.

Quatre arguments ont été avancés par le président de la République en faveur de révision de l'article 6 alinéa 2 limitant à deux le nombre de son mandat415(*). De son avis, la rééligibilité du président de la République sans limitation du nombre de mandats participe d'un certain nombre de considérations. Elle participe d'abord de l'affirmation et de la préservation de la plénitude de la souveraineté du peuple en matière d'élection du président de la République. Elle participe ensuite de l'égalité en droits et en devoirs des citoyens face à l'éligibilité aux fonctions de président de la République. Elle participe également de la jouissance par tous les citoyens sans discrimination des droits civils et politiques notamment du droit de participation directe à la gestion des affaires publiques. Enfin, la suppression de la limitation du nombre de mandat présidentiel participe de la continuité de la tradition constitutionnelle de notre pays dont aucune des Constitutions successives ne contenait de dispositions relatives à la limitation du nombre des mandats présidentiels.

La doctrine a fait de ces motifs deux sortes de commentaires. Le premier a trait à l'explication selon laquelle il était question d'assurer la continuité de la tradition constitutionnelle de notre pays. Ainsi, comme le relève le Professeur Alain-Didier OLINGA, si ce souci était réel, il aurait dû conduire à revenir au quinquennat. En 1995, lors du débat constitutionnel, si l'on avait allongé la durée du mandat présidentiel, ainsi que cela ressortait clairement du rapport de la Commission des lois constitutionnelles, c'est parce que la discussion parlementaire avait abouti à la limitation du nombre de mandats à deux. Un tel consensus est ce qui s'était précisément formé entre décembre 1995 et janvier 1996, période au cours de laquelle la limitation des mandats qui n'était pas présente dans le projet gouvernemental de révision de la Constitution, y a été inscrite, avec l'accord du pouvoir central suite à un compromis qui offrait en contrepartie l'allongement du mandat présidentiel de 5 à 7 ans416(*). Cette limitation figurait au demeurant dans l'avant-projet de Constitution OWONA et dans le projet rendu public en 1990 par le Professeur Maurice KAMTO. Il en résulte donc que si l'exposé des motifs du projet de révision soulignait à juste titre que la limitation des mandats présidentiels ne fait pas partie de l'histoire constitutionnelle du Cameroun, on peut s'étonner que ce même exposé des motifs ne souligne pas le fait que le septennat ne fait pas partie de l'histoire constitutionnelle du Cameroun ! La tradition constitutionnelle n'est pas bonne à invoquer que lorsqu'elle est favorable au renforcement du pouvoir présidentiel, elle doit l'être également lorsqu'il faut l'encadrer, le limiter dans la durée.

Mais, au-delà de cette incohérence qui caractérise la référence à la tradition constitutionnelle camerounaise en matière de révision constitutionnelle, une question de pure logique juridique se pose : celle de la rétroactivité de la loi constitutionnelle de 2008, cette question n'étant pas résolue par cette dernière. A cet égard, il convient de faire un certain nombre de constatations. Certaines sont relatives à l'origine ou le point de départ de l'initiative de la révision (projet), au moment choisi pour y procéder. A ces éléments extérieurs au projet de révision s'ajoute un autre qui est plutôt contenu dans les motifs du projet de révision : il s'agit de l'expression « mandat du président de la République en fonction ». Par ailleurs, le président actuellement en fonction a été élu en 1997, puis réélu en 2004 par le peuple camerounais sur la base d'éléments normatifs précis, parmi lesquels la limitation à deux du nombre de mandats. Il en résulte logiquement que le mandat qui court de 2004 à 2011 est un mandat qui se situe dans le cadre de la limitation constitutionnelle à ces deux mandats. Peut-on en transformer la nature en cours d'exécution ? Le mandat électif de 7 ans obtenu en 2004 pour ne pas être renouvelable en 2011 peut-il devenir, à partir de 2008 par la grâce d'une révision constitutionnelle, et sans précision explicite dans la nouvelle mouture de la Constitution, un mandat de 7 ans renouvelable en 2011 et indéfiniment ?

Du strict point de vue juridique, une réponse négative s'impose. Cependant, en dépit du silence du texte de révision sur ce point précis, une réponse affirmative n'est pas à exclure au regard des remarques relatives au projet de révision ci-dessus exposées. A la vérité, comme le démontre les expériences en cours dans plusieurs Etats africains où la limitation du nombre de mandats à été également supprimée417(*), une telle démarche ne serait pas nouvelle. L'expérience a en effet démontré que les suppressions de la clause de limitation du nombre de mandat ont généralement bénéficié immédiatement à leurs initiateurs.

La doctrine a esquissé une liste d'autres motifs qui constituent le véritable enjeu de la révision de la clause limitative du nombre de mandats du président de la République. Ainsi, selon Monsieur Jérôme Francis WANDJI K. par exemple, l'inflation révisionniste de la clause de limitation des mandats du président de la République est justifiée par des motivations que l'on peut répertorier et qui oscillent autour d'une constance : un goût démesuré pour les privilèges du pouvoir et la peur. En premier lieu, l'auteur évoque la faiblesse ou l'absence d'un statut d'ancien Chef d'Etat induisant des droits et des privilèges à la mesure de la charge présidentielle. Il y a ensuite la peur obsessionnelle de l'exil. Enfin, il y a la peur des représailles populaires418(*) et judiciaires internes et internationales qui impliquent mort, humiliation et probablement condamnation suivie d'incarcération.

Cette crainte est animée chez les uns par les circonstances de leur prise de pouvoir à l'envers des procédures démocratiques, parfois violentes et sanglantes419(*) et chez les autres par la profusion d'abus ayant jalonné la durée en fonction, notamment : crimes contre l'humanité et crimes économiques tels que les détournements des deniers publics et la corruption à grande échelle. Or, aussi longtemps qu'ils demeurent en fonction, ces Chefs d'Etat africains n'ont pas à redouter la perte d'immunité et d'autres privilèges, encore moins l'exil ou les représailles populaires ou judiciaires.

C - La justiciabilité du président de la République devant la Haute Cour de Justice

Il ressort de l'article 53 alinéa 1er que la Haute Cour de Justice est l'instance compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par certaines autorités relevant de la haute Administration d'Etat. De manière générale, on distingue la justiciabilité du président de la République d'une part et celle des autres autorités également justiciables devant la Haute Cour de Justice d'autre part.

S'agissant de la justiciabilité de ces dernières, les règles qui la régissaient n'ont pas connues de modifications. Il s'agit du premier ministre, et des autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'Administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12 ci-dessus en cas de complot contre la sûreté de l'Etat.

S'agissant en revanche de la justiciabilité du président de la République, les règles y relatives ont été revues dans le sens d'une mise en oeuvre plus difficile. Elles apparaissent à l'analyse et comparativement à celles instituées par la loi constitutionnelle de 1996 comme traduisant un recul.

La première difficulté vient de l'absence de définition de la notion même de haute trahison, l'alinéa 1er de l'article 53 nouveau s'étant contenter de reprendre la formule vague selon laquelle la « Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par : le président de la République en cas de haute trahison (...) ». Mais certains éléments tirés du texte constitutionnel permettent de s'en faire une idée. Ainsi par exemple, lorsque le président de la République est chargé de veiller au respect de la Constitution, assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et est le garant de la continuité de l'Etat (article 5 de la Constitution alinéa 2), sa responsabilité peut être engagée pour haute trahison. Le problème réside donc dans la difficulté d'intégrer les éventuels et possibles manquements à ces obligations constitutionnelles du président de la République dans la seule hypothèse de responsabilité présidentielle retenue, à savoir la haute trahison. Elle n'est pour autant pas insurmontable dans la mesure où l'absence d'une définition textuelle même limitative de la haute trahison, autorise une extension de cette dernière à « toute faute manifeste, accomplie par le président de la République dans l'exercice de ses fonctions »420(*). Car, en définitive, c'est à la Haute Cour de Justice de juger si ces manquements sont constitutifs ou non de haute trahison. Toutefois, même si la haute trahison est un délit d'ordre politique à contenu variable, le terme de trahison ne doit pas, selon Benoît JEANNEAU, s'entendre au sens courant du mot comme un acte commis au bénéfice d'une puissance étrangère et préjudiciable à la défense nationale ; mais plutôt comme un « manquement grave du président de la République aux devoirs de sa charge »421(*).

Le recul de la justiciabilité du président de la République que consacre la révision de la Loi fondamentale réside surtout dans sa protection aussi bien durant l'exercice de son mandat qu'au terme de ce mandat. Il se matérialise par une immunité posée pour certains actes et par les conditions de déclenchement des poursuites quasiment irréalisables.

Sur le premier point relatif à l'immunité présidentielle, l'article 53 alinéa 3 nouveau pose en effet que « Les actes accomplis par le président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 de la Constitution sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat ».

Cette disposition qui fait ainsi son entrée dans la Loi fondamentale consacre incontestablement une immunité au profit du président de la République. Mais ce régime d'immunité ne devrait pas surprendre dans un régime présidentialiste, le Professeur Jean GICQUEL y voyant même une « conséquence banale du régime présidentialiste »422(*).

Par ailleurs, cet alinéa ne précise pas ce que l'on doit considérer comme « les actes de la fonction présidentielle » insusceptibles d'engager la responsabilité du président de République. De l'avis du Professeur Alain-Didier OLINGA, cette disposition doit être examinée par rapport aux engagements internationaux de la République et par rapport aux obligations qui découlent pour elle et ses dirigeants ainsi que, de manière générale, des tendances actuelles de l'ordre juridique international. Elle doit l'être, par ailleurs, quant à son applicabilité ratione temporis. Les actes constitutifs de haute trahison accomplis par le président de la République lorsqu'il était en fonction mais découverts après la cessation de ses fonctions et qui auraient été dissimulés par lui engagent-ils sa responsabilité ou tombent dans le domaine temporel des actes immunisés ?

Sur le second point relatif aux conditions de mise en accusation du président de la République pour haute trahison, la même disposition ajoute que ce dernier ne peut être mis en accusation « que par l'Assemblée nationale et le Sénat, statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des 4/5e des membres les composant ».

Cette disposition qui n'était pas incluse dans la loi constitutionnelle de 1996, vient consolider la base juridique de la mise en accusation éventuelle du président de la République, en la sortant du cadre législatif, beaucoup moins compliqué a priori à modifier. Ce faisant, le pouvoir constituant dérivé, à travers l'article 53, a fait de la protection pénale du président de la République la valeur absolue du droit constitutionnel camerounais, loin devant la Loi fondamentale elle-même qui peut être modifiée à la majorité absolue des parlementaires et, en cas de demande de seconde lecture, à la majorité des 2/3 des membres composant de Parlement (article 63 alinéa 3). De même, les amendements tendant à remplacer le scrutin public par le scrutin secret à la majorité des 2/3 et à introduire le scrutin secret à la majorité absolue avaient été rejetés en Commission423(*). Pour le Gouvernement, cette majorité qualifiée renforcée se justifie « au regard de l'importance des questions que constituent la haute trahison et le complot contre la sûreté de l'Etat »424(*).

Ces conditions de mise en jeu de la responsabilité du président de la République devant la Haute Cour de Justice lui garantissent littéralement une immunité perpétuelle. Les modalités de cette mise en accusation du président de la République sont en effet volontairement lourdes et compliquées à mettre en mouvement avec du reste un scrutin public, ce qui traduit certes le souci de ne pas engager une telle procédure à la légère, mais également le souci de mettre le président de la République à l'abri d'une action en responsabilité, la majorité des 4/5e du Parlement étant difficile à réunir. D'autant plus que 30% des sénateurs seront nommés par le président de la République et qu'en tout état de cause, il ne manquera pas d'alliés parmi les 70% restants. C'est donc à bon droit que le Professeur Augustin LOADA a pu conclure que « la mise en accusation d'un président de la République coupable de crimes, selon les procédures de droit commun ou devant la Haute Cour de Justice ne peut qu'être improbable »425(*).

Ce régime de protection ultra sophistiqué du président de la République est légitimé par au moins un représentant de la doctrine africaniste française. S'inspirant du cas de Madagascar où le malaise provoqué par la destitution du président ZAFI avait contribué à reposer dans son ensemble le problème constitutionnel au cours de la campagne électorale qu'elle avait provoquée, le Professeur Gérard CONAC est en effet d'avis que « si des mécanismes de mise en jeu de sa responsabilité pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions doivent être prévus par la Constitution, il est souhaitable qu'ils ne puissent être déclenchés que pour des raisons graves et selon des procédures exceptionnelles se différenciant nettement des procédures de censure du gouvernement parlementaire. Dans les démocraties récentes, le risque est qu'en déstabilisant le Chef de l'Etat, le régime constitutionnel qu'il incarne soit lui-même déstabilisé »426(*).

La nouvelle loi constitutionnelle a donc conceptualisé, au profit du président de la République, un verrou sophistiqué. Mais la loi constitutionnelle est muette sur la responsabilité du président de la République par intérim qui n'exerce la fonction présidentielle que quand il y a vacance du pouvoir.

D - La redéfinition des règles relatives à la vacance du pouvoir

L'article 6 alinéa 4 réaménage les délais pour l'organisation des élections présidentielles en cas de vacance du pouvoir. Les cas d'ouverture de la vacance n'ont fait l'objet d'aucune modification. La vacance reste ainsi ouverte en cas de décès, de démission ou d'empêchement définitif du président de la République constaté par le Conseil constitutionnel. En revanche, les innovations apportées par la loi constitutionnelle de 2008 sont relatives à la durée de l'intérim (1) et aux prérogatives ex nunc reconnues au président de la République par intérim (2).

1 - La durée de la vacance du pouvoir

Tout président de la République nouvellement élu est animé par un idéal légitime : celui de demeurer dans ses fonctions jusqu'à la fin du mandat à lui confié. Mais l'expérience montre que les évènements indépendants ou non de son fait lui empêchent parfois de l'atteindre. C'est fort de cet état des choses que les constituants ont estimé qu'il était sage de prévoir dans la Loi fondamentale des délais relatifs à la période pendant laquelle le poste de président de la République ne serait pas, entre deux élections présidentielles normales, occupé par son véritable titulaire. L'idée maîtresse ici réside dans le souci d'assurer une transition démocratique du pouvoir au sommet de l'Etat. En même temps, il faut éviter qu'un homme non issu du suffrage de ses concitoyens ne dirige le pouvoir pendant longtemps, car le faire serait incompatible tant avec les textes constitutionnels du Cameroun indépendant qu'avec la doctrine de droit constitutionnel.

Ces délais ont été prévus par toutes les Constitutions camerounaises. Ainsi par exemple, avant la révision de 2008, la loi constitutionnelle de 1996 disposait qu'en cas de vacance de la présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d'empêchement définitif, le scrutin pour l'élection du nouveau président de la République devait impérativement avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après l'ouverture de la vacance. Mais avec la loi constitutionnelle du 14 avril 2008 cette durée a été allongée. En effet, la nouvelle version de l'alinéa 4 de l'article 6 dispose qu' « en cas de vacance de la présidence de la République (...), le scrutin pour l'élection du nouveau président de la République doit impérativement avoir lieu 20 jours au moins et 120 jours au plus après l'ouverture de la vacance ».

Il résulte de cet alinéa que si la borne minimale a été maintenue (à 20 jours), tel n'a pas été le cas de la borne maximale qui a été allongée de 40 à 120 jours. Le motif avancé en faveur de cet allongement de la durée de l'intérim ressort clairement du projet de révision soumis au Parlement où il est question de faciliter l'organisation matérielle et pratique de l'élection présidentielle427(*). Ainsi, les 40 jours prévus jusque-là étaient considérés comme insuffisants pour assurer l'organisation d'une élection présidentielle nécessitée par la vacance à la présidence de la République, ce qui est étonnant au regard des avancées en cours en matière électorale notamment la création d'ELECAM. En effet, comme l'a justement relevé le Professeur Alain-Didier OLINGA, si ELECAM est mis en place et fonctionne conformément à son mandat, en principe l'on doit pouvoir organiser une élection crédible à tout moment, ELECAM étant une administration permanente, investie de la responsabilité exclusive et unique d'organiser les élections.

Par ailleurs, la longueur de cette durée ne va pas sans poser un autre problème dans la mesure où elle est de nature à conférer au président intérimaire le goût du pouvoir et l'inciter par conséquent à prendre éventuellement, des dispositions insidieuses pour y demeurer428(*). Ceci serait contraire à la finalité de l'intérim dont la durée doit rester courte pour que le seul programme d'action du président intérimaire soit de conduire l'élection du nouveau président de la République et non de gérer le pays. Or, 120 jours d'intérim est une durée importante pendant laquelle on peut se retrouver, par la force des choses, dans une logique de gestion de l'Etat, de gestion des urgences, peut-être même des situations d'exception.

Ces inquiétudes sont loin d'être de pures spéculations dans la mesure où la loi constitutionnelle de 2008 est allée plus loin en réalisant aussi une extension certes exceptionnelle, mais réelle, des prérogatives du président intérimaire.

2 - L'extension des prérogatives du président de la République par intérim

L'extension des prérogatives du président de la République par intérim trouve son fondement à l'alinéa 4 (c) de l'article 6 nouveau de la loi constitutionnelle de 2008 qui dispose : « Toutefois, en cas de nécessité liée à l'organisation de l'élection présidentielle, le président de la République par intérim peut, après consultation du Conseil constitutionnel, modifier la composition du Gouvernement ».

Cette nouvelle disposition réalise une extension sans précédent des pouvoirs du président de la République par intérim. Certes, comme dans la loi constitutionnelle de 1996, celle de 2008 interdit au président intérimaire de modifier la Constitution, la composition du gouvernement et d'être candidat à l'élection organisée pour la présidence de la République.

Mais, cette dernière apporte une importante innovation car dorénavant le président intérimaire peut, après consultation du Conseil constitutionnel, modifier la composition du gouvernement « en cas de nécessité liée à l'organisation de l'élection présidentielle ». En d'autres termes, lorsque le président de la République par intérim allègue un cas de nécessité en rapport à l'organisation de l'élection présidentielle, il ne reste plus que deux limites à ses prérogatives à savoir l'impossibilité de modifier la Constitution et d'être candidat à l'élection organisée pour la présidence de la République. Et parce que la modification du gouvernement est un acte d'une haute teneur politique en ceci que tout dépend à l'occasion dans une large mesure du pouvoir discrétionnaire du présidant intérimaire, il y a lieu de maintenir une vigilance particulière par rapport aux prérogatives ainsi confiées à ce dernier. Car tout l'enjeu de la révision constitutionnelle de 2008 peut, en définitive, se retrouver sur cette question de l'intérim, la discussion autour de l'article 6 alinéa 2 n'ayant été en réalité, qu'une discussion suscitée par les hypothèses de gestion de la transition au sommet de l'Etat429(*).

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

L'on en vient à conclure que malgré la multiplication des propositions de révision de la Constitution initiées par les députés à l'Assemblées nationale depuis 1996, cette dernière, en tant qu'organe révisionniste demeure plus réceptive aux initiatives d'origine présidentielle. Au regard du contenu de la loi constitutionnelle de 2008, on est fondé à penser que ladite Assemblée a renoué avec les révisions orientées vers la remise en cause des principaux acquis constitutionnels des années 1990 : la résurrection de la clause de l'illimitation des mandats présidentiels, le verrouillage du poste de président de la République et l'altération de l'indépendance du juge constitutionnel.

En dernière analyse, la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 plongeant dans « l'incertitude du constitutionnalisme », s'intègre dans la logique d'« une conception du pouvoir qui défie le droit » qu'évoquait le Professeur Maurice KAMTO il y a bien longtemps430(*).

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

A l'issue de cette analyse sur les mutations du pouvoir constituant dérivé depuis 1996, l'on se doit de reconnaître la matérialité progressive des mutations de ce pouvoir au double point de vue organique et fonctionnelle. Ainsi, malgré le contexte actuel caractérisé par l'ineffectivité du bicaméralisme et la pérennisation de la période transitoire qui en résulte, l'on ne peut conclure à l'absence de volonté ou à l'inertie des pouvoirs publics chargés de mettre en place le Sénat. C'est que, le temps étant la mesure de toute chose, toutes leurs actions doivent s'y inscrire. Tel est le sens profond de l'article 67 de la Loi fondamentale.

CONCLUSION GENERALE

Si nous nous sommes quelque peu étendus sur le débat ouvert à propos de l'Assemblée nationale en tant qu'organe révisionniste depuis les années quatre-vingt-dix au Cameroun, ce n'est pas seulement en raison de son actualité mais aussi parce qu'il nous semble poser une question plus générale sur les mutations dont le pouvoir constituant dérivé a pu faire l'objet lui-même en tant qu'organe de l'Etat. De l'appréciation des mutations du pouvoir constituant dérivé depuis 1990, l'on a déduit qu'il n'est pas un organe figé une fois pour toutes dans la forme donnée par ses auteurs. Le milieu où il s'exerce a changé, il évolue toujours, il vit ; le pouvoir constituant dérivé contribue à l'organiser en même temps qu'il pèse sur lui.

La problématique suivante a constitué le fil conducteur de cette étude : le pouvoir constituant dérivé a-t-il résisté aux transformations que subissent les organes de l'Etat en cette période de transition démocratique ? Dans une approche diachronique et en combinant la méthode juridique et la méthode de la science politique, nous avons étudié successivement les mutations du pouvoir constituant dérivé au Cameroun depuis 1990.

Au plan organique, le pouvoir constituant dérivé est passé tour à tour d'un Parlement monolithique entre 1990 et 1991 à un Parlement pluraliste entre 1992 et 1996 et depuis le 18 janvier 1996 à un Parlement bicaméral.

Au plan fonctionnel, la conséquence attendue et visible de cette mutation structurelle a été, sur le plan général, la revitalisation du débat constitutionnel et plus spécialement le réveil de l'Assemblée nationale où on relève une volonté des députés de prendre eux aussi l'initiative de la révision constitutionnelle, rompant ainsi avec une tradition en la matière qui veut que l'initiative juridique d'une révision de la Constitution soit un monopole du président de la République.

A cela, l'on se doit d'ajouter que l'appréciation des mutations du pouvoir constituant dérivé telles qu'elles sont observées au Cameroun doit se faire à la lumière de la théorie constitutionnelle et non point par rapport à ce qui se fait ailleurs dans la mesure où il n'y a pas de standard en la matière. Tout dépend des rapports entre partis politiques et le pouvoir propres à chaque Etat.

Reste que le pouvoir constituant dérivé au Cameroun revêt un double visage : l'un vertueux et l'autre vicieux. D'une part, au plan de la vertu, le pouvoir constituant dérivé entre 1990 et 1996 a adapté la Constitution du 2 juin 1972, toute proportion gardée, aux réalités et aux aspirations démocratiques des citoyens. Il a successivement porté atteinte à l'absolutisme présidentiel et permis la « résurrection » du régime parlementaire camerounais431(*) en introduisant dans la Constitution un poste de premier ministre formellement Chef du gouvernement ainsi que les mécanismes de la responsabilité de ce dernier devant le Parlement qui lui-même devient bicaméral. A cela s'ajoute la consécration d'un Conseil constitutionnel qui est appelé au regard de ses attributions à contribuer à la consolidation de l'Etat de droit au Cameroun. Au niveau de la division verticale du pouvoir dans l'Etat, on relève la constitutionnalisation en 1996 de la décentralisation au Cameroun432(*).

Au-delà de cette dimension vertueuse, le pouvoir constituant dérivé présente un aspect versatile et vicieux. Après s'être prononcé en 1996 dans un esprit d'objectivation en faveur de l'application des normes constitutionnelles et de l'institutionnalisation du pouvoir, le pouvoir constituant dérivé de 2008 est bien loin d'avoir recherché cet idéal. La révision constitutionnelle de 2008 a été opérée au seul profit du Chef de l'Etat et au détriment des autres organes de l'Etat alors même que dans le texte et l'esprit des dispositions constitutionnelles pertinentes édictées en 1996, les jalons d'un rééquilibrage des pouvoirs ne faisaient l'objet d'aucun doute.

On comprend alors que la Constitution camerounaise se révèle être en fait, au-delà de la rigidité qui se dégage des mécanismes de sa révision, une Constitution souple, car révisable à souhait par le Chef de l'Etat dont la seule volonté détermine le contenu de la révision. Les risques de voir la compétence révisionniste du Parlement mise en oeuvre dans le seul but de consolider le pouvoir du Chef de l'Etat et de perpétuer le système politique et social qu'il a créé sont évidents, surtout pendant la période transitoire.

Dans ces conditions, les chances de voir la Constitution jouer réellement la fonction d'institutionnalisation du pouvoir433(*) au Cameroun résident sans doute dans la mise en état de fonctionnement effectif du bicaméralisme. En effet, il ne suffit pas de consacrer formellement le pouvoir constituant dérivé mais de veiller à l'effectivité de toutes les opérations (juridiques et matérielles) nécessaires ou indispensables à son opérationnalité. En ce qui concerne la loi constitutionnelle de 1996, elle a prévu des modalités de mise en place progressive des institutions indispensables à la mise en place du Sénat. La généralité de leur formulation tout comme l'absence de mécanismes juridiques de contrôle de leur mise en place ne remet nullement en cause l'obligation voire la nécessité pour les organes de l'Etat chargés par la Constitution de leur donner corps. Elles permettent plutôt de mesurer la volonté réelle de novation institutionnelle des pouvoirs publics à laquelle la promulgation d'une loi constitutionnelle ou d'une Constitution ne saurait être que le point de départ, l'impulsion initiale. En d'autres mots, une loi constitutionnelle n'est pas les réformes, c'est la machine principale devant permettre aux pouvoirs constitués de les réaliser.

La plume étant réputée serve, élaborer une loi constitutionnelle revient à imposer un cadre mais non à geler le texte qui, au-delà des imperfections qu'on y déplore434(*), est paradoxalement l'incarnation de la réalisation effective de l'idéal démocratique du peuple camerounais. Et on peut souhaiter que les multiples appels de la société civile et de l'opposition politique pour la mise en place effective des institutions relatives au parachèvement des mutations du pouvoir constituant dérivé amorcées dans les années 1990 ouvrent la voie à un renouveau du constitutionnalisme au Cameroun.

ANNEXES

1. Loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972

2. Proposition de révision à l'initiative des parlementaires SDF « pour une élection transparente et libre au Cameroun »

(extraits)

(1)

Loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972

L'Assemblée nationale a délibéré et adopté, le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article 1er : Les dispositions des articles 6 (2) et (4), 14 (3) a, 15 (4), 51 (1), 53 et 67 (6) de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 sont modifiées et complétées ainsi qu'il suit :

Article 6 :

(2) (nouveau) : Le président de la République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible.

(4) (nouveau) : En cas de vacance de la présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d'empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel, le scrutin pour l'élection du nouveau président de la République doit impérativement avoir lieu vingt (20) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l'ouverture de la vacance.

L'intérim du Président de la République est exercé de plein droit, jusqu'à l'élection du nouveau président de la République, par le président du Sénat ; et si ce dernier est, à son tour empêché, par son suppléant suivant l'ordre de préséance du Sénat.

Le président de la République par intérim - le président du Sénat ou son suppléant - ne peut modifier ni la Constitution, ni la composition du gouvernement. Il ne peut recourir au référendum. Il ne peut être candidat à l'élection organisée pour la présidence de la République. Toutefois, en cas de nécessité liée à l'organisation de l'élection présidentielle, le président de la République par intérim peut, après consultation du Conseil constitutionnel, modifier la composition gouvernement.

Article 14 :

(3) Les Chambres du Parlement se réunissent aux mêmes dates :

a (nouveau) : En sessions ordinaires chaque année au mois de mars, juin et novembre sur convocation des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, après consultation du président de la République.

Article 15 :

(4) (nouveau) : En cas de crise grave ou lorsque les circonstances l'exigent, le président de la République peut, après consultation du président du Conseil constitutionnel et des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, demander à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou d'abréger son mandat.

Dans ce cas, l'élection d'une nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après expiration du délai de prorogation ou d'abrègement de mandat.

Article 51 (nouveau) : Le Conseil constitutionnel comprend onze (11) membres désignés pour un mandat de six (06) ans éventuellement renouvelable.

Les membres du Conseil constitutionnel sont choisis parmi les personnalités de réputation professionnelle établie.

Ils doivent jouir d'une grande intégrité morale et d'une compétence reconnue.

TITRE VIII - DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE

Article 53 (nouveau) : 

La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par :

-Le président de la République en cas de haute trahison ;

-Le premier ministre, les autres membres du gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l'administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12 ci-dessus, en cas de complot contre la sûreté de l'Etat.

Le président de la République ne peut être mis en accusation que par l'Assemblée nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres les composant.

Les actes accomplis par le président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus, sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat.

L'organisation, la composition, les conditions de saisine ainsi que la procédure suivie devant la Haute Cour de Justice sont déterminées par la loi.

TITRE XIII - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 67 (nouveau) : Au cas où la mise en place Sénat intervient avant celle des régions, le collège électoral pour l'élection des sénateurs est composé exclusivement des conseillers municipaux.

Article 2 : La présente loi sera enregistrée, publiée suivant la procédure d'urgence puis insérée au Journal Officiel en français et en anglais.

Yaoundé, le 14 avril 2008

Le président de la République,

Paul BIYA.

(2)

Proposition de révision à l'initiative des parlementaires SDF « pour une élection transparente et libre au Cameroun »

(extraits)

Pour y parvenir, deux opérations s'imposent, à savoir : une petite retouche de la Constitution de la République (A) ; création d'un organe impartial pour l'organisation des élections (B).

A. AMENDEMENT MINIMAL DE LA

CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE

Proposition loi portant amendement de la

Constitution de la République du Cameroun.

Exposé des motifs.

Bien des dispositions de la Constitution de la République (Loi N° 96/06 du 18 janvier 1996) doivent être révisées pour permettre à cette Loi fondamentale de répondre aux aspirations profondes du peuple camerounais et asseoir les bases démocratiques de la vie des institutions républicaines. Pour l'heure et comme la toute première étape dans ces négociations, nous au SDF pensons fermement que l'étape la plus vitale de la vie d'une nation est celle de la conduite des élections libres et transparentes.

Aussi les propositions suivantes sont faites pour la révision des articles 6, 20, 48 et 57.

S'agissant de l'article 6, l'élection du président de la République au scrutin majoritaire à deux tours évitera d'avoir un Chef d'Etat élu par exemple avec 23% de suffrages exprimés contre 77% des camerounais qui se seraient prononcés contre lui ou se seraient abstenus tout court de l'élection.

D'autre part, avec un deuxième tour on évitera les grandes fractures grâce au jeu des alliances et en conséquence de l'harmonisation des programmes du gouvernement et non après l'élection.

S'agissant de l'article 20, les sénateurs doivent être élus au suffrage universel direct. Ceci constitue la voie la plus efficace pour le choix des représentants par le peuple.

S'agissant de l'article 48, il doit être amendé pour tenir compte de la création de la Commission Electorale Nationale avec compétence en matière de contentieux électoral. Les décisions prises par la Commission Electorale Nationale sont définitives et ne sont sujets d'un recours par devant le Conseil constitutionnel qu'en cas de violation de la loi.

S'agissant de l'article 57, celui-ci doit être amendé pour être conforme aux dispositions de l'article 55 aussi pour permettre l'élection des conseillers régionaux et des responsables des régions par suffrage universel direct.

PROPOSITION CONCRETE

TITRE II : DU POUVOIR EXECUTIF

CHAPITRE I : DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Article 6 (1) : L'élection du président de la République au suffrage universel direct, égal et secret a lieu au scrutin majoritaire à deux tours.

(2) Elle est acquise au premier tour à la majorité absolue des suffrages valablement exprimés.

(3) Si après le premier tour du scrutin aucun des candidats n'obtient la majorité absolue, il est procédé à un second tour de scrutin à l'issue duquel est élu le candidat ayant obtenu une majorité simple des suffrages valablement exprimés.

(4) Seuls les deux candidats arrivés en tête peuvent se présenter au second tour qui a lieu le troisième dimanche suivant la date de la proclamation des résultats du premier tour.

(5) Le président de la République est élu pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable une fois.

TITRE VII : DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET DE LA COMMISSION ELECTORALE NATIONALE

Article 48 (1)  Le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des actes de la Commission électorale nationale dans le cadre de ses activités. Il connaît du contentieux électoral.

(2) : a. Il est créé une Commission électorale nationale chargée de diriger, superviser et contrôler de manière juste, libre et transparente, tous les processus électoraux et la réalisation des référendums au Cameroun. Elle en proclame les résultats.

b. Son organisation, son fonctionnement et sa composition, sont fixés par la loi.

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

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TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT I

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

PRINCIPALES ABREVIATIONS IV

SOMMAIRE VI

RESUME vii

INTRODUCTION GENERALE 1

Première Partie : 23

LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1996 23

CHAPITRE 1 : LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1991, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE 25

Section 1 : L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE 25

§1 : LA STRUCTURE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE 25

A - Les députés de l'Assemblée nationale 26

1 - La qualité de parlementaire 26

2 - La protection du mandat parlementaire 30

a - Les incompatibilités parlementaires 30

b - Les immunités et indemnités parlementaires 33

B - Les organes de l'Assemblée nationale 37

1 - Les organes directeurs 37

a - Le Bureau de l'Assemblée nationale 38

b - La Conférence des présidents 40

2 - Les Commissions de travail 41

§2 : LES POUVOIRS DE L'ASSEMBLEE NATIONALE 43

A - Le pouvoir d'initiative 43

1 - Les titulaires du droit d'initiative 43

a - Le président de la République 44

b - Les députés à l'Assemblée nationale 45

2 - Le moment de la révision 46

a - L'intérim du président de la République 46

b - La révision de la Constitution peut-elle avoir lieu lorsque son article 11 est en application ? 48

3 - L'objet de la révision 49

B - Le pouvoir d'adoption 53

1 - L'examen des projets et propositions de révision constitutionnelle 53

a - En Commission des lois constitutionnelles 53

b - En Assemblée plénière 54

2 - Le vote du texte de révision 56

Section 2 : LES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE 60

§1 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 23 AVRIL 1991 61

A - La procédure de révision 61

1 - L'initiative présidentielle de la révision 61

2 - L'adoption du texte de révision 64

B - La loi de révision 65

1 - La déconcentration de l'Exécutif 65

a - L'apparence du bicéphalisme 66

b - La réalité du monocéphalisme 67

2 - L'extension des compétences du Parlement 69

a - Le pouvoir de contrôle et de sanction politiques du Gouvernement 69

b - Le maintien de la prééminence de l'Exécutif sur le Parlement 71

§2 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 16 DECEMBRE 1991 72

A - La procédure de révision 73

1 - L'initiative présidentielle 73

2 - L'adoption du texte de révision 74

B - La consistance de la loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 75

1 - Les aspects statiques de la souveraineté 75

a - Le titulaire de la souveraineté 76

b - Les caractéristiques du vote et le suffrage universel 78

2 - L'abaissement de l'âge de la majorité électorale 79

CONCUSION DU CHAPITRE 1 82

CHAPITRE 2 : LE TOURNANT DE 1996 83

LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE 83

Section 1 : LES CIRCONSTANCES DE L'INSTITUTION D'UNE ASSEMBLEE NATIONALE PLURALISTE 83

§1 : LA REFORME JURIDIQUE........................................................................................................83

A - La refonte des libertés publiques ... 84

1 - La création d'une Commission de révision de la législation sur les libertés publiques....................84

a - Les conditions historiques de la création de la Commission de révision de la législation sur les libertés publiques 84

b - La mise sur pied de la Commission 88

2 - Les textes relatifs aux libertés publiques adoptés par l'Assemblée nationale 89

B - Les conséquences de la réforme juridique 93

1 - La création des partis politiques 93

2 - L'adoption d'une nouvelle réglementation relative à la compétition électorale 94

§2 : LA MISE EN OEUVRE DE LA REFORME 95

A - Les élections législatives anticipées de 1992 96

1 - L'abrègement du mandat des députés à l'Assemblé nationale monopartiste 96

a - Les justifications d'ordre juridique 96

b - Les justifications d'ordre théorique 97

2 - Les élections législatives de 1992 101

a - Les acteurs politiques 101

b - Les acteurs institutionnels 103

B - La configuration pluraliste du Parlement 105

1 - La majorité 105

2 - L'opposition 106

Section 2 : LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 18 JANVIER 1996 109

§1 : LE PROCESSUS DE REVISION CONSTITUTONNELLE MAITRISE PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE 110

A - Le contrôle présidentiel de la phase d'initiative 110

1 - L'avant-projet de Constitution du 18 mai 1993 111

a - La genèse de l'avant-projet de Constitution 111

b - Le rejet de l'avant-projet de Constitution 114

2 - Les « propositions du président de la République pour la révision de la Constitution » 116

B - L'intervention de l'Assemblée nationale 117

1 - Les justifications du recours à l'Assemblée nationale 117

a - Au plan juridique 118

b - Au plan extra juridique 119

2 - Le vote du texte de révision 120

§2 : LA NATURE ET LE CONTENU DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1996 123

A - La nature controversée de la loi constitutionnelle de 1996 123

1 - La thèse selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 est une nouvelle Constitution 123

2 - La thèse selon laquelle la loi constitutionnelle de 1996 est la Constitution du 2 juin 1972 révisée 125

B - Le contenu de la loi constitutionnelle de 1996 129

1 - Le Préambule 129

a - La création de nouveaux droits et devoirs 129

b - L'affirmation de la valeur constitutionnelle du Préambule 133

2 - Les nouvelles structures 135

a - Le Conseil constitutionnel 136

b - La nouvelle configuration du pouvoir judiciaire 138

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 141

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 142

Seconde Partie : 143

LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1996 A 2008 143

CHAPITRE 1 : LE RENFORCEMENT DE LA STRUCTURE ORGANIQUE DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE ENTRE AFFIRMATION JURIDIQUE ET INEFFECTIVITE PRATIQUE 145

Section 1 : LA CONSECRATION CONSTITUTIONNELLE DU BICAMERALISME 145

§1 : LE BICAMERALISME CAMEROUNAIS 146

A - Les raisons de la consécration récente du bicaméralisme au Cameroun 147

1 - La méfiance du pouvoir vis-à-vis du bicaméralisme jusqu'en 1996 147

2 - La prééminence des facteurs favorables au bicaméralisme depuis 1990 150

B - Les deux Chambres du Parlement 152

1 - L'Assemblée nationale 152

2 - Le Sénat 154

§2 : LES CONSEQUENCES DE LA CONSECRATION DU BICAMERALISME 158

A - L'extension de l'initiative de la révision constitutionnelle aux sénateurs 159

B - L'exigence de la réunion du Parlement en congrès pour se prononcer sur un projet de texte de révision constitutionnelle 160

1 - La spécialité du congrès de révision par rapport au pouvoir législatif ordinaire 161

2 - La relativité de la distinction entre le Parlement réuni en congrès et le pouvoir législatif ordinaire 165

Section 2 : L'INEFFECTIVITE PRATIQUE DU BICAMERALISME 167

§1 : LES FACTEURS DE L'INEFFECTIVITE DU BICAMERALISME 168

A - Les facteurs tirés de la Constitution 168

1 - La consécration constitutionnelle du principe de progressivité dans la mise en place des nouvelles institutions 169

2 - L'absence d'un échéancier pour la mise en place des nouvelles institutions et de mécanismes juridiques de contrôle de cette mise en place 171

B - Les facteurs extérieurs à la Constitution 173

1 - L'ineffectivité des textes infra-constitutionnels relatifs à la mise en place du Sénat 173

2 - L'inaction des pouvoirs publics quant aux opérations matérielles indispensables au fonctionnement concret du Sénat 175

§2 : LES CONSEQUENCES DE L'INEFFECTIVITE DU BICAMERALISME 176

A - Le retour à l'Assemblée nationale en tant qu'organe compétent pour réviser la Constitution 176

B - La suspension du Sénat dans la procédure de révision de la Constitution 180

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 183

CHAPITRE 2 : L'AFFIRMATION A REBOURS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DEPUIS 1996 184

Section 1 : LA MULTIPLICATION DES INITIATIVES DE REVISION CONSTITUTIONNELLE 185

§1 : LES PROPOSITIONS DE REVISION CONSTITUTIONNELLE 185

A - La proposition de révision relative à l'élection du président de la République au scrutin majoritaire à deux tours 186

B - Les autres propositions de révision constitutionnelle 188

1 - La proposition de révision relative à l'élection de tous les sénateurs, des conseillers régionaux et chefs des régions au suffrage universel direct 189

2 - Les propositions de révision relatives à l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel et à la création de la CENA 190

§2 : LE PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE D'AVRIL 2008 194

A - Les conditions juridiques et politiques de la révision constitutionnelle 194

1 - Les conditions juridiques 195

2 - Le contexte politique 196

B - L'adoption du texte de révision constitutionnelle 197

1 - L'examen du projet de révision 198

2- Le vote définitif du texte de révision 200

Section 2 : L'ULTIME REVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2008 201

§1 : LA PROCEDURE DE LA REVISION CONSTITUTIONNELLE DU 14 AVRIL 2008 EN DEBAT 202

A - La thèse de la constitutionnalité de la révision constitutionnelle de 2008 202

B - La thèse de l'inconstitutionnalité de la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 203

§2 : LES ASPECTS DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DU 14 AVRIL 2008 206

1 - Le renforcement des moyens d'influence du président de la République sur le Parlement 207

2 - Les moyens d'influence du président de la République sur le Conseil constitutionnel 208

B - La suppression de la clause de limitation du mandat du président de la République 209

C - La justiciabilité du président de la République devant la Haute Cour de Justice 212

D - La redéfinition des règles relatives à la vacance du pouvoir 216

1 - La durée de la vacance du pouvoir 217

2 - L'extension des prérogatives du président de la République par intérim 218

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 220

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 221

CONCLUSION GENERALE 218

ANNEXES 222

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE.....................................................................229

TABLE DES MATIERES 238

* 1 Cité par AZIMI (V.), « La Constitution et ses limites selon Edouard LABOULAYE », RFDC, n° 26, 1996, pp. 243-271, notamment p. 266.

* 2 Ibid., p. 266.

* 3 Article 4 de la Constitution du 4 mars 1960.

* 4 Article 4 de la loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution précitée aux nécessités du Cameroun unifié.

* 5 Notons toutefois que même si le Sénat et l'Assemblée nationale possèdent le pouvoir de légiférer et de contrôler le Gouvernement, seule l'Assemblée nationale peut mettre en jeu la responsabilité politique de ce dernier, le Sénat n'ayant pas formellement reçu un tel pouvoir de la Constitution. En revanche, il ne peut être dissous par le président de la République comme peut l'être l'Assemblée nationale.

* 6 Comme que nous le verrons au chapitre 1 de la seconde partie de cette étude, l'Assemblée nationale n'est plus formellement organe révisionniste, mais plutôt une composante de ce dernier qui depuis 1996 est appelé congrès même si transitoirement elle agit encore comme tel.

* 7 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 1987, p. 351.

* 8 Cf. JEANNEAU (B.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 6è éd., Paris, Dalloz, 1981, p. 81.

* 9 La possibilité pour une autorité, quelle qu'elle soit, de réunir le double titre d'organe de l'Etat et de titulaire du pouvoir constituant a été contestée par Léon DUGUIT. C'est en effet, dit-il, s'engager dans un cercle vicieux que de prétendre que l'organe peut fonder la Constitution alors qu'il n'existe que par la Constitution. A cette objection, CARRE de MALBERG répond en opposant la thèse positiviste : la première organisation de l'Etat ne relève d'aucun ordre juridique antérieur, on ne saurait donc demander à une théorie juridique d'en fournir l'explication ; à l'intérieur de l'Etat une fois formé, la théorie de l'organe offre sa pleine valeur, puisqu'elle rend compte du renouvellement de l'organisation constitutionnelle conformément à un ordre statutaire préétabli. Cette explication est partagée par BURDEAU (G.) dans son Traité de science politique. Le statut du pouvoir dans l'Etat, Tome IV, 2è éd. (revue et augmentée), Paris, LGDJ, 1969, pp. 234-235.

* 10 Cf. GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, éd., EKIN KITABEVI, BURSA, 1999, disponible sur http://www.anyasa.gen.tr/pconstituant.htm, 120 p. (7 novembre 2009).

* 11 Ibid.

* 12 Ibid.

* 13 Comme on le voit, CARRE de MALBERG distingue les deux types de pouvoirs constituants. L'un s'exerce dans les circonstances révolutionnaires, l'autre dans le cadre d'une Constitution en vigueur. Cette distinction correspond à celle du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé. Cependant, CARRE de MALBERG n'emploie pas les expressions « pouvoir constituant originaire » et « pouvoir constituant dérivé (ou institué) » ; d'ailleurs, il ne donne pas même d'appellations univoques à ces deux pouvoirs qu'il a explorés. A propos du phénomène que l'on appelle aujourd'hui le « pouvoir constituant originaire », il parle de la « formation initiale de l'Etat » , de l'exercice du pouvoir constituant « dans les circonstances révolutionnaires »  ou « en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur » , etc. Egalement à propos de ce que l'on appelle aujourd'hui le « pouvoir constituant dérivé ou institué », il parle de « l'exercice du pouvoir constituant dans l'Etat une fois formé » , de l'exercice du pouvoir constituant « dans les collectivités érigées en Etats » , du pouvoir constituant « mis en oeuvre par les organes même que la Constitution assigne à cet effet »  ; des « organes de l'Etat appelés à exercer la fonction constituante »  ; du pouvoir constituant présentant « le caractère juridique d'organes étatiques »  ; du pouvoir constituant exercé « dans les circonstances paisibles »  ; l'exercice du pouvoir constituant rentrant « dans le cadre de la théorie de l'organe d'Etat » , etc . V. à ce propos GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit.

* 14 C'est l'avis de GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit.

* 15 Ibid.

* 16 Cf. BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, Paris, PUF, Léviathan, 1994, p. 314.

* 17 Cité par BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., p. 314.

* 18 Ibid.

* 19 Cf. GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit.

* 20 Cité par BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., p. 314.

* 21 Cité par GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit.

* 22 Cependant, pour le choix du titulaire du pouvoir constituant dérivé entre ces organes, il n'y a pas de contrainte juridique qui s'impose au pouvoir constituant originaire. Ce dernier est libre de choisir comme il lui plaît l'un de ces organes. Entre l'attribution du pouvoir constituant dérivé au peuple et celle à un roi, il n'y a aucune différence juridique ; même si cette dernière peut être considérée comme non démocratique . Les deux solutions, l'une et l'autre, sont des solutions juridiques. Car, elles, l'une et l'autre, reposent sur une règle constitutionnelle préalablement posée par le pouvoir constituant originaire. Puisque le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de nature non juridique, il peut désigner le titulaire du pouvoir constituant dérivé comme il lui plaît.

* 23 Mais, il n'existe pas d'unanimité en doctrine sur ce point. En effet, même dans la doctrine positiviste, il n'y a pas d'unanimité sur la question de la limitation du pouvoir constituant dérivé. Selon certains auteurs, le pouvoir constituant dérivé est lié par certaines limites. Par contre, les autres affirment que ces limites n'ont aucune force obligatoire. Elles ne sont que des barrières de papier. Bref, la question de la limitation du pouvoir constituant dérivé est fort controversée. V. à ce propos BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., pp. 329 et suiv.

* 24 Mais à ce propos, il n'y a pas de règle universelle qui s'impose aux Constitutions. D'ailleurs, du point de vue juridique, il n'existe pas d'obligation de choisir telle ou telle procédure. Le pouvoir constituant originaire est libre de fixer la procédure suivant laquelle le pouvoir constituant dérivé va réviser la Constitution, comme il est libre de déterminer le titulaire de ce pouvoir.

* 25 Dans la conception formelle de la Constitution, ce qui compte, c'est la forme, non pas le contenu des règles. Par conséquent, les règles qui se trouvent dans une Constitution, quelle que soit leur source (le pouvoir constituant originaire ou le pouvoir constituant dérivé) ont toujours la même valeur. La différence chronologique n'a aucun effet sur la valeur juridique d'une norme. Bref, la règle posée par le pouvoir constituant originaire et celle posée par le pouvoir constituant dérivé, toutes les deux, occupent le même rang dans la hiérarchie des normes.

* 26 Cité par GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit.

* 27 Ibid.

* 28 Ibid.

* 29 Celles-ci contiennent telles ou telles normations particulières . SCHMITT (C.) illustre les lois constitutionnelles par les exemples suivants tirés de la Constitution de Weimar : article 129 : « le fonctionnaire doit se voir garantir l'accès à son dossier personnel » ; article 149 : « les facultés de théologie sont maintenues dans les universités ». Il donne également quelques exemples à la « Constitution », c'est-à-dire aux « décisions politiques fondamentales » dans le cas de la Constitution de Weimar : la décision en faveur de la démocratie (art.1), la décision pour la République contre la monarchie (art.1 : « le Reich allemand est une République »), la décision en faveur d'une structure d'Etat fédéral, la décision pour une forme fondamentalement représentative et parlementaire du législatif et du gouvernement, etc. Selon SCHMITT (C.) , ces principes ne sont pas des lois constitutionnelles, « ce sont les décisions politiques concrètes qui fixent la forme d'existence politique du peuple allemand et forment le présupposé fondamental de toutes normations ultérieures, même celles données par les lois constitutionnelles » . « Elles forment la substance de la Constitution ». V. à ce propos GOZLER (K.), le pouvoir constituant, op. cit.

* 30 Cité par GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit.

* 31 Cf. BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., p. 315.

* 32 Ibid., p. 315.

* 33 Mais la révision de la Constitution française est actuellement régie par le titre XVI de la même Constitution.

* 34 Cf. BIPOUM WOUM (J.-M.), « Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif dans les Etats d'Afrique noire d'expression française : le cas du Cameroun », RJPIC, n° 3, 1972, pp. 359-387, cité par GUIMDO DONGMO (B.-R.) , « La responsabilité politique du gouvernement dans la Constitution camerounaise », RRJ, n° XXXII- 120 (32è année - 120è numéro), 2007-4, pp. 2099-2119, notamment p. 2101.

* 35 Selon l'intitulé formel de cette loi constitutionnelle.

* 36 La question de savoir si le pouvoir constituant dérivé peut modifier les dispositions constitutionnelles à lui consacrées est controversée. En raison de l'absence d'une réponse claire à cet égard de la part du constituant camerounais (tout comme de la part de son homologue français de 1958), certains auteurs ont pris position sur la question. Il en est ainsi notamment de JEANNEAU (B.) qui, dans son ouvrage précité (p. 82), pense qu'un tel pouvoir ne peut appartenir qu'au souverain, c'est-à-dire au pouvoir constituant originaire. Il faut en effet, selon cet auteur, contester au pouvoir constituant dérivé la compétence pour modifier cette partie-clé de la Constitution. Il avance à cet égard deux arguments à savoir que modifier la procédure de révision ce n'est pas seulement transformer une partie comme une autre de la Constitution ; c'est également changer l'autorité maîtresse de la Constitution. Cette position est néanmoins loin d'avoir retenu l'attention tant du constituant français de 1958 que des constituants camerounais depuis 1960 comme en témoigne dans le premier cas la loi du 10 juillet 1940 et celle du 3 juin 1958 et, dans le second cas, la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 et celle du 18 janvier 1996.

* 37 OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, Yaoundé, PUCAC, 2006, p. 9, en note de bas de page.

* 38 Ibid., p. 9.

* 39 Cette loi modifiait en réalité deux articles de la Constitution. L'article 5 nouveau enlevait au président de la République la faculté qu'il avait de nommer ou non un premier ministre, c'est-à-dire qu'elle faisait du premier ministre une institution permanente de la structure gouvernementale. L'article 7 nouveau faisait du titulaire de ce poste le président de la République en cas de vacance à la présidence de la République. Sur la notion de dauphin constitutionnel, V. KAMTO (M.), «Dauphin constitutionnel dans les régimes politiques africains : les cas du Cameroun et du Sénégal », Penant, n° 781-782, août-décembre 1982.

* 40 En ce qui concerne le discours intégral de démission du président Ahmadou AHIDJO, Voir ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, Yaoundé, CEPER, mars 1994, p. 45.

* 41 Ibid., pp. 46 et suiv.

* 42 Article 1er de la loi constitutionnelle du 4 février 1984.

* 43 Cf. articles 5, 7, 8, 26 et 34 de ladite loi.

* 44 Cf. GUIMDO DONGMO (B.-R.), « La responsabilité politique du gouvernement dans la Constitution camerounaise », op. cit., p. 2102.

* 45 Ibid., p. 2102.

* 46 Cf. KAMTO (M.), « Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle Constitution », Lex Lata, n° 023-024, février-mars 1996, pp. 17-20, notamment p. 20.

* 47 Cf. ONDOA (M.), « La loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. Commentaire », Juridis Périodique, n° 25, pp. 11-14, notamment p. 12.

* 48 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », RASJ, Vol. 1, n° 1, 2002, pp. 20-56, notamment pp. 25 et suiv.

* 49 MBOME (F. X.), « Constitution du 02 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution ? », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, Yaoundé, Fondation Friedrich Ebert, 1996, pp. 16-33, notamment p. 32.

* 50 Cf. OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp. 23 et suiv.

* 51 Les auteurs s'accordent d'ailleurs sur ce point. Il en est ainsi du Professeur OLINGA (A.- D.) qui écrit que « S'il y a eu une rupture depuis 1972 dans l'équilibre institutionnel et l'évolution de la nature du régime politique, c'est en 1991 qu'elle s'est produite, pas avant, ni après ». V. OLINGA (A.- D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 10. Le Professeur KAMTO (M.) ne dit pas autre chose lorsqu'il écrit lui aussi que « C'est effectivement le 18 janvier 1996 que s'est opéré le véritable changement de régime, au sens constitutionnel du terme, dont on peut dire qu'il s'était amorcé réellement avec la révision constitutionnelle du 23 avril 1991, toutes les révisions antérieures étant des réaménagements ou des replâtrages du régime ancien ». V. KAMTO (M.), « Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle Constitution », op. cit., p. 19.

* 52 Article 18 de ladite loi. Notons de suite que l'ordonnance dont les dispositions contraires à la loi n° 2010/003 sont ainsi abrogées n'avait jamais été appliquée, du moins dans le cadre d'une révision de la Constitution par voie référendaire.

* 53 Cf. BURDEAU (G.), Traité de science politique, op. cit., p. 235.

* 54 Cité par KEUDJEU DE KEUDJEU (J. R.), La problématique du contrôle de l'Etat sur les collectivités territoriales décentralisées au regard de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, Mémoire de DEA de droit public, FSJP, Université de Douala, disponible sur http://www.mémoireonline.com, 123 p.

* 55 CONTANTINESCO (J.), Cité par NACH MBACH (Ch.), Démocratisation et décentralisation: Genèse et dynamiques comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala-PDM, 2003, p. 45, cité par KEUDJEU DE KEUDJEU (J. R.), Ibid.

* 56 Cf. JEANNEAU (B.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 1.

* 57 Ibid., p. 1.

* 58 Ibid., p. 1.

* 59 Cf. OWONA (J.), Droit constitutionnel et régimes politiques africains, Paris, Berger-Levrault, 1985, p. 2.

* 60 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 306.

* 61 Ibid., p. 306.

* 62 Cf. ROBERT (P.), Le Petit Robert 1, Paris, 1990.

* 63 Articles 12 alinéa 1er et 15 alinéa 1er de la Constitution du 2 juin 1972 respectivement avant et après le 18 janvier 1996.

* 64 Il s'agit en réalité de la loi adoptée en séance plénière le 26 novembre 2002 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 73/1 du 08 juin 1973 portant règlement de l'Assemblée nationale et promulguée le 02 décembre 2002 (loi n° 2002/005) par le président de la République sans égard au dispositions censurées par la Cour Suprême, statuant en tant que juge constitutionnel de transition en application de l'article 47 alinéa 1er de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa version de 1996. D'où la controverse relative à sa constitutionnalité. V. à ce sujet les auteurs comme KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Note sous Cour Suprême, décision n° 001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 », Juridis Périodique, n°53, janvier-février-mars 2003, pp. 61-66 ; ABIABAG (I.), « De l'inconstitutionnalité de la validation des mandats parlementaires », RCDSP, 2è Année, n° 2, janvier 2007, pp. 51-70 ; NGUELE ABADA (M.), « La réforme du règlement intérieur de l'Assemblée nationale du Cameroun », RASJ, vol. 1, n° 3, 2003, pp. 20-56.

* 65 Au Zaïre par exemple, le maréchal MOBUTU promulgue en 1966 une Constitution entièrement conçue pour légitimer au nom de l'authenticité l'absolutisme présidentiel. Sur les partis uniques de droit, V. CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, p. 15.

* 66 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), Cours de régimes politiques comparés, Master II, option droit public, Université de Dschang, année académique 2008/2009, inédit.

* 67 Cf. CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., p. 492.

* 68 L'Union Nationale Camerounaise, dirigée par le président AHIDJO (A.) est née le 1er septembre 1966 de la fusion des partis politiques ci-après :

-L'Union Camerounaise (UC), dirigée par AHIDJO (A.);

-La Cameroon People National Convention (CPNC) du Dr. ENDELEY (E.);

-Le Kamerun National Democratic Party (KNDP) de NGU FONCHA (J.);

-La Cameroon United Congress (CUC) dirigée par TANDENG MUNA (S.);

* 69 Cf. MANDJACK (A.), « L'Assemblée nationale camerounaise dans le miroir de l'autoritarisme », SOLON, Vol. 1, 1999, pp. 1-21, notamment p. 14, en note de bas de page.

* 70 Aux termes de l'article 47 alinéa 2 (d) de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale en effet, «elle arrête et proclame les résultats des élections ».

* 71 Article 48 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

* 72 Cf. METEMBOU (M.), Cours de droit parlementaire et électoral, Maîtrise, option droit et carrières administratives, Université de Dschang, année académique 2007/2008, inédit.

* 73 Article 26 in fine alinéa de la loi constitutionnelle n° 91/001 du 23 avril 1991 précitée. V. aussi l'article 8 alinéa 12 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 74 Article 12 alinéa 2 de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa version d'avant 1996.

* 75 Mais à la différence des autres cas de vacance de siège du titulaire précités et qui ouvrent les portes de l'Assemblée nationale au suppléant, le décès du député titulaire ne permet pas son remplacement par son suppléant. Il ressort en effet de l'article 9 alinéa 2 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée qu'après leur élection, et dans tous les autres cas de vacance autres que le décès du titulaire, le suppléant est appelé à siéger à l'Assemblée nationale, à la place du député jusqu'à la fin du mandat de celui-ci. La raison d'être de cette disposition serait simple : elle serait en effet, dans le contexte camerounais, destinée à empêcher les meurtres commandités par les suppléants pour prendre la place des titulaires. V. à se sujet NCHOUWAT (A.) (dir.), Assemblée nationale du Cameroun : compétences et configuration, Yaoundé, PUA, 2005, 186 pages, notamment p. 21. En tout état de cause, il est procédé à des élections partielles dans les douze mois qui suivent la vacance lorsqu'il se produit une ou plusieurs vacances définitives par suite de décès, de démission du titulaire et du suppléant ou par toute autre cause dans la circonscription électorale, sauf si la vacance se produit moins d'un an avant la fin de la législature.

* 76 Article 22 in fine de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée.

* 77 Depuis l'institution du Sénat par la révision constitutionnelle de 1996.

* 78 Précisons qu'il ne s'agit ici que des garanties d'ordre juridique. Politiquement en effet, les garanties d'indépendance des parlementaires vis-à-vis de leurs électeurs et de leurs partis trouvent une limite dans le souci qu'ils peuvent légitimement avoir d'obtenir le renouvellement de leur mandat.

* 79 Cf. CHANTEBOUT (B.), Droit constitutionnel, 23è éd., Paris, Sirey, 2006, p. 493.

* 80 Cf. METEMBOU (M.), Cours de droit parlementaire et électoral, Maîtrise, option droit et carrières administratives, Université de Dschang, année académique 2007/2008, inédit.

* 81 Cf. NCHOUWAT (A.) (dir.), L'Assemblée nationale du Cameroun : compétences et configuration, op. cit., p. 87.

* 82 Article 23 de la loi n° 91/020 précitée.

* 83 Article 24 de la loi n° 91/020 précitée.

* 84 Article 25 alinéa 2 de la loi n° 91/020 précitée.

* 85 Cf. DEBBASCH (Ch.), BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, 2è éd., Paris, Economica, 1985, p. 413.

* 86 Ces sanctions internes sont régies par les articles 71 à 74 du règlement de l'Assemblée nationale.

* 87 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Les immunités parlementaires en droit camerounais : réflexion sur une exception au principe de l'égalité des citoyens devant la loi », RJPIC, 52è année, n° 2, mai-août 1998, pp. 177-193, notamment p. 189.

* 88 Cf. DEBBASCH (Ch.), BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 416.

* 89 Ibid., p. 416.

* 90 Baudin, tué sur la barricade en 1851 aurait déclaré : « Vous allez voir, citoyens, comme on meurt pour 25 F par jour » , Ibid., p. 416.

* 91 Cf. CHANTEBOUT (B.), Droit constitutionnel, op. cit., p. 499.

* 92 Cette disposition est reprise par l'article 17 alinéa 2 de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa version de 1996.

* 93 Cf. article 9 alinéa 4 du règlement de l'Assemblée nationale dans sa version révisée de 2002.

* 94 Conformément à l'article 9 alinéa 5 (b) du règlement de l'Assemblée nationale.

* 95 Cf. article 12 alinéa 6 du règlement de l'Assemblée nationale.

* 96 Cf. article 12 alinéa 7 du règlement de l'Assemblée nationale.

* 97 Cf. article 13 du règlement de l'Assemblée nationale.

* 98 Cf. Article 14 du règlement de l'Assemblée nationale.

* 99 Nous reviendrons sur ce point dans le premier chapitre de la seconde partie de cette étude.

* 100 Article 31 alinéa 2 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 101 Les huit (8) autres Commissions générales sont énumérées à l'article 16 du règlement de l'Assemblée nationale.

* 102 Cf. BURDEAU (G.), Traité de science politique, op. cit., p. 181.

* 103 Il sera question ici, suivant le cadre temporel de cette première partie, de s'appesantir sur les dispositions de la Constitution dans sa version antérieure à la révision intervenue le 18 janvier 1996. Mais, nous reviendrons sur les innovations intervenues en 1996 dans la deuxième partie de cette étude.

* 104 Cf. ARDENT (Ph.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 11è éd., Paris, LGDJ, 1999, p. 81.

* 105 La révision constitutionnelle du 10 novembre 1969. V. l'introduction ci-dessus.

* 106 Cf. MELEDJE DJEDJRO (F.) : « La révision des Constitutions dans les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », RDP, 1992, pp. 111-134, notamment p. 121.

* 107 Cité par MELEDJE DJEDJRO (F.), « La révision des Constitutions dans les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », article précité, pp. 121-122.

* 108 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 259.

* 109 Avant la loi constitutionnelle de 1996.

* 110 Après la loi constitutionnelle de 1996.

* 111 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit. p. 459.

* 112 DEBBASCH (Ch.), BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 224.

* 113 Cf. aussi l'article 9 alinéa 2 de la Constitution de 1972 dans sa version de 1996.

* 114 Décision n° 92-312 D.C. du 2 septembre 1992 sur le Traité de Union Européenne. V. à ce propos LAVROFF (D.-G.), Le droit constitutionnel de la Vè République, Paris, Dalloz, 1997, p. 112.

* 115 Article 50.

* 116 Cf. KANKEU (J.), Droit constitutionnel, Théorie générale, Tome 1, Presses Universitaires de Dschang, 2003, p. 61.

* 117 Ibid., p. 61.

* 118 Cf. BURDEAU (G.), Traité de science politique, op. cit., p. 257, en note de bas de page n° 136.

* 119 Cf. KANKEU (J.), Droit constitutionnel, Théorie générale, Tome 1, op. cit., p. 61.

* 120 Sur la controverse relative à la question de la valeur juridique de cette limitation, Voir BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., pp. 329 et suiv.

* 121 Cf. article 47.

* 122 Cf. KANKEU (J.), Droit constitutionnel, Théorie générale, op. cit., p. 62.

* 123 Cf. NGUELE ABADA (M.), Cours de Droit de la démocratie et de l'Etat de droit, Master II, option droit public, Université de Dschang, année académique 2008/2009, inédit.

* 124 KANKEU (J.), Droit constitutionnel, op. cit., p. 63.

* 125 La consécration d'un Conseil constitutionnel par la loi constitutionnelle de 1996 (titre VII) laisse croire qu'il pourra par ses décisions ou avis clarifier les points non précisés par la Constitution.

* 126 En application de l'article 19 alinéa 1er du règlement intérieur de l'Assemblée nationale.

* 127 Cf. article 22 alinéa 1er du règlement de l'Assemblée nationale.

* 128 L'apparenté est un élu qui n'appartient à aucun parti politique ou est membre d'un parti n'ayant pas le nombre de députés indispensables à la constitution d'un groupe. L'article 15 alinéa 1 du règlement de l'Assemblée nationale prescrit en effet que aucun groupe parlementaire ne peut comprendre moins de 15 membres non compris les apparentés.

* 129 Cf. OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp. 43-45.

* 130 Cf. NTONGA BOMBA (S. V.), « La procédure législative devant l'Assemblée nationale du Cameroun », Juridis Périodique, n° 49, janvier-février-mars 2002, pp. 57-66.

* 131 C'est l'avis de MELEDJE DJEDJRO (F.), « La révision des Constitutions dans les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », op. cit., p. 124.

* 132 La doctrine d'alors la qualifiait tantôt de « Chambre d'enregistrement », tantôt de « Caisse de résonance ». Mais bien avant même la mise en place d'un Parlement pluraliste, ces qualificatifs ne reflétaient plus exactement la réalité. V. à ce propos les auteurs tels KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., notamment pp. 34-36 et ABIABAG (I.), « Le droit d'amendement dans le droit parlementaire camerounais », AFSJP/UD, n° 1, Année 2002, janvier-juin 2002, pp. 43-65, notamment p. 43.

* 133 Cf. LAVROFF (D.-G.), Le droit constitutionnel de la Vè République, op. cit., p. 117.

* 134 Ibid., p. 117.

* 135 La question de savoir si la loi constitutionnelle peut faire l'objet d'un contrôle du juge constitutionnel n'a pas reçu une réponse claire de la part du constituant camerounais. Malgré cette imprécision de la part du constituant camerounais, la loi constitutionnelle ne devrait pas être considérée comme insusceptible de faire l'objet d'un tel contrôle, du moins lorsqu'elle émane du Parlement qui est un organe de l'Etat. D'autres constituants ainsi qu'une partie de la doctrine sont très favorables à ce contrôle. Voir à ce sujet Fabrice HOURQUEBIE, « Pouvoir constituant dérivé et contrôle du respect des limites », disponible sur http://docs.google.com/viewer?a=v&=cache;ykytu50nw5uj :www.droitconstitutionnel.org/athènes/hc, 10 p.

* 136 Cf. MELEDJE DJEDJRO (F.), « La révision des Constitutions dans les Etats africains francophones. Esquisse de bilan », op. cit., p. 113.

* 137 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 29.

* 138 Cf. KAMTO (M.), « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, pp. 209-236, notamment p. 215.

* 139 Pour les noms de ceux-ci, V. KAMTO (M.), « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., p. 215, en note de bas de page.

* 140 Ibid., p. 216.

* 141 Ibid., p. 218.

* 142 Ibid., p. 228.

* 143 Ibid., p. 228.

* 144 Ibid., p. 228.

* 145 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 29.

* 146 Ibid., p. 34.

* 147 Cf. KAMTO (M.), « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », op. cit., p. 227.

* 148 Ibid., p. 227.

* 149 D'où la colère d'une partie des députés qui auraient alors refusé d'adresser au président de la République la traditionnelle « motion de soutien » qui ponctue la fin de chaque session parlementaire. V. KAMTO (M.), Ibid., p. 227.

* 150 Article 9 in fine de la loi constitutionnelle du 23 avril 1991.

* 151 Article 26 de la loi constitutionnelle du 23 avril 1991.

* 152 Cf. à ce propos NGUEMEGNE (J. Ph.), « Le ministre camerounais de la IVè République, plus servant que serviteur », Juridis Périodique, n° 36, octobre-novembre-décembre 1998, pp. 65-71.

* 153 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 32.

* 154 Ibid., p. 32.

* 155 Ibid., p. 33.

* 156 La seconde République du Cameroun est née avec la promulgation de la Constitution originaire du 2 juin 1972 encore en vigueur, du moins formellement.

* 157 La censure désigne la procédure par laquelle une Assemblée parlementaire met en jeu la responsabilité politique du gouvernement par un blâme motivé à l'adresse de ce dernier. La censure est matérialisée par un document appelé motion de censure par lequel certains parlementaires manifestent leur défiance à l'égard du gouvernement et expriment leur souhait de le renverser. Ainsi entendue, la motion de censure se distingue de la question de confiance qui est une procédure par laquelle le Gouvernement engage lui-même sa responsabilité devant le Parlement, en lui demandant d'approuver l'ensemble ou un point déterminé de sa politique, faute de quoi il démissionnera. La question de confiance est donc un moyen de pression du Gouvernement sur le Parlement, les députés pouvant hésiter à assumer la responsabilité d'une crise ministérielle. La question de confiance se distingue donc des questions écrites ou orales aux ministres. Ces dernières renvoient toutes aux procédures permettant aux députés d'assurer leur information et leur contrôle sur l'action du gouvernement en interrogeant publiquement un ministre. En plus, elles se distinguent de la censure non seulement par leur objectif mais aussi et surtout par le fait qu'elles n'impliquent aucune sanction directe. Lorsque l'Assemblée nationale adopte la motion de censure ou refuse la confiance, le premier ministre remet au président de la République la démission du gouvernement. Mais, le président de la République peut reconduire le premier ministre dans ses fonctions et lui demander de former un nouveau gouvernement. Cette faculté reconnue au président de la République de reconduire le premier ministre dans ses fonctions est diversement interprétée par la doctrine. Alors en effet que certains auteurs y voient une « bizarrerie institutionnelle » (V. ABA'A OYONO (J.-C.), « Un air de printemps dans le droit parlementaire du Cameroun »,Juridis Périodique, n° 54, avril-mai-juin 2003, pp. 14-35, notamment p. 34), une « humiliation » voire un « camouflet », d'autres en revanche, n'y perçoivent qu'une règle classique en régime parlementaire qui oblige le premier ministre reconduit à chercher à composer avec le Parlement (V. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 32).

* 158 Cité par CHRESTIA (Ph.), « La rénovation du Parlement, une réforme inachevée », RFDC, 1997, pp. 293-322, notamment p. 312.

* 159 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 34.

* 160 Les uns relèvent de sa compétence législative ordinaire : la loi n° 91/019 qui abrège le mandat de l'Assemblée nationale ; la loi n° 91/020 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale; la loi n° 19/022 portant réhabilitation de certaines figures de l'histoire du Cameroun. Sur cette dernière loi, V. ANOUKAHA (F.), « Loi n° 91/022 du 16 décembre 1991 portant réhabilitation de certaines figures de l'histoire du Cameroun. Commentaire », Juridis Info, n° 9, janvier-février-mars 1992, pp. 5-9.

* 161 Nous y reviendrons plus amplement dans le chapitre 2 ci-dessous.

* 162 Cf. MOUELLE KOMBI (N.), « La condition juridique de l'électeur au Cameroun », AFSJP/UD, n° 1, Année académique 2002, janvier-juin 2002, pp. 57-79, notamment p. 36.

* 163 Cf. SINDJOUN (L.), « Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.), La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, Dakar, CODESRIA, 1999, pp. 269-330, notamment p. 283.

* 164 Cf. MONFON YOUTCHAWOU TOGNE, Droit constitutionnel. La révision de la Constitution du 18 janvier 1996, disponible sur ddata.over-blog.com/.../cameroun html.

* 165 Cf. JEANNEAU (B.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 5.

* 166 Cf. DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 173.

* 167 Ibid., p.174.

* 168 Article 1er de la Constitution du 2 juin 1972.

* 169 Cité par DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 174.

* 170 Ibid., p. 174.

* 171 Cité par DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 174.

* 172 Sur la notion de peuple, V. BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., pp. 295 et suiv.

* 173 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 466.

* 174 Cité par le Professeur KEUTCHA TCHAPNGA (C.), Cours de régimes politiques comparés, Master II, option droit public fondamental, année académique 2008/2009.

* 175 L'article 20 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 constitue de ce point de vue une régression de l'idée démocratique du constituant camerounais car il admet la nomination, par le président de la République, d'une partie des représentants du peuple (30 sénateurs).

* 176 Cf. JEANNEAU (B.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 27.

* 177 Ibid., p. 28.

* 178 Ibid., p. 28.

* 179 Cf. MOUELLE KOMBI (N.), « La condition juridique de l'électeur au Cameroun », op. cit., p. 64.

* 180 Tels COTTERET (J. M.) et EMERI (Cl.), cités par MOUELLE KOMBI (N.), « La condition juridique de l'électeur au Cameroun », op. cit., p. 64.

* 181 Cf. ROBERT (P.), Le petit Robert 1, dans son édition de 1990, op. cit.

* 182 Cf. ABA'A OYONO (J.-C.), « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », Afrilex 2001/01, pp. 1-23, notamment, p. 5. V. aussi KAMTO (M.), « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., p. 211.

* 183 Cité par KAMTO (M.), Ibid., p. 211.

* 184 Ibid., p. 212.

* 185 Ibid., p. 212.

* 186 Cf. nos développements précédents consacrés à cette affaire au chapitre 1, section 2, §1.

* 187 Les mots d'ordre et autres slogans proférés à cette occasion par les militants de ce parti sont violents et n'oublient aucun registre de l'injure. Ils ont été répertoriés par KAMTO (M.), Ibid., p. 217.

* 188 Cité par KAMTO (M.), Ibid., p. 218.

* 189 Cité par KAMTO (M.), Ibid., p. 218.

* 190 L'entrée de l'Université dans « l'oeil du cyclone » pour emprunter une formule du professeur KAMTO (M.) vient du fait que le même 26 mai 1990, à l'Université de Yaoundé, des étudiants anglophones sympathisants du SDF marchaient en chantant à travers le campus en signe de soutien au nouveau parti. On les accuse injustement d'avoir chanté l'hymne national du Nigeria dont ils ignorent le moindre couplet. V. à ce sujet KAMTO (M.), Ibid., p. 219.

* 191 Ibid., p. 219.

* 192 L'expression est de KAMTO (M.), Ibid., p. 230.

* 193 Ibid., p. 220.

* 194 Présidée par M. FOUMANE AKAME, un haut magistrat, cette Commission qui siège à la présidence de la République, comprend : quatre magistrats, deux administrateurs civils, trois enseignants d'université (deux politistes et un publiciste), un journaliste et un avocat membre du conseil de l'ordre. V. à ce sujet KAMTO (M.), Ibid., p. 221, en note de bas de page n° 2.

* 195 Cité par KAMTO (M.), Ibid., pp. 221-222.

* 196 Une trentaine dont une douzaine touchant aux libertés publiques. V. KAMTO (M.), Ibid., p. 222.

* 197 Ibid., p. 122.

* 198 V. à propos du contentieux de la saisie et de la censure des journaux, l'ordonnance de référé n° 13/OR/PCA/90-91 du 25 avril 1991, affaire journal « Le Messager » contre Etat du Cameroun, Obs. GUIMDO DONGMO (B.-R.), Juridis Info, n° 17, 1994, pp. 54-56.

* 199 Cf. MOUKOKO MBONDJO (P.), « Le retour au multipartisme au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp. 237-250, notamment p. 237.

* 200 Ibid., p. 238.

* 201 Cf. SINDJOUN (L.), « Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.), La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, op. cit., p. 282.

* 202 En ce qui concerne les noms de ces personnalités, Cf. SINDJOUN (L.) (dir.), La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, op. cit., p. 283.

* 203 Ibid., p. 283.

* 204 Entrent dans cette catégorie les partis politiques tels le SDF, l'UFDC et l'UDC. V. à ce sujet ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, Yaoundé, mars 1994, p. 63.

* 205 Cf. article 20 de la loi n° 72/LF/6 du 26 juin 1972 fixant les conditions d'élection des membres de l'Assemblée nationale.

* 206 Cité par WANDJI K. (J. F.), « Les différents aspects de la légitimité présidentielle au Cameroun hier et aujourd'hui », AFSJP/UDS, Tome 10, 2006, pp. 49-70, notamment p. 63, en note de bas de page.

* 207 Cf. MASSINA (P.), « De la souveraineté des conférences nationales africaines », Revue Congolaise de Droit, n° 15-16, janvier-décembre 1994, pp. 7-36, notamment p. 28.

* 208 Ibid., p. 29.

* 209 Ibid., p. 29.

* 210 Cf. KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987, p. 435.

* 211 Cité par MASSINA (P.), « De la souveraineté des Conférences Nationales Africaines », op. cit., p. 30.

* 212 Ibid., p. 30.

* 213 Ibid., p. 31.

* 214 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 334.

* 215 Cf. ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit., p. 61.

* 216 Régies par les articles 28 et 29 de loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale.

* 217 Article 30 de la loi précitée.

* 218 Article 31 de la loi précitée.

* 219 Article 39 alinéa 1er de la loi précitée.

* 220 L'article 40 alinéa 1er de la loi précitée dispose en effet que la Commission départementale de supervision, dont le siège est fixé au chef-lieu du département, est composée, entre autres, « (...) des personnalités indépendantes désignées par le préfet, de concert avec les partis politiques participant aux élections dans la circonscription en nombre égal à celui des représentants de ces derniers ».

* 221 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 289.

* 222 Cf. ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit., p. 65.

* 223 La récompense n'a pas tardé à venir car le leader du MDR est entré au gouvernement, le 9 avril 1992 comme ministre d'Etat. Il est d'ailleurs l'unique ministre d'Etat que compte l'équipe gouvernementale formée au lendemain des législatives de 1992, son parti ayant obtenu trois autres portes-feuilles. V. à ce sujet. ONANA (H. F.), les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit., pp. 96-97.

* 224 Cf. ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit., p. 96.

* 225 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., pp. 321-322.

* 226 Cf. MBOME (F. X.) et LOGMO MBELEK (A.), « Droit et politique au Cameroun depuis 1982 », Juridis Périodique, n° 67, juillet-août-septembre 2006, pp. 51-65, notamment p. 62.

* 227 En effet, comme l'a justement noté Marie-Claire PONTHOREAU, « si l'opposition n'est pas protégée, la majorité elle-même ne l'est pas car ceux qui la composent, perdent la liberté de changer d'opinion ». V. PONTHOREAU (M.-Cl.), « L'opposition comme garantie constitutionnelle », RDP, n° 4, 2002, pp. 1127-1162, notamment p. 1127.

* 228 Cf. POKAM (H. P.), « L'opposition dans le jeu politique en Afrique depuis 1990 », Juridis Périodique, n° 41, janvier-février-mars 2000, pp. 53-62, notamment p. 53.

* 229 L'expression est empruntée à ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, p. 87.

* 230 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), Cours de régimes politiques comparés, Master II, option droit public, Université de Dschang, année académique 2008/2009, inédit (chapitre 4).

* 231 La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 a néanmoins tenté d'atténuer ce pouvoir dans un sens qui semble tenir compte des initiatives de l'opposition. L'article 18 alinéa 4 dispose, entre autres, que : « Lorsque, à l'issue de deux sessions ordinaires, une proposition de loi n'a pu être examinée, celle-ci est de plein droit examinée au cours de la session ordinaire suivante ».

* 232 A l'instar du Bénin où le président de la République Mathieu KEREKOU avait été contraint de subir les décisions de la Conférence Nationale Souveraine. V. DOSSOU (R.), « Le Bénin : du monolithisme à la démocratie pluraliste, un témoignage », in CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., pp. 179-197. Mais il y a lieu de remarquer que le fait pour ce pays d'avoir expérimenté avec succès une procédure originale (le recours à la Conférence Nationale Souveraine) pour l'élaboration de sa Constitution en ce début de la décennie 1990 a été salué par certains auteurs notamment parce que cette méthode permit au régime en place de faire l'économie de la violence, ne serait-ce que dans son aspect physique. Ce qui n'a pas été le cas dans d'autres pays tel le Zaïre où « l'arrogance du pouvoir donne la mesure d'un terrorisme d'Etat qui bloque tout dialogue et rend inutile l'idée d'une réconciliation par le dialogue et la concertation ». V. à ce sujet NGUELE ABADA (M.), « Démocratie sans Etat : contribution à l'étude des processus démocratiques en Afrique », RADH, 1998, pp. 1-37, notamment pp. 26 et suiv.

* 233 Cf. DONFACK SOKENG (L.), « Etat, autoritarisme et droit de l'homme : la problématique de l'ajustement libéral », in SINDJOUN (L.), la révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, op. cit., pp. 374-425, notamment p. 393.

* 234 Cité par MBOME (F. X.), « Constitution du 2 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution ? », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 16-33, notamment p. 18.

* 235 OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp. 36-37.

* 236 Cf. MBOME (F. X.), « Constitution du 2 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 20-21.

* 237 Ibid., p. 23.

* 238 Ibid., pp. 25-26.

* 239 Ibid., p. 26.

* 240 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 47.

* 241 Cité par OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 41.

* 242 Ibid., p. 34.

* 243 Cités par OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 33, en note de bas de page.

* 244 Pour la liste de ces différentes catégories de personnalités, V. MBOME (F. X.) : « Constitution du 02 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution ? », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 28-29.

* 245 Cité par OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 39.

* 246 Article 89 alinéa 2 de la Constitution française du 4 octobre 1958 encore en vigueur.

* 247 Cette lecture de la Constitution est remise en cause par le Professeur Olivier BEAUD qui soutient qu'il faut faire une distinction entre l'acte constituant et l'acte de révision de la Constitution. Cette distinction entraîne dans l'opinion de cet auteur que seul le peuple souverain intervienne dans l'acte constituant alors que la révision constitutionnelle peut être réalisée par les représentants. V. en ce sens, LAVROFF (D.-G.), Le droit constitutionnel de la Vè République, op. cit., pp. 102 et suiv.

* 248 OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 42.

* 249 Ibid., p. 43.

* 250 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., p. 297.

* 251 OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 44.

* 252 Ibid., p. 44.

* 253 Ibid., p. 44.

* 254 Cité par OLINGA (A.-D.), Ibid., p. 44.

* 255 Ibid., p. 45.

* 256 Cf. KAMTO (M.), « Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle Constitution », Lex Lata, n ° 023-024, février-mars 1996, pp. 17-20.

* 257 Ibid., p. 18.

* 258 Ibid., p. 19.

* 259 Cf. ONDOA (M.), « La loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. Commentaire », Juridis Périodique, n° 25, janvier-février-mars 1996, pp. 11-14, notamment p. 12.

* 260 Car si pour cet auteur le juge constitutionnel a effectivement rendu une décision d'inconstitutionnalité, cette position a été ultérieurement démentie dans une mise au point parue dans le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune qui a tenu à préciser que la Cour Suprême n'a émis qu'un simple avis. V. SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « L'idée de régulation dans la construction du droit constitutionnel actuel des Etats d'Afrique noire francophone », RRJ, n° XXXII-119 2007-3, pp. 1543-1583, notamment p. 1565, en note de bas de page.

* 261 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Note sous Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel, décision n° 001/CC/ 02-03 du 28 novembre 2002 », op. cit., p. 63.

* 262 Car plusieurs autres auteurs ont soutenu cette thèse à l'instar de KANKEU (J.), Droit constitutionnel. Théorie générale, op. cit., p. 57 ; et DONFACK SOKENG (L.), « Les ambiguïtés de la `'révision constitutionnelle'' du 18 janvier 1996 au Cameroun », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 34-69, notamment pp. 41et suiv. ; etc.

* 263 Cf. NGUELE ABADA (M.), « Ruptures et continuités constitutionnelles en République du Cameroun : réflexions à propos de la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 », RADIC, 1998, pp. 308-326, notamment p. 310.

* 264 OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., p. 19.

* 265 Ibid., p. 20.

* 266 Ibid., p. 22.

* 267 Ibid., p. 21.

* 268 Ibid., p. 21.

* 269 Cf. MBOME (F. X.), « Constitution du 2 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution ?», in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), Réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., notamment la partie de sa contribution intitulée « conclusion générale », pp. 30-33.

* 270 Ibid., p. 32.

* 271 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Le Préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire », Lex Lata, n° 023-024, op. cit., pp. 33-38, notamment p. 34.

* 272 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 37, en note de bas de page.

* 273 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Le Préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire », op. cit., p. 34.

* 274 Ibid., p. 34.

* 275 Ibid., p. 38.

* 276 Signée et ratifiée par le Cameroun respectivement le 23 juillet 1987 et le 20 juin 1989.

* 277 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 35.

* 278 Cités par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 35.

* 279 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 36.

* 280 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Le Préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire », op. cit., p. 38, note de bas de page n° 44.

* 281 Sur les développements relatifs au Parlement bicaméral, cf. chapitre 1 de la seconde partie de cette étude.

* 282 Qualité qu'elle n'avait, en réalité, jamais eu à s'en approprier du fait que le président de la République était le « véritable juge de la constitutionnalité des lois au Cameroun ». V. à ce sujet DONFACK SOKENG (L.), « Cameroun : Le contrôle de constitutionnalité des lois hier et aujourd'hui. Réflexions sur certains aspects de la réception du constitutionnalisme moderne en droit camerounais », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 362-405, notamment pp. 374-376.

* 283 Cf. ABA'A OYONO (J.-C.), « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », op. cit., p. 19.

* 284 Article 47 alinéa 4 de la Constitution.

* 285 C'est l'avis de ABA'A OYONO (J.-C.), « Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996 », op. cit., p. 19.

* 286 Cf. la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel ainsi que celle n° 2004/005 du même jour fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel.

* 287 On signalera pour mémoire que l'article 10 (nouveau) de l'ordonnance n° 72/26 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême modifiée et complétée par la loi n° 76/28 du 14 décembre 1976 disposait en ce qui avait trait au contentieux administratif que « La Cour Suprême ...comprend une Assemblée plénière jugeant en appel et une chambre administrative jugeant en premier ressort ». Mais, l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême sont depuis 2006 régis par la loi n° 2006/016 du 29 décembre 2006.

* 288 Il en est ainsi notamment du Gabon, du Burkina Faso, etc. Lire à ce sujet, Documents du Sénat français. Le bicaméralisme en Afrique et dans le monde Arabe. Forum des Sénats et des secondes Chambres d'Afrique et du monde Arabe, février 2001, disponible sur http://www.sénat.fr/sénatsdumonde/bicamafrique2001. html, 7 pages (13/09/2002).

* 289 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 56.

* 290 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 12.

* 291 KIEMDE (P.), « Le bicaméralisme en Afrique et au Burkina Faso », Revue Burkinabé de droit, n° 2, janvier 1992, pp. 27-30, cité par NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », SOLON, Vol. 1, n° 1, Douala 1999, pp. 107-134, notamment p. 108.

* 292 Depuis 1916, la colonie allemande était passée sous les administrations française et britannique qui appliquaient chacune son système dans chacune des deux parties du territoire qui lui revenait.

* 293 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., pp. 108. 

* 294 Cf. NGOH (V. J.), Constitutional developments in Southern Cameroons, 1946-1961 (from trusteeship to Independence), Yaoundé, CEPER, 1990, p. 206, cité par NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », SOLON, Vol. 1, n° 1, Douala 1999, pp. 107-134, notamment p. 108, en note de bas de page.

* 295 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 108.

* 296 Ibid., p. 108.

* 297 Cité par NACH MBACK (Ch.), Ibid., pp.108-109.

* 298 Ibid., p. 109.

* 299 Ibid., p. 109.

* 300 Cité par NACH MBACK (Ch.), Ibid., p. 110.

* 301 L'article 14 prévoyait en effet que le président de la République devait nommer 40 des 100 sénateurs. Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 43.

302 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 120.

* 303 Cf. Articles 55 à 62 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 304 Cf. MOMO (B.), « Le Parlement camerounais », op. cit., pp. 21-24.

* 305 Ibid., p. 22.

* 306 Ibid., p. 22.

* 307 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Droit constitutionnel et conflits politiques dans les Etats francophones d'Afrique noire », RFDC, n° 63, juillet 2005, pp. 451-491, notamment p. 461.

* 308 Ibid., p. 462.

* 309 DEBBASCH (Ch.) et autres, cités par MOMO (B.), « Le Parlement camerounais », op. cit., p. 22.

* 310 Article 15 alinéa 1er de la loi constitutionnelle de1996.

* 311 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 109.

* 312 Ibid., p. 121.

* 313 Comme MIRACHY (J.-P.) qui affirme que le Sénat « pourrait opposer la réflexion de l'âge mûr aux emportements de la jeunesse », cité par NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 111.

* 314 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 123.

* 315 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale... », op. cit., pp. 47 et suiv.

* 316 Nous pensons notamment aux délégués du gouvernement auprès de certaines communautés urbaines du pays.

* 317 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 127, en note de bas de page.

* 318 Cf. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains »,  op. cit., p. 120.

* 319 Ibid., pp. 120-121.

* 320 Article 20 alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 321 Article 20 alinéa 4 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 322 Cf. Documents du Sénat français. Le bicaméralisme en Afrique et dans le monde Arabe, Forum des Sénats et Secondes Chambres d'Afrique et du monde Arabe, février 2001, disponible sur http:// www.senatdumonde/bicamafrique2001, op. cit.

* 323 Cf. article 18 alinéa 3 (b), article 23 alinéa 3 (b), article 47 alinéas 2 et 3 et article 48 alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 324 Article 30 in fine de loi constitutionnelle de 1996.

* 325 Cf. ESMEIN (A.), Eléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, Panthéon-Assas, 2001, pp. 1067-1084, notamment p. 1068.

* 326 Cf. TRICOT (B.), HADAS-LEBEL (R.) et KESSLER (D.), Institutions politiques françaises, Paris, Presses de Sciences Politiques et Dalloz, 1995, pp. 123-139, notamment p. 128.

* 327 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 115.

* 328 Ibid., p. 115.

* 329 Article 63 alinéa 3 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 330 Cf. ESMEIN (A.), Eléments de droit constitutionnel français et comparé, op. cit., p. 1070.

* 331 Le congrès étant composé de 280 membres et la majorité absolue étant réunie lorsque 141 des ceux-ci ont voté pour la révision, il est possible que, même au sein de cette instance, seule l'Assemblée nationale vote et adopte un texte de révision alors que tous les sénateurs ont voté contre ce texte ou se seraient abstenus tout court de voter.

* 332 TROPER (M.) cité par ONDOA (M.), « La distinction entre Constitution souple et Constitution rigide en droit constitutionnel français », AFSJP/UD, n° 1, Année 2002, janvier-juin 2002, pp. 66-118, notamment p. 81, en note de bas de page.

* 333 Cité par ONDOA (M.), « La distinction entre Constitution souple et Constitution rigide en droit constitutionnel français », op. cit., p. 81.

* 334 Cf. ESMEIN (A.), Eléments de droit constitutionnel français et comparé, op. cit., p. 1068.

* 335 L'expression est de Jean-Jacques ROUSSEAU, Cité par ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », op. cit., p. 46.

* 336 Puisque aux termes de l'article 14 alinéa 5 de la Constitution, « nul ne peut appartenir à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat ».

* 337 Cf. ONDOA (M.), « La distinction entre Constitution souple et Constitution rigide en droit constitutionnel français », op. cit., p. 82.

* 338 LASCOUMES (P.) et SERVERIN (E.) cités par HAGUENAU (C.), L'application effective du droit communautaire en droit interne. Analyse comparative des problèmes rencontrés en droit français, anglais et allemand, éd. Bruylant, Collection de Droit international, 1995, p. 2.

* 339 Cité par OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », Lex Lata, n° 033, mars 1997, pp. 3-9, notamment p. 4.

* 340 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 4.

* 341 Ibid., p. 4.

* 342 Ibid., p. 4.

* 343 Cf. DEBBASCH (Ch.), BOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., pp. 22-23.

* 344 Ibid., p. 22.

* 345 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? » op. cit., pp. 296 et suiv.

* 346 Cf. le Rapport ETONG (H.), 1995, cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 297.

* 347 Ibid., p. 297.

* 348 Ibid., p. 297.

* 349 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 6.

* 350 Cité par BEDJI (H.), citée par KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire, op. cit., p. 439.

* 351 Article 14 alinéa 6 de la Constitution.

* 352 Article 57 alinéa 2 in fine de la Constitution.

* 353 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 6.

* 354 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », op. cit., p. 40. 

* 355 Cf. ONDOA (M.), « Ajustement structurel et réforme du fondement théorique des droits africains post-coloniaux : l'exemple du Cameroun », RASJ, Vol. 2, n° 1, 2001, pp. 75-118, notamment pp. 80 et suiv.

* 356 Article 6 alinéa 4 (a) de la Constitution.

* 357 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 8.

* 358 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., p. 298.

* 359 DELPEREE (F.), cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 298.

* 360 Ibid., p. 298.

* 352 Le Général de Gaulle avait fait recours à la voie référendaire pour contourner le veto du Sénat en mettant en oeuvre l'article 11 de la Constitution de 1958. C'est d'ailleurs l'une des révisions constitutionnelles les plus controversées quant à sa régularité dans la doctrine constitutionnelle de ce pays. V. à ce sujet ARDENT (Ph.), Institutions politiques et Droit constitutionnel, 11è éd., op. cit., pp. 90-96. V. aussi BRANCHET (B.), La révision de la Constitution sous la Vè République, Paris, LGDJ, 1994, pp. 97 et suiv.

* 361 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 8.

* 362 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », op. cit., pp. 51-54.

* 363 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 6.

* 364 Cf. BOLLE (S.) cité par ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », op. cit., p. 53.

* 365 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », op. cit., p. 41.

* 366 Cf. SALL (A.), « Processus démocratiques et bicéphalisme du pouvoir exécutif en Afrique noire francophone : un essai de bilan », op. cit., p. 216. V. aussi MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., pp. 286 et suiv.

* 367 Le constitutionnalisme tel qu'il ressort de la théorie du droit constitutionnel doit être entendu comme « le moyen formel par excellence de limitation de l'absolutisme et de l'arbitraire du pouvoir des gouvernants afin de rendre leur domination légitime, c'est-à-dire acceptée et non subie par la population sur laquelle elle s'exerce ». V. à ce propos WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », Juridis Périodique, n° 74, avril-mai-juin 2008, pp. 84-106, notamment p. 84.

* 368 C'est du reste l'avis de WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., p. 87. La limitation du nombre de mandat présidentiel est en effet considérée par certains auteurs comme « l'acquis libéral, républicain et constitutionnel des recompositions politiques des années 1990 (...) ». Lire par exemple OWONA NGUINI (M. E.), « Controverse autour d'une révision constitutionnelle : Mathias Eric OWONA NGUINI répond à Stéphane BOLLE », disponible sur http ://ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/35/48/78/596-controverse-autour-d'une-révision-constitutionnelle-mathias-eric-owona-nguini-répond-a-stephane-bolle-1-.pdf, p. 6.

* 369 Loi n° 92 / 010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à la présidence de la République, modifiée par la loi n° 97/020 du 9 septembre 1997.

* 370 Cf. le Rapport ETONG (H.), 1995, cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit, p. 295, en note de bas de page.

* 371 En ce qui concerne les deux autres propositions de révision relatives respectivement à la CENA et à l'élargissement des compétences du Conseil constitutionnel à toutes les élections, V. § 1 (B) ci-dessous.

* 372 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au Cameroun », op. cit., p. 53.

* 373 Cf. à ce propos SINDJOUN (L.), « Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.) (dir.), La révolution passive au Cameroun, op. cit., p. 284.

* 374 Cf. à ce sujet la proposition faite par les parlementaires SDF intitulée « Pour une élection transparente et libre au Cameroun » soumise le 8 janvier 1998 au Comité technique mis en place par le RDPC et lui. V. annexe n° 2 ci-dessous.

* 375 Cités par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., pp. 294-295.

* 376 Cf. à ce sujet la proposition des parlementaires SDF intitulée « Pour une élection transparente et libre au Cameroun » du 8 janvier 1998, op. cit.

* 377 Ibid.

* 378 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au Cameroun », op. cit., p. 51.

* 379 Il s'agissait là de la première mise en oeuvre du principe de la troisième présentation, une des principales innovations de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. Mais il y a lieu de relever que cette disposition ne concernerait que les propositions de lois déclarées recevables par la Conférence des présidents et inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Or, ce n'était pas encore le cas de la proposition de loi en question.

* 380 Cf. OLINGA (A.-D.), « La `'naissance'' du juge constitutionnel camerounais : La Commission électorale nationale autonome devant la Cour Suprême », Juridis Périodique, n° 36, octobre-novembre-décembre 1998, pp. 71-77, notamment p. 73.

* 381 Cf. MOMO (Cl.), « Quelques aspects constitutionnels du droit électoral rénové au Cameroun », AFSJP/UD, n° 1, Année 2002, janvier-juin 2002, pp. 139-173, notamment p. 154.

* 382 Cf. à ce sujet outre OLINGA (A.-D.) et MOMO (Cl.) dans leurs articles ci-dessus cités, V. MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au Cameroun », op. cit., pp. 51-52.

* 383 Allusion est ainsi faite à l'irrecevabilité financière consacrée par l'article 18 alinéa 3 (a) de la loi constitutionnelle de 1996.

* 384 Dans le cadre de la sixième législature, aucun parti politique d'opposition n'avait obtenu le seuil critique de 60 députés qui lui auraient permis d'initier seul une proposition de loi ou de faire convoquer une session extraordinaire de l'Assemblée nationale à l'effet d'examiner une proposition de loi. C'est donc pour surmonter cet obstacle numérique que les députés de l'opposition parlementaire avaient été obligés de se coaliser. Ils disposaient à cet effet d'un total de 62 députés (dont 43 pour le SDF, 13 pour l'UNDP, 5 pour l'UDC et 1 pour le MLJC). V. à ce propos, MOUANGUE KOBILA (J.), « Création des normes : les occasions manquées du nouveau parlementarisme pluraliste au Cameroun », op. cit., p. 51.

* 385 Cf. La proposition du SDF en date du 8 janvier 1998 précitée.

* 386 Cf. OLINGA (A.-D.), « La `'naissance'' du juge constitutionnel camerounais : La Commission électorale nationale autonome devant la Cour Suprême », op. cit., pp. 71-72.

* 387 Cf. SINDJOUN (L.), « Le paradigme de la compétition électorale dans la vie politique : entre tradition de monopole politique, Etat parlementaire et Etat seigneurial », in SINDJOUN (L.) (dir.), La révolution passive au Cameroun, op. cit., p. 315.

* 388 LEKENE DONFACK cité par WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., p. 92.

* 389 C'est d'ailleurs l'option privilégiée par les présidents de la République pour les révisions constitutionnelles opérées de 1975 à 1991.

* 390 C'est notamment le cas de la révision constitutionnelle du 10 novembre 1969 instituant la procédure référendaire en matière de révision. Cette loi est souvent considérée comme une reprise, par le président Ahmadou AHIDJO, des techniques de révision dont avait fait usage le général de GAULLE. Voir à ce propos NJOYA (J.), « La constitutionnalisation des droits des minorités au Cameroun : usages politiques du droit et phobie du séparatisme », Juridis Périodique, n° 37, janvier-février-mars 1999, pp. 37-49, notamment p. 41.

* 391 Cf. WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., p. 93.

* 392 A titre d'exemple, le cas du député RDPC de la Manyu AYAH Paul Abine qui était absent de l'Assemblée nationale lors de l'adoption de la loi de révision le 10 avril 2008. Interrogé sur son absence, il a indiqué avoir écrit au secrétaire général de la Chambre en déplorant la trop forte pression du « Gouvernement qui n'a pas voulu que l'on vote contre dans les rangs du RDPC ». V. à ce propos le quotidien Mutations, n° 2132, du 11 avril 2008, p. 5.

* 393 Cf. WANDJI K. (J. K.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., p. 95.

* 394 Le texte du projet de révision proposé aux députés a été publié dans le journal Dikalo, n° 1155 du 7 avril 2008, p. 7.

* 395 Cf. le journal La pointe du jour dans sa livraison du 11 avril 2008, p. 5.

* 396 Ibid., p. 5.

* 397 V. ces dispositions à l'annexe n° 2 ci-dessus.

* 398 Cf. le journal La pointe du jour dans sa livraison du 11 avril 2008, op. cit., p. 4.

* 399 Ibid., p. 4.

* 400 Cf. Le journal Dikalo dans sa livraison du 7 avril 2008, p. 7.

* 401 Cf. OWONA NGUINI (M. E.), « Controverse autour d'une révision constitutionnelle : Mathias Eric OWONA NGUINI répond à Stéphane BOLLE », disponible sur http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/13548/78/596-controverse-autour-d'une-révision-constitutionnelle-mathias-eric-owona-nguini-répond-a-stephane-bolle-1-.pdf., 11 p., notamment p. 3.

* 402 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 8.

* 403 OLINGA (A.-D.), cité par BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution est légale ? », disponible sur File://F:\ar, la_modification_ de _la_Constitution_est_légale _, 4303. html, 5 p., notamment p. 1.

* 404 Ibid., p. 2.

* 405 Cf. le journal Le Messager n° 2587 du 7 avril 2008, p. 8.

* 406 Ibid., p. 8.

* 407 Cf. OLINGA (A.-D.), « Le pouvoir exécutif dans la Constitution révisée », Lex Lata, n° 023-024, février-mars 1996, pp. 29-32, notamment p. 31.

* 408 Cf. article 15 alinéa 4 nouveau.

* 409 OLINGA (A.-D.), cité par BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution est légale ? », op. cit., p. 3.

* 410 Ibid., p. 3.

* 411 Tels la nomination des juges constitutionnels par le pouvoir politique, la mise en veilleuse des statuts de la magistrature, etc. Sur les obstacles à l'indépendance des membres des juridictions constitutionnelles, V. FOUMANE ZE (E. Cl.), « L'indépendance des juridictions constitutionnelles en Afrique noire francophone et à Madagascar », Juridis Périodique, n° 57, janvier-février-mars 2004, pp. 93-100, notamment pp. 97 et suiv.

* 412 Cf. FAVOREU (L.), « Le Conseil constitutionnel, régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics », RDP, 1967, pp. 5-120.

* 413 Cf. à ce sujet le journal Dikalo, op. cit., p. 7.

* 414 OLINGA (A.-D.), cité par BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution est légale ? », op. cit., p. 4.

* 415 Nous avons préféré l'expression « de son mandat » par rapport à celle plus objective « du mandat présidentiel » en raison du fait que c'est celle-là même qui était contenue dans le projet initial déposé devant l'Assemblée nationale. Car, elle semble plus conforme à l'objectif visé par son auteur, à savoir être, le cas échéant, le principal bénéficiaire de la réforme projetée.

* 416 Cf. OWONA NGUINI (M. E.), « Controverse autour d'une révision constitutionnelle : Mathias Eric OWONA NGUINI répond à Stéphane BOLLE », op.cit., p. 6.

* 417 Tels la Tunisie (mai 2002), le Togo (décembre 2002), le Gabon (juillet 2003), le Tchad (2005) pour ne retenir que ces quelques exemples en l'Afrique francophone. Pour les autres Etats ayant supprimé la clause de limitation du nombre de mandats présidentiels, V. WANDJI K. (J. F.), « Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., pp. 91 et suiv.

* 418 Les images du dépeçage de KANYON DO (S.), président du Libéria d'avril 1980 sont encore présentes dans les mémoires.

* 419 Par exemple M. COMPAORE (B.) accède au pouvoir au Burkina Faso le 17 octobre 1987 en tuant son prédécesseur SANKARA (Th.). V. à ce propos WANDJI K. (J. F.), «Les zones d'ombre du constitutionnalisme en Afrique », op. cit., p. 98, en note de bas de page.

* 420 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale... », op. cit., p. 53.

* 421 Cf. JEANNEAU (B.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 191.

* 422 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., p. 292.

* 423 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., p. 292.

* 424 Ibid., p. 292.

* 425 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., p. 292.

* 426 Cité par MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ?», op. cit., pp. 292-293.

* 427 Cf. le journal Dikalo, op. cit., p. 7.

* 428 Tel est l'avis du Professeur OLINGA (A.-D.). Cf. BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution est légale ? », op. cit., p. 3.

* 429 Tel est l'avis du Professeur OLINGA (A.-D.). V. à ce sujet BATONGUE (A. B.), « La modification de la Constitution est légale ? », op. cit., p. 3.

* 430 Cf. KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987, pp. 427-447, notamment p. 436.

* 431 Cf. ONDOA (M.), « Une résurrection : le régime parlementaire camerounais », AFSJP/UD, n° 2, juin-décembre 2002, pp. 6-42.

* 432 Cf. GUIMDO DONGMO (B.-R.), « La constitutionnalisation de la décentralisation au Cameroun », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 292-317.

* 433 L'« Institutionnalisation » du pouvoir doit être entendue ici dans le sens que lui donnent GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), c'est-à-dire comme le « processus par lequel le pouvoir est dissocié des individus qui l'exercent et incorporé dans l'institution étatique ». V. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 257.

* 434 Selon NACH MBACK (Ch.) par exemple, « ...le Cameroun dispose aujourd'hui de la Constitution la plus mal rédigée de son histoire, et peut-être même de l'Afrique de ces dernières années. Certaines de ses dispositions sont pratiquement inapplicables, soit du fait de leur incohérence, soit du fait de leur caractère contradictoire par rapport à la version anglaise ». V. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 133, en note de bas de page.






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