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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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Première Partie :

LES MUTATIONS DU POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1996

L'observation de la réalité de la structure du pouvoir constituant dérivé au Cameroun de 1990 à 1996 nous amène à constater qu'à l'instar des pouvoirs exécutif et législatif, ce pouvoir a connu des mutations. Le terme mutation est susceptible de plusieurs acceptions. En droit civil comme en droit commercial, le terme mutation signifie le « Transfert d'un bien d'un patrimoine dans un autre (mutation à titre particulier) ou substitution d'une personne à une autre à la tête d'un patrimoine (mutation à titre universel) »60(*). En droit du travail, il traduit la « Modification de la situation d'un salarié résultant de son affectation à un autre poste ou à une autre fonction, ou dans un autre service ou établissement de la même entreprise »61(*). Ces clarifications faites, précisons que la notion de mutation telle qu'envisagée dans le cadre de cette étude relève du littéraire. Il apparaît ce faisant logique d'interroger le dictionnaire qui indique qu'il s'agit là d'un vocable latin, « mutatio » en l'occurrence, et se traduisant, en langue française, par le mot changement62(*).

De cette équivalence terminologique, on retiendra, qu'une mutation est la résultante d'une chose ou d'un fait qui connaît, à un moment donné, quelque transformation. Appliquée au cadre de notre étude, cette notion renvoie au fait qu'entre 1990 et 1996, et même après cette date, le pouvoir constituant dérivé ne présente plus la même physionomie ni ne fonctionne de la même manière qu'avant cette période.

Démontrer cette thèse nécessite que l'on s'attarde d'une part sur la réalité du pouvoir constituant dérivé de 1990 à 1991 qui est l'Assemblée nationale monolithique (Chapitre 1) et d'autre part sur celle du pouvoir constituant dérivé en 1996 qui est l'Assemblée nationale pluraliste (Chapitre 2).

Chapitre 1 : LE POUVOIR CONSTITUANT DERIVE DE 1990 A 1991, POUVOIR DE L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE

Comme dans bon nombre d'Etats africains, le pouvoir constituant dérivé au Cameroun en 1991 est une Assemblée nationale monolithique. En effet, il s'agit d'une Assemblée nationale constituée des députés issus d'un seul parti politique : d'où l'adjectif qualificatif monolithique pour rendre compte de cet état de chose qui était par ailleurs en contradiction avec le caractère démocratique de la République. Pourtant, une partie de la doctrine des publicistes met à son actif d'importantes innovations inscrites dans la Constitution de 1972 à l'instar de la réintroduction, en 1991, d'un poste de premier ministre dans la structure de l'Exécutif. Mais avant d'en venir à ses innovations apportées à la Constitution à la faveur des révisions constitutionnelles de 1991 (Section 2), il convient d'analyser au préalable l'organe qui les a apportées à savoir l'Assemblée nationale monolithique (Section 1).

Section 1 : L'ASSEMBLEE NATIONALE MONOLITHIQUE

Le caractère monolithique de l'Assemblée nationale est amplement reflété par sa structure (§1). Mais en tant qu'organe institué par la Constitution, l'Assemblée nationale tient de cette dernière les pouvoirs d'y apporter des modifications, c'est-à-dire de la réviser (§2).

§1 : LA STRUCTURE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE

Toute personne curieuse de comprendre ce que recouvre l'Assemblée nationale est vouée à aller à la découverte de sa structure. En d'autres termes, analyser la présentation de l'Assemblée nationale, organe révisionniste, suppose que l'on décrive ses principaux pensionnaires que sont les députés, d'une part (A), et les cadres institutionnels chargés d'encadrer ceux-ci, à savoir les organes de l'Assemblée nationale, d'autre part (B).

A - Les députés de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale est animée par certains citoyens représentant le peuple et qui sont appelés « députés »63(*). Cette qualification constitutionnelle de ceux qui reçoivent mandat du peuple est reprise par l'article 1er du règlement de l'Assemblée nationale64(*) qui dispose clairement que ses « membres (...) portent le titre de député ». Cependant, le législateur ne se contente guère de dire qui possède la qualité de parlementaire (1) mais il aménage également des mécanismes destinés à la protection du mandat parlementaire (2).

1 - La qualité de parlementaire

L'acquisition de la qualité de parlementaire est soumise à des conditions d'éligibilité déterminées par la loi. Toutefois, cette qualité n'est jamais définitivement acquise car son titulaire peut la perdre de façon plus ou moins volontaire. Il est question de s'appesantir sur ces deux aspects de la qualité de parlementaire et surtout de mettre en exergue le fait qu'avant 1992, seuls les militants du parti unique de fait, à savoir l'UNC devenu RDPC en 1985, pouvaient y prétendre.

Les conditions d'éligibilité sont prévues par la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 modifiée et complétée par la loi n° 97/013 du 19 mars 1997 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale. De l'article 17 de cette loi, il ressort que peut être inscrit sur une liste de candidats aux élections à l'Assemblée nationale tout citoyen camerounais remplissant un certains nombre de conditions limitativement énumérées. C'est ainsi qu'il doit être de nationalité camerounaise sans distinction de sexe, ou avoir acquis cette nationalité par voie de naturalisation ; jouir du droit de vote ; être inscrit sur une liste électorale ; avoir 23 ans révolus à la date du scrutin ; savoir lire et écrire le français ou l'anglais  ; verser au Trésor public un cautionnement d'un montant de 50.000 francs et être investi par un parti politique légalisé.

Ces conditions d'éligibilité, qui sont assez libérales, exception faite de l'obligation d'être investi par un parti politique, doivent continuellement être remplies par le candidat, qu'il soit titulaire ou suppléant, même après son élection effective.

Cependant, de telles conditions n'ont été mises en oeuvre que dans une période relativement récente, car du fait de l'existence au Cameroun entre septembre 1966 et décembre 1990 d'un monopartisme de fait, les citoyens ne pouvaient être investis par un parti politique autre que le parti unique au pouvoir. En effet, contrairement à plusieurs Etats africains qui avaient donné une base constitutionnelle au parti unique65(*), le passage au Cameroun du multipartisme au monopartisme n'exigea pas le changement ni de la Constitution, ni de la loi de 1967 sur les associations. La Constitution de 1972 dans les mêmes termes que sa devancière de 1960 a toujours reconnu le pluripartisme. Mais elle était tout simplement, dans les faits, rendue ineffective dans ses dispositions par l'émergence d'un parti unique de fait. Et, jusqu'aux lois libérales intervenues en décembre 1990 dont l'une est relative aux partis politiques, qui se serait enhardi à créer un parti se serait attiré les foudres du pouvoir ou se serait vu entré dans l'oeil du cyclone pour emprunter une formule du Professeur Maurice KAMTO. Dans ce contexte, les électeurs n'avaient d'autre choix que de ratifier ou de rejeter la liste de candidats choisis par le parti. En effet, sous le règne du parti unique, les parlementaires étaient soit nommés à l'intérieur des instances du parti, soit élus sur une liste dressée par le président du parti, liste qui était parfois plébiscitée en même temps que le candidat à la présidence de la République66(*).

Dépourvu de tout fondement juridique, l'avènement du monopartisme au Cameroun trouvait toutefois sa source dans l'option idéologique prise par les pouvoirs en place dans plusieurs pays d'Afrique depuis 1960 pour la plupart. Aux lendemains des indépendances africaines, ceux-ci ont en effet avancé de nombreux arguments pour justifier le parti unique : pratique, la nécessité de l'union et du développement, les risques d'affrontements ethniques ; historique : l'unanimisme (présumé) des sociétés africaines traditionnelles et idéologique : la construction d'une société sans classe67(*).

Mais, le monopartisme ne fut une réalité au Parlement camerounais qu'avec les premières élections législatives organisées après l'avènement de l'Etat unitaire. En effet, le 18 mai 1973, est élue l'Assemblée nationale du Cameroun alors composée uniquement des députés militants de l'UNC 68(*). Après le remplacement de cette dernière par le RDPC en 1985, le renouvellement de tous les organes de base dudit parti et les législatives de 1987 qui suivront, se feront certes avec une pluralité de candidatures, mais toutes investies par ce nouveau parti unique69(*).

La Constitution fixe elle-même la durée du mandat du parlementaire : celle-ci dure cinq ans. La durée du mandat soulève la question de savoir quand débute ce mandat et à quel instant précis prend-il fin. Le premier volet de cette question permet de déterminer le moment à partir duquel la qualité de parlementaire est acquise. Est-ce immédiatement après l'investiture populaire ou bien lors de l'ouverture de la session initiale qui annonce la législature ? Cette question invite à faire la distinction entre la nomination et l'entrée en fonction.

Le titre juridique de l'élu ou la qualité de parlementaire était constituée par la proclamation des résultats des élections par la Commission nationale de recensement général des votes en application de l'article 47 alinéa 2 (d) de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée70(*). Mais, depuis la révision constitutionnelle de 1996, cette qualité est acquise à partir de la proclamation, par le Conseil constitutionnel, des résultats des élections71(*). L'entrée en fonction n'intervient qu'au moment où cessent les pouvoirs des élus sortants. Ceci ressort de l'article 1er alinéa 5 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée qui indique que le mandat des députés à l'Assemblée nationale « commence le jour de l'investiture de la session ordinaire qui suit le scrutin ». Il s'agit de la session ordinaire de plein droit qui s'ouvre le deuxième mardi après la proclamation des résultats par la Cour Suprême ou par le Conseil constitutionnel respectivement avant ou après l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle de 1996. Et c'est au cours de cette séance que l'Assemblée nationale procède à la validation des mandats des députés72(*).

En clair donc, la qualité de parlementaire n'est pas acquise dès la nomination, c'est-à-dire, la proclamation officielle des résultats électoraux, mais plutôt au moment de la prise de fonction qui correspond à l'ouverture de la session parlementaire à laquelle ne siège plus les ex-députés.

La qualité de parlementaire ne dure qu'autant que dure la législature. Cette cessation normale du mandat parlementaire correspond à l'échéance de la législature, c'est-à-dire à l'épuisement de la durée normale de cinq ans pour laquelle est élu tout député. Mais, la perte de la qualité de parlementaire peut exceptionnellement être différée, car l'article 12 alinéa 2 de la Constitution originaire de 1972 et l'article 15 alinéa 1er de la loi constitutionnelle de 1996 reconnaissent tous au président de la République la faculté de demander à l'Assemblée nationale de décider par une loi de proroger son mandat. Dans ce cas de figure, la perte de la qualité de parlementaire interviendra au terme de la conjonction de la période normale de cinq ans et celle de l'allonge intervenue. La perte de la qualité de parlementaire peut aussi intervenir lorsque l'échéance normale du mandat a été écourtée ou précipitée. Il en est ainsi notamment lorsqu'il y a dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République73(*) ou lorsque celle-là, à la demande de celui-ci, décide par une loi, d'abréger son mandat74(*). La perte de sa qualité de député par l'élu peut enfin être précipitée par un évènement affectant son mandat tels que la démission volontaire du député titulaire, le décès75(*), l'acceptation d'une fonction incompatible avec le mandat, la déchéance prononcée par le Bureau de l'Assemblée nationale suite à la découverte d'une inéligibilité76(*). Dès cet instant, le député ne bénéficie plus pleinement de la protection que lui assure la qualité de mandataire.

* 60 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 306.

* 61 Ibid., p. 306.

* 62 Cf. ROBERT (P.), Le Petit Robert 1, Paris, 1990.

* 63 Articles 12 alinéa 1er et 15 alinéa 1er de la Constitution du 2 juin 1972 respectivement avant et après le 18 janvier 1996.

* 64 Il s'agit en réalité de la loi adoptée en séance plénière le 26 novembre 2002 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 73/1 du 08 juin 1973 portant règlement de l'Assemblée nationale et promulguée le 02 décembre 2002 (loi n° 2002/005) par le président de la République sans égard au dispositions censurées par la Cour Suprême, statuant en tant que juge constitutionnel de transition en application de l'article 47 alinéa 1er de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa version de 1996. D'où la controverse relative à sa constitutionnalité. V. à ce sujet les auteurs comme KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Note sous Cour Suprême, décision n° 001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 », Juridis Périodique, n°53, janvier-février-mars 2003, pp. 61-66 ; ABIABAG (I.), « De l'inconstitutionnalité de la validation des mandats parlementaires », RCDSP, 2è Année, n° 2, janvier 2007, pp. 51-70 ; NGUELE ABADA (M.), « La réforme du règlement intérieur de l'Assemblée nationale du Cameroun », RASJ, vol. 1, n° 3, 2003, pp. 20-56.

* 65 Au Zaïre par exemple, le maréchal MOBUTU promulgue en 1966 une Constitution entièrement conçue pour légitimer au nom de l'authenticité l'absolutisme présidentiel. Sur les partis uniques de droit, V. CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, p. 15.

* 66 Cf. KEUTCHA TCHAPNGA (C.), Cours de régimes politiques comparés, Master II, option droit public, Université de Dschang, année académique 2008/2009, inédit.

* 67 Cf. CONAC (G.) (dir.), L'Afrique en transition vers le pluralisme politique, op. cit., p. 492.

* 68 L'Union Nationale Camerounaise, dirigée par le président AHIDJO (A.) est née le 1er septembre 1966 de la fusion des partis politiques ci-après :

-L'Union Camerounaise (UC), dirigée par AHIDJO (A.);

-La Cameroon People National Convention (CPNC) du Dr. ENDELEY (E.);

-Le Kamerun National Democratic Party (KNDP) de NGU FONCHA (J.);

-La Cameroon United Congress (CUC) dirigée par TANDENG MUNA (S.);

* 69 Cf. MANDJACK (A.), « L'Assemblée nationale camerounaise dans le miroir de l'autoritarisme », SOLON, Vol. 1, 1999, pp. 1-21, notamment p. 14, en note de bas de page.

* 70 Aux termes de l'article 47 alinéa 2 (d) de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale en effet, «elle arrête et proclame les résultats des élections ».

* 71 Article 48 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

* 72 Cf. METEMBOU (M.), Cours de droit parlementaire et électoral, Maîtrise, option droit et carrières administratives, Université de Dschang, année académique 2007/2008, inédit.

* 73 Article 26 in fine alinéa de la loi constitutionnelle n° 91/001 du 23 avril 1991 précitée. V. aussi l'article 8 alinéa 12 de la loi constitutionnelle de 1996.

* 74 Article 12 alinéa 2 de la Constitution du 2 juin 1972 dans sa version d'avant 1996.

* 75 Mais à la différence des autres cas de vacance de siège du titulaire précités et qui ouvrent les portes de l'Assemblée nationale au suppléant, le décès du député titulaire ne permet pas son remplacement par son suppléant. Il ressort en effet de l'article 9 alinéa 2 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée qu'après leur élection, et dans tous les autres cas de vacance autres que le décès du titulaire, le suppléant est appelé à siéger à l'Assemblée nationale, à la place du député jusqu'à la fin du mandat de celui-ci. La raison d'être de cette disposition serait simple : elle serait en effet, dans le contexte camerounais, destinée à empêcher les meurtres commandités par les suppléants pour prendre la place des titulaires. V. à se sujet NCHOUWAT (A.) (dir.), Assemblée nationale du Cameroun : compétences et configuration, Yaoundé, PUA, 2005, 186 pages, notamment p. 21. En tout état de cause, il est procédé à des élections partielles dans les douze mois qui suivent la vacance lorsqu'il se produit une ou plusieurs vacances définitives par suite de décès, de démission du titulaire et du suppléant ou par toute autre cause dans la circonscription électorale, sauf si la vacance se produit moins d'un an avant la fin de la législature.

* 76 Article 22 in fine de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 précitée.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote