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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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b - La réalité du monocéphalisme

Une seconde lecture plus approfondie de la loi constitutionnelle du 23 avril 1991 conduit à une interprétation différente de la précédente. L'Exécutif y demeure dans une large mesure monocéphale. A l'appui de cette thèse, on peut invoquer au moins quatre raisons.

La première est qu'à la simple lecture du texte de révision, le premier ministre ne semble pas être un organe autonome. Comme ses devancières, la révision de la Constitution de 1991 ne lui réservait pas une place spéciale en lui consacrant un titre particulier comme c'est le cas pour les autres organes principaux de l'Etat. Il est simplement logé au titre II intitulé « Du président de la République », ce qui révèle déjà sa dépendance à l'égard de ce dernier.

La deuxième est précisément cette dépendance étroite dans laquelle il se trouve vis-à-vis du président de la République. En effet, nommé par celui-ci, le premier ministre est également responsable devant lui, qui peut, sinon le révoquer ad nutum, à tout le moins le forcer à présenter la démission de son gouvernement. Cette position institutionnelle en fait déjà un simple organe déconcentré.

La troisième raison est que la loi constitutionnelle ne précise pas dans certaines matières l'étendue des compétences du premier ministre de sorte qu'on peut conclure que celui-ci n'y détient qu'une marge de manoeuvre sinon théorique, du moins résiduelle.

Enfin, la quatrième raison, qui est la principale, et vient confirmer les autres est tirée de la pratique institutionnelle postérieurement à ce retour de l'institution primo-ministérielle. A cet égard, on peut dire que l'Exécutif n'est pas partagé entre le Chef de l'Etat et le Chef du gouvernement. La réforme visait manifestement à instaurer un poste de premier ministre conçu pour jouer le rôle de « servant »152(*) sans pour autant que soit portée atteinte à la centralité du président de la République au sein du pouvoir exécutif. A preuve, après sa nomination au poste de premier ministre le 25 avril 1991, Monsieur Sadou AYATOU ne put ni former le gouvernement de large ouverture et fortement rajeuni qu'il avait promis, ni mener effectivement la politique de réconciliation qu'il avait annoncée ; il apprit la composition du nouveau gouvernement dont il était sensé être le Chef presque à la radio comme le commun des citoyens153(*). Dans le même ordre d'idées, Monsieur Simon ACHIDI ACHU qui lui a succédé à la primature était confiné aux cérémonies folkloriques avec les Chefs traditionnels154(*). Il n'avait ni l'initiative politique, ni même l'autorité sur les membres de son gouvernement, la quasi-totalité des ministres se réclamant directement du président de la République. Ce qui atteste qu'il ne s'agissait que d'une simple déconcentration de l'Exécutif dans lequel le premier ministre n'était, par rapport aux autres membres du Gouvernement, qu'un primus inter pares.

Un tel régime ne peut cependant fonctionner normalement que s'il y a coïncidence entre majorité présidentielle et majorité parlementaire ou si le président de la République est capable de se composer une majorité à l'Assemblée nationale afin de désigner un premier ministre qui s'appuierait sur ladite majorité. Mais, qu'adviendrait-il alors en cas d'opposition entre majorité présidentielle et majorité parlementaire ? Le président de la République serait-il tenu de choisir le premier ministre dans les rangs du parti ou des partis majoritaires à l'Assemblée nationale selon une pratique républicaine fort établie dans la plupart des vieilles démocraties, ou aurait-il la latitude de le choisir même dans les rangs d'un parti numériquement minoritaire au Parlement ? Et surtout, comment pourrait se gérer la cohabitation au regard de la loi constitutionnelle analysée ?

Il serait assurément difficile d'envisager une cohabitation à la française dans la mesure où la Constitution révisée ainsi que les moeurs politiques camerounaises n'en créent pas les conditions ; elles ne permettent pas à un président de la République et un premier ministre issus de majorités opposées de gouverner ensemble sans trop de heurts tout en conservant chacun son identité politique. Une situation de cohabitation obligerait simplement le premier ministre à appliquer une politique qui n'est pas celle sur laquelle la majorité parlementaire qu'il représente a été élue155(*).

En définitive, le système mis en place par la révision du 23 avril 1991 était extrêmement rigide et ne laissait le choix qu'entre l'assimilation du premier ministre à la majorité présidentielle et sa démission. Pour cette raison, elle était potentiellement source de crises politiques dans un régime où le Parlement tend à se revigorer et essaie, bien difficilement il est vrai, de jouer son rôle de contrôle de l'Exécutif.

* 152 Cf. à ce propos NGUEMEGNE (J. Ph.), « Le ministre camerounais de la IVè République, plus servant que serviteur », Juridis Périodique, n° 36, octobre-novembre-décembre 1998, pp. 65-71.

* 153 Cf. KAMTO (M.), « Dynamique constitutionnelle du Cameroun indépendant », op. cit., p. 32.

* 154 Ibid., p. 32.

* 155 Ibid., p. 33.

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