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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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B - La consistance de la loi constitutionnelle du 16 décembre 1991

La consistance de loi constitutionnelle du 16 décembre 1991 révèle incontestablement qu'il s'agissait d'une réforme dans l'air du temps. Elle faisait logiquement suite à une série de lois ordinaires promulguées depuis le second semestre de l'année 1990 par le président de la République pour tenter de décrisper l'atmosphère politique. A cet égard, elle était importante à deux titres. Elle réalisait un abaissement de l'âge de la majorité électorale (2). Toutefois, le propre des réformes n'étant pas nécessairement de faire table rase du passé, l'article 2 (nouveau) avait sauvegardé tous les autres aspects de la souveraineté qu'il convient de clarifier au préalable (1).

1 - Les aspects statiques de la souveraineté

La souveraineté est l'expression par laquelle on désigne dans la terminologie française un pouvoir suprême, c'est-à-dire qui ne relève d'aucun autre165(*). Appliquée à l'Etat, la souveraineté revêt deux aspects. C'est d'abord la souveraineté de l'Etat : l'Etat souverain est celui qui conduit les relations internationales, le plus souvent, il en a le monopole, car il admet difficilement que l'une de ses composantes, qu'il s'agisse des régions ou même d'Etat membre d'un Etat fédéral, y participe. C'est ensuite la souveraineté dans l'Etat, c'est un pouvoir illimité de commandement mais qui ne s'exerce qu'à l'intérieur des frontières de l'Etat. Ceci dit, l'article 2 nouveau est resté tel quel sur trois points majeurs : le titulaire de la souveraineté (a), les caractéristiques du vote et le suffrage universel (b).

a - Le titulaire de la souveraineté

L'article 2 nouveau de la Constitution stipule que la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l'exerce, soit par l'intermédiaire du président de la République et des députés à l'Assemblée nationale, soit par voie de référendum. Comme les constituants de 1960, ceux de 1972 n'ont pas franchement opté en faveur d'un principe, la souveraineté nationale ou la souveraineté populaire, mais ont choisi de faire un compromis. Mais tel qu'elle est reprise par l'article 2 ainsi révisé, la formulation du compromis entre la souveraineté nationale et la souveraineté populaire apparaissait ambiguë.

En effet, si le système constitutionnel repose sur le principe de la souveraineté nationale, seule la nation est souveraine ; elle peut seule exercer cette souveraineté, et ne peut donc le faire que par le biais de ses représentants166(*). A aucun moment, on ne peut consulter la nation par référendum, puisqu'il est impossible de faire voter les morts et ceux qui ne sont pas encore nés. Or, la nation se compose aussi des morts et de ceux qui ne sont pas encore nés. En revanche, il est dans la logique de ce principe que l'alinéa 2 reprenne la célèbre disposition contenue dans la Constitution des 3-14 septembre 1791. Dès lors, si la souveraineté est attribuée au peuple, alors la référence à la nation est superfétatoire.

En réalité, on retrouve dans cet article la tentative de conciliation opérée en 1972 entre les deux types de souveraineté. Cette conciliation s'exprime non seulement en matière constitutionnelle, mais aussi en matière législative. C'est là la traduction de la pensée du général De Gaulle : « ...or si j'étais convaincu que la souveraineté appartient au peuple dès lors qu'il s'exprime directement et dans son ensemble, je n'admettais pas qu'elle put être morcelée... »167(*). Cet article réaffirme, en réalité, le principe traditionnel en droit public de la souveraineté nationale avec ses conséquences : continuité de la Nation, solidarité des générations, permanence des générations, régime représentatif, prohibition du mandat impératif, indivisibilité de la souveraineté. Mais en même temps, elle élargit les modes d'expression de la souveraineté. Celle-ci s'exprime non seulement par la voie des représentants de la Nation mais aussi par la voix du peuple. Le maintien de cette extension des modes d'expression de la souveraineté ne fait que confirmer le caractère démocratique de la République168(*). En conférant au peuple, outre son rôle électoral, un pouvoir direct de décision, la Constitution démocratise le régime représentatif en confirmant par là même le mot de SIEYES selon lequel si les citoyens dictaient leurs volontés, ce ne serait plus un Etat représentatif, ce serait un Etat démocratique169(*). Cependant, il faut relever que selon le Conseil constitutionnel français, dans cette combinaison, l'élément « souveraineté nationale » est prépondérant. En effet, il affirmait dans l'une de ses décisions en date de 1976 que «  ...la souveraineté qui est définie à l'article 3 de la Constitution ne peut être que nationale... »170(*). Le peuple auquel est attribuée la souveraineté nationale est nettement délimité. Comme l'écrit Georges BURDEAU, « ce que la démocratie aussi bien dans sa théorie que dans ses applications pratiques désigne sous le nom de peuple, ce n'est jamais le peuple réel, le peuple au sens physique du mot constitué de tous les individus qui composent actuellement le groupe, c'est un concept de peuple, c'est-à-dire une systématisation abstraite de certains éléments empruntés au réel et à partir duquel on élabore la notion de peuple »171(*).

Ainsi compris, le peuple n'est donc pas la masse mais uniquement les individus auxquels la Constitution confère la qualité d'électeur. A cette conception normative du peuple s'oppose conception réaliste. D'après cette seconde thèse défendue par Maurice HAURIOU et Carl SCHMITT, on ne peut pas séparer le peuple comme opinion publique du peuple comme ensemble d'électeurs. Ce dernier auteur par exemple soutient que la minorité agissante représente le peuple et que le consentement de celui-ci peut être seulement tacite. Le peuple est identifié alors d'un côté, à la foule ou la masse (qui s'oppose au peuple comme corps électoral) et de l'autre côté, à la minorité active révolutionnaire (exemple le Parti léniniste) qui agit au nom du peuple. Le peuple est donc ici dédoublé, mais il cesse d'être identifié à la somme des électeurs172(*).

* 165 Cf. JEANNEAU (B.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 5.

* 166 Cf. DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 173.

* 167 Ibid., p.174.

* 168 Article 1er de la Constitution du 2 juin 1972.

* 169 Cité par DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 174.

* 170 Ibid., p. 174.

* 171 Cité par DEBBASCH (Ch.), DOURDON (J.), PONTIER (J. M.) et RICCI (J. C.), La Vè République, op. cit., p. 174.

* 172 Sur la notion de peuple, V. BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., pp. 295 et suiv.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams