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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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§2 : LES CONSEQUENCES DE L'INEFFECTIVITE DU BICAMERALISME

Le bicaméralisme voulu par le constituant ne pouvait être mis en état de fonctionnement d'un seul coup. En attendant son fonctionnement normal et effectif, il fallait organiser la période transitoire. C'est l'objet de l'article 67 alinéa 3 de la Constitution qui tire deux conséquences du principe de progressivité posé à l'alinéa 1er . L'une est positive et concerne le retour à l'Assemblée nationale en tant qu'organe compétent pour réviser la Constitution (A). L'autre est négative et non expressément exprimée par le constituant lui-même, à savoir la suspension du Sénat dans la procédure de révision pendant la phase transitoire (B).

A - Le retour à l'Assemblée nationale en tant qu'organe compétent pour réviser la Constitution

L'Assemblée nationale actuelle, en plus de ses compétences propres, se voit attribuer les prérogatives reconnues au Sénat nouvellement créé. En effet, l'alinéa 3 de l'article 67 précité dispose à cet égard que « l'Assemblée nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif et jouit de l'ensemble des prérogatives reconnues au Parlement jusqu'à la mise en place du Sénat ».

Ce dédoublement fonctionnel de l'Assemblée nationale pose deux problèmes distincts : l'identification des prérogatives qui s'ajoutent à celles propres de l'Assemblée nationale et la vérification de la prédisposition de l'Assemblée nationale à exercer convenablement les attributions qui lui sont ainsi provisoirement confiées. Il ne serait pas inintéressant de se pencher sur la question de la portée potentielle de cet exercice provisoire des attributions du Sénat.

Sur le premier point, il résulte de l'alinéa 3 de l'article 67 précité que l'Assemblée nationale doit, quoique Chambre unique, fonctionner comme un Parlement bicaméral ou à tout le moins offrir un produit législatif ou un acte de révision proche de celui qu'on aurait obtenu par l'application des règles de la procédure législative ordinaire ou de révision constitutionnelle dans un Parlement bicaméral. Cependant, cette disposition telle que libellée, ne résout pas clairement le problème de la délimitation des compétences ainsi provisoirement dévolues à l'Assemblée nationale.

Mais, il convient de relever qu'exercer la plénitude du pouvoir législatif renvoie à trois ordres de compétence. C'est d'abord disposer de l'initiative législative des lois, les discuter, les amender, les voter. C'est ensuite contrôler le Gouvernement au moyen des questions écrites ou orales, et de Commissions d'enquêtes. C'est enfin pouvoir censurer le Gouvernement.

Agissant comme l'ensemble du Parlement, l'Assemblée nationale peut autoriser le président de la République à prendre des ordonnances en application de l'article 28 de la Constitution ; elle peut initier une proposition de révision constitutionnelle ; elle peut tenir lieu de congrès dans le cas d'adoption d'une loi constitutionnelle, etc. Jusque-là, nous sommes en présence d'attributions traditionnelles de l'ancienne Assemblée nationale. Le dédoublement est donc plus formel que réel. Jusque-là également, s'arrêtent les compétences du Sénat susceptibles d'être exercées par l'ex-Chambre unique. Car, si celle-ci exerce le pouvoir législatif et fait office de Parlement, elle ne peut pas jouir des prérogatives attribuées en propre au Sénat. Il en est ainsi à un double point de vue.

D'un coté, seul le président du Sénat est compétent pour la désignation de trois (3) des onze (11) membres du Conseil constitutionnel après avis du bureau du Sénat. De l'autre côté, la fonction de président de la République par intérim qu'assure en propre le président du Sénat ou son suppléant suivant l'ordre de préséance au Sénat ne saurait être exercée par celui de l'Assemblée nationale356(*). A ce niveau, le dédoublement souhaité est simplement impossible.

Cette interprétation que fait le professeur Alain-Didier OLINGA357(*) de l'alinéa 3 de l'article 67 de la Constitution, est remise en cause par le Professeur James MOUANGUE KOBILA surtout en ce qui concerne l'incompétence du président de l'Assemblée nationale à procéder à la désignation de trois des onze membres du Conseil constitutionnel en lieu et place du président du Sénat. Dénonçant le cumul des prérogatives du Sénat et des siennes propres par l'Assemblée nationale, l'auteur écrit : « L'on pourrait ajouter que le cumul des fonctions des deux Chambres par l'Assemblée nationale serait pareillement impuissant à satisfaire à la conception de la séparation des pouvoirs prévalant aux 17è et 18è siècles, qui supposait que le pouvoir législatif ne fut pas concentré entre les mains d'une seule Assemblée et de maintenir l'équilibre des pouvoirs, la balance penchant un peu trop en faveur du président de l'Assemblée nationale au détriment du président de la République, notamment dans le domaine de la désignation des membres du Conseil constitutionnel, avant la mise en place effective du Sénat »358(*).

Sur le second point, on peut douter de la prédisposition de l'Assemblée nationale à exercer convenablement les attributions du Sénat. L'argument du Gouvernement selon lequel il n'y aurait pas urgence à mettre en place les nouvelles institutions dans la mesure où certaines de ces institutions fonctionnaient déjà de facto, en l'occurrence le Sénat dont l'Assemblée nationale exerce les compétences jusqu'à sa mise en place effective, n'est pas pertinent. Les fonctions spécifiques de représentation catégorielle de caractère politique et les fonctions législatives à caractère technique qui incombent aux deux Chambres du Parlement ne sauraient en effet être exercées dans le cadre d'un cumul, même provisoire, des attributions de celles-ci par l'Assemblée nationale tant en ce qui concerne la législation ordinaire de l'article 26 que la législation constitutionnelle de l'article 63 de la Constitution. Une Assemblée nationale cumulant ses attributions propres avec celles du Sénat ne saurait, à l'évidence, ni garantir le double examen de tout projet ou de toute proposition de loi, ni jouer le rôle de contre-pouvoir dévolu au Sénat face à l'Assemblée nationale et face à l'Exécutif, ni a fortiori agir avec la même liberté qu'une Chambre haute à l'abri du pouvoir de dissolution de l'Exécutif, ni même « susciter les compromis qui permettent de faire oeuvre harmonieuse ou conciliatrice »359(*) dans le cadre de la fonction « régulatrice, pondératrice, stabilisante de la Chambre haute »360(*).

On peut même penser qu'un tel cumul serait dangereux pour l'existence même du Sénat en tant qu'organe. En effet, il est à craindre que l'Assemblée nationale dans son dédoublement fonctionnel ne procède à des réformes directement dirigées contre le Sénat, ce d'autant plus que ce dernier est fréquemment perçu comme une Chambre concurrente qui peut en plus s'opposer aux initiatives tant de la Chambre basse que du président de la République. L'exemple français constitue, de ce point vue une illustration éclatante dans la mesure où la Constitution ne permet pas, exception faite du recours au référendum comme ce fut le cas en 1969361(*), qu'une révision constitutionnelle puisse aboutir sans le consentement du Sénat. Il résulte de son article 89 alinéa 2 que le projet de révision doit être voté par les deux Chambres en termes identiques, la révision n'étant définitive qu'après avoir été approuvée par référendum.

Enfin, au-delà de ces appréhensions, il convient de mesurer la portée d'un dédoublement fonctionnel réussi. Certes, ce dédoublement fonctionnel peut être regardé comme traduisant une hésitation sérieuse pour certains organes en général et le Sénat en particulier quant à leur opportunité même d'exister. Mais, dans l'hypothèse où le dédoublement fonctionnel provisoire est réussi, jugé satisfaisant, il peut définitivement retarder à défaut de la rendre inutile, la mise en place du Sénat. Et c'est le lieu de dire que la modification d'une Constitution, l'institution de nouveaux organes de l'Etat sont une réponse à une demande constitutionnelle identifiable. Comme l'a relevé de la façon la plus indiscutable qui soit le Professeur Alain-Didier OLINGA, « le Cameroun avait besoin d'une Constitution venant ratifier le cours démocratique engagé depuis 1990 »361(*). Comment expliquer qu'en dépit de cette ratification on puisse différer la vie concrète de ces structures ? De deux choses l'une en effet : ou ces institutions étaient nécessaires et il faut les mettre en état de fonctionner, ou elles ne l'étaient pas et il fallait en faire l'économie.

Quoiqu'il en soit, le Sénat demeure une étape négligeable dans la procédure de révision constitutionnelle au Cameroun, du moins pendant la période transitoire.

* 356 Article 6 alinéa 4 (a) de la Constitution.

* 357 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 8.

* 358 Cf. MOUANGUE KOBILA (J.), « Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun ? », op. cit., p. 298.

* 359 DELPEREE (F.), cité par MOUANGUE KOBILA (J.), Ibid., p. 298.

* 360 Ibid., p. 298.

* 352 Le Général de Gaulle avait fait recours à la voie référendaire pour contourner le veto du Sénat en mettant en oeuvre l'article 11 de la Constitution de 1958. C'est d'ailleurs l'une des révisions constitutionnelles les plus controversées quant à sa régularité dans la doctrine constitutionnelle de ce pays. V. à ce sujet ARDENT (Ph.), Institutions politiques et Droit constitutionnel, 11è éd., op. cit., pp. 90-96. V. aussi BRANCHET (B.), La révision de la Constitution sous la Vè République, Paris, LGDJ, 1994, pp. 97 et suiv.

* 361 Cf. OLINGA (A.-D.), « L'article 67 de la Constitution », op. cit., p. 8.

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