WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

( Télécharger le fichier original )
par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

C - Historique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun

L'historique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun commence avec sa consécration juridique dès 1960 (1), mais son exercice est controversé en doctrine (2).

1 - La consécration juridique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun

La consécration juridique du pouvoir constituant dérivé au Cameroun est également contemporaine à cette systématisation théorique de la distinction entre ce pouvoir et le pouvoir constituant originaire.

En effet, ce n'est qu'en 1960 lorsqu'il accède à la souveraineté internationale que le Cameroun adopte pour la première fois une Constitution au sens formel du terme, promulguée le 4 mars de la même année. Le titre XI de cette Constitution traite exclusivement de la révision de la Constitution, à l'instar du titre XIV de la Constitution française du 4 octobre 195833(*). Il ne pouvait en être autrement, en raison des liens qui l'unissaient à la Grande-Bretagne et, surtout, à la France dont la plupart des textes ont été repris à cette époque dans le système juridique camerounais34(*). Depuis lors, le pouvoir constituant dérivé figure parmi les organes institués par les Constitutions du Cameroun.

On peut ainsi constater qu'il est maintenu aussi bien dans la « Loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution actuelle aux nécessités du Cameroun unifié »35(*) où il occupera de 1961 à 1972 le titre X, que dans la Constitution du 2 juin 1972 et la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 où il occupe respectivement le titre IX et le titre XI36(*).

2 - L'exercice controversé du pouvoir constituant dérivé depuis 1961

Le pouvoir constituant dérivé est également constamment mis en oeuvre. De 1961 à 1972, il est exercé deux fois. La première mise en oeuvre intervient le 10 novembre 1969 par la voie référendaire, avec la loi n° 69/LF/14 modifiant et complétant certaines dispositions des articles 10, 11, 15, 16, 24, 39 et 44 de la Constitution du 1er septembre 196137(*). La seconde est intervenue le 4 mai 1970 par la voie parlementaire, avec la loi n° 70/LF/1 complétant le troisième alinéa de l'article 9 de la Constitution du 1er septembre 196138(*).

Mais c'est de 1972 à nos jours que le pouvoir constituant dérivé, essentiellement le Parlement, va être sollicité le plus grand nombre de fois. En 1975 en effet, c'est-à-dire trois ans à peine après son adoption par voie référendaire, comme du reste sa devancière de 1960, la Constitution du 2 juin 1972 faisait l'objet de sa première retouche avec la loi n° 75/01 du 9 mai 1975 qui en modifiait, en plus de l'article 5 instituant un poste de premier ministre dans la structure de l'Exécutif, les articles 7, 8, 26, 32, 34, la dénomination et le contenu du titre X, celui-ci passant de « Dispositions transitoires » à « Dispositions finales ». Cette importante réforme sera confirmée voire consolidée avec la loi n° 79/02 du 12 juin 1979, laquelle érige le premier ministre au rang de dauphin constitutionnel39(*). A la suite de la démission du président Ahmadou AHIDJO le 4 novembre 198240(*), cette dernière loi constitutionnelle connaîtra sa mise en application concrète et le Cameroun, la première transition politique à la tête de l'Etat le 6 novembre 1982.

A partir de l'année 1982 cependant, le Cameroun entre dans une période de crises politiques nées du conflit survenu entre le nouveau président, Paul BIYA, et son prédécesseur, Ahmadou AHIDJO, postérieurement au départ de ce dernier du pouvoir. Celui-ci avait en effet, en démissionnant de ses fonctions de président de la République, eu le réflexe de conserver la présidence du parti unique qu'il entendait continuer à exercer41(*). C'est dans l'optique de consolider son pouvoir et surtout de mettre un terme à ce bicéphalisme de fait, que le nouveau président de la République va fréquemment initier des projets de révisions qui seront tous adoptés par l'Assemblée nationale et promulgués par lui-même en 1983, 1984 et 1988. C'est ainsi que dès le 21 juillet 1983, la loi n° 83/10 portant modification de l'article 12 de la Constitution de 1972 va faire passer le nombre de députés de l'Assemblée nationale de 120 à 150. Le 29 novembre de la même année, la loi n° 83/26 modifiant l'article 7 de la Constitution permettait au premier ministre investi des fonctions de président de la République dans les conditions prévues par la réforme de 1979, de décider, s'il le juge utile, de la tenue d'élections présidentielles anticipées. Puis intervenait la révision constitutionnelle du 4 février 1984 qui modifiait les articles 1, 5, 7, 8, 26 et 34 de la Constitution. Par cette loi, la dénomination du Cameroun mutait de « République Unie du Cameroun » à « République du Cameroun » tout court42(*) pendant que le poste de premier ministre disparaissait de la structure du pouvoir exécutif43(*). Les révisions opérées le 17 mars 1988 quant à elles apportaient deux nouvelles innovations : la nouvelle version de l'article 7 réintroduisait la possibilité pour le président de la République d'organiser une élection présidentielle anticipée (loi constitutionnelle n° 88/030), reprenant ainsi purement et simplement la formule utilisée dans la loi de révision du 29 novembre ci-dessus citée supprimée par la révision de février 1984, tandis que celle de l'article 12 de la Constitution portait le nombre des députés à l'Assemblée nationale de 150 à 180 (loi constitutionnelle n° 88/032).

En plus, au début des années 1990, le Cameroun, à l'instar de beaucoup de pays africains, notamment ceux au sud du Sahara, entre dans une période de turbulences sociopolitiques qui menacent sérieusement la stabilité voire la survie du régime en place. Des demandes pressantes pour la tenue d'une Conférence nationale souveraine en vue de refonder l'Etat au Cameroun par la mise sur pied de nouvelles institutions politiques et administratives sont formulées. En réaction à ces exigences populaires, associatives et politiques, le pouvoir soumet à l'Assemblée nationale plusieurs projets de loi portant modification de la Constitution du 2 juin 1972 au détriment de la voie référendaire préconisée par une frange de la population. Ces projets seront adoptés par l'Assemblée nationale et les lois de révisions correspondantes promulguées par le président de la République respectivement en 1991, 1996 et en 2008. Ces révisions ont transformé les institutions consacrées par la Constitution. La révision constitutionnelle du 23 avril 1991 consacre un changement de régime politique, car elle introduit voire réintroduit les éléments essentiels du régime parlementaire dans l'ordre constitutionnel camerounais44(*). Cette nouvelle donne constitutionnelle a été maintenue, voire renforcée avec la réforme constitutionnelle du 18 janvier 199645(*).

Au demeurant, la notion de pouvoir constituant dérivé relativement bien définie en doctrine constitutionnelle française, juridiquement consacrée en droit positif camerounais est constamment mise en oeuvre dans notre ordre juridique.

Pourtant, l'analyse qui consiste à considérer que tous les actes du pouvoir constituant dérivé sont des actes de révision n'est pas constante au regard de la doctrine camerounaise du droit constitutionnel. Selon certains auteurs en effet, le pouvoir constituant dérivé au Cameroun aurait, notamment en 1961 et en 1996 procédé, non pas à la révision des Constitutions en vigueur, mais plutôt à l'établissement de nouvelles sous prétexte de réviser celles en vigueur au moment où l'opération est enclenchée. De ce point de vue, la distinction ci-dessus opérée entre le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant originaire qui l'a instituée, est relativement floue, au plan doctrinal. Ainsi, depuis la promulgation de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996, le Professeur Maurice KAMTO soutient que « Comme en 1961, la `'révision'' de 1996 est une fraude à la procédure ou pour être plus précis, un détournement de procédure dans la mesure où dans un cas comme dans l'autre, on a mis en oeuvre la procédure de révision constitutionnelle pour établir des Constitutions totalement nouvelles du point de vue substantiel »46(*). Dans le même sens, le Professeur Magloire ONDOA défend l'idée selon laquelle la loi du 18 janvier 1996 apporte des changements qui ne sauraient s'intégrer dans la logique d'une simple révision47(*). Et le fait pour l'auteur de parler quelques années plus tard, s'agissant de la Constitution du 2 juin 1972 de « la survie de l'ancienne Constitution » et, s'agissant de la loi constitutionnelle de 1996 de « l'inertie de la  nouvelle Constitution »48(*), rend l'identification au Cameroun d'un pouvoir constituant dérivé distinct du pouvoir constituant originaire fort subtile.

Cette interprétation de la loi constitutionnelle de 1996 est mise en doute par le Professeur François Xavier MBOME et combattue par le Professeur Alain-Didier OLINGA. Pour le premier en effet, « si on affirme que la Constitution du 18 janvier 1996 est une Constitution nouvelle (...) il y aurait lieu de se demander s'il n'y a plus de différence entre un pouvoir constituant originaire et un pouvoir constituant institué ou dérivé... »49(*). Pour le second, il n'y a pas eu en 1996 une nouvelle Constitution tout comme il n'existe pas deux Constitutions au Cameroun. Pour cet auteur, dès lors que l'on parle juridiquement de Constitution, il ne peut logiquement en exister qu'une seule à un moment donnée de la vie d'une collectivité étatique50(*).

C'est dire qu'après celle de sa devancière de 1961, l'ampleur de la révision constitutionnelle de 1996 a remis à l'ordre du jour la question du pouvoir constituant dérivé qui n'a cessé de retenir l'attention de la doctrine camerounaise au lendemain de la promulgation de la loi constitutionnelle de 1996. En réalité, c'est dans le prolongement direct de cette controverse doctrinale autour de cet organe de l'Etat que s'inscrit la présente étude sur le pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008. Toutefois, il n'est pas question ici de l'aborder d'un point de vue procédural, ni de se limiter aux innovations qu'il a introduites dans la Constitution, encore moins de trancher la controverse ci-dessus évoquée ; mais plutôt de se borner à sa nature même d'organe constitué situé à un moment donné de l'évolution des normes constitutionnelles au Cameroun, en l'occurrence depuis 1990. D'où la nécessité d'un fil directeur, c'est-à-dire d'une problématique.

* 33 Mais la révision de la Constitution française est actuellement régie par le titre XVI de la même Constitution.

* 34 Cf. BIPOUM WOUM (J.-M.), « Recherches sur les aspects actuels de la réception du droit administratif dans les Etats d'Afrique noire d'expression française : le cas du Cameroun », RJPIC, n° 3, 1972, pp. 359-387, cité par GUIMDO DONGMO (B.-R.) , « La responsabilité politique du gouvernement dans la Constitution camerounaise », RRJ, n° XXXII- 120 (32è année - 120è numéro), 2007-4, pp. 2099-2119, notamment p. 2101.

* 35 Selon l'intitulé formel de cette loi constitutionnelle.

* 36 La question de savoir si le pouvoir constituant dérivé peut modifier les dispositions constitutionnelles à lui consacrées est controversée. En raison de l'absence d'une réponse claire à cet égard de la part du constituant camerounais (tout comme de la part de son homologue français de 1958), certains auteurs ont pris position sur la question. Il en est ainsi notamment de JEANNEAU (B.) qui, dans son ouvrage précité (p. 82), pense qu'un tel pouvoir ne peut appartenir qu'au souverain, c'est-à-dire au pouvoir constituant originaire. Il faut en effet, selon cet auteur, contester au pouvoir constituant dérivé la compétence pour modifier cette partie-clé de la Constitution. Il avance à cet égard deux arguments à savoir que modifier la procédure de révision ce n'est pas seulement transformer une partie comme une autre de la Constitution ; c'est également changer l'autorité maîtresse de la Constitution. Cette position est néanmoins loin d'avoir retenu l'attention tant du constituant français de 1958 que des constituants camerounais depuis 1960 comme en témoigne dans le premier cas la loi du 10 juillet 1940 et celle du 3 juin 1958 et, dans le second cas, la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 et celle du 18 janvier 1996.

* 37 OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, Yaoundé, PUCAC, 2006, p. 9, en note de bas de page.

* 38 Ibid., p. 9.

* 39 Cette loi modifiait en réalité deux articles de la Constitution. L'article 5 nouveau enlevait au président de la République la faculté qu'il avait de nommer ou non un premier ministre, c'est-à-dire qu'elle faisait du premier ministre une institution permanente de la structure gouvernementale. L'article 7 nouveau faisait du titulaire de ce poste le président de la République en cas de vacance à la présidence de la République. Sur la notion de dauphin constitutionnel, V. KAMTO (M.), «Dauphin constitutionnel dans les régimes politiques africains : les cas du Cameroun et du Sénégal », Penant, n° 781-782, août-décembre 1982.

* 40 En ce qui concerne le discours intégral de démission du président Ahmadou AHIDJO, Voir ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, Yaoundé, CEPER, mars 1994, p. 45.

* 41 Ibid., pp. 46 et suiv.

* 42 Article 1er de la loi constitutionnelle du 4 février 1984.

* 43 Cf. articles 5, 7, 8, 26 et 34 de ladite loi.

* 44 Cf. GUIMDO DONGMO (B.-R.), « La responsabilité politique du gouvernement dans la Constitution camerounaise », op. cit., p. 2102.

* 45 Ibid., p. 2102.

* 46 Cf. KAMTO (M.), « Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle Constitution », Lex Lata, n° 023-024, février-mars 1996, pp. 17-20, notamment p. 20.

* 47 Cf. ONDOA (M.), « La loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. Commentaire », Juridis Périodique, n° 25, pp. 11-14, notamment p. 12.

* 48 Cf. ONDOA (M.), « La Constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », RASJ, Vol. 1, n° 1, 2002, pp. 20-56, notamment pp. 25 et suiv.

* 49 MBOME (F. X.), « Constitution du 02 juin 1972 révisée ou nouvelle Constitution ? », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, Yaoundé, Fondation Friedrich Ebert, 1996, pp. 16-33, notamment p. 32.

* 50 Cf. OLINGA (A.-D.), La Constitution de la République du Cameroun, op. cit., pp. 23 et suiv.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery